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SYNTHESE Le passage de la LGV Tours-Bordeaux au sein du territoire du pays Ruffécois : effets et stratégies d’acteurs Ce rapport financé par l’observatoire socio-économique de LISEA s’inscrit dans le cadre de l’axe 6 « stratégies des acteurs et organisation ». Il a été encadré par Sandrine Berroir et Frédéric Santamaria, maîtres de conférences pour l’Université Paris Diderot Paris 7 et Elodie Manceau pour LISEA. Les auteurs de la note sont : Les étudiants du M1 Meci, option aménagement et développement local (Université Paris-Diderot Paris 7) : Louise Ayres, Princesse Baku Detila, Camille Bonfils, Alice Duval, Thomas Gentili, Karine Lebihan, Manel Maadadi, Adèle Mongeau, Justine Sisman, Souad Saoudi ; Les étudiants du M2 Ingénierie de l’Aménagement et du Développement Local (Université Paris-Diderot Paris 7) : Faïd Abderemane, Rifouata Ali, Haifa Al-Labadi, Leda Anguelova, Joanna Benito, Natalia Castro, Audrey Ducreux, Laurianne Hervé, Anna Lacaberats, Chloé Rochefort, Eulalie Tulasne, Perrine Vandecastele Le projet Sud Europe Atlantique Tours-Bordeaux est un projet de Ligne ferroviaire à Grande Vitesse (LGV) de 340 kilomètres, assurant une liaison continue à grande vitesse entre Paris et Bordeaux. Lors de la mise en service commerciale de la LGV SEA en 2017, Bordeaux sera à 2h05 minutes de Paris, soit un gain de temps d’environ une heure sur le trajet actuel. Ce projet présente des enjeux et des opportunités pour les territoires et les acteurs concernés, du local à l’Europe qu’il s’agit d’interroger. Les lignes à grande vitesse (LGV) imposent en effet pour les acteurs des adaptations permanentes, des procédures plus ou moins ponctuelles, des mises en surveillance … Qu’en est-il alors pour le territoire du Ruffécois, « traversé et non desservi » par la LGV ? Ruffec, dans le nord Charente, se situe à mi-chemin entre Poitiers et Angoulême. Il s’agit d’une commune rurale de 3 500 habitants dans une aire urbaine de presque 7 000 habitants. Sa densité (36 h/km2) reste faible et ce territoire conserve une forte dominante agricole. Si la population du Ruffécois a évolué positivement ces dernières années, ce territoire est soumis à des dynamiques contrastées, qui tendent à opposer d’une part les communes situées au Sud du territoire et sur l’axe RN10 qui bénéficient indéniablement de l’attractivité de l’agglomération angoumoisine et du phénomène de périurbanisation, et d’autre part les franges Est et Ouest du Pays qui souffrent d’une faible attractivité. Le TGV s’arrête actuellement à Ruffec et couvre un bassin d’usagers estimé à 100 000 habitants. Si la commune n’est pas directement traversée par la LGV SEA, son lien tient à la desserte dont elle dispose. En effet, avec la mise en service de la ligne SEA, on peut supposer que l’arrêt existant sera supprimé. En 2011, la commune anticipait d’ailleurs cette situation et Ruffec criait « gare » pour reprendre le titre de presse de Sud-ouest. La LGV, le maire de Ruffec ne s’y est pas opposé, mais il témoigne qu’il n’a pas vraiment eu le choix. Les témoignages évoquent pour le moment l’absence de projet de territoire à Ruffec lié à l’arrivée de la grande vitesse et semblent davantage adopter une posture de résignation. Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer cette posture ? Méthodologie La méthode s’articule autour d’une enquête de terrain et des entretiens auprès des acteurs politiques, économiques et des responsables techniques des territoires, du local à l’échelle de l’Etat. Les entretiens menés du 3 au 5 mars 2014 ont eu pour objectif de cerner les perceptions que chaque acteur a des effets de la ligne sur le Ruffécois, à court terme comme à long terme, dans différents domaines tels que l’emploi, l’activité économique, les dynamiques spatiales ou encore la desserte du territoire. Il s’agissait également de comprendre la posture de chacun, leur vision du projet et son évolution au cours des différentes phases d’élaboration et de conception de la ligne et de saisir les stratégies et initiatives mises en œuvre et prévues. Après avoir analysé les différents effets ressentis et attendus par les acteurs en lien avec la ligne, ce rapport présente les postures des acteurs ainsi que les relations liées à la LGV. 2 1. La LGV dans le pays ruffécois : des effets ressentis et attendus, des risques redoutés Les entretiens réalisés au cours de l’enquête auprès des acteurs territoriaux mettent en évidence différents types d’effet : avérés et attendus sur des temporalités courtes et longues. Des craintes liées à la perception de risques potentiels sont également associés au projet. Ces différents éléments renvoient à quatre thèmes principaux qui font l’objet des préoccupations et des prévisions des acteurs : la desserte, l’organisation du territoire, l’économie et les paysages. 