Codeine et Tramadol - Infos

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Codeine et Tramadol - Infos
Usage, abus et addiction à la codéine et au tramadol
P Millet
Produits
La codéine et le tramadol sont largement utilisés comme analgésiques de niveau II, mais aussi pour
la codéine comme antitussif. Pour la codéine, la plupart des spécialités la propose associée au
paracétamol. La codéine n'a pas de forme injectable (en France) , au contraire du tramadol.
Enfin le tramadol a un effet d'inhibition additionnel de la recapture de la serotonine et de la
dopamine, qui augmente probablement l'effet addictif et les difficultés du sevrage. (12)
La codéine, la dihydrocodéine et le tramadol ont un métabolisme complexe et une partie des
produits du métabolisme est plus active que la molécule d'origine (par exemple 10 % environ de la
codéine est métabolisée en morphine) ; ce sont donc des pro-médicaments. Toutefois, il a été dit
que seuls ces métabolites étaient actifs, ce qui ne paraît pas exact. L'effet est donc plus complexe
que ce que l'on croyait.
Codéine
10 % de la codéine environ est transformée en morphine par le cytochrome CYP2D6, alors que le
CYP3A4 la transforme en norcodéine, inactive. Les inhibiteurs spécifiques de ces enzymes peuvent
donc modifier l'effet de la codéine. 10 % environ des « caucasiens » (de race blanche) sont
naturellement déficients en CYP2D6 et seraient donc « résistants » aux effets analgésiques de la
codéine (en fait l'absence d'action analgésique n'est pas aussi nette, selon certains auteurs).
Enfin, des personnes surexprimant fortement le CYP2D6 ont fait des overdoses à des doses
thérapeutiques de codéine (1), et une mise en garde spécifique chez l'enfant a été publiée (en dehors
du dosage biologique et d'éventuels antécédents, il n'est pas possible de déceler ces personnes qui
représenteraient environ 2 % de la population en France).
La dihydrocodéine a un profil métabolique analogue (transformation en ethylmorphine), ainsi
d'ailleurs que l'oxycodone, opiacé de niveau III (transformation en hydromorphone).
Tramadol
Le tramadol est métabolisé en métabolites inactifs par le CYP3A4 mais le métabolite produit par le
CYP2D6, le 0-desmethyltramadol, a une affinité supérieure pour les récepteurs opiacés (multipliée
par 200) et une durée de vie supérieure (9h vs 6h), la situation est donc comparable à celle de la
codéine.
En conclusion, l'effet du polygénisme et des inhibiteurs/inducteurs des CYP2D6 et CYP3A4 est
complexe et leurs effets sur les propriétés thérapeutiques de la codéine et du tramadol chez un
patient donné n'est pas totalement prédictible, toutefois leur connaissance permet d'être conscient de
la grande individualité des réactions des usagers.
Toutefois les métaboliseurs lents CYP2D6 ont plutôt tendance à être « résistants » à l'effet
analgésique mais, par contre, ils semblent protégés contre le développement d'une addiction.
A l'inverse, les métaboliseurs ultra-rapides ont un risque d'overdose, notamment chez les enfants et
en association à d'autres psychotropes (1).
Pour le CYP3A4 qui métabolise en produits inactifs, l'inhibition renforce la voie métabolique vers
les métabolites actifs, et donc augmente indirectement l'effet de la codéine et du tramadol.
À l'inverse l'induction du CYP3A4 peut en diminuer les effets.
Il faut signaler que le CYP3A4 est la principale enzyme concernée par le métabolisme de la
méthadone, les métaboliseurs lents ayant tendance à être « bien dosés », alors que les métaboliseurs
rapides peuvent apparaître « résistants » à la méthadone et requérir deux prises quotidiennes.
(L'annexe 1 décrit les inhibiteurs/inducteurs des CYP2D6 et 3A4)
La consommation de Codéine et Tramadol, état des lieux.
La douleur étant une manifestation d'une très grande fréquence, 60 % des français utilisent au moins
une fois des analgésiques au cours d'une année (statistiques Assurance Maladie, donc ceux qui ne
demandent pas le remboursement de leur prescription sont à ajouter à ce nombre !). La grande
majorité prend du paracétamol mais 10 % environ prennent des opiacés de niveau II (codéine et
tramadol), seuls ou en association avec le paracétamol.
