Les relations des parents avec les professionnels des Instituts

Transcription

Les relations des parents avec les professionnels des Instituts
Yann LOUËR
Diplôme Supérieur en Travail Social
Les relations des parents avec les professionnels
des Instituts Médico-Educatifs
(caractéristiques, et pistes d’analyse, des facteurs sociaux qui contribuent à la
structuration du mode de relation des parents, à l’égard des professionnels et de
l’établissement spécialisé)
Sous la direction de : M. Dominique BEYNIER
Université de Caen Basse Normandie
Novembre 2004
Remerciements
Je remercie tout particulièrement :
Monsieur Beynier pour m’avoir guidé et éclairé de ses précieux conseils.
Je remercie également :
L’ensemble des parents qui ont témoigné,
Les directeurs des Instituts Médico-Educatifs qui m’ont permis de rencontrer les familles,
Toutes les personnes qui de manière directe ou indirecte, par leur soutien ou leurs conseils
ont permis la réalisation de ce travail, et notamment Mr Daniel Gaudry, directeur de l’IME de Pont
l’Evêque.
SOMMAIRE
INTRODUCTION ___________________________________________________1
CHAPITRE 1 : LA PLACE DES PARENTS DANS LE CHAMP
DE L’EDUCATION SPECIALISEE ____________________________________4
Première partie : quelques repères législatifs et institutionnels
___4
A) Les institutions du secteur médico-social ___________________________________4
B) Quelques repères socio-historiques ______________________________________11
C) L’évolution des modèles d’interventions ___________________________________12
D) Le contexte socio-culturel ______________________________________________14
Deuxième partie : quelques observations, remarques préalables
relevées dans le cadre de la pré-enquête _______________________________15
A) Les familles qui se montrent « discrètes » _________________________________16
B) Les familles qui « s’impliquent » _________________________________________16
C) Les familles qui « revendiquent » ________________________________________17
D) Des attentes et des « sentiments » variés _________________________________17
CHAPITRE 2 : LE CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL 19
Première partie : les rôles et comportements sociaux des parents19
A) Les rôles sociaux dans le modèle de T. Parsons ____________________________21
B) Les « conflits de perspectives » professionnels, profanes selon E. Freidson ______22
C) Le modèle de l’ordre négocié selon A. Strauss _____________________________23
D) Le monde vécu selon A. Schütz _________________________________________26
E) L’interactionnisme symbolique __________________________________________28
Deuxième partie : le cadre conceptuel
_____________________________30
A) Le terme handicap ___________________________________________________31
B) La liberté de l’acteur et sa rationalité limitée________________________________34
C) Le concept de représentation sociale_____________________________________35
D) Le concept de trajectoire ______________________________________________36
E) Le concept de socialisation_____________________________________________36
CHAPITRE 3 : LE CORPS D’HYPOTHESES ET LA
METHODOLOGIE UTILISEE _________________________________________38
Première partie : le corps d’hypothèses
___________________________38
A) Le corps d’hypothèses ________________________________________________38
B) Présentation résumée des hypothèses____________________________________45
Deuxième partie : méthodologie de recueil de données ___________46
A) Le recueil de données par questionnaire __________________________________47
B) Les entretiens individuels qualitatifs ______________________________________57
CHAPITRE 4 : ANALYSE DES RESULTATS
_________________59
Première partie : l'annonce et la découverte du handicap _________59
A) Circonstances de la prise de conscience des difficultés_______________________60
B) Les relations des professionnels avec les parents ___________________________65
C) Le travail des professionnels vis à vis de l'enfant____________________________67
Deuxième partie : la trajectoire de vie de l'enfant __________________68
A) L’handicap de l’enfant_________________________________________________68
B) L’acquisition du stigmate par les parents __________________________________70
C) Le parcours institutionnel de l’enfant _____________________________________74
D) L’avenir de l’enfant ___________________________________________________77
Troisième partie : les conséquences sociales du handicap sur les
habitudes de vie _________________________________________________________78
A) L’activité professionnelle_______________________________________________79
B) Les loisirs et les activités extra-professionnelles ____________________________80
C) La vie de couple _____________________________________________________81
D) Les autres enfants de la famille _________________________________________82
E) Le logement ________________________________________________________83
F) La vie quotidienne ____________________________________________________83
G) Le réseau familial et amical ____________________________________________85
Quatrième partie : l’environnement administratif et social
________87
A) L’environnement administratif ___________________________________________87
B) L’environnement social ________________________________________________90
Cinquième partie : l’Institution Médico-Educative
_________________93
A) L’admission _________________________________________________________93
B) L’entrée de l’enfant dans l’institution______________________________________95
C) L’organisation de l’établissement ________________________________________98
Sixième partie : les modalités relationnelles avec les
professionnels __________________________________________________________103
A) Les relations parents-professionnels ____________________________________103
B) Les réunions et les rencontres _________________________________________115
C) La circulation de l’information __________________________________________125
D) Les actions auprès de l’enfant _________________________________________128
E) La participation à la vie de l’institution ___________________________________134
F) Les pistes d’amélioration suggérées par les familles ________________________138
CHAPITRE 5 : PERSPECTIVES PROFESSIONNELLES ___141
A) Développer une connaissance précise de la population accueillie______________141
B) Poser les principes méthodologiques de la collaboration_____________________142
C) Quelques pistes d’action concrètes _____________________________________144
CONCLUSION ____________________________________________________149
BIBLIOGRAPHIE
________________________________________________152
1. Questionnaire
2. Guide d’entretien qualitatif
3. Retranscription de l’entretien qualitatif n°1
4. Grille de découpage thématique des entretiens
5. Courriers adressés aux directeurs d’établissements
6. Courriers adressés aux familles
INTRODUCTION
J’ai débuté ce mémoire au cours de l’année universitaire 2000/2001. J’exerçais alors depuis
plusieurs années la profession d’assistant social au Centre d’Accueil Familial Spécialisé de l’I.M.E.
(Institut Médico-éducatif) de Pont L’Evêque. Cet établissement accueille des enfants et des
adolescents atteints d’une déficience intellectuelle moyenne ou plus importante (avec ou sans
trouble associé), afin de leur apporter une éducation spécialisée et des soins appropriés à leurs
difficultés.
L’I.M.E. de Pont l’Evêque relève de l’A.P.A.E.I. de la Côte Fleurie, association gérée par des
parents d’enfants, adolescents et adultes handicapés. Le projet pédagogique et thérapeutique de
cet établissement insiste plus particulièrement sur un des principaux aspects des nouvelles
annexes 24 (1), réaffirmé avec la loi du 2 janvier 2002 : la place centrale des usagers et de leurs
responsables ou représentants légaux (parents, conseil de famille, Aide Sociale à l’Enfance…)
dans les dispositifs. Si la collaboration parents-professionnels, est de façon générale souhaitée,
souvent effective et constructive, sur le terrain elle s’avère pourtant très fréquemment délicate
dans sa mise en œuvre. Les relations parents-professionnels sont au cœur d’enjeux, de stratégies
dont les multiples dimensions apparaissent complexes à analyser.
En tant qu’assistant social dans cet établissement, j’étais particulièrement sensible à la
place et aux rôles occupés par les familles dans les projets de soins et d’éducation spéciale de
leurs enfants, dans la vie institutionnelle, et de façon générale dans le champ sanitaire et médicosocial. Je participais avec intérêt aux projets mis en œuvre avec les familles des jeunes accueillis,
avec, toutefois, le sentiment de n’avoir qu’une observation et surtout qu’une compréhension très
partielle des processus réellement en jeu. J’avais alors comme objectif initial à travers la
réalisation de mon mémoire d’acquérir une meilleure connaissance des changements, stratégies,
enjeux, rapports de force constitutifs du champ sanitaire et du champ médico-social, en portant un
intérêt plus particulier à la place et au rôle des usagers de ces secteurs. En tant que professionnel
et citoyen, mieux comprendre l’évolution de ce secteur m’apparaissait un moyen de moins subir
1 décret n°89-798 du 27 octobre 1989 (notamment l’article 3), explicitée par la circulaire n° 89-17 du
30 octobre 1989 (essentiellement le chapitre 2).
1
les changements, pour éventuellement mieux les anticiper, ou au contraire, dans la mesure du
possible, d’y contribuer de façon plus efficiente.
Depuis juillet 2002, j’exerce la profession de chef de service éducatif à l’IME André
Bodereau de Fleury sur Orne. Comme à l’IME de Pont l’Evêque, j’observe à nouveau chez les
professionnels un questionnement très vif quant aux modalités de travail avec les familles. Les
débats ont été ravivés avec le vote de la loi du 2 janvier 2002 qui à nouveau réaffirme la place
centrale des usagers et de leurs responsables ou représentants légaux dans les dispositifs. Elle
insiste sur les droits fondamentaux des personnes, et rend obligatoire la mise en œuvre d’outils
pour garantir l’exercice effectif de ces droits.
Cette volonté du législateur interroge : pourquoi a-t-il voulu réaffirmer avec plus de vigueur
des principes déjà énoncés ? En effet, la loi n° 75-534 rappelait que les parents d’enfants
handicapés conservent le pouvoir de décision en matière de choix d’établissements (2), tandis que
la loi n° 75-535 renforçait l’association des familles à la conduite des institutions médico-sociales
par l’intermédiaire notamment de la création des conseils d’établissement (3). Avec les nouvelles
annexes 24, explicitées par les circulaires du 30 octobre 1989, le législateur (notamment sous la
pression exercée par de nombreuses associations) avait de nouveau réaffirmé que la famille avait
des droits (la famille doit être informée…, soutenue…, associée…).
Comment comprendre cette insistance ? Y aurait-il sur le terrain un décalage entre les
principes énoncés par la loi et leurs mises en œuvre qui entraînerait les autorités publiques à les
réaffirmer de nouveau. Si décalage il y a, quelle serait sa nature, son intensité, ses logiques ? Ce
décalage participerait-il à une dynamique où les acteurs cherchent à le réduire ou à l’inverse
serait-il tellement important qu’il entraînerait des freins, des résistances sur le terrain ?
En parallèle à cette évolution de la législation, les recherches sur le travail éducatif et
thérapeutique auprès d’enfants et adolescents porteurs d’un handicap évoluent. Bien que des
divergences persistent, ces recherches intègrent de plus en plus la nécessité d’une étroite
collaboration avec les parents (le concept d’ « alliance thérapeutique » avec la famille, qui s’est
récemment développé, illustre ce mouvement) (4).
En outre, les grandes associations de parents d’enfants handicapés revendiquent toujours
avec autant de force leurs rôles et places dans les dispositifs d’éducation spéciale et de soins.
Elles continuent à jouer un rôle très important dans l’évolution du secteur médico-social.
2 Article 6, de la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées n° 75-534 du 30 juin 1975.
3 Article 8 bis, de la loi relative aux institutions sociales et médico-sociales n° 75-535 du 30 juin 1975.
4 AUSLOOS (G.), La compétence des familles. Temps, chaos, processus, Erès, Ramonville
Saint-Agnes, 1995.
2
Une approche possible pour aborder la question très vaste des relations parentsprofessionnels est d’observer comment cela s’organise sur le terrain, en centrant cette recherche
sur les parents. Quelles sont les caractéristiques des relations des parents avec les
professionnels des établissements ? Où sont accueillis leurs enfants ? Comment ces parents
vivent actuellement ces relations ? Quelles sont leurs attentes ? Autant de questions qui peuvent
aider à éclairer une partie des enjeux actuels.
Dans le cadre de ce travail j’ai porté intérêt à des familles qui ont un enfant atteint d’une
déficience intellectuelle (avec ou sans trouble associé), et dont cet enfant, suite à une décision de
la Commission Départementale de l’Education Spéciale, a été orienté sur un établissement
spécialisé du Calvados, pour y bénéficier d’une éducation spécialisée, et de soins adaptés à ses
difficultés.
Notre question de départ a été : quels sont les facteurs et processus sociaux qui font
échos chez les parents, et contribuent à construire, structurer leur mode de relation, avec
les professionnels, et les établissements ?
L’analyse des comportements sociaux des parents peut s’effectuer selon des perspectives
théoriques et méthodologiques très différentes. Dans ce travail, j’analyserai quelques aspects,
dont j’émets l’hypothèse qu’ils infèrent sur la structuration de leur mode de relation avec les
professionnels et l’institution. Pour cela je porterai notamment intérêt au cadre de référence des
parents, (ce que Schütz (5) appelle le réservoir d’expériences disponibles), et aux échanges
(formels et informels) des parents avec l’établissement.
Une des limites de ce travail sera que cette approche n’est représentative que d’une
certaine réalité. En se focalisant sur les parents en tant qu’acteurs individuels, en s’intéressant à
leurs représentations, motivations, projets, et aux interactions avec les professionnels et
l’établissement, nous ne pourrons analyser qu’une des facettes de la réalité sociale. Nous
pensons toutefois que le choix de cette perspective peut aider à éclairer certains aspects, et peutêtre ainsi contribuer à optimiser des pratiques professionnelles sur le terrain.
5 SCHÜTZ (A.), Le chercheur et le quotidien. Phénoménologie des sciences sociales,
Méridiens-Klincksieck, Col. Sociétés, Paris, 1er éd. en 1931, 1987
3
CHAPITRE 1 : LA PLACE DES PARENTS DANS LE CHAMP
DE L’EDUCATION SPECIALISEE
Dans ce premier chapitre nous apporterons quelques repères pour préciser le cadre de cette
recherche, puis nous présenterons quelques observations préalables, issues pour l’essentiel de
notre expérience professionnelle, qui nous permettrons d’introduire les éléments théoriques et
conceptuels développés dans le chapitre suivant.
Première partie : quelques repères législatifs et institutionnels
A) Les institutions du secteur médico-social
Au 1er janvier 1996, 108 000 enfants et adolescents étaient accueillis dans des
établissements spécialisés (6). Plus des deux tiers (67,1% soit plus de 72 500 jeunes) l’étaient
dans des établissements pour déficients intellectuels. Cet effectif total de 108 000 jeunes ou
adolescents, même si il est important, doit lui même être relativisé : il représente beaucoup moins
de 1% des jeunes de cette tranche d’âge.
Parmi les jeunes accueillis dans les établissements spécialisés, 57,1% ont pour déficience
principale une déficience intellectuelle, et 5,3% un polyhandicap. L’ensemble des jeunes
handicapés est composé de plus de 6 garçons sur 10 (61,9%) et de moins de 4 filles sur 10
(38,1%). Cette sur-masculinité peut s’expliquer par un recours des familles aux institutions plus
volontiers pour les garçons que pour les filles, et peut être par une pathologie plus lourde des
garçons (7). Pour 100 jeunes placés en établissements pour déficients intellectuels, 41,4% ont
entre 11 et 15 ans.
Il existe dans le Calvados 16 établissements agréés au titre de l’annexe 24 - Enfants
présentant une déficience intellectuelle - aux caractéristiques différentes (tailles, secteurs
géographiques…), pour 986 places dont 173 places SESSAD (en 2003).
6 Les pourcentages de ces deux paragraphes ont comme source le S.E.S.I. (1997), citée par
l’Observatoire de l’Enfance en France (sous la dir. scientifique de LANGOUET G.), L’enfance handicapée,
l’état de l’enfance en France, Hachette, Paris, 1999, p. 104-107.
7 TURPIN (P.), Problèmes politiques et sociaux : l’intégration des personnes handicapées, n°
677 du 3 avril 1992, La documentation française, Paris, p.14.
4
Le rôle de la Commission Départementale de l’Education Spéciale (C.D.E.S.) et la
place des familles
Créée par la loi d’orientation n° 75-534 du 30 juin 1975 en faveur des personnes
handicapées, la Commission Départementale d’Education Spéciale (CDES) est l’instance
compétente au sein du département pour examiner la situation des enfants et adolescents atteints
d’un handicap mental, sensoriel, ou moteur, de la naissance à l’âge de vingt ans. Les C.D.E.S. ont
le pouvoir de déterminer la gravité du handicap présenté, à l’aide d’évaluations et de référentiels.
Elles prennent des décisions concernant l’attribution d’aides spécifiques aux familles (notamment
l’allocation d’éducation spéciale et la carte d’invalidité), et proposent des orientations en fonction
des besoins et capacités de ces enfants et adolescents. Ces commissions doivent
réglementairement (8), proposer par ordre de priorité :
•
l’intégration en milieu scolaire ordinaire (en proposant au besoin des mesures de
soutien) ;
•
l’orientation vers des sections d’adaptation ou vers des classes d’éducation
spéciale ;
•
le placement dans un établissement ou service spécialisé.
Si la décision d’orientation prise par la C.D.E.S. peut s’imposer aux établissements, la
commission doit permettre aux familles d’exercer leur choix entre plusieurs établissements (9).
Lorsque la CDES examine les dossiers, la loi prévoit que les parents soient invités à être
entendus. Ceux-ci peuvent se faire représenter ou assister par toutes personnes de leur choix.
De plus, les décisions de la C.D.E.S. peuvent être contestées par les parents sous la forme d’un
recours gracieux.
La notification C.D.E.S. est le document administratif qui précise et permet l’orientation de
l’enfant. Ce document ouvre droit à la prise en charge financière des soins et de l’éducation
spéciale par la sécurité sociale (droit ouvert par l’intermédiaire du numéro de sécurité sociale d’un
des parents).
Pour de nombreuses familles le passage par la C.D.E.S. constitue une étape importante
dans leur parcours de parents. L’ouverture de droits, la décision d’orientation concrétise l’entrée
de leur enfant dans « le monde du handicap ».
« Nous découvrons un monde qui nous était étranger et qui ne nous concernait pas (cela
n’arrive qu’aux autres…) : le monde du handicap, de l’inadaptation, de l’éducation spécialisée,
de la psychiatrie, et l’énigme de ses sigles : CDES, DDASS, CAMSP, CMPP, etc. » (10)
8 circulaire du 22 avril 1976.
9 article 6.1 de la loi 75-534.
5
Nous avons le sentiment que la façon dont les parents ont participé aux décisions de la
CDES, leur niveau d’information, ainsi que le vécu de ces moments, inféreront en partie sur les
relations ultérieures avec l’établissement spécialisé (nous y reviendrons plus longuement lors de
la construction de nos hypothèses). L’extrait du témoignage suivant nous permet déjà de mesurer
quelques facettes de ce processus :
« Les relations avec l’équipe sont d’emblée rendues difficiles parce que, en règle générale, la
famille ne choisit pas la structure dans laquelle son enfant sera accueilli. C’est une « décision »
de la CDES…
La famille accepte provisoirement, avec réserve, et la confiance donnée à l’institution est
d’autant plus facilement ébranlée que ce choix aura été mal accepté au départ, ou que
l’orientation aura été mal préparée…
Les parents ont souvent conscience que l’institution qui leur est proposée n’est pas forcément
en adéquation avec les besoins de leur enfant, ou de l’idée qu’ils se font de ses besoins. » (11)
La mission des instituts médico-éducatifs et la collaboration avec les familles.
98% des enfants confiés aux institutions par les CDES, le sont dans des établissements
d’éducation spéciale, où ils reçoivent des soins et une éducation spécialisée. Les établissements
sont agréés en fonction du type de handicap. Les 1329 établissements pour déficients mentaux
(recensés en France au 1er janvier 1996) : instituts médico-éducatifs (IME) et instituts médicopédagogiques (IMP), sont les structures les plus fréquentes, et représentent 71% de l’accueil en
éducation spécialisée. La moitié des jeunes accueillis en établissements d’éducation spéciale le
sont en internat (soit en hébergement complet, soit en internat de semaine) (12).
En principe, l’âge limite d’accueil est de 20 ans dans les établissements pour enfants
handicapés. Jusqu’à la fin de 1988, un jeune adulte pouvait y être maintenu par dérogation
individuelle au delà de 20 ans. L’article 22 de la loi n°89-18 du 13 janvier 1989, portant sur
diverses mesures d’ordre social, appelé communément « Amendement Creton » a légalisé cette
pratique ancienne de dérogation d’âge dans ces établissements (historiquement, cette loi
s’appliquait surtout pour les jeunes adultes « polyhandicapés »).
C’est surtout à partir de mars 1956, avec la promulgation des premières annexes 24, que se
sont développés les instituts médico-éducatifs. Les institutions sociales et médico-sociales ont par
la suite été définies par la loi n° 75-535, adoptée le même jour (le 30 juin 1975) que la loi
10 FRANC (B.), maman d’un enfant handicapé, présidente de SESAME Autisme, Lyon, Et si nous
parlions de « collaboration » plutôt que de travail avec les familles ?, in Parents et professionnels 2.
