Diarrhée des veaux: mesures de lutte
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Diarrhée des veaux: mesures de lutte
PRODUCTION ANIMALE Diarrhée des veaux: mesures de lutte Durant les premières semaines de la vie des veaux, la diarrhée est un problème de troupeau parmi les plus fréquents et les plus coûteux. Mis à part les virus, bactéries ou parasites, les carences au niveau de la détention, comme les erreurs de gestion, sont les principales responsables de ce type d’affection. Les taux d’affection et de perte (morbidité et mortalité) peuvent être influencés positivement en améliorant l’immunité des veaux par une optimalisation de l’apport en colostrum, d’une part, et de la gestion des vaches taries, d’autre part. La diminution de la pression infectieuse dans l’étable, que l’on atteint en assurant une hygiène irréprochable ainsi que l’isolement et le traitement des Service sanitaire bovin LBL, Eschikon 28 animaux malades, en est un autre élément essentiel. 8315 Lindau ✆ 052 347 17 55 Des contrôles réguliers du troupeau par le vétérinaire sont une assurance de succès! Renseignez-vous auprès de votre vétérinaire. PRODUCTION ANIMALE Là où tout commence Les diarrhées conduisent à d’importantes pertes d’eau et ce en très peu de temps. 58 Le terrain – propice ou non à la diarrhée – se prépare dès la naissance. Le veau nouveau-né n’est pas en mesure de former lui-même une immunité active; les anticorps nécessaires étant fournis presque exclusivement par le colostrum, le veau est en danger dès le vêlage ou juste après. Il se trouve sans défense face à un environnement hostile constitué d’agents pathogènes et de leurs véhicules (excréments, urine, mouches). Absorbés par la bouche, ces germes rejoignent ensuite les intestins. Les diarrhées récurrentes chez les veaux nouveau-nés peuvent être occasionnées par des germes divers, généralement plusieurs d’entre eux en combinaison. Les virus ouvrent souvent la voie aux infections bactériennes, lesquelles aggravent l’évolution de la maladie et déterminent la suite ainsi que l’issue de la maladie. Plusieurs études ont montré que les virus principalement mis en évidence dans les selles des veaux affectés sont les rotavirus et les coronavirus. S’y ajoutent fréquemment des surinfections bactériennes (p.ex. Escherichia coli) ou des parasites intestinaux unicellulaires (coccidies, cryptosporidies). Les germes responsables sont largement distribués, même dans les exploitations indemnes de diarrhée. Plusieurs facteurs influencent l’apparition de la maladie: le nombre de germes ingérés (la pression infectieuse augmente avec le nombre d’animaux malades dans l’étable) et la virulence des souches en présence. D’autres facteurs non infectieux jouent également un rôle décisif dans l’apparition de diarrhées, comme les erreurs dans l’apport de colostrum, dans la mise en étable ou dans l’affouragement. Évolution de la maladie Les premiers indices de diarrhée sont une baisse de l’appétit, un abdomen rentré et une paroi abdominale tendue, ainsi que de l’apathie. La diarrhée entraîne en peu de temps une importante perte de liquide, ainsi que d’électrolytes et autres substances tampon qui y sont dissous. Les veaux boivent généralement moins ou plus du tout, réduisant encore l’apport de liquide, engendrant un cercle vicieux. Ce sont moins l’entérite ou le germe (virus, bactérie ou unicellulaire) qui détermine l’évolution de la maladie que le déséquilibre métabolique dû à la perte de liquide et de tampon; en effet, il n’est pas rare que la perte atteigne quelque 7 litres par jour! La paralysie atteint rapidement ces animaux, et l’insuffisance circulatoire par suite de déshydratation Yeux rentrés: un signe typique d’une forte déshydratation. Diarrhée néonatale Tableau 2: Plan d’abreuvage (Pour un veau de 40 à 50 kg de poids corporel et souffrant de diarrhée) Matin 1.5–2.0 l Lait complet Milieu de mat. 1.0–1.5 l Boisson électrol. Midi 1.5–2.0 l Lait complet Après-midi 1.0–1.5 l Boisson électrol. Soir 1.5–2.0 l Lait complet Tard le soir 1.0–2.0 l Boisson électrol. 