Je n'ai pas trouvé de chiffres sur les utilisateurs habituels de codéine et tramadol (à doses
thérapeutiques), qui constitue en soi-même un problème de santé publique puisqu'une proportion
notable de ces patients est en fait « addictée », avec, à l'arrêt du produit, un syndrome de sevrage
mais aussi le retour de la douleur (18). (Sur l'abus medicamenteux en général (16))
Notamment pour les céphalées (maux de tête) une addiction aux analgésiques a été décrite. L'arrêt
des antalgiques (y compris le paracétamol) entraîne une recrudescence des céphalées et le sevrage
est long et difficile.
Pour le détournement, une commission récente de l'ANSM (2) l'évaluait à 0,2 % , ce qui est plutôt
rassurant. Toutefois notre expérience sur ce forum suggère une fréquence probablement beaucoup
plus élevée, mais qui peut passer inaperçue car la plupart utilisent des produits non remboursés
(neo-codion notamment) et des délivrances multiples en pharmacie.
Il existe deux grands groupes d'utilisateurs « abusifs » de la codéine et du tramadol,
• ceux qui ont utilisé ces produits pour des douleurs et qui continuent la consommation malgré
la disparition ou la diminution des douleurs (ou qui devant la persistance des douleurs
augmentent les doses, parfois largement au-delà des doses « officielles »),
• ceux qui ont un passé de toxicomanie aux opiacés et utilisent ces produits comme substituts
d'autres opiacés (notamment le neo-codion).
Pour la codéine, la dose maximum recommandée est de 120 mg/jour de codéine base/jour (attention
le dosage des sels de codéine est rarement exprimée en codéine base. Par exemple 180 mg de
phosphate de codéine correspondent approximativement à 135 mg de codéine base et le neo-codion
ne contient que 15 mg de codéine base par comprimé) . La dose létale chez l'adulte (naïf) est autour
de 500 à 1000 mg de codéine base.
La plupart des usages détournés se limitent à une dose quotidienne de 400 mg de codéine base, mais
certains dépassent cette dose. A dose élevée (et en cas d'injection, très déconseillée) , le risque
d'histamino-libération (prurit fréquent et parfois très gênant, choc anaphylactique) devient très élevé
(11). Mais comme signalé en introduction, le polymorphisme génétique et les interactions
médicamenteuses introduisent une variabilité aléatoire (idem pour le tramadol).
Pour le tramadol, la dose maximum recommandée est de 200 mg/jour ( jusqu'à 400mg pour
certains, notamment pour la forme injectable).
La dose « toxique » commence au dessus de 500 mg/jour, bien que des accidents mortels puissent
survenir à des doses inférieures, en cas d'association à d'autres médicaments ou conditions.
Pour ces deux produits, la fréquente association avec le paracétamol entraîne un risque spécifique
d'atteinte hépatique en cas de surdosage du paracétamol. La dose maximale de paracétamol chez
l'adulte est de 4 g/jour mais elle doit être abaissée en cas d'usage chronique (3 g/j) ou de pathologie
hépatique et rénale notamment.
Il faut enfin signaler que le tramadol est très largement détourné en Egypte (5) et surtout dans la
bande de Gaza où sa consommation touche plus de 30 % des jeunes hommes.
La codéine est, pour sa part, précurseur du Krokodil russe, qui entraîne des nécroses cutanées
majeures lors de son usage. Ce sont donc des addictions qu'il ne faut pas sous-estimer !!
Effets secondaires de la Codéine et du Tramadol
Je ne reviendrais pas sur les effets secondaires « classiques » des opiacés en général, qui peuvent
être trouvés partout. Mais il est important de citer les complications spécifiques de la codéine et du
tramadol.
Pour la codéine, ce sont surtout la constipation, les syndromes dépressifs (9)(10) et l'histaminolibération surtout en cas de surdosage ou d'injection (11). La codéine peut aussi abaisser le seuil
épileptogène (convulsions). Pour la codéine, voir (6)(7)(20).