Associer les parents à l’action des professionnels, Mediasocial, CREAI Rhône-Alpes, 1995, p. 7.
11 Ibid. p. 8.
12 TURPIN (P.), Ibid., p.13.
6
d’orientation n° 75-534 en faveur des personnes handicapées. L’article 1er de la loi 75-535 relative
aux institutions sociales et médico-sociales stipulait que :
« Sont des institutions sociales et médico-sociales au sens de la présente loi, tous les
organismes publics ou privés qui, à titre principal et d’une manière permanente :
1. Mènent avec le concours de travailleurs sociaux, d’équipes pluridisciplinaires, des actions à
caractère social ou médico-social, notamment des actions d’information, de soutien (loi n°
78-11 du 4 janvier 1978), de « maintien à domicile » ;
[…]
5. Assurent, en internat, en externat, dans leur cadre ordinaire de vie, l’éducation spéciale,
l’adaptation ou la réadaptation professionnelle ou l’aide par le travail aux personnes mineures ou
adultes, handicapées ou inadaptées ».
La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002, (remplaçant la loi n° 75-535), liste les établissements et
services contribuant à la mise en œuvre de l’action sociale et médico-sociale (article 15), dont les
instituts médico-éducatifs, et précise les modalités générales de fonctionnement de ces
établissements :
« …sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux….
« 2O Les établissements ou services d’enseignement et d’éducation spéciale qui assurent, à
titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico social aux
mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d’adaptation …
Les établissements et services sociaux et médicaux sociaux délivrent des prestations à
domicile, en milieu de vie ordinaire, en accueil familial ou dans une structure de prise en
charge. Ils assurent l’accueil à titre permanent, temporaire, ou selon un mode séquentiel, à
temps complet ou partiel, avec ou sans hébergement, en internat, semi-internat ou externat …
Les prestations délivrées par les établissements et services mentionnés aux 1o à 12o du I sont
réalisées par des équipes pluridisciplinaires qualifiées… »
De façon plus globale, cette loi du 2 janvier 2002 affirme la volonté du législateur de
transformer le champ de l’action sociale et médico-sociale. Trois principes de fond guident cette
loi : la garantie des droits des usagers, la notion de service rendu, la promotion de l’innovation
sociale et médico-sociale, et cela autour de sept axes prioritaires :
•
la promotion et le renforcement des droits des usagers ;
•
l’élargissement des missions de l’action sociale et médico-sociale ;
•
la rénovation de la planification ;
•
la rénovation des régimes des autorisations ;
•
le renforcement des partenariats ;
•
la promotion des pratiques évaluatives ;
•
la consolidation des procédures de contrôle.
7
La mission principale des instituts médico-éducatifs est de répondre à des besoins médicosocio-éducatifs d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes déficients intellectuels. Cette mission
avait été précisée avec les nouvelles annexes XXIV (décret n° 89-798 du 27 octobre 1989) et les
circulaires ministérielles n° 89-17, 89-18 et 89-19 du 30 octobre 1989 (Ces textes complétaient
alors les dispositions déjà prises dans les lois 75-734 et 75-735, et apportaient notamment des
précisions sur la place et le rôle des parents d’enfant atteint d’un handicap.)
L’objectif des établissements spécialisés auprès de ces jeunes est de :
« favoriser l’épanouissement, la réalisation de toutes les potentialités intellectuelles affectives
et corporelles, l'autonomie maximale quotidienne sociale et professionnelle (…), l’intégration
dans les différents domaines de la vie, la formation générale et professionnelle. » (13)
Cette prise en charge du jeune est globale, doit être cohérente et comporte :
«- l’accompagnement de la famille et de l’entourage habituel de l’enfant ou de l’adolescent ;
-
les soins et les rééducations ;
-
la surveillance médicale régulière, générale ainsi que de la déficience et des situations de
handicap ;
-
l’enseignement et le soutien pour l’acquisition des connaissances et l’accès à un niveau
culturel optimum ;
-
des actions tendant à développer la personnalité, la communication et la socialisation. »
(14)
Comme nous l’avons déjà évoqué, les textes législatifs insistent sur l’importance du
concours de la famille aux projets de soins et d’éducation spéciale ; aussi nous proposons
maintenant d’examiner plus précisément leurs contenus au regard de cette thématique.
Le rôle et la place des familles selon la législation
En 1989, le législateur (notamment sous la pression exercée par de nombreuses
associations) (15), a ressenti la nécessité de réaffirmer que la famille avait des droits et que la
prise en charge des enfants porteurs d’un handicap ne devait pas exclure leur famille.
“la prise en charge …comporte l’accompagnement de la famille et de l’entourage habituel de
l’enfant ou adolescent” (article 2 annexes XXIV).
13 article 2 du décret n°89-798 du 27 octobre 1989.
14 article 2 du décret n°89-798 du 27 octobre 1989.
15 Selon B. WAHL, présidente de l’UNAPEI, la manifestation des Tuileries du 5 octobre 1988, a incité
le gouvernement à s’engager dans la prise en compte de « l’évolution des mentalités, et à restaurer la
famille dans son rôle d’éducatrice de leurs enfants handicapés ». Cette manifestation avait, d’après les
organisateurs, rassemblé 20 000 personnes, 300 parlementaires, 8 ministres et a permis l’avènement des
annexes 24 (WAHL (B.), Vivre ensemble c’est pas débile, in L’école des parents, n°2, 1995).
8
“la famille doit être associée autant que possible à l’élaboration du projet individuel
pédagogique, éducatif et thérapeutique, à sa mise en œuvre, à son suivi régulier et à son
évaluation” (article 3 des annexes XXIV).
La circulaire du 30 octobre 89 résume bien l’esprit du législateur par la phrase suivante :
“il importe aujourd’hui de rappeler que le rôle de la famille ne se borne pas à manifester le
choix (de l’établissement) mais s’exerce dans le cadre de la prise en charge”.
Ces textes réactivaient fortement le rôle de la famille comme porteur du projet de vie de
l’enfant, et partenaire incontournable et privilégié du projet éducatif et pédagogique.
Ces mêmes textes développent également les obligations des professionnels à l’égard des
parents :
- “la famille doit être informée …”, notamment du règlement de fonctionnement de
l’établissement, de l’évolution de l’enfant par l’envoi régulier d’informations détaillées
(tous les 6 mois), et d’un bilan pluridisciplinaire complet (au moins une fois par an) ;
-
“la famille doit être soutenue…”, l’accompagnement de la famille et de l’entourage
habituel de l’enfant doit faire partie des missions de l’établissement ;
-
“la famille doit être associée…”, aux différentes phases du projet individuel de prise en
charge (à son élaboration, à sa mise en œuvre, à son suivi régulier, à son évaluation) ;
-
la famille doit être reconnue dans ses droits : les contacts avec la famille doivent
être maintenus et favorisés. L’hébergement de l’enfant dans sa famille doit être
privilégié. Si l’enfant est placé en famille d’accueil, l’établissement doit tenir compte des
opinions et convictions du milieu familial. Les parents doivent nécessairement donner
leur accord pour le placement de l’enfant dans une famille d’accueil et pour toute
nouvelle orientation. Ils sont saisis de tout fait ou décision relevant de l’autorité
parentale. La famille doit pouvoir avoir accès au dossier de l’enfant (16).
En décembre 1995, L’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales), présente un rapport
concernant les effets de la loi 75-535, et indique notamment : « les associations, les gestionnaires et
directeurs d’établissements ont toujours été impliqués, quel que soit le domaine exploré. Par contre, les
usagers et associations familiales n’ont pas été toujours suffisamment sollicités » (17).
Ce rapport présente donc un décalage entre les principes énoncés par la législation et leurs
mises en œuvre. Il a, à notre avis, contribué à ce que les autorités publiques réaffirment avec
encore plus de vigueur, dans la loi du 2 janvier 2002, des principes dont les bases étaient déjà en
grande partie posées.
16 Cette dernière disposition s’appuie notamment sur la loi du 17 juillet 1978 qui organise le droit
d’accès aux documents administratifs.
17 Rapport n° 95-155, IGAS, rapporteurs Guérin, Join-Lambert, Morla et Villain, p. 64
9
La loi n°2002-2 du 2 janvier 2002, de façon générale transforme les règles d’organisation et
de fonctionnement des établissements et services sociaux et médico-sociaux, et insiste
notamment sur la garantie des droits des usagers qui devient un des axes prioritaires. L’usager (et
son représentant), quels que soient son âge et son état, doit être placé au centre du dispositif
social et médico-social qui a été créé pour la satisfaction de ses besoins. Les droits fondamentaux
des usagers sont listés à l’article 7 et concernent :
•
le respect de la dignité, de l’intégrité de la vie privé, de l’intimité et de la sécurité ;
•
le libre choix entre les prestations qui sont offertes, soit à domicile, soit en
établissement ;
•
une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité, respectant un
consentement éclairé ;
•
la confidentialité des données concernant l’usager ;
•
l’accès à l’information relative à la prise en charge ;
•
l’information sur les droits fondamentaux de l’usager et les voies de recours ;
•
la participation directe au projet d’accueil et d’accompagnement.
Parmi ces droits, celui de l’information et celui du choix supposent que les personnes
demandeuses soient réellement associées à toutes les décisions qui les concernent. Il s’agit d’un
modèle que l’on peut décrire comme participatif (dans le sens où par exemple il prévoit
l’association étroite des parents qui le souhaitent).
Afin de garantir l’exercice effectif de ces droits, la loi rend obligatoire sept outils. Leur nonmise en œuvre constitue désormais une infraction. Ces sept outils sont :
•
la charte des droits et libertés de la personne accueillie,
•
le livret d’accueil,
•
le règlement intérieur qui doit être joint au livret d’accueil,
•
le contrat de séjour ou le document individuel de prise en charge garantissant
l’adaptation de celle-ci,
•
le recours possible à un conciliateur en cas de conflit avec l’établissement,
•
le projet d’établissement ou de service,
•
le conseil de la vie sociale afin de rendre plus opérante la participation des usagers
à la vie de l’institution.
Le respect des droits des usagers est réaffirmé, précisé, et prend ainsi une place
essentielle. Les modalités de mise en œuvre de ces droits sont actuellement au cœur des
nouvelles démarches d’évaluation de la qualité des établissements et services que cette loi
instaure.
Après ces éléments législatifs, nous proposons de présenter quelques repères sociohistoriques relatifs à la définition du secteur médico-social.
10
B) Quelques repères socio-historiques
Le plus souvent les sociétés ont tenté de résoudre la question de l’enfance handicapée,
abandonnée, délinquante ou confrontée aux défaillances de la famille. On peut dire que la
définition progressive d’un secteur médico-social s’est constituée en écho à une succession de
réponses données à propos de la place à attribuer à certains concitoyens.
Les réponses apportées par la société furent diverses. Les historiens retrouvent des traces
de prise en charge de ces enfants en collectivité dès le Vème siècle, dans les hôpitaux, hospices
avec les adultes (18).
L’enseignement laïc, gratuit et obligatoire proposé par Jules Ferry et adopté en 1880, va
faire prendre conscience des difficultés d’apprentissage de certains enfants. En 1909, une loi
relative à l’ouverture de classes de perfectionnement, base de l’enseignement spécialisé est
votée.
La victoire de 1918 conduira l’Etat à examiner la situation des invalides de guerre. Les
victimes civiles bénéficieront d’une rééducation professionnelle prise en charge en 1919, et les
mutilés du travail en 1930.
Le champ de l’éducation spéciale tel que nous le connaissons aujourd’hui s’est
essentiellement structuré au cours de la deuxième moitié du XXème siècle.
Selon Jacqueline Gateaux-Mennecier, (19) les institutions spécialisées se sont construites à
l’interface des institutions médicales, judiciaires et législatives. Elle les qualifie d’institutions de
gestion de l’écart à la norme et distingue trois étapes importantes au cours de ce XXème siècle :
•
la loi du 15 avril 1909 qui crée le réseau d’enseignement spécial et amorce la
constitution du champ de l’enfance inadaptée (cette loi ne concerne que les enfants
susceptibles d’être maintenus dans un milieu scolaire),
•
le développement d’institutions judiciaires et médico-pédagogiques au cours des
années 40-50-60,
•
la loi de 75 qui cimente une « mosaïque institutionnelle ».
18 On pourra se référer, pour de plus amples détails, par exemple, aux ouvrages suivants :
-
CHAPIREAU F., Le handicap mental chez l’enfant, Coll. « La vie de l’enfant », éd. ESF, Paris, 1997
-
FOUCAULT M., L’histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Plon, 1961
-
CAPUL M., Internat et internement sous l’ancien régime, 4 tomes, C.T.E.R.H.I., Paris, PUF, 1993/94
-
CHAUVIERE M., Enfance inadaptée : l’héritage de Vichy, les Editions Ouvrières, 1980.
19 GATEAUX-MENNECIER (J.), Le handicap : l’ordre des choses, in L’état de l’enfance
handicapée en France, L’Observatoire de l’Enfance en France (sous la dir. scientifique de LANGOUET G.),
Hachette, Paris, 1999, p. 157.
11
Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, quelques médecins et notables seront à
l’initiative de la création d’associations de parents en France. Le docteur Kohler, spécialiste de
neuropsychiatrie infantile à Lyon crée la première association de parents en 1948 et Maître Perret
Gayet devient président de l’ALAPEI (Association Lyonnaise des Parents et des Amis d’Enfants
Inadaptés) (20).
Parallèlement, un autre réseau, à l’initiative d’un magistrat parisien, L. Malécot, se
développe en 1949 sous l’appellation des Papillons Blancs. Par la suite, cette association se
développe aussi en province et devient nationale en 1958. Le regroupement des deux
associations s’opère en 1960 : l’ALAPEI et les Papillons Blancs deviennent alors l’UNAPEI.
En 1962, le SNI (Syndicat National des Instituteurs) et une enseignante spécialisée créent
l’APAJH (Association pour le placement et l’aide aux jeunes Handicapés). Avec notamment l’APF
(Association des Paralysés de France, créée en 1933), ils contribueront fortement à l’élaboration
des deux lois du 30 Juin 1975.
C’est surtout à partir de mars 1956, avec la promulgation des premières annexes 24, que
vont se développer les instituts médico-éducatifs. Les dispositions des annexes 24 favorisent les
initiatives privées, et sur cette base législative, le champ associatif s’est construit, et a développé
des modes de prise en charge des personnes handicapées (21). Ce secteur associatif a joué un
rôle prépondérant, en ouvrant de nombreux établissements, et en instaurant une réflexion avec
des experts d’horizons divers. L’intervention de l’Etat se limitait alors essentiellement à un contrôle
financier.
La date charnière pour le développement des institutions spécialisées fut sans doute le vote
des lois 75-534 et 75-535. La première est dite d’orientation en faveur des personnes
handicapées. La seconde relative aux institutions sociales et médico-sociales, complète la
première.
C) L’évolution des modèles d’interventions
Les modèles d’interventions des professionnels auprès des parents d’enfants handicapés
ont fortement varié depuis la deuxième guerre mondiale. Isabelle Montulet (22), à travers une
approche historique nous explique que les relations des professionnels et des parents se sont
notamment modifiées en fonction des référentiels éthiques, théoriques, et méthodologiques
dominants (d’inspiration béhavioriste, psychanalytique ou rogérienne par exemple).
20 ZAFIROPOULOS (M.), Les Arriérés : de l’asile… à l’usine., Payot, Coll. Médecine et société,
Paris, 1981, p. 59 à 70
21 ZAFIROPOULOS (M.), Ibid., p. 59 à 70.
22 MONTULET (I.), Les modèles d’intervention des professionnels auprès des parents
d’enfants handicapés, intervention lors du VIII colloque de l’Association Information Recherche (A.I.R.)
« La famille et le handicap sévère, quelle relation d’aide ? », du 3 au 5 décembre 1992, Besançon, pp. 7-17.
12
I. Montulet distingue plusieurs modèles :
les programmes dont les parents sont exclus.
C’est un modèle que Paul Durning (23) qualifie de « taylorien » qui fût surtout en vigueur en
France de la deuxième guerre mondiale aux années 70. L’enfant handicapé est confié à une
institution spécialisée, qui, par l’intermédiaire d’un plateau technique développé tente de remédier
au maximum de ses incapacités. L’éducation spéciale est centrée sur l’enfant, fait abstraction de
la famille. Les intervenants s’efforcent de développer les capacités de l’enfant (langage, motricité,
socialisation, cognition…), afin de pouvoir le réinsérer dans un deuxième temps. Les parents sont
encouragés à se détacher de l’enfant, à ne pas établir de lien avec lui, à se créer d’autres intérêts.
Les professionnels considèrent que l’aide apportée à l’enfant doit suffire à aider les parents.
Les programmes qui considèrent les parents d’enfants handicapés comme personnes
« dysfonctionnantes ».
Dans ce modèle il est considéré que les difficultés de l’enfant génère une souffrance
parentale, nécessaire à traiter. Une fois que les parents seront mieux équilibrés, ils seront plus
libres, plus sereins face au quotidien, et donc plus disponibles pour l’éducation de leur enfant. Ce
modèle est étroitement lié au succès de la psychanalyse auprès de certains professionnels (plus
ou moins bien comprise et intégrée dans les pratiques), mais aussi auprès d’une partie du grand
public pendant les années 60-70. Certains intervenants firent porter « des soupçons » sur la
famille, sur les méfaits de la structure familiale sur le développement de l’enfant… Certaines
interventions avaient alors pour but de modifier le « dysfonctionnement » des parents dans l’intérêt
des enfants.
Les programmes qui envisagent les parents dans leurs fonctions d’éducateur de
l’enfant.
I. Montulet distingue trois approches différentes, celles où :
Les parents doivent être informés. Ensuite, selon leurs capacités, les parents
intègrent ou pas cette information dans leurs attitudes et leurs actions. Les professionnels
ne se préoccupent pas nécessairement de la bonne réception du message.
Les parents sont formés. (ce modèle est basé sur les théories comportementales et
cognitives). Les professionnels s’efforcent de développer les compétences éducatives des
parents ainsi que leur sentiment de confiance en leurs capacités. Les intervenants cherchent
à améliorer la qualité et la quantité des interactions parents-enfants.
23 BOUTIN (G.) et DURNING (P.), Les interventions auprès des parents, Privat, Coll. Formation
travail social, Toulouse, 1994.
13
Les parents sont des partenaires. Dans ce modèle : « On parle d’une gestion
partagée du pouvoir entre le professionnel et le parent où chacun est apprenant de l’autre »
(24).
Les programmes d’obédience systémique, éco-systémique, ou référés aux théories
éco-culturelles.
Ces programmes considèrent les parents en tant que membres d’une famille, elle-même
considérée comme faisant partie d’un système plus large. On passe de la prise en charge d’un
membre de la famille à la reconnaissance de la présence et des besoins de tous les membres de
la famille.
Sur le terrain professionnel nous observons qu’il n’y a pas un modèle d’intervention
dominant, mais l’utilisations variée de toutes ces formes de travail, en fonction des établissements,
des équipes, des professionnels, des parents. Parfois il y a absence ou superposition,
chevauchement entre plusieurs méthodes de travail.
Par ailleurs, on peut se demander si parfois, la multiplicité ou l’absence d’un référentiel
théorique énoncé, intégré et communiqué « aux tiers », ne contient pas à l’origine un risque
d’inorganisation d’une pensée fédératrice des actions à mener. Ce processus peut placer le
professionnel chargé de conduire ces actions à un flou, voire une incapacité de relier ces actes à
un corpus, et ainsi offrir un « no man’s land » propice aux représentations les plus variées par
rapport aux parents les plus curieux de connaître les fondements de la pédagogie développée.
D) Le contexte socio-culturel
De très nombreux facteurs socioculturels infèrent à notre avis sur la place et le rôle des
familles dans leurs collaborations avec les professionnels.
Nous ne les développerons pas dans ce travail, mais nous avons conscience que l’évolution
des mœurs et des mentalités, la montée du consumérisme, l’influence de la culture anglosaxonne, la réflexion et les critiques des professionnels de terrain, les apports des différentes
sciences, les mouvements associatifs, les rapports de force (mais aussi les négociations) entre les
différents acteurs du champs médico-social, l’évolution de la structure familiale et la place des
familles dans la société (la famille est plus que jamais considérée comme valeur refuge)…,
contribuent à l’évolution des pratiques quotidiennes.
24 BOUCHARD (J.M.), Intervention professionnelle et modèles éducatifs des parents,
conférence présentée au Forum d’éducation familiale, Mons, 1986.
