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Course aux armements dans la région ÉVOLUTION DES LIVRAISONS DE 1960 À 2000 du Proche-Orient et des pays du Golfe L ’étroite corrélation qui s’instaure entre les crises internationales et la course aux armements est particulièrement vérifiable en analysant l’histoire récente du Proche-Orient. Les causes qui ont porté à un réarmement forcené dans cette région sont attribuables à quatre événements spécifiques : l’opposition États-Unis-Union soviétique ; le conflit arabo-israélien ; la guerre Iran-Irak ; et l’invasion du Koweït. L’analyse de Michele Brunelli, universitaire italien, spécialiste des questions de transferts d’armements dans la région du Proche et Moyen-Orient 1. Michele Brunelli La Guerre froide Jusqu’à la deuxième moitié des années 1960, le flux des armes que les superpuissances et leurs alliés ont transféré dans les arsenaux des pays en voie de développement (PVD) est limité. Il s’agit souvent de cessions de surplus militaires donnés aux pays amis, où l’aspect économico-commercial de la transaction est secondaire. C’est avec l’administration Nixon que se vérifie un changement dans la perception idéologique du transfert d’armes. La vente de technologies sensibles et de matériaux de guerre commence à s’imprégner d’un poids politique. Elle devient un instrument politico-diplomatique pour consolider les liens d’amitié et d’alliance avec des États tiers, permettant de contrer, d’après les préceptes les plus classiques de la doctrine de l’endiguement, l’expansionnisme soviétique. La course aux armements a une très grande influence sur les dépenses militaires des deux superpuissances, qui croissent de manière exponentielle, et sur le développement de l’industrie lourde des pays de l’Otan et du Pacte de Varsovie. La politique de réarmement, qui caractérise la période 1970-80, est transposée, au seul niveau conventionnel, aux autres pays de l’échiquier international : là où un pays n’est pas capable de pourvoir au réarmement avec ses propres capacités industrielles par défaut de compétence tech4 • Damoclès n° 92 • 1/2002 nologique ou en raison de la carence des ses infrastructures, il effectue ses commandes grâce aux grands capitaux, reconquis au travers de la décolonisation. À la suite de ce processus, en effet, les pays du Sud sont devenus les gérants directs de leurs propres immenses richesses. Le Proche-Orient, moteur des économies occidentales qui se basent surtout sur l’utilisation du pétrole, précieuse marchandise d’échange, constitue un marché potentiel surtout à cause du haut niveau de conflictualité qui la caractérise. Avec la relance du conflit Est-Ouest, le flux des armes vers les pays du tiers-monde se fait toujours plus intense. Il s’agit de la « guerre déléguée ». La confrontation entre les idéologies initiée par les États-Unis et par l’Union soviétique se développe aussi à travers leurs alliés de moindre importance : en Asie sous forme de guerre entre États souverains ; en Afrique, bien que plus faiblement, par des accrochages interclaniques ou par des conflits tribaux ; en Amérique du Sud par des conflits intérieurs : entre les dictatures militaires et l’opposition communiste, les covered operations et les soutiens aux coups d’État, etc. Si les États-Unis se situent au premier rang mondial, c’est l’Union soviétique qui est le principal fournisseur des pays du Proche-Orient et du Golfe. 30 % de ses exportations d’armes vont directement dans cette région. Ce montant élevé démontre le degré d’engagement de Moscou dans un scénario géopolitique fondamental pour sa politique étrangère et donne en plus un cadre assez précis de ses intérêts nationaux. On voit, par contre, le rôle insignifiant de la Chine et le poids presque nul de ce marché sur ses exportations. L’engagement chinois dans cette région deviendra de plus en plus important au cours des années suivantes. L’analyse de l’évolution des importations d’armes pendant la décennie 1964-1973 confirme une hausse significative des montants. Si dans les premières années on peut constater une hausse considérable (+ 45 % en cinq ans), de 1968 à 1972 on a une augmentation de + 86 %. Mais c’est au cours des deux années 1972-73 PRINCIPAUX FOURNISSEURS D’ARMES AU PROCHE-ORIENT (MONTANT DES LIVRAISONS D’ARMEMENTS) : 1964-1973 Étatsunis Arabie saoudite Union soviétique France Chine GrandeBretagne Autres Total 348 - 55 - 90 44 537 Émirats arabes unis - - 7 - 10 10 27 Égypte 2 2 305 - - 200 2 507 Iran 1 310 438 1 - 129 166 2 044 Irak 18 742 7 - 15 92 874 Israël 1 274 - 127 - 53 77 1 531 Syrie 2 1 153 - 2 1 86 1 244 3 251 4 738 273 2 433 750 9 447 29 688 15 678 2 409 1 608 1 770 6 783 57 936 Total Proche-Orient Total Monde SOURCE : ACDA, 1963-1973, Tableau III. Millions de dollars courants. qu’on assiste à une accélération exponentielle des importations : de 1 384 millions de dollars de 1972 on passe à un volume de 3 673 millions 2 en un an (+ 165 %), ou encore + 613 % par rapport aux armes exportées en 1963 3. Le conflit arabo-israélien 1973 est une