Pour le tramadol deux complications sont assez spécifiques, les convulsions et le syndrome
sérotoninergique (13). Le tramadol à doses élevées peut avoir un effet « anti-dépressif », de
« pêche » , (effet sérotoninergique) qui n'est pas gênant en soi mais qui peut rendre le sevrage plus
difficile. En effet le sevrage du tramadol (notamment en usage détourné) chez certains usagers
entraîne un syndrome de mal-être prolongé, qui encourage la rechute. De plus cet effet
sérotoninergique, à fortes doses ou en association avec d'autres médicaments, est la cause du
syndrome sérotoninergique (13). Pour le tramadol, voir (12) (4).
La comparaison de ces effets secondaires spécifiques a surtout du sens quand on les compare aux
médicaments des TSO (buprénorphine et méthadone) qui ont globalement un meilleur profil d'effets
secondaires, au prix d'un délai de sevrage plus long.
Toutefois l'effet « secondaire » le plus souvent cité est la difficulté de se procurer les produits et
surtout la codéine (neo-codion notamment) qui entraîne des contraintes financières et
comportementales qui sont le plus souvent mises en avant par ceux qui veulent se sevrer de cette
consommation.
Addiction à la Codéine
Quelques témoignages : (nous encourageons le lecteur à consulter les discussions )
http://www.psychoactif.fr/forum/t5040-p1-Question-sur-neo-codion.html (dont par exemple)
Salut joseph, bienvenue.
Je suis tombé dans la codéine il y a longtemps. Mon avis: n'essaie pas, ça n'en vaut pas le coup. Le
pire pour moi c'est d'avoir à faire 5 pharmacies par jour pour avoir ses boîtes... et elles sont chères.
Et le regard méprisant de la pharmacienne (quand ce n'est pas pire)... Bref c'est du passé, mais le
prix général à payer a été très cher.
Enfin voilà, tu as mon avis. A+
Salut à toi, bienvenue
Même avis que Mad Prof, c'est la petite porte d'entrée dans le monde des opiacés qui accrochent
bien dur. J'ai eu la chance de bavarder hier soir avec un forumer que j'ai rencontré. Il n'a jamais
touché à l'héroïne ou à la morphine, juste à la codéine, mais cela depuis si longtemps que son
médecin lui propose un TSO (traitement de substitution aux opiacés,
soit méthadone ou buprénorphine). Cela est abrupt mais ce raccourci te donne de suite une idée de
où mène la prise de codéine.
Même avis aussi pour en avoir mangé pas mal de la codéine, en substitution à l'héroine, bien avant
l'arrivée des TSO, jusqu'au dégoût total mais si difficile à sevrer.
Au suivant...
Tramadol
http://www.psychoactif.fr/forum/t6944-p1-TRAMADOL-attention-danger.html
Bonjour, cela fait maintenant un bon moment que je n'avais pas posté de messages.
Mais aujourd'hui je viens vers vous pour vous compter une mésaventure qui m'est arrivé mardi
dernier.
Depuis quelques jours j'ai une douleur tout juste supportable au dos, donc j'en parle à mon
médecin de ville et non à mon addictologue (première erreur), j'avais en tête l'intention de me faire
prescrire du TRAMADOL 200 LP, le doc est ce que j'appelle un écrivain (il ne pose aucune
question il rempli mon ordonnance point).
Donc, je me retrouve avec 2 boîtes et mon dos s'en porte bien mieux. Bref, les fêtes passent et je
reprend mon travail normalement.
Sauf que il m'arrive de prendre 4 cachets d'un coup pour gérer la douleur et tant qu'à y être planer
un peu...
Je précise que je suis en phase de réduction de méthadone (13mg/j). Et mardi dernier, alors que la
veille j'avais déjà bouffé 6 cachets de tramadol 200, voilà que j'enchaîne avec 6 autres vers 9h30...
Vers 13h00, alors que tout allait bien, je n'étais même pas stone, je me retrouve d'un seul coup dans
un camion des pompiers en train de chercher à donner la date du jour au pompier qui me pose
toutes sortes de questions auxquelles je n'ai pas de réponses... je ne sais même pas comment je
m'appelle...
