L`herméneutique de Paul Ricoeur

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L`herméneutique de Paul Ricoeur
L’herméneutique de Paul Ricoeur :
Une pensée entre le préjugé irrécusable
et l’universel possible
Fernanda Henriques – Universidade de Évora
Introduction
Avec irrécusable je veux dire quelque chose qui est toujours là, qu’on ne peut
ignorer, qu’on ne paut pas aussi refuser, mais, au contraire, qu’on doive
acepter et essayer d’intégrer de quelque façon qu’il soit pour pouvoir et vivre
et penser.
Dans ce travail je me propose de penser l'herméneutique de Paul Ricoeur
dans le contexte de ce qu'on peut designer comme une façon propre de
concevoir la rationalité humaine en tant qu'une raison finie, mais capable de
développer un discours sur le Sens si elle accepte son insertion ontologique
– son irrécusable - et si elle s'ouvre à un travail d'interprétation en quête de
l'univocité.
Je veux montrer que son herméneutique represente un travail sur le Sens en
l’envisageant comme une ouverture aux différences soit historiques soit
culturelles, en quête d'un universel inchoatif qui puisse accueillir la diversité
humaine. C’est-à-dire que son Herméneutique est donc, vraiment, une façon
hospitalière et engagée de penser.
Sujet
1§. François Dosse, dans sa biographie sur Ricoeur : Paul Ricoeur – Les sens
d’une vie, parle de l’engagement de la pensée ricoeurienne et montre les
plusieurs façons de son developpement. Dit-il au commencement de son
texte :
Telle est la posture philosophique de Paul Ricoeur qui, depuis
les années trente, conçoit sa réflexion comme une longue
forme d’engagement dans la Cité. Prendre connaissance de
son itinéraire atteste cette capacité d’intervention constante
dans les grands enjeux qui traversent la société
contemporaine. Il montre à quel point la voie philosophique,
tout en restant modeste, est majeure et nécessite de longs
détours, une véritable ascèse intellectuelle. À plus de quatre-
1
vingts ans, Ricoeur fait la démonstration d’une éternelle
jeunesse. Sa présence constante dans ce siècle ne se sera
jamais démentie. Si être est « être en chemin », Ricoeur,
maître à penser plus que maître penseur de générations
sucessives, est bien au coeur du XXième siècle, au coeur de
la Cité. 1
En fait, l’engagement avec les Problèmes de son temps aussi que sa
présence au coeur de la Cité arrivent à cause du caracter de Ricoeur, d’une
três grande exigence éthique, mais aussi par son acceptation de la
proposition hegelienne de que la Philosophie doit rendre compte de son
temps et, de cette façon, que chaque philosophie doit être la pensée de son
époque.
D’accord avec la fidélité à la proposition hegelienne, Ricoeur a cherché que
ses textes, en appartenant tout à fait à la place propre de la philosophie, à
son champ théorique et de recul critique, pourraient, au même temps, rendre
compte des grandes problèmatiques de son temps, notament celles où
s’enchevêtraient
les
situations
théoriques
dilématiques
de
la
contemporaineté en cherchant se nommer soi-même entre modernité et
postmodernité, comme par exemple, la question de la fin de la philosophie et
celle de la place epistémologique de la rationalité.
Ne rénonçant jamais à intervenir dans la vie cotidienne de la Cité, dans son
rôle de citoyant,
son oeuvre de philosophe répresente une façon de
prolonger son engagement avec les choses que se sont constituées comme
des apories fondamentaux de son developpment, notament depuis la fin du
siècle XIX.
Il y vraiment pris de position dans la Cité à tous les niveaux: au niveau de la
realité social, au niveau de la vie politique et aussi au niveau du
symbolique.Il a intervenu comme un citoyen ordinaire, comme un philosophe
et aussi comme un chrétien.
D’autre côté, bien avant de faire du langage un des plus importants thèmes
de sa philosophie, Ricoeur a choisi le langage comme
1
sa manière
Paris, La Découverte, 1997, p. 7.
2
d’engagement au monde. Il l’a dit d’une très joli façon aux années 50, dans
Histoire et Vérité :
La parole est mon royaume et je n’en ai point honte; [...]. Comme
universitaire, je crois à l’efficacité de la parole enseignante;
comme enseignant l’histoire de la philosophie, je crois à la
puissance éclatante, même pour une politique, d’une parole
consacrée à élaborer notre mémoire philosophique ; comme
membre de l’équipe Esprit, je crois à l’éfficacité de la parole qui
reprend réflexivement les thèmes générateurs d’une civilisation en
marche; comme auditeur de la prédication chrétienne, je crois que
la parole peut changer le « coeur », c’est-à-dire le centre jaillissant
de nos préférences et de nos prises de position.2
2§. Pourquoi Ricoeur a-t-il choisi le langage comme façon d’engagement?
