1 M. VAN DER WAL.- Nous allons maintenant parler du « modèle
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1 M. VAN DER WAL.- Nous allons maintenant parler du « modèle
M. VAN DER WAL.- Nous allons maintenant parler du « modèle polder ». La crise sévit également aux Pays-Bas, et nous sommes confrontés à d'énormes problèmes que nous n'avions encore jamais rencontrés. Nos banques, malgré des assises très solides, ont maintenant besoin d'une intervention de l’Etat pour survivre. Ces dernières années, nous nous étions posés des questions sur le vieillissement démographique et la façon dont nous pourrions continuer à travailler avec un déficit de personnels. Aujourd’hui, la situation s’est complètement inversée et les sociétés estiment qu’elles en ont trop ! Mme Irene Asscher va donc vous présenter la situation du marché du travail. LE MODELE DU POLDER ET LA CRISE Mme Irene ASSCHER Professeur Emérite Membre du Conseil de Surveillance de KLM Mme ASSCHER.- Je vous remercie de m'avoir invitée, aujourd'hui. Je siège au Conseil de Surveillance de KLM et ce poste intéressant me permet de connaître beaucoup de monde, la plupart d’ailleurs des participants Néerlandais ici présents. J’ai le titre très particulier de « commissaire de confiance » et j’entretiens également des relations confidentielles avec le comité d'entreprise1. C'est d’ailleurs un peu dans le cadre de cette fonction que j’interviens. En tant que professeur de droit du travail et de droit social, j’exerce mon premier métier à l'université de Nijmegen. Je suis spécialisée en relations du droit du travail, la façon dont la loi réagit aux évolutions des entreprises comme de l'économie. Ma seconde fonction demeure la recherche et je fais partie du corps enseignant. A l’instar de mes cours où je reçois de nombreuses réactions du public, je vous invite à me poser toutes les questions qui vous interpellent et à être interactifs ! J'avais préparé une présentation PowerPoint en néerlandais, et croyez-moi, en ce qui me concerne, c'est une prouesse de ma part ! J'aurais aimé qu'elle soit traduite, cela n'a pas été fait mais j'ai pu suivre l’intervention précédente dont la traduction était excellente. J'espère qu’elle le sera encore, pour que vous puissiez me comprendre, et je souhaiterais profiter de l’occasion pour remercier les interprètes. Commençons par le contenu de ma présentation qui se divise en quatre parties, dont je vous rappelle le thème. Comment allons-nous résister à la crise dans nos polders, que ce soit dans le paysage physique ou socio-économique des Pays-Bas ? Allons-nous tous devoir enfiler nos bottes et préparer nos sacs de sable ? N’aurions-nous qu’une posture défensive ? Allons-nous changer l’emplacement de nos moulins ? Allons-nous être réactifs ? Les mécanismes classiques de régulation vont-ils fonctionner, ou faut-il réfléchir à de nouveaux instruments ? Je vous présenterai ensuite le « modèle polder ». Dans la seconde partie de mon exposé, les points 3 et 4 traiteront de l'apport du modèle à cette crise mais se borneront à des spéculations, et j'espère que vous y contribuerez également individuellement. J'aimerais qu'on puisse ensuite arriver à une conclusion dite « provisoire ». Mon exposé se fonde sur la littérature journalistique qui décrit le « modèle polder » et explique son rôle dans la crise actuelle. Je vous présenterai des extraits de journaux, mais je me baserai surtout sur mon expérience personnelle. Je suis membre depuis 18 ans –c'est très long– du Conseil Economique et Social des Pays-Bas, une des plateformes symbole de ce « modèle polder ». J'ai pu y vivre physiquement la manière de résister à la crise. J'ai 1 Works Council : CCE dans notre modèle social français 1 également connu la « crise Internet » de la fin des années 1980. J'ai vécu plusieurs crises et j'ai côtoyé les représentants et élus de ce modèle polder, comment ces femmes et ces hommes interagissaient et comment ils construisaient cette alchimie qui permettait au système de continuer à fonctionner. Certains membres ont été remplacés, et nous avons hérité à un moment d’un président issu d'un autre conseil où il tenait une fonction très élevée. Le sujet de la discussion concernait l'émancipation, thème d’autant plus important que ce président de conseil pilotait également la commission chargée de rendre un avis. Y siégeaient les représentants des employeurs, des travailleurs, et des indépendants ; c'est à ce titre que j'étais présente. Cet avis n'était pas très compliqué à formuler aussi bien pour des raisons de logique que d’intelligence, et il semblait impossible d’être en désaccord, même s’il fallait en discuter et argumenter. Un des représentants syndicaux a exprimé un avis qui a conduit le président du conseil à lui rétorquer "arrêtez de m'ennuyer et de dire ce genre de choses". C'était complètement en dehors de son rôle et de ses attributions. Quelque chose dans la manière de s’exprimer de cette femme l’avait sans doute dérangé. Cette alchimie faisait tout simplement défaut, simple confirmation de ce que nous pensions tous, « un problème d’alchimie » qui empêchait d’échanger. Heureusement pour vous comme pour nous, dans de nombreuses négociations, l'alchimie est au rendez-vous, étant ainsi un gage de réussite ultérieure ! Je voudrais faire le lien avec ce qui se passe actuellement. Pour l'instant, nous essayons de mettre en place des mesures afin de résister à la crise. En avril, un premier paquet de mesures a été déterminé, ayant été précédé d'une longue concertation entre syndicats, organisations de travailleurs et d'employeurs, comme de représentants du gouvernement et du parlement mais en particulier des partis gouvernementaux. Ces mesures financières et économiques qui se situaient en dehors du monde du travail mais dans lesquelles les organisations syndicales ont vraiment montré leur influence, illustraient tout simplement la mise en application du modèle polder. Voici la photo d’un polder, qui correspond à notre mode de vie. Il faut pas mal de travail pour que cette herbe soit verte et que cette eau soit propre. Vous voyez ici quelques moulins, mais cette époque est révolue car maintenant, nous avons des éoliennes. Il est important de comprendre qu'il faut faire d'énormes efforts pour, littéralement, « garder la tête hors de l'eau ». Comme il faudra faire d’énormes efforts pour tenir la tête au-dessus de la crise. Les publications des journaux pendant la crise montrent qu'il existe un modèle de concertation entre les différents partis. D'ailleurs, le premier ministre, M. Balkenende, a eu un rôle de pionnier et de précurseur parce qu'il a lié son leadership à la réussite de cet accord des polders. C’est vraiment celui qui a jeté les ponts et a été l’instigateur des compromis. Il n'est pas intervenu comme leader du gouvernement ou du pays mais a essayé de trouver la voie intermédiaire de la conciliation. Il a pris son poste très au sérieux en appliquant toutes les techniques permettant à tous les partis de se trouver sur la même longueur d'onde, puisqu'il était nécessaire de trouver un dénominateur commun. Un paquet commun de mesures a été développé, qui traitait d'un seul sujet intéressant fortement les travailleurs et les employeurs et sur lequel ils s'étaient mis d'accord par anticipation : l'âge de la pension légale a été retiré de ce paquet de mesures et a été transféré à l’avis du Conseil Economique et Social. Cela signifiait que le modèle polder a fait appel au fond, à ses