L`HABITAT LE MONDE ROMAIN
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L`HABITAT LE MONDE ROMAIN
LE MONDE ROMAIN L’HABITAT Cabane primitive, simple maison à atrium, maison hellénistique à péristyle, luxueuse villa des domaines agricoles ou immeubles d’habitat collectif, chacun de ces modes d’habitation ❖ a répondu aux besoins des Romains de l’antiquité, selon les époques, les lieux, la classe sociale de leurs occupants. ❖ Ces constructions destinées à l’habitat, plus fragiles que les grandes réalisations publiques comme les amphithéâtres ou les temples, ont pratiquement toutes disparu ; il aura fallu les circonstances exceptionnelles engendrées par l’éruption du Vésuve, au 1er siècle. de notre ère, pour permettre à quelques-unes de ces maisons de parvenir jusqu’à nous presque intactes. LA CABANE PRIMITIVE Les traces creusées dans le tuf (pierre d’origine volcanique) du Palatin à Rome et les urnes funéraires en forme de cabane ont permis de reconstituer l’habitat des premiers occupants de la ville aux 8e-7e siècles av JC. De forme rectangulaire, elle est construite en torchis (mélange de terre et de paille) sur une armature en bois. Six pieux principaux implantés sur le pourtour de la hutte servent d’armature aux murs, tandis qu’un poteau central supporte une poutre sur laquelle vient s’appuyer la charpente du toit. La porte, précédée d’un petit auvent, est la seule ouverture. La plus grande des cabanes du Palatin mesurait 4,90m sur 3,60. Une grande chambre, en quelque sorte ! Aucun document ni aucune trouvaille archéologique ne permet, à ce jour, de savoir comment cet habitat a cédé la place à une forme plus évoluée, très certainement copiée de l’habitat étrusque. LA DOMUS À ATRIUM Une maison fermée sur elle-même La domus est une maison “individuelle” dans laquelle n’habite qu’une famille (au sens large du terme : plusieurs générations, oncles, tantes, frères, sœurs... sans oublier les esclaves, peuvent cohabiter, sous l’autorité du pater familias, le chef de famille). Elle est la propriété des occupants. C’est une construction basse - un étage au plus- construite sur une parcelle q u a d r a n g u l a i re, généralement un rectangle. Son origine semble être étrusque : certaines tombes présentent le même plan que la domus à atrium. L’atrium. Reconstitution d’une maison à atrium La décoration de l’atrium est par ticulièrement soignée et dépend bien sur de la richesse des pro priétaires. Les murs sont souvent peints à fresque ; le sol est géné ralement recouvert de mosaïque. Deux grosses poutres soutiennent l’ouverture du toit (atrium dit “toscan”). C’est une grande salle éclairée uniquement par une ouverture pratiquée dans le toit : le compluvium. L’atrium avait plusieurs fonctions : C’était, à l’origine, la “salle commune” où les ➵ habitants de la maison vivaient dans la journée. C’était également un espace prévu pour ➵ accueillir tous ceux qui n’étaient pas des intimes de la maison. Aussi le père de famille prenait-il grand soin de faire richement décorer cette partie de la maison, afin d’impressionner favorablement ces visiteurs. ➵ Il permettait de recueillir les eaux de pluie : au compluvium correspondait au sol un impluvium, sorte de bassin relié généralement à une citerne. Cette nécessité était due à l’absence fréquente d’eau courante dans les maisons. habitat - 2 Organisation 6 6 6 Plan-type d’une maison italique à atrium ❖ Rien à voir avec le commerce ! Au départ, ce sont des personnes, liées à la famille, que le “patron” aide et protège en échange de leur respect et de leur dévouement. A la fin de la République et sous l’Empire, ce système va se dévoyer et une clientèle nombreuse devient un signe de puissance et un instrument non négligeable au moment des élections. Toutes les pièces de la maison se regroupent autour de l’atrium et de son impluvium (2). Elles n’ont généralement pas de fenêtre ouvrant sur l’extérieur et reçoivent la lumière par les portes s’ouvrant sur l’atrium : elles sont donc plutôt sombres. A cela deux raisons : - en premier lieu, la nécessité d’éviter les courants d’air qui refroidissent les pièces. - en