14
Jean René Loubat, psychosociologue résume une partie de ces éléments en considérant
que plusieurs logiques se dégagent du secteur médico-social et imposent aux professionnels une
évolution dans le contrat de partenariat avec les familles :
« Le besoin de partenariat se fait sentir à trois niveaux. Le niveau éthique correspond à
l’émergence des droits des consommateurs et des bénéficiaires, le niveau technique à la prise
de conscience de l’impossibilité d’agir efficacement auprès de l’enfant sans le concours de la
famille, le niveau sociopolitique à une évolution des dispositifs en place dans notre secteur.
Nous sommes donc entrés dans un processus global de rationalisation du secteur sanitaire et
social qui exige de la lisibilité dans nos engagements et nos propositions. » (25)
Après ces quelques repères généraux (institutionnels, législatifs, historiques, sociaux,
professionnels…) qui précisent le cadre de cette recherche, nous proposons maintenant quelques
observations préalables, issues pour l’essentiel de notre expérience professionnelle, qui nous
permettrons d’introduire les éléments théoriques et conceptuels développés dans le chapitre
suivant.
Deuxième partie : quelques observations, remarques préalables
relevées dans le cadre de la pré-enquête
Sur le terrain professionnel nous observons une grande diversité dans les comportements
des familles à l'égard des professionnels et de l’institution.
Nous avons le sentiment que si quelques familles cherchent à nouer des relations avec les
professionnels et l’institution, la grande majorité se montre plutôt discrète et semblent « déléguer »
aux professionnels la prise en charge de l’enfant. Quelques parents adoptent une position
25 LOUBAT (R.), Elaborer un contrat de partenariat avec la famille, Communication aux journées
d’étude de l’A.P.F. : « La personne handicapée, sa famille, les professionnels, quel partenariat ? », APF
Formation, Paris, janvier 1999, p. 91.
15
revendicative qui peut, cela est arrivé, aller jusqu'à intenter un procès contre des professionnels
ou l'institution (c'est par exemple le cas d'une famille du secteur professionnel où nous exercions
auparavant). Quelques unes s’impliquent vivement dans la prise en charge de l’enfant au sein de
l’établissement, s’informent, conseillent, négocient, parfois prennent des responsabilités dans les
associations gestionnaires ou dans la vie de l’établissement.
Au cours du travail préparatoire de cette recherche, nous avons relevé un certain nombre de
réflexions, hypothèses d’explications, exprimées par les professionnels du terrain et les familles.
Nous les avons regroupées autour de quatre thèmes. Les trois premiers développent les trois
modalités relationnelles repérées lors de cette phase de recherche, le quatrième concerne le
thème « des attentes parentales » à l’égard des professionnels et de l’établissement.
A) Les familles qui se montrent « discrètes »
En ce qui concerne les familles qui font preuve d’une grande « discrétion » à l’égard des
professionnels et de l’établissement, nous avons observé plusieurs comportements. Certaines
familles semblent avoir peur du pouvoir (qu’elles accordent ?) des professionnels, de leurs
réactions, des risques d’exclusion (imaginaires ou réels) de leur enfant, d’un désintérêt à son
égard, ou même d’une réduction des informations qui pourraient résulter d’un désaccord. Pour
d’autres parents, le fait d’avoir obtenu une place en établissement, après souvent beaucoup de
difficultés, (il y a notamment des besoins non couverts pour trois types de pathologie : les troubles
du comportement, les psychoses déficitaires, le polyhandicap) constitue déjà un grand
soulagement. Ils souhaitent alors souffler, se ressourcer, retravailler..., et n’éprouvent pas le
besoin de collaborer étroitement avec l’institution. Certains craignent d’être jugés dans leurs
attitudes éducatives, d’être dévalorisés et par conséquent préfèrent éviter les contacts avec
l’établissement. Parfois l’éloignement géographique est un facteur qui freine les échanges entre
les parents et les professionnels. D’autres pensent que les professionnels « savent » et que eux,
les parents, ne savent pas, n’ont pas de compétence, ou de matière à échanger. Du fait de ce
sentiment « d’infériorité », ils maintiennent alors une certaine distance avec les professionnels.
Enfin des familles semblent tout simplement n’avoir pas envie de rencontrer l’établissement.
B) Les familles qui « s’impliquent »
A l’inverse, certaines familles s’impliquent de façon très active, dans l’association
gestionnaire de l’établissement, ou dans la vie de l’établissement par exemple. L’établissement
devient alors un peu le leur. Cet investissement est parfois décrit comme une stratégie pour
obtenir des informations ou des actions en faveur de leur enfant : (en participant aux commissions
d’orientation, à la mise en œuvre de projets généraux dont leur enfant tirera profit…). Les actions
entreprises peuvent également favoriser la revalorisation d’une identité fragilisée par les difficultés
16
de leur enfant. Une autre motivation (qui semble fréquente) est de vouloir, à travers leurs actions,
faire bénéficier d’autres enfants et familles, des démarches effectuées et de l’expérience acquise.
C) Les familles qui « revendiquent »
Quelques familles se montrent très revendicatives et interpellent, (parfois vivement), les
professionnels. L’issue de ces échanges est variable. Si en général le dialogue permet de faire
tomber certaines incompréhensions, favorise la mise en œuvre de compromis, de processus de
clarification ou de négociation, il arrive que parfois ces revendications sont la source de
désaccords persistants dont la conséquence peut être une distanciation de la famille (qui peut
alors prendre des formes différentes).
Bien que les méthodologies et les attitudes semblent évoluer chez les professionnels,
parfois certains acceptent encore difficilement d’être interpellés, car considèrent alors être remis
en cause dans leur compétence.
D) Des attentes et des « sentiments » variés
Certains parents attendent de l’établissement une éducation spéciale et des soins
« efficaces », qui permettent le plus rapidement possible que leur enfant réintègre les circuits de
scolarisation de l’éducation nationale. Ces familles insistent parfois auprès des établissements et
des professionnels pour que soient mises en place des pédagogies spécifiques, demandent
quelquefois à être associées à la conduite d’actions… Ce qui apparaît alors important pour ces
familles c’est la normalisation de leur enfant, et sa réintégration dès que possible dans les circuits
sociaux traditionnels.
D’autres parents, parce qu’ils ont fait le deuil de la normalisation de leur enfant (ou pour
d’autres raisons), ne semblent pas attendre des équipes la mise en œuvre de programmes, de
pédagogies élaborées, mais insistent plutôt sur le bien être de leur enfant et demandent des
activités qui favorisent essentiellement l’épanouissement de l’enfant.
Nous pensons qu’en fonction d’attentes différentes les parents peuvent mettre en œuvre des
stratégies différentes…, adaptées aux fins visées.
Nous observons aussi que les sentiments des parents à l’égard des professionnels oscillent
entre une empathie très grande à l’égard de ceux qui s’occupent de leurs enfants, et une
agressivité qui peut surgir dès la moindre difficulté.
Concernant le sentiment d’empathie : les enfants accueillis dans les établissements
spécialisés présentent des troubles parfois très lourds qui peuvent mettre en difficulté leur famille.
Aussi certains parents, sans oublier le caractère professionnel du travail des intervenants,
expriment facilement, montrent leur reconnaissance à l’égard des professionnels, qui sont, dans
17
une certaine mesure confrontés aux mêmes difficultés qu’eux. Cette reconnaissance est souvent
teintée d’empathie au sens rogérien du terme (c’est à dire se mettre à la place).
Pour ce qui concerne l’expression de mouvements agressifs, nous entendons fréquemment
des professionnels considérer que cette agressivité est une réaction à la souffrance psychologique
que constitue le handicap de l’enfant. Ils précisent alors que la souffrance psychologique résulte
du traumatisme du handicap, mais aussi du processus de stigmatisation que confère l’identité de
parents d’enfant handicapé, (du refus de cette identité). Un autre argument avancé est que la
souffrance psychologique est aussi une réaction à « la valeur traumatisante que peut prendre
l’interrogation sur le sens humain à donner au handicap » (26).
Un
autre
raisonnement
entendu
chez
les
professionnels
consiste
à
considérer
qu’implicitement, le placement en établissement spécialisé génère une mise en concurrence de
l’action d’éduquer entre parents naturels, et professionnels de l’éducation, rivalité dans laquelle
s’enracineraient de nombreux désaccords.
Nous observons également que parfois certains mouvements d’humeur s’enracinent dans
des maladresses professionnelles.
Ces premiers éléments montrent qu’il n’existe pas un modèle de relations, mais un
ensemble complexe de situations et de comportements, qui s’organise selon des configurations
très différentes. Ces quelques observations, remarques témoignent de la complexité à rendre
compte (quantitativement et qualitativement) des modalités relationnelles entre les parents et les
professionnels, des facteurs et processus sociaux en jeux, et démontrent, la nécessité d’introduire
des éléments théoriques et conceptuels.
26 PERROTIN (C.) (directrice du centre de bioéthique de Paris), Ethique et handicap, in La famille
et le handicap sévère, quelle relation d’aide ?, Actes du VIII Colloque A.I.R. (Association Information
Recherche), du 3 au 5 décembre 1992, Besançon, p. 34-38.
18
CHAPITRE 2 : LE CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL
Afin de parvenir à une compréhension plus fine des comportements sociaux des parents,
des processus en jeu dans l’élaboration du mode de relation entre les parents et les
professionnels, la problématique que nous proposons
prend en compte un double
questionnement sociologique. Le premier s’appuie sur des notions abordées en sociologie sur le
thème de l’acteur social, le second se réfère à la tradition de l’interactionnisme symbolique. Pour
articuler
ces
deux
problématiques
sociologiques,
faire
le
lien
entre
deux
types de
questionnements, nous raisonnerons autour de l’idée que le rôle occupé par les parents résulte
notamment d’une conduite raisonnée autour des interactions, (c’est à dire de la gestion d’un
rôle social, constitutif d’un projet pour leur enfant, et eux-mêmes, mais aussi de la gestion des
échanges interpersonnels avec les professionnels, notamment au regard de leur identité de
parents marquée, spoliée par le handicap de leur enfant).
Pour cela nous proposons de nous appuyer dans cette recherche notamment sur les notions
de réserve de connaissances disponibles, de représentations sociales, d’interactions, de liberté de
l’acteur, de trajectoire, telles que travaillées par différents sociologues (Goffman, Strauss,
Schütz…), ainsi que sur des travaux d’auteurs ayant travaillé dans le champ de la sociologie de la
santé.
Première partie : les rôles et comportements sociaux des parents
Tout d’abord il nous apparaît nécessaire de commencer à préciser quelque peu ce système
relationnel constitué des acteurs (les parents, les professionnels), et des échanges entre ces
acteurs.
Il est possible de rattacher de nombreux termes connexes à celui de relation : partenariat,
collaboration, coopération, coordination, concertation, communication, relations, interactions… Le
dénominateur commun de ces termes semble être la notion d’un travail, d’un processus, d’une
démarche en commun. Qu’en est-il alors de ce travail (en) commun dans les établissements ?
Lorsqu’un enfant ou adolescent est accueilli dans un institut médico-éducatif, cette situation
de fait est encadrée par la législation. Elle réunit différents acteurs, et génère des actions, dont la
finalité commune est l’aide à l’enfant. Dans ce dispositif de soins et d’éducation spéciale, les
différents acteurs entretiennent des relations qui peuvent, comme nous l’avons vu, se structurer
selon des modalités très différentes. Pour ce qui concerne les relations entre les parents et les
professionnels, il peut y avoir consensus ou non sur la conduite des projets, concertation ou non
dans les actions et les prises de décisions, partage ou non des savoirs et du savoir faire, rapport
égalitaire ou pas.
19
Comme nous l’avons précédemment développé, la législation incite à ce que les relations
parents professionnels soient de type partenarial, que les actions des professionnels soient
centrées sur l’aide à l’enfant ou le soutien à la famille. Les intervenants n’ont pas à agir une
situation d’assistance complète à l’égard des parents. Même si la famille est fragilisée par la
situation qu’elle vit, elle ne peut légalement être écartée, ou être « objet » des actions menées.
Elle doit être considérée comme partenaire. Cette notion de relation de type partenarial implique
une démarche contractuelle, concrétisée notamment par le projet individuel de l’enfant (mais suffitil de déclarer le partenariat pour qu’il se retrouve, de facto, sur le terrain ?).
A partir de ces quelques remarques, on peut se demander quelles sont les caractéristiques
des rôles sociaux des parents, de leurs échanges, comportements sociaux avec les
professionnels et les établissements. S. Tomkiewicz nous apporte quelques pistes de réflexions :
« Dans les relations entre parents et professionnels, on peut se demander, de façon un peu
provocante, si les parents sont collaborateurs, adversaires ou patients. Je dirais qu’ils sont tout
cela en même temps, quelques parents sont plutôt l’un ou l’autre, et que finalement l’ensemble
des parents n’est ni collaborateur, ni adversaire, ni patient. » (27)
Les propos de S. Tomkiewicz nous incitent à regarder trois perspectives sociologiques
différentes : le terme de patient nous évoque une relation asymétrique, mais complémentaire,
avec un ensemble de contraintes normatives consécutives des rôles respectifs. Les
professionnels sont des experts, les parents « des apprenants ».
(nous pensons alors
immédiatement à l’approche de T. Parsons).
Celui d’adversaire une relation où les professionnels et les parents développent des conflits
de perspectives : au discours savant des professionnels se heurtent la vision et les attentes
profanes des familles (ces éléments évoquent l’approche de Freidson).
Le terme de collaborateur ouvre le champ à un angle d’analyse, où sont privilégiés les
processus de négociation, la démarche contractuelle (perspectives de A. Strauss).
Ces trois auteurs ont notamment travaillé dans le champ de la sociologie de la santé. Nous
avons fait le choix d’investiguer ce champ car les enfants concernés par notre interrogation sont
atteints d’un handicap, et cet handicap est souvent très médicalisé, porteur de soins. Les
difficultés de ces enfants génèrent une situation de handicap avec une prise en charge médicale.
Toute une dimension de notre questionnement peut donc être relié à la santé et à la sociologie de
la santé.
Que nous apprend la sociologie de la santé ?
27 TOMKIEWICZ S., Nature et enjeux des relations parents professionnels, in Parents et
professionnels 2. Associer les parents à l’action des professionnels, Mediasocial, CREAI Rhône-Alpes,
1995., p. 19.
20
Parmi les différentes thématiques qu’elle a abordées, la sociologie de la santé s’est
intéressée à la dimension relationnelle de la maladie, c’est à dire à l’ensemble des comportements
sociaux des malades, et de leur entourage, notamment à partir du concept de rôle social.
A) Les rôles sociaux dans le modèle de T. Parsons
Le terme de patient se réfère au schéma médical traditionnel « médecin patient ». Si on
transfère ce modèle à notre recherche, à la lumière de certaines formes d’intervention on pourrait
considérer que la relation parent-professionnel est asymétrique et complémentaire. Les
professionnels sont des experts qui détiennent le savoir, prennent les décisions, travaillent avec
ou sans les familles selon leurs modèles d’interventions ; le rôle des parents est alors de s’en tenir
aux recommandations. Dans ce modèle théorique consensuel les parents reconnaissent les
compétences des professionnels ; la bonne observance des recommandations participe aux
processus éducatifs et thérapeutiques. Nous sommes dans le cadre d’un couple de rôles attendus
et complémentaires dont la finalité est d’optimiser les gains, les bénéfices en terme de soins.
Ces éléments nous évoquent l’approche de T. Parsons. Ce sociologue a été l’un des
premiers à proposer une analyse de la place de la maladie et de la médecine dans la société
globale. Il a ensuite développé un modèle visant à appréhender la relation médecin malade en
s’appuyant notamment sur les notions de système d’action et de rôle. Nous ne développerons pas
ici une synthèse de la pensée de T. Parsons, mais de façon très succincte quelques idées.
Pour cet auteur, la personnalité d’un acteur peut s’appréhender, (pour le sociologue), à
travers la notion de rôle. T. Parsons définit le rôle social comme un système d’attentes et
d’anticipations réciproques, qui fixe plus ou moins rigoureusement les critères de conduite et
d’évaluation qui régentent les interactions dans un contexte donné (28).
Dans un système d’action chaque acteur met en place des actions motivées, (l’acteur
poursuit un but), en vue d’obtenir le maximum de satisfaction compte-tenu des valeurs véhiculées
par la société. Pour cela il met en place des comportements qui prennent en compte, anticipent
les rôles attendus des autres acteurs. Les comportements des acteurs sont adaptés à la situation,
et visent à obtenir le maximum de bénéfices, de la manière la plus efficace possible en fonction de
la situation (29).
Dans l’article « une collaboration scientifique : l’intérêt bien compris des chercheurs
médecins et sociologues » D. Beynier explicite la pensée de T. Parsons de la façon suivante :
28
LALLEMENT (M.), Histoire des idées sociologiques, Tome 2, Nathan, Paris, 1993 p.
91.
29 PARSONS (T.), Illness and the role of the physician : a sociological perspective, in the Americain
Journal of Orthopsychiatry, New york, Ed. Edmund Gordon. Traduction D. Beynier et D. Legall. Publié in
Le médical et la santé, Numéro spécial des Cahiers de la Recherche sur le travail social. C.R.T.S. 1er sem.
1984, pp. 29-44.
21
« …, il nous explique d’une part, comment la relation au médecin détermine l’activité du malade
tout au long de sa maladie et, d’autre part, comment ces relations avec les médecins sont
régies par des règles strictes. C’est l’observation stricte des rôles socialement attribués au
malade qui lui permettent de cheminer sur la voie de la guérison. Par cette interprétation
Parsons rompt résolument avec la médecine des médecins et de l’efficacité des traitements en
faisant de la stricte application des rôles sociaux dévolus au malade le moteur essentiel de la
guérison. » (30)
I. Baszanger, (sociologue) précise :
« …chacun sait plus ou moins à quoi s’attendre socialement lorsque survient une maladie et
comment régler sa conduite. C’est en ce sens qu’on peut dire que le rôle du malade, celui du
médecin, et le paradigme thérapeutique ainsi défini par Parsons, constituent un ensemble
d’attentes normatives explicites. » (31)
L’approche de Parsons apparaît pertinente pour rendre compte et analyser les relations
parents-professionnels à partir des systèmes de contraintes normatives que confèrent les rôles
attribués aux parents, et ceux rattachés au statut professionnel des salariés. Sur le terrain, ce
modèle semble, a priori, assez bien fonctionner pour les situations les plus courantes, celles où
les familles, d’un certain point de vue, se « soumettent » aux directives et au fonctionnement
institutionnel (avec par exemple la bonne observance par les familles des recommandations des
professionnels, la régularité de la présence de l’enfant dans l’institution, le respect des règles
explicites et implicites…), et où les rapports ne sont pas entachés de conflits.
L’une des critiques adressées à ce modèle est qu’il rendrait insuffisamment compte des
variations de comportement des acteurs au sein du système d’action, et surestimerait le caractère
contraignant des rôles sociaux.
B) Les « conflits de perspectives » professionnels, profanes selon E. Freidson
Le terme d’adversaire utilisé par S. Tomkiewicz nous renvoie à des situations de désaccord
ou d’incompréhension que nous avons eu maintes fois l’occasion de rencontrer sur le terrain
professionnel.
Freidson (32) a particulièrement étudié la profession médicale et notamment la relation
médecin-patient dont certains aspects nous aident à éclairer notre propos. Freidson constate que
l’intérêt des professionnels peut s’opposer à celui des malades. La rencontre entre le médecin et
le malade se caractérise notamment par des divergences de perspectives et d’intérêts.
30 BEYNIER (D.), Une collaboration scientifique : L’intérêt bien compris des chercheurs
médecins et sociologues, in Mana n°6, Premier semestre 1999, p. 205.
31 BASZANGER (I.), Les maladies chroniques et leur ordre négocié, in Revue Française de
sociologie XXVII , janvier-mars 1986, p. 7.
32 FREIDSON (E.), La profession médicale, Payot, 1984
22
Si on déplace cette perspective sur le terrain de notre recherche, l’intérêt du ou des
professionnels peut s’opposer à celui des parents. Ainsi les professionnels perçoivent l’enfant, ses
besoins selon les « catégories de leurs savoirs spécialisés ». En revanche, les parents perçoivent
les difficultés de leur enfant en fonction des exigences de la vie quotidienne et de leur contexte
culturel. Les priorités peuvent ne pas être les mêmes. Ainsi dans la relation parent-professionnel,
un conflit de perspectives est latent et présent à des degrés divers. Les mots et les regards sur le
handicap et le monde sont différents. Il en résulte que les rapports peuvent être entachés
d’incompréhension et donc parfois conflictuels du fait de cette incompréhension.