Pour faire bref, j'apprend que j'ai tapé une crise de convulsion avec arrêt respiratoire etc.
Je bosse dans un collège, les mômes sont traumatisés, le personnel aussi bref j'ai gravement merdé.
Moi, qui suis pourtant hyper prudent, aujourd'hui quand je m'écoute et que je repense à ce que j'ai
fait, je me trouve bien con. Taper 6 cachets de tramadol 200, même pas 18h après 6 autres cachets,
à croire que je cherchais le bâton.
http://www.psychoactif.fr/forum/t7625-p1-Tramadol-dose-maximum.html
Bonsoir
Je suis moi aussi dépendante au tramadol et depuis plusieurs années. J'essaie de me sevrer car ça
me pose de plus en plus de pb au taf et pour mon équilibre psy tout simplement. J'ai qd même en
plus une béquille, un ADP ce qui me permet de tenir le coup pendant le sevrage. Il faut savoir que
le pb avec le tramadol c'est qu'il agit aussi sur la récapture de la serotonine donc il y a un risque de
phase dépressive qd t'arrête. Pour ce qui est des effets secondaires à long terme, pas assez de recul
je pense sur ce médoc. Dans mon cas, je fais des infections urinaires que j'attribue peut-être à la
rétention urinaire que provoque tout opiacé. Je te comprends, c dur d'arrêter, il faut à un moment
donné faire le bilan bénéfices inconvénients. Moi, qd le deséquilibre se fait trop ressentir je me
sevre. Mais j'y reviens toujours... La, 3e jour sans. Mais comme je te disais je suis qd même sous
seroplex et ça aide.
http://www.psychoactif.fr/forum/t7510-p2-Prise-charge-toxicomanie-Codeine.html#p118282
J'admets avoir tenu un discours ici largement contradictoire et je m'en excuse effectivement.
Comme je l'explique ailleurs, perso je suis 100% prométhadone car je ne connais pas de meilleurs
moyens à l'heure actuelle pour s'en sortir, ou au moins atténuer l'impact d'une dépendance majeure
aux opiacés. Alors bon, à tous morphinomanes, héroïnomanes, qu'ils se piquent ou qu'ils s'en
foutent dans le nez, une fois la dépendance bien présente, je vois pas d'autres solutions. Le sevrage
brutal de la came, ou l'a tous fait X fois et on connait le résultat : à peine guéri, on en crève de
désir et quelques jours plus tard, on se retrouve exactement au meme endroit que le mois passé... et
on peut tourner en rond X années à faire sevrage sur sevrage... avant d'admettre qu'il faudrait s'y
prendre autrement. Au moins pour celui qui n'arrive pas à arreter complétement la méthadone
permet des fenetres de repos, d'éviter des épisodes de douleurs répétées et n'ayant aucun sens, si ce
n'est "user" la personne jusqu'à la dépression. J'ai pas oublier une fois ou j'ai failli me foutre en
l'air à cause du manque : j'avais été malade quasiment 50% du temps d'une année et ca m'a fait
péter un plomb. Avec la metha, l'usager meme si ne fait le deuil complet, est dans une meilleure
gestion.
Ensuite on peut douter de l'efficacité du TSO parfois... mais là ou je pense que cela vaut la peine
vraiment de réfléchir c'est dans le cas de dépendance plus mineur - qui pourrait se soigner
tranquillement sans passer par le substitut - qui induit sur le plan pharmacologique une obligation
d'etre pris sur de longs mois...
alors qu'on peut se sevrer sans douleur de la codéine en quelques semaines maxi... ceci dit cela ne
vaut plus rien dans le cas d'une dépendance majeure à la codeine '(dosage elevée, dépendance
pérenisée)
alors quitte à ne pas vouloir se sevrer, ne vaut il pas mieux rester un temps sous codeine le temps de
faire le pas plutôt que de se mettre dans le sub ou la meth - qui sont (avouons le quand meme)
extrêmement difficile à sevrer (pour ne pas dire quasi impossible pour un certains nombre d'entre
nous).
par contre apres des années de codeine, je crois que faut meme pas hésiter... à la metha direct
rien ne sert de continuer sur un schéma qui visiiblement est déjà ancien et n'est pas aidant...
http://www.psychoactif.fr/forum/t7547-p1-Sevrage-codeine.html
A 39 ans j'en suis au même point sauf que la codéine ne fait plus d'effets...