Parce que le langage pourrait faire de l’action une vrai praxis, c’est-à-dire,
ressembler la dimension théorique et pratique de l’agir, mais surtout parce
que le langage entraîne le dialogue qui a toujours été le cible de la vie et de
la pensée ricoeurienne.
Ce n’est pas par hasard qu’il parle de l’aspect hospitalière des langues,
quand, aux années quatre-vingts et quatre-vingts-dix, Ricoeur a écrit sur la
traduction. Pour lui les langues sont vraiment lieux de changement, mais
surtout de rencontre entre les humains. Le langage est, en fait, le royaume
de l’être humain. C’est ça sa force, son pouvoir, mais aussi sa faiblesse, sa
limitation. Le langage c’est le destin humain et sa peau.
Beaucoup d’années aprés Histoire et Vérité, Ricoeur a reconnu dans son
oeuvre au sujet de Freud le langage comme le champ propre de la
philosophie exactement à cause de son engagement dans le dialogue. Voici
ses mots :
Nous sommes aujourd’hui à la recherche d’une grande philosophie
du langage qui rendrait compte des multiples fonctions du signifier
humain et de leurs relations mutuelles. Comment le langage est-il
capable d’usages aussi divers que la mathématique et le mythe, la
physique et l’art ? [...]. Nous sommes précisément ces hommes qui
disposent d’une logique symbolique, d’une science exégétique, d’une
anthropologie et d’une psychanalyse et qui, pour la première fois
peut-être, sont capables d’embrasser comme une unique question
Histoire et Vérité, Paris, Seuil, 1955. Troisième édition augmenté de quelques
textes.p.9.
2
3
celle du remembrement du discours humain ; [...] l’unité du parler
humain fait aujourd’hui problème. [...]
En attendant ce philosophe du langage intégral, peut-être est-il
possible d’explorer quelques articulations maîtresses entre les
disciplines ayant affaire au langage.3
Voyons les idées maîtresses du texte :
• Il nous faut, aujourd’hui, rendre compte des multiples formes du
signifier humain qui sont vraiment disparates, comme le mythe et la
science physique, par exemple.
• Il nous faut surtout rendre compte de leurs relations mutuelles, c’est-àdire, de la possibilité de les comprendre dans leurs références à un réel
unique.
• Mais nous n’avons pas la grande philosophie du langage qui pourrait
résoudre le problème de l’unité du parler humain.
• Alors,il nous faut faire deux choses :
o
Nous situer au plan du langage, parce qu’il est le moyen
d’expression humaine dans sa recherche du sens de la realité.
o
Explorer les articulations possibles entre toutes les formes
d’expression du sens, c’est-à-dire, entrainer un dialogue entre
elles.
Pour lui, donc, la tâche de la philosophie de son epoque c’est exactement de
developer le dialogue entre les multiples interprétations du réel. Son Conflit
des Interprétations n’exprime que la destination dialogique de sa philosophie
et de son philosopher.
3§. Le langage, donc, a cause du dialogue, mais pourquoi, au fond, le
dialogue ?
Peut-être pour deux raisons:
• L’excés de signification du réel
• La finitude de la rationalité
Ce sont ces deux raisons enchevêtrées qui répresentent l’irrécusable ultime
du vivre et de la pensée.
3
De l’interprétation. Essai sur Freud, Paris, Seuil, 1965, pp. 13-14.
4
Dans ce contexte, la voie herméneutique de Ricoeur est aussi un
engagement ; elle signifie la volonté d’intervenir au débat de son époque : la
crise, la cision, la perte de la valeur emancipatrice de la raison, finalement,
la fin du sens de la philosophie comme une façon vrai de parler de la realité
et à cause de ça, d’y intervenir.
L’Herméneutique philosophique de Paul Ricoeur est, au même temps,
renoncement et volonté de sens. Renoncement à tout comprendre, à tout
expliquer et à tout unifier. Cependant, elle est aussi volonté d’essayer de
comprendre le plus possible, d’essayer d’expliquer le maximum, finalement
de chercher de faire le discours le plus universel qu’on peut. Suivant la
destination propre de la raison, la philosophie herméneutique a une
intentionalité envers l’universel.
Ricoeur a toujours affirmé la place propre de l’herméneutique dans la
rationalité, en disant que entre l’herméneutique et le savoir absolu il faut
choisir. En realité il en s’agît de deux façons opposées de rationalité :
•
D’un côtê une raison forte, toute puissante et un réel tout à fait
•
D’autre côté une raison faible, finie et une realité surabondante,
rationel.
enigmatique et même mistérieuse qui résiste et échappe.