principes intangibles pour retirer certains éléments afin de prendre des décisions structurelles nous permettant d’avancer dans la crise. Les différents partis politiques avaient des positions variées sur les mesures indispensables à la sortie de crise. Mais il faut souligner comme fait majeur que FNV, la délégation principale des travailleurs, VNO et CNE, les organisations des employeurs, avaient conclu un accord sur 2 la modération salariale échangé contre le maintien de l'âge du départ à la retraite. Ce dernier a été retiré du périmètre de négociation pour être étudié par ailleurs. La modération salariale fait partie de l'accord qui a été finalement conclu ainsi qu’un paquet de mesures financières qui étaient nécessaires sur le plan économique, tout comme des aménagements extérieurs au marché du travail ou relevant des relations directes entre employeurs et salariés. Voilà ce que le modèle polder a pu réaliser récemment, mais à quoi correspond-il exactement ? Nous ne connaissons pas vraiment l’origine de ce terme si ce n’est qu'en 1907, s’est tenu un débat parlementaire où on parlait de la Sécurité Sociale et de sa mise en œuvre. Un ministre y a évoqué « les résidents des polders qui ont tous un intérêt commun à assécher leurs polders. » Vous vous rappelez la photo de tout à l'heure « quand une action commune doit se mettre en place » Or, nous avions, aux Pays-Bas, un intérêt commun et général dans la mise en œuvre de la Sécurité Sociale. C'est ainsi que les partenaires et interlocuteurs sociaux, les travailleurs et les employeurs, « les ennemis naturels » qui, aux Pays-Bas, sont appelés des partenaires sociaux, ont élaboré et contribué ensemble à la mise en œuvre du système de Sécurité Sociale. Ce rôle a été atténué ultérieurement, mais dans d'autres domaines, ces partenaires, travailleurs et employeurs, ont continué à jouer un rôle prépondérant. Ces organisations se sont développées au sein de groupes privés, et ont permis un transfert des pouvoirs vers des leaders et des représentants de l'autorité. Je crois que nous avons dépassé ce cap de relais entre délégués représentatifs et représentants de l'autorité ; autorités civiles et autres. Cela crée malheureusement une distance entre ceux qui gèrent la négociation et ceux qui en ont la responsabilité. Vous voyez que ce modèle polder prévoit une collaboration tripartite entre les partenaires sociaux et les autorités. Cette coopération se fonde sur le développement de législations, de règlements, et a également trait aux relations du travail. C'est un modèle de concertation qui n'est pas uniquement tripartite mais qui est également focalisé sur la réalisation d'un consensus. Nous devons avancer jusqu'au consensus, parce que si nous n'y arrivons pas, nous courons à l’échec. C'est ce que j'ai pu également constater dans l'élan de négociation de la dernière crise. Pourquoi faut-il un consensus ? Pourquoi doit-on se mettre d'accord ? Il faut d’abord connaître le mode de fonctionnement du Conseil Economique et Social. Le gouvernement projette, par exemple, de réformer la loi sur le chômage. J’assiste à une réunion du Conseil et qu'est-ce que j'entends ? Les employeurs ne l'acceptent pas pour une raison X ; les travailleurs pour une raison Y. Que faire ? Lorsqu'on se fâche, qu'il y a discussion sur la raison X ou Y, les avis sont partagés. Le gouvernement a finalement décidé "je ferai ce que j'ai prévu parce que les employeurs et les salariés ne peuvent pas se mettre d'accord sur une alternative". S’il n’y a pas de consensus, c’est le troisième qui s'octroie la décision ! Les salariés ont donc dû céder et faire des concessions, comme les employeurs, mais ils ont abouti à un meilleur projet que celui du gouvernement. Finalement, nous constatons dans la pratique qu'un gouvernement n'osera jamais défendre un projet de loi au Parlement si employeurs et salariés l’ont précédemment rejeté, parce qu’ils possèdent un pouvoir de lobbying énorme et y ont parfois un intérêt direct, étant les premiers concernés. Voilà pourquoi, à mon avis, il faut garder la tête hors de l'eau et « essayer de faire consensus en terme de relations sociales » parce qu'ainsi, nous pouvons réaliser quelque chose de bien meilleur que ce que le troisième protagoniste aurait pu décider. Cette concertation, en général, a trait à des règlements, des lois, dont je voudrais vous parler car elle concerne également les conditions de travail qui s'inscrivent dans les conventions 3 collectives de travail d’entreprises, négociées dans un second temps pour une application législative. Il y a donc un lien entre ce qui est stipulé dans ces conventions collectives de travail et ce qui s'inscrit dans la future loi au niveau social, économique et en matière de travail. En général, les sociétés figurent comme précurseurs de la législation en terme de congés comme dans tous les domaines traitant des conditions collectives de travail. Il n’en demeure pas moins que l’autorité peut avoir une forme de réserve dans certains domaines, par exemple dans la maîtrise des augmentations salariales, même lorsque les parties se sont concertées pour régler les choses de telle ou telle façon. Ainsi, le Conseil Economique et Social et la Fondation du Travail sont des institutions où règne cette concertation. Mais fort heureusement, ce modèle polder ne se limite pas à ce niveau central. On pense que la concertation est aussi importante entre partenaires sociaux comme dans les entreprises d'autres niveaux sectoriels. Je crois sincèrement que vous êtes des « acteurs privilégiés » ayant un rôle à jouer dans le comité d'entreprise, et vous êtes l’exemple le plus probant de cette concertation entre employeurs et travailleurs dans une même compagnie. Ce mode d’échanges correspond à un fonctionnement optimal qui permet de recueillir les fruits d’un pilotage idéal. Certains pensent également que cela peut générer un frein pour l’entreprise par l’interventionnisme trop marqué des partenaires sociaux alors même que le taux de syndicalisation demeure assez limité. On peut se demander si la prise de décision doit être totalement démocratique et si toutes les caractéristiques de ce modèle se justifient entièrement. Je reviendrai tout à l'heure sur tous ces aspects, mais pour l'instant, j'ai l'impression que ce modèle polder offre plus d’avantages importants à tous les participants et en premier lieu, celui d’offrir une large plateforme de soutien à toutes les propositions. Nous avions par exemple, en 1999, une loi sur la flexibilité et la sécurité qui, pour la première fois depuis cent ans, réduisait les acquis sociaux des salariés en faisant intervenir une plus grande flexibilité échangée contre une sécurité renforcée dans différents domaines. Par principe, ce sujet très controversé fut d'abord lancé au sein de notre modèle polder comme une politique alternative. Puis au final, les autorités ont décrété que ce qui avait émergé de la discussion dans le modèle polder devenait la plateforme de base du discours politique. Donc, ce projet de loi qui, par principe, était controversé, fut accepté par l’ensemble des partenaires sociaux, sans que rien n'ait été retiré, tout simplement parce qu’un consensus avait été réalisé. On n’obtint pas le même résultat avec le projet sur l'incapacité de travail au début des années 1990, parce que des réformes très importantes sur les indemnités des incapacités de travail avaient été obtenues. Cette réforme fut imposée par le haut, et le recours à