J'ai déjà essayé de me sevrer, descendre progressivement les doses, mais non à chaque fois il faut
que je remonte les dosages au bout d'une semaine.
Façon cold turkey également essayé, au bout de 2 jours c'est pas la peine, mal partout, diarrhée et
la gerbe,en sueurs en permanence, insomnies, maux de tete, enfin c'est pas 2 jours de symptomes
grippaux comme j'ai pu le lire quelque part.J'ai tenu 4 jours une fois, ben j'étais pas fier aller aux
chiottes toutes les 20 minutes gégoulinant de sueurs et gelé...j'ai repris ma conso.J'ai pas la niak, je
sais pas.
Je suis perdu dans tout ça, marre de ce mode de vie centré sur la codéine, faire les pharmacies
(avec la tronche pleine de joie du pharmacien), prévoir assez de boites pour les Dimanche et jours
fériés...
J'en suis à me demander si la buprénorphine ne serait-elle pas une bonne alternative pour un
sevrage.
Je sais je suis seul fautif de ma connerie, pas de leçon de morale si on pouvait éviter.
Si des personnes sont passées par cette situation, ou s'y trouve, ou ont des conseils.
Merci à ceux qui me lisent.
Essai sur la prise en charge de la dépendance à la Codéine et au Tramadol
Etant donné qu'il existe peu de textes « définitifs » sur ce thème, le présent essai se nourrit de ma
petite expérience personnelle et des débats sur le forum psychoactif.fr . C'est donc bien un « essai »
en espérant qu'il suscitera des commentaires qui permettront de l'améliorer.(P Millet)
Une première constatation est que beaucoup d'usagers addicts à ces produits ne cherchent pas
particulièrement une prise en charge. Le neo-codion est depuis très longtemps un auto-TSO et cet
usage persiste malgré la large disponibilité de la buprénorphine et de la méthadone.
Quant au tramadol sa tolérance est assez bonne en dehors des accidents graves mais (heureusement)
relativement rares que sont les convulsions et les syndromes sérotoninergiques.
Il y a donc toute une population qui va d'un usage therapeutique chronique contre la douleur à
l'usage recréatif, qui est assez satisfaite du produit et qui ne cherche à se sevrer qu'en cas d'accident
thérapeutique, d'évènement de vie, etc..
Toutefois de plus en plus de patients, confortés notamment par le nombre d'informations et d'articles
sur ce sujet, « découvrent » leur addiction et consultent pour y mettre fin.
Une autre circonstance fréquente de consultation est motivée par l'inquiétude sur les risques
hépatiques d'une consommation excessive de paracétamol associé. Le premier temps de la prise en
charge sera donc (17) évidemment de remplacer le produit associé par de la codéine ou du tramadol
purs.
La Commission de l'ANSM (2) a pointé que le sevrage de la codéine et du tramadol était pris en
charge le plus souvent soit par les spécialistes de la Douleur (après un traitement d'un épisode
douloureux temporaire) soit par les addictologues.
Dans le premier cas, le traitement était représenté par une prescription de baisse progressive des
doses (78%), de rotation d'opiacés (11%) et de perfusion de kétamine (11%). Kétamine (14)(15)
Dans le deuxième cas de baisse progressive des doses (64%), de TSO (32%) et de rotation d'opiacés
(4%).
On voit donc que les pratiques diffèrent selon les spécialités.
Toutefois, clairement, la prescription la plus fréquente est la diminution progressive des doses de
codéine ou tramadol. En général le but est le sevrage total, parfois le retour à une consommation
raisonnée.
