Messi - FF - Florent Torchut

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Messi - FF - Florent Torchut
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FIFA Ballon d’Or 2012 Reportage
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L’ARGENTINE
ENFINSOUS
LECHARME
Messi est le meilleur
buteur de l’équipe
d’Argentine sur une
année civile, avec
12 buts, à égalité avec
Gabriel Batistuta
en 1998.
6
Avec Hernan Crespo, il
est le seul joueur à
avoir marqué lors de
6 matches d’affilée
avec l’Argentine.
LIONEL MESSI A ACHEVÉ DE CONVAINCRE ses plus coriaces détracteurs en
réalisant des performances époustouflantes sous le maillot ciel et blanc.
Les Argentins le placent désormais (presque) au niveau de Maradona.
FLORENT TORCHUT,
à Buenos Aires
DES MAILLOTS CIEL ET BLANC FLOQUÉS DU NUMÉRO 10 fleurissant dans
les tribunes, des regards obnubilés par ses dribbles dévastateurs sous le
maillot de Barcelone ou de la sélection, des superlatifs qui reviennent en
une des journaux et dans toutes les conversations à son sujet : en 2012,
l’Argentine a définitivement adopté Lionel Messi. Avec son record de
91 buts sur une année civile (dont 12 en sélection, record qu’il partage avec
Gabriel Batistuta), l’enfant prodige de Rosario s’est fait une place de choix
dans le cœur de ses compatriotes. Il est désormais «prophète en son pays»,
selon les propres mots d’Alejandro Sabella, son sélectionneur, qui ajoute:
«Il est devenu une idole indiscutable en Argentine. Nous sommes très
exigeants, mais, aujourd’hui, Messi enchante tout le monde.»
Autrefois inconstant en sélection, il a gagné ses galons à travers ses
performances et ses coups de génie au cours d’une année de haut vol. Son
triplé d’anthologie contre l’ennemi juré brésilien (4-3), le 9 juin, et son coup
franc plein de malice face à l’Uruguay (3-0), le 12 octobre, repassent en
boucle sur les écrans. Il semble même se bonifier à chacune de ses sorties.
«Il a trouvé ses marques, estime Carlos Bianchi, le nouvel entraîneur de
Boca Juniors. Ses coéquipiers le comprennent mieux et il se sent plus à
l’aise, beaucoup plus patron, dans sa façon d’agir sur le cours d’un
match. Il a sans doute fini par se dire qu’il n’avait rien à prouver.»
BILARDO: «J’AI EU PEUR QU’IL NE SE
FATIGUE DES CRITIQUES» «Un footballeur
n’est pas un robot, appuie Marcelo Gallardo, l’ancien joueur
de River Plate, Monaco et Paris. Il fallait être patient et ne
pas griller les étapes, car le potentiel a toujours été là.
Quand un joueur comme lui se sent soutenu, il peut alors
développer pleinement son football. Aujourd’hui, il n’a plus
le sentiment de passer un examen à chaque match.» Carlos
Bilardo, le sélectionneur vainqueur de la Coupe du monde
1986, confesse avoir eu «peur qu’il ne se fatigue de toutes ces
critiques et qu’il ne finisse par dire ciao à la sélection». L’ancien
avant-centre à la crinière blonde Claudio Caniggia note pour sa part «un
changement psychologique: on le sent plus confiant et on voit que l’équipe
est heureuse de l’avoir comme leader». César Menotti, le sélectionneur
champion du monde 1978, y voit une évolution plutôt qu’un changement
radical. «C’est un garçon avec un talent naturel tellement incroyable qu’il
est parfois diCcile à comprendre pour ses partenaires. Tous les footballeurs
sont sujets à un rythme collectif, et Messi n’échappe pas à cette règle. Plus
l’Argentine tient le ballon, plus il peut s’infiltrer dans les failles que lui seul
voit. Il ne se contente jamais de ce qu’il réalise et cherche à progresser en
permanence.»
Dans un système en 4-3-3 où il occupe les avant-postes aux côtés d’Higuain
et d’Agüero, devant Mascherano, Gago et Di Maria, «la Pulga» (la Puce)
profite des espaces que lui ouvrent ses complices pour marquer ou faire
marquer. «J’aime bien jouer juste derrière les deux attaquants », a-t-il ainsi
lâché lors de l’un des derniers rassemblements de la sélection. « Ces trois-là
(Higuain, Agüero et Messi) se comprennent très bien», observe Bianchi. Le
constat s’étend à Angel Di Maria, situé un cran derrière le numéro 10. Les
statistiques des «Quatre Fantastiques», comme les surnomme la presse
argentine, sont édifiantes. Ils ont inscrit 30 des 34 buts de la
sélection depuis l’entrée en fonction de Sabella. Ce qui fait
dire à César Menotti que «les meilleurs violons
s’accordent toujours pour constituer un bon orchestre».
L’équipe
est heureuse
de l’avoir
comme leader.
SABELLA: «LEO, IL NE FAUT PAS TROP
LUI PARLER» Sublimé par cette association du
tonnerre, Lionel Messi a marqué 14 buts en 15 matches
Claudio Caniggia
depuis l’arrivée de l’ancien entraîneur d’Estudiantes de
La Plata, en août 2011 (soit une moyenne de près de 1 but
par match), alors qu’il n’avait inscrit «que» 17 buts en
61 rencontres (soit à peine plus de 1 but tous les 4 matches)
lors de ses six saisons précédentes, d’août 2005 à juillet 2011. Le
brassard, qui lui a été confié par Sabella en accord avec l’ancien
MERCREDI 9 JANVIER 2013 _ FRANCE FOOTBALL
Les Argentins
sont de plus en
plus partagés
entre Messi
et Maradona.
