Chronique big one Classic Rock

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Chronique big one Classic Rock
Close-up
Crucified Barbara
Signes de croix
M
ême si la féminisation du
metal se fait plus rapidement que celle du monde politique, elle profite
surtout à l’éclosion de chanteuses, œuvrant dans un registre gothicosymphonique. Des filles qui dépotent vraiment et, surtout, qui tiennent
leur groupe en main, il y en a peu. Est-ce la raison pour laquelle
Crucified Barbara remporte son petit succès en France ? Toujours est-il
que, en ligne depuis Stockholm, Klara Force (blonde ?), guitariste et
cofondatrice, ne se remet pas de l’accueil reçu au retour de quinze dates
en mars dernier : “On a été surprises que tant de gens se déplacent pour
écouter quatre nanas jouant un mix de punk et de metal. Pour moi, les
Français étaient obligatoirement branchés électro ou French Touch.”
Comme quoi, on a tous nos idées préconçues. Nous, nous pensions
trouver en Crucified Barbara une sorte d’hybride de Girlschool 2010,
mâtiné de Motörhead. Pas à l’ordre du jour. Même si le groupe fut
honoré de partager la scène avec Lemmy et les siens, et même si Phil
Campbell a posé un solo sur leur dernier album. Car Crucified
Barbara ne recherche l’adoubement de personne. Non, Madame ! Et
la vérité est qu’elles se sentent plus influencées
ladies room
Trois blondes et
par le son grunge qui les a vues casser leurs preune brune pour
mières cordes : “C’est en France que nous sommes
un maximum
subitement redevenues nostalgiques de Nirvana
de bruit et de
ou d’Alice in Chains, qu’on réécoutait dans les lo- glamour, la recette
ges, après des années d’un régime sans grunge. Crucified Barbara.
Une influence que je retrouve sur nos disques, mais, bizarrement, les
gens nous parlent toujours de groupes de metal anglais ou de punk.”
Sur The Midnight Chase, troisième album au compteur (après In
Distortion We Trust, en 2005, et Til’ Death Do Us Party, en 2009),
leurs textes pourtant aussi rentre-dedans que leur tempo ont gardé
quelque trace du DIY punk. “C’est comme ça qu’un titre comme
‘Crucifier’ parle de revanche, de devoir toujours te méfier des autres,
dans la musique ou ta vie personnelle. Mais ce n’est pas une attaque
spécifique contre d’autres groupes. C’est juste en général…”
D’ailleurs, les “Crucifiers”, ce sont elles : quatre filles en marche et
déterminées ! “Mais, dans la vie, nous sommes très gentilles et très
cool. N’ayez pas peur.” Et ne tremblez pas non plus devant leurs aimables petits noms de scène : Klara Force donc, mais aussi Ida Evileye
(basse), Nicki Wicked (batterie) et Mia Coldheart (chant). Des pseudos adoptés très jeunes qui résultent “de l’envie de se forger une personnalité plus cool, plus ‘over the top’ pour la scène. Ces alter ego, c’est
nous, mais en mieux !” (Rire.)
Alors, si au bout du troisième album le jeu n’en vaut pas encore la
chandelle financièrement parlant, le but est ailleurs : “La clé de tout
pour nous, c’est de bien s’entendre. On est de bonnes amies qui se fréquentent même hors des tournées.”
De là à s’imaginer encore dans dix ans à sillonner les routes en dépit
de jobs alimentaires à côté, la réflexion existe : “Ça dépendra… Il faudra que le bilan compte plus de hauts que de bas. C’est le cas aujourd’hui,
alors c’est valorisant. Et le public semble bien nous traiter.” (Rire.)
Pour l’instant, les intervalles “de la vraie vie” restent rudes. À peine
descendue d’avion, le soir de son retour de France, Klara filait reprendre son job d’aide-soignante dans une maison de retraite. Aura-t-elle
un jour Lemmy pour patient ?
guillaume b. decherf
photographie par tallee savage
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