C'est certainement la prescription la plus logique mais de nombreux témoignages montrent la
difficulté, voire l'impossibilité, de suivre cette prescription pour certains usagers. Parfois le sevrage
est réussi, mais comme souvent dans le sevrage opiacé, il est suivi d'une rechute dans les jours ou
les semaines qui suivent. En effet, après la période de sevrage physique (frissons, diarrhées, etc..) il
existe une période prolongée de dépression, mal-être (surtout avec le tramadol) avec souvent un fort
craving pour le produit.
La plupart de ceux qui ont opté pour les TSO sont relativement satisfaits ; (les TSO ont
généralement moins d'effets secondaires) mais le TSO est souvent un traitement prolongé et certains
usagers (notamment sur ce forum) critiquent fortement cette « solution » qui consiste à remplacer
une addiction par une autre encore plus addictive, selon leurs termes.
Il n'en reste pas moins que SI l'usager doit choisir entre la codéine et le TSO (ex. : le sevrage est
impossible ou non cherché) le maintien sous TSO est plus confortable et souvent moins
contraignant. Signalons pour la codéine la constipation et le prurit (démangeaisons dues à une
libération d'histamine par la codéine, même, parfois, à doses thérapeutiques).
Cela permet donc, je pense, une conclusion provisoire.
Si le sevrage de la codéine ou du tramadol par diminution progressive des doses est envisageable, il
constitue la solution de choix (17).
En cas d'échec et/ou si la consommation d'opiacés semble inéluctable, l'institution d'un TSO permet
dans la plupart des cas un traitement plus « confortable ». Si le traitement de la douleur reste
d'actualité il est possible d'utiliser la méthadone à cet usage ou de faire une rotation d'opiacés, la
plupart des opiacés de niveau III ayant un meilleur rapport efficacité/désavantages que ceux de
niveau II (du moins à mon avis).
Cet avis « personnel » plutot en faveur du TSO n'est pas partagé par tous, voir les discussions citées
plus haut. Il est bien évident qu'il ne sera QUE proposé et non imposé à ceux qui préfèrent continuer
la Codéine ou le Tramadol.
Quelques détails pratiques sur la prise en charge
Problème du paracétamol associé à la Codéine
Il est possible de séparer la codéine du paracétamol en tirant parti de la diminution de solubilité du
paracétamol dans l'eau froide. Toutefois de nombreuses erreurs de manipulations peuvent laisser
une quantité appréciable de paracétamol dans la solution finale, sans que l'usager puisse le vérifier
(21) et de plus l'efficacité de la méthode peut varier selon le sel de codéine.
Il est donc fortement conseillé d'utiliser les formes de codéine ne comportant pas de paracétamol,
notamment neo-codion, Paderyl ou Dicodin.
Sevrage
Le sevrage, je l'ai dit, doit être progressif, mais en pratique qu'est ce que cela signifie ?
Certaines recommandations (17) préconisent un sevrage du tramadol en 15 jours environ, ce qui me
paraît convenir aux personnes traitées contre la douleur, ou au sevrage hospitalier, mais être trop
rapide pour ceux qui en font un usage détourné et qui se sèvrent en ambulatoire.
La même source dit ailleurs « le sevrage ne devrait pas dépasser trois mois », ce qui me paraît plus
raisonnable. Bien entendu, le sevrage de chacun est particulier et le dialogue entre usagers et
soignants doit être ouvert et tolérant pour permettre de trouver le meilleur agenda, compte-tenu des
« capacités » de réduction des doses de l'usager. Toutefois, il est probable qu'un sevrage qui
demande plus de 3 ou 4 mois est voué à l'échec, sauf circonstances particulières (17) (18).
Un point important sur le sevrage est que, dans la période qui suit immédiatement un sevrage
opiacé, il existe une sur-mortalité majeure (jusqu'à + 800 %!!) liée principalement aux overdoses en
cas de rechute. Cela a été montré pour le sevrage des TSO (22), de l'héroine et le risque est
probablement présent pour le sevrage de la codéine et du tramadol. Les overdoses semblent liées à
une diminution très rapide, après le sevrage, de la tolérance aux effets respiratoires des opiacés alors
que des doses élevées restent nécessaires pour trouver les effets psychotropes. De ce fait la marge
de sécurité effets dépresseurs respiratoires / effets psychotropes est très limitée. La décision de
sevrage ne doit donc pas être prise à la légère.