année cruciale pour la course aux armements dans la région et, comme on l’a vu, pour les importations d’armements. Les pays pivots de cette évolution sont l’Iran et Israël. L’Iran est considéré comme une puissance de stabilité dans le Golfe et une sentinelle naturelle pour le flux de pétrole qui passe par le détroit d’Ormuz. Dans les années 1974-78, Téhéran reçoit des États-Unis 6,7 milliards de dollars par an en aides militaires 4, contre les deux millions de la période 1964-72 5. Les contrats signés avec le Shâh prévoient la cession de technologies pour la construction d’installations nucléaires, « formellement » pour usage civil, et la vente des réacteurs. Sous l’impulsion de Washington, des entreprises allemandes (Siemens et Kraftwerke Union) et françaises (Framatome) iront réaliser les complexes de Bushehr, Darkovin et Isfahan, principaux sites de la recherche et développement du nucléaire iraniens. À la suite de la guerre du Yom Kippur en 1973, pendant laquelle Israël risque l’anéantissement, les États-Unis cherchent à donner à leur allié un avantage significatif en terme de qualité sur ses voisins arabes en augmentant sa force conventionnelle dans le but d’éviter un autre conflit dans la région. Entre 1974 et 1978, le gouvernement israélien reçoit des aides militaires pour 4,8 milliards de dollars : ces sommes énormes seront utilisées pour la réorganisation de son appareil de guerre. L’Union soviétique agit en conséquence. La triple directive politique de Brejnev — Kosygin des premières années 1970, de stabilisation des relations avec les pays industrialisés occidentaux, d’endiguement de la Chine et d’exploration et expansion au sud, incite Moscou à un engagement toujours plus important au Proche-Orient. Stephen Kaplan explique la stratégie poursuivie dans la région : « Le soutien soviétique vise à développer : i) des conditions de forte défense en Égypte et en Syrie, dans le but de rendre une éventuelle agression israélienne aux détriments de ces pays, beaucoup plus coûteuse en termes de ressources humaines et de matériels. Cela permettra à Moscou de se présenter comme l’évident soutien et protecteur de la sécurité nationale arabe ; […] ii) une capacité de pouvoir de dissuasion crédible, favorisant la réduction des occasions d’attaque des États arabes de la part d’Israël, en fournissant aux alliés égyptiens et syriens des systèmes d’armes qui sont capables de limiter la pénétration d’Israël dans leurs espaces aériens ; iii) à utiliser des politiques de défense et dissuasives, unies à des pressions diplomatiques et économiques à l’égard de l’Occident, comme la stratégie de contrainte vis-à-vis d’Israël. » 6 Outre les implications politiques tracées par Stephen Kaplan, les programmes d’aide de l’URSS servent surtout à remplacer les équipements détruits ou endommagés des armées arabes, sorties lourdement battues de la guerre qu’ils avaient déclenché eux-mêmes. Ayant perdu la coopération avec l’Égypte, par le refus de renouvellement du Traité d’amitié de la part de Sadate cherchant à donner à son pays une politique étrangère indépendante et à diversifier son programme d’acquisition d’armes, l’URSS tourna alors toute son attention vers la Syrie et la Libye, les pivots centraux de sa présence militaire navale dans la Méditerranée. Entre Damoclès n° 92 • 1/2002 • 5 COURSE AUX ARMEMENTS Le dessein de diffuser les idées révolutionnaires suscite la crainte des petits émirats et surtout de l’Arabie saoudite, qui entreprend une restructuration totale de son armée, grâce à l’aide des États-Unis et de la Grande-Bretagne. La chute du Shâh et le confus climat révolutionnaire dans lequel va plonger l’Iran, sont les signes qui laissent entrevoir la relative faiblesse de l’appareil militaire iranien, à cause de l’élimination des cadres des forces armées, restés fidèles à l’ancien régime. En prévision d’un conflit de très brève durée, le 22 septembre 1980 l’état-major irakien lance une attaque puissante contre son voisin. Cette guerre qui durera huit ans, sera l’occasion évidente d’une impulsion des ventes d’armes. Le cynisme, non seulement des nations occidentales, mais de la Chine 7 et de l’Union soviétique également, qui développeront les exportations aux deux pays en lutte, sera une des causes principales de la persistance de la guerre. Pendant toute la durée du conflit, le régime de Bagdad recevra des aides militaires pour plus de 47 milliards de dollars, l’Iran pour 16 milliards environ 8. Bien que la quote-part de Téhéran soit considérable, la disproportion entre les deux nations a pour origine la perte de confiance des fournisseurs américains et européens, en raison des sentiments anti-occidentaux diffusés par Khomeinî. Du côté de l’Occident, le marché iranien est vite remplacé par celui de l’Égypte, qui, suite à la signature des accords de Camp David et la paix avec Israël, devient l’un des partenaires les plus privilégiés du gouvernement de Washington. Si le conflit Iran-Irak fait augmenter les chiffres d’affaires des industries de guerre de l’Amérique, de la