LA CHIRURGIE DU RACHIS CERVICAL DANS LA
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LA CHIRURGIE DU RACHIS CERVICAL DANS LA
RACHIS CERVICAL ET POLYARTHRITE RHUMATOÏDE LA CHIRURGIE DU RACHIS CERVICAL DANS LA POLYARTHRITE RHUMATOïDE CERVICAL SPINE SURGERY lN RHEUMATOID POLYARTHRITIS F.CANOVAS, Orthopédie P. FAURÉ, F. BONNEL 3, Hôpital Lapeyronie, 34000 Montpellier RÉSUMÉ SUMMARY tualité rare au cours de la polyarthrite rhumachirurgie rachisessentiellement cervical reste une toïde. Elle du repose sur évendeux techniques: l'arthrodèse atloïdo-axoïdienne et l'arthrodèse occipito-cervicale, un geste de décompression pouvant être associé à la fixation. La décision opératoire et le choix de la technique chirurgicale reposent sur la nature des manifestations cliniques (douleurs rebelles et/ou signes neurologiques) et sur les anomalies anatomiques constatées en imagerie, au niveau du rachis cervical supérieur mais aussi inférieur. Globalement, la préférence doit aller aux montages courts, essentiellement l'arthrodèse Cl -C2, afin de limiter le risque de pseudarthrose et surtout le risque d'instabilité sous-jacente. is rare. It is in the course of two techniques: atlantoaxial arthrodesis and occipitocervical arthrodesis, a means of decompression that can be combined with fixation. The decision ta opera te and the choice of surgical technique depend on the nature of the clinical manifestations (persistent pains and/or neurological signs), and on the anatomical anomalies revealed by imagery in the upper and also the lower cervical spine. On the whole, short fixations are desirable, CI-C2 arthrodesis, ta limit the risk of pseudoarthritis and above al! the risk of underlying instability. La Mots clefs: Polyarthrite rhumatoïde - Rachis atloïdo-axoïdienne - Arthrodèse occipito-cervicale. oervical - Arthrodèse rheumatoid polyarthritis Cervical surgery essentiallyspinebased on • Key words : Rheumatoid arthrodesis - Occipitocervical arthritis - Cervical arthrodesis . spine - Atlantoaxial LA CHIRURGIE DU RACHIS CERVICAL La chirurgie du rachis cervical dans la polyarthrite rhumatoïde est relativement rare. Cependant, la gravité des complications neurologiques justifie pleinement sa prise en charge (18). Ce sont le plus souvent les cervicalgies et les névralgies d'Arnold ou la découverte sur des radiographies systématiques d'une instabilité atloïdo-axoïdienne antérieure qui motivent la consultation médico-chirugicale. Les indications opératoires reposent sur la douleur rebelle au traitement médical, la myélopathie cervicale et l'instabilité atloïdo-axoïdienne sévère. Exceptées les formes neurologiques, pour lesquelles l'indication opératoire est formelle, c'est sur un ensemble d'arguments cliniques et radiographiques que la décision opératoire sera prise. A ce propos, les signes neurologiques isolés, comme l'hyperréflexie, ne doivent pas être pris en compte dans l'indication opératoire et la diminution de la force musculaire doit être interprétée avec prudence chez ces patients en raison des atteintes articulaires étagées (6). La chirurgie du rachis cervical supérieur dans la polyarthrite rhumatoïde doit être adaptée à chaque cas particulier et repose essentiellement sur deux techniques chirurgicales : l' arthrodèse C l-C2 et l' arthrodèse occipito-cervicale. Dans certaines formes neurologiques, un geste de décompression est associé à la stabilisation rachidienne. L'ARTHRODÈSE C l-C2 La technique de l' arthrodèse C l-C2 avec cerclage C l-C2 par fil d'acier et greffe osseuse associée a été décrite par Gallie en 1939 (9). Cette technique, qui nécessite en post-opératoire une contention rigide de 3 mois, donne des résultats satisfaisants malgré un haut potentiel de pseudarthrose. Santavirta a rapporté, avec un recul au moins supérieur à 10 ans, 12 pseudarthroses sur 24 arthrodèses C l-C2 et a confirmé l'absence de parallélisme radio-clinique après intervention de Gallie (19). Pour pallier à ces inconvénients, de nombreuses équipes utilisent actuellement des montages plus rigides : le vissage atlanto-axoïdien et la pince interlamaire Cl-C2. Ces nouvelles techniques ne sont néanmoins pas exemptes de complications. Eleraky a rapporté 3 pseudarthroses sur 36 arthrodèses C l-C2 avec le vissage atlanto-axoïdien et Coric a publié