Les cancers bronchiques et tumeurs intra
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Les cancers bronchiques et tumeurs intra
1 Les cancers thoraciques bronchiques et tumeurs intra- Denis Moro-Sibilot Service de Pneumologie Grenoble Gilles Robinet Service d'Oncologie Pulmonaire Brest Philippe Terrioux Pneumologue Meaux 1- Importance de la pathologie en termes de santé publique en France et dans le monde Les cancers intra-thoraciques, et en particulier les cancers bronchiques (ou cancer du poumon), représentent un problème majeur de santé publique par leur fréquence et leur gravité. Les cancers bronchiques sont de loin les plus fréquents. Cependant, les mésothéliomes et les tumeurs malignes de la plèvre, moins fréquents, sont paradoxalement les plus médiatisés, car souvent liés à une exposition à l'amiante. 1.1 Les mésothéliomes En l’absence de registre national ainsi que d’un code spécifique " mésothéliome " dans la classification internationale des maladies, one ne peut obtenir qu’une estimation de l’incidence nationale du mésothéliome. Cette dernière est réalisée à partir des données de mortalité dans le cadre du Programme National de Surveillance du Mésothéliome (P.N.S.M), mis en place fin 1997 à l'initiative du Ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Son objectif est de fournir aux autorités sanitaires des informations scientifiques fiables. Ce programme concerne actuellement 20 départements français (15 millions d'habitants). Il est basé sur : l'enregistrement systématique de tous les nouveaux cas de suspicion de tumeur primitive de la plèvre ; la confirmation anatomopathologique de tous les cas par le groupe d'experts nationaux du mésothéliome (groupe Mesopath) ; l'expertise clinique de tous les cas où le groupe Mesopath ne peut conclure ; l'étude étiologique des dossiers de mésothéliome associée à une enquête de santé publique menée par les organismes publics de prévention des risques professionnels et environnementaux ; Le volet médico-social dont l'objectif est d’évaluer, et le cas échéant d’améliorer, la prise en charge en maladie professionnelle des patients 2 pour lesquels une exposition antérieure à l’amiante sur le lieu de travail a été identifiée. Une étude récente donne une estimation de l'incidence nationale du mésothéliome pleural de 600 à 800 cas entre 1998 et 1999 dont 60 % sont d'origine professionnelle (1,2). Durant les vingt dernières années, Elle a augmenté régulièrement de 4, 7 % par an chez l'homme et de 6,8 % chez la femme. Les modèles d'extrapolation prédisent au moins un doublement de cette incidence avec un pic vers 2025. Le P.N.S.M devrait bientôt donner une estimation plus précise des variations de l'incidence des mésothéliomes. 1.2 Les cancers bronchiques Epidémiologie : chiffres clés 27 743 nouveaux cas de cancers bronchiques par an. 83% de ces cas surviennent chez l'homme. 27164 décès par an des suites d’un cancer bronchique, soit 18,1 % des décès dus à une tumeur (1er rang). Les cancers bronchiques se situent au 4ème rang des cancers les plus fréquents en France. Les taux d'incidence standardisés sont de 52,2/100 000 chez l'homme et de 8,6/100 000 chez la femme, soit un sex ratio de 6,1. L’âge médian de survenue d’un cancer bronchique est de 67 ans chez l'homme et de 68 ans chez la femme. Il reste rare avant 40 ans. Le tabagisme, principal facteur de risque Le tabagisme actif est la première cause de cancer du poumon. Le risque augmente en fonction de l'importance du tabagisme cumulé au cours des années, mais aussi en fonction de la consommation journalière et de la durée de l'exposition au tabac. La précocité de la 1ère prise de tabac, facteur aggravant, et sa généralisation chez les jeunes laissent présager la survenue plus fréquente de ce type de cancers chez les jeunes adultes. Enfin, les personnes exposées au tabagisme passif ont une incidence augmentée (4). La consommation des cigarettes dites légères (plus faible teneur en nicotine) entraîne une modification des habitudes tabagiques avec une inhalation plus profonde de la fumée. De ce fait, l’exposition aux carcinogènes, qui diffère dans ces cigarettes, va des voies aériennes supérieures jusqu'au fond des alvéoles pulmonaires. Ce phénomène explique une modification des types de lésions malignes, les cancers proximaux (épidermoides et à petites cellules) sont du coup moins fréquents que les adénocarcinomes périphériques (5,6). L’importance de l’exposition professionnelle Environ 15 % des cancers bronchiques chez l'homme et 5 % chez la femme sont dus à une exposition professionnelle (7). L'évaluation de ces facteurs de risque est complexe, notamment, en raison d’un temps de latence entre l'exposition et la 3 survenue du cancer. Le tabagisme représente un facteur confondant qui gène la reconnaissance d'autres facteurs de risque. L'addition à l'intoxication tabagique d'une pollution, professionnelle ou non, peut avoir un effet additif voire multiplicatif sur l’advenue d’une tumeur. L’incidence des mesures gouvernementales sur l’évolution du nombre de cancers L'impact des mesures de lutte contre le tabagisme commence à être sensible dans les pays occidentaux. En effet, il apparaît que la mortalité liée au cancer bronchique dans la population masculine de l'Union Européenne, qui a atteint un pic en 1988 avec 51,9 décès pour 100 000, est, depuis, en constante diminution : environ 15 % en 15 ans. En 1999, on observait encore une mortalité de 44,1/100 000 (Figure 1) (8). La situation est comparable dans l'Europe de l'Est avec un pic plus élevé en 1995 (62,7/100 000) suivi d’une diminution de 6%. Seules la Hongrie, la France et l'Espagne continuent de voir augmenter l'incidence et la mortalité chez les hommes (9). Chez la femme, l'incidence et la mortalité continuent à augmenter sauf en Grande Bretagne et en Irlande où la mortalité diminue. Aux Etats-Unis, la situation est comparable (10). Ces modifications épidémiologiques sont en grande partie dues à l’impact des mesures de prévention et d'information contre le tabagisme sur les fumeurs. Une publication récente (11) sur les cancers bronchiques féminins, a permis de prévoir que le taux standardisé de mortalité par cancer bronchique pour la France, devrait passer de 14,1 pour 100 000 en 2000-2004 à 28,5 pour 100 000 en 20152019 (+ 103 %) (Figure 2). Si on analyse la mortalité annuelle liée à l'usage du tabac dans le monde (12) cela représente 4,83 millions de décès prématurés, dont 850 000 attribués au cancer bronchique. Ces résultats démontrent à l’évidence l'impact de l'augmentation du tabagisme dans les pays en voie de développement avec un nombre de décès lié à l'usage du tabac plus important dans ces pays que dans les pays industrialisés. 2 - Engagement actuel des pneumologues et des autres professionnels de santé Le rôle des pneumologues français dans la prise en charge des cancers bronchiques est fondamental, car ils en sont les acteurs principaux. En effet, ils interviennent à tous les niveaux de la prise en charge : - Initialement et naturellement avec la réalisation quasi systématique d'endoscopies bronchiques, permettant les biopsies et le diagnostic, - ils sont aussi à l’origine de la prescription du bilan pré thérapeutique, - et plus récemment, ils s’impliquent dans la prise en charge et le suivi thérapeutique. Les cancers bronchiques primitifs représentent une entité particulière en France en cancérologie, puisqu’ils sont souvent pris en charge par des pneumologues. A la différence de leurs collègues d’Amérique du Nord et d’autres pays européens, qui 4 une fois qu’ils ont réalisé le geste diagnostique, passe le relais de la prise en charge thérapeutique à d’autres spécialistes dont les chirurgiens thoraciques et les cancérologues. Seules l'Italie et l'Allemagne ont un profil de prise en charge similaire à la France. L’exception française dans la prise de décision thérapeutique Dans une enquête rétrospective, publiée en 2000, sur la prise en charge en 1995 des malades atteints de cancer bronchique en Ile-de-France organisée par le Régime d'Assurance Maladie des Professions Indépendantes (13), le médecin qui coordonne la décision thérapeutique est dans la majorité des cas un pneumologue (72 %). Souvent Cette prise de décision a lieu à l'hôpital public (72 % des cas). Le rôle de ces derniers est souligné par l'étude KBP2000 CPHG (14) qui analyse les données épidémiologiques de 5 667 patients suivis par ces établissements pendant l'année 2000, soit le quart de la population des patients porteurs de cancer bronchique en France. Si la prise en charge des cancers bronchiques repose bien sur une concertation multidisciplinaire notamment pour sa partie décision et prise en charge thérapeutique (UCPS), le pneumologue en est l’acteur médical essentiel. Il intervient et coordonne la prise en charge de la majorité des malades (60 à 70 %) quelle que soit la phase de la maladie : des bilans diagnostiques et d'extension à de la décision thérapeutique, en passant par de la mise en œuvre de la chimiothérapie et de l'évaluation thérapeutique ainsi que lors de la gestion des complications jusqu'à la fin de vie. L'oncologue