L’approche de Freidson nous apparaît particulièrement pertinente pour analyser les
situations de désaccord. Nous avons en mémoire de nombreuses situations de cette nature : des
incompréhensions résultant d’une perception différente des difficultés de l’enfant, de ses besoins
(par exemple une maman d’un enfant trisomique de 8 ans insistait pour qu’il apprenne à lire et
écrire, alors que les professionnels totalement en désaccord avec ces objectifs souhaitaient
favoriser l’autonomie vestimentaire, qu’il sache s’habiller seul, et qu’il prenne plaisir à manipuler
divers matériaux), un conflit portant sur la mauvaise compréhension d’un terme employé dans un
bilan d’évolution de l’enfant, un autre portant sur des points de vue différents concernant une
opération médicale visant à réduire la visibilité du handicap d’un enfant…
Freidson considère que ces rapports varieront en fonction du contexte organisationnel dans
lequel se déroule l’interaction, et du niveau culturel des patients (si le niveau culturel du patient est
bas, les patients auront une plus grande propension à se soumettre aux recommandations de
« l’homme de l’art »). Cette dernière remarque nous apparaît tout à fait transposable aux
institutions concernées par notre recherche.
Depuis quelques années, de nouveaux paradigmes se sont développés dans le champ de la
sociologie de la santé. Ils visent moins à trancher l’opposition entre consensus et conflit qu’à
mettre en évidence une pluralité de modalités d’interactions, de modèles de références et de
ressources accessibles aux différents protagonistes.
Ces nouveaux paradigmes mettent en évidence l’importance de la négociation ainsi que la
pluralité des modes de relations malades médecins. Nous sommes alors dans une autre logique
de questionnement de la réalité sociale : celle de l’ordre négocié (33).
C) Le modèle de l’ordre négocié selon A. Strauss
33 STRAUSS (A.) (et al.), La trame de la négociation : Sociologie qualitative et interactionnisme,
textes réunis par I. Baszanger, L’Harmattan, Coll. Logiques sociales, Paris, 1994
23
Le modèle de « l’ordre négocié », élaboré par A. Strauss et ses associés paraît pertinent
pour analyser les relations de type partenarial. Ce modèle permet notamment de rendre compte
de l’importance dans la réalisation des accords, des processus de marchandage. Dans ce modèle,
aucun des partenaires n’a, a priori, une suprématie définitive (34).
L’intérêt de la notion de négociation est d’envisager la rencontre comme « ouverte ».
Chaque partenaire peut influencer son déroulement et ses résultats.
« la négociation, considérée comme mode de régulation des relations sociales, possède
deux autres caractéristiques : d’abord, l’objectif à atteindre n’est pas prédéterminé mais se
constitue dans la négociation elle-même. Ensuite l’accord obtenu et l’ordre qui se met en place sur
cette base ne sont jamais définitifs ; ils peuvent toujours être remis en question ultérieurement et
redéfinis. » (35)
Sur le terrain professionnel, cette approche apparaît intéressante pour analyser toutes les
situations de collaboration « ouvertes » et « franches », où parents et professionnels s’efforcent de
construire ensemble la prise en charge la plus adaptée aux difficultés de l’enfant.
Dans le cadre de notre recherche, cette perspective présente l’intérêt, tout en ne
déniant
pas l’important poids des professionnels dans l’élaboration et la conduite des actions, de rendre
compte des processus de négociation, des stratégies que les parents peuvent mettre en œuvre,
quand leur position est forte et qu’ils disposent également d’un certain nombre d’atouts pour
intervenir.
Si l’on reprend l’interrogation du professeur S. Tomkiewicz : les parents sont-ils des patients,
des adversaires, ou des collaborateurs ?, la réponse qu’il propose nous apparaît intéressante : ils
sont tout cela en même temps, certains sont plutôt ceci ou cela, et finalement l’ensemble des
parents n’est ni patient, ni adversaire, ni collaborateur.
Nous considérons au regard de nos observations et de nos réflexions, qu’il n’y a pas de
modèle relationnel dominant, de rôle type de parent d’enfant handicapé, mais un ensemble varié
de positionnements, de rôles, de comportements, de stratégies…
C’est la raison pour laquelle, à la question posée par S. Tomkiewicz :
Les parents sont-ils des patients, des adversaires, ou des collaborateurs ?
nous avons initialement préféré l’interrogation suivante :
Quels sont les facteurs et processus sociaux qui font échos chez les parents, et
contribuent à construire, structurer leur mode de relation, avec les professionnels, et les
établissements ?
34 ADAM (Ph.), HERZLICH (C.), Sociologie de la maladie et de la médecine, Nathan, Coll. « 128 »,
Paris, 1994, p. 89.
35 ADAM (Ph.), HERZLICH (C.), Ibid., p. 89.
24
Au regard de ce raisonnement et tout en conservant notre projet de centrer notre recherche
auprès des parents, nous aurions pu décomposer cette interrogation, qui fut le départ de notre
travail, de la façon suivante :
•
Quels sont les modes relationnels en jeu ?
•
Qu’est-ce qui structure ces relations en enjeux ?
En posant le problème en ces termes, nous renforçons l’idée de centrer notre recherche sur
l’observation et l’analyse des réalités du terrain et d’essayer de mieux comprendre certains
mécanismes, processus en œuvre.
Un certain nombre de pistes de réponse peuvent très rapidement être dégagées. Nous
pouvons, par exemple, considérer que les facteurs psychologiques individuels (intra-psychiques,
transférentiels) sont des éléments structurant les relations. Une autre analyse possible est de
s’attacher à la façon dont les professionnels catégorisent les familles (cette catégorisation
structure par la suite les relations). Une autre possibilité est de s’intéresser aux aspects culturels,
à l’évolution des mentalités en les liant à des facteurs politiques, économiques etc… On peut
encore considérer que la culture de l’établissement, son histoire va inférer sur des pratiques…
Pour ce travail nous choisissons de nous intéresser aux parents, à leurs points de vue,
projets, stratégies, ainsi qu’aux processus relationnels en œuvre, et donc nous faisons le choix,
comme nous l’avons énoncé au début de ce chapitre, de partir d’une perspective sociologique
référée à la fois au thème de l’acteur social, et aux théories relevant de la tradition de
l’interactionnisme symbolique.
Nous raisonnerons à partir de l’hypothèse que le mode de relation, qui peut être de type
patient,
collaborateur,
adversaire
ou
autre
chose
encore,
avec
toutes
les
nuances,
chevauchements possibles, s’est construit à travers l’histoire de ces parents (par exemple dans
les relations antérieures avec les professionnels), à partir de leurs représentations du monde, du
handicap, de leur place de parents… et qu’il est constamment en mouvance, notamment à partir
des interactions, échanges, négociations quotidiennes ou occasionnelles avec l’établissement.
Nous développerons donc dans ce travail deux axes de réflexion :
- le premier concernera les objets de pensée en tant qu’éléments structurant en partie les
actions des acteurs ;
-
le second s’intéressera aux interactions qui se construisent à partir notamment des
objets de pensée, et qui en retour peuvent moduler ces objets de pensées.
Ces deux axes structureront les hypothèses suivantes :
Les comportements sociaux des parents à l’égard des professionnels et de
l’établissement continuent à faire écho à la fois :
-
aux représentations qu'ils ont de l'handicap de leurs enfants, et d’eux mêmes (de
25
leur place et rôle de parents…),
-
aux représentations qu’ils ont des professionnels intervenant auprès de leurs
enfants, et du monde institutionnel,
-
aux
échanges
interpersonnels
que
les
parents
entretiennent
avec
les
professionnels et avec leur entourage.
Pour développer notre compréhension des liens qui existent entre la construction des objets
de pensée et les actions des individus, nous nous appuierons dans un premier temps sur les
travaux de Schütz qui a écrit un ouvrage sur la phénoménologie du monde social.
D) Le monde vécu selon A. Schütz
Schütz a eu le projet d’étudier les procédures d’interprétation que mettent en œuvre les
individus dans leur vie quotidienne pour donner un sens à leurs actions et à celles des autres. Il
s’appuie sur l’idée que le monde que vise la connaissance quotidienne est un monde intersubjectif
et culturel, (36) « il est intersubjectif parce que nous y vivons comme hommes parmi d’autres
hommes, subissant les mêmes influences… », ainsi que sur deux notions importantes dans son
œuvre : la notion de typicalité qui est :
« … un ensemble de schèmes interprétatifs qui caractérise notre connaissance familière et
commune des choses perçues par le biais d’intérêts et de sens communs. » (37)
« Lorsque je glisse une lettre dans la boite, je m’attends à ce que des gens inconnus, appelés
employés postaux, agissent de manière typique, qui m’échappe d’ailleurs en partie, obtenant
comme résultat que ma lettre va atteindre le destinataire dans un temps typique raisonnable. »
(38)
et la notion de réserve de connaissances disponibles, qui est le stock des diverses
expériences de la vie en société, et à travers lesquelles les gens interprètent les situations
courantes et inédites qui se présentent à eux :
« L’homme dans son quotidien, …, dispose à tout moment d’une réserve de connaissances
qu’il utilise comme schème d’interprétation de ses expériences passées et présentes et qui
détermine aussi ses anticipations sur les choses à venir. Cette réserve de connaissance à sa
propre histoire. Elle a été constituée par des activités de notre conscience déjà expérimentées
dont nous bénéficions maintenant. » (39)
36 SCHUTZ (A.), Le chercheur et le quotidien. Phénoménologie des sciences sociales,
Méridiens-Klincksieck, coll. Sociétés, Paris, 1er éd. en 1931, 1987, p. 15.
37 LALLEMENT, histoire des idées sociologiques, Nathan, Paris, 1993, p. 228.
38 SCHUTZ (A.), Le chercheur et le quotidien. Phénoménologie des sciences sociales,
Méridiens-Klincksieck, col. « sociétés », (1er éd. en 1931), Paris, 1987,p. 24.
39 SCHUTZ (A.), Ibid., p. 203.
26
« Toute interprétation de ce monde est basée sur une réserve d’expériences préalables, les
nôtres propres ou celles que nous ont transmises nos parents ou nos professeurs ; ces
expériences, sous forme de « connaissances disponibles », fonctionnent comme schèmes de
« références ». » (40)
Cette connaissance se manifeste par « sa typicalité ».
« ce qui est expérimenté dans la perception actuelle d’un objet est transféré (…) sur tout autre
objet similaire, perçu seulement quant à son type. » (41)
Les acteurs se livrent donc, notamment à travers le langage qu’ils ont hérité des générations
antérieures, à une activité de typification du monde social.
Schütz nous explique comment cela fonctionne de la façon suivante :
« L’expérience, dans son émergence, peut, par exemple, être envisagée comme du déjà vécu,
« le même qui revient», ou comme « la même expérience mais légèrement différente » ou
encore une expérience d’un type similaire à du déjà vécu, et ainsi de suite. Ou alors
l’expérience, au moment où elle a lieu, est considérée comme « étrange » si elle ne peut
trouver de référence, du moins quant à son type, avec des expériences déjà vécues. Dans les
deux cas, c’est la réserve de connaissance à disposition qui sert de schème d’interprétation
pour l’expérience au moment de son émergence. Cette référence à des actes déjà
expérimentés présuppose une mémoire et toutes ses fonctions comme la rétention, le souvenir
et la reconnaissance. » (42)
Pour comprendre le monde social, il faut donc resituer l’action sociale, dans le cadre de
référence de son auteur (cadre de référence constitué de la réserve de connaissances disponibles
de l’individu), et dans le contexte de la vie quotidienne de cet individu.
La tentation est grande de considérer que les notions suivantes : « cadre de référence »,
« réserve
de
connaissances
disponibles,
plus
stock
d’expériences »,
et
« monde
de
représentations de l’individu » recouvrent une réalité identique.
Schütz développe l’idée suivante qui nous apparaît particulièrement importante :
« Le stock de connaissances disponibles n’est pas le même pour chaque acteur : il y a
« distribution sociale de la connaissance » liée à la situation biographiquement déterminée de
chacun. » (43)
Si nous nous référons à l’équivalence précédemment réalisée, il nous est alors possible de
« filer » l’idée de Schütz de la façon suivante :
40 SCHUTZ (A.), Ibid., p. 12.
41 SCHUTZ (A.), Ibid., p. 13.
42 SCHUTZ (A.), Ibid., p. 205.
43 SCHUTZ (A.), Ibid., p.14-15.
27
Le cadre de référence est déterminé principalement par l’origine sociale, l’âge, la formation,
l’éducation, les échanges avec l’entourage familial, le voisinage… Il comprend une dimension
affective et une dimension cognitive. L’expérience de la vie sociale et l’ensemble des
connaissances accumulées à travers cette expérience fournissent les éléments nécessaires pour
interpréter le message : c’est la dimension cognitive. En outre, l’état psychologique lui même
déterminé par l’hérédité sociale, la formation, l’éducation mais aussi l’humeur du moment, sont
autant de facteurs structurels et conjoncturels qui favorisent une interprétation du message. C’est
la dimension affective. Dès lors la réserve de connaissances ne cesse de se modifier et de
s’enrichir à la faveur de l’accumulation de la vie (44).
Une autre idée importante de cet auteur est celle de la notion d’action. La notion centrale
d’action est prise par Schütz, « au sens de la conduite humaine, en tant que prévue à l’avance
par son acteur, c’est à dire la conduite basée sur un projet pré-conçu » (45).
A la notion de projet orienté vers le futur (prévu à l’avance) sont associées, rattachées celles
de conscience et de motif.
L’une des limites de cette approche est le risque de se focaliser trop sur l’acteur individuel,
sa conscience et ses projets dans l’interprétation du monde social.
A partir de l’approche de Schütz nous proposons de reformuler notre premier axe de
réflexion de la façon suivante :
« Le handicap de l’enfant contribue à structurer chez ses parents, une trajectoire de
vie, un rôle social, des représentations qui constitueront un réservoir d’expériences et de
connaissances disponibles pouvant inférer sur la construction du mode de relation avec
les professionnels et l’établissement. »
La seconde perspective sociologique sur laquelle nous proposons de nous appuyer est
référée aux théories relevant de la tradition de l’interactionnisme symbolique.
E) L’interactionnisme symbolique
L’approche des sociologues tenant de cette tradition de pensée nous apparaît intéressante
pour notre recherche car elle s'attache à étudier les relations sociales, en tant que processus
sociaux qui se réalisent à travers les interactions des acteurs, dans un contexte donné.
44 DE COSTER (M.), Introduction à la sociologie, De Boeck-Wesmael, Coll. Ouvertures
Sociologiques, Bruxelles, 3eme édition, 1994
45 SCHUTZ (A.), Ibid., p. 26-29.
28
« L’originalité de l’interactionnisme symbolique est de considérer l’action réciproque des êtres
humains et les signes qui la rendent visible comme le phénomène social majeur. » ( 46)
Les sociologues interactionnistes considèrent les sujets comme des acteurs susceptibles
de choix, d'initiatives, de stratégies. Cette approche souligne la liberté des acteurs. Le paradigme
interactionniste considère que la société n'est pas toute donnée mais qu'elle se construit sans
cesse à travers la dynamique des actes sociaux ou échanges entre les personnes.
« … Garfinkel prétend que le social est un processus, il est le fruit de l’activité permanente des
membres de la société. » (47)
Les interactionnistes utilisent le concept d'interaction pour désigner l'unité minimale des
échanges sociaux (chacun agit et se comporte en fonction de l'autre ).
" Une des facettes de l'interactionnisme est de définir un processus interprétatif (de soi-même,
de l'autre influencé par soi même, de soi-même influençant l'autre et influencé par l'autre...),
mais toujours enraciné dans le flot de l'interaction et de la vérification des anticipations." (48)
L’analyse des processus de « définition de la relation », d’influence sur les identités
respectives lors des échanges interpersonnels parents-professionnels, apparaît nécessaire pour
notre travail et nous pensons trouver des concepts opérationnels dans le champ de l’analyse
interactionniste.
Les interactionnistes privilégient le rôle des représentations et des connaissances des
acteurs. En effet celles-ci participent à tout moment aux actions et les expliquent en partie, mais
elles ne peuvent être dissociées des processus en œuvre dans les échanges interpersonnels où
"ces représentations y jouent toutes les fonctions motrices, ou obstacles, selon le déroulement
des interdépendances." (49).
Ainsi, analyser une interaction revient à se référer à chaque fois aux conditions
particulières dans lesquelles s'effectue l'interaction, en s'intéressant aux acteurs (aux raisons de
leurs choix, à leurs représentations, à leurs croyances...), aux processus (chacun agit et se
comporte en fonction de l'autre, selon des mécanismes d'adaptation, d'anticipation, d'ajustement),
et au contexte social.
C'est ainsi qu'analysant l'œuvre de Strauss, I. Baszanger articule les trois dimensions
46 Dictionnaire de Sociologie, Paris, Larousse, Sciences de l’Homme, p. 126.
47 LALLEMANT (M.), Histoire des idées sociologiques, Paris, Nathan, 1993, tome 2, p. 231.
48 BASZANGER (I.), les chantiers d’un interactionnisme américain, introduction de l’ouvrage :
STRAUSS (A.) (et al.), La trame de la négociation : Sociologie qualitative et interactionnisme, textes
réunis par I. Baszanger, L’Harmattan, Coll. Logiques sociales, Paris, 1994, p.15
49 ANSART (P.), Les sociologies contemporaines, Editions du seuil, Paris, 1990, p. 219.
29
évoquées dans le paragraphe précédent et nous explique :
"On trouve, toujours présente, une volonté de joindre le niveau de l'acteur individuel et les
micro processus sociaux d'une part et le niveau macro-social, structurel qui pèse sur les
conditions de l'action d'autre part." (50)
En citant toujours I. Baszanger, cette sociologue dégage trois idées principales, qui, selon
elle, caractérisent l'interactionnisme en général :
"1. Une vision de la société comme production collective ce qui signifie étudier l’organisation
d’une ville, les institutions, les systèmes sociaux..., non pas comme des entités objectives
préexistantes et déterminant l'activité humaine mais comme le produit du commerce des
hommes, c'est à dire des rencontres entre groupes (park), de leur travail, de leurs négociations,
des conflits et leurs issues, des processus de connaissances et d'apprentissage..."
"2. Les ressources de l'activité humaine (compétences cognitives, règles, catégories, positions
sociales...) s'élaborent essentiellement dans des relations intersubjectives qui évoluent dans le
temps. Il faut donc étudier les processus de coordination des activités, les interactions, resitués
dans le contexte précis de leur déroulement pour expliquer l'ordre social"
"3. l'existence d'une relation dialectique entre réflexion et action est sous tendue par une vision
des êtres humains comme réflexifs, créatifs et actifs et non pas comme des objets passifs,
soumis à des forces sociales sur lesquelles ils n'auraient pas de contrôle. » (51)
A partir des éléments extraits de cette approche, nous proposons de reformuler notre
second axe de réflexion de la façon suivante :
Les interactions des parents avec les professionnels et l’établissement modifient
leurs réservoirs d’expériences et de connaissances disponibles, ce qui influe en retour leur
mode de relation.
Après avoir défini les approches théoriques auxquelles nous nous référons, nous proposons
maintenant d’approfondir quelques concepts ou notions utiles pour la suite de notre démarche.
Deuxième partie : le cadre conceptuel
Dans cette partie nous développerons cinq concepts ou notions : tout d’abord nous
travaillerons sur la définition du terme handicap, puis nous aborderons les notions de liberté de
l’acteur et de sa rationalité limitée, le concept de représentation sociale, le concept de trajectoire,
pour terminer avec le concept de socialisation.
50 BASZANGER I., op. cit., p.11
51 BASZANGER I., op. cit, p.14
30
A) Le terme handicap
Aucun texte de portée générale, aucune nomenclature ne définit le handicap de telle sorte
qu’il soit possible d’élaborer un concept univoque de la notion de handicap et de handicapé (52).
L’introduction de ce terme dans la langue française est relativement récente. Nous porterons
intérêt dans ce chapitre à son contexte d’apparition, à la définition proposée par l’Organisation
Mondiale de la Santé, puis à l’organisme chargé de déterminer quel enfant est handicapé en
France.
Le mot handicap apparaît tardivement en France, dans les décennies dix, vingt et trente, et
se développera surtout à partir des années soixante. Ce terme dans son acception courante
désigne alors « une situation quelconque d’infériorité, de désavantage d’un groupe par rapport à
un autre ou d’une personne par rapport à une autre » (53). Le handicap peut selon cette définition,
recouvrir des réalités très différentes (handicap social, économique, culturel etc…).