1.1 La desserte : la crainte de « l’effet tunnel » La construction de la LGV SEA suscite deux types de réaction chez les acteurs institutionnels, économiques et sociaux quant aux effets possibles sur les dessertes du territoire du Ruffécois. Ces réactions renvoient à la temporalité du chantier et de l’exploitation. A court terme, les inquiétudes portent sur les perturbations que la construction de la ligne peut engendrer sur les dessertes des TGV. En effet, les travaux ont provoqué une gêne des usagers, occasionnée par la modification des horaires des TGV, avec notamment une baisse de la régularité des trains. A long terme, les acteurs émettent des inquiétudes quant à l'organisation des futures dessertes, qui pourrait impliquer un « effet tunnel » qui réduirait le nombre de dessertes pour le Ruffécois. L’incertitude générée par le manque d'informations, pousse aussi les acteurs à formuler des hypothèses sur ce que pourraient devenir les lignes libérées et sur les nouvelles correspondances possibles. Très concrètement, les préoccupations portent sur plusieurs aspects du niveau de service : le futur « horaire de service » (TGV, TET, TER), la fréquence des rabattements vers les autres modes de transports, l'organisation et la gestion des correspondances -notamment des correspondances entre la LGV et les TER -, le confort du transport en lien avec l’existence de points de ruptures de charge, et la future organisation des titres de transports. De nombreuses hypothèses ont été formulées par les acteurs économiques et sociaux autour de l'éventuelle possibilité de l'utilisation des lignes libérées et de leur usage. Certains proposent que les libérations de lignes de TGV puissent servir à la circulation de nouveaux TER. Ils suggèrent également que la libération de lignes profite à la circulation des trains de marchandises qui, de ce fait, allègerait la charge des autres lignes, permettant ainsi de mieux répartir l'ensemble du trafic fret. Finalement, le maintien des arrêts des TGV actuels à Ruffec n’est pas un impératif unanimement partagé à l’échelle des territoires locaux. L’enjeu est davantage porté sur la qualité du rabattement par les transports régionaux sur les gares métropolitaines LGV et l’attention à apporter aux ruptures de charge pour passer des trains régionaux aux trains à grande vitesse (pôle multimodal…). Les acteurs locaux rencontrés ont en fait bien conscience que la LGV est d’abord une liaison qui vise à rapprocher les grandes métropoles, 3 « en court-circuitant de fait les territoires intermédiaires dans lesquels ne seront pas marqués d’arrêts ». 1.2 Des effets territoriaux liés à la LGV Les effets sur les dynamiques et recompositions territoriales au sein du territoire du Ruffécois, comme de son positionnement dans l’espace régional suscitent à la fois des éléments d’appréciation positive, vecteurs de potentialités de développement, mais également un certain nombre de réserves et de craintes à différentes échelles de temps et d’espaces de la part des acteurs territoriaux. Le sentiment d’un risque de polarisation notamment au bénéfice de Poitiers ou d’Angoulême est très largement partagé par les acteurs locaux du territoire du Ruffécois qui redoutent la perspective de devenir une « zone périurbaine ». Ce point de vue est à mettre en perspective de propos sensiblement différents, tenus par des acteurs de niveau d’intervention départemental ou régional, pour qui l’avenir du Ruffécois est très largement lié aux dynamiques des relations entre Poitiers et Angoulême. Pour eux, si les communes du Ruffécois savent profiter d’une densification des échanges avec ces deux métropoles régionales, elles pourraient profiter d’un effet d’entrainement de leur développement. A l’échelle plus locale, des réorganisations du fonctionnement territorial ont pu également être évoquées, qui amèneraient selon certains acteurs à des réévaluations possibles des polarisations locales. La ligne LGV présente un autre facteur de risque pour le ruffécois : l’accentuation des lignes de rupture à l’intérieur du territoire à l’échelle régionale. La LGV est vue selon certains comme un vecteur pouvant contribuer à renforcer cette situation d’éclatement régional, en permettant l’intensification des relations avec les autres territoires, au détriment des interactions internes. La LGV créerait de nouvelles polarités de transport et intensifierait les relations entre ces polarités et les autres pôles reliés par la ligne, comme Bordeaux et Paris. Les grandes villes pourraient ainsi se retrouver déconnectées de leur bassin d’influence. Cette « rupture » concerne indirectement le territoire du ruffécois, situé dans un entre-deux, entre Poitiers et Angoulême. Sur cette question, les propos des acteurs rencontrés