France, de l’Allemagne et de l’Italie, Israël, par contre, favorise la pénétration 1973 et 1977, Damas recevra des aides pour trois milliards de dollars (sur un total de fournitures étrangères de 3,6) ; Tripoli pour 3,5 milliards. Les pays alliés à l’Union soviétique, surtout la Tchécoslovaquie et la Pologne, suivent, pour des raisons idéologiques, la politique de vente d’armes imposée par Moscou, tandis que les alliés des États-Unis considèrent essentiellement le commerce des armes comme une simple affaire économique. La France, l’Italie et la Grande-Bretagne comptent parmi leurs clients des pays non alignés avec la politique de l’Occident ou pro-soviétiques. Ce choix commercial est la cause de beaucoup de différents avec le gouvernement de Washington, qui voit aboutir aux mains des ingénieurs et analystes de Moscou, des engins et des technologies militaires occidentales. La guerre Iran-Irak ou la première guerre du Golfe Les années 1979-80 représentent un autre turning point dans l’échiquier international. En Iran, les fortes inégalités sociales et la faillite de la réforme agraire et du plan d’industrialisation, causée par l’approximation avec laquelle ils ont été conduits, aiguisent les tensions internes. Les différences sociales augmentent démesurément. La protestation populaire est vite canalisée dans le radicalisme utopique, qui a, par la voix d’un ayatollah banni, prend son essor : Ruhollah Khomeinî. Partisan de la révolution islamique, il instaurera un régime théocratique fondé sur les enseignements du Coran et sur le refus a priori de toute influence étrangère, surtout occidentale, considérée la première cause des maux du pays. PRINCIPAUX FOURNISSEURS D’ARMES AU PROCHE-ORIENT (MONTANT DES LIVRAISONS D’ARMEMENTS) : 1979-1983 Étatsunis Union soviétique France Chine GrandeBretagne Autres Total Arabie saoudite 5 100 - 2 500 - 1 900 2 620 12 120 Égypte 2 400 40 1 200 300 575 1 130 5 645 Irak - 7 200 3 800 1 500 280 4 940 17 720 Iran 1 200 975 20 230 140 2 755 5 320 Israël 3 800 - - - - 5 3 805 Syrie - 9 200 200 90 180 860 10 530 Total Proche-Orient 14 255 20 375 9 695 2 135 5 065 13 830 65 355 Total Monde 40 375 56 540 16 710 3 455 9 465 42 895 169 530 SOURCE : ACDA, 1985, Tableau III. Millions de dollars courants. 6 • Damoclès n° 92 • 1/2002 PRINCIPAUX FOURNISSEURS D’ARMES AU PROCHE-ORIENT (MONTANT DES LIVRAISONS D’ARMEMENTS) : 1984-1988 Étatsunis Union soviétique France Chine GrandeBretagne Autres Total Arabie saoudite 5 800 - 7 500 2 500 2 100 1 630 19 530 Égypte 2 800 460 825 450 170 1 570 6 275 Irak - 15 400 3 100 2 800 30 8.320 29 650 Iran 10 5 100 2 500 100 7 805 10 520 Israël 6 100 - - - - - 6 100 Syrie - 6 900 20 20 - 1 315 8 255 Total Proche-Orient 16 300 26 640 12 750 8 270 3 155 21 950 89 065 Total Monde 59 500 101 240 18 105 9 335 7 255 52 395 248 370 SOURCE : ACDA, 1989, Tableau III. Millions de dollars courants. de l’Union soviétique dans les marchés de la région. Le front ouest étant fermé, Israël se confronte avec le Liban et la Syrie. Dans la guerre qui suivit, le gouvernement de Damas subit de grandes pertes, surtout parmi ses forces aériennes et ses divisions blindées. À nouveau l’Union soviétique viendra au secours de son précieux allié, en lui fournissant de nouveaux systèmes d’armes, comme les missiles SS-21 9. Ce fait, en raison des succès militaires que ces engins ont démontré au cours de la guerre des villes 10 , engendre une grande demande de missiles. Les Scud, engins de fabrication soviétique, deviennent de facto, l’un des systèmes les plus demandés, parce qu’ils sont considérés comme très efficaces pour le type des guerres conduites dans les pays en voie de développement. En outre, ils sont relativement économiques et, du point de vue technique, facilement améliorables. Si dans la seconde moitié de la décennie on commence à discuter de la réduction des arsenaux nucléaires des superpuissances, les pays du Proche-Orient et du Golfe continuent dans leur course au réarmement. Entre 1985 et 1988, ils reçoivent les deux-tiers des armes livrées aux pays du tiers-monde. L’influence de l’Union soviétique est encore prééminente : elle couvre 34 % du marché. Pendant toute la durée de la décennie, Moscou livrera vingt-cinq mille chars de combat et plus de quatre mille avions de combat. Les États-Unis se placent au deuxième rang avec 16 % des armes vendues dans la région, tandis que la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne exportent collectivement 21 % des engins de guerre. Le ministre des affaires étrangères de Moscou, Edwards Chevardnadze, interrogé sur le réarmement dans la région, expliquait ce phénomène disant que la plupart des gens au Proche- Orient pensent encore qu’on peut mener à bien n’importe quoi avec une arme. Il s’agit alors d’une forma mentis commune dans la région, qui fait du recours à la guerre, la voie privilégiée pour résoudre les questions internationales, pour mener à terme les intérêts nationaux et pour contrecarrer les foyers d’instabilité. Cette formulation d’un concept d’autodéfense assez