un cas de fistule artérioveineuse après vissage Cl-C2 (4.7). Statham et Moskovich ont rapporté respectivement 9 pseudarthroses sur 45 arthrodèses DANS LA POLYARTHRITE RHUMATOïDE C l-C2 et 5 pseudarthroses sur 25 arthrodèses C l-C2 avec la pince interlamaire (16,21). Quoi qu'il en soit, le taux de pseudarthrose avec les montages décrits précédemment est nettement inférieur à celui des interventions de Gallie et justifie donc à priori leur utilisation dans les arthrodèses Cl-C2. L'ARTHRODÈSE OCCIPITO-CERVICALE Comme pour l'arthrodèse Cl-C2, les premiers montages d'arthrodèse occipito-C2 ont été réalisés avec des fils d'acier associés à une greffe cortico-spongieuse occipito-C2 (3). La fragilité du montage et le taux élevé de pseudarthrose, malgré des résultats cliniques satisfaisants, ont poussé de nombreux auteurs à utiliser des montages rigides (plaque occipito-cervicale, cadre métallique, instrumentation de Luque) qui permettent par ailleurs d'étendre l' arthrodèse à un niveau inférieur à C2 et d'effectuer dans le même temps opératoire une décompression par laminectomie (2,8,12,20). Grob a comparé les résultats des arthrodèses avec fil d'acier vers us plaque en Y (10). I.;amélioration des signes neurologiques était respectivement de 40% et de 86%, et le taux de pseudarthrose de 27% et de 6%. I.;avantage évident des montages rigides en terme de stabilité doit être néanmoins tempéré du fait de leurs répercussions mécaniques, à plus ou moins long terme, sur le rachis cervical inférieur. ARTHRODÈSE C l-C2 OU ARTHRODÈSE OCCIPITO-CERVICALE? Le rachis cervical supérieur ou occipito-axoïdien constitue une entité biomécanique à part entière et la neutralisation par arthrodèse de cette unité fonctionnelle semble parfaitement justifiée biomécaniquement. Cependant, la surcharge biomécanique de l'arthrodèse occipito-cervicale sur le rachis cervical inférieur s'oppose à l'argument précédent. En effet, Acrarwal a montré sur une série de 110 patients (55 arthrodèses C l-C2 et 22 arthrodèses occipito-C3) qu'une instabilité du rachis cervical sous-jacente à l'arthrodèse survenait après arthrodèse C l-C2 dans 5,5% des cas avec réintervention à 9 ans et après arthrodèse occipito-C3 dans 36% des cas avec réinter- • LA CHIRURGIE DU RACHIS CERVICAL vention à 2,6 ans (1). On peut conclure dans le cadre du traitement chirurgical du rachis cervical rhumatoïde que l' arthrodèse C I-C2 doit être préférée à l' arthrodèse occipito-cervicale si la fixation de l'étage occipito-atloïdien n'est pas impérative. Si l'indication opératoire repose essentiellement sur des arguments cliniques, le choix de la technique chirurgicale dépend en grande partie de l'analyse radiographique. Le bilan préopératoire inclut une radiographie de face et de profil du rachis cervical ainsi qu'un cliché de face bouche ouverte. Il permet de préciser le type de luxation atloïdo-axoïdienne (le plus souvent antérieure, rarement postérieure) et de quantifier son déplacement, d'analyser les articulations atloïdo-axoïdiennes (atteinte uni ou bilatérale) et de mettre en évidence une subluxation rotatoire, de rechercher une lyse de la dent de l'odontoïde et surtout une impression basilaire, et enfin d'analyser le rachis cervical inférieur qui est souvent le siège de subluxation. Vappréciation de l'état du rachis cervical inférieur est fondamental, non seulement dans l'indication opératoire mais aussi dans la tactique chirurgicale. Dans certaines formes douloureuses pures, il est parfois préférable de sursoir à une arthrodèse du rachis cervical supérieur compte-tenu de l'état du rachis cervical inférieur, de suivre régulièrement ces patients pour s'assurer d'une éventuelle aggravation radiographique et de proposer dans l'immédiat une infiltration du nerf d'Arnold pour les soulager. Matsunaga a analysé les facteurs préopératoires prédictifs de subluxation du rachis cervical inférieur après arthrodèse occipito-cervicale (14). Les radiographies dynamiques de profil en flexion et extension précisent l'importance de la luxation atloïdo-axoïdienne et sa réductiblité. Elles permettent parfois de dévoiler une instabilité sous-jacente à la luxation atloïdo-axoïdienne. Le scanner permet d'évaluer l'espace de sécurité médullaire au niveau de CI, tandis que l'IRM précise la myélopathie