sont contrastés. Pour certains, « ce territoire risquerait de se retrouver aux marges des nouveaux territoires régionaux reconstitués, voire tiraillé entre différentes polarités ». A contrario, certains envisagent que le ruffécois, situé au milieu de ces polarités, puisse en tirer parti, en étant « connecté à ces polarités et nouveaux territoires fonctionnels ». Outre les risques liés à la polarisation et au renforcement des disparités régionales sur lesquelles nos interlocuteurs ont particulièrement insisté, des effets positifs de la LGV se sont déjà concrétisés, et d’autres sont attendus par les acteurs. Ils appuient leurs propos sur les effets déjà constatés en conséquence des travaux. Selon eux, la LGV offre également des possibilités de développement à plus long terme. Ce développement s’appuie en partie sur le Fond de Solidarité Territorial (FST). Certains acteurs ont exprimé un point de vue très positif quant au bénéfice représenté par le FST pour le ruffécois. Cependant, les limites de ce 4 dispositif ont été abordées par certains interlocuteurs. En effet, le FST ne touche pas l’ensemble des communes affectées par l’arrivée de la ligne. Ne sont concernées que celles qui sont sur le tracé. Ainsi, des communes comme Ruffec, qui ne sont pas physiquement traversées mais pour lesquelles la LGV présente des enjeux et des risques pour le développement du territoire, ne peuvent prétendre à cette aide. Les effets territoriaux de la LGV-SEA sont donc perçus de façon assez ambivalente par les différents acteurs locaux, évoquant simultanément les potentialités de développement, mais également les risques pour le territoire du ruffécois. Et assez classiquement, ils s’accordent pour souligner la nécessité de la mise en œuvre de politiques d’accompagnement, visant non pas tant à améliorer la qualité de la desserte, qu’à la maintenir dans ces caractéristiques actuelles. C’est tout l’enjeu, pour un territoire traversé mais non desservi, de la connexion aux arrêts de la LGV, situés dans les grandes villes extérieures au territoire local. Les acteurs rencontrés ont également insisté sur l’importance des partenariats locaux à renforcer, afin de penser davantage la complémentarité des territoires locaux, de réduire les situations de concurrence négative, et de peser plus fortement dans les négociations avec les l’Etat et RFF. 1.3 Des retombées économiques sujettes à controverses Si les entretiens ont permis d’évoquer longuement les effets économiques positifs à court terme, en lien avec le chantier, à plus long terme, les acteurs sont assez sceptiques sur d’éventuelles retombées pour le ruffécois. Le sentiment très partagé repose sur l’idée que du point de vue économique, rien ne va vraiment changer, compte tenu d’une desserte qui serait au mieux légèrement améliorée et d’un espace encore très marqué par une économie à dominante agricole. D’ailleurs pour certains la LGV pourrait même avoir des impacts négatifs sur le monde agricole. Si les mobilisations de rejet ou de protestation à l’égard du projet ont semble-t-il été peu importantes de manière générale depuis son lancement, celles relatives aux impacts sur la rétraction des terres agricoles ont a contrario souvent été évoquées lors des entretiens. A court terme comme à long terme, les effets attendus sur le développement de l’emploi suscitent finalement des propos nuancés et contrastés. Pour tous les acteurs rencontrés, que ces effets soient perçus dans un sens positif ou dans un sens négatif, ils ne sont jamais vus comme systématiques. Ils s’inscrivent dans un contexte territorial spécifique et des jeux d’acteurs particuliers. Leur effectivité renvoie à la nécessaire mise en place de dispositifs d’accompagnement qui peuvent intervenir à différents moments et à différentes échelles. Ainsi, pour certains acteurs qui ont souligné que la LGV elle-même n’aura pas d’effets économiques pour le ruffécois, les effets potentiels ne peuvent être envisagés que si des initiatives en matière d’aménagement du territoire local sont envisagées en lien avec la LGV, notamment quant à la desserte des gares desservies. Il s’agit alors, par exemple, d’améliorer l’intermodalité autour des gares de la LGV en général et autour de celle d’Angoulême en particulier afin de permettre aux habitants de se déplacer facilement vers le pôle départemental, notamment pour y travailler. Par ailleurs, pour garantir l’accès à la LGV pour la population de ce territoire, le prix des billets apparaît comme un enjeu important. 