second lieu, la volonté de préserver l’intimité de la vie familiale des regards indiscrets. De la rue, on accède dans l’atrium par un couloir, le vestibulium (1) ; en face s’ouvre le tablinium (3), à l’origine la chambre du maître de maison, où se trouvent le laraire, ou autel des dieux lares (protecteurs de la maison), les masques des ancêtres, les archives familiales, etc. Le maître de maison y reçoit ses “clients”❖ ou des visiteurs non intimes Elle deviendra rapidement la pièce principale de la maison. Le tablinium s’ouvre aussi sur le jardin - hor tus - (4), à l’origine uniquement potager. De chaque côté, des pièces relativement grandes, les aele (5), n’avaient pas d’affectation très précise. Les cubiculae (6), plus petites, servaient de chambres à coucher. A l’étage, quand il existait, d’autres chambres servaient au logement des domestiques. Enfin, de chaque côté du vestibulium, indépendantes du reste de la maison, pouvaient s’ouvrir des boutiques (7), les tabernae, qui donnaient directement sur la rue. LA DOMUS À PÉRISTYLE La maison s’ouvre L'influence grecque et l’évolution du mode de vie font que peu à peu on abandonne l’atrium au profit du péristyle. Dans les maisons grecques, les pièces s’ouvrent plutôt sur une sorte de cour intérieure dont un ou plusieurs côtés sont bordés d’un péristyle, sorte de colonnade soutenant un toit. De nombreux colons grecs étant installés en Italie du sud, c’est dans cette région que les premières maisons romaines à péristyle apparaissent. Par ailleurs les maisons s’agrandissent, le nombre de pièces augmente, lié au nombre croissant d’occupants.Traditionnellement, la vie sociale était surtout publique : le maître de maison passait sa journée au dehors, au forum, aux thermes ; désormais elle “rentre” dans la maison, d’où la nécessité de pièces de réception. Le portique entoure un véritable jardin, orné de sta tues, fontaines... Les péristyles de Pompéi, quel bonheur ! “Presque partout, au centre de la maison, est un jardin grand comme un salon, au milieu un bassin de marbre blanc avec une fontaine jaillissante, à l’entour un portique de colonnes. Quoi de plus charmant et de plus simple, de mieux choisi pour passer les heures chaudes du jour ? Les feuilles vertes entre les colonnes blanches, les tuiles rouges sur le bleu du ciel, cette eau murmurante qui chatoie vague ment parmi les fleurs cette gerbe de perles liquides, ces ombres des portiques tranchées par la puissante lumière, y a-t-il un meilleur endroit pour laisser vivre son corps, pour rêver sainement et jouir, sans apprêt ni raffine ment, de ce qu’il y a de plus beau dans la nature et dans la vie?” Henri TAINE, Voyage en Italie, 1864 Le péristyle Il s’agit d’un espace découvert, plus ou moins grand, entouré de portiques à colonnes. Les plus riches en font un lieu très agréable avec non seulement des arbres, des arbustes et des fleurs, mais aussi des statues, des fontaines, des jets d’eau, des bassins... L’organisation de la maison Comme avant, les différentes pièces s’articulent autour du noyau central que constitue le péristyle. Mais le tablinium disparaît, remplacé par un grand salon d’apparat, l’œcus qui devient la pièce principale de la maison. Le triclinium, ou salle à manger, fait son apparition, Un habitat de familles riches Seule la bourgeoisie aisée a pu se faire construire ces maisons hellénistiques à péristyle, sacrifiant à grands frais à la dernière mode. En Campanie, les deux types de maison vont se juxtaposer. habitat -3 LES DOMUS DE POMPÉI A Herculanum et Pompéi, d’humbles domus à atrium voisinent avec des domus à péristyle et surtout avec des domus qui cumulent atrium et péristyle. Ces dernières représentent un style d’architecture particulier qui se retrouve rarement ailleurs. Dans ce cas, le tablinium sert de passage entre l’atrium, zone de réception, et le péristyle, où se déroulait la vie familiale. Ce plantype offre de multiples variantes : suppression du tablinium dans la maison des Vettii, double atrium et double péristyle dans la maison du Faune, péristyle remplacé par un vividarium (jardin intérieur) se prolongeant