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Caves Coopératives : Anatomie d’une Union
Juin 2016 - Ventoux Magazine
En choisissant de s’unir, les caves de cinq mille sociétaires… Et bien sûr, ce n’est
Beaumes-de-Venise et de Vacqueyras ont qu’un aspect de notre projet qui se veut
donné naissance au plus grand producteur ambitieux… »
de crus de la Vallée du Rhône : Bilan.
Ce credo, c’est celui de Pascal Duconget,
« Nous voulons constituer le plus grand le Directeur général de Rhonéa qui, depuis
vignoble participatif de France afin de 2014 réunit deux des plus importantes
créer un patrimoine foncier viticole sur les caves coopératives du Vaucluse, celles de
crus autour des Dentelles de Montmirail. Beaumesde- Venise et de Vacqueyras...
Notre objectif est de convaincre à peu près
www.r honea.fr
CAVES COOPÉR ATIVES :
ANATOMIE D’UNE UNION
En choisissant de s’unir, les caves de Beaumes-de-Venise et
de Vacqueyras ont donné naissance au plus grand producteur
de crus de la Vallée du Rhône. Bilan.
Textes : Patrice Bertrand
Photos : Christophe Constant
N
ous voulons constituer le plus
grand vignoble participatif de
France afin de créer un patrimoine
foncier viticole sur les crus autour des
Dentelles de Montmirail. Notre objectif
est de convaincre à peu près cinq mille
sociétaires… Et bien sûr, ce n’est qu’un aspect
de notre projet qui se veut ambitieux…»
Ce credo, c’est celui de Pascal Duconget, le
Directeur général de Rhonéa qui, depuis
2014 réunit deux des plus importantes caves
coopératives du Vaucluse, celles de Beaumesde-Venise et de Vacqueyras. L’ambition ici,
semble effectivement de mise : après presque
deux années d’existence, Rhonéa est, de fait,
le plus gros producteur de crus de la vallée
du Rhône avec, dans sa gamme, des noms
prestigieux comme Gigondas, Vacqueyras
et Beaumes-de-Venise et, dans son giron,
près de 250 domaines agricoles exploitant
deux mille hectares de vignes dans le pays
des Dentelles de Montmirail. Aujourd’hui,
Rhonéa produit 70 000 hectolitres par an
dont près de 38 000 en crus, distribue dans
les huit millions de bouteilles par an et affiche
un chiffre d’affaires qui se situe aux alentours
de 40 milions d’euros. Sur son site Internet,
Rhonéa se présente comme « l’acteur numéro
un de la vallée du Rhône. »
L’existence de ce géant s’inscrit dans la
logique d’ « union » ou de « mutualisation »
que connaissent depuis quelques années
UNE CAVE COOPÉRATIVE, QU'EST-CE QUE C'EST?
I
l s'agit d'un groupement de producteurs qui s'associent pour vinifier et commercialiser leur production.
En France, la première cave coopérative a été créée en 1901 à Maraussan, un village de l'Hérault.
Aujourd'hui, la plupart d'entre elles vinifient de très gros volumes et produisent parfois la quasitotalité des vins de certaines appellations. Par exemple, la cave de Rasteau regroupe 180 vignerons et
produit à elle seule 80 % des vins doux naturels du vignoble qu’on peut acheter en bouteille. Même
chose pour la cave de Beaumes-de-Venise qui écoule chaque année les deux tiers de la production du
vignoble.
les caves coopératives françaises et qui
s’accélère aujourd’hui dans le département du
Vaucluse. En 2003 et tout près de là, les caves
de Mormoiron et de Villes-sur-Auzon, alors
en difficulté, avaient amorcé le processus en se
regroupant sous l’entité unique Terraventoux.
Depuis, celui-ci s’est accéléré, notamment
avec l’union des caves de Canteperdrix à
Mazan et de Terres d’Avignon à Morières,
celles de Rasteau et de Visan (voir encadré) et
peut-être un jour celle des deux caves de SteCécile-les-Vignes.