l’intervention du modèle polder s’en trouva très limité même si des mesures compensatrices permirent d’atténuer l'effet pervers de la loi. Il faut donc retenir que lorsqu'il y a trop peu de soutien de l’ensemble des participants au modèle, on hypothèque ainsi la réussite. Ce type de concertation présent dans le modèle polder, toujours appliqué de nos jours, est parfois assimilé à du néo-corporatisme, par la façon de collaborer entre le gouvernement et les groupes d'intérêts socio-économiques. Le seul but de ce néo-corporatisme du modèle polder tel que nous le connaissons actuellement, consiste à collaborer afin que l’approche des problèmes économiques permette un maintien de la stabilité économique et politique ou du moins qu'elle soit retrouvée. Mais il y a plusieurs définitions du modèle polder. J'ai d'ailleurs repris celle donnée par une encyclopédie sur Internet qui souligne qu'il s'agit d'un modèle de consensus avec justement cette participation tripartite fondée sur le travail et l'emploi. Le grand dictionnaire Van Dale stipule néanmoins qu'il s'agit de réaliser un développement salarial modéré, même si la 4 littérature caractérise ce modèle par une collaboration entre parties adverses basée sur une culture de concertation typiquement néerlandaise. Dans le modèle polder, on se concentre sur le processus parce qu'il s'agit de se concerter, de se parler, même si on pourrait aussi se focaliser sur ses participants, comme sur le fait d'être bipartite ou parfois tripartite, en ne considérant que le résultat du consensus. Car le consensus demeure, en général, une voie médiane qui ne favorise aucun des protagonistes en particulier, et si personne n'aura tout à fait raison, tout le monde y trouvera son compte. Le gage de réussite du modèle impose une disposition des participants à accepter que leur propre bénéfice soit moins important que l’éventuelle possibilité d'obtenir un résultat partagé plus équilibré. Voilà la principale faille du système car on a parfois besoin d'y trouver un intérêt plus personnel afin d’augmenter le taux d'affiliation de son syndicat et obtenir ainsi une légitimité suffisante ou tout simplement pour se regarder dans le miroir lorsqu'on se rase ! Je ne le fais pas personnellement quand je me rase mais lorsque je me maquille ! Voilà ce qui est important : la reconnaissance de la pluralité et de la différence, le respect de valeurs comme la tolérance, la solidarité, et focaliser sur le consensus en privilégiant le long terme sur le court terme. C'est une sorte de troisième voie, située un peu entre Socialisme et Capitalisme, mais surtout une stratégie permettant de décrocher des consensus envisageables au-delà des intérêts personnels, en faisant participer tous ceux qui y trouvent un intérêt. Je voudrais maintenant reprendre la genèse de ce modèle polder. On parle en général de 1982, l'année du fameux accord de Wassenaar, où les différentes parties prenantes se sont mises d'accord sur une modération salariale. Tout à l'heure, j’ai mentionné 1907 en parlant de la mise œuvre de la Sécurité Sociale, mais nous avons ensuite 1945 et 1950. Parlons de cette période 1945-1950. En 1945, a été créée la Fondation du Travail et en 1950, le Conseil Economique et Social ainsi que la loi sur les organisations de droit public. Ces institutions sont donc les enfants nés de l'élan d’après-guerre, qui ont été conçus durant la Seconde Guerre mondiale grâce à l’élan de collaboration afin de ne plus souligner les différences mais en mettant plutôt l'accent sur les points communs. Notre terrain commun bien sûr, c'était notre résistance à l'occupant, puis le rétablissement et la reconstruction de notre pays une fois la guerre terminée. La Fondation du Travail et de l'Emploi est une organisation privée associant employeurs et salariés. Certains pourraient dire que ce sont des parties adverses, mais elles ont quand même tiré une leçon très importante de l'Histoire : il faut collaborer pour avancer. Je commence en 1907, mais je crois que la genèse de notre modèle social commence bien avant. Déjà au Moyen Age, on collaborait à construire des digues et ce modèle de concertation ne se limitait pas au polder, on le retrouvait également au niveau de l'administration des villes, des universités, et par exemple dans l'administration et la gestion de la Compagnie Orientale des Indes. De même, la signature aboutissant à la paix de Munster au XVIème siècle, n’a pu être réalisée que grâce à ce modèle de concertation. C'était d'ailleurs un modèle atypique à l'époque, appliqué uniquement dans notre région, alors que dans le reste de l'Europe, les souverains régentaient tout. Je voudrais revenir à l'accord de Wassenaar en 1982 et à la période qui a suivi. Dans les années 1990, le modèle polder est devenu populaire parce que le terme s’adaptait à la conjoncture. Parfois, la conjoncture est favorable, parfois, elle l’est moins, et la signification qu’évoque ce terme évolue en fonction de la période. A la moitié des années 1990, lorsque je faisais partie du Conseil Economique, il était de nouveau fort apprécié, un article d'exportation nationale, très populaire, un peu à l’image de notre fromage ! D'ailleurs, à la fin 5 des années 1990, le président Clinton a vanté notre modèle et les présidents des organisations syndicales, des employeurs, et des salariés ont reçu le prix Bertermann, un prix allemand rendant hommage à ce modèle polder. Bref, nous étions vraiment arrivés à un point culminant. Je me rappelle qu'à cette époque, en 1995, s’est tenu le cinquantième anniversaire de la Fondation de l'Emploi qui a connu un succès énorme auquel la reine assistait. Johan Stekelenburg y a pris la parole en tant que président d’une organisation syndicale de KLM, et a comparé les polders à une famille. Il a dit "Majesté, nous avons quelqu'un de notre famille qui fête son anniversaire. Comme vous êtes une très proche voisine, (le palais de la reine se trouve pas bien loin), vous venez célébrer l’anniversaire de votre voisin." Cela donne une image assez claire de la proximité des liens communautaires existant et qui étaient d'ailleurs réciproques entre la reine et le président du FNV. C'est déjà un phénomène suffisamment exceptionnel, de plus très agréable, qui peut expliquer l'immense engouement pour ce modèle vers la moitié des années 1990. Ensuite, nous avons connu une petite baisse d’engouement sous le gouvernement Balkenende II en 2003, qui a voulu reprendre les choses en main en disant : "je prends mes mesures et mes responsabilités". Le résultat a conduit les travailleurs et les syndicats à manifester. Ludwig Erhard a rappelé dans son discours au gouvernement au Museumplein d’Amsterdam qu’il devait se souvenir qu’il y avait deux places centrales à Amsterdam où les rébellions s’organisaient, sous-entendant qu’il devait écouter, écouter, écouter". Il a vraiment imposé la concertation sociale, souhaitant absolument des partenaires sociaux d'un côté et le gouvernement de l'autre. Qui sont les participants de ce modèle ? Les employeurs, les travailleurs et les autorités, même si ces dernières ne sont pas présentes. Elles interviennent surtout au niveau central sous différentes formes. Dans le conseil de crise que nous avons connu en mars/avril, elles étaient représentées par le ministre président, par un représentant du ministère des Affaires Sociales et Economiques ainsi que des représentants des différents groupes parlementaires ayant participé à la concertation. Les