particulier peut être résumée dans la maxime si vis pacem fac bellum. La hausse des importations est strictement liée aux dépenses militaires qui atteignent des niveaux sans commune mesure avec celles des pays occidentaux. Bien sûr l’Irak adopte une économie de guerre : entre 1985 et 1988 il y investit 50 % de son produit intérieur brute (PIB). Mais si on analyse les dépenses d’Israël ou de l’Arabie saoudite — pays non en guerre —, on constate des investissements pour la défense vraiment très élevés : 27 % pour Jérusalem, 22 % pour Riyad, contre 5,1 % de la Grande-Bretagne ou 2,7 % de l’Italie. Quant aux livraisons, l’Irak reçoit 33 % des armements destinés au Proche-Orient, tandis que l’Arabie saoudite — même si ce pays ne se trouve pas dans une situation conflictuelle — se place au deuxième rang, en important 22 % des armements de la région. Dans cette phase, l’Union soviétique réaffirme sa primauté, fournissant aux pays du Golfe et du Proche-Orient 30 % des armes. La Chine confirme également son attitude à commercialiser ses armements dans les pays du Golfe, commencée à la fin des années 1970. Les produits sont essentiellement des copies ou des productions sous licence d’engins soviétiques, mais l’engagement croissant de la Chine dans la région est vraiment très significatif. Ce marché absorbe 88,5 % du total des armes exportées par la République populaire. Damoclès n° 92 • 1/2002 • 7 COURSE AUX ARMEMENTS L’invasion du Koweït ou la deuxième guerre du Golfe La dernière phase de la course au réarmement se passe à la suite de l’invasion du Koweït par l’armée irakienne, le 2 août 1990. Étranglé par l’énorme dette accumulée avec l’étranger, par la crise économique due à huit ans de guerre, Saddam Hussein joue les dernières cartes pour sa survie. Le petit émirat, en ouverte violation des accords de l’Opep qui règlent les flux du pétrole pour en maintenir un prix constant, décide unilatéralement de développer son extraction de brut. L’un des premiers effets est la baisse immédiate du coût du brut, provoquant des ravages dans la déjà fragile économie irakienne, qui dépend à 90 % de la production de pétrole. À la suite de cette décision, les recettes irakiennes s’écroulent à 7 milliards de dollars, chiffre égal aux seuls intérêts annuels de sa dette étrangère. À ce qui est considéré un acte de guerre commerciale, la Garde républicaine de Saddam Hussein répond par l’invasion militaire. La plus grande crainte est que les troupes irakiennes ne se limitent pas à occuper le Koweït, mais, en obéissant à une stratégie plus ample, se dirigent sur les gisements saoudiens. Les chancelleries de l’Occident s’alarment et décident de courir à l’aide des pays du Golfe pour protéger les plus importantes réserves du pétrole du monde, au travers du maintien d’une présence militaire constante dans la région. La guerre du Golfe est l’une des plus grandes opérations de marketing jamais exécutées. Les énormes quantités de données et de descriptions techniques des systèmes de guerre utilisés, parus sur les journaux du monde entier, suppléent à la pénurie d’informations délivrées par les porteparole militaires sur les développements de l’invasion d’abord, et sur le conflit plus tard. Le désert koweïtien devient un énorme banc d’essai pour des armes qui, jusqu’à présent, avaient été expérimentées seulement sur les ordinateurs ou sur les polygones d’essais. Le succès des armes intelligentes — qui ont en réalité une précision approximative, comme on le découvrira par la suite 11 — et la crainte de l’appareil militaire irakien — qui semblait paradoxalement sorti indemne de la guerre avec l’Iran — poussent les émirs de la région à une course à l’accaparement des engins militaires, au point d’avoir à disposition deux avions par pilote et de faire vraiment vaciller l’économie saoudite ! Riyad passe d’une dépense militaire de 17,6 milliards de dollars en 1989 à 39,2 milliards en 1991, soit 25,8 % du total de son produit intérieur brut et 30 % de ses importations totales. Les Émirats arabes unis (EAU) craignent, par contre, l’Iran. Ils commencent leur réarmement avec deux années d’avance sur les pays limitrophes. Le repli iranien après la guerre contre 8 • Damoclès n° 92 • 1/2002 l’Irak réveille des peurs anciennes dans la coalition des émirs : la forte présence de couches de populations chiites dans les pays qui composent les Émirats arabes unis et la peur que l’expansionnisme idéologico-culturel de Téhéran reprenne au lendemain de la fin de la première guerre du Golfe, favorisent le début d’une vaste campagne d’acquisition. Dans la période 1989-90, les Émirats importent des armes pour une valeur globale de 2,7 milliards de dollars. Les dépenses militaires du pays passent d’un peu moins de 2 milliards en 1989 à 5,4 en 1991, en s’alignant sur les tendances de croissance de la région. Au Koweït, le budget de la défense passe de 2,3 milliards de dollars engagés avant l’invasion à 20,5 milliards en 1992, un chiffre qui représente 77 % du produit intérieur brute et effectivement 134 % des dépenses du