le long d’un petit “canal” dans la maison de Loreius Tiburtinus, etc. Il est fréquent de disposer de plusieurs triclinia, orientés de façon à profiter de la chaleur l’hiver ou ,au contraire de la fraîcheur, l’été (la maison de Faune en a quatre !). D’une façon générale, ces maisons sont plutôt luxueuses : marbres, statuettes, fontaines ornent atrium et péristyle ; certaines ont même des bains particuliers, construits sur le principe des bains publics (maison du Faune, maison des Noces d’Argent, maison de Ménandre). Elles appartenaient bien entendu à des familles aisées qui trouvaient là l’occasion d’étaler leur richesse (les deux coffres disposés dans l’atrium de la maison des Vettii sont assez éloquents !). Ces superbes demeures sont parmi les plus visitées, mais ne faut pas 4 3 1 2 oublier que Pompéi comptait aussi beaucoup d’autres maisons bien plus modestes. Plan-type d’une maison pompéienne - 1- atrium - 2- tablinium - 3 - péristyle - 4 - œcus LA MAISON À LA CAMPAGNE N Salle à manger La villa rustica Four à pain Ch. Au centre des vastes domaines - villae - les fermes comportent des bâtiments agricoles, un logement permanent pour l’intendant du domaine, un logement pour les esclaves, et aussi, parfois, de luxueux logements où les propriétaires résident de temps en temps. De nombreuses villas de ce type ont été découve rtes non seulement en l’Italie, mais dans toute la Méditerranée occidentale. Cuisine Pressoirs à vin COUR Cour pour la fermentation du vin Dans la villa de la Pisanella à Boscoreale, les 3/4 des bâtiments, articulés autour d’une grande cour entourée de portiques sur trois côtés, ont une vocation agricole. On y trouve notamment deux pressoirs à vin, un grand cellier renfermant 48 jarres pour la fermentation du vinaigre, un broyeur et un pressoir à olives. Plusieurs pièces de service constituent la partie nordest de la maison : cuisine, bains (très complets), boulangerie, chambres pour les domestiques. Le logement du propriétaire se trouvait à l’étage. La découverte d’un ensemble de 109 pièces de vaisselle d’argent richement ornée (aujourd’hui au musée du Louvre à Paris) dit assez leur richesse. Ch Ch Ch Pressoir à Broyeur huile d’olives La villa suburbaine Plan de la villa Pisanella à Boscoreale, au nord de Pompéi Entrée primitive N Cour cuisine Plan de la villa des Mystères (en grisé, la partie agricole) P Péristyle Atrium P P P P Les maisons construites à la périphérie des villes conjuguent souvent les exigences d’une exploitation agricole à celles d’une luxueuse résidence. On y retrouve donc les caractéristiques de la riche demeure urbaine, accolée à des bâtiments réservés à l’agriculture. Si atrium ou/et péristyle subsistent, la maison s’ouvre très largement sur l’extérieur, où les façades sont ornées de portiques. Parmi les plus connues, citons la villa dite de Poppée, à Oplontis, et la villa des Mystères, à Pompéi. Cette dernière est un bon exemple de l’évolution de la domus à atrium, qui constitue le noyau primitif de la construction (2e s. av JC), à la demeure hellénistique à péristyle, transformée en 62 ap JC pour répondre aux besoins d’une exploitation agricole. Toute la partie sud-ouest correspond au logement des propriétaires, avec des pièces décorées des fresques (dont celles qui ont valu son nom à la villa), s’ouvrant par de vastes portiques sur une vue superbe (la mer n’était pas loin !). Tandis que la partie nord-est (pas entièrement fouillée) est dévolue au logement des esclaves et aux travaux de la ferme. L’INSULA habitat -4 Le manque de place A partir du 4e siècle av. JC, la population de Rome ne cesse d’augmenter. Il faut trouver en hauteur la place qui manque au sol.Ainsi naissent les insulae, ces immeubles de rapport qui seront 46 602 à la fin de l’Empire (pour seulement 1797 domus, réservées à une classe aisée). Il s’agit donc d’un habitat collectif où les occupants sont locataires. Des constructions précaires L’explosion démographique et la voracité des propriétaires conduisent à multiplier le nombre d’étages : de 3 à 8 ! L’insula est construite en briques ou en torchis. Chaque étage repose sur un