présidents des groupes d'opposition n’en ont pas toujours été très satisfaits ! A d'autres moments, les autorités peuvent être représentées par des fonctionnaires, ou s’il n'y a pas vraiment d’autorité présente, on peut y retrouver éventuellement un tiers, un expert indépendant qui participe à cette concertation. Sur la gauche de la diapositive, nous voyons Ludwig Erhard, président de la délégation syndicale de l'époque, avec au milieu, le Premier ministre, et à sa droite, un représentant de l'organisation syndicale chrétienne. Je ne vous ai pas mis de photos avec les employeurs mais vous pouvez en trouver sur Google. Notre modèle possède différents niveaux de fonctionnement : central, régional, d’entreprise, mais également international. Je ne prétends pas que nous avons exporté notre modèle, mais il faut savoir que l'OIT2 connaît également la même organisation tripartite et que cela demeure vraiment unique au niveau international. Comment mettre en œuvre ce modèle ? Quand et comment peut-on réaliser un compromis acceptable qui permette de trouver une solution au problème ? Je crois qu'il y a plusieurs éléments reconnus par les experts et je voudrais insister sur les trois éléments principaux. Tout d'abord, la confiance. Il s'agit de négocier et il est important d'avoir confiance dans la partie adverse et d’être certain que ce qui a été décidé, se réalisera. La confiance demeure liée 2 Organisation Internationale du Travail 6 à la culture, et j’ai dit tout à l'heure à l’un de vous que nous nous comportions un peu comme une famille. On se connaît, on a confiance les uns dans les autres parce qu'on se fréquente depuis très longtemps au travers de contacts réguliers. Ce modèle du polder s’imbrique à la culture dans laquelle il fonctionne, et c’est ainsi qu'aux Pays-Bas, le fait d'aspirer au consensus et à un compromis, correspond à ce que nous essayons de développer depuis des années. Nos relations personnelles sont aussi importantes, et le fait qu’au sein d’une famille, on sache qu’un neveu ou une cousine se comporte d’une certaine manière parce que c'est son caractère, nous facilite la compréhension des individus. On retrouve le même processus dans le modèle polder, car lors de négociations, on sait qu'on va être interpellé par Untel ou Unetelle qui dira telle ou telle chose. Cela a été rapporté dans un livre décrivant le fonctionnement dans la crise de 2004, élaboré sous forme de compte-rendu par M. Van den Braak, participant de la concertation, qui avait suivi d’ailleurs une formation sur "comment être le plus dominant possible en criant" ! Lorsque je l'ai rencontré une fois la réunion terminée, il s’est montré pourtant très chaleureux face à la partie adverse sur laquelle il venait de s’égosiller, en étant très constructif afin d’essayer de trouver une solution. Cela va parfois très loin, avec des missions organisées à l’étranger ; ainsi on trouve dans son journal, des photos de représentants des salariés et employeurs, déambulant ensemble sur un trottoir d’un pays très lointain, et qui, apparemment, s'entendaient et se comprenaient très bien ! C'est une des conditions de réussite de ce modèle que de bien se connaître et de savoir exactement ce que vaut l'autre et ce qu’il représente. Il y a d'autres conditions, bien sûr : le fait de vouloir arriver à un consensus, de partir d’une bonne base, de se prendre au sérieux et de se respecter mutuellement. Il est important d'avoir une autonomie relative, c'est-à-dire de ne pas se perdre, « un peu comme dans un bon mariage », mais il faut aussi que des deux côtés, il y ait des instruments adéquats pour pouvoir remplir ces tâches. J'espère que vous allez maintenant réagir à mes propos sur ce modèle appartenant au modèle rhénan, c'est-à-dire centré sur une très large base de concertation en matière de législation sur la Sécurité Sociale, qui garantit la sécurité du travail tout en stimulant également l'emploi. Comparé au modèle britannique, nous constatons qu'il y a bien moins de signatures d'accords obtenues uniquement au niveau de l'entreprise, et suite à des contentieux, qu’au niveau du secteur ou de la branche professionnelle. Quand on se compare avec le modèle latin, italien et français, on remarque que les accords sont beaucoup plus faibles que ceux attachés à la concertation allemande. Je crois d’ailleurs que notre modèle néerlandais s’en approche le plus possible puisqu’il se caractérise par relativement peu de conflits liés au travail. Voici les institutions du polder : le Conseil Economique et Social et la Fondation de l'emploi sur cette diapositive, avec la salle de réunion du Conseil Economique et Social et ses représentants qui sont membres du conseil de la Couronne. Je faisais partie de ce groupe de 11 personnalités qualifiées. A droite, les représentants des employeurs, 11 également, et à gauche, les représentants des travailleurs. D’ailleurs, on parle souvent d’eux en évoquant "l'autre côté de la table". Vous voyez ici le praesidium, constitué d’un président et de deux vice-présidents, l’un représentant les travailleurs et l’autre, les employeurs. Question.- Je voudrais intervenir puisque vous nous avez demandés d'être interactifs. Je suis là, je pensais que vous reconnaîtriez ma voix ! Mme ASSCHER.- Oui, mais je ne vous avais pas repéré ! Le participant syndicaliste.- J'ai attendu avant de vous interpeller, espérant que vous évoqueriez mon propos, mais peut-être suis-je en train d’anticiper ! Votre récit de la mise en 7 œuvre de ce modèle polder est décrit uniquement d'un angle positif, et c'est en effet ce qui se passe dans de nombreux cas. Mais vous savez mieux que moi que ce n'est pas toujours vrai ! Lorsque ce n'est pas le cas, vous avez dit : « il n'y a pas d'avis communiqué au gouvernement, et en cas d’un avis partagé, c'est alors au gouvernement de décider ce qu'il en fera. » Ce conseil est un comité consultatif, ce n'est pas un organe décisionnel nous le savons tous, mais notre avis, qui est très important, est donné au gouvernement. Ce que je veux dire, c'est que lorsqu’on voit l'accord social conclu au sein de ce conseil et la façon dont il est mis en œuvre par la suite sur tout le territoire, je ne sais pas si vous avez suivi les choses en détail mais j'ai constaté (et c'est à titre personnel que je fais cette remarque) que le modèle polder ne fonctionne pas toujours. J'aimerais donc avoir votre réaction sur ma remarque. Mme ASSCHER.