Le droit de préemption commercial, cinq ans après

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Le droit de préemption commercial, cinq ans après
CHRONIQUE
Le droit de préemption commercial,
cinq ans après
Dominique Moreno
Avec le retour des consommateurs vers l’offre commerciale de proximité, la nécessité de préserver et de
développer le commerce sur les territoires et, en particulier, dans les centralités, s’est faite de plus en plus
pressante. L’urbanisme en est un vecteur essentiel et y
contribue de façon prégnante depuis la loi Solidarité et
renouvellement urbains (SRU) n° 2000-1308 du
13 décembre 2000, puis la loi n° 2010-788 du 12 juillet
2010 d’engagement national pour l’environnement, dite
Grenelle II, à travers l’élaboration obligatoire de documents d’aménagement commercial (DAC) dans les
schémas de cohérence territoriale (SCOT), ainsi que la
présence, fréquente, dans les règlements des plans
locaux d’urbanisme (PLU), de dispositions vouées à
protéger les linéaires commerciaux.
Cela étant, ces démarches prospectives et réglementaires ne sont parfois pas suffisantes et demandent à
être complétées par des dispositifs directement opérationnels, voire interventionnistes. Le droit de préemption commercial en est un. Toutefois, y avoir recours est
toujours délicat car il marque une limitation du droit de
propriété, certes dans l’intérêt général, mais malgré
toutes les précautions, ressentie comme intrusive dans
la sphère privée. Et pour le commerçant, comme pour
tout autre citoyen, la propriété est sacrée, la France
n’est-elle pas le pays qui connaît la notion de « propriété commerciale » concrétisée par le statut d’ordre
public des baux commerciaux et le fameux droit au
« maintien dans les lieux » ? Ce droit du locataire commerçant cohabite, dans la plupart des cas, avec celui
du propriétaire des murs, son bailleur. Il fallait donc
« oser » y ajouter une prérogative pour une collectivité
territoriale, personne publique, de se rendre propriétaire tant du local que des droits mobiliers y afférant,
fonds de commerce et bail.
En effet, si la collectivité peut acquérir les murs mis en
vente, cela ne garantit pas systématiquement l’affectation commerciale, et l’« appropriation » du fonds de
commerce ou du bail peut devenir indispensable s’ils
sont également en vente. Jusqu’en 2005, le code de
l’urbanisme ne permettait pas la préemption de biens
mobiliers, d’où l’article 58 de la loi n° 2005-882 du
2 août 2005 en faveur des PME et son décret d’applica-
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tion n° 2007-1827 du 26 décembre 2007 1, qui confèrent
la faculté aux communes, qu’elles soient ou non dotées
d’un document d’urbanisme, d’exercer, dans certaines
conditions, un nouveau droit de préemption spécifique
lors de la cession de fonds artisanaux, de fonds de
commerce ou de baux commerciaux. Par la suite, la loi
de modernisation de l’économie (LME) n° 2008-776 du
4 août 2008 (article 101) avec ses textes d’application,
a étendu ce droit de préemption à des ventes de terrain
à vocation commerciale. La loi Warsmann de simplification du droit n° 2012-387 du 22 mars 2012 a, enfin,
apporté des améliorations réclamées par la pratique.
Véritable petite « révolution » dans le paysage du
droit de l’urbanisme, ce mouvement législatif fut résolument défendu par la majorité des élus locaux, qui
souhaitaient disposer de leviers leur permettant d’agir
sur l’équilibre des différentes composantes des territoires dont ils ont la responsabilité. La diversité des
fonctions urbaines, dont le commerce fait partie, n’estelle pas, depuis la loi SRU, un principe directeur du
droit de l’urbanisme ?
I. Le périmètre de préemption,
un outil stratégique
dans un projet de territoire
1. Un réel intérêt pratique
Connaître, c’est agir mieux. Instaurer un périmètre de
préemption commerciale, c’est devenir un véritable
« sachant » en matière de commerce. Comment est
constitué le tissu commercial de la commune ? Comment est-il réparti ? Les locaux à céder ou les entreprises en cessation d’activité ou en cours de transmission sont-ils nombreux ? Quels secteurs sont
concernés ? Le risque de voir se multiplier les locaux
vacants existe-t-il ? Autant de questions auxquelles des
diagnostics précis apportent des réponses qui, elles-
1
Articles L. 214-1 et s. et R. 214-1 et s. du code de l’urbanisme.
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mêmes, faciliteront le tracé d’un périmètre pertinent ; les
critères concrets 2 d’aide à leur délimitation se déclinant
par des éléments de commercialité, de coût des loyers,
de conditions d’accès et d’état du foncier.
Selon des statistiques, certes non exhaustives, on
comptait en 2010 3 plus de 520 périmètres sur le plan
national dont 111 en région parisienne (Paris-Petite Couronne, Val-d’Oise, Yvelines).
Les communes utilisent donc à bon escient la mise en
place de périmètres pour observer l’évolution du commerce sur leur territoire et mener un dialogue plus suivi
avec les commerçants et leurs associations sur les transmissions de fonds, les repreneurs et les activités à préserver.