simple plancher fait de poutrelles de bois entrecroisées. L’ensemble de l’immeuble reste fragile et nombreuses sont les insulae qui s’écroulent sur des centaines de locataires. Aussi, pour des raisons évidentes de sécurité, Auguste interdit la construction d’insulae excédant 20m de hauteur, et Trajan ramène cette limite à 18m. Une structure tournée vers l’extérieur Les insulae sont des immeubles tournés vers l’extérieur (au contraire de la domus); lorsque la cour intérieure existe, elle n’est qu’un simple puits de lumière. Sur la façade, percée de fenêtres, courent des escaliers de bois qui desservent les étages. Chaque étage se divise en appartements dont les pièces n’ont aucune affectation particulière si ce n’est celle que leur attribue le locataire. Un confort inexistant MAQUETTE ET PLAN D’UNE INSULA Au rez-de-chaussée, des boutiques (tabernae) avec un entresol à petites fenêtres ; le premier étage est ceinturé d’un balcon soutenu par des arcatures en briques ; les deux étages supérieurs sont hypothétiques mais probables. La brique est laissée nue en façade ; à l’intérieur, les parois sont stuquées, mais sans décor ; les mosaïques sont exceptionnelles; les fenêtres sont larges et nombreuses, les cours intérieures sont parfois aménagées en squares. A l’intérieur, aucun confort : un brasero (bassin métallique que l'on remplissait de charbon de bois ou de braises) assure la cuisine et le chauffage (attention aux incendies !). Pas d’eau courante (il faut aller la chercher à la fontaine la plus proche), pas de toilettes… Des fenêtres, descendent toutes les sortes de déchets (y compris les pots de chambre) que peuvent produire des centaines d’habitants. Malheur à celui qui hasarde sa toge propre dans les ruelles populaires de Subure ou autour du Forum Boarium ! La place du commerce Des boutiques, des tavernes, occupent le rez-de-chaussée (parfois aussi le premier), à moins que, plus simplement, il ne soit la demeure du propriétaire ou d’un patricien désargenté. De part et d’autre de l’entrée, deux grandes jarres servent à recueillir l’urine (attention l’odeur!) qui sera collectée par la corporation des foulons. La vie à Rome ? Attention, danger ! “Nous habitons une ville soutenue un peu partout par de minces étais, c’est la seule ressource des gérants contre les éboulements ; ils bouchent les fissures de toutes les vieilles crevasses et nous invitent à dormir tranquilles sous la menace des effondrements. Mieux vaut vivre là où il n’y a ni incendie, ni terreur nocturne. Ecoute ! Ecoute Ucalegon crier “De l’eau ! de l’eau !” et déménager son pauvre mobilier ! Sous tes pieds la fumée s’échappe déjà du troisième étage. Toi, tu ne sais rien, car, pendant que tous se démènent en bas, celui qui habite le dernier étage où seul le toit l’abrite de la pluie, avec pour compagnes les tendres colombes qui viennent y faire leurs nids et pondre leurs œufs, celui qui habite tout là haut, crois-moi, finit toujours brûlé vif.” JUVÉNAL, Satires, 1,3, 2e s. ap JC Les insulae d’Ostie Plus récentes que celles de la capitale, ce sont de superbes immeubles en briques. Fenêtres, portes et balcons rythment les façades. Au rez-de-chaussée, des portiques protègent promeneurs ou acheteurs du soleil et de la pluie. Des porches monumentaux donnent sur des cages d’escaliers en dur et s’ouvrent sur des cours intérieures munies de puits et citernes. Des fresques décorent les murs et les voûtes des couloirs (insula des Auriges par exemple). LA FORTUNE DE CRASSUS... Célèbre général romain (114 - 53 av JC) et membre du premier triumvirat qui gouverne la Rome républicaine (en 60 av JC : Crassus, César, Pompée), il entretient un corps de vigiles (pompiers). Ses hommes de main incendient une insula, ses vigiles jugulent le sinistre et un de ses intendants achète au propriétaire, affolé et choqué, les ruines calcinées et fumantes, à très bas prix. Devenu propriétaire, Crassus reconstruit l’insula, loue les appartements et empoche les loyers. Immoral, mais très efficace pour faire fortune! Texte, conception et réalisation : René CUBAYNES, Michèle GOZARD, Patrice MAURIES - Edition 2001