L’origine étymologique de ce mot est anglo-saxonne « hand in cap », qui littéralement
signifie « main dans le chapeau ». Ce terme était employé dans le monde des jeux et notamment
sur les champs équestres. En effet, dans certaines épreuves, afin d’égaliser les chances, les
chevaux les mieux entraînés étaient soumis à un désavantage (handicap) de poids ou de
distance. Dans une course hippique de cette nature, si elle était bien conçue, il était impossible de
parier quel serait le gagnant. Il était alors tout aussi simple de mettre les noms des chevaux dans
un chapeau et d’y plonger la main « hand in cap » (54).
Stiker propose une analyse très détaillée du terme handicap qui progressivement a
recouvert celui d’infirme. Il considère que ce changement de terminologie reflète un changement
de philosophie sociale, qui s’est accompagné de la construction d’un nouveau champ social (55).
Dans son analyse il constate notamment que l’adoption du terme handicap apparaît de façon
concomitante avec ceux de reclassement, de rééducation, de réadaptation, de réhabilitation, de
réinsertion, de réintégration. Il propose l’idée que cette évolution de la langue reflète une nouvelle
52 ESERBOLD (S.), L’invention du handicap, de la normalisation à l’infirme, CTNERHI, PUF,
diffusion, Vanves, 1992, p. 20.
53 STIKER (H.J.), Handicap et exclusion. La construction sociale du handicap., in L’exclusion
l’état des savoirs , sous la direction de PAUGAM (S.),Paris, La découverte, 1996, p. 315.
54 ROCA (J.) , De la ségrégation à l’intégration. L’éducation des enfants inadaptés de 1905 à
1975, Paris, CTNERHI, p. 20-21.
55 STIKER (H.J.), op. cit., p. 314.
31
orientation sociale prise à l’égard des infirmes (56) c’est à dire : « la préoccupation de réintégrer un
jour ou l’autre, ou du moins de normaliser devient grandissante » (57).
Stiker s’appuie en outre sur la métaphore du monde équestre pour illustrer ce rapport
nouveau à l’égard des infirmes : la société s’efforce de renforcer les chances de succès des
personnes handicapées, pour les égaliser avec celles des personnes valides :
« C’est alors que le vocabulaire du handicap issu du turf prend un relief saisissant : il permet de
désigner l’infirmité comme un obstacle imposé mais socialisé, dessine le parcours à accomplir
et exprime simultanément la volonté d’égalisation entre des situations compétitives disparates,
mais qu’un élément tiers (toutes les techniques et tous les dispositifs de réinsertion) peut
contribuer à rendre comparables. » (58)
« il ne s’agit plus d’affirmer un principe juridique et théorique d’égalité des droits, mais de tenter
une égalisation des chances, de mettre en route des procédures, des pratiques
discriminatoires de correction, d’adaptation, de compensation, des détours plus ou moins longs
sur la voie d’un retour à la normalité .» (59)
Le terme handicap selon Stiker illustre donc l’idée de « performance », le souci de
normalisation et d’intégration de l’ensemble de tous les citoyens à la société industrielle,
commerciale et médiatique :
« Les personnes infirmes, devenues handicapées, sont vues comme des citoyens à « performer », pour employer un ancien mot français passé à l’anglais (to perform). Elles sont
posées comme des sujets qui, au moins en principe, peuvent et doivent réussir. La figure du
handicap est une manière de penser la non-conformité dans les limites de notre raison
productiviste et technologique, et donc aussi de nous la rendre admissible. » (60)
Au cours de notre pratique professionnelle nous avons eu à maintes reprises l’occasion
d’observer la prégnance de ces valeurs. Les parents que nous
rencontrons expriment avec
beaucoup de force leurs soucis de normalisation, d’intégration au marché du travail, à la société
de consommation de leurs enfants atteints d’un handicap. La plupart des parents « jouent » la
carte de la rééducation, de la réadaptation, du rattrapage. Mais comme le constate Stiker, le
modèle
contemporain du « handicap » a ses limites.
Pour certains enfants très lourdement
handicapés, il n’est pas possible d’aller jusqu’au bout de cette logique de normalisation. Certains
parents acceptent alors très difficilement la mise à l’écart de leurs enfants des circuits éducatifs et
56 Pour Sticker, la notion d’infirmité est un terme générique « le fait que dans toute société se
rencontrent des individus diminués par une atteinte du corps et/ou de l’esprit, par rapport à la masse des
autres. ».
57 STIKER (H.J.), op. cit. , p. 313.
58 STIKER (H.J.), op. cit. p.316.
59 STIKER (H.J.), op. cit. p.313.
60 STIKER (H.J.), op. cit., p. 317.
32
professionnels traditionnels. Mais d’autres limites sont étroitement liées à la constitution même du
modèle :
« Ainsi le modèle du « handicap » qui marque notre époque récente se heurte à une série de
contradictions, dont les unes sont pragmatiques – les « parts » du gâteau économique ne sont
pas assez nombreuses – et les autres idéologiques : en même temps qu’on proclame sa
volonté d’épanouissement de l’individu, on est contraint de définir des normes sociales de plus
en plus rigoureuses et inaccessibles (en termes de capacités intellectuelles par exemple, ou de
vitesse, d’adaptabilité, de résistance). » (61)
Au milieu des années 70, à la suite des travaux de WOOD (62), l’Organisation Mondiale de
la Santé considère qu’une analyse du handicap qui s’appuierait exclusivement sur des aspects
médicaux est insuffisante, restrictive et qu’il est nécessaire d’introduire la dimension sociale (63).
WOOD distingue alors trois aspects dans les conséquences qu’impliquent les maladies :
La déficience est identifiée à l’atteinte, à la lésion, à une perte de substance ou une
altération psychologique, anatomique ou mentale, provisoire ou définitive. Elle se situe donc au
niveau intellectuel, verbal, comportemental ou sensoriel, moteur ou viscéral.
L’incapacité est définie comme la conséquence de cette déficience en terme de restriction
d’activité par rapport à ce qui peut être considéré comme « normal » pour un humain dans sa vie
quotidienne : incapacités qui peuvent s’inscrire sous différentes rubriques, communication,
comportement, locomotion…
Le handicap est le désavantage social que rencontre la personne « handicapée »,
conséquence de la déficience et/ou de l’incapacité sur la vie réelle du sujet tel qu’il est inséré dans
le groupe social auquel il appartient ou devrait appartenir (64). Exprimé autrement, c’est le
désavantage qui résulte de la différence entre ce que la société attend de l’individu, et ce qu’il est
capable de faire, compte tenu de ses déficiences et des incapacités corrélatives. Pour une
incapacité donnée, le handicap est variable en fonction des exigences sociales et, d’autre part,
des aides qui peuvent être apportées dans chacun des milieux de vie.
Cette classification présente l’avantage d’être un modèle dynamique qui privilégie les
spécificités du sujet en intégrant notamment les conditions de son environnement. Par exemple,
une même déficience (la perte d’un doigt) n’entraînera pas le même désavantage social ou
professionnel pour le pianiste que pour l’enseignant.
« Le handicap entendu en ce sens ne se comprend plus isolément, mais implique
nécessairement la confrontation entre une personne donnée et les exigences qui s’exercent
61 STIKER (H.J.), op. cit., p. 318
62 Philippe H. N. Wood, directeur de l’unité de recherche épidémiologique, ARC.-Manchester G.B.
63 PLAISANCE (E.), Les enfants handicapés à l’école, in L’exclusion l’état des savoirs, sous la
direction de PAUGAM (S.), La découverte, Paris, 1996, p. 138.
64 Organisation Mondiale de la Santé, Classification internationale des handicaps : déficiences,
incapacités et désavantages, éd. du CTNRHI, INSERM, Paris, 1988.
33
sur elle en fonction des normes en vigueur dans les groupes sociaux dans lesquels elle se
situe (famille, école, groupe professionnel…) » (65)
La classification internationale des handicaps formulée en 1980 s’appuiera sur la définition
de WOOD. Elle sera publiée en France plus tardivement en 1988.
En France dans le cadre de la loi d’orientation du 30 juin 1975 le handicap n’est pas défini
officiellement afin de laisser place aux évolutions ultérieures. La solution retenue est de laisser la
responsabilité aux commissions issues de la loi de reconnaître telle ou telle personne comme
handicapée (c’est de moins en moins vrai, car les désavantages deviennent de plus en plus
identifiés par l’intermédiaire de référentiels). Parmi ces commissions figurent les Commissions
Départementales de l’Education Spéciale (C.D.E.S.) qui ont le pouvoir de catégoriser l’intensité du
handicap préalablement signifiée par des bilans (ce qui ouvre ou non des droits complémentaires),
et de proposer des solutions de soins et d’éducation spécialisée.
B) La liberté de l’acteur et sa rationalité limitée
Nous avons donc fait le choix, comme nous l’avons énoncé au début de ce chapitre, de
partir notamment d’une perspective sociologique référée au thème de l’acteur social. L’acteur
social peut être saisi de façon différente suivant l’angle d’analyse choisi. Ainsi dans la théorie
libérale, l’acteur, calculateur, est considéré comme faisant des choix rationnels, les meilleurs
possibles pour lui, en terme d’utilité.
Certains auteurs insisteront sur les déterminations que subit l’individu de la part de la
société. Ainsi Pierre Bourdieu s’efforce de révéler les mécanismes de contrôle social et le poids
des déterminismes économiques, culturels et sociaux qui pèsent sur les personnes. P. Bourdieu
considère que la force de ces déterminations entraîne l’acteur du côté de « l’agent ».
Pour ce travail, nous considérerons qu’aucun acteur n’est complètement « aliéné », pas plus
qu’il n’est complètement libre et rationnel. Nous retiendrons l’approche que propose M. Crozier de
la notion d’acteur à partir des notions de degrés de liberté et de rationalité limité.
Pour M. Crozier l’acteur n’existe pas en dehors du système, qui n’existe que par l’action de
l’acteur dans le système. On ne naît pas acteur social, on s’affirme dans des rapports qui nous
construisent et que nous construisons (66).
Michel Crozier développe l’idée que les acteurs possèdent des degrés de liberté et déploient
une rationalité au sein de contextes déterminés. Chacun des acteurs déploie une stratégie
personnelle dont le but est d’accroître son influence, et dont les modalités dépendent de ses
valeurs, et des moyens d’influence dont il dispose (atouts, ressources, informations…). M. Crozier
65 PLAISANCE (E.), op. cit., p. 139.
66 CROZIER (M.), FRIEDBERG (E.), L’acteur et le système, Ed. Du Seuil, 1977
34
considère que la rationalité des acteurs est une rationalité limitée. Les acteurs ne choisissent pas
dans une situation donnée la meilleure solution, mais une solution satisfaisante en fonction de leur
degré d’information et de leur réelle capacité d’action. L’acteur ne suit pas des objectifs cohérents
clairement tracés, mais profite des opportunités en choisissant non pas les solutions optimales,
mais celles qui lui paraissent satisfaisantes. Tout acteur dans une organisation possède une
marge de liberté qui dépend des modalités de fonctionnement de l’institution.
« Il n’y a pas de systèmes sociaux entièrement réglés ou contrôlés. Les acteurs individuels ou
collectifs qui les composent ne peuvent jamais être réduits à des fonctions abstraites et
désincarnées. Ce sont des acteurs à part entière qui, à l’intérieur de contraintes souvent très
lourdes que leur impose « le système » disposent d’une marge de liberté qu’ils utilisent de
façon stratégique dans leurs interactions avec les autres. La persistance de cette liberté défait
les réglages les plus savants. » (67)
C) Le concept de représentation sociale
Dans notre recherche nous postulons que les représentations parentales contribuent à la
construction du mode de relation des parents à l’égard des professionnels et de l’établissement, et
évoluent notamment à partir des échanges relationnels et selon un processus interactif.
Pour ce travail nous retiendrons que la représentation sociale est « une forme de
connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique, et concourant à la
construction d’une réalité commune à un ensemble social » (68).
Il s’agit d’un savoir de sens commun, disant quelque chose sur l’état de la réalité. Les
représentations sociales s’acquièrent, se construisent, se modifient, notamment à travers les
relations et les réseaux que chacun tisse au cours de sa trajectoire de vie.
Les représentations sociales jouent également un rôle actif dans les communications
sociales et les comportements :
« On reconnaît généralement que ces représentations sociales, en tant que système
d’interprétation régissant notre relation au monde et aux autres, orientent et organisent les
conduites et les communications sociales. » (69)
Dans la perspective interactionniste, les représentations revêtent une grande importance.
Elles participent à tout moment aux choix, aux actions, elles les expliquent en partie. Les
représentations sont pour une part constitutives des positions adoptées par les acteurs dans les
67 CROZIER (M.), FRIEDBERG (E.), Ibid., p. 29
68 JODELET (D.), sous la direction de, Les représentations sociales, PUF, coll. Sociologie
d’aujourd’hui, Paris, 1994, p. 35.
69 JODELET (D.), sous la direction de, Les représentations sociales, PUF, coll. Sociologie
d’aujourd’hui, Paris, 1994, p. 36.
35
interactions. Elles sont donc à prendre en compte pour comprendre le déroulement des
trajectoires relationnelles.
D) Le concept de trajectoire
Le concept interactionniste de trajectoire apparaît intéressant à utiliser dans le cadre de
cette recherche. Nous retiendrons l’usage qu’en fait A. Strauss pour qui « ce concept est d’abord
et avant tout un moyen d’ordonner de manière analytique l’immense variété des événements qui
entrent en jeu » (70).
En prenant en compte la dimension temporelle, le concept de trajectoire permet un modèle
dynamique d’action dans laquelle les individus agissent sur les événements ou les créent à partir
d’un ensemble de conditions antérieures affectant la situation présente. Ce concept permet de
penser le mode relationnel présent, non pas comme un état donné figé de l’individu, mais comme
un processus dynamique influencé par les conditions passées, par le contexte actuel, mais
également par les réactions des individus aux interactions.
« Il a intégré dans son modèle dynamique d’action l’idée d’individus actifs répondant
créativement aux événements qu’ils rencontrent et le fait que ces réponses, ces actions
individuelles et/ou collectives ne peuvent s’analyser que comme enchâssées dans des
ensembles de conditions eux mêmes antérieurs affectant la situation présente et qui sont
affectés par ces actions, les conséquences présentes de l’action devenant à leur tour des
conditions pour les actions à venir. » (71)
Le dernier concept que nous allons aborder est celui de socialisation, avec la distinction faite
entre socialisation primaire et socialisation secondaire.
E) Le concept de socialisation
P. Berger et T. Luckmann distinguent la socialisation primaire de la socialisation secondaire
(72).
La socialisation primaire correspond à la première socialisation de l’individu dans son
enfance (acquise à travers l’éducation parentale, l’école…).
70 A. STRAUSS, op. cit.
71 BASZANGER (I.), les chantiers d’un interactionnisme américain, introduction de l’ouvrage :
STRAUSS (A.) (et al.), La trame de la négociation : Sociologie qualitative et interactionnisme, textes
réunis par I. Baszanger, L’Harmattan, Coll. Logiques sociales, Paris, 1994, p.21.
72 BERGER (P.), LUCKMANN (T.), La construction sociale de la réalité, Méridiens Klinsieck, Paris,
1986, p. 202.
36
La socialisation secondaire permet à l’individu déjà socialisé de s’intégrer ou de s’adapter à
de nouveaux aspects de la réalité sociale objective. La socialisation secondaire comprend une
acquisition de savoirs spécifiques et spécialisés.
L’individu intègre son rôle social de parents « classique », puis suite à une rupture ou à un
choc biographique (par exemple la naissance d’un enfant atteint d’une déficience) la personne se
trouve devant une nouvelle situation d’apprentissage.
Sur la base des éléments développés jusqu’à présent, nous exposerons dans le chapitre
suivant les hypothèses de cette étude, puis la démarche méthodologique retenue pour recueillir
des données.
37
CHAPITRE 3 : LE CORPS D’HYPOTHESES ET LA
METHODOLOGIE UTILISEE
Dans la première partie de ce chapitre nous présenterons le corps d’hypothèses, d’abord de
façon détaillée (avec des éléments de précision), puis nous présenterons à nouveau le même
corps d’hypothèses, mais de façon simplifiée et résumée. La deuxième partie de ce chapitre sera
consacrée à la méthodologie du recueil de données.
Première partie : le corps d’hypothèses
A) Le corps d’hypothèses
L’hypothèse principale retenue est la suivante :
« Les
comportements
professionnels
et
de
sociaux
des
parents
à
l’égard
des
l’établissement se structurent à partir de
représentations. Ces représentations évoluent, à la fois sur la base des
échanges interpersonnels, et en fonction de processus. »
Sur la base de la réflexion construite dans les chapitres précédents, cette hypothèse
principale se décline en trois hypothèses secondaires. Chacune des hypothèses secondaires est
ensuite précisée par plusieurs éléments.
L’hypothèse secondaire n°1 est :
« Le handicap de l’enfant contribue à structurer chez ses parents, une trajectoire de
vie, un rôle social, des représentations qui constitueront un réservoir d’expériences et de
connaissances disponibles pouvant inférer sur la structuration du mode de relation avec
les professionnels et l’établissement. »
Le handicap de l’enfant par son état et ses composantes, bouleverse totalement toutes
perspectives de projet de vie « ordinaire ». Les projets sont fondamentalement remis en cause,
avec une grande part d’inconnu pour l’avenir. De fait, l’handicap oblige à chercher une trajectoire
possible, et par voie de conséquence, génère des représentations et des expériences chez ces
parents, qui participent à constituer un réservoir d’expériences, un stock de connaissances
disponibles étroitement lié au handicap de leur enfant.
38
Nous dégageons sept éléments principaux qui contribuent fortement à la construction de ce
réservoir d’expériences et de connaissances disponibles. Les cinq premiers se développent plus
particulièrement à partir de la subjectivité des parents, et définissent ce que nous appelleront l’axe
interne. Ces cinq éléments sont eux-mêmes soumis au capital culturel et à l’environnement, qui
constituent l’axe externe. Ces différents éléments sont en interaction les uns avec les autres, l’axe
interne et l’axe externe s’articulant étroitement, et de façon rétroactive.
Le premier élément est la manière dont les parents ont pris conscience des difficultés
de leur enfant, et la façon dont ils ont vécu l’annonce du handicap.
Chronologiquement, la prise de conscience des difficultés de l’enfant constitue la première
étape d’une trajectoire de vie qui se trouve parfois fortement modifiée pour l’ensemble de la
famille. Si la révélation du handicap est parfois subite, et est alors vécue comme un choc (à la
suite d’un accident par exemple), très souvent la découverte des difficultés de l’enfant, à grandir
« normalement », s’effectue sur un mode progressif, par étapes successives. De façon générale
nous pensons que les conditions, et les modalités de cette prise de conscience auront des effets
ultérieurs.
Quelques soient les modalités de cette prise de conscience, l’on postule qu’il y a toujours un
moment où un professionnel annonce, ou confirme à ses parents que l’enfant est atteint d’une
déficience qui nécessite des soins et, ou, une éducation adaptée à ses difficultés. Le souvenir de
ce moment reste toujours fortement ancré chez les parents. Cet événement constitue un temps
essentiel dans la trajectoire de vie des parents. Le vécu et les relations, avec le ou les
professionnels qui se sont noués à ce moment-là, détermineront, à notre avis, en partie les
modalités relationnelles ultérieures avec les autres professionnels et les institutions :
« les professionnels qui interviennent précocement et … qui vont nommer pour la première fois
le handicap, la maladie, les séquelles de l’accident ; par manque de formation et de
disponibilité personnelle, le font trop souvent dans la hâte, en termes abrupts, négatifs, sans
appel, qui font de cette révélation un traumatisme psychique ineffaçable, marquant de son
empreinte douloureuse toute la suite des interactions entre parents et professionnels. » (73)
L’idée d’empreinte développée par cet auteur nous paraît pouvoir aider à la
conceptualisation de notre recherche. Nous postulons que certains événements, moments clefs
contribuent à structurer des représentations fortes qui infèrent sur l’identité personnelle des
individus.
Le second élément est la nature du handicap de l'enfant.
Les parents vont faire jouer différentes logiques en fonction de la nature des difficultés de
l’enfant. La nature du handicap comprend notamment l’importance de la déficience, le niveau de
73 ZUCMAN E., Les inter-relations parents, jeunes handicapés, professionnels, Institut de
l’enfance et de la famille, p. 250.
39
dépendance du jeune, la présence ou non de troubles associés, sa visibilité, (74) qui entraîneront
des difficultés, des réponses à apporter à l’enfant différentes, et donc des « parcours » de soins,
d’éducation, de vie différents.