Autre preuve de cet intérêt, certaines communes 4
avaient, dès la parution de la loi de 2005 et sans attendre
le décret d’application, déjà arrêté des périmètres. Une
telle anticipation, flagrante d’une volonté des élus de
veiller sur la préservation de « leurs rues commerçantes », avait, au demeurant, suscité une réelle interrogation sur le plan juridique. En effet, aucune disposition
de validation de ces périmètres n’étant prévue dans le
décret du 26 décembre 2007, comment fallait-il appréhender le risque contentieux d’invalidation encouru par
ces délibérations, si elles étaient mises en cause directement ou indirectement lors d’un recours contre une décision de préemption ?
Dans un arrêt du 21 mars 2008, Société Megaron 5, le
Conseil d’État a tranché en considérant que si l’application des dispositions légales relatives à la délimitation du
périmètre n’était pas « manifestement impossible », en
revanche les autres dispositions (procédure de préemption et rétrocession) instaurant un dispositif entièrement
nouveau distinct du droit commun de la préemption
immobilière, nécessitaient des précisions réglementaires
pour être mises en œuvre 6.
En pratique, il est préférable que les périmètres soient
ciblés. Celui qui recouvrirait l’ensemble du territoire communal devrait en effet être fortement argumenté pour
démontrer que l’ensemble de la commune (y compris
des zones résidentielles ou industrielles dépourvues de
vocation commerciale !) est fragilisé en termes de com2
Rapport de la CCIP du 28 juin 2007, Droit de préemption sur les
fonds de commerce et les baux commerciaux. Critères de délimitation des périmètres communaux d’intervention.
3
Sources : Assemblée des chambres françaises de commerce et
d’industrie (ACFCI) et Chambre de commerce et d’industrie de Paris
(CCIP) avec son outil d’observation de la région parisienne,
Prempt’Co.
4
Plus du tiers de celles de la Petite Couronne parisienne.
5
JCP A 2008, n° 15, 7 avril 2008, p. 8 ; JCP A 2008, n° 16, comm.
n° 2086, P. Billet ; JCP G 2008, n° 22, II, 10104, note H. Kenfack.
6
Sur le plan procédural, il a été ensuite précisé par la doctrine administrative que ces premiers périmètres ne nécessitaient pas formellement l’avis des chambres consulaires, car celui-ci a été introduit
par le décret : Rép. min. Cambon, n° 3742, JO Sénat, 28 août 2008,
p. 1733.
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merce, la motivation pourrait alors être considérée
comme stéréotypée et ne correspondant pas aux objectifs des textes quant aux menaces sur la diversité commerciale. Une telle démarche globalisatrice ne saurait
donc être systématisée. Les statistiques confortent
d’ailleurs le choix de périmètres ciblés, lesquels représentent 47 % du total national et les périmètres globaux
4 %. Ainsi conçus, les périmètres gagnent en réalisme
économique et en crédibilité.
2. Un formalisme garant de l’intérêt général
Selon l’article L. 214-1 du code de l’urbanisme, « le
conseil municipal peut, par délibération motivée, délimiter
un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité », à l’intérieur duquel les aliénations à
titre onéreux de fonds artisanaux, de commerce, de baux
commerciaux ou de certains terrains à usage commercial
sont soumises au droit de préemption 7.
Pour ce faire, l’article R. 214-1 du même code met en
place un mode de justification rigoureux.
Le projet de délibération du conseil municipal est
accompagné :
– d’un plan du périmètre ;
– d’un rapport analysant la situation du commerce et de
l’artisanat de proximité à l’intérieur de ce périmètre et les
menaces pesant sur la diversité commerciale et artisanale. Ce rapport sera déterminant en termes de motivation.
Une fois adopté, le périmètre doit être connu de tous
et fait donc l’objet de mesures de publicité, bien qu’il
soit regrettable qu’elles n’aient pas été aussi complètes
qu’il aurait fallu. Si l’article R. 214-2 renvoie au droit
commun du droit de préemption urbain pour la publication de la délibération communale conditionnant sa
prise d’effet, il ne vise que le seul article R. 211-2 du
code de l’urbanisme prévoyant un affichage en mairie
pendant un mois et une mention dans deux journaux
diffusés dans le département. Aucun renvoi n’est fait à
l’article R. 211-3 qui prescrit des mesures plus complètes et indispensables en matière de préemption :
transmission au directeur départemental des finances
publiques, au Conseil supérieur du notariat, à la
chambre départementale des notaires, aux barreaux et
aux greffes près des Tribunaux de grande instance
concernés. Cette omission du visa de l’article R. 211-3
est regrettable, car elle prive des acteurs majeurs d’une
information officielle. De surcroît, le décret de 2007
n’impose pas d’annexer le périmètre arrêté par le
La procédure de préemption pourra après être menée par le maire
au nom de la commune, sur habilitation du conseil municipal (art.
L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales).
7
BULLETIN DE JURISPRUDENCE DE DROIT DE L’URBANISME
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conseil municipal au PLU, comme il en est obligatoirement pour les zones de préemption de droit commun 8.