Les Dentelles de Montmitrail
et la Muraille de Chine
Les raisons de ces unions sont diverses : une
concurrence internationale impitoyable,
parfois des mauvaises récoltes, souvent
le départ à la retraite de vignerons non
remplacés, un manque de visibilité et
surtout le fait que 88 % de la vente des vins
en France se fait aujourd’hui en grandes
surfaces, ce qui contraint les coopératives à
devoir « peser plus lourd » face aux quelques
grandes centrales d’achat qui dominent le
marché. « Vues de Chine, les Dentelles de
Montmirail sont encore plus petites que la
Muraille vue de notre côté et nous devons
nous regrouper pour être visibles, » explique
Pascal Duconget. « Pendant presque un
siècle, les moyens traditionnels qui avaient été
mis en place - une cave et un village - ont bien
fonctionné. Il faut passer à autre chose car,
aujourd’hui, il faut être un expert de la vigne,
de la vinification, de la mise en bouteille,
de la commercialisation et toutes ces
expertises on ne les a vraiment que si on
réussit à s’unir. En ce qui nous concerne, nous
partageons le même terroir, les mêmes valeurs
et nos deux caves ne se trouvent qu’à quelques
kilomètres de distance. Ce rapprochement
était donc complètement logique. »
Après un peu plus d’un an de fonctionnement,
quel bilan en tirer ? « La première leçon,
c’est qu’il s’agit d’un travail d’envergure qui
se pilote vraiment comme un grand projet
d’entreprise », répond Pascal Duconget,
lui-même un ancien d’IBM. « On s’est
rapidement aperçu qu’on ne pouvait pas
construire quelque chose sur la base de la cave
de Beaumes-de-Venise ou de Vacqueyras mais
qu’il fallait qu’on se réinvente complètement,
cela toujours en s’appuyant sur nos valeurs,
nos vignerons, notre terroir, en faisant tomber
tous les clivages qui existaient et réunir
vraiment tout le monde autour d’un projet
d’entreprise ambitieux. Donc ça a été le gros
de ce travail-là en 2015. On commence à avoir
tous les effets positifs de cette union. Déjà,
nous avons une taille critique et une visibilité
qui sont beaucoup plus importantes. »
Objectifs de développement
durable
Originalité de Rhonéa : cette union se
distingue par son fort engagement dans la
protection et le développement du territoire.
Déjà dans le passé, les caves coopératives
de Beaumes-de-Venise et de Vacqueyras
faisaient figure de référence en cette matière,
notamment à travers la charte VIVRE ou
le label Vignerons en développement
LES CAVES DE BEAUMES-DE-VENISE ET DE VACQUEYRAS :
60 ANS D’EXISTENCE, ÇA SE FÊTE
L
es caves de Beaumes-de-Venise et de
Vacqueyras ont cete année toutes deux
soixante ans d’existence. En effet, en 1956,
sous l’impulsion de Pierre Blachon, pharmacien
du village et président du Syndicat d’initiative,
était créée la cave coopérative de Beaumesde-Venise, devenue aujourd’hui Balma Venitia.
La même année, à la suite d’un hiver aussi rude
que mémorable partout en Provence, quelques
vignerons de Vacqueyras décidaient de mettre en
commun savoir-faire et vignobles et déposaient, au
pied des Dentelles de Montmirail, les premières
pierres de la cave coopérative devenue en 2005
les Vignerons de caractère.
« Et bien sûr, on s’est demandé comment fêter
cet anniversaire », confie Rickman Haevermans,
Directeur du marketing et communication. « On
a même organisé un atelier avec les coopérateurs
et le personnel pour décider et, finalement, l‘idée
a été de ne pas se limiter à un seul événement, ni
même à deux mais plutôt de célébrer ça tout au
long de l’année. »
Le coup d’envoi a été donné à Vacqueyras le
23 avril avec une soirée « Terroir et vieux
millésimes » au restaurant l’Éloge, à la cave de
Vacqueyras. D’autres manifestations ont suivi et
vont suivre, notamment une grande fête populaire
à Balma Venitia au mois d’août où six à huit cents
personnes sont attendues plus. Ces soixante ans
sont aussi marqués par la première cuvée née de
l’union des deux deux caves et portant la marque
Rhonéa. Appelé « Héritage », ce Côtes-du-Rhône
rouge qui portera le millésime 2015, doit être
embouteillé et commercialisé à partir de cet été.
« Ce vin est destiné à la restauration et à nos
cavistes », explique Rickman Haevermans. « Nous
l’avons appelé « Héritage » en souvenir de nos
pères fondateurs puisque ce sont avec des Côtesdu Rhône qu’ils ont démarré l’aventure à la fin
des années 50 et c’est leur savoir-faire qui nous a
amené aujourd’hui à l’Appellation de cru. »
durable. Rhonéa a repris ce flambeau
puisque, en mars dernier, le Ministère de
l’agriculture l’a officiellement reconue comme
GIEE (Groupement d'intérêt économique
et environnemental) pour son projet
d’harmonisation des démarches durables
entre ses différentes structures. En fait, il s’agit
d’une première pour les viticulteurs puisqu’à
ce jour, seuls des collectifs d’agriculteurs ont
été reconnus en tant que GIEE en région
PACA.