7.5–11 l litres par jour Source: Klee et Rademacher Il est recommandé de ne pas interrompre l’apport de laitmesure car cetteest mesure n’accélèLa première la substitution repas le processus de guérison! La plus importante mesure consiste à pallier la perte d’électrolyte et de liquide et à apporter de l’énergie et des substances tampon. L’apport d’énergie doit être couvert par la ration de lait habituelle (lait maternel ou lait entier) répartie en trois repas journaliers. La quantité de lait nécessaire équivaut à 10 à 12 % du poids corporel du veau, administrée au biberon ou dans un sceau muni d’une tétine. La perte d’électrolytes et de substances tampon doit être compensée par une solution d’électro- Tableau 1: Évaluation du degré de déshydratation en présence de diarrhée faible veau debout soif présente les plis de peau disparaissent rapidement moyen veau couché soif réduite les plis de peau disparaissent lentement élevé veau paralysé, refuse les plis de peau extrémités de boire restent, les yeux froides sont rentrés dans les orbites, l’état général est altéré (Source: Kron) est la première cause de mort des veaux en phase terminale. Constatant cela, il est essentiel de reconnaître rapidement les diarrhées et de mettre en oeuvre sans délai les mesures de lutte appropriées. L’élasticité de la peau ou la position des yeux sont des indices par excellence permettant d’évaluer le degré de déshydratation (cf. tableau 1). perte de liquide de 5 % (correspond à une perte de 3,5 litres pour un veau de 70 kg) perte de liquide de 5 à 8 % (correspond à une perte de 3,5 à 5,6 litres pour un veau de 70 kg) perte de liquide de 8 à 12 % (correspond à une perte de 5,6 à 8,4 litres pour un veau de 70 kg) lytes abreuvée trois fois par jour en supplément du lait, à raison de 1,5 à 2 litres de solution à libre disposition (cf. tableau 2). Pour éviter d’entraver la coagulation du lait dans la caillette, il convient de veiller à ce que l’écart entre les repas de lait soit d’environ 2 heures. On fera intervenir le vétérinaire d’exploitation au plus tard dès lors que le veau présente de l’apathie et qu’il est souvent couché, afin de mettre en oeuvre des mesures supplémentaires. Revue UFA 9/05 PRODUCTION ANIMALE Prévention Apport en colostrum Un colostrum de haute qualité est une condition sine qua non pour réussir en élevage. Le premier lait se caractérise par une teneur élevée en énergie, en minéraux et en vitamines, mais surtout en anticorps. Un apport suffisant de colostrum et ce le plus tôt possible après la mise bas constitue véritablement la première mesure prophylactique contre la diarrhée des veaux. Dans les conditions normales, la protection immunitaire est immédiate: elle offre une défense passive contre les infections généralisées et les infections locales de l’intestin. Les veaux ne mettent en place une protection immunitaire active individuelle que quelques semaines à quelques mois après la naissance. Les anticorps présents dans le colostrum ne peuvent passer la paroi intestinale et rejoindre les voies sanguines des veaux de manière optimale que durant un court laps de temps après la naissance. La perméabilité de la paroi intestinale diminue très rapidement au cours des 12 premières heures. Les anticorps ne servent toutefois pas uniquement aux défenses systémiques, mais offrent aussi une couche de protection sur la paroi intestinale contre les germes de maladie, empêchant ceux-ci de s’y fixer et de s’y multiplier. On assiste donc à une compétition entre les germes infectieux et les anticorps présents dans le colostrum. Le premier présent sur la paroi décide de la santé future et, souvent, de la vie ou de la mort. Une protection immunitaire optimale ne dépend donc pas uniquement d’un apport rapide de colostrum, mais surtout de la qualité de celui-ci. Des études ont montré que le colostrum des vaches fraîchement vêlées ne contient pas, dans 30 % des cas, la quantité d’anticorps nécessaire. La qualité du colostrum dépend de nombreux facteurs. Comme les vaches plus âgées ont été plus souvent confrontées aux germes spécifiques à l’étable et qu’elles disposent donc d’un plus grand spectre d’anticorps, le colostrum de ces vaches a en général plus Revue UFA 9/05 Une protection optimale grâce à un apport de colostrum suffisant et assez précoce: de valeur. Par contre, le fait que les vaches plus âgées perdent du lait, voire se traient déjà avant le vêlage, réduit fortement la teneur en anticorps du colostrum. Un tarissement trop bref a une influence négative sur la concentration du colostrum en immoglobuline. Un