Une réponse ministérielle 9 a néanmoins indiqué que
rien n’interdit au maire de procéder spontanément à ces
mesures d’information. Elle précise, par ailleurs, que
conformément au droit administratif général, le maire dispose d’un délai de deux mois pour répondre à une question sur l’existence d’un périmètre. Son silence, valant
décision implicite de refus, peut être déféré au juge. De
surcroît, toute mesure utile d’expertise ou d’instruction
peut être sollicitée en référé, sans condition d’urgence, si
les renseignements demandés par le requérant ont une
utilité pour lui ; ce qui devrait être le cas pour un commerçant-cédant. Souhaitons que tout ce mécanisme n’ait
jamais à être utilisé en pratique, cela serait de mauvais
augure pour la suite du processus de préemption.
Enfin, il faut rappeler que l’article R. 410-15 du code de
l’urbanisme prévoit déjà la mention de la situation du bien
dans une zone d’exercice des droits de préemption visés
par ce code dont fait partie la préemption commerciale.
3. Une démarche partenariale
L’article R. 214-1 prévoit l’avis préalable des chambres
de commerce et d’industrie et des chambres de métiers
et de l’artisanat sur le projet de délibération communale,
cet avis étant réputé favorable en cas de silence gardé
pendant un délai de deux mois.
Il s’agit de promouvoir un dialogue constructif entre les
collectivités et des représentants du monde économique.
À travers leurs différents observatoires, bases de données et études territoriales, les chambres ont, en effet,
une connaissance précise de l’activité de leur circonscription et leur avis pourra alors constituer un élément
déterminant pour la commune dans la définition de périmètres de préemption adaptés aux besoins du commerce de son territoire.
D’ailleurs, si cet avis est consultatif, une réponse ministérielle insiste sur son « grand intérêt », eu égard à la
connaissance par ces organismes de l’activité commerciale et artisanale, et énonce qu’il « gagnerait donc à être
pris en compte » 10.
II. Une mise en œuvre prudente
de l’action de préemption
Malgré l’intérêt pour l’instauration de périmètres, sur
les 520 répertoriés, le nombre de préemption reste
modéré : 104 dont 23 en région parisienne portant à près
de 50 % sur des fonds, 45 % sur des baux et 6 % sur des
terrains.
1. Un coût budgétaire à anticiper
Préempter coûte cher ! Les communes doivent veiller à
disposer ou à réunir le financement nécessaire, sachant
que la loi LME (article 100) permet la prise en charge par
un fonds d’État, le Fonds d’intervention pour les services,
l’artisanat et le commerce (FISAC), jusqu’à 50 % ou 80 %
dans les zones urbaines sensibles et les zones franches
urbaines 11, des intérêts d’emprunts souscrits pour l’exercice de ce droit de préemption.
Cette anticipation est d’autant plus indispensable que la
commune est ici bien seule. La loi de 2005 ne procédant à
aucun renvoi au droit commun des articles L. 211-2 et
L. 213-3 du code de l’urbanisme relatifs aux délégations
de compétence, ce droit de préemption commercial ne
peut être délégué : les SEM locales, les chambres consulaires ou tout autre établissement public ne peuvent en
être délégataires.
Cela étant, le droit de préemption urbain classique sur
les locaux reste toutefois susceptible d’être délégué,
notamment à une SEM locale, d’où la nécessité de veiller
à une bonne coordination des périmètres et actions de
préemption.
Enfin, « petite respiration » accordée aux communes, la
loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 12 permet aux sociétés
publiques locales d’aménagement d’exercer, par délégation ou directement, la préemption commercial sur les
cessions de fonds de commerce, de fonds artisanaux et
les baux commerciaux. Ces sociétés peuvent être créées
par les collectivités locales et leurs groupements qui en
détiennent la totalité du capital, elles sont compétentes
en matière d’opérations d’aménagement au sens du
code de l’urbanisme sans mise en concurrence préalable. Mais on remarquera que cette compétence directe
n’a pas été visée dans la loi au titre de la préemption des
terrains à vocation commerciale.
2. Un champ d’application encore incertain
D’apparence très large à la lecture de l’article R. 214-3
du code de l’urbanisme, ce droit de préemption peut en
Article R. 123-13 du code de l’urbanisme.
Rép. min. Grosskost, n° 16349, JO AN, 19 août 2008, p. 7133.
10 Rép. min. Cambon, n° 3742, JO Sénat, 28 août 2008, p. 1733.
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Décret n° 2008-1470 du 30 décembre 2008.
Article L. 327-1 du code de l’urbanisme.
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effet s’exercer sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce ou les baux commerciaux, lorsqu’ils sont aliénés à
titre onéreux. Sont exclues, comme en droit commun, les
aliénations intervenues dans le cadre d’un plan de sauvegarde 13 ou d’un plan de cession d’entreprises au titre
d’un redressement 14 ou d’une liquidation judiciaire 15.
Or, la loi de simplification du droit du 22 mars 2012
comporte, au demeurant, une disposition générale qui
remplace le terme « cession » inscrit dans les articles
L. 214-1 et L. 214-2 initiaux par celui de « aliénation à titre
onéreux », ce qui signifie que le formulaire de déclaration
préalable peut continuer à viser, avec une assise législative, les apports en société et les échanges.
