Télécharger la fiche au format pdf

Transcription

Télécharger la fiche au format pdf
LA COMMUNE ET LE DROIT DE PRÉEMPTION
Confiscation, réquisition, expropriation : si ces mesures sont d’application exceptionnelle, le droit de
préemption se révèle être une procédure ordinaire que vous rencontrez fréquemment dans les opérations
d’urbanisme et d’aménagement mais également dans de nombreux autres domaines. Toutefois, lorsque la
commune est titulaire de ce droit, elle doit l’utiliser avec précaution. Ce dispositif paralyse en effet un
attribut du droit de propriété et son exercice exige le respect de conditions de mise en œuvre strictement
contrôlées par les juges.
Les procédures sont ainsi très précises et doivent être mises en œuvre de manière extrêmement rigoureuse
sous peine d’invalidation et de sanctions financières.
Outil de maîtrise de l’affectation de l’espace pour le développement économique, la sauvegarde d’emplois,
la création de logement, la protection des zones sensibles, le développement des sports et des loisirs… le
droit de préemption intéresse de nombreux domaines dans lesquels la commune a un rôle important à jouer.
Ce qui peut arriver...
Une commune, recevant une déclaration d'intention d'aliéner (DIA), trouve le prix demandé exagérément élevé et souhaite formuler une
contre-proposition au vendeur.
Deux mois après le dépôt en mairie de la DIA par le propriétaire, la commune reste silencieuse.
Une commune est condamnée à réparer le préjudice causé à un vendeur victime d'une décision de préemption illégale, le projet n'ayant pas
été suffisamment précis et certain.
Quelle est la réglementation ?
Le droit de préemption permet à une collectivité publique ou à l'Etat d'acquérir par priorité un bien qui lui est nécessaire pour
mener sa politique d'aménagement, sur certaines zones préalablement définies. La personne publique bénéficie ainsi d'une
priorité à l'achat du bien immobilier mis en vente par le propriétaire.
L'exercice du droit de préemption est strictement encadré et est régi par des règles contraignantes.
Plusieurs types de droits de préemption existent, relevant principalement du droit de l'urbanisme. Le droit de préemption peut
être instauré pour un ou plusieurs secteurs précisément délimités pour une opération clairement identifiée et motivée.
Les différents types de droit de préemption
Le droit de préemption urbain (DPU) - articles L.211-1 à L.211-7 du Code de l'urbanisme :
Le droit de préemption urbain est ouvert aux communes dotées d'un plan d'occupation des sols (POS) rendu public ou d'un
plan local d'urbanisme (PLU) approuvé sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d'urbanisation future délimitées par
ce plan, dans les périmètres de protection rapprochée de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines,
dans les périmètres définis par un plan de prévention des risques technologiques. Il est également ouvert aux communes dotées
d'une carte communale approuvée.
Dernière mise à jour : 01.07.2013
LA COMMUNE ET LE DROIT DE PRÉEMPTION
Le droit de préemption dans les zones d'aménagement différé (ZAD) – articles L.212-1 à L.212-5 du Code de l'urbanisme :
Les zones d'aménagement différé, créées par décision du préfet sur proposition de la commune ou de l'EPCI compétent, ne
peuvent pas être soumises au droit de préemption urbain.
Cependant, la commune ou l'EPCI compétent peut bénéficier d'un droit de préemption spécifique, d'une durée de 6 ans
renouvelable, à compter de l'acte constitutif de la ZAD.
Ce droit de préemption s'exerce dans un but d'intérêt général.
Le droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce, les baux commerciaux et les terrains faisant l'objet de projets
d'aménagement commercial- articles L.214-1 à L.214-3 du Code de l'urbanisme :
Les communes peuvent instituer un droit de préemption sur les cessions de fonds de commerce, de fonds artisanaux ou de
baux commerciaux dans un périmètre préalablement délimité par délibération du conseil municipal.
A l'intérieur de ce périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, chaque cession est soumise à une
déclaration préalable faite par le cédant à la commune.
Ce droit de préemption a pour objectif de garder dans les centres villes des commerces de proximité et de préserver la diversité
commerciale.