« Rhonéa est un modèle collectif novateur, »
explique en effet Rickman Haevermans,
Directeur du marketing et communication.
« Notre union repose sur quatre piliers
principaux : ses 236 artisans vignerons qui
vivent tous essentiellement de la vigne ; son
terroir : 1140 ha de crus qui nous permettent
une grande diversité dans nos gammes à travers
tous les cépages des différentes appellations ; la
coopérative écocitoyenne qui fait que tous nos
vins sont éthiques et équitables ; et le dernier
pillier, qui est le plus créatif aujourd’hui, c’est
notre volonté de dépoussiérer cette image
de cave coopérative un peu désuète, pas très
novatrice où les produits sont généralement
perçus comme des produits de masse, donc
de bien véhiculer cette image d’artisans et de
terroir mais aussi de remettre le vigneron et le
salarié au cœur de son entreprise, de sa cave et
de le faire participer à la création de Rhonéa. »
Quel avenir pour Rhonéa ? « Je pense que
le mouvement se poursuivra, que la taille
augmentera et que, sous la banière Rhonéa,
nous pourrons accueillir d’autres structures
tout en respectant leur identité, » observe
Pascal Duconget qui ne cache pas que les
fiançailles (l’union) déboucheront sans doute
sur un mariage (une fusion pure et simple avec
une cave unique) et que Rhonéa accueillir
sans doute d’autres partenaires. « Rhonéa
n’est pas un modèle fermé, le seul objectif
étant finalement de valoriser le travail de nos
vignerons. Et cela passe par la construction
d’une marque qui demande elle-même des
moyens et des compétences. »
OLIVIER BRES : « POUR NOUS VIGNERONS, C’EST UN PROJET
VALORISANT »
P
our moi, faire partie d’une coopérative,
c’était déjà positif mais avec Rhonéa,
quelque chose a changé : on sent qu’on a
maintenant derrière nous une force commerciale
plus importante, plus poussée et que tout est fait
au niveau interne pour favoriser la communication
entre les vignerons », affirme Olivier Bres, de
Sarrians, un des 236 coopérateurs de Rhonéa
qui vinifie à la cave de Vacqueyras son domaine
de la Pertiane. « Toute ma production est bio et
je suis engagé dans la biodynamie. J’ai donc plus
de temps pour procéder à des expérimentations
pour le traitement de mes vignes avec des plantes,
des tisanes ou des décoctions », poursuit-il. « Ce
que j’apprécie beaucoup c’est le suivi, la rigueur et
la formation que m’apporte aujourd’hui Rhonéa.
Elle est très complète, très efficace et, surtout, on
nous apprend à ne pas oublier ce que faisaient les
anciens : par exemple on nous apprend davantage
à déguster les baies pour savoir commencer la
vendange au bon moment. ».
« Au début, les gens s’inquiétaient. Ils craignaient
que, en étant plus gros, on finisse par perdre notre
identité, que ça ne prenne pas. En fait, ce n’est
pas ce qui s’est passé. Ce qui marche bien, c’est la
création des ateliers participatifs qui permettent
aux vignerons des deux caves de s’exprimer :
ça, c’est vraiment l’esprit de Rhonéa, qui est de
créer du lien entre les vignerons, les salariés et
les différentes équipes. Ce lien, je crois qu’il faut
encore l’améliorer : il faut que les vignerons se
sentent fiers d’être coopérateurs. Quand on a la
chance d’avoir un métier passionnant, même s’il est
dur, et de pouvoir participer à un projet collectif,
ambitieux, je trouve que c’est extrêmement
valorisant. »
Autres sujets chers à Olivier Bres : la rigueur
budgétaire et le développement durable. «Avec
une structure comme Rhonéa », souligne-t-il,
« on sait qu’il y a désormais une rationalisation,
une élimination des budgets parasites. Et dans
tout ça, la grande majorité des gens sont restés en
poste. Alors, moi de mon côté, en terme d’emploi,
j’essaie de faire ma part. Sur mes 25 hectares, j’ai
un peu de vin de pays. Pour ceux-là, j’essaie de
faire les vendanges et l’effeuillage. le plus possible
à la main. Je me dis que ça crée un peu d’emploi
au niveau local. »

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