- En effet, j'ai été un peu trop lente et vous avez peut-être trop anticipé ! Voici donc ma conclusion sur le modèle polder au travers de l’évocation des problèmes résultant du modèle puisque que c'est ce que vous voulez. En effet, nous avons des critiques importantes à formuler car lorsqu'on essaie de trouver une solution à la crise actuelle par exemple, on doit affronter la lenteur du système qui demeure un frein majeur. En général, on compare cela à de la mélasse, tout simplement, mielleux et lent ! C'est une première critique personnelle. Ensuite, un deuxième point remarqué dans les consensus récents. Qui gère le pays ? Est-ce les employeurs avec un gouvernement tenu en laisse, ou le parlement que nous avons élu ? Je vais tout à l'heure reparler des élections et des élus. C'est ce que j'entends remonter dans les protestations des partis de l'opposition : "Enormément de choses sont préparées d’avance et conclues, et nous ne pouvons même pas intervenir". Troisième problème, c'est qu'en général, on parle des négociations dans les arrière-boutiques, donc de manière assez occulte, et c'est assez péjoratif ces tractations secrètes où les élus parlementaires ont très peu d'influence. Autre point soumis à la critique, c'est que la réalisation d'un compromis signifie qu'on n'a pas gain de cause à 100 % et que le compromis apparaît pour les militants comme une trahison faite à la classe des travailleurs. Je crois que vous connaissez tous très bien ce problème… Vous savez également qu'une communication continue et un contrôle continu sont importants, parce que lorsqu'il y a rupture de confiance entre les militants et les représentants, l'accord perd toute validité. Vous allez tout simplement rendre caduc le système entier si les militants n'ont plus confiance en leurs représentants. Le cinquième point n’est pas tiré de la littérature mais des propos de M. Smits, membre de KLM, qui considère que nous avons la manie de tout vouloir régler, créant tout simplement une sur-régulation. Il pense que c'est un problème mais personnellement, je ne le crois pas car le modèle polder n'a pas la manie de la régulation ! Il se définit comme un modèle lent mais pas un modèle qui régule ou qui sur-régule. Je crois que les parties prenantes se mettent d'accord entre elles sur certains points, s'y tiennent, et ne vont pas attendre la régulation imposée par les autorités pour arriver à l’étape finale de concrétisation. Je voudrais maintenant revenir aux thèmes de la trahison des classes, la trahison des militants, de la base sous-jacente. C'est un problème qui est d'autant plus important, lorsqu'on constate que le taux de syndicalisation des Pays-Bas est passé en dessous des 20 % chez les salariés même s’il demeure plus élevé chez les employeurs. Cela signifie que les participants à cette concertation sont des représentants de personnels, qui, par définition, ne se sentent pas représentés. C'est un problème de démocratie. On pourrait dire que le modèle polder peut fonctionner comme une démocratie sociale mais alors, il est nécessaire qu'il y ait un lien direct entre les représentés et leurs représentants. Lorsque les représentés ne représentent pas totalement la collectivité par absence d’affiliation à une organisation syndicale, et ne se 8 sentent pas liés par la décision des représentants, on peut évoquer une situation de « sables mouvants au niveau du modèle polder » ! Ruud, tu viens en effet de le signaler: qui sont ces représentants qui ont décidé pour moi et qui sont arrivés à un consensus qui me concerne ? Qui va gouverner ? Le gouvernement ou le polder ? Lorsque le gouvernement gouverne, on sous-entend qu’il est contrôlé par le parlement. Je sais que l'affiliation aux partis politiques diminue mais au moins le parlement reste élu par le peuple. La démocratie parlementaire a donc des garanties plus démocratiques que la démocratie sociale. Si la démocratie sociale prend des décisions qui outrepassent l’arsenal législatif parlementaire ou la démocratie parlementaire, alors les problèmes se posent. Le polder a ses propres méthodes pour réaliser ses objectifs. Tout d'abord des procédures établies à partir de militants de bases comme vous, en tant que CE, vous avez vos propres méthodes en essayant de supprimer les déficits démocratiques et d'augmenter la représentativité de votre conseil. Après la conclusion de l'accord de Wassenaar en 1982 qui était un compromis, le syndicalisme a été confronté à une diminution de son taux d'affiliation. Ses membres se sont désyndiqués, simplement par réaction, parce qu'ils se demandaient "Pour qui avez-vous décidé ? En tout cas, pas pour moi !" Cela fut un énorme problème ! Le participant.- Votre raisonnement n'est pas tout à fait exact et je ne souhaitais pas insister sur ce point. Vous avez en partie abordé ce que je voulais dire, mais pas le cœur de mon propos. Quand on voit, par exemple, la législation sur le licenciement que voulait introduire le gouvernement et contre laquelle les syndicats ont mobilisé le personnel, on peut se demander si tous les opposants étaient syndiqués, même si je crois que les syndicats représentaient une population importante. Ils ont été les véritables représentants de cette population, conduisant ainsi la nouvelle loi sur le licenciement à être écartée. Mme ASSCHER.- Je crois que cette loi sur le licenciement témoigne du succès du modèle polder. Cela fait 42 ans que je travaille dans cette institution et au vu des nombreuses réactions face à cette nouvelle loi, je leur ai dit "faites attention, parce que cette loi sur le licenciement va me conduire de façon très pénible à une retraite anticipée!" C'est tout simplement une chape de plomb qui s’abat sur les acquis sociaux en retirant aux gens la possibilité de défendre de véritables conditions de travail. Si la loi sur le licenciement est trop facilitée, vous allez constater que les salariés n'oseront plus prendre de congés, ni demander d'augmentations de salaires, ils ne pourront plus dénoncer de discrimination, car cette loi sur le licenciement demeure vraiment la garantie de tous les acquis sociaux du monde du travail. Cela ne veut pas dire que cette loi doit être maintenue telle qu'elle existe actuellement, mais je crois que c'est un point véritablement important qui ne peut déboucher sur davantage de consensus au niveau des polders. Ce projet du ministre concernait la modification de la loi sur le licenciement, mais il aurait dû me demander mon opinion et je lui aurai répondu "attendez ma retraite !" Ce fut le triomphe du polder puisqu’on a résisté aux autorités, mais on pourrait considérer cela comme un échec parce que les autorités, les travailleurs, et les employeurs, n'ont pas trouvé de consensus. Le participant.- Désolé de renchérir, mais si les syndicats n’avaient pas augmenté la pression sur le modèle, je me demande si on aurait échappé à cette loi. Mme ASSCHER.- Vous dites que les salariés ont été mobilisés et sensibilisés par l’acharnement des centrales syndicales. C’est l’Histoire qui dira si votre analyse est correcte, mais nous savons très bien que pour chacun d'entre nous, cette loi sur le licenciement fut tellement importante que nous étions disposés à nous mobiliser. 9 J’ai parlé des points positifs, mais figurent bien d’autres problèmes posés par le modèle polder : trahison politique, diminution du taux d'affiliation, etc. D'autres questions ou réactions ? Question.- Je voudrais que vous reveniez à la diapositive précédente. J'avais une remarque et une question. Je voudrais savoir si, en cas de compromis entre les partenaires sociaux, cela n'a pas d’effet contraignant à un niveau supérieur, car les travailleurs et les employeurs ne peuvent imposer quoi que ce soit. Il semble donc qu’un accord social décidé dans le polder retarde sa mise en œuvre. Mme ASSCHER.