gouvernement. La réorganisation des forces armées du petit émirat est très curieuse. En 1989 il pouvait compter sur une force globale de vingt mille hommes, abaissée de façon draconienne en raison de la guerre à sept mille, et remontée à nouveau à seulement douze mille soldats en 1992. Cette fluctuation est probablement le produit de l’engagement des États-Unis, qui ont laissé dans la région à peu près vingt-trois mille cinq cents unités 12, pour défendre les puits de pétrole : une « garantie suffisante », d’après le ministère de la défense koweïtien. Passées les clameurs de la crise irakienne, au cours de ces dernières années, les budgets de défense des pays du Proche-Orient se sont substantiellement alignés sur des niveaux constants, bien que leur marché représente encore aujourd’hui 38 % du total mondial. Après une phase de stagnation, le Koweït et l’Arabie saoudite ont repris une intense activité d’acquisition d’armes, de pièces de rechange et de modernisation des engins achetés seulement quelques années auparavant. L’Arabie maintient son niveau d’importation d’armements à 8 milliards de dollars, ce qui représente 33 % du total. L’augmentation des importations du Koweït est 320 % : le pays a acquis des armes pour une valeur de 1,7 milliard de dollars, soit 22,5 % du total des marchandises qui entrent dans le pays. Les autres pays du Golfe maintiennent à niveau constant les importations d’armes, bien qu’ils aient déjà renouvelé leurs forces armées dans la moitié des années 1990. La forte reprise industrielle israélienne a influé sur les importations d’armements qui, en 1996 se sont élevées à 925 millions de dollars, donnée en augmentation par rapport à l’année précédente (789 millions), mais en fort fléchissement si l’on compare au niveau du 1994, quant des systèmes d’armes pour environ 1 250 millions de dollars furent importés 13. En revanche, dans la même période, Israël a exporté des engins de guerre pour plus de 2 milliards de dollars, en couvrant 73 % du total des armes exportées en provenance du Proche-Orient, soit 1,5-2 % du total mondial. Israël devient le septième pays parmi les principaux vendeurs d’armes. La situation actuelle En l’an 2000, le montant des contrats d’achat d’armes au niveau global a enregistré encore un accroissement, pour la troisième fois consécutive, en totalisant 36,9 milliards de dollars (+ 8 % par rapport au 1999) 14, et la région du ProcheOrient et du Golfe a suivi cette tendance à la hausse. Les livraisons d’armements ont atteint un chiffre de 48,5 milliards de dollars. La GrandeBretagne, qui se souvient de son passé de puissance dominante de la région, confirme que son marché privilégié reste le Golfe : 70 % de ses armes livrées vont directement vers les émirats et, en particulier vers Riyad. L’Arabie saoudite, en effet, reste le principal acquéreur des armements au niveau mondial (57 % des armes livrées au Proche-Orient ou bien 18 % au niveau mondial), suivi par Israël (sixième rang mondial) et les Émirats arabes unis (dixième). Les États-Unis réaffirment leur influence politique dans le Golfe et leur amitié vers Israël, livrant des armements pour une valeur de plus de 25 milliards de dollars. Il se confirme en effet une sorte de tendance naturelle au réarmement qui est dû, sans doute, à la situation de haute instabilité permanente. Cette tendance a toujours dominé ce marché pendant la dernière décennie (19932000), qui, en dépensant 84 milliards de dollars, représente 50 % de toutes les armes achetées dans le monde durant cette période 15. Au cours de l’année 2000, des contrats importants ont été signés. Il s’agit d’achats d’armements qui visent surtout à renforcer la composante aérienne des forces armées. Bahreïn a demandé aux États-Unis cinquante-trois avions de combat F-16, les Émirats arabes unis voudraient en acheter quatre-vingt et Israël, entre 1998 et 2000 en a commandé cent dix. L’Iran aussi exploite pleinement la marche positive de son industrie militaire autonome. En 1995, l’Iran a vendu du matériel de guerre pour 326 millions de dollars, ce qui représente 27,3 % du total militaire exporté de la région. L’augmentation de la production intérieure a favorisé la diminution des importations d’armes, qui se maintiennent aux alentours de 300 à 400 millions de dollars. L’Iran et Israël sont, au ProcheOrient, les deux pays dont l’industrie militaire apparaît la plus développée. L’engagement militaire des puissances occidentales dans la libération du Koweït a eu des répercussions presque immédiates sur la vente des engins fabriqués aux États-Unis, en France et en Grande-Bretagne. À côté des bénéfices stratégiques gagnés par Washington (maintenir une force militaire permanente dans la région pour assurer ses intérêts nationaux), les industries des États-Unis exportent dans le Golfe 35 % du total des armes vendues. Ce marché absorbera aussi 79 % des exportations militaires de la Grande-Bretagne (dont 87 % vers l’Arabie saoudite) et 48 % des exportations françaises. La Russie, suffoquée par sa crise économique et militaire