Le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles – article L.142-3 du Code de l'urbanisme
Les départements bénéficient d'un droit de préemption pour mettre en œuvre leur politique de protection, de gestion et
d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non (article L.142-1 du Code de l'urbanisme).
Dans les communes dotées d'un POS rendu public ou d'un PLU approuvé, les zones de préemption sont créées avec l'accord du
conseil municipal. En l'absence d'un tel document, et à défaut d'accord des communes concernées, ces zones sont créées par le
conseil général qu'avec l'accord du préfet.
Les conditions de mise en œuvre du droit de préemption
Les biens soumis au droit de préemption urbain et au droit de préemption dans les ZAD – article L.213-1 du Code de l'urbanisme
Les biens soumis au droit de préemption sont précisément déterminés par le Code de l'urbanisme. Il s'agit de tout immeuble ou
ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble ou d'une partie
d'immeuble, bâti ou non bâti, lorsqu'ils sont aliénés, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit, à l'exception de ceux
compris dans un plan de cession en application des dispositions du Code de commerce.
Par exemple : un pavillon, un logement, un ensemble industriel, une cave, un garage, un terrain nu …
Un certain nombre de biens n'est pas soumis au droit de préemption. En sont ainsi exclus les immeubles construits ou acquis
par les OPHLM, les immeubles faisant l'objet d'un contrat d'immeuble à construire (VEFA), les immeubles neufs pendant une
période de 10 ans à compter de leur achèvement.
Les détenteurs du droit de préemption
L'exercice des droits de préemption appartient au conseil municipal lorsque la commune en est titulaire. Le maire peut les
exercer, par délégation du conseil municipal, conformément aux dispositions de l'article L.2122-22 du Code général des
collectivités territoriales. La délégation au maire permet une plus grande réactivité et le respect des délais impératifs restreints
Dernière mise à jour : 01.07.2013
LA COMMUNE ET LE DROIT DE PRÉEMPTION
fixés par le Code de l'urbanisme.
Le droit de préemption peut être délégué par la commune à l'EPCI dont elle fait partie. Si cet EPCI s'est vu transférer les
compétences relatives à l'élaboration des documents d'urbanisme et la réalisation de zones d'aménagement concerté (ZAC),
celui-ci est alors compétent de plein droit en matière de doit de préemption urbain.
Les objectifs du droit de préemption – articles L.210-1 et L.300-1 du Code de l'urbanisme
Les droits de préemption sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations expressément
limitées et définies à l'article L.300-1 du Code de l'urbanisme, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur
les espaces naturels.
Il s'agit des actions ou opérations suivantes :
mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat,
organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques,
favoriser le développement des loisirs et du tourisme,
réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur,
lutter contre l'insalubrité,
permettre le renouvellement urbain,
sauvegarder ou mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels.
Ces droits de préemption peuvent également être exercés pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la
réalisation de ces actions ou opérations d'aménagement.
La procédure de préemption : la déclaration d'intention d'aliéner (DIA) – articles L.213-2 et R.213-8 du Code de l'urbanisme
Toute aliénation d'un bien soumis à droit de préemption doit faire l'objet d'une déclaration préalable par le propriétaire du bien
à la mairie de la commune où se trouve ce bien. Cette déclaration d'intention d'aliéner, qui comporte obligatoirement
l'indication du prix et les conditions de la vente, doit être transmise par le maire au directeur départemental des finances
publiques.
Le titulaire du droit de préemption a deux mois pour faire connaître sa décision. Son silence vaut renonciation à l'exercice de
son droit.
Lorsqu'il y a désaccord sur le prix proposé, le titulaire du droit de préemption doit notifier au propriétaire son offre d'acquérir à
un prix proposé par lui et, à défaut d'acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par le juge de
l'expropriation. Le propriétaire a alors deux mois pour faire connaître sa décision : soit il accepte la proposition du titulaire du
droit, soit il décide de faire appel au juge de l'expropriation, soit il renonce à la vente. Son silence vaut renonciation à aliéner.