apparaît moins souvent, mais intervient dans 20 à 30 % des cas, lors des complications. Formation des pneumologues Ce rôle essentiel du pneumologue français dans la prise en charge des cancers bronchiques est largement rendu possible par une formation spécifique et continue : une formation complémentaire spécifique en Cancérologie est proposée depuis 1989 aux internes spécialistes d’organes (DESC de Cancérologie). D’autre part, une semaine d’enseignement annuelle de cancérologie thoracique est proposée à tous les pneumologues francophones par le "Groupe d'Oncologie de Langue Française" (GOLF) permettant une remise à niveau des connaissances dans ce domaine. Le GOLF est un groupe de travail de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF), qui se réunit de façon bisannuelle, en particulier lors du Congrès francophone de Pneumologie. La recherche en cancérologie bronchique Les pneumologues sont aussi très investis dans la recherche clinique en cancérologie. Après des années de recherche morcelée et concurrente, sont enfin nés des groupes associatifs, coopérateurs et d’envergure nationale permettant de structurer cette recherche clinique en cancérologie thoracique. Il y a plus de vingt ans a été créé le Groupe Français de Pneumo-Cancérologie (GFPC) dont le but est entre autres d'améliorer les moyens de dépistage et la qualité des soins donnés aux malades atteints de cancers thoraciques, ainsi qu’un rôle de soutien auprès des médecins et de la recherche clinique. 5 Le GPFC comporte actuellement plus de vingt-cinq équipes de pneumologues et/ou radiothérapeutes de services hospitalo-universitaires et étend ses activités aux malades et à leur entourage pour améliorer la prévention et favoriser une bonne prise en charge de leur maladie. Il existe d'autres groupes coopératifs qui ont contribué à la structuration de la recherche clinique en cancérologie pulmonaire en France. En 1998 est née l’idée d’un intergroupe regroupant, non seulement la discipline pneumologique, mais également l’ensemble des disciplines impliquées dans la prise en charge du cancer bronchique. Même si ces multiples groupes ont démontré leur capacité à produire des travaux de haut niveau, ils n’étaient jusqu’alors pas capables de se réunir dans de grands essais prospectifs de phase III comme le font depuis longtemps les nord-américains. Plusieurs réunions rassemblant des représentants de chaque groupe de recherche clinique en cancérologie thoracique en France ainsi que des représentants des Sociétés Françaises de Radiothérapie Oncologique, de chirurgie thoracique et cardiovasculaire et de pneumologie ont conduit à la création en 1999 d’un intergroupe (Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique (IFCT)). En regroupant les moyens, cet intergroupe devrait enfin permettre la réalisation de projets de recherche d’envergure nationale et la réalisation de grandes études de phase III. L'IFCT coordonne maintenant plusieurs études cliniques nationales ou internationales. Le site Web www.ifct.asso.fr résume l'activité du groupe et donne accès à la lettre d'actualité envoyée à tous les membres. 3 - Evolutions dans l'avenir en terme de morbidité et de mortalité Evolution de la démographie médicale et de la demande de soin Les prochaines années vont être marquées par deux éléments majeurs, d’une part la réduction démographique des praticiens et d’autre part par une majoration attendue de la demande de soins en cancérologie. Les projections des effectifs médicaux pour les trente prochaines années confirment la baisse à venir du nombre de praticiens en oncologie quel que soit leur mode d’exercice (pneumologues, mais surtout radiothérapeutes, oncologues et chirurgiens thoraciques) (16). Parallèlement, une majoration de la demande de soin est attendue et notamment par l'augmentation de l'incidence et de la mortalité par cancer bronchique chez les femmes, due en majeure partie à l'augmentation du tabagisme féminin. Ces faits doivent amener à une réflexion sur les stratégies de lutte contre le tabagisme ciblées sur les populations féminines, entre autres, l'application stricte des lois Veil et Evin. D’ailleurs, la lutte contre toutes les formes de tabagisme est l’un des chevaux de bataille du Plan cancer 2003-2007. Les points forts de la recherche dans la prise en charge des cancers 6 Même si les efforts de recherche clinique et biologique sont considérables dans la lutte contre les cancers bronchiques, ils n'ont pas pour l’instant débouché sur des avancées thérapeutiques majeures. Cependant ils ont permis des progrès sensibles dans