Dans la première oeuvre de son project philosophique, La Philosophie de la
Volonté
–
Le
Volontaire
et
l’involontaire
-,
Ricoeur
exprime
cette
enchevêtrement entre l’excés du réel et le manque de la raison avec une
grande lucidité, en disant :
Je ne peux faire le bilan de l’être dans lequel je suis situé. Le
monde, c’est là où je suis venu en naissant. [...] Je ne sais pas le
tout, je suis dans le tout.4
Ce texte appartient au dernier moment du parcours réflexif de l’oeuvre en
question auquel Ricoeur appelle le consentement. Consentir c’est donc dire
oui à l’existence, c’est donc aceuillir l’irrécusable de notre être au monde
pour pouvoir y vivre et y penser. Le consentement est la médiation
insurmontable d’une raison finie qui, malgré sa finitude, ne veut pas
rénoncer à se faire une idée de la signification du monde. Consentir c’est,
4
Le Volontaire et l’involontaire, Paris, Aubier-Montaigne, 1950, p. 443.
5
finalement, reconnaître que commencer pour la raison humaine c’est
renoncer à se poser como maitrisant le sens et son origine ; que pour elle
commencer
c’est
toujours
seulement
continuer,
c’est-à-dire,
acepter,
recevoir comme un don son appartenance ontologique à un réel toujours
premier et dèjà donné et à partir de ça avancer atravers la voie du
compromis interprétatif. Et ce compromis est, à la fois, un engagement dans
le lieu où chaque personne se positione pour faire l’interprétation et aussi
cause de qu’on part toujours de préjugés qui fondent notre interprétation au
même temps qu’ils la limitent.
A mon avis, cet aspect de la pensée ricoeurienne exprime elle aussi la place
du dialogue dans sa philosophie parce qu’au font, une grande partie de
l’analyse rationnelle est pour lui l’éclaircissement de ces préjugées d’où
nous partons pour penser. L’oeuvre de Ricoeur est pleine de références et de
réfléxions sur l’impossibilité d’un philosopher pure, d’un philosopher sans
préssuppositions et sur la tâche que cette situation-là pose à la philosophie.
Je vais m’attendre à trois exemples :
• En premier lieu, la signification du thème ricoeurien de la relation
entre la philosophie et ses marges qu’il exprime dans sa position de que
la philosophie ne peut rien commencer du pont de vue thématique et
que sa tâche propre est de faire la rupture au plain méthodologique.
Je cite a ce propos ses mots dans Finitude et Culpabilité I, quant il dit :
La philosophie ne commence rien absolument : portée par la
non-philosophie, elle vit de la substance de ce qui a déjà été
compris sans être réfléchi ; mais si la philosophie n’est pas
quant aux sources, un commencement radical, elle peut l’être
quand à la méthode.5
Les travaux de Paul Ricoeur sur l’innovation sémantique, aux années
soixante dix et quatre vingts, relèvent de la même position. Dans le dernier
étude de La Métaphore Vive, Ricoeur le souligne clairement :
Nul discours ne peut se prétendre libre de préssuppositions,
pour la raison simple que le travail de pensée par lequel on
thématise une région du pensable met en jeu des concepts
5
Finitude et Culpabilité I, Paris, Aubier, 1960, p. 24.
6
opératoires qui ne
thématisés.6
peuvent,
dans
le même temps, être
• Deuxièmement je veux citer un aspect que à mon avis il a été parfois
très doloureux pour Paul Ricoeur de vivre comme philosophe : son
appartennance chrétien.
Je veux évoquer ici deux textes où Paul Ricoeur exprime à la fois sa position
et sa douleur : un entretien au Nouvel Observateur de 1983 et un dialogue
avec Christian Bouchindhomme.
Je cite le premier example :
NO : vous êtes à la fois philosophe et chrétien.
PR : C’est quand même inouï. S’étonne-t-on jamais qu’un
philosophe soit athée ! Je ne vois pas pourquoi je serais disqualifié
à cause d’une »motivation », si l’on admet par ailleurs que
l’athéisme de Sartre est inséparable de sa pensée...7
Je cite le deuxième exemple :
Bouchindhomme me demande « comment, sur un postulat qui ne
peut relever que de la foi, [pouvez-vous] espérer convaincre par
l’argumentation ? » Eh bien, j’espère convaincre les philosophes
par l’argument au plan des préssupposés déclarés de mon
anthropologie. Quant à la foi dans le Dieu de la Bible, je la crois
communicable, mais par d’autres moyens que l’argumentation.[...]