Passage Codeine Buprénorphine
La buprénorphine ayant un effet mixte agoniste-antagoniste son introduction trop rapide après un
agoniste opiacé, notamment de longue durée, peut entraîner initialement un état de manque aigu
parfois grave (nécessitant une hospitalisation). C'est ce que l'on constate avec la méthadone ; le
délai recommandé étant de l'ordre de 72h.
En principe la codéine (et le tramadol) a une courte durée d'action (en prise unique) et le délai
pourrait être de 8 à 12 heures environ. Toutefois etant donné la présence de métabolites qui peuvent
s'être accumulés en cas de traitement prolongé , il pourrait être plus raisonnable d'attendre 24, 36
voire 48h ; rappelons le polymorphisme génétique et donc la grande variabilité individuelle. La
présence de symptômes de manque significatifs est en général le meilleur critère d'introduction de
la buprénorphine. Pour la buprénorphine (19).
Bibliographie
(1)http://peer.ccsd.cnrs.fr/docs/00/71/04/56/PDF/PEER_stage2_10.1007%252Fs00228-011-1080x.pdf
(2)http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/329a70741f497b7a6ea5a8062c82
92b9.pdf
(3)http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2943845/
(4)http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2714818/
(5)http://www.drugaddictiontreatment.com/types-of-addiction/prescription-drugaddiction/tramadol-addiction/
(6)http://fr.wikipedia.org/wiki/Cod%C3%A9ine
(7) http://en.wikipedia.org/wiki/Codeine
(8)http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/2072/?sequence=5
(9)http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/1044046
(10)http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/10440467
(11)http://depts.washington.edu/druginfo/DTT/2006_Vol35_Files/V35N4.pdf
(12)http://www.psychoactif.fr/psychowiki/index.php?title=Tramadol%2C_effets%2C_risques
%2C_t%C3%A9moignages
(13)http://www.psychoactif.fr/forum/t7105-p1-syndrome-serotoninergique-nombreuxmedicaments-associations.html
(14) http://www.apsppaca.net/documents/CHPA_CHAllauch_Soins_palliatifs_19102012n1BAUDOIN.pdf
(15)http://www.epistemonikos.org/fr/documents/0d8eff43afca39659832de982f40ec564917683c
(16) http://www-sante.ujfgrenoble.fr/SANTE/cms/sites/medatice/home/addictologie/docs/20110228122308/Addictions_aux_
Medicaments_M.Dematteis.pdf
(17) http://cms.addiction-valais.ch/Upload/medrotox/6_8_Sevrage_%20ambulatoire_opiaces.pdf
(18)http://www.cfp.ca/content/57/11/e419.full.pdf
(19)http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/b275587447c30549b123fe6c29f
4c76b.pdf
(20) http://lucid-state.org/forum/content.php/571-Cod%C3%A9ine
(21)http://www.bluelight.ru/vb/threads/621737-Codeine-amp-CWE-Megathread-Version-II-insertwitty-title
(22)http://www.psychoactif.fr/documents/forum/bmjTSORelais.pdf
Annexe 1
Le phénotype CYP2D6 peut être déterminé par un examen de laboratoire relativement simple mais
encore peu pratiqué en clinique. Certains hôpitaux psychiatriques le demandent pour guider les
traitements psychotropes. Il pourrait aussi se révéler utile dans les Centres Méthadone.
Inhibiteurs/inducteurs
CYP2D6, inhibiteurs forts = fluoxetine, paroxetine, bupropion, quinidine, ritonavir.
inducteurs = dexaméthasone, rifampicine.
CYP3A4, inhibiteurs forts = ritonavir, indinavir, nelfinavir, sequinavir, clarithromycine,
telithromycine, erythromycine, ketaconazole, itraconazole, nefazodone + le pamplemousse qui est
un inhibiteur plus modéré, mais qui est très répandu.
Inducteurs = carbamazepine, phenytoine, barbiturique, millepertuis, rifampicine, efavirens,
nevirapine, glitazones, glucocorticoides, modafinil.

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