- Cela peut être effectivement un problème nécessitant un mécanisme correcteur si on a été trop loin. Nous avons en effet des instruments qui peuvent renforcer le polder, comme par exemple l'effet contraignant des déclarations du collectif de travail, le fait également de renforcer tous les accords volontaristes en dehors des domaines des partenaires, même si ce n'est pas coercitif. Il y a de plus un avis consultatif en dehors des différents conseils. Il est donc rare que la mise en œuvre ne se réalise pas, mais lorsqu'on n'arrive pas jusqu’à ce stade, doit-on s’en satisfaire ? On peut dire qu’on possède un système fort, mais également qu’on n'a pas vraiment abouti aux véritables objectifs. Chacun aura son appréciation personnelle. Que peut signifier le polder en temps de crise ? De quoi a-t-on besoin ? Je me base sur les publications qui mentionnent que dans les circonstances de crise, il est important de se soutenir. C’est un peu le même élan qu'en 1945-50, avec une collaboration loyale au niveau des entreprises débouchant sur une paix sociale, car les grèves n'aident pas vraiment en période de crise ! De plus, Mme Parly a parlé tout à l’heure de l’opportunité de proposer un autre travail. La protection sociale doit être aussi relativement solide, surtout lorsque les salariés sortent du processus du travail. Ils ne doivent pas se retrouver exclus et isolés, cela nécessite d’offrir une bouée de sauvetage, ainsi qu’une stabilité sociale. Vous parliez de citoyenneté comme le fait d’accepter certains sacrifices. Il faut donc une créativité dans la solution comme de pouvoir y réfléchir. C’est pour aller dans ce sens qu’Alexander Pechtold a écrit en décembre : « le défi, la possibilité d'avoir un renouveau ». Ce renouveau nécessaire doit être mis en place, mais avec rapidité et agilité, car je vous disais qu'une des critiques de ce modèle était sa lenteur. D'autres auteurs pensent au contraire que ce modèle témoigne d'une réactivité extrême : on peut effectivement être très agile en changeant de cap, tout simplement parce que sa base repose sur la confiance. On a également besoin d'une information fiable dans le modèle du polder, toujours étayée par les calculs du bureau central. Il se trompe parfois, et on a construit des « châteaux en Espagne sur une erreur. » Il demeure très important de bien communiquer au niveau de l'entreprise, du secteur, et au niveau central, comme de communiquer du niveau central vers la base. On pourrait dire que le modèle polder, s'il fonctionne bien, s'il résiste et trouve une solution malgré les nombreuses critiques, correspond à une façon de communiquer. Réunis tous ensemble ici, nous communiquons ; ce matin, c’était avec Mme Parly, cet après-midi avec Mr Spinetta. C'est un petit polder national qui provoque des effets internationaux. La communication en période de crise demeure donc essentielle, et on constate que la concertation ou « faire du polder » est plus intense que jamais, comme le reconnaissait Mr Wientjes, président de l'organisation des employeurs. Mais la décision ne peut pas être prise par le modèle du polder, c'est le gouvernement qui doit gouverner. - Pensez-vous que le modèle du polder puisse aider à sortir de la crise ? 10 C'est la question que je voudrais vous poser en guise de conclusion. Si on regarde les défis auxquels nous sommes confrontés, on voit d'une part, des choses que l'on connaît, mais d'autre part des inconvénients, parce qu’à force de se connaître, on finit par trop se connaître, comme dans le cadre d’une famille, où on peut reprocher à un membre de se comporter toujours de la même manière ! - Les avantages du modèle polder nous suffisent-ils ? - Ce modèle est-il suffisamment rapide et flexible, quand on songe à cette longue période de temps qu’il nous a fallu pour le constituer ? Quelle est sa portée ? Faut-il lui laisser davantage de temps ? Je souhaiterais conclure avec ces trois questions, en espérant que de votre côté, vous réagirez. Merci beaucoup de votre attention. Merci également aux interprètes, parce que personne ne s'est endormi, ce qui est une très bonne chose, car quand j'enseigne à mes étudiants c'est tout le contraire...! Je suis prête à répondre à vos questions. Question.- Le gouvernement laisse combien de temps pour trouver le consensus ? Mme ASSCHER.- On ne le sait pas. Probablement que le Premier Ministre a une date dans son agenda, l'anniversaire de sa fille par exemple, mais on ne la connaît pas vraiment. Les Néerlandais peuvent me corriger si je me trompe mais c'est du genre : on reste longtemps à la table des négociations et on négocie jusqu'à ce qu'on arrive à un consensus. M. VAN DER WAL.- Je pense que ce que vous voulez dire c’est que le consensus implique qu'il n'y ait pas de date. On peut donc continuer effectivement à discuter jusqu'à tard dans la nuit. Mme ASSCHER.- Effectivement, une des composantes de la culture du polder conduit à ce qu'on négocie jusque tard dans la nuit. C’est une stratégie, et en tant que Français, vous le comprendrez sans aucun doute. Une concertation très connue a eu lieu dans un des ministères et s'est prolongée jusqu'à tard dans la nuit et selon des rumeurs, on a même dû faire appel à un service de restauration. Je pense qu’en tant que Français, vous auriez fait un compromis après 6 heures de discussions ; mais chez nous, il a fallu 24 heures ! C'est peut être aussi une habitude de rester ensemble pendant très longtemps dans des salles étouffantes et enfumées… Maintenant si la fumée reste au stade de souvenir, une certaine pression s'exerce, c'est tellement peu confortable qu'on se dit qu’on ne va pas prolonger les discussions éternellement… Une pression également exercée par le gouvernement puisqu'on ne sait pas combien de temps il nous reste, comme celle due aux circonstances, sans oublier aussi celle de l'opinion publique. Question.- Je voudrais rebondir sur ce que vous avez dit concernant l'inutilité de la grève en temps de crise. Ceci étant, que peut-on suggérer à des salariés qui perdent tout et qui ne sont écoutés de personne ? Deuxièmement, quand on parle de consensus, très souvent on s'aperçoit que c'est après un rapport de force assez important qu'on arrive à trouver des solutions tant soit peu améliorées de celles qui avaient été proposées avant ce rapport de forces ! Mme ASSCHER.-. Deux réponses à votre question. Le consensus peut exiger des sacrifices mais qu'est-ce qu'on fait des gens qui réalisent ces sacrifices ? Dans ce cas précis, je pense qu'il est important que le modèle de polder soit encadré par ce que j'appelle le modèle rhénan, avec une Sécurité Sociale solide, parce que cela n'offre aucun sens de laisser tomber les personnes. Il est possible de sauver la face socialement par le biais de l'emploi, mais si ce n'est pas possible, il faudra de toute façon une Sécurité Sociale adaptée. C'est une composante 11 essentielle, parce que nous sommes actuellement confrontés à la dégradation de la Sécurité Sociale, et que nous avons eu affaire ces derniers temps à des employés qui se sont établis en indépendants et qui se sont rendus compte que s’ils perdaient leurs emplois, ils n’avaient plus droit aux allocations. C'est un des drames de notre évolution économique qui a été complètement mésestimée. Disposer d'une solide Sécurité Sociale est donc essentiel. Concernant les grèves, il faut en effet imposer un rapport de forces pour pouvoir négocier mais également trouver un équilibre de coopération pendant la négociation, tout en se gardant la possibilité de pouvoir dire "non" en cours de concertation. C'est le dilemme auquel les organisations syndicales comme les organisations des employeurs sont confrontées. Il faut montrer que ce n'est pas un walkover3. L’aspect le plus appréciable du modèle polder est qu’il crée d'une certaine façon la paix sociale, mais cela n'empêche pas qu'une des conditions de ce modèle conduit à ce que les partenaires soient dans un rapport de force équilibré, et qu'on puisse montrer que, dans certaines circonstances, on pourrait avoir recours au droit de grève. Je suis donc d'accord avec vous quand vous estimez que le risque encouru pourrait être d’un tel niveau qu'on n'ait pas besoin d'utiliser cette arme. Question.