Le logos de la Croix se donne lui aussi à comprendre, mais avec
ses ressources propres [...]. Je suis triste d’entendre que le logos
de la Croix expose ceux qui le professent au non-dialogue. Les
penseurs de la modernité ne peuvent-ils entendre que leur propre
discours, au reste non-consensuel ?8
• Finalement je vais parler du texte où Ricoeur engage la philosophie à
dialoguer avec l’histoire de la philosophie elle-même por pouvoir
commencer comme savoir.
Je parle ici de son élaboration philosophique de la symbolique du mal. Je le
cite :
Partir d’un symbolisme dèjà là [...] [c]’est la contingence des
cultures introduites dans le discours.De plus, je ne les connais pas
tous, mon champ d’investigation est orienté, et parce qu’il est
La métaphore vive, Paris, Seuil, 1975, p. 323.
Un philosophe au-dessus de tout soupçon.
8 Christian BOUCHINDHOMME, Rainer ROCHLITZ, « Temps et récit » de Paul Ricoeur
en débat, Paris, Cerf, 1990, p. 212.
6
7
7
orienté il est limité. Par quoi est-il orienté ? Non seulement par ma
situation propre dans l’univers des symboles, mais paradoxalement
par l’origine historique, géographique, culturel de la question
philosophique elle-même.
Notre philosophie est grecque de naissance. Son intention et sa
prétention d’universalité sont situées ; la philosophie ne parle pas
de nulle part, mais du fond de sa mémoire grecque, d’où s’élève la
question : ti to on ; qu’est-ce que l’être ? Cette question, qui
d’abord sonne grecque, englobe toutes les questions ultérieures, y
compris celles de l’existence et de la raison, y compris par
conséquent celles de la finitude et de la faute.9
Qu’est-ce que nous avons là dessus ?
Sur mon point de vu, dans les trois exemples nous avons, d’un côté la
reconnaissance du fait irrécusable de la contingence de la pensée, de son
enracinement dans une culture et, pour ça, dans l’historique et dans le
géographique, finalement de la finitude de la raison elle-même ; d’autre part,
nous avons aussi son affirmation de confiance dans la raison, dans le
dialogue, en somme, sa volonté de sens.
Au premier exemple, cet antinomie qui semble appartenir à l’essence propre
de la philosophie qui ne peut rien commmencer de soi, s’exprime dans le fait
de la dénonce/annonce de la place de la pensée philosophique : pour se faire
effectivement elle doit reconnaître son statut, à la fois, subsidiaire et
autonome. Elle doit consentir à recevoir – recevoir la vie, la culture, l’histoire
qui se fait – pour que sa tâche puisse se réaliser. C’est-à-dire, sans dire oui
je vous accepte, à ses marges, au non-philosophique, la philosophie ne peut
pas poursuivre et se developper. Mais malgré ça la philosophie ne peut pas
se confrondre avec les autres formes de savoir et de l’éxperience humaine.
Elle a sa place propre – le concept – et elle doit travailler là-dessus avec
autonomie.
Ce que le statut du travail philosophie exige c’est le dialogue, c’est-à-dire
une forme de relation qui supose la distinction entre
des champs
épistémologiques distints et qui ne doivent pas se mêler. Selon Paul Ricoeur
l’éxigence de dialogue advient de la reconnaissance des différences réels
entre les savoirs et de l’incompletude propre de chacun d’eux,
9
Finitude et Culpabilité II, Paris, Aubier, 1960, p. 26.
8
Le dialogue n’est pas mixité, donc. Il est le résultat de la grandeur de la
raison qui cherche des chemins différents pour reussir à comprendre le réel
le plus possible pour combler sa finitude. Le dialogue répresente à la fois,
une force et une faiblesse de la raison.
Le fait que pour lui le champ herméneutique soit en lui-même brisé et que le
conflit des interprétations soit le destin même de la raison herméneutique
releve de cette conviction de que l’unité du vrai ne c’est qu’un horizon.
Les autres exemples que j’ai cités sont des conséquences de le statut même
de la philosophie. Le fait de sa dépendance thématique oblige que l’exercice
de la pensée ne peut pas être tout à fait pure. On pense et on parle toujours
de quelque part. À ce niveau, l’irrécusable c’est notre insertion existencielle,
notre appartenance ontologique au monde qui nous précède.