colostrum normal à une consistance crémeuse et épaisse. La seule consistance ne fournit pas suffisamment d’indications sur la teneur en anticorps. Un colostromètre fournira de meilleures indications. Certaines sources d’erreur, comme la dépendance de la température, peuvent cependant altérer la fiabilité des résultats. Même le meilleur des colostrums n’aura pas l’efficacité qu’il est censé avoir s’il est consommé trop tardivement et en trop petites quantités. Pour vérifier la qualité du colostrum il peut être judicieux d’effectuer des prises de sang sur les veaux et d’analyser quelles sont les teneurs en protéine. Une concentration trop faible en protéine indique soit que le colostrum contient trop peu d’anticorps soit que l’approvisionnement en colostrum n’est pas adéquat. Conservation du colostrum Le colostrum se conserve sans problème pendant 12 heures à température ambiante et pendant 5 jours au frigidaire. Si le colostrum est conservé pendant plus longtemps, il devrait être mis le plus rapidement possible au congélateur et être refroidi à des températures variant entre –18 °C et –25 °C. Il conserve ainsi son efficacité, à condition qu’il soit versé dans des bouteilles de 1 à 2 litres, ces dernières étant plus petites, ce qui permet à tout le colostrum de se congeler rapidement. Il est impératif que la décongélation s’effectue lentement (comme par exemple dans un bain-marie), soit à une température de 40 à 50°C au maximum. Le premier colostrum peut également être conservé pour une plus courte durée en étant acidifié (p. ex. avec de l’acide propionique ou de l’acide citrique) et rester ainsi consommable pendant une dizaine de jours. Il est particulièrement judicieux d’utiliser ce co- • Immédiatement après la naissance, traire au moins 4 litres de colostrum dans un seau propre. • Immédiatement après la naissance, donner au nouveau-né 2 litres de colostrum frais. Fixer ensuite le seau équipé d’une tétine au box de vêlage ou à l’iglou et contrôler que • 2 litres supplémentaires (voire même plus) soient consommés au cours des deux premières heures de vie. • Au cas ou un veau n’a pas bu de colostrum dans les 6–8 heures qui suivent la naissance, ce dernier doit être affouragé au moyen d’une sonde (donner chaque fois 2 litres en deux apports). • Les jours suivants, dans la mesure du possible, donner à trois reprises du lait, idéalement en le mélangeant avec le colostrum de la mère. Les anticorps ainsi apportés servent à protéger l’intestin contre les infections. lostrum à titre prophylactique dans les exploitations qui connaissent des problèmes, en l’affourageant à hauteur de 0.5 à 1 litre jusqu’au dixième jour de vie. Ainsi l’intestin est mieux protégé contre les agents pathogènes de la diarrhée. Vaccination préventive Dans les exploitations qui connaissent de nombreux problèmes de diarrhée, il est conseillé de vacciner préventivement les mères, ce qui permet de conférer une immunité stable à l’ensemble du troupeau contre les plus importants agents pathogènes entraînant la diarrhée (Rota- et Coronavirus, E.coli). Une vaccination n’a de chances de succès que si les causes de l’infection ont été établies au préalable. Les vaccins contribuent à renforcer l’immunité de la mère contre les agents pathogènes inoculés. L’immunisation des veaux s’effectuera quant à elle par le biais du colostrum. Seule l’observation attentive du schéma de vaccination permet d’assurer une protection efficace. Un vaccin de rappel devrait intervenir avant chaque nouvelle gestation. Vacciner la mère n’a une efficacité maximale que si les veaux reçoivent suffisamment de colostrum et ce assez rapidement après la naissance. En plus de cela, le succès d’une vaccination préventive de la mère doit être assuré par un changement des condition de garde, comme le maintient des nouveaux-nés dans un iglou (pas de contact direct ou d’espace partagé avec ses congénères). Vaches taries Une bonne prophylaxie débute déjà avec le tarissement. Idéalement, le tarissement devrait s’étendre sur 8 à 10 semaines. Au cours de cette période, les vaches ne devraient ni être engraissées ni manquer de fourrage, ce qui nuit tant à la vache qu’au veau. Les inflammations de la mamelle et les pertes de lait diminuent fortement la qualité du colostrum. Les tarisseurs ne devraient être appliqués qu’à une seule reprise et selon les prescriptions, pour que les vaches soient exemptes d’antibiotiques après le vêlage. 