cervicale, le niveau de compression et le pannus pré-odontoïdien. Vensemble des éléments cliniques et radiographiques permet de dégager au mieux les indications thérapeutiques INDICATIONS ET CHOIX DE LA TECHNIQUE CHIRURGICALE Dans les formes douloureuses, sans signes neurologiques, l' arthodèse C I-C2 représente le traitement de choix de l'instabilité atloïdo-axoïdienne DANS LA POLYARTHRITE RHUMATOÎDE antérieure et prévient le risque ultérieur d'impression basilaire. Lorsque l'instabilité atloïdo-axoïdienne antérieure est associée à une impression basilaire, la fixation de l'articulation occipito-atloïdienne impose la réalisation d'une arthrodèse occipito-cervicale. Dans les cas où l'instabilité atloïdo-axoïdienne antérieure est associée à une subluxation du rachis cervical inférieur, la fusion limitée à l'espace concerné associée à la stabilisation du rachis cervical supérieur par arthrodèse CI-C2 doit être privilégiée afin d'éviter les montages longs. Cette orientation thérapeutique semble parfaitement justifiée lorsque l'instabilité siège au niveau C4-C5 ou C5-C6. Par contre, lorsque l'instabilité siège au niveau C2-C3 ou C3-C4, l'arthrodèse occipito-cervicale s'impose, en tenant compte des remarques effectuées précédemment concernant l'indication opératoire. Dans les rares luxations atloïdo-axoïdiennes postérieures, la stabilisation rachidienne doit être assurée par une arthrodèse occipito-cervicale. Enfin, les formes asymptomatiques, avec découverte lors d'un bilan systématique d'une instabilité atloïdo-axoïdienne antérieure, ne doivent pas être prises en charge chirurgicalement lorsque le risque neurologique paraît mineur (scanner, IRM). Par contre, une surveillance régulière, clinique et radiographique, est nécessaire pour ces patients. Dans les formes neurologiques, l'indication opératoire est formelle et les indications sont, pour de nombreux auteurs, superposables à celles des formes douloureuses. Ainsi, Peppelman a montré que quelque soit la technique de stabilisation utilisée, une amélioration neurologique avait été obtenue (94,8% après arthrodèse CI-C2 pour luxation CI-C2, 94% après arthrodèse occipito-C3 pour luxation C I-C2 et impression basilaire, et 71 % après arthrodèse occipito-cervicale pour luxation C I-C2, impression basilaire et subluxation du rachis cervical inférieur)(l7). Quoiqu'il en soit, tous les auteurs s'accordent sur la corrélation entre récupération neurologique et sévérité des déformations rachidiennes, d'où l'intérêt d'un traitement chirurgical précoce, notamment avant l'apparition d'une impression basilaire, qui reste de mauvais pronostic. La traction par halo crânien pré-opératoire est recommandée par de nombreux auteurs dans les formes à grand déplacement et permet de juger d'une part de la réductibilité et d'autre part de la récupération neurologique. La décompression par laminectomie ou par voie antérieure (voie trans-orale) oblige à une stabilisation par arthrodèse occipito-cervicale(s.ls). Elle est rarement nécessaire pour de nombreux auteurs et la • LA CHIRURGIE DU RACHIS CERVICAL décompression de Crockard associée secondairement à une stabilisation postérieure n'a pas fait la preuve de son efficacité et oblige à un temps chirurgical supplémentaire chez ces patients fragiles (13). A ce propos, plusieurs études, dont celle de Grob, ont montré que le pannus pré-odontoïdien diminue de volume ou disparaît spontanément après stabilisation rachidienne (Il). La chirurgie du rachis cervical rhumatoïde reste relativement exceptionnelle. Le but du traitement chirur- 1. Ag~rwaJ AK, Peppelman WC, Kraus D~, ~olloÇk BH, Stolzer BL, Eisenbeis CH Jr, Donaldson WF.: Reçourrence of cervîcal spine instability in rheumatoidarthritis following previous fusion: can disease progression be preventedby early surgery? J R1ieumatol,1992; 19: 1364-1370 2. Benazet JP, Hammma A, SaiIlanbG, Rakover JP, Roy-Camille: La chirurgie du rachis cervical sUl!érieu:t;d~ns la polyarthrite rhumatoïde. Indications et résultats à propos de 28 cas. Rev Chir Orthop, 1996; 82: 681-<i~0 "!ifit ifl' 3. Castaing J, Gouaze A, Plisson JL.:Teqhniquede 'Parthrodèse cervico-occipitale par greffon iliaquewisséd~!ls l'occipi~ tai. Rev Chir Orthop, 1963; 49: 123-127 4. 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