En cas d'accord sur le prix, la vente est parfaite. La signature de l'acte authentique est alors faite dans les trois mois à compter
Dernière mise à jour : 01.07.2013
LA COMMUNE ET LE DROIT DE PRÉEMPTION
de l'accord. Enfin, le prix doit être réglé par le titulaire du droit de préemption dans les six mois de l'acquisition.
La motivation des décisions de préemption – article L.210-1 du Code de l'urbanisme
Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Il s'agit d'une formalité substantielle.
L'absence de motivation entache ainsi la décision d'illégalité. La motivation doit figurer dans la délibération elle-même ou
dans un document l'accompagnant. La jurisprudence vérifie particulièrement la motivation de la décision de préemption.
Le Conseil d'Etat considère en effet que « les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer
ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération
d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L.300-1 du Code de l'urbanisme, alors même que les
caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de
ce projet dans la décision de préemption » (CE 20 novembre 2009 n°316961 et n°313464).
Toutefois, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien
un programme local de l'habitat ou un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption
peut se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des
périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine.
Le droit de préemption urbain renforcé – article L.211-4 du Code de l'urbanisme
La commune peut, par délibération motivée, décider d'appliquer son droit de préemption aux aliénations et cessions de biens
en principe exclus de celui-ci, sur la totalité ou certaines parties du territoire qui y sont soumis.
L'utilisation des biens préemptés à des fins non prévues – articles L.213-11 et L.213-12 du Code de l'urbanisme
Le titulaire du droit de préemption peut décider d'utiliser ou d'aliéner à d'autres fins un bien acquis dans le cadre de cette
procédure. Si cela intervient moins de cinq ans après l'exercice de ce droit, il doit alors en informer les anciens propriétaires ou
leurs ayants cause universels ou à titre universel et également leur proposer l'acquisition de ce bien en priorité.
A défaut du respect de ces obligations, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel peuvent
obtenir des dommages et intérêts devant le juge judiciaire.
Le droit de délaissement – articles L.211-5 et L.212-3 du Code de l'urbanisme
Lorsque un bien est soumis au droit de préemption, son propriétaire dispose d'un droit de délaissement. A ce titre, il peut
proposer au titulaire du droit de préemption, l'acquisition de ce bien, en indiquant le prix qu'il en demande. Le titulaire a alors
deux mois pour se prononcer à compter de la proposition. Une copie de celle-ci doit être transmis par le maire au directeur
départemental des finances publiques.
Quelles sont vos responsabilités ?
La responsabilité de votre commune peut être engagée en cas de faute résultant de l'illégalité de la préemption, ou en cas de
faute commise à l'occasion de la mise en œuvre du droit de préemption.
L'illégalité de la décision de préemption :
Lorsque la décision de préemption est annulée par le juge administratif, si le transfert de propriété n'a pas encore eu lieu, le
Dernière mise à jour : 01.07.2013
LA COMMUNE ET LE DROIT DE PRÉEMPTION
titulaire de droit de préemption ne peut plus l'exercer sur le bien en cause pendant un an à compter de la décision
juridictionnelle définitive (article L.213-8 du Code de l'urbanisme).
L'illégalité de la décision est par ailleurs de nature à engager la responsabilité du titulaire du droit de préemption à l'égard des
propriétaires de l'immeuble. Ceux-ci sont alors fondés à demander réparation du préjudice direct et certain qui en est résulté
pour eux dès lors que la le titulaire du droit n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'il a exercé son droit de
préemption dans le but de satisfaire à un intérêt général (CE 30 juillet 1997 n°160968).
La faute commise lors de la mise en œuvre de la préemption :
La responsabilité d'une commune peut être engagée du fait du retard du paiement des biens préemptés. Le propriétaire d'un
bien préempté est fondé à demander le paiement des intérêts moratoires prévus par l'article 1153 du Code civil à la commune
qui n'a pas réglé le prix d'acquisition de ce bien dans le délai prévu par les dispositions du Code de l'urbanisme (CAA Paris 15
mars 1994 n°93PA00822).
Lorsque la commune ne procède pas au versement du bien dans les délais impartis, l'ancien propriétaire peut lui demander de
rétrocéder le bien acquis par préemption. En refusant de faire droit à la demande de rétrocession, la responsabilité de la
commune peut être engagée. L'ancien propriétaire peut obtenir l'indemnisation du préjudice direct subi (CAA Lyon 7 mars
2000 n°95LY01401).