et encore à la recherche d’un rôle plus actif sur la scène internationale, n’exporte dans la région que 19 % de ses armes, sur un total de 8 500 millions de dollars. Entre 1994 et 1996, les pays du Proche-Orient et du Golfe ont acquis 37 % des armes qui ont été commercialisées dans le monde, pour une valeur de 44,5 milliards de dollars. PRINCIPAUX FOURNISSEURS D’ARMES AU PROCHE-ORIENT (MONTANT DES LIVRAISONS D’ARMEMENTS) : 1994-1996 Étatsunis Arabie saoudite Émirats arabes unis Égypte 11 700 Union soviétique - France Chine Autres Total 26 585 2 000 - 11 200 1 685 260 1 170 2 200 260 5 600 770 - - - 5 000 210 130 - Irak - - - - Iran - 320 - 500 Israël 2 600 - - - Koweït 1 904 - - - Syrie GrandeBretagne - - - 805 1 625 265 2 865 675 821 3 400 - - - - 230 230 Total Proche-Orient 22 505 1 655 3 180 690 12 900 3 545 44 475 Total Monde 67 210 8 490 6 675 1 970 16 405 18 815 119 565 SOURCE : ACDA, 1997, Tableau III. Millions de dollars courants. *) Pays soumis à embargo international. Damoclès n° 92 • 1/2002 • 9 COURSE AUX ARMEMENTS PRINCIPAUX FOURNISSEURS D’ARMES AU PROCHE-ORIENT (MONTANT DES LIVRAISONS D’ARMEMENTS) : 1997-1999 Étatsunis Arabie saoudite Émirats arabes unis Égypte Iran Irak Union soviétique France Chine GrandeBretagne Autres Total 14 100 - 1 600 - 9 700 2 060 27 460 460 320 2 200 - - 765 3 745 2 800 340 50 - - 50 3 240 - 675 - 400 - 340 1 415 - - - - - 10 10 Israël 4 900 - - - - 900 * 5 800 Koweït 2 300 - 250 - 600 70 3 220 Syrie - 260 - - - 130 390 Total Proche-Orient 25 180 1 965 5 140 440 11 235 4 535 48 495 Total Monde 91 485 7 950 15 720 1 990 15 735 22 240 155 120 SOURCE : ACDA, 1999-2000, Tableau III. Millions de dollars courants. *) dont 600 de l’Allemagne Brève analyse des importations d’armements des principaux pays de la région Arabie saoudite L’Arabie saoudite représente encore le pays dans lequel les investissements pour l’achat des armements sont vraiment considérables (27,5 milliards de dollars entre 1997 et 1999). Ses liens étroits avec les États-Unis et la GrandeBretagne lui ont permis d’acheter des armements de haute technologie et, par conséquent, de disposer d’une armée assez moderne. Les rapports commerciaux les plus importants avec l’Angleterre restent encore liés aux décisions de 1985, quand le roi Fahd signa un accord du type « oil for arms ». Cet accord, autrement connu comme Al Yamamah, est encore en vigueur. Il prévoit la cession de six cent mille barils par jour contre la fourniture d’armements. Même si les deux pays n’ont jamais révélé les détails, on pense qu’il règle des transferts de 20 milliards de dollars, dont 25 % prennent la forme de programmes de compensations industrielles. En 1999, à cause de la chute des revenus du pétrole (- 34,8 %), l’Arabie saoudite a été obligée de diminuer son budget militaire qui est passé de 50 milliards de dollars en 1988 à 44 milliards (- 13 %), de couper de 15 % les contrats avec les États-Unis et de reporter d’autres achats 16. En 2000, l’Arabie a acquis des armements pour 7,3 milliards de dollars (37,7 % du total des armes livrées aux pays en voie de développement), qui étaient partie prenante de contrats anciens. Les commandes futures portent sur l’achat de systèmes informatiques pour les avions de surveillance Awacs E-3A (60 millions) et sur des équipements pour l’intégration des communications. 10 • Damoclès n° 92 • 1/2002 Émirats arabes unis Malgré ses petites dimensions géographiques, les Émirats arabes unis sont devenus l’un des premiers pays importateurs d’armements. Entre 1997 et 2000, ils ont conclu des accords pour 14 milliards de dollars. En l’an 2000 ils ont signé un contrat fabuleux avec Lockheed Martin pour la vente de quatre-vingt avions de combat F-16 (valeur 7,4 milliards de dollars 17), auquel s’ajoutera un autre contrat pour l’acquisition de missiles et bombes laser pour 2 milliards de dollars. Cette vente représente un cas exceptionnel du point de vue des relations militaires. En effet, grâce à ses caractéristiques techniques, cette version du F16 a les mêmes capacités que les avions de l’Usaf. De plus, ce contrat, qui a prévu la cession des cartes informatiques, permettra aux Émirats arabes unis de modifier les codes de désignation des « friends or foe » (amis-ennemis), facilitant énormément la possibilité de frapper des jets américains ou israéliens 18. C’est la première fois que les États-Unis décident de partager ce types de codes avec un allié qui ne fait pas partie de l’Otan. De plus, pour augmenter le rayon d’action des avions, les Émirats arabes unis ont en prévision d’acquérir trois avions ravitailleurs 767. Avec les États-Unis et l’Union européenne (6 milliards de dollars en 2000), la Russie est un autre important partenaire des Émirats (800 millions de dollars). Les Émirats arabes unis ont signé un contrat avec le KPB Design Bureau, pour l’achat du système anti-aérien automoteur Pantzyr-S1 19. C’est le plus grand contrat pour l’exportation gagné par une entreprise russe. La valeur des cinquante systèmes commandés se monte à 734 millions de dollars. En 