la prise en charge de ces cancers. Parmi les grandes voies explorées actuellement, 3 sont particulièrement significatives : - La chimiothérapie s'avère être un élément incontournable de la prise en charge thérapeutique. Même si les nouveaux médicaments de chimiothérapie n'ont pas transformé de façon radicale le pronostic des stades avancés ou métastatiques. Ces derniers sont mieux tolérés et leur profil d'efficacité plus favorable. Depuis 2 ans plusieurs travaux démontrent l'utilité de ce type de traitement chez les malades opérables de petits stades, ce qui fait que demain seuls les stades les plus précoces ne seront pas traités par chimiothérapie. - Après quelques années d’oubli, l'imagerie revient en force avec la tomodensitométrie à faible dose d'irradiation. Actuellement, plusieurs grandes études sont en cours pour évaluer son intérêt. L'expectoration, elle aussi abandonnée retrouve tout son intérêt avec des stratégies basées sur l'étude des anomalies génétiques et épigénétiques. Si ces techniques démontrent leur efficacité, on peut espérer à l'instar de ce que l'on observe dans le cancer du sein, modifier l'histoire naturelle de cette maladie en la diagnostiquant beaucoup plus précocement, et changer ainsi le pronostic. - Les progrès dans la connaissance de la biologie de ces cancers sont considérables et aboutiront probablement à un traitement à la carte des cancers bronchiques. La découverte cette année d'une mutation sur le site tyrosine kinase du récepteur à l'Epidermal Growth Factor dans certains adénocarcinomes est une avance majeure. Cela permet d'envisager non seulement un choix thérapeutique décisif mais aussi une approche moléculaire du diagnostic. De façon parallèle, la découverte et la mise à disposition des thérapies ciblées va modifier non seulement les méthodes et indications de traitement mais aussi les procédures diagnostiques et les moyens de surveillance. La nécessité d'analyses moléculaires complexes afin de mieux cibler les traitements conduira plus systématiquement à l'utilisation de prélèvements biopsiques représentatifs, et ceci y compris dans les stades les plus évolués de la maladie. Les capacités cytostatiques et non pas cytotoxiques des thérapeutiques ciblées modifieront notre approche d'évaluation de l'efficacité thérapeutique avec probablement un avenir pour l'imagerie fonctionnelle. 4 - Evolution souhaitable de la profession, conditions de cette évolution et engagements des pneumologues De la reconnaissance du pneumologue en cancérologie L'augmentation de l'incidence des cancers bronchiques place le pneumologue en première ligne dans sa prise en charge : ce qui chagrine encore certains de nos confrères cancérologues. D'autre part, la gravité de la maladie et le peu de ressources thérapeutiques ont contribué non seulement au nihilisme thérapeutique, 7 mais aussi il y a encore peu de temps à une certaine marginalisation au sein de leur spécialité des pneumologues qui prennent en charge des cancers bronchiques. Ces temps ont changé, et les pneumo-cancérologues sont maintenant tout autant reconnus que ceux qui ont en charge des pathologies du sommeil ou d'autres thèmes plus traditionnels de la pneumologie. Sur le plan théorique Il ne faut pas pour autant négliger la nécessité de la formation spécifique des pneumologues dans la prise en charge de ces cancers. Ces derniers doivent aussi participer à la rédaction de thésaurus de pratique professionnelle en cancérologie ainsi qu’à des réunions de concertation multidisciplinaires dans le cadre de réseaux de soins reconnus. Sur le plan pratique La simplification de certains procédés thérapeutiques (chimiothérapie ou thérapeutique ciblée par voie orale) permet de traiter les patients de plus en plus en ambulatoire et donc de favoriser la coopération entre pneumologue hospitalier et libéral. Dans ces surveillances thérapeutiques alternées et conjointes, il est fondamental que chaque médecin en charge du patient ait une expérience clinique suffisante dans la prise en charge du cancer et de ses complications. L'impact des contaminations environnementales, et en particulier des pollutions professionnelles sur l'incidence des cancers intra-thoraciques allant grandissant, il apparaît par ailleurs nécessaire que chaque patient puisse bénéficier d'une évaluation appropriée de ses risques professionnels et que dans cet esprit des filières spécifiques de consultation et de conseil puissent être organisées. 8 Bibliographie : 1. Gilg Soit Ilg A, Launoy G, Rolland P et al. 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