59 PRODUCTION ANIMALE Les programmes de vaccination et les médicaments ne remplacent jamais les carences au niveau de l’hygiène Au cours des premières semaines de vie, les quantités de lait journalières devraient être réparties sur trois repas. Il faut également leur mettre de l’eau à disposition. 60 rement nettoyé, désinfecté et repourvu avec de la paille propre. Détention D’une manière générale, les systèmes de détention des veaux doivent satisfaire aux conditions suivantes: litière sèche (les jeunes veaux restent couchés jusqu’à 22 heures par jour), bonne aération (pas de courant d’air) ainsi qu’une bonne hygiène. Pour cela, il faut que les iglous soient protégés du vent et qu’ils soient ou- Alimentation Au cours des deux premières semaines de vie, l’attention apportée à l’hygiène lors de l’abreuvage des veaux revêt une importance primordiale. Chaque veau devrait disposer de son propre seau et de sa propre tétine, tous deux devant être nettoyés à fond après l’usage. Utiliser une tétine favorise la digestion et satisfait l’instinct de succion. Au cours des premières semaines de vie, la quantité journalière de lait devrait être répartie sur trois repas. Les veaux doivent également disposer d’eau à volonté. Les veaux de plus de trois semaines devraient quant à eux bénéficier de paille, de foin ou de fourrages similaires et ce à volonté. Les aliments de démarrage pour veaux favorisent le développement de la panse. Il serait donc judicieux d’en affourager aux veaux dès les premiers jours de vie. ■ Les veaux de plus de trois semaines devraient être détenus en groupe. verts du côté Sud ou Sud-est. Ils doivent bénéficier d’une longue exposition au soleil en hiver ainsi que d’un bon emplacement et d’une litière abondante. La détention en iglous individuels garantit un microclimat optimal et ce pour un prix raisonnable. Selon les directives en vigueur, les veaux détenus seuls dans un iglou doivent bénéficier d’un contact visuel avec leurs congénères ainsi que d’une aire de sortie extérieure. En plus de cela, l’iglou devrait être nettoyé à fond avant l’arrivée d’un nouvel animal. Les veaux de plus de deux semaines doivent être détenus en groupe, sauf s’ils sont hébergés dans des iglous offrant une possibilité de contact visuel. Les jeunes veaux âgés de 2 à 6 semaines ne devraient pas être détenus dans le même groupe que les veaux plus âgés, afin d’éviter le stress et la quantité en agents pathogènes. Au cas où la grandeur de l’exploitation le permet, il est conseillé de recourir au système qui veut que tous les animaux soient sortis et rentrés en même temps. Au moment du vêlage, l’hygiène est déterminante. Impressum Editeur: Service sanitaire bovin, Eschikon 28, 8315 Lindau ✆ 052 347 17 55, Fax 052 147 17 50 www.rgd.ch Afin de réduire au maximum le contact avec les agents pathogènes au moment de la naissance, l’hygiène revêt une importance prépondérante. Les stabulations libres et, dans la mesure du possible les stabulations entravées, devraient disposer de boxes de vêlage convenablement paillés. Il est également important que les veaux puissent naître dans un environnement calme et exempt de facteurs de stress. Après la naissance, le veau doit être séché et le nombril soumis à un contrôle visuel (longueur normale environ 7 cm). Le veau devrait également être séparé le plus rapidement possible de la mère et être placé dans un environnement sec (p. ex. un iglou extérieur fraîchement paillé). La vache ne devrait pas non plus rester trop longtemps dans le box de vêlage. Afin d’être sûr que le veau boive suffisamment de colostrum, il convient de traire la vache et de donner soi-même le premier lait. Laisser le veau avec la vache dans le box de vêlage ne garantit en effet pas que l’apport en colostrum soit suffisant! Les animaux malades ne doivent en aucun cas être placés dans le box de vêlage! Afin d’empêcher que le box de vêlage ne s’enrichisse en agents pathogènes, ce dernier doit être réguliè- [email protected] Vêlage Photos: Service sanitaire bovin Auteurs: Dr. med. vet. Andreas Ewy, Dr. med. vet. Katharina Neff, Dr. med. vet. Barbara Sutter-Lutz Publication: Revue UFA, 9/05, boîte postale 344, 8401 Winterthour Revue UFA 9/05