Infos pratiques
La déclaration d'intention d'aliéner (DIA)
Document obligatoire, la DIA, établie et signée par le propriétaire (ou son mandataire) en 4 exemplaires, doit mentionner le
prix et les conditions de l'aliénation projetée. Elle doit être adressée par lettre recommandée avec AR ou déposée contre
décharge, au maire de la commune où est situé le bien. Elle peut également être adressée par voie électronique en 1 seul
exemplaire (article R.213-11 du Code de l'urbanisme).
La DIA doit être établie conformément au formulaire CERFA n°10072*2 : déclaration d'intention d'aliéner ou demande
d'acquisition d'un bien soumis à l'un des droits de préemption prévus par le code de l'urbanisme disponible sur le site
www.service-public.fr.
En général, cette démarche est effectuée par le mandataire du propriétaire du bien, notaire ou agent immobilier.
Le registre – article L.213-13 du Code de l'urbanisme
Dès que la commune institue ou crée sur son territoire un droit de préemption, elle doit ouvrir un registre dans lequel sont
inscrites toutes les acquisitions réalisées par exercice ou par délégation de ce droit, ainsi que l'utilisation effective des biens
acquis par préemption.
Toute personne peut consulter ce registre ou en obtenir un extrait.
La saisine du juge de l'expropriation – articles L.213-4 et 213-4-1 du Code de l'expropriation
A défaut d'accord amiable sur le prix, celui-ci est fixé par le juge de l'expropriation. Ce dernier doit être saisi par le titulaire du
droit de préemption dans les 15 jours qui suivent la réponse du propriétaire à l'offre d'acquisition avec modification du prix. A
défaut de saisine dans ce délai, le titulaire est réputé avoir renoncé à l'exercice de son droit (article R.213-11 du Code de
l'urbanisme).
Dernière mise à jour : 01.07.2013
LA COMMUNE ET LE DROIT DE PRÉEMPTION
La saisine du juge de l'expropriation doit être accompagnée par le versement d'une consignation d'une somme égale à 15% de
l'évaluation faite par le directeur départemental des finances publiques. En l'absence de versement de cette consignation dans
un délai de trois mois à compter de la saisine de la juridiction compétente, le titulaire est réputé avoir renoncé à l'acquisition ou
à l'exercice de son droit de préemption.
Les fonds consignés seront libérés après transfert de propriété ou en cas de renonciation à acquisition ou à préemption du
titulaire du droit.
Dans les deux mois qui suivent la décision définitive du juge fixant le prix, les parties peuvent l'accepter ou renoncer à la
mutation, leur silence valant acceptation de la décision juridictionnelle.
Références
Article L.2122-22 Code général des collectivités territoriales
Articles L.210-1 à L.221-3 du Code de l'urbanisme
Articles R.211-1 à R 214-16 du Code de l'urbanisme
Article A.211-1 à A.214-1 du Code de l'urbanisme
Loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF), article 23 et
arrêté du 17 décembre 2001 modifiant l'arrêté du 5 septembre 1986 relatif aux opérations immobilières poursuivies par les collectivités et
organismes publics fixant le seuil de consultation du service des domaines (France Domaine)
Formulaire CERFA n°10072*2 : déclaration d'intention d'aliéner ou demande d'acquisition d'un bien soumis à l'un des droits
de préemption prévus par le code de l'urbanisme : https://www.formulaires.modernisation.gouv.fr/gf/cerfa_10072.do
Questions au gouvernement :
QE n°04277 JO Sénat (R) 25 avril 2013 http://www.senat.fr/questions/base/2013/qSEQ130104277.html
QE n°19325 JOAN (R) 23 avril 2013 http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-19325QE.htm
Dernière mise à jour : 01.07.2013

Documents pareils

LES EXEMPTIONS

LES EXEMPTIONS la SAFER, les tribunaux précisent : « Lorsque les circonstances qui entourent la conclusion du bail révèlent la volonté des parties de faire échec au droit de préemption de la SAFER, le bail n’est ...

Plus en détail