En revanche, la vente du fonds sous forme de cessions
de parts sociales n’est pas concernée, ce qui donne un
bon moyen d’échapper à toute intervention de la commune. C’est pourquoi la proposition de loi sur l’urbanisme commercial dont le parcours parlementaire a été
interrompu en 2011, comportait un amendement, lequel
n’a donc pas abouti, visant à inclure, dans le champ de
la préemption commerciale, les cessions de parts ou
d’actions d’une société civile ou commerciale dont l’activité principale est la gestion d’un fonds artisanal ou de
commerce, mais uniquement lorsque ces cessions
avaient pour objet un changement de secteur d’activité.
Par ailleurs, la création ab initio d’un fonds de commerce ou la résiliation d’un bail suivie de la conclusion
d’un nouveau sont exclues, car ne constituant pas une
cession 16. Le sujet est sensible car les communes craignent que des artifices juridiques empêchent l’exercice
de droit de préemption : pour preuve un amendement,
non retenu, à la proposition de loi Warsmann de simplification du droit envisageait d’élargir encore le champ
d’intervention de la commune en exigeant du bailleur
de déposer une déclaration pour les conclusions d’un
bail sur lequel une activité est exercée, et ce, à peine de
nullité de la cession. Mais on s’éloignait trop ici de la
vocation initiale de toute préemption devant porter sur
la vente de biens.
S’agissant, enfin, de l’ajout fait par la loi LME et son
décret d’application n° 2009-753 du 22 juin 2009, il
concerne les aliénations de terrains portant ou destinés à
porter des commerces ou des ensembles commerciaux
d’une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 m2.
Le but est de permettre à la commune, si elle estime
inadapté un projet commercial prévu dans le cadre de la
cession d’un terrain de ce type, d’exercer son droit de
préemption, par exemple si elle envisage un projet alternatif favorable au commerce de proximité, si bien que
13
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15
16
Article L. 626-1 du code de commerce.
Article L. 631-22 du code de commerce.
Articles L. 642-1 à 17 du code de commerce.
Rép. Min. Santini, n° 73329 du 13 juillet 2010, JO AN, p. 7870.
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l’utilisation de cette prérogative reste très faible, à peine
6 % des préemptions.
3. Une procédure complexe et semée
d’embûches
a) La déclaration préalable et ses insuffisances
Avant toute aliénation, le cédant doit déposer une
déclaration préalable auprès du maire de la commune,
un modèle de déclaration étant prévu par l’arrêté du
29 février 2008 17 ; elle peut également être transmise par
voie électronique depuis le décret n° 2012-489 du 13 avril
2012. Le cédant et ses conseils doivent se montrer vigilants et se renseigner pour savoir si le bien à vendre se
situe en périmètre de préemption : le défaut de déclaration entraîne la nullité de la vente, et conformément aux
règles du droit civil, l’action se prescrit par cinq ans à
compter de la prise d’effet de la cession et s’exerce
devant le Tribunal de grande instance du lieu de situation
du fonds ou des locaux loués 18.
Ce processus de déclaration est classique en matière
de préemption. Mais les textes sur la préemption commerciale demeurent trop laconiques sur son contenu
pour permettre une appréciation pertinente par la commune de la situation et donc de l’intérêt général à s’engager dans la voie de la préemption.
Première lacune importante, seule la mention de l’existence d’un acquéreur pressenti est prévue dans l’arrêté
de modèle de déclaration, sans que soit précisée son
activité. Comment savoir alors si l’affectation commerciale sera maintenue après la vente ?
Autre lacune, le bail n’a pas à être joint ; la commune
n’a donc pas accès à des informations déterminantes
comme la nature dudit bail, « tous commerces » ou spécialisé, ce qui aura des conséquences lors de la
recherche d’un repreneur par la commune. De même, si
le montant du loyer est mentionné, l’indication du chiffre
d’affaires sur les trois dernières années reste facultative.
Comment alors apprécier la situation du commerce ?
Toutes ces imprécisions peuvent inciter les communes à
saisir le juge de l’expropriation qui dispose de moyens
d’investigations plus poussés que la commune.
En revanche, la situation semble plus claire s’agissant
des aliénations de terrain : si celui-ci est situé également en zone de droit de préemption urbain, la déclaration est faite sur le formulaire de la déclaration d’intention d’aliéner (DIA) de droit commun ; dans le cas
contraire, le formulaire spécifique doit être utilisé. Est
précisée la surface de vente du commerce existant sur
17
18
Article A 214-1 du code de l’urbanisme.
Article R. 214-10 du code de l’urbanisme.
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le terrain ou la possibilité d’y implanter, dans les cinq
ans suivant l’aliénation, un commerce ou un ensemble
commercial entre 300 et 1 000 m2 de surface de vente
19. Lorsque cette déclaration n’a pas été effectuée, le
vendeur, lors d’une cession ultérieure du terrain, en
informe l’acquéreur par une mention spécifique dans
l’acte de vente 20 et le terrain ne peut plus alors être
affecté au commerce pendant cinq ans ; la vigilance est
encore ici de mise.