JEAN-LOUIS FEL
67,5
référence aux frasques qui ont jalonné sa carrière.
capitaine Javier Mascherano, a-t-il changé la donne?
Marcelo Gallardo se refuse à toute comparaison. À peine
«Je pense que ça l’a aidé à être plus serein», répond
ose-t-il un trait d’ironie. «Jusqu’à ce qu’il gagne la Coupe
Carlos Bianchi, même si l’ancien attaquant du Stade de
du monde et qu’il mette un but de la main aux Anglais, il
Reims et du Paris-Saint-Germain rappelle qu’il «avait déjà
n’atteindra jamais Maradona, plaisante l’ancien
été capitaine lors de la Coupe du monde 2010», sous les
Carlos Bianchi
Monégasque. C’est une erreur de vouloir les comparer.»
ordres de Diego Maradona. Alejandro Sabella estime que «le
«Maradona a toujours pris en main ses équipes depuis ses
brassard a contribué à le responsabiliser encore davantage. Et
débuts à Argentinos Juniors, souligne Menotti. Il assumait
si c’est positif pour lui, ça l’est aussi pour ceux qui l’entourent.»
naturellement ses responsabilités, tandis que Messi fait partie
César Menotti y voit plutôt « une récompense [faite à un joueur qui] n’a
d’un orchestre harmonieux comme celui de Barcelone, dont il est
pas le caractère qu’ont pu avoir d’autres joueurs qui furent capitaine
la pièce maîtresse.» Le technicien argentin va plus loin dans son
de la sélection. Le respect de ses coéquipiers, il l’obtient à travers
analyse. «Maradona est né à Villa Fiorito (un bidonville de la banlieue de
sa générosité et sa virtuosité. » Sabella est plus subtil. «Leo, il
Buenos Aires) et, grâce au football, il a pu prendre en charge sa famille. Cela
ne faut pas trop lui parler, mais écouter ce qu’il a à dire. C’est un garçon
ne lui a jamais pesé d’être le patron d’une équipe. Messi a grandi dans un
respectueux et qui ne manque pas de caractère.»
Messi n’hésite plus désormais à prendre la parole devant ses coéquipiers ou autre contexte. À treize ans, il vivait déjà à La Masia (le centre
à la sortie des vestiaires, comme ce fut le cas après la contre-performance
d’entraînement de Barcelone), au cœur d’un système où chacun est la pièce
d’un engrenage bénéfique pour l’ensemble.» Le «Pibe de Oro» a d’ailleurs
en match amical face à l’Arabie saoudite (0-0), le 14 novembre dernier, à
Riyad. Il était alors apparu frustré, voire agacé. «Je suis énervé car nous
toujours clamé haut et fort que «celui qui connaît la pression, c’est celui qui
leur avons offert le match, c’est dommage de finir l’année comme ça», avait- doit se lever tous les matins à 5 heures pour aller à l’usine afin de nourrir sa
il balancé devant les caméras à l’issue de la partie. Un état d’esprit qui a sans famille», et non celui qui gambade sur la pelouse balle au pied.
doute achevé de convaincre les Argentins de sa volonté de triompher en
La distance géographique, et sans doute sociale, qui a longtemps maintenu
sélection, eux qui le critiquaient autrefois pour son manque d’implication
Messi éloigné de ses compatriotes s’estompe peu à peu. Son aura
ou simplement parce qu’il ne chantait pas l’hymne national.
médiatique a atteint de nouveaux sommets cette année dans son pays
d’origine. Chaque semaine, la page Internet du quotidien sportif Olé lui
MENOTTI: «MARADONA A TOUJOURS PRIS EN MAIN consacre un petit programme de cinq minutes intitulé «Era Messi»
SES ÉQUIPES» «Les Argentins sont de plus en plus partagés pour
(l’Ère Messi), dans lequel son actualité est décortiquée. Début décembre, sa
désigner le meilleur joueur de l’histoire entre Messi et Maradona»,
blessure contre le Benfica Lisbonne, lors de la dernière journée de Ligue
remarque Carlos Bianchi. Le magazine El Grafico a d’ailleurs fait sa une du
des champions, a secoué l’Argentine, télévisions et journaux relayant
mois de novembre sur les deux «gloires» argentines béatifiées sur une
minute par minute les nouvelles du petit génie. Messi n’a pas tardé à
gravure médiévale, préférant les associer plutôt que les opposer. «Messi a
rassurer tout le monde, le week-end suivant, face au Betis Séville (2-1), en
atteint le niveau d’idolâtrie de Maradona», assure la revue sportive,
faisant tomber le fameux record de buts détenu par Gerd Müller depuis
précisant toutefois que «Maradona fut plus qu’un footballeur», en
quarante ans. ■
MERCREDI 9 JANVIER 2013 _ FRANCE FOOTBALL
Messi a marqué en
moyenne toutes les
67,5 minutes avec
l’Argentine en 2012.
Il n’y a qu’en Liga,
avec Barcelone, qu’il
affiche un meilleur
ratio lors de l’année
écoulée (57 minutes).
1,3
Sa moyenne de buts
par match sous le
maillot de
l’Albiceleste en 2012,
soit son meilleur ratio
en équipe nationale
sur une année civile
depuis 2007 (0,42 but
par match).
3
En 2012, Messi a
marqué ses deux
premiers triplés avec
l’Albiceleste, face à la
Suisse (3-1 en février)
et au Brésil (4-3 en
juin), en matches
amicaux.

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