5 1.4 Les effets attendus de la LGV : un bouleversement sur le paysage et l’environnement Au-delà des effets de nature démographique ou économique, les acteurs rencontrés ont évoqué de façon très récurrente les impacts paysagers et environnementaux liés au passage de la LGV. On a pu constater que ces problématiques sont particulièrement sensibles, comme en témoigne l’utilisation de termes souvent très forts et imagés. Ils ont souvent constitué des effets inattendus, par l’ampleur des nuisances sonores, visuelles. L’impact sur les paysages est associé pour un grand nombre à la démesure des travaux, et du coup a été l’occasion à plusieurs reprises d’interroger l’utilité même de cette nouvelle ligne et son intérêt général. Si les acteurs s’accordent à dire que la ligne LGV entraine des bouleversements de l’environnement tant dans l’immédiat qu’à plus long terme, on a pu noter de façon générale que l’accent reste davantage mis sur la dimension paysagère des transformations, que sur les problématiques écologiques, en termes d’altération du fonctionnement des écosystèmes. S’il est vrai que le passage de la LGV a des effets sur le paysage et l’environnement très fortement ressentis par les acteurs locaux, pour autant ces modifications semblent, selon ces mêmes acteurs avoir été relativement bien anticipées en amont afin de prendre en compte et d’anticiper les inquiétudes des habitants. La question des transformations du paysage est considérée par tous comme une priorité et l’intervention de l’Etat indispensable pour aider les acteurs locaux à réaménager le territoire. 2. Postures d’acteurs et paradoxes locaux Les acteurs, selon leur niveau de responsabilité ou d’action (acteurs locaux, acteurs régionaux et de l’État), se positionnent de manière différente par rapport au projet. Au fil des entretiens, trois types de postures d’acteurs ont pu être identifiés en combinant les critères analytiques suivants : - la position institutionnelle et l’échelle d’intervention de l’acteur; - le degré d’adhésion au projet; - la posture en termes d’anticipation du projet; - la posture en termes de représentation du Pays ruffécois. 2.1 Une contestation de faible intensité pour des acteurs locaux aujourd’hui résignés L’analyse des entretiens permet d’identifier un sentiment de résignation de la part des acteurs interrogés au niveau local vis-à-vis d’un projet aujourd’hui en voie d’achèvement. Si le terme de « résignation » n’est pas explicitement énoncé, l’absence d’anticipation des conséquences du projet et d’expressions relatives aux éventuels effets d’aubaine, voire le constat que le projet constitue une entrave au développement du territoire local, montre que les acteurs en question sont des observateurs passifs, voire fatalistes, d’un projet de grande ampleur qui dépasse largement les intérêts du petit territoire de référence. 6 Toutefois, certains acteurs locaux adoptent une posture différente, plus contestataire, développant une argumentation mettant en cause l’intérêt de la LGV. Ils contestent le coût jugé démesuré du projet qui ne fera gagner, selon eux, qu’un temps limité sur l’ensemble du trajet. Cependant, même pour ces acteurs, cette contestation s’accompagne de propos qui expriment l’impossibilité pour « un petit territoire » de peser vis-à-vis du projet, notamment quand la question du maintien de l’arrêt du TGV à Ruffec est évoquée. Paradoxalement, certains de ces acteurs entretiennent, concomitamment, un discours renvoyant à l’idée de progrès et d’avenir dont une LGV serait, par définition, porteuse. Ce discours permet, peut-être, de justifier le paradoxe dans lequel ces acteurs se trouvent placés : vous êtes concernés certes, mais vous ne pouvez pas vraiment peser… Certains propos laissent également penser que le processus de négociation avec le constructeur, COSEA, a joué un rôle, permettant, notamment grâce à des systèmes de compensations à destination de certains groupes d’acteurs locaux, d’éviter l’expression de trop fortes contestations. 2.2 Des postures favorables au projet sous conditions Certains acteurs (inter-consulaire, département) afin que leur territoire ne soit pas à nouveau écarté d’une desserte par une grande infrastructure de transport (comme cela avait été le cas lors de la construction de l’A10), ont adopté, dès l’élaboration du projet, une posture favorable à ce dernier. D’autres en apprécient les retombées économiques passées et futures – notamment grâce à la localisation de la base de maintenance à Villognon -. Des acteurs extérieurs (ex. région) au Ruffécois adoptent également une posture favorable vis-à-vis de la LGV mais conditionnée à des initiatives et à des réalisations futures. Ainsi, à l’échelle locale, la capacité de ce territoire à s’organiser autour de Ruffec pour peser dans les futurs débats sur les choix d’aménagement et de développement en lien avec les pouvoirs publics supra-locaux, apparaît comme une condition pour que le Ruffécois puisse tirer bénéfice de la LGV. À l’échelle régionale, la LGV est perçue comme une opportunité pour autant que soit organisé un système performant de dessertes régionales de type TER (train et bus) afin de permettre aux populations du Ruffécois d’accéder aux bassins d’emplois de Poitiers et d’Angoulême. 