Enfin, lorsque le droit de préemption urbain a été délégué par la commune à une SEM ou à une autre entité, il
s’agit de veiller à une bonne coordination des procédures : la commune doit informer ce délégataire si elle
entend ou non exercer son droit de préemption commerciale sur le terrain en cause ; si elle ne le souhaite pas,
elle adressera copie de la déclaration (sous forme de DIA
ou de déclaration spécifique à la préemption commerciale) à la SEM qui pourra exercer alors le droit de préemption dont elle est délégataire 21.
b) La décision de préemption et les risques
latents de contentieux
Selon un processus classique, le silence de la commune pendant un délai de deux mois à compter de la
réception de la déclaration ou du premier des accusés
de réception ou d’enregistrement électronique, vaut
renonciation à l’exercice de la préemption. Le cédant
peut alors réaliser la vente librement, mais aux prix et
conditions de la déclaration.
L’article R. 214-5 détaille davantage la procédure. C’est
donc dans ce délai de deux mois que la commune notifie 22 au cédant :
– soit sa décision d’acquérir aux prix et conditions de la
déclaration, l’accord entre les parties est alors parfait et
l’acte de vente peut être alors passé ;
– soit son offre d’acquérir aux prix et conditions fixés par
le juge de l’expropriation ;
– soit sa décision de renoncer à préempter.
Copie de cette décision est adressée au bailleur si la
cession porte sur un bail commercial. C’est le minimum
que le bailleur est en droit d’attendre pour la sauvegarde de ses intérêts. C’est pourquoi, en pratique, indépendamment du quasi-silence des textes, la collectivité
Article R. 214-4 du code de l’urbanisme.
Article R. 214-4-3 du code de l’urbanisme.
21
Rép. min. Goujon, n 87739, JO AN, 15 février 2011, p. 1531 ; pour
une analyse critique : C. Debouy, « Concurrence entre droits de préemption “urbain” et “commercial” : l’imprécision d’une réponse
ministérielle », JCP A 2011, n° 15, act. 260.
22
La décision est notifiée au cédant par pli recommandé avec
demande d’avis de réception, par remise contre décharge au domicile ou au siège social du cédant, ou par voie électronique en un
seul exemplaire dans les conditions, sachant que cette notification
électronique n’est possible que si la déclaration a été faite de la
même manière.
19
20
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a tout intérêt à mettre le bailleur « dans la boucle » dès
qu’elle exprime son intention de préempter, car sinon,
se voyant ignoré alors qu’il est le propriétaire des murs,
il sera contraint à faire valoir ses droits légitimes par la
voie contentieuse.
Autre point majeur et lui aussi classique, la décision
individuelle de préemption doit être motivée, eu égard en
particulier à la diversité et au développement du commerce et de l’artisanat dans le périmètre, la seule référence à la motivation de la délibération arrêtant celui-ci
semblant insuffisante.
Toujours dans le même classicisme, en cas de référésuspension à l’encontre de cette décision, la présomption d’urgence à la suspendre existant au profit de l’acquéreur évincé en matière de préemption immobilière a
été étendue à la préemption commerciale par l’arrêt précité du Conseil d’État du 21 mars 2008.
Toutefois, la Haute Juridiction, dans un arrêt du 27 avril
2011, Sarl LB prestations de services et SARL Flash
Back 23, estime que cette présomption ne joue pas dès
lors que l’acquéreur est entré en possession du bien :
dans cette affaire, une commune avait, dans le délai de
deux mois, notifié au cédant sa renonciation à préempter au titre d’une cession de droit au bail, le cédant avait
alors procédé à cette cession avant que la commune,
toujours dans le délai de deux mois, revienne sur sa
décision et décide finalement de préempter ; la cession
ayant eu lieu, la décision de préemption ne portait, en
elle-même, aucune atteinte immédiate au droit de jouissance du bail commercial et l’acquéreur ne saurait se
prévaloir d’une situation d’urgence liée à un prétendu
risque d’expulsion à tout moment des locaux. Ensuite, il
appartenait au juge judiciaire de se prononcer sur la nullité de l’acte de cession du droit au bail, d’où une nouvelle saisine du juge en perspective.
c) La fixation judiciaire du prix face à la réalité du
marché
Aux termes de l’article R. 214-6 du code de l’urbanisme, en cas de désaccord sur le prix ou les conditions
de vente, la commune, si elle souhaite acquérir, saisit,
toujours dans les deux mois suivant la réception de la
déclaration, le juge de l’expropriation. Cette prérogative
appartient, comme en droit commun, à la seule commune et nullement au cédant. Copie de la lettre de saisine et du mémoire est notifiée à ce dernier et, le cas
échéant, au bailleur. Décidément, selon le code, ce dernier ne fait que recevoir « copie », or, on insistera ici
encore sur le fait qu’en pratique, la collectivité doit le
considérer tout autrement.