Mais, de nouveau, il faut faire attention : la pensée ricoeurienne est aussi
une refuse du relativisme. Son affirmation de que le champ herméneutique
est brisé par nature et que, donc, les interprétations sont multiples ne
signifie pas qu’il veuille legitimer un relativisme quelconque. Ce qu’il veut
éclaicir c’est que, comme disait Kant, toute finitude préssupose un
Standpunkt, une place d’où elle parle. Son irrécusable est, donc, comme j’ai
déjà dit, son enracinement existentiel qui, à son tour, determine un autre
irrécusable : la perspective spécifique comme mode d’être humain, son
incompletude à soi.
4§. Alors, comment peut-on faire l’unité ? Comment peut-on chercher
l’universel possible ?
D’un côté, nous pouvons aller dans sa direction, faire de lui une idée limite, à
la mannière kantienne : D’autre côté, nous pouvons espérer que l’unité soit
légitime en soi, c’est-à-dire, que l’ affirmation, le sens, soit une valeur qui
vienne avant que le rien ou l’absurde.
Alors, l’espérance c’est le champ propre pour penser la legitimité de l’unité
de l’expérience humaine. C’est elle qui permis à Ricoeur de dire que l’être
humain c’est la gaité de l’oui dans la tristesse du fini.
9
C’est dans son oeuvre Histoire et Vérité que Paul Ricoeur thématise cette
question en parlant de l’impacte de l’espoir escathologique sur la refléxion.
Dit-il :
Mais si la prédication chrétienne réfère l’espérance à un
escaton qui juge et accomplit l’histoire sans lui appartenir,
cette espérance d’intention eschatologique à son impact dans
la réflexion philosophique sous la forme d’un sentiment
rationel présent; je reçois les “arrhes de l’espérance” quand
je perçois de manière fugitive la consonance des multiples
systèmes philosophiques, portant irréductibles à un unique
discours cohérent .10
Je veux retenir du texte deux idées fondamentaux :
1. l’espérance n’est pas un savoir ; elle concerne un escaton qui
n’appartient pas au plan de l’historique. C’est-à-dire que nous ne
pouvons jamais atteindre l’universel, le pur concept, et d’autre côté,
qu’il n’est pas possible accomplir l’unité du discours humain ou
atteindre l’unité du vrai. A ce niveau, elle fonctionne comme l’idée
régulatrice d’une raison qui ne peut être que désir d’unité et dont le
résultat discoursive se realise toujours dans le quadre d’une
dialectique à synthèse ajournée.
2. l’espérance répresente la dimension d’opacité constitutive du
savoir. Nous ne pourrons pas tout voir clairement. Nous devrons
accepter la pluralité des interprétations, les aceuillir de façon
hospitalière et rendre féconde leurs divergences et leurs conflits en
nous
laissant
conduire
par
appercevons leur consonance.
la
manière
fugitive
dont
nous
Qu’est qu’on peut, alors, conclure de cette idée de l’impact de l’espérance
sur la réflexion. Qu’est-ce que ça signifie vraiment du point de vue
philosophique ?
D’abord, l’espérance eschatologique, en tant qu’elle est pensée comme
l’idée de l’unité de l’expérience humaine, représente un contenu important et
féconde, à plusieurs raisons :
10
Histoire et Vérité, op. cit., p. 11.
10
•
Parce qu’elle introduit la force du sens et de la rationalité à
l’intérieur de la diversité des interprétations et même quand il
s’agît de positions disparates.
•
Parce qu’elle fonctione comme une ascèse et un controle
critique
de
la
rationalité
en
l’unification totale du discours.
signifiant
l’impossibilité
de
Il nous faut dire une fois de plus que nous sommes de nouveau en face de
l’importance du dialogue dans la pensée ricoeurienne. En fait, tel qu’il la
présente,
l’espérance
d’intention
eschatologique
signifie
une
forme
d’articulation entre la philosophie et la religion dans laquelle chacune d’elles
ne perd pas son identité et ne va pas éffacer l’autre au se mélanger avec
elle. Philosophie et religion peuvent dialoguer, mas elles ne peuvent pas se
confondre, surtout parce que, en elle-même, la philosophie est agnostique.
Alors, pour Paul Ricoeur le savoir que nous pouvons constuire de la
realité será toujours entre le tragique et le logique sans qu’il puísse jamais
attendre l’ Aufhebung , la synthèse final :
Peut-être le philosophe, en tant que philosophe, doit-il avouer
qu’il ne sait pas et ne peut pas dire si cet Autre, source de
l’injonction, est un autrui que je puisse envisager ou qui puisse
me dévisager, ou mes ancêtres dont il n’y a point de
représentation, tant ma dette à leur égard est constitutive de
moi-même, ou Dieu – Dieu vivant, Dieu absent – ou une place
vide. Sur cette aporie de l’Autre, le discours philosophe
s’arrête.11
11
Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 409.
11