1999, KPB avait exporté des engins pour « seulement » 180 millions et bien que les Émirats arabes unis aient payé seulement 30 % de la valeur totale du contrat (220 millions), l’entreprise russe a déjà augmenté considérablement son chiffre d’affaires à l’étranger. Iran Au cours des dernières années, l’Iran a confirmé ses relations commerciales avec la Russie. La baisse temporaire des importations enregistrée en 2000 (de 1,3 milliards à 800 millions de dollars) est due à l’augmentation de la production nationale des industries de guerre iraniennes, à la crise économique qui a frappé le pays et aux très fortes pressions américaines exercées sur les Russes. En effet, l’Iran a amélioré le niveau technique des armements de son complexe militaro-industriel. Depuis quelques années, il est autosuffisant dans la production des munitions. De considérables progrès ont été réalisés dans le secteur aéronautique, surtout en ce qui concerne les hélicoptères (production des Shabaviz 75 ; Model 206-1 et des Shahed-274) et les missiles. C’est surtout en raison des risques de prolifération des missiles et des progrès dans le domaine nucléaire et des armes biologiques et chimiques que les États-Unis ont engagé une rude épreuve de force avec la Russie afin qu’elle cesse son soutien et son aide aux programmes d’armes de destruction de masse iraniennes. Le résultat de la ferme opposition de Washington a été l’accord GoreChernomyrdin qui, en 1995, a accepté la possibilité pour Moscou de respecter les accords déjà signés avec l’Iran pour la livraison d’armes, mais en contrepartie, Moscou devait cesser toute vente d’armements à la fin décembre 1999. En 2001, Vladimir Poutine a déclaré caduque l’accord 20 et a inauguré une nouvelle politique de coopération militaire et technique avec Téhéran : un nouvel accord pour la vente d’armements conventionnels a été signé et confirme la coopération militaire et technique avec la Russie 21 ; c’est le premier accord signé après la révolution théocratique de 1979. En effet, l’Iran vient d’élaborer un plan de réarmement pour moderniser ses forces armées, et pour le mettre en œuvre, le ministère de la défense prévoit de s’adresser à nouveau à ses deux partenaires privilégiés : la Russie et la Chine qui couvrent 71 % des commandes iraniennes. Le nouveau plan d’acquisition envisage des investissements de 7 à 10 milliards de dollars 22 pour la restructuration de ses forces armées. Le ministre de la défense, l’amiral Ali Shamkhani, a laissé entendre que quatre milliards pourraient être dépensés en Russie. L’Iran est intéressé par l’achat de missiles S-300 PMU2 (SA-10 Grumble), qui devraient constituer le noyau principal de sa défense aérienne, avec des systèmes 9K37M1 « Buk » (SA-11 Gadfly) et 9K331 « Tor » (SA-15 Gauntlet). Les détails du programme d’approvisionnement prévoient aussi le renforcement de la force de frappe tactique iranienne, à travers l’achat de systèmes Tochka-U (SS-21 Scarab) et Iskander-E (SS-X-26 Stone) 23. Mais ce programme est également important parce qu’il prévoit d’acquérir des systèmes pour renforcer la puissance de la Marine. Il faut rappeler que l’un des principaux intérêts nationaux de l’Iran est de pouvoir maintenir le contrôle sur le Golfe Persique. D’après des informations non confirmées, l’accord russo-iranien prévoit le transfert de missiles supersoniques anti-navires 3M55 Yakhont (SS-N-26) 24 et la modernisation de trois sous-marins Kilo. Cette modernisation prévoit que les sous-marins seront équipés avec des missiles anti-navires 3M54E Granat (SS-N-21 Sampson). Les bateaux de guerre seront équipés avec des systèmes 3M80/3M82 Moskit (SS-N-22 Sunburn 25) et 3M24 Uran (SS-N-25 Switchblade 26). Les forces aériennes recevront trente hélicoptères de combat Mi-171 (150 millions de dollars) 27, qui pourront être utilisés en soutien aux opérations terrestres de l’infanterie. Cette dernière va acquérir cinq cent cinquante véhicules blindés BMP-3, pour 100 millions de dollars. L’Iran s’est aussi déclaré intéressé pour l’achat d’avions Su-25 Frogfoot, Su-27 Flanker et MiG-29 Fulcrum. Israël Israël reste toujours le partenaire privilégié des États-Unis, avec des chiffres d’importations d’armements considérables (2,4 milliards de dollars en 1999). En 1999 les États-Unis et Israël ont signé un nouvel accord bilatéral de coopération pour la défense qui va remplacer celui du 1988 28. Jérusalem a lancé un très grand plan de réarmement qui concerne ses forces aériennes. Entre 1998 et 2000, cent dix avions de combat F-16C/D 29, trente avions F-15I, cinquante avions F-16I ont été commandés aux États-Unis pour une valeur totale de 9,5 milliards de dollars. En plus, Israël a prévu des investissements de presque un milliard de dollars pour l’achat et la remise en état des hélicoptères de combat (AH-64D Apache) entre 1999 et 2000 30. Israël a obtenu également l’appui et le financement américain du projet antimissile Arrow-2 destiné à faire face à la menace la plus sérieuse au Proche-Orient : celle des missiles qui peuvent être équipés