23
Req. n° 342329 : AJDA 2011, p. 874 ; Constr.-Urb. 2011, n° 6,
comm. 85, L. Santoni ; BJDU 3/2011, p. 220, concl. C. Landais.
p. 343
CHRONIQUE
Toute référence expresse au prix du marché est
absente des textes ; ce qui pourrait faire craindre des
fixations de prix à la baisse, d’autant qu’il n’existe pas
de barèmes officiels pour les valeurs de fonds de commerce mais des méthodes d’évaluation empiriques, en
raison des fluctuations rapides de ce type de biens
mobiliers.
On rappellera qu’un fonds de commerce se compose :
– d’éléments corporels : mobilier nécessaire à l’activité
commerciale (mobilier de stockage, de présentation, de
vente…), matériel (bureau, éclairage, transport, chauffage, climatisation…), outillage, véhicules, aménagements et agencements, vitrines, rayonnages… ;
– d’éléments incorporels : droit au bail, clientèle et achalandage, nom commercial, enseigne, logo, brevets,
marques de fabrique, licences, dessins, modèles nécessaires à l’exploitation.
Les stocks de marchandises ne sont pas inclus et sont
évalués à part.
En l’absence « d’argus » des fonds, le prix est déterminé selon un faisceau de critères : notamment l’offre et
la demande dans le secteur, la tendance à la hausse ou
à la baisse de la clientèle, la qualité de l’emplacement, le
loyer du bail, l’état de la concurrence, l’âge du bénéficiaire et l’état du matériel.
À partir de là, plusieurs méthodes empiriques d’évaluation sont pratiquées :
– selon le chiffre d’affaires ;
– selon la rentabilité économique (évaluation du bénéfice
escompté ou méthode du « goodwill ») ;
– selon des barèmes ;
– par comparaison.
Compte tenu de cette complexité, le juge sera le plus
souvent appelé à solliciter des expertises, engendrant
de la part des parties des contre-expertises. Les délais
procéduraux risquent alors de s’allonger, ce qui n’est
pas vraiment compatible avec la vie des affaires.
Pour les terrains, l’évaluation est plus simple, elle se
réfère aux données immobilières classiques. Copie de
la déclaration préalable est d’ailleurs adressée, dès sa
réception, par le maire au directeur des services fiscaux (plus précisément France Domaines) en lui précisant si cette transmission vaut demande d’avis 24.
Quant à la date de référence, il est renvoyé au droit
commun de l’article L. 213-4 du code de l’urbanisme
qui vise la date de la dernière approbation, modification ou révision du document d’urbanisme applicable.
Il aurait été plus judicieux d’ajouter comme autre date
de référence, dès lors qu’elle est plus récente, la délibération du conseil municipal délimitant le périmètre
de sauvegarde.
24
Article R. 214-4-1 du code de l’urbanisme.
p. 344
Toujours par renvoi au droit commun, après décision
juridictionnelle définitive, les parties ont deux mois pour
accepter le prix judiciaire ou renoncer à la mutation ; le
silence valant acceptation du prix judiciaire et transfert de
propriété à la commune. En cas de renonciation par la
commune à la préemption après fixation judiciaire du
prix, le cédant retrouve la liberté d’aliénation mais au prix
judiciaire actualisé, ce qui ne lui sera pas toujours favorable, loin s’en faut.
d) La passation de l’acte de vente et le paiement
du prix
Les textes sur la préemption commerciale ont voulu ici
innover et à bon escient. Du reste, la proposition de loi du
sénateur Maurey, votée en première lecture par le Sénat
en 2011, tentait de transposer un dispositif analogue au
droit de préemption urbain.
L’article R. 214-9 du code de l’urbanisme prescrit un
délai de trois mois pour la passation de l’acte de cession,
à compter soit de la notification de l’accord sur le prix et
les conditions énoncées dans la déclaration, soit de la
décision judiciaire devenue définitive, soit de l’acte ou du
jugement d’adjudication.
Surtout, il précise expressément que « le prix est payé
au moment de l’établissement de l’acte constatant la cession » ; cela bien évidemment sous réserve de l’accomplissement des mesures de publicité prévues par les
articles L. 141-12 et suivants du code de commerce pour
les ventes de fonds de commerce (enregistrement de
l’acte, publication d’un extrait dans un journal d’annonces légales) et des formalités de séquestre au titre de
l’opposition des créanciers. Il faut ajouter à cela les délais
de mandatement de la comptabilité publique applicables
aux communes.
Cela étant, il n’est pas prévu de sanction en cas de
non-respect de ce délai de passation de l’acte et de paiement du prix. À l’instar du droit commun 25, aurait pu être
imposée à la commune, sur demande du cédant, une
rétrocession du bien ou du bail, le vendeur recouvrant
ensuite sa totale liberté d’aliénation. La proposition de loi
sur l’urbanisme commercial, précédemment évoquée et
non aboutie, envisageait d’apporter la modification correspondante.
25
Article L. 213-14 du code de l’urbanisme.