2.3 Les acteurs de l’État : entre intérêt général et prise en compte incertaine du local Les acteurs de l’État interrogés disent être conscients des effets néfastes qu'un tracé de cette envergure peut occasionner. Cependant, le projet reste à leurs yeux un projet audacieux, plus utile que contraignant. Aussi, selon eux, le projet se justifie au titre d’une certaine idée du progrès et de l’intérêt commun qui dépasse les intérêts individuels des habitants. Cependant, avec la fin des travaux, des inquiétudes quant à l’avenir économique de communes qui ont pu bénéficier des effets du chantier se font jour. On évoque également la crainte de voir s’accentuer les phénomènes de polarisation intra (Poitiers, Angoulême) et extrarégionaux 7 (Bordeaux, Paris) qui pourraient se traduire par l’éclatement de facto de la région Poitou-Charentes. Face au problème que représente la desserte du Ruffécois, nos interlocuteurs considèrent que « l’amélioration de la desserte TER constitue une bien meilleure solution pour ce territoire que la situation actuelle. Cependant, cette compétence dépend de la Région ». Outre que ces acteurs semblent avoir une connaissance limitée du territoire étudié, ils affichent une position de retrait, estimant que c'est aux acteurs locaux de s'impliquer davantage dans le projet pour faire « d'un inconvénient, un avantage en discutant » entre eux. CONCLUSION Pour les acteurs directement concernés par le territoire local étudié, les effets relevés liés au chantier peuvent être qualifiés d’éphémères qu’ils soient considérés comme positifs (sur l’emploi, sur le commerce…) ou négatifs (sur le paysage, sur le foncier, gênes quotidiennes, retardement de certains projets locaux...). Cependant, ce sont les effets sur le paysage qui focalisent les remarques négatives en termes d’effets aussi bien durant le déroulement du chantier qu’à terme. À plus long terme, et de manière générale, les personnes interrogées attendent peu d’effets de la construction et de la mise en service de la ligne. En lien avec la construction d’une LGV, la question a priori centrale de l’accessibilité ne semble pas ici au centre des propos car, selon la plupart des interlocuteurs, soit la LGV ne changera rien à la desserte, soit elle contribuera quelque peu à la détériorer (fin des arrêts TGV à Ruffec). Cependant, nos interlocuteurs repèrent des effets positifs directs (emplois, retombées économiques…) de long terme pour des espaces très limités au sein du ruffécois liés par exemple à la localisation de la base de maintenance à Villognon. Au-delà du territoire local, certains évoquent les enjeux d’insertion du ruffécois dans un système urbain régional au sein duquel les relations pourront être renforcées par la desserte TGV. De ce point de vue, les propos oscillent, d’une part, entre la volonté de profiter de ces dynamiques (notamment en lien avec Angoulême et Poitiers), ce qui interroge la qualité de la future desserte locale, et le risque de satellisation, d’autre part. Finalement, le peu d’effets envisagés à terme, à l’exception des effets relevant de l’impact sur le paysage, rend compte de la situation de fait : le territoire est avant tout traversé par la LGV... Cette situation peut également expliquer la posture des acteurs les plus locaux qui apparaissent aujourd’hui résignés - à l’exception de quelques acteurs déjà initialement favorables au projet (chambres consulaires) -. Cependant, cette posture met en lumière le sentiment souvent évoqué que le territoire local ne pèse pas dans le cadre d’une réalisation telle que celle d’une LGV. La résignation repérée explique également le peu de contestation, du moins à ce stade du projet et au moment de notre enquête ; les contestations auraient été neutralisées antérieurement en satisfaisant certains acteurs 8 initialement mobilisés contre le projet de LGV. Cependant, il est frappant de constater une forme de ralliement au projet ex-post de la part des acteurs locaux pourtant assez critiques, mobilisant le discours de la modernité ou de la contribution à l’intérêt général, discours finalement assez proche de la justification du projet par les acteurs de l’État interrogés. Ces derniers, tout en craignant pour l’avenir économique du ruffécois suite à la fin du chantier, attendent des acteurs locaux qu’ils puissent formuler des propositions pour le développement local. Ainsi, apparaît une préoccupation évoquée par certains, celle de la capacité d’organisation des acteurs locaux à organiser le développement du territoire en prenant en compte la situation nouvelle créée par la LGV. À ce titre, la question de l’organisation de la desserte régionale paraît essentielle. 9