d’ogives nucléaires, chimiques ou biologiques. La coopération entre les deux pays prévoit la construction de missiles sur les sites industriels californiens de Boeing et sur ceux d’Israel Aviation Industries (IAI) à partir de 2004 31 et le premier acquéreur sera le ministère de la Damoclès n° 92 • 1/2002 • 11 COURSE AUX ARMEMENTS défense israélien. Même si le mémorandum n’indique pas le prix d’un missile, d’après des sources industrielles, son coût est estimé entre 2 et 3 millions de dollars 32. Israël a déjà obtenu une batterie d’Arrow et une deuxième va être livrée entre 2002. Koweït Le Koweït s’est récemment engagé à maintenir son budget de défense pour 2002-2003, fixé à 17,6 milliards de dollars 33. La planification des prochains achats prévoit l’acquisition d’hélicoptères d’attaque Apache et d’avions de combat F/A-18 pour une valeur totale d’un milliard de dollars 34. En 2001, l’émirat a décidé d’acheter aussi des obus chinois à la place de modèles américains M109A6 Paladins, mais la valeur de ce contrat est inconnue. Oman Aux principales transactions décrites, on peut ajouter aussi celles qui ont été planifiées par Oman. En octobre 2001 le ministère de la défense américain a approuvé la vente de douze avions de combat F-16C/D et de cinq cents missiles et bombes lasers 35 à l’émirat, pour une valeur de 1,2 milliard de dollars. Syrie La Syrie se trouve dans une condition de souséquipement par rapport aux autres forces armées de la région. 90 % de son armement est d’origine soviétique et doit être complètement modernisé. PO U R E N S AV O I R P L U S • Congressional Budget Office, Limiting Conventional Arms Exports to the Middle East, Congress of The US, septembre 1992. • CRS Report for Congress, Middle East Arms Control and Related Issues, The Library of Congress, mai 1991. • General Accounting Office, Operation Desert Storm: Operation Desert Storm Air War, Letter Report, 7 février 1996, GAO/PEMD-96-10. • Richard F. Grimmett, Conventional Arms Transfers to Developing Nations, 1993-2000, CRS Report for Congress, 16 août 2001. • IISS, The Military Balance 2001-2002, Oxford University Press, 2001. • Stephen S. Kaplan, Diplomacy of Power, The Brooking Institution, Washington DC. • Sipri, Sipri Yearbook, Armaments, Disarmament and International Security, Oxford University Press, plusieurs années. • US Arms Control and Disarmament Agency, World Military Expenditures and Arms Transfers, Washington DC., plusieurs années. 12 • Damoclès n° 92 • 1/2002 En 1999, il y a eu une tentative de conclure un accord avec Moscou pour deux milliards de dollars 36, mais à cause de la crise économique, cet accord a été annulé. D’après des rapports non confirmés, la Syrie aurait acheté quatorze avions de combat MiG-29SMT et devrait acquérir des missiles S-300 Almaz 37. Le danger le plus grand est que Damas soit tenté de compenser sa faiblesse en constituant un arsenal d’armes chimiques, qui sont à bon marché et relativement faciles à développer. La Syrie produit du gaz innervant Sarin depuis le milieu des années 1980, qui est conditionné dans des bombes et des projectiles d’artillerie et d’après des sources américaines et israéliennes, elle serait en train de développer des ogives pour ses Scuds-C et –D, contenant du gaz VX 38. Conclusion Les événements du 11 septembre ont changé radicalement une nouvelle fois les stratégies de défense nationale et la perception de l’ennemi. Si au début de l’an 2000 le Proche-Orient se rapprochait de la manière classique de voir l’ennemi dans un État précis et bien identifié (Israël pour les pays arabes ; l’Iran et l’Irak pour les États-Unis et pour Israël), aujourd’hui le terme « guerre traditionnelle » va être substitué par le concept de « guerre asymétrique », dans lequel l’ennemi n’est plus un État national, mais des groupes armés (terroristes) qui ont la capacité de s’organiser au niveau transnational et de pouvoir frapper n’importe qui et n’importe quand. Bien que le nouveau discours de George W. Bush sur l’axe géopolitique du mal tende à faire revenir à la mode la conception classique de l’ennemi en l’identifiant avec un pays, c’est incontestable qu’il faut pourvoir à une réévaluation des investissements militaires. Si l’Irak représente encore une menace, non seulement pour les États du Golfe Persique, mais surtout pour Israël et, par conséquent pour l’Occident entier, à cause du développement de ses programmes de destruction de masse, la menace qui provient de l’intérieur de chaque pays, au travers de mouvements subversifs ou à cause du réseau du « terrorisme international » obligera les États à maintenir des forces armées capables de dissuader et même capables de répondre à une éventuelle attaque non conventionnelle, mais surtout à se doter d’un système de vigilance, de services de police et de ressources permettant de contrecarrer l’activité de ces groupes qui agissent à l’intérieur des nations. Sur l’échiquier du Proche-Orient et du Golfe demeure encore une situation d’instabilité généralisée. L’interaction entre la crise internationale