- Dans la société néerlandaise, la grève demeure la dernière des solutions pour mettre les revendications sur la table. On avertit la partie adverse « il faut nous écouter, sinon gare aux conséquences. » Mais on peut rester très raisonnable en se concertant entre adultes, avec l'idée d'une certaine équité, ce qui n'est pas toujours vrai. La partie adverse peut se réveiller, comme je l'ai vécu moi-même aux Pays-Bas, les quelques fois où j'ai fait grève, et ce n'est pas nécessairement une expérience agréable. Je ne le dis pas tant par rapport à KLM, mais la grève peut devenir une arme nuisible qui détruit l'entreprise. Je vois bien les défauts du modèle polder dans le fait qu’il soit sirupeux, lent, et qu’on semble s’y enliser. Et étrangement, au fil des semaines et des mois qui passent, on se dit tous que ce processus est sirupeux, lent, et qu’il faudrait arriver se mettre d'accord. En fin de compte, mon ressenti personnel correspond à l’idée "my way on the highway", faire et ne pas réfléchir, alors faisons affaire, d’autant plus que c’est excitant lorsque je détermine la solution collective ! En fait la question essentielle perdure : a-t-on vraiment besoin de tout le monde ? Vous avez utilisé le mot français "élan", l'esprit (spirit), nous avons tous la volonté de nous en sortir. Je veux bien suivre le mot d'ordre issu du modèle du polder, mais je n’en suis pas au stade de dire: "d'accord mon vieux, tu sais ce qui est mieux pour moi !". Malheureusement, KLM, comme bien d'autres entreprises, n'offre pas d’exception à cette façon de faire. « Elle décide ce qui est bon pour toi ! » Je n'ai pas l'habitude, et ma méfiance est d'autant plus renforcée que seule la direction générale ne se retrouve jamais dans les salles enfumées, ayant ses propres bureaux. Je n'ai également pas besoin de me méfier de mes dirigeants syndicaux car ils ne sont pas invités, même si la cogestion du conseil d'entreprise se retrouve donc bafouée. Je suis confronté à des formules banales du genre: « Vous ne comprenez pas la gravité de la crise… » Mais non, j'ai 57 ans et je suis vieux, hélas, avec des cheveux blancs et pas très obéissant ! Je revendique mon engagement en tant que représentant du personnel tout en faisant partie de cette collectivité, et j'exige qu'on me prenne au sérieux ! Vous avez employé le terme agilité, et je suis sensible à ce qui signifie flexibilité, réagir rapidement, alors qu’en même temps, cela peut passer pour une formule banale. Les caractéristiques que vous avez évoquées sont importantes dans la résorption de la crise même si je pense que votre approche s’avère un peu amère et franchement discutable. Un mot est un mot mais il faut le définir, et il se trouve que je n'en ai pas toujours la même définition que la partie adverse. 3 walkover : victoire facile 12 Je sais que vous êtes tout à fait en faveur de la poursuite de ce modèle du polder, mais il faut le voir d'une façon rationnelle. Pour mes collègues d'Air France je voudrais soulever un coin du voile, même pour ceux de KLM : le modèle du polder s'avère un peu usé quand il doit traverser une crise. On parle de travail au lieu de le faire – et je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous – qu'une entreprise comme KLM ait absolument besoin de ce modèle. Nous sommes, en tant que Néerlandais tout à fait rationnels et peu émotifs. Mais si vous nous écrasez contre le mur, on finira alors par le devenir ! Tout cela pour vous dire de manière un peu solennelle que c'est une qualité d'avoir des émotions comme nos collègues français. M. VAN DER WAL.- Ce que nous vivons actuellement est un bon exemple du modèle du polder en période de crise. Cette année, chez KLM, des négociations sont en cours qui concernent les conditions de travail, conduisant à des tensions au sein des différents syndicats néerlandais, comme mentionné par mon collègue. C'est un cas intéressant qu’on peut évoquer aujourd'hui, mais en même temps, je demande à mes collègues de ne pas en rendre le contenu public. On doit comprendre ce qu’est le modèle du polder, son ambivalence qui illustre sa grande complexité. Question - Est-ce que le modèle du polder suffit pour s'en sortir ? Mme ASSCHER.- Je voudrais quand même réagir aux propos du précédent interlocuteur. Nous nous connaissons et nous sommes tous les deux des personnes émotives, et j'apprécie beaucoup son engagement. Il a aussi raison sur le fait que le modèle du polder n’offre pas une garantie en soi, ce qui n'est pas du tout ce que j'ai voulu dire, d'ailleurs ! Les choses qu'il a exprimées : « on ne m'écoute pas, on prend des décisions unilatéralement » sous-entendent que le modèle n'est pas bien appliqué, mais ce qui est important, c'est qu'on communique ensemble. Bref, si on fonctionne un peu mieux avec le polder, on en sortira tous un peu plus enrichis. L'autre chose que vous avez exprimée et je crains que ce ne soit vrai, c'est qu'il y a des moments où il faut agir parce qu'il ne nous reste plus de temps pour voir où mènera la concertation, ce qu’on admet tous. Si la digue se rompt, il faut mettre les sacs de sable, qu'ils soient rouges ou bleus, on verra plus tard, mais l'important c’est de mettre les sacs de sable ! Voilà qui va de pair avec le modèle social, où l’on doit rendre compte en disant qu’il a fallu réagir rapidement. "Quel était ton critère pour réagir aussi rapidement ? " Est-ce que je suis d'accord avec ce critère ? Et ensuite " ta décision, avais-tu le droit de la prendre dans l’urgence ? " Dans toute organisation il est nécessaire, de temps à autre, de passer outre sur certaines formes, et c'est admissible à partir du moment où on assume la pleine et entière responsabilité de ses actes. On peut dire que la démocratie parlementaire connaît également ses problèmes, mais on a au moins toujours un parlement. Ils sont quelquefois assommants, mais bon... ! Ils doivent accomplir leurs devoirs. Qui exercerait ce contrôle, si on avait affaire à une institution sans pouvoir… ? On a des troupes d'élite dans l'application du modèle du polder en entreprise, et vous me direz si je me trompe, mais elles respectent en général les procédures et assument leurs responsabilités. Mais il va de soi qu'il faut rester vigilant. M. VAN DER WAL.- Wubbo Ockels, notre prochain orateur que je présenterai après le déjeuner, voudrait vous poser une question. M. Wubbo OCKELS.- Je suis absolument fasciné par cette discussion en tant que personne extérieure qui s'occupe plutôt d'opérationnel à caractère technique, et ma question à Irene Asscher concerne justement cet aspect. Un groupe de personnes se réunit, « fait du polder », et pendant des heures chacun subit l'influence des autres dans cette concertation collective. 13 Lorsqu'on arrive enfin à des conclusions, est-ce que le lendemain, on ne se demande pas si, pendant toutes ces heures, on n’a pas tellement été distrait par toutes ces influences différentes qu’on en a oublié les choses essentielles ? Mon expertise a été fragilisée à cause de cette distraction occasionnée par ce que formulaient les autres et par cette concertation tellement longue que j'ai perdu de vue l'essentiel. Mme ASSCHER.