BULLETIN DE JURISPRUDENCE DE DROIT DE L’URBANISME
– 5/2012
CHRONIQUE
III. Une rétrocession certes facilitée
mais toujours à risque
1. Des avancées sécurisantes
a) Un délai plus réaliste
La loi de simplification du droit du 22 mars 2012 a porté
à deux ans (au lieu d’un an auparavant), à compter de la
prise d’effet de la vente opérée suite à la préemption, le
délai accordé à la commune pour rétrocéder le fonds artisanal, de commerce, le bail commercial ou le terrain à une
entreprise immatriculée au registre du commerce et des
sociétés ou au registre des métiers ou au titulaire d’un titre
équivalent dans un autre État de l’Union européenne.
Cet allongement de la période de rétrocession était
une demande forte des élus locaux car dans des secteurs, surtout certains commerces de bouche, il existe un
faible potentiel de repreneurs. Un délai d’un an était
impossible à tenir. Le réalisme a donc prévalu et la loi est
opportunément intervenue.
b) La continuité de l’exploitation et l’admission
de la location-gérance
Pour qu’un commerce conserve sa valeur et puisse
être rétrocédé dans de bonnes conditions sans perte
notable pour la commune ayant préempté, il doit continuer d’être exploité. Or, selon les textes, pendant le délai
de rétrocession, si d’autres conventions sont conclues,
elles ne peuvent être que précaires et ne sont pas alors
soumises au statut des baux commerciaux 26, lequel statut est suspendu pendant cette période. Le risque existe
donc de laisser le fonds sans activité, quitte à accroître la
difficulté de trouver un repreneur.
S’est donc posée la question du recours à la locationgérance par la commune et il a fallu une nouvelle intervention du législateur pour apaiser les divergences.
Certes, l’article L. 144-5 du code de commerce dispensait déjà les collectivités locales de l’obligation d’avoir
exercé pendant deux ans l’activité donnée en gérance
mais le ministère de l’Intérieur estimait que le principe de
la liberté du commerce s’opposait à l’exploitation par une
personne publique d’une activité commerciale sauf si, en
raison de circonstances particulières de temps et de lieu,
un intérêt local le justifiait ; la collectivité exerçait alors
une mission de service public industriel et commercial et
pouvait, par convention, en confier la gestion à une personne privée ; mais cette convention ne pouvait être qualifiée de location-gérance, il s’agissait d’un contrat public
26
Article L. 145-2 du code de commerce.
BULLETIN DE JURISPRUDENCE DE DROIT DE L’URBANISME
– 5/2012
de délégation de service public ou de marché public
selon le mode de rémunération du cocontractant 27.
S’agissant de la jurisprudence, la cour administrative
d’appel de Bordeaux, dans une affaire qui ne concernait
toutefois pas la préemption commerciale, avait admis
que la commune pouvait recourir à la location-gérance
tout en qualifiant le contrat d’administratif car comportant
des clauses exorbitantes de droit commun (droit d’entrée
dans le local du maire et obligations de pratiquer certains
prix), la collectivité avait même ici engagé sa responsabilité en écartant des candidats au motif qu’ils n’habitaient
pas dans la commune 28.
Dans un rapport d’information de mars 2011 29, le
député Fasquelle préconisait l’instauration expresse
dans l’article L. 214-2 du code de l’urbanisme de cette
possibilité de location-gérance pour la commune, ce
qu’entérine opportunément la loi de simplification du
droit du 22 mars 2012.
2. Des écueils persistants
a) La lourdeur de la procédure d’appel à candidatures pour un résultat incertain
Pour trouver un repreneur, la commune doit se plier à
une procédure drastique garante d’une mise en concurrence effective, sachant rappelons-le, qu’en pratique,
dans certains secteurs, les candidats peuvent se faire
rares.
L’appel à candidatures s’opère selon un cahier des
charges qui doit être approuvé par le conseil municipal 30.
Attention ici, même si rien n’est mentionné dans les
textes, l’examen du bail (« tous commerces » ou spécialisé) et du règlement de copropriété est préalablement
indispensable, pour éviter d’imposer au futur repreneur
des obligations inapplicables (par exemple, un tel règlement peut interdire dans l’immeuble certaines activités
commerciales, notamment alimentaires).
Ainsi, compte tenu des données économiques et juridiques entourant la rétrocession, malgré son prolongement à deux ans, la commune a un délai assez court
pour se mettre en quête d’un repreneur, commerçant ou
artisan. Dans le cas de terrains préemptés, il s’agira pour
elle de surcroît d’avoir en perspective d’un projet commercial alternatif.
Ensuite, le maire affiche en mairie 31, pendant quinze
jours, un avis de rétrocession. Cet avis comporte, outre
Rép. Min. Althapé, n° 18532, JO Sénat, 26 août 1999, p. 2849.
CAA Bordeaux 31 juillet 2003, M. Theil et M. Crampou : BJCL
1/2004, janvier 2004, p. 51, concl. Rey.
29 D. Fasquelle, Pour lutter contre la vacance des locaux commerciaux, rapport d’information n° 3192, mars 2011.
30 Article R. 214-11 du code de l’urbanisme.
31 Article R. 214-12 du code de l’urbanisme.
27
28
p. 345
CHRONIQUE
l’appel à candidatures, la description du fonds, du bail ou
du terrain, le prix proposé, le délai de dépôt des candidatures et mentionne que le cahier des charges est consultable en mairie. En cas de bail, il précise que la rétrocession est subordonnée à l’accord préalable du bailleur.