L’âge de l’enfant semble également un élément déterminant.
Le troisième élément est la confrontation des parents à de nouvelles institutions
(commissions spécialisées, organismes spécialisés), ainsi qu’à des aspects réglementaires
nouveaux.
Du fait de ses difficultés, l’enfant change de statut et d’univers. C’est l’entrée pour lui et sa
famille dans « le monde du handicap », entrée que concrétise notamment la notification C.D.E.S.
(Commission Départementale de l’Education Spéciale), la carte d’invalidité, l’attribution de
l’allocation d’éducation spéciale…
Les familles sont confrontées à de nouvelles instances, telles que la CCPE (Commission de
Circonscription Préscolaire et Elémentaire), la CCSD (Commission de Circonscription du Second
Degré), la COTOREP (Commission Technique d’Orientation et de Reclassement Professionnel),
la CDES par exemple, mais aussi à des aspects législatifs, réglementaires nouveaux…, et parfois
déroutants.
Il est fréquent que les familles vivent alors les relations avec ces institutions comme autant
de tracasseries administratives.
A notre avis la façon dont ont été appréhendées ces institutions participera ultérieurement à
la façon dont se construira le mode relationnel des parents à l’égard des différents services de
l’établissement et des professionnels qui y travaillent.
Le quatrième élément est que le handicap de l’enfant a un impact sur l’ensemble de la
vie familiale et sociale de ses parents, et par là même, modifie le réservoir d’expériences et
de connaissances disponibles de ses parents.
Plusieurs idées précisent cet élément. Tout d’abord les difficultés de l’enfant peuvent
fortement modifier l’organisation familiale, les relations familiales et sociales, et donc « réorienter »
l’inscription des parents concernés dans leurs réseaux familiaux et sociaux. Il n’est pas rare de
constater des changements matrimoniaux, professionnels, de localisation géographique…
Un autre aspect est, que les parents sont amenés à rencontrer de nombreux intervenants
spécialisés (d’horizons professionnels variés), mais aussi éventuellement d’autres parents, des
associations. Par ailleurs, la mise en place des soins et des actions d’éducations spécialisées
constituent des moments importants qui peuvent être vécus comme autant d’étapes ponctuant
l’entrée de l’enfant dans le monde du handicap (par exemple la première séance de rééducation,
la première séparation, la première entrée en institution…). Aussi, le ressenti de ces événements,
les relations qui se sont nouées à ce moment-là avec les professionnels, ou alors avec d’autres
74 (E.), GOFFMAN Stigmate, les usages sociaux des handicaps, Les éditions de Minuits, Le sens
commun, Paris, 1975, p. 64
40
parents, ou encore avec des membres d’une association, structureront en grande partie les
modalités relationnelles avec les professionnels de l’établissement actuel.
Une autre idée, est qu’au cours de la trajectoire de vie parentale, certaines rencontres,
certains entretiens peuvent s’avérer très importants, voire déterminants, et « marquer d’une
empreinte » l’identité parentale, et « colorer » leurs représentations les plus fortes.
Toutes ces expériences participent à une sédimentation des connaissances, (c’est-à-dire à
la modification du réservoir d’expériences et de connaissances disponibles, sous la forme d’une
accumulation des connaissances), mais aussi à une sédimentation d’expériences, ce stock étant
mobilisé en cas de nécessité.
Les représentations « premières » (ou initiales) peuvent par là-même, se trouver modifiées.
Le cinquième élément est la confrontation des parents à l’établissement actuel.
Les premières impressions lors de l’arrivée à l’établissement ainsi que le déroulement de la
procédure d’admission sont des moments déterminants.
Le sixième élément est le capital culturel, social, économique des parents.
En fonction de leur position dans l'espace social, la perception qu'auront les parents du
handicap de leur enfant, des professionnels et du monde institutionnel variera. Les parents feront
alors jouer des processus relationnels différents.
« Chez les membres des classes moyennes et supérieures, en revanche, la proximité, de
classe et de système de valeurs, avec les membres de la profession médicale, …leurs
permettent (et sans doute est-ce de plus en plus fréquent aujourd’hui), de maîtriser l’espace
social de la médecine, de négocier activement avec les professionnels et d’échapper ainsi à“
l’aliénation” et à “la passivité” de la situation de la maladie » (75)
C. Herzlich explique que la proximité sociale avec les professionnels du corps médical
favorisant le dialogue et la négociation. Ces personnes s’efforcent de développer une relation de
nature différente avec les professionnels de santé.
De même l’accès à l’information sera différent, ce qui peut induire également des pratiques
relationnelles différentes et des positionnements différents.
Le septième élément est celui de l’environnement.
L’environnement social, économique, politique médical, scientifique, culturel détermine,
constitue une réalité, une « butée », support de constructions de représentations, et est
déterminant dans certaines attitudes parentales.
Par exemple, le manque de place en structure peut entraîner l’orientation d’un jeune à plus
de 100 kilomètres du domicile de ses parents. Cet éloignement constitue un frein important pour
l’organisation de rencontres parents-professionnels.
75 HERZLICH (C.) et PIERRET (J.), Malades d’hier, malades d’aujourd’hui, Paris, Payot, 1984, p.
251.
41
L’ hypothèse secondaire n° 2 est :
« Les interactions des parents avec les professionnels et l’établissement modifient
leurs réservoirs d’expériences et de connaissances disponibles, ce qui influe en retour sur
leur mode de relation. »
Nous repérons cinq éléments importants liés entre eux, qui participent à ce processus de
modification des représentations dans le temps, autour des interactions.
Le premier élément correspond aux attentes des parents qui structurent les relations
parents-professionnels. Ces attentes peuvent se modifier dans le temps.
Cet élément renvoie à la dimension la plus personnelle, la plus individuelle, celle des
motivations, intérêts perçus par les parents au regard de leurs enfants et d’eux- mêmes, et qui
peut recouvrir des aspects très variés, et pas toujours finement perçus par les professionnels (car
parfois indicibles). Sur la base de ces attentes initiales il y aura ensuite des médiations, des
compromis. C’est pourquoi l’on postule que les attentes actuelles sont différentes des attentes
initiales.
Si ces attentes déterminent des attitudes et des conduites, en retour les échanges, ou
l’absence d’échanges, entre les parents et les professionnels peuvent influer sur ces attentes.
Ensuite sur la base de ces attentes, se greffent d’autres facteurs.
Le second élément est constitué des représentations qu’ont les familles des champs
de compétence respectifs, au regard des réponses à apporter à l’enfant.
Au cours de leurs trajectoire de vie avec leurs enfants les parents développent, accumulent
des connaissances, des savoirs faire. A partir de ces savoirs, et de leur connaissance unique et
privilégiée de leurs enfants, les parents se construisent des idées sur les conduites de soins et
d’éducation spécialisée à tenir, mais aussi sur les places et rôles des professionnels et d’eux
mêmes. Les représentations qu’ont (76) les parents des champs de compétences respectifs
participent à la construction d’un mode relationnel, d’un système de communication. De plus, la
façon dont les parents sont associés à l’élaboration des projets et au suivi des projets, ainsi que
les relations concrètes (formalisées ou non) entre les parents et les professionnels participent à
faire évoluer ou à renforcer ces représentations initiales.
Le troisième élément est constitué des représentations qu’ont les familles du pouvoir
(au regard des droits que leur confère l’autorité parentale).
76 Cet auxiliaire implique une dimension statique. Or ce peut être le cas, mais ce n’est pas sûr. Il y a
peut être plutôt un processus de construction plus ou moins solide, plus ou moins conséquent, plus ou
moins figé.
42
Les représentations des parents à l’égard des professionnels, ne sont-elles pas parfois une
forme d’approche, d'appropriation de cet inconnu (le professionnel au savoir et au langage
distinct), une tentative « d’égaliser » celui « qui sait », « est payé pour », de se confronter, se
mesurer à ce « concurrent » (potentiel) éducatif ?
Le réservoir d’expériences et de connaissances disponibles se modifie à partir notamment
d’enjeux de pouvoir autour des interactions.
Le quatrième élément est constitué de l’idée qu’il est possible de dégager différentes
étapes dans la construction du mode relationnel parents-professionnels.
Cet élément s’appuie sur l’idée qu’il existe des constantes, logiques, étapes dans la
structuration des relations parents-professionnels. Ces étapes s’organisent sur la base de
représentations, mais aussi à partir de processus relationnels.
Cette idée est notamment développée par Lavanant psychosociologue :
« Un scénario classique se présente comme suit : à une première phase de cristallisation des
attentes des parents, succède une phase de déception et de désillusion ouvrant sur une longue
période où les partenaires ont appris les limites d’un champ commun d’attentes. L’ennui est
que cet apprentissage s’effectue souvent dans le sens d’une restriction de ce champ, comme si
la régulation de notre système interactif passait par la recherche du plus petit dénominateur
commun » (77)
Le cinquième élément est l’organisation institutionnelle et la place prise par les
familles dans cette organisation.
La « culture » de l’établissement s’est élaborée, structurée, construite à partir de son
histoire, de ses caractéristiques générales liées notamment à la population accueillie et à ses
activités. Malgré ce que prévoit la législation, les parents n’ont en réalité pas vraiment la possibilité
de choisir le mode de prise en charge ou l’établissement pour leur enfant (du fait d’un nombre
limité de places), et ne peuvent au départ qu’ « accepter », ou faire avec l’institution proposé. Mais
cela ne veut pas dire que les parents vont subir la structure car, dans un second temps, ils
disposent de toute une palette de positionnement, qui peut aller de l’évitement, à la mise en
œuvre d’actions de diverses natures. L’organisation institutionnelle est support de pratiques
professionnelles qui, à travers les modalités relationnelles parents-professionnels, produiront de
nouvelles représentations qui, à leur tour, par rétroaction, induiront de nouvelles pratiques ainsi
qu’une modification du contexte institutionnel.
Nous repérons à la base de ce modèle, un triple mécanisme, support des effets de
l’organisation sur les interactions :
1) celui « d’ effets de contexte » qui résultent des dispositifs en vigueur et du cadre (ce sont
les effets du cadre réglementaire, les conditions matérielles…),
77 LAVANANT J.P., Communication aux journées d’étude de l’A.P.F. : « La personne handicapée,
sa famille, les professionnels, quel partenariat ? », APF Formation, Paris, janvier 1999, p. 93.
43
2) celui d’un mécanisme d’adaptation, d’ajustement des parents à ce contexte,
3) et enfin, un effet feed-back de ces mécanismes d’adaptation sur le fonctionnement de
l’institution.
L’hypothèse secondaire n°3 est :
« Les parents déploient à l’égard des professionnels des comportements tactiques et
stratégiques, c’est-à-dire des conduites raisonnées, (mais pas pour autant nécessairement
rationnelles) autour des interactions ».
Nous définissons la conduite stratégique comme un comportement motivé, organisé autour
d’un but construit. La tactique est la capacité à saisir des opportunités pour aller dans un sens
que l’on croit bon, la capacité à saisir ce qui peut amener un bénéfice.
Ces conduites raisonnées autour des interactions visent, pour les parents, à gérer plusieurs
éléments au regard de ce qu’apportent ou peuvent apporter les professionnels et l’établissement,
pour leurs enfants et eux-mêmes (c’est l’idée d’une adaptation, d’un ajustement aux
professionnels en fonction du projet que l’on a, de ce que le professionnel peut apporter).
Le premier élément est la gestion d’un projet de vie pour l’enfant et eux mêmes, cette
gestion s’organisant notamment autour des interactions.
Cet élément recouvre la dimension humaine, affective du projet (ex : l’amour de son enfant),
mais aussi une dimension comptable dans le sens d’une gestion « matérielle » du projet de vie
(avec des calculs autour de ce qu’il y a à gagner, ou à perdre).
Le second élément est celui de la gestion de leur place et de leur rôle de parents
auprès des professionnels.
C’est l’idée d’un rôle et d’une place « négociés ». Le rôle adopté par les parents va être
orienté par un processus de composition entre le souhaité et le possible, mais va aussi se
construire en fonction de tactiques autour des interactions. C’est l’adaptabilité à ce que l’autre
peut donner.
L’on peut trouver des exemples de cet élément à travers le fait de préparer les réunions,
d’adhérer ou non à l’association, « d’entretenir » ou pas les relations avec les professionnels, de
choisir tel ou tel interlocuteur…
Le troisième élément est celui de la gestion d’une identité spoliée, « discréditée » par
le handicap de son enfant.
Cet élément fait référence aux travaux de Goffman. Le stigmate de l’enfant devient celui des
parents. C’est la gestion du discrédit autour des interactions.
Le quatrième élément concerne la gestion de l’information sociale.
44
C’est gérer tout ce qui circule, ce qui est émis de manière consciente et non consciente et
qui peut être récupéré par autrui. C’est la gestion de ce que l’on montre ou pas, de ce que l’on dit
ou pas, à qui on le dit. Mais c’est aussi le sens donné à l’information récupérée et la gestion qui en
est faite.
Les différents éléments précisant ces trois hypothèses secondaires sont en interaction les
uns avec les autres, se recoupent parfois.
B) Présentation résumée des hypothèses
Après avoir présenté de façon détaillée le corps d’hypothèses, nous le présentons à
nouveau, mais de façon simplifiée et résumée (afin d’en faciliter la lecture globale).
L’hypothèse principale est la suivante :
« Les comportements sociaux des parents à l’égard des professionnels
et de l’établissement se structurent à partir de représentations. Ces
représentations évoluent, à la fois sur la base des échanges interpersonnels,
et en fonction de processus. »
La première hypothèse secondaire est :
« Le handicap de l’enfant contribue à structurer chez ses parents, une trajectoire de
vie, un rôle social, des représentations qui constitueront un réservoir d’expériences et de
connaissances disponibles pouvant inférer sur la structuration du mode de relation avec
les professionnels et l’établissement. »
Nous dégageons sept éléments principaux qui participent fortement à la construction de ce
réservoir d’expériences et de connaissances disponibles :
-
la manière dont les parents ont pris conscience des difficultés de leur enfant, et la
façon dont ils ont vécu l’annonce du handicap,
-
la nature du handicap de l'enfant,
-
la confrontation des parents à de nouvelles institutions (commissions spécialisées,
organismes spécialisés), ainsi qu’à des aspects réglementaires nouveaux,
-
l’impact des difficultés de l’enfant sur l’ensemble de la vie familiale et sociale de la
famille,
-
la confrontation des parents à l’établissement actuel,
-
le capital culturel, social, économique des parents,
-
l’environnement.
45
La seconde hypothèse secondaire est :
« Les interactions des parents avec les professionnels et l’établissement modifient
leurs réservoirs d’expériences et de connaissances disponibles, ce qui influe en retour sur
leur mode de relation. »
Nous repérons cinq éléments importants liés entre eux, qui participent à ce processus de
modification des représentations dans le temps, autour des interactions :
-
les attentes des parents qui structurent les relations parents-professionnels (ces
attentes peuvent se modifier dans le temps),
-
les représentations qu’ont les familles des champs de compétence respectifs (au
regard des réponses à apporter à l’enfant),
-
les représentations qu’ont les familles du pouvoir (au regard des droits que leur confère
l’autorité parentale),
-
le fait qu’il semble possible de dégager différentes étapes dans la construction du
mode relationnel parents-professionnels,
-
l’organisation institutionnelle et la place prise par les familles dans cette organisation.
La troisième hypothèse secondaire est :
« Les parents déploient à l’égard des professionnels des comportements tactiques et
stratégiques, c’est-à-dire des conduites raisonnées, (mais pas pour autant nécessairement
rationnelles) autour des interactions ».
Ces conduites raisonnées autour des interactions visent, pour les parents, à gérer
notamment quatre éléments au regard de ce qu’apportent, ou peuvent apporter, les professionnels
et l’établissement, pour leurs enfants et eux-mêmes. Il s’agit pour les parents de gérer :
-
un projet de vie pour l’enfant et eux-mêmes, cette gestion s’organisant notamment
autour des interactions,
-
leur place et leur rôle de parents auprès des professionnels,
-
une identité spoliée, « discréditée » par le handicap de l’enfant,
-
l’information sociale.
Deuxième partie : méthodologie de recueil de données
Ce chapitre a pour objet d’expliciter la démarche méthodologique suivie pour recueillir les
données nécessaires pour cette étude.
Considérant qu’un certain nombre d’éléments relevaient d’une analyse quantitative et qu’un
certain nombre, d’une analyse qualitative, nous avons opté dès le départ sur le principe d’un
recueil de données composé de deux volets.
46
Le premier volet a consisté à recueillir des données à l’aide d’un questionnaire (afin
d’essayer de dégager une vue d’ensemble des pratiques en œuvre, d’essayer de construire une
typologie des comportements sociaux, de repérer quelques processus généraux). Avec cette
recherche d’éléments quantitatifs nous avons plus cherché à répondre à la question :
•
Quels sont les modes relationnels en jeu ?
Le second volet a consisté, par l’intermédiaire de quelques entretiens individuels
approfondis, à recueillir des données qualitatives. Nous avons plus cherché avec cette méthode à
recueillir des éléments de réponses à la question :
•
Qu’est-ce qui structure ces relations en enjeux ?
A) Le recueil de données par questionnaire
La construction du questionnaire
A partir de notre problématique nous avons construit un questionnaire de 124 questions,
réparties en douze chapitres, chacun d’entre eux dérivant des hypothèses de notre recherche. Ce
questionnaire se trouve dans l’annexe 1.
Pour enrichir le recueil d’informations, ce questionnaire a dans un premier temps été
présenté et testé auprès de trois parents élus du conseil d’administration de l’APAEI de la côte
Fleury, puis modifié avant la passation générale, à partir de leurs remarques, commentaires et
suggestions.
La constitution de l’échantillonnage
La population interrogée a été celle de parents d’enfants ou adolescents accueillis dans un
I.M.E. du Calvados, dont le handicap entraîne une déficience intellectuelle légère ou plus
importante (avec ou sans troubles associés) et une prise en charge en éducation spéciale notifiée
par la C.D.E.S., en établissement spécialisé.
Pour obtenir des données statistiquement significatives, nous nous sommes basés sur 150
questionnaires. Nous savons toutefois que cet échantillonnage reste restreint et ne peut
qu’apporter des éléments illustratifs de tendances qui pourraient être utilisées ultérieurement et
validées sur une population plus importante.
L’un des objectifs étant de rechercher le caractère général, illustratif et moyen, nous avons
souhaité pouvoir interviewer des parents représentatifs de plusieurs établissements, originaires de
toutes les classes de la société, sur un secteur géographique donné. Le secteur retenu a été le
calvados, intégrant des zones géographiques différentes (rurale, urbaine, péri-urbaine).
47
Au départ nous avions le souhait de choisir des parents dont leur enfant se situe dans la
tranche d’âge six - vingt ans (en écartant les enfants plus jeunes), pour notamment essayer
d’observer le parcours des parents et de l’enfant, l’évolution des représentations parentales dans
le temps, et de tester l’hypothèse de la sédimentation des expériences et des connaissances. A
partir des entretiens possibles sur le terrain, il a fallu réajuster nos souhaits et la tranche d’âge
finalement consultée se situe entre 4 et 20 ans.
Il existe dans le calvados 16 établissements agréés au titre des annexes 24 - Enfants
présentant une déficience intellectuelle -, aux caractéristiques différentes (tailles, secteurs
géographiques…), pour 986 places, (dont 173 place SESSAD), en 2003. Ces 16 structures
relèvent en outre d’organismes gestionnaires aux fonctionnements et idéologies très différents
(A.P.E.I. , A.C.S.E.A. , A.J.B…). Nous avons souhaité consulter des parents relevant des
principales associations gestionnaires du département.
Les établissements ayant participé à cette recherche
Nous avons pris contact auprès de dix établissements pour les informer des objectifs de
cette recherche et obtenir les autorisations nécessaires. Sept responsables d’établissements ont
accepté de collaborer à ce travail selon les modalités suivantes (qui ont été négociées avec eux) :
L’IME de Pont l’Evêque, (APAEI de la côte Fleury, Association des Parents et Amis
d’Enfants Inadaptés) : le conseil d’établissement et la commission famille de l’association
gestionnaire ont été informés, et se sont associés à cette recherche. Afin de garantir la
confidentialité et l’anonymat pour les familles, l’établissement a recruté une personne extérieure à
l’association pour les besoins de l’enquête (une jeune assistante sociale diplômée), pendant six
semaines. Chaque famille a reçu un courrier de l’établissement précisant l’objectif et l’intérêt de la
démarche, ainsi que le caractère anonyme de la consultation, puis a été contactée par téléphone.