- C'est effectivement le danger. C'est un « machin » dont la finalité doit nous aider à arriver à une solution en faisant changer d'avis des personnes qui, en temps normal, n’auraient pas changé d'avis. Mais il faut en être capable. Au tribunal, du temps où il y avait encore des procédures de conciliation lors de divorces, un juge avait demandé a une plaignante si elle voulait vraiment divorcer. Celle-ci lui a répondu "Non, pas vraiment". Son avocat a alors interpellé cette femme en lui demandant : « Pourquoi avez-vous répondu cela puisque vous vouliez divorcer, non ?" "Oui, a-t-elle répondu, mais le juge l'a demandé tellement gentiment…" Cette femme-là, il vaut mieux à mon avis qu'elle ne fasse pas du polder car il faut quand même être persuadé de ce qu’on défend ! L'amabilité, c'est agréable, j'y suis d'ailleurs très sensible moi-même, mais ce n'est pas déterminant. Fumer des cigarettes, c'est désagréable, mais pas une torture au point que j’en arrive à avouer des choses que je ne veux pas avouer. Ceux qui ont l’échine trop souple n'ont très certainement pas leur place dans ce processus de modèle polder ! On vient avec son expertise, son caractère, ses points de vue, ses réflexions et en cas de défaillance, on est tout de suite rappelé à l'ordre par la base. Question.- Je ne connaissais pas ce modèle avant de participer à ce séminaire et je vous remercie de nous l'avoir présenté. J'ai l'impression qu'il est fondé sur le fait que les participants ont le même niveau de pouvoir de décision. Est-ce que ce modèle n'est pas un frein à la réactivité ? Quel intérêt aurait-on à utiliser ce modèle si on a un avantage par rapport aux autres participants, un avantage économique par exemple ? Mme ASSCHER.- Je ne pense pas que ce modèle soit fondé sur une complète équivalence, parce que les lois – je suis professeur et je travaille avec les lois– attestent que les autorités sont en fin de compte responsables d'un minimum de garanties ainsi que du contexte social. Il n'y a pas vraiment de complète équivalence entre les parties, et c'est justement un des éléments de base de ce modèle. Question.- Je voudrais ajouter quelque chose par rapport au modèle du polder. J'y participe moi-même et j'ai remarqué que lors des négociations, la base ne vous croit pas si on ne va pas jusqu'au bout en terme de durée de ces concertations. Cela revient à dire qu'il faut prendre beaucoup de temps avant d’arriver à un accord, parce que si vous négociez une convention collective en 3 heures et demie, on se posera toute sa vie la question : Est-ce que je n'aurais pas pu obtenir davantage si j'avais continué plus longtemps ? Pour moi, une des caractéristiques de faire du polder demeure la longue durée de négociation pour satisfaire la base. Mme ASSCHER.- Tu soulignes deux points : premièrement, la base ne me croit pas parce qu'on aurait pu obtenir davantage, et deuxièmement, tu n'y crois pas toi-même. Oui… il y a toujours un élastique et quelqu'un qui fait du polder en bonne et due forme devine à quel moment l'élastique se rompt et se demandera toujours : est-ce que j'aurais pu obtenir davantage ? Mais n’aurait-on pas alors atteint le point où personne ne veut plus négocier avec moi ? D’un autre côté, on peut s'expliquer, ce qui n’est d'ailleurs pas spécifique au modèle du polder mais vaut pour l'ensemble des modèles de concertation. Chaque foyer aux Pays-Bas est un modèle de concertation. Mes enfants m’ont demandé s’ils n’auraient pas pu aller plus loin 14 dans leurs demandes puisque j’avais été d'accord tout de suite. J'ai répondu que non, parce que j’étais déjà arrivée au stade ultime ! M’ont-ils cru ? Je n'en sais rien. La caractéristique de tous les modèles de concertation c’est que cela requiert de l'expérience ainsi que la connaissance de la partie adverse, pour savoir jusqu'où on peut aller. Au marché la dernière fois, la vendeuse me demandait 900 euros alors que je ne voulais en mettre que 300. Elle est descendue à 800, je suis restée à 300. Elle m'a dit alors " Madame, c'est moi qui descends, et vous devez monter et ne pas rester sur vos 300". Il faut connaître la partie adverse. Si j'avais su, j'aurais évidemment commencé à 50 et je l'aurais obtenu à 300 rands, à la satisfaction de toutes les deux. Il faut savoir négocier car c'est toute une technique qui requiert également un certain contexte, et le fait de se connaître aide beaucoup, exactement comme dans une famille. Question.- Est-ce que ce modèle a été présenté à Air France ? Mme ASSCHER.- Je ne pense pas, mais je ne saurais me prononcer sur le cas Air France. Je crois que, sur la base du droit, c'est un modèle qui correspond très peu à des relations conformes au modèle polder. Je ne sais pas si cela a été proposé ni si cela peut fonctionner chez eux. Question.- Peut-être pourriez-vous faire un lien avec la situation française et nous donner votre avis personnel ? Peut-on appliquer ce modèle polder ou non ? Mme ASSCHER.- Ce que vous souhaitez obtenir comme réponse représente un cours théorique d'une année ! Pour commencer, je devrais faire une étude des relations de travail et des relations sociales en France, où les différences me semblent grandes. Le modèle polder possède un ancrage culturel dans la façon de gouverner et de structurer les autorités, qui existe depuis des siècles, pas uniquement dans le domaine économique mais dans différents autres domaines. Il faut l’étendre à la société française et je viendrai l’étudier avec plaisir ! Il serait possible d’appliquer tel ou tel élément susceptible d’être utile, pas uniquement des Pays-Bas vers la France mais également de la France vers les Pays-Bas. Mais cela risque d’être difficile ! Question.- Pour sortir de cette crise, pensez-vous qu’une adaptation du modèle polder tel que nous le connaissons actuellement est nécessaire pour ensuite revenir à l'ancien modèle ? Mme ASSCHER.- Prévoir l'avenir est toujours difficile parce qu'il s'agit justement du futur. L’un des éléments importants du modèle polder demeure son adaptabilité, c'est-à-dire que nous recherchons le plus important : soit le consensus, soit le tripartisme, soit la concertation et la relation de confiance. Et il se peut que des éléments, en fonction de la pression de certains événements, deviennent moins importants que d'autres, comme par exemple, le fléchissement du consensus. On a essayé d'écarter le gouvernement en disant : nous obtiendrons un accord salarial entre syndicats et employeurs. Mais en retirant la loi sur le licenciement, bien sûr, on a déplacé le problème de la retraite, qu'on a transmis au niveau du Conseil Economique et Social. Est-ce souhaitable ? Peut-être, en respectant bien sûr toutes les valeurs et en particulier celle de la communication. M. VAN DER WAL.- Je vais conclure en vous remerciant très chaleureusement pour cet aperçu des couloirs du Conseil Economique et Social. Vous nous avez dit que la politique sur le licenciement ne serait pas réglée avant votre retraite. Je voudrais savoir –je pense parler au nom de la salle– si vous aurez un successeur de votre trempe, et je pense que le fait que vous soyez l’auteur de plusieurs manuels est essentiel au maintien de cette concertation. Ce que j'ai appris aujourd'hui, c'est que c'est également un travail entre êtres humains, vous avez parlé d'alchimie, c'est important, et je vous remercie pour votre contribution. 15 Mme ASSCHER.- Je précise que je parle de ma retraite en tant que professeur, car j'aimerais continuer à participer activement à la gestion de KLM pendant encore plusieurs années ! Je ne vais pas vous abandonner, en tout cas. Vous allez devoir me supporter encore longtemps ! M. CADOREL.- Nous allons maintenant déjeuner tous ensemble, et nous nous retrouvons ici à 14 h pour accueillir le prochain intervenant, Mr Wubbo Ockels. 16