Mais plusieurs points ne sont toujours pas traités dans
les textes, d’où de nouveaux risques : ouverture d’un
recours aux candidats évincés, procédure en cas d’appel
infructueux… Les réponses viendront de la jurisprudence.
b) La « réserve des droits des tiers »
La commune préempte et rétrocède 32 au sein d’un
environnement compliqué où les jeux des acteurs sont
parfois difficiles à anticiper. On prendra deux exemples
de ces « tiers » en réalité fortement parties prenantes.
D’une part, le bailleur pourra réclamer à la commune
les sommes correspondant au préjudice causé par les
pertes de loyers pendant la période de rétrocession. Il est
donc essentiel qu’elle connaisse très précisément en
amont l’état du bail : est-ce une période de révision de
loyer, de renouvellement ? De plus, le défaut d’exploitation est une cause de résiliation de la part du bailleur. Or,
lorsqu’elle reçoit la déclaration, en amont de la procédure, le bail n’a pas obligatoirement à être joint. L’anticipation risque donc d’être tardive.
D’autre part, la commune devra satisfaire aux obligations à l’égard des salariés, conformément à l’article
L. 1224-1 du code du travail : continuation des contrats
en cours ou, le cas échéant, paiement des indemnités de
licenciement 33. Là encore, des questions fondamentales
surgissent : quel est le statut de ces salariés ? Leurs
contrats sont-ils à durée déterminée ou indéterminée ?
Existe-t-il des contentieux pendant devant les prud’hommes, des conflits sociaux ?
Il ne s’agit pas ici de « faire peur », mais d’attirer l’attention des communes sur des points qui doivent les inciter à se montrer très prudentes avant de s’engager dans
un processus de préemption.
c) L’acte de rétrocession et l’accord préalable du
bailleur
Si la commune triomphe de tous ces obstacles, elle
pourra soumettre l’acte de rétrocession à l’approbation
du conseil municipal, la délibération indiquant ses conditions et les raisons du choix du cessionnaire 34, éléments
importants en cas de contentieux.
32
Sur cette question délicate de la rétrocession, voir l’étude très
complète de R. N. Schütz, « Les suites de la préemption commerciale. Usage et revente du fonds ou du bail préempté », Defrénois
17/2009, art. n 39002.
33 Rép. min. Reynès, n° 20233, JO AN, 23 décembre 2008, p. 11122.
34 Article R. 214-14 du code de l’urbanisme.
p. 346
Mais avant, dernier obstacle à franchir et non des
moindres, l’accord préalable du bailleur. Imposé par les
textes 35 et devant figurer dans l’acte de rétrocession, cet
accord doit porter sur le projet d’acte accompagné du
cahier des charges, transmis par le maire.
En cas de volonté d’opposition, le bailleur saisit en référé
le président du Tribunal de grande instance du lieu de
situation, pour la faire valider judiciairement. La saisine
motivée doit néanmoins être notifiée à la commune par le
bailleur dans un délai de deux mois suivant la réception du
projet d’acte, à défaut, l’accord de ce dernier est réputé
donné tacitement.
Le bailleur peut ainsi faire valoir ses droits jusqu’au
terme de la procédure, d’où la nécessité d’établir le
contact le plus en amont possible.
Cela étant, le délai de rétrocession est suspendu entre
la notification du projet d’acte au bailleur jusqu’à l’obtention expresse ou tacite de son accord, ou pendant la
durée de la procédure en référé jusqu’à l’intervention de
la décision juridictionnelle définitive. Dans cette logique,
la rétrocession ne saurait intervenir avant le terme de
cette procédure, sauf accord exprès du bailleur.
d) L’hypothèse tant redoutée de l’absence de
repreneur
La loi n’organise pas l’hypothèse d’absence de repreneur
trouvé par la commune dans le délai légal de deux ans.
Le décret a tenté de pallier cette lacune : l’article
R. 214-16 du code de l’urbanisme fait alors bénéficier
l’acquéreur évincé, s’il est mentionné dans la déclaration
préalable, d’un droit de priorité d’acquisition (et nullement d’un droit de propriété, car initialement, il n’était titulaire que d’une promesse de vente sous condition suspensive d’absence de préemption par la commune 36).
Toutefois, en pratique, cela suppose que cet acquéreur
soit toujours intéressé et que le fonds n’ait pas perdu de
sa valeur en l’absence de continuité d’exploitation.
S’agissant du cas des terrains, la commune a tout intérêt à avoir pressenti un projet commercial alternatif avant
de décider de préempter, afin d’éviter in fine de se retrouver avec une friche.
Pour conclure, le droit de préemption commercial a
encore besoin de nombreuses améliorations législatives
ou réglementaires avant de devenir un outil opérationnel
sécurisé. Dominique MORENO
Docteur en droit
Chambre de commerce et d’industrie de Paris
35
36
Article R. 214-13 du code de l’urbanisme.
Rép. min. Domergue, n° 24592, JO AN, 27 janvier 2009, p. 772.
BULLETIN DE JURISPRUDENCE DE DROIT DE L’URBANISME
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