La passation a été proposée à tous les parents.
70 familles sur 75 ont été consultées, soit un taux de consultation de 93%. 3 familles n’ont
pas pu être jointes par téléphone dans les délais impartis. Deux ont refusé (une qui était en conflit
avec l’institution, et une autre qui, expliquant que son enfant était suivi par le SESSAD, ne
souhaitait pas répondre au questionnaire qui à son avis concerne plus les parents des enfants pris
en charge sur un groupe de l’IME).
L’IME de Lisieux, (APAEI de Caen, Association des Parents et Amis d’Enfants Inadaptés) :
l’échantillonnage s’est effectué sur la base d’un tirage au sort portant sur la quasi totalité des
familles de l’IME de Lisieux (moins deux ou trois dont le directeur ne souhaitait pas qu’elles soient
contactées). Un courrier du directeur a été adressé aux familles tirées au sort. J’ai ensuite pris
rendez-vous avec elles par téléphone.
48
24 parents sur la liste fournie des 27 familles tirées au sort ont répondu au questionnaire.
L’établissement prend en charge 68 jeunes.
L’IME de Saint Sever, (établissement public départemental) : la démarche retenue a
consisté à découper le secteur géographique de domiciliation des parents (qui est très large),
donc à délimiter un secteur, et à consulter celles du secteur retenu (ceci afin de gagner du temps
de déplacement pour l’enquêteur). L’ensemble des familles du secteur retenu ont été informé par
un courrier du directeur de l’établissement de la démarche. J’ai ensuite pris rendez-vous avec
elles.
16 personnes sur une liste fournie de 19 personnes ont été interrogées. L’établissement
prend en charge 82 jeunes, pour une capacité d’accueil de 100.
L’IME de Graye sur Mer, (établissement public départemental) : la démarche a été un peu
différente, puisque la directrice de l’établissement nous a mis en relation avec un parent
participant au conseil d’établissement, qui a transmis à l’ensemble des familles un courrier les
informant de la démarche, auquel était joint un coupon réponse destiné à celles qui acceptaient de
répondre au questionnaire.
J’ai ainsi pu rencontrer les 23 personnes qui avait répondu favorablement. L’IME de Graye
sur Mer prend en charge 70 jeunes.
Le Jardin d’enfants spécialisé de Caen, (APAEI de Caen, Association des Parents et
Amis d’Enfants Inadaptés). La méthode retenue a été que le directeur informe l’ensemble des
familles de l’institution (à l’exception de deux qu’il a souhaité écarter) de la démarche. J’ai ainsi eu
accès à une liste de 31 familles sur 33. J’ai contacté 17 familles sur la liste 31, et ai passé 16
questionnaires (une famille a refusé). J’ai stoppé les entretiens avec cet établissement, après
recueil d’un nombre total de 166 questionnaires, le minimum que nous nous étions fixés étant de
150.
L’IME de Falaise, (APEI de Falaise, Association des Parents et Amis d’Enfants Inadaptés) :
le directeur a adressé un courrier avec coupon réponse à 30 familles. Dix ont accepté la
démarche. J’ai rencontré ces dix personnes. L’établissement prend en charge 95 jeunes.
Autres : (7 personnes)
St Rémy sur Orne (APAJH, Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés) : le directeur
m’a transmis les coordonnées de trois familles qu’il a contacté, et qui ont accepté de me
rencontrer. La capacité d’accueil de l’établissement est de 55.
IME de « l’Espoir » de Bayeux (A.C.S.E.A., Association Calvadosienne pour la Sauvegarde
de L’Enfance et de l’Adolescence) et IME de Beaulieu (APAEI de Caen, Association des Parents
et Amis d’Enfants Inadaptés) : quatre familles de ces deux établissements ont répondu au
questionnaire. Deux d’entre elles consécutivement à un changement d’établissement pendant la
49
période de passation, et deux autres ont pu être contactées par l’intermédiaire de parents ayant
répondu au questionnaire, et qui m’ont proposé de rencontrer ces deux autres parents.
Tableau récapitulatif des parents ayant été consultés
70
70
60
50
40
24
23
30
16
20
7
16
10
10
0
Autres
IME Falaise
IME Graye
sur Mer
IME Pont
L'Evêque
IME Lisieux
IME Saint
Sever
Jardin
d'enfants Caen
La catégorie « autres » correspond à 3 parents dont l’enfant est accueilli à l’IME de
Beaulieu, 3 à l’IME de Saint Rémy sur Orne, et un à l’IME de Bayeux.
La méthodologie de passation des questionnaires
Les questionnaires ont tous été remplis au domicile des parents, avec le concours d’une
personne tenant le rôle d’enquêteur (une assistante sociale diplômée, sortant de l’école, recrutée
par l’IME de Pont l’Evêque pendant six semaines pour les 70 questionnaires de l’IME de Pont
l’Evêque, et 96 par moi même). Tous les parents ont au préalable été informés par courrier de
l’objet de la recherche, de ses objectifs, et du caractère anonyme des informations recueillies.
L’enquêteur prenait ensuite rendez-vous par téléphone avec les familles.
Les entretiens se sont déroulés sur une période de plus de six mois, de juin 2001, à
décembre 2001. Chaque entretien durait entre quarante minutes et une heure quinze. Si nous
prenons en compte le temps consacré à la prise de contact avec la famille, au trajet, aux
explications apportées pendant la passation pour notamment rassurer, ou apporter des précisions
complémentaires, le temps de discussion après l’entretien, nous évaluons la moyenne de temps
passé par entretien à plus d’une heure trente.
Cette méthodologie coûteuse en démarches, en temps, (et financièrement), a été choisie car
elle présentait pour nous l’intérêt majeur d’essayer de consulter un échantillonnage le plus
représentatif possible, de permettre à des personnes qui spontanément n’ont pas l’habitude de
s’exprimer de pouvoir le faire, en essayant de proposer les conditions les plus favorables
possibles à leur expression, et ainsi d’accéder à une qualité intéressante des informations
recueillies.
Les résultats de cette démarche de recueil de données ont été à notre avis à la hauteur de
l’énergie qui y a été apportée, à la fois sur le plan quantitatif (quant au nombre de personnes
50
consultées), que sur le plan de la qualité des informations recueillies. En effet, sur les 178
personnes sollicitées, 166 ont accepté de répondre au questionnaire (soit un taux de passation de
94 %). Sur le plan des informations recueillies, il est important de souligner l’intérêt porté par les
familles à être consultées, ainsi que l’investissement qu’elles y ont apporté lors des passations.
Les personnes ont de façon générale appréciées être consultées, elles y ont vu un effort (des
établissements, des professionnels, et de l’université), et le temps de l’entretien a été très souvent
vécu comme un moment privilégié pendant lequel elles pouvaient s’exprimer. La qualité des
réponses apportées montrent également que familles ont des choses à dire. Nous avons en outre
observé que celles qui n’ont pas l’habitude d’être consultées, de parler dans des instances,
appréciaient et investissaient d’autant plus la démarche ; ces deux dernières remarques montrent
tout l’intérêt « d’aller vers », d’aller à la rencontre des familles.
Dans les deux paragraphes suivants, nous proposons de détailler l’accueil reçu lors des
prises de rendez-vous par téléphone, puis le déroulement des passations avec les personnes qui
ont été effectivement consultées.
Commentaires concernant la prise de rendez-vous avec les familles
Sur les 178 personnes sollicitées :
Dans environ 80 % des cas, la prise de rendez-vous fut facile. De nombreuses personnes
ont exprimé d’emblée leur satisfaction d’être consultées et de pouvoir s’exprimer. Le fait de
proposer le déroulement de l’entretien à domicile a été très souvent un facteur facilitant la prise de
rendez-vous. Le caractère anonyme de la consultation a été également un élément favorable.
A partir de ces éléments, on peut émettre, avec prudence certes, l’hypothèse d’une attente
chez la grande majorité des familles qu’on les consulte, qu’on aille vers elles, mais également un
contact plus aisé pour certaines d’entre elles, lorsqu’on les consulte à leur domicile.
« il y a des choses qu’on ne va pas dire de l’ordre du très intime à l’éducatrice le soir en allant
récupérer sa fille, qu’on dira peut-être plus quand cette personne viendra à la maison, parce
qu’elle est dans notre lieu » (entretien qualitatif n°6, page 50)
Dans environ 15 % des cas, la prise de rendez-vous fut assez délicate, mais a été possible :
familles difficiles à joindre, ou alors peu intéressées dans un premier temps par la démarche
(exprimant par exemple ne pas voir l’intérêt de cette consultation, ou avoir le sentiment d’avoir
déjà tout dit à l’IME, que l’essentiel avait déjà été évoqué lors des échanges habituels avec
l’équipe de l’établissement).
Quelques parents ont exprimé n’avoir pas beaucoup de temps à accorder (par exemple une
personne occupait un emploi saisonnier). En adaptant l’heure, le jour de passation, les entretiens
ont pu avoir lieu.
51
Dans environ 5 % des cas (12 familles), la passation n’a pas été possible, soit par refus
(rare), soit parce que la famille est restée injoignable.
Ainsi, 166 personnes ont accepté de répondre au questionnaire, sur un total de 178
personnes consultées, soit un pourcentage très intéressant de passation effective de plus de 94
%.
Remarques concernant la passation
Le caractère anonyme de la consultation, la passation à domicile, ont été des éléments
effectivement facilitant. La passation avec enquêteur a permis d’obtenir une qualité intéressante
des réponses et même si il y a de nombreux éléments qui ont été évoqués à l’oral et non notés sur
les questionnaires, cette méthodologie a permis que toutes les questions soient globalement
abordées. En outre cela a permis à plusieurs familles qui n’avaient pas accès à la lecture, de
pouvoir quand même répondre aux questions, le remplissage étant alors effectué par l’enquêteur.
Sur ces 166 passations, nous estimons que 80 % environ d’entre elles furent faciles et 20 %
délicates.
Raisons des passations faciles :
•
Personnes très satisfaites de pouvoir s’exprimer.
•
Certaines familles ont dit « Qu’est-ce qu’on a fait comme chemin depuis. ». L’entretien
participait alors à une prise de conscience, à un moment « bilan » perçu comme
constructif.
Raisons des passations délicates :
• Il a été difficile pour certains parents de parler d’éléments de leur histoire restant
douloureux (la formation professionnelle initiale d’assistant de service social des deux
enquêteurs a été alors à notre avis une aide, mais aussi et surtout, a apporté une
certaine forme de « protection » pour les parents concernés).
• Parfois la crainte du non respect de l’anonymat par rapport à l’équipe de l’établissement
est apparue. Une fois le cadre de la recherche rappelé (confidentialité, anonymat…), et
les parents rassurés, l’entretien redémarrait dans de bonnes conditions.
• quelques personnes ont trouvé le questionnaire très dense, certaines questions un peu
compliquées.
De façon globale, la plupart des familles se sont appliquées pour remplir le questionnaire.
Les familles peu dotées culturellement faisaient beaucoup d’efforts pour y répondre. Celles plus
dotées répondaient de façon parfois plus distanciée.
Dans certains cas l’enquête a été vecteur de transmission d’informations, par exemple sur
l’existence du conseil d’établissement, d’un service social au sein de la structure…
52
Certaines personnes ont exprimé ne pas voir de différence entre le questionnaire et le lien
habituel construit avec l’IME.
Enfin la reconstitution du parcours institutionnel de l’enfant (question n°2-12) a été parfois
difficile à reconstruire, car elle faisait appel à des informations très précises. Certaines familles ont
alors ressorti un dossier qu’elles tiennent à jour concernant leur enfant.
Caractéristiques des familles consultées
Dans la grande majorité des entretiens, la personne répondant au questionnaire était seule
avec l’enquêteur au moment de la passation (85 % des entretiens). Dans environ 15% des
entretiens, le couple était présent. Lorsque c’était le cas, en général la personne qui répondait au
questionnaire était le père. Pour la construction du graphique suivant, lorsque le couple était
présent, c’est la personne qui a principalement répondu au questionnaire, qui a été prise en
compte.
Personnes ayant répondu au questionnaire
9
Père
123
Mère
34
Autres
La catégorie « Autres » correspond pour quatre personnes à un membre de la famille
différent du père ou de la mère de l’enfant (grand-mère, beau-père…), et pour cinq situations à
des tuteurs d’enfants qui relèvent d’un conseil de famille, et qui ont été également interrogés (IME
de Pont l’Evêque).
75 % des personnes ayant répondu au questionnaire sont les mères des enfants pris en
charge, les pères ayant répondu pour 20 % d’entre eux. Ces résultats sont liés aux modalités de la
passation, mais à notre avis rendent néanmoins compte, dans une certaine mesure, de la
disponibilité de l’un ou de l’autre parent, et également d’une certaine répartition dans le partage
des rôles parentaux, et donc de codes culturels (l’éducation, les travaux domestiques restent
majoritairement « les affaires » des femmes).
53
Lorsque la passation avait lieu la journée très peu de femmes ont dit « je veux que mon mari
soit là ». Cela peut laisser supposer qu’il y a appropriation de ce rôle, une fonction que les femmes
entendent occuper.
Lors des échanges que nous avons eu avec les directeurs des d’établissements, ceux-ci
nous ont fait part de deux remarques empiriques : le chiffre de 34 pères répondant sur les 166
questionnaires témoigne d’une nette évolution quant à l’implication des pères par rapport aux
années antérieures (il y a 10 ans, la participation des pères aurait certainement été inférieure) ;
lorsque les deux parents interviennent auprès de l’établissement, ils le font en général sur des
modes différents, avec un ciblage différent. Par exemple les pères interviennent plus sur le cadre,
sur le fonctionnement…, tandis que les mères s’intéressent plus au concret, au quotidien des
actions mises en œuvre auprès de l’enfant.
Les
familles
consultées
appartiennent
très
majoritairement
aux
catégories
socioprofessionnelles modestes (environ deux tiers d’ouvriers et d’employés).
Groupe socioprofessionnel du père de l’enfant concerné
62
70
60
50
39
40
30
19
18
20
16
10
2
10
0
Non réponse
agiculteur exploitant
ouvrier, ou personnel
de service
employé
artisan, commerçant,
chef d'entreprise
profession
cadre supérieur,
intermédiaire, cadre profession intellectuelle
moyen
supérieure, professsion
libérale
Groupe socioprofessionnel de la mère de l’enfant concerné
67
70
60
50
40
35
33
30
20
20
8
10
2
1
0
Non réponse
agiculteur exploitant
ouvrier, ou personnel de
service
employée
54
artisan, commerçant, chef profession intermédiaire,
cadre supérieur,
d'entreprise
cadre moyen
profession intellectuelle
supérieure, profession
libérale
De façon générale le diplôme le plus élevé des parents consultés est inférieur à la moyenne
nationale. En France un peu moins de 50 % de la population active possède le baccalauréat ou un
diplôme supérieur (78).
Niveau de formation du père de l’enfant concerné
53
60
50
40
29
32
30
19
16
20
11
6
10
0
Non réponse
Pas de diplôme
Certicat
d'étude
CAP
BEPC-BEP
BaccalauréatBP
Diplôme
universitaire
Niveau de formation de la mère de l’enfant concerné
38
40
35
30
25
20
15
10
5
0
29
29
22
16
14
Non réponse
18
Pas de diplôme
Certificat
d'étude
CAP
BEPC-BEP
BaccalauréatBP
Niveau diplôme
universitaire
Sexe des enfants concernés
féminin
41%
masculin
59%
En France, l’ensemble des jeunes handicapés accueillis dans les établissements spécialisés
est composé de plus de 6 garçons sur 10 (61,9%) et de moins de 4 filles sur 10 (38,1%) (79). L’on
retrouve quasiment cette même répartition sur notre population.
78 Source : INSEE, enquête emploi, Ier trimestre 2003.
55
Cette sur-masculinité peut s’expliquer par un recours des familles aux institutions plus
volontiers pour les garçons que pour les filles, une plus grande tolérance chez les parents des 1620 ans à garder les filles à la maison, et peut être aussi par certaines pathologies qui touchent de
façon surnuméraire les garçons (80).
Age des enfants concernés (axe des abscisses)
16
16
14
14
12
12
10
6
2
14
13
11
11
12
12
8
8
4
12
15
2
3
4
5
2
0
4
5
6
7
8
9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans
Moyenne = 12.7 ans
Ecart type = 4.1 ans
Au niveau national pour 100 jeunes placés en établissements pour déficients intellectuels,
41,4% ont entre 11 et 15 ans (81). En ce qui concerne notre population 35 % des jeunes ont entre
11 et 15 ans.
Le traitement des questionnaires
Pour exploiter les données recueillies, nous avons utilisé le logiciel « Modalisa », logiciel de
traitement d’enquêtes et d’analyse de données. A partir du questionnaire, nous avons créé le
formulaire correspondant sur ce logiciel, ce qui nous a permis ensuite d’entrer les données
recueillies. A titre informatif, il nous a fallu environ une demi heure par questionnaire pour entrer
les données.
79 Ces pourcentages ont comme source le S.E.S.I. (1997), citée par l’Observatoire de l’Enfance en
France (sous la dir. scientifique de LANGOUET G.), L’état de l’enfance handicapée en France, Hachette,
Paris, 1999, p. 104-107.
80 TURPIN (P.), Problèmes politiques et sociaux : l’intégration des personnes handicapées, n°
677 du 3 avril 1992, La documentation française, Paris, p.14.
81 L’Observatoire de l’Enfance en France (sous la dir. scientifique de LANGOUET G.), L’état de
l’enfance handicapée en France, Hachette, Paris, 1999, p. 104-107.
56
Pour analyser les données, nous avons été amenés à recoder un certain nombre de
questions, et opérer des regroupements de données et de modalités. Nous avons ensuite utilisé
les traitements suivants :
•
le tri à plat, qui est le dénombrement des effectifs effectué pour les modalités d’une
seule variable. A la lecture du tri à plat il est possible de tirer des informations en
regardant la répartition des questionnaires par rapport aux différentes modalités de la
variable prise en compte,
•
le tableau de contingence (ou tris croisés), qui est un tableau à deux entrées, où
apparaissent dans chaque case les effectifs correspondant aux modalités croisées
des deux variables,
•
l’analyse factorielle des correspondances, qui est une technique d’analyse statistique
d’un ou plusieurs tableaux de contingences, permettant une représentation
graphique des attractions et des distances entre les modalités de variables choisies.
Avec le logiciel utilisé, les liens significatifs entre les modalités sont représentés
graphiquement par des lignes reliant ces modalités.
B) Les entretiens individuels qualitatifs
La deuxième technique utilisée pour recueillir des données a été l’entretien non directif, que
nous avons effectué auprès de six parents.
Pour débuter l’entretien et le relancer lorsque c’était nécessaire, nous nous sommes
appuyés sur un guide d’entretien que nous avions construit à partir de thèmes dérivés des
hypothèses de notre recherche (ce guide d’entretien se trouve à l’annexe 2).
Les six personnes choisies l’ont été suite aux réponses apparaissant dans l’entretien par
questionnaire. Il apparaissait intéressant de pouvoir prolonger le recueil d’informations, tant à
cause de la richesse du contenu des réponses, que pour l’apport de points de vue différents ou
exemplaires, complémentaires, ou illustratifs de tel ou tel aspect du champ de notre recherche.
Cinq établissements sont représentés, pour quatre femmes, et deux hommes. Tous
travaillaient dans des secteurs professionnels différents, et appartenaient à des catégories
sociales différentes.
57
Tableau récapitulatif
Sexe du
parent
interviewé
Profession du parent
interviewé
Etablissement
fréquenté par
l’enfant
Age de
Déficience
l’enfant
intellectuelle de
concerné l’enfant concerné
Entretien n°1
Féminin
Journaliste
IME Pont l’Evêque
12
Moyenne
Entretien n°2
Féminin
Cuisinière en
collectivité
IME Saint SEVER
16
Légère
Entretien n°3
Féminin
Agent de maîtrise
IME Graye sur Mer
12
Polyhandicap
Entretien n°4
Masculin
Technicien de
maintenance
IME Graye sur Mer
12
Polyhandicap
Entretien n°5
Masculin
Employé France
Télécom
Jardin d’enfants
spécialisés CAEN
7
Légère ou
moyenne
Entretien n°6
Féminin
Conseillère Principale
d’Education
IME Lisieux
8
Sévère
Ces entretiens ont eu lieu entre juillet 2001 et février 2002. Ils ont duré chacun entre une
heure quinze et deux heures, ont été avec l’accord des personnes enregistrés, puis tous
retranscris, formant un corpus d’environ 300 pages. On trouvera un exemplaire de ces entretiens
dans l’annexe 3 (entretien numéro un).
A partir des mots importants des hypothèses nous avons construit des intitulés de thème
exclusifs les uns des autres, de façon à constituer un ensemble de catégories. Cette grille de
découpage se trouve dans l’annexe 4. Les entretiens ont ensuite été déstructurés par unité de
sens. Nous nous sommes efforcés de limiter si possible chaque découpage à 15 mots maximum,
car nous avons constaté qu’un découpage comprenant plus de 15 mots intégrait souvent deux, ou
plusieurs unités de sens, rendant alors difficile l’affectation du morceau de texte découpé. Les
termes, ou expressions dégagées ont ensuite été classés dans les différentes catégories
construites, de manière à pouvoir effectuer une analyse plus précise du contenu des différentes
thématiques, et essayer de faire resurgir des données qui n’apparaissent pas d’emblée.
Les données recueillies ont ensuite été soumises à l’épreuve des hypothèses, et ont
notamment apporté des éléments de précision s’articulant avec les données recueillies par
questionnaire.
Le chapitre suivant sera consacré à la présentation des résultats de notre recherche.
58
CHAPITRE 4 : ANALYSE DES RESULTATS
Ce chapitre appelé « analyse des résultats » est un gros chapitre qui est structuré de la
façon suivante.
La première partie développera le temps de la découverte des difficultés de l’enfant (moment
important pour les familles, porteur de construction de représentations fortes).
La seconde partie sera consacrée à la trajectoire de vie de l’enfant (le handicap entraîne des
difficultés, des réponses à apporter à l’enfant, et donc un « parcours » de soins, d’éducation, de
vie différent).
Dans la troisième partie nous nous attacherons aux conséquences sociales du handicap sur
la vie de la famille.
La quatrième abordera l’environnement social et administratif, tel qu’il est perçu par les
familles.
La cinquième partie sera consacrée à la façon dont les familles perçoivent l’institution
médico-éducative (au moment de la procédure d’admission, puis à l’entrée de l’enfant dans
l’institution, et enfin au regard de l’organisation institutionnelle).
La sixième et dernière (la partie la plus développée) aura pour objet les modalités
relationnelles des parents avec les professionnels. Pour cela plusieurs thématiques seront
abordées, notamment les différents positionnements relationnels, les attentes parentales, les
réunions et rencontres, la circulation de l’information, les bilans écrits, la perception des actions
auprès de l’enfant, la participation à la vie de l’institution…
Première partie : l'annonce et la découverte du handicap
Nous avons souhaité observer différents événements qui peuvent structurer en partie les
modalités relationnelles ultérieures. Le premier événement est celui de la découverte, ou de la
prise de conscience des difficultés de l’enfant.
Il ne s’agira pas dans ce chapitre de détailler la question complexe de l’annonce du
handicap qui a fait l’objet de nombreuses recherches, mais plutôt d’explorer quelques pistes
développées à partir des données que nous avons recueillies.
59
A) Circonstances de la prise de conscience des difficultés
La lecture des deux tableaux suivants met en évidence que la découverte des difficultés de
l’enfant se fait essentiellement entre la naissance et 4 ans, mais qu’elle peut également avoir lieu
au moment de l’orientation de l’enfant en primaire, les problèmes rencontrées à l’école révélant
(ou confirmant) les difficultés de l’enfant (à ce titre le pic « six-huit ans » correspondant à
l’orientation scolaire vers le primaire nous apparaît tout à fait intéressant).
Circonstances de la découverte des difficultés de l'enfant
EFFECTIFS
%
Non réponse
3
0
Pendant la grossesse
7
4,2
37
22,3
85
51,2
à la naissance
Suite à des observations du répondant
Suite à une maladie ou à un accident de
l'enfant
16
9,6
observations faites par l'école
43
25,9
Suite à un entretien avec un professionnel
22
13,3
Suite à examen médical
9
5,4
A la suite de remarques de vos proches
9
5,4
14
8,4
166
145,8
Autres
TOTAL/ interrogés
Interrogés : 166 / Répondants : 163 / Réponses : 242. Pourcentages calculés sur la base
des interrogés
Age de l’enfant lors de la prise de conscience de ses difficultés par ses
parents
80
73
70
60
50
40
30
21
23
20
14
10
4
5
10
6
2
2
1
0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
1
1
0
0
0
0
0
0
0
0
10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
Moyenne = 1.95 ans
Les protocoles médicaux les plus récents recommandent au milieu médical de travailler le
plus tôt possible l’annonce du handicap avec les familles. Le principe est de ne pas laisser les
60
familles s’en rendre compte seules, et à chaque fois que possible cette annonce devrait être faite
dans le premier mois de vie de l’enfant (82).
La moitié des parents estiment avoir pris conscience par eux-même des difficultés de leur
enfant. Le milieu scolaire (25%), les entretiens avec les professionnels (13%), les observations de
l’entourage (5%) participent dans une moindre mesure à la première prise de conscience des
difficultés. Eliane Corbet, conseillère technique au CREAI Rhône Alpes, dans son intervention aux
5emes journées nationales de formation « Familles et SESSAD » nous apporte l’éclairage suivant :
« les travaux sur l’annonce du handicap ont montré que les parents savaient quelque peu déjà,
et la révélation consistait à retirer le voile sur ce qui est déjà su. La validation par les
professionnels permet de clore un processus de doute mais aussi d’atténuer une dépendance
à l’égard du savoir médical. » (83)
Quels sont les professionnels impliqués dans ce moment particulier qui est celui de
l’annonce ou de la confirmation des difficultés de l’enfant ?
Annonce du handicap de l’enfant : par quel professionnel ?
Effectifs
8
%
0
Milieu scolaire
Médecin spécialiste (pédiatre, psychiatre, neurologue...)
Autres spécialités médicale (personnel sanitaire et social)
secteur médico-social (éducatif, judiciaire)
médecin généraliste
33
77
16
6
27
19,9
46,4
9,6
3,6
16,3
TOTAL/ interrogés
166
95,8
Non réponse
Interrogés : 166 / Répondants : 158 / Réponses : 159. Pourcentages calculés sur la base des interrogés.
Les deux secteurs professionnels principalement concernés sont le secteur médical (72%)
(essentiellement les médecins), et le secteur scolaire (20 %).
Chacune des familles vit une histoire particulière. Pour autant ce qui semble ressortir des
données que nous venons d’évoquer, c’est deux types de parcours possibles. La découverte ou la
82 En 1985, le ministère des Affaires Sociales avait promulgué une circulaire « relative à la
sensibilisation des personnels de maternité à l’accueil des enfants nés avec un handicap et de leur
famille ». Dans une seconde circulaire, du 18 avril 2002, B. Kouchner et S. Royal (alors respectivement
Ministre de la santé et Ministre déléguée à la Famille, à l’Enfance et aux Personnes Handicapées) émettent
une série de recommandations liées à l’annonce prénatale et postnatale du handicap. Cette circulaire
reprend et abroge la circulaire précédente. Elle s’attache à définir les conditions permettant un
accompagnement satisfaisant des parents et une prise en charge attentive de l’enfant.
83 CORBET (E.), Parents-professionnels : acteurs de projets d’éducations spécifiques, in
Familles & SESSAD, Comprendre la famille et sa demande de coopération : quels services lui apporter ?,
(actes des 5èmes journées Nationales de Formation 2002, des 13 et 14 novembre 2002), CREAI de
Champagne-Ardenne, REIMS, 2003, p.75
61
prise de conscience des difficultés de l’enfant peut se faire soit de façon soudaine (par exemple à
la naissance le médecin annonce que l’enfant est atteint d’une maladie ou d’un handicap), soit de
manière progressive (par exemple progressivement les parents se rendent compte, ou apprennent
que leur enfant présente un retard dans son développement). En ce qui concerne les personnes
ayant répondu aux questionnaires, 35 % d’entre elles disent qu’elles ont découvert le handicap ou
les difficultés de leur enfant de façon soudaine, et 65 % de façon progressive (question numéro
2.7).
Pour obtenir un degré de précision supplémentaire dans notre analyse, nous avons croisé
les variables « circonstances de la prise de conscience des difficultés », « annonce faite par quel
professionnel ? », « modalités de la prise de conscience des difficultés : soudaine, ou
progressive » avec « nature du handicap de l’enfant »,
et
« entretien avec ce professionnel
aidant, ou pas ? » et obtenu le plan d’analyse factorielle de la page suivante.
La découverte « soudaine » ou « progressive » des difficultés
Trouble des acquisitions scolaires
de façon soudaine
annonce faite par le milieu scolaire
entretien pas du tout aidant
handicap mental léger
observations faites par l'école
par le médecin généraliste
maladie ou à un accident de l'enfant
à la naissance
handicap mental moyen
Malformat. congénitales, mal, chromosomiques
polyhandicap
entretien un peu aidant
de façon progressive
suite observations répondant
annonce médecin spécialiste
Ce plan d’analyse factorielle met en évidence deux types de parcours :
62
Premier type de parcours : celui lié à la découverte « soudaine » des difficultés
Le profil de modalité effectué sur la variable « découverte du handicap » met en évidence
que l’effectif de la modalité « découverte soudaine des difficultés de l’enfant » est plus importante
qu’elle ne devrait proportionnellement (statistiquement) l’être, chez les parents d’enfants souffrants
d’une maladie congénitale, d’une anomalie chromosomique, et chez les enfants polyhandicapés.
La prise de conscience des difficultés se fait principalement à la naissance, ou à la suite d’une
maladie, ou d’un accident de l’enfant. L’annonce est faite par le secteur médical (un médecin,
spécialiste ou généraliste). La découverte est vécue comme un choc, une blessure immense, un
monde qui s’écroule.
Sur les six témoignages recueillis dans cinq cas la prise de conscience du handicap de
l’enfant a été soudaine, brutale, vécue comme un choc. La place que réservait les parents à cet
enfant est mise à l’épreuve. Son arrivée apparaît comme une injustice insoutenable et
inadmissible pour les parents. L’annonce pour les parents constitue un traumatisme qui se
manifeste par une sensation de catastrophe, un sentiment de culpabilité, un effondrement.
« il y a une blessure immense, immense, un gouffre » (entretien n°1, page 2)
« On reçoit ce cataclysme de ce handicap là... » (entretien n°1, page 3)
« Alors là, cela a été un choc » (entretien n°3, page 2)
« on imagine pas avoir un enfant handicapé c’est…, à coté c’est tout le reste qui s’écroule. »
(entretien n° 3, page 12)
« et je me retrouve avec ça dans les pattes » (entretien n° 4, page 76)
« Quand mon fils est arrivé, en fin de compte c’était un tel bouleversement » (entretien n° 5,
page 10)
L’enfant attendu n’est pas l’enfant réel, des idées de mort surviennent. Puis à cette phase de
déception, de souffrance aiguë, où se mêle parfois l’envie de tout abandonner, de n’avoir pas à
s’occuper de l’enfant, succède une autre étape, qui ressemble à un processus d’adoption ou de
« réadoption » comme nous dit une personne interviewée. Les entretiens 1 et 3 sont tout à fait
illustratifs de ce processus.
« Nous on voulait l’euthanasie quoi. Parce que, quel est l’avenir de ces enfants ? Au niveau
système il y avait rien » (entretien n°3, page 2)
« dans ces styles d’handicap, ils parlaient, il marchaient, il faisaient tout ce qu’ils voulaient en
gros, bon. On s’est dit on va en faire quelqu’un de débrouillé » (entretien n°3, page 1)
« donc, on s’est donné à fond » (entretien n°3, page1)
« une fois qu’on a accepté ça, je crois qu’on le vit mieux. On vit l’enfant au quotidien quoi »
(entretien n°3, page 12)
ou, autre exemple avec l’entretien n°1
63
« Quelques temps après… Il y a quand même un grand désir de mort,…hein…, sur l’enfant »
(entretien n°1, page 1)
« Et associé au risque de, de malformation cardiaque, il y avait une espèce d’espoir atroce que,
ben il allait mourir quoi, et puis qu’on en parlerai plus… » (entretien n°1, page 2)
« Et puis on a dit que après tout, il était dedans tel qu’il était dehors, et que ce n’était pas le
moment de l’abandonner, devant le peu de possibilité qu’il y avait… Et qu’il devienne un …
Qu’il fasse son maximum petit père » (entretien n°1, page 1)
« Il ne ferait pas son maximum si c’était un enfant qu’on laissait à l’abandon » (entretien n°1,
page 1)
« Donc je l’ai adopté cet enfant là, qui était dans mon ventre, qui était différent, et que j’ai
réadopté comme étant le même » (entretien n°1, page 24)
Ces deux exemples (entretiens n°1 et n°3) montrent plusieurs aspects, à savoir le désir de
mort sur l’enfant avec la libération, le soulagement que cela pourrait apporter, puis le
questionnement autour de l’abandon (socialement plus acceptable que l’euthanasie). A cette
phase (extrêmement douloureuse), où ces deux solutions d’en finir sont évitées, succède la
perception que derrière le handicap il y a la personne, l’enfant et il s’opère comme un processus
d’adoption, de réadoption pour cet enfant qui d’emblée n’est pas perçu biologiquement comme le
sien.
Second type de parcours : celui lié à la découverte « progressive » des difficultés
Le profil de modalité effectué sur la variable « découverte du handicap » met en évidence
que l’effectif de la modalité « découverte progressive des difficultés de l’enfant » concerne
essentiellement les parents d’enfants dont le handicap mental est léger. La prise de conscience
des difficultés se fait surtout par l’intermédiaire des observations des parents, mais l’école joue
également un rôle essentiel de révélateur, ou, et, de confirmation des difficultés dans un certain
nombre de situations.
En ce qui concerne les témoignages qualitatifs, pour la sixième personne la découverte des
difficultés s’est faite selon ce processus, par étape, à la fois sur la base d’observations de la
maman concernant le développement de l’enfant, mais aussi par l’intermédiaire des proches, et
par la suite du milieu scolaire.
« Ce qui fait que c’est moi, par rapport à la fréquentation d’autres enfants qui étaient dans la
famille, qui ont environ le même âge, que moi en fait je me suis aperçue du retard de langage
d’Etienne, du retard de la marche, de la propreté, des choses que les autres faisaient et pas lui,
je sais pas moi, jouer avec une balle ou…, qui fait que le décalage on l’a constaté a ce moment
là. » (entretien n° 2, page 1)
64
Si le moment de l’annonce du handicap est quasiment toujours vécu comme un choc (dans
les deux types de parcours), dans ce deuxième type de trajectoire il est parfois également vécu
comme aidant. Il prolonge, confirme les observations que se sont faites les parents ou l’entourage
familial.
B) Les relations des professionnels avec les parents
Le souvenir de l’annonce du handicap reste majoritairement difficile (pour six personne sur
10). Une question « ouverte » du questionnaire (2.8), nous a permis de détailler le souvenir du
contenu de cet entretien.
Annonce du handicap : souvenirs de l'entretien
Effectifs
31
%
0
(+) Apport d'explications aidantes pour la prise en charge
(+) Qualité du dialogue
(+) Soulagement de savoir
(+) soutien du professionnel
(+) Souvenir positif, mais non explicité dans la réponse
6
3
5
2
7
3,6
1,8
3
1,2
4,2
(+/-) apport d'information (sans explicitation du répondant)
(+/-) perspectives, avenir de l’enfant
(+/-) Non acceptation des difficultés
32
16
6
19,3
9,6
3,6
(-) Absence de soutien, d'aide du professionnel
(-) Dialogue de mauvaise qualité avec le professionnel
(-) Insuffisance d'information
(-) sentiment d'isolement
(-) Souffrance (Un monde qui s'écroule)
(-) souvenir négatif, mais non explicité dans la réponse
4
11
11
3
57
15
2,4
6,6
6,6
1,8
34,3
9
TOTAL/ interrogés
166
107,2
Non réponse
Interrogés : 166 / Répondants : 135 / Réponses : 178. Pourcentages calculés sur la base des
interrogés.
La thématique « un monde qui s’écroule » apparaît 52 fois. Le thème de l’apport
d’information apparaît fréquemment, ainsi que celui de la qualité du dialogue avec le
professionnel.
Lorsqu’on interroge les personnes plus spécifiquement sur le souvenir qu’ils conservent du
professionnel, la question de sa compétence professionnelle apparaît une fois sur deux, et celle
de ses qualités humaines une fois sur trois. Le rapport relationnel (la qualité de la relation)
65
apparaît être un élément important (les parents vivent un moment extrêmement fragilisant), mais
la compétence professionnelle reste essentielle à leurs yeux.
Annonce du handicap : souvenirs du professionnel
Effectifs % Cumul
25
0
0
Non réponse
(+) personne
(-) personne
28
21
16,9
12,7
16,9
29,5
(+) souvenir favorable sans précision
(-) souvenir défavorable sans précision
20
9
12
5,4
41,6
47
(+) compétence
(-) compétence
52
32
31,3
19,3
78,3
97,6
Pas de souvenirs particuliers
16
9,6
107,2
TOTAL/ interrogés
166
107,2
0
Interrogés : 166 / Répondants : 141 / Réponses : 178. Pourcentages
calculés sur la base des interrogés.
Les entretiens qualitatifs permettent de mesurer la grande sensibilité des parents aux
réponses qui leurs sont faites, à la qualité des informations qui leur sont transmises, et au mode
d’accompagnement proposé dans ces moments :
« Donc aussitôt moi je leur ai demandé si c’était une trisomie 21, puisque c’était ce qu’on
entendait le plus, ils ont pas répondu, ils sont partis. » (entretien n°3, page1)
« Et en plus le pédiatre nous a envoyé ça dans la figure, nous disait : « Faites le deuil, au revoir
Monsieur, au revoir Madame ». » (entretien n°3, page 2)
« Là ça a été un très bon discours de la part des médecins qui nous ont dit, « ça dépend aussi
beaucoup des parents. » (entretien n°5, page 3)
Les échanges qui ont lieu pendant cette période peuvent « marquer », et d’une certaine
manière conditionner les relations ultérieures.
« C’est douloureux, c’est dur de dire ça d’un médecin, mais quand vous avez été échaudé par
plusieurs médecins avant… » (entretien n°6, page 36)
66
C) Le travail des professionnels vis à vis de l'enfant
Dans les entretiens qualitatifs plusieurs idées fortes apparaissent :
Certaines familles ne supportent pas qu’on leur ait caché des choses à un moment donné
ou à un autre. Elles ont alors le sentiment d’avoir été psychologiquement « floué », et en gardent
du ressentiment. Elles acceptent que les professionnels fassent des erreurs, se trompent, aient
été maladroits, mais pas d’avoir le sentiment d’avoir été trompées.
« Parce que même à la naissance ils me l’ont enlevé pour le faire voir. Ils m’ont dit que c’était
parce que ils le trouvaient mignon. Mais nous après, avec du recul, on a compris pourquoi ils
me l’avaient enlevé. C’était pour le faire voir, pour eux. Pour être sûr de leur diagnostic. »
(entretien n°3, page 3)
Les familles apparaissent très sensibles à la question de la transparence des informations
données, à leurs associations aux soins, aux dépistages entrepris.
« Elle est restée trois semaines en néonat, et ils ont lancé toutes les investigations possibles,
sans rien nous dire, pour voir qu’elle était le problème de L. » (entretien n°6, page1)
« on a fini dans toutes nos attentes par se dire « est-ce qu’il n’y a pas eu quelque chose à la
naissance qu’on nous aurait caché ? ». On finit par se poser toutes les questions possibles et
imaginables. » (entretien n°6, page 3)
Lorsqu’ils ne se sentent pas suffisamment associés, informés, le risque est grand que les
démarches médicales soient vécues comme une forme d’appropriation de l’enfant par le secteur
médical au détriment des parents.
« Et pendant tout ce temps là je n’ai pas revu L. pendant deux ou, trois jours » entretien n°1,
page 1)
« Quand M. est né, à un moment donné ils nous ont enlevé M. » (entretien n°3, page 1)
Après avoir abordé le temps de la découverte des difficultés de l’enfant, nous allons
maintenant passer à la trajectoire de vie de l’enfant.
67
Deuxième partie : la trajectoire de vie de l'enfant
Nous avons émis l’hypothèse que les parents vont faire jouer différentes logiques en
fonction de la nature du handicap de l’enfant. Aussi nous proposons de regarder dans un premier
temps les difficultés rencontrées par les enfants concernés, avant de voir les répercussions de
celles-ci sur les parents. Nous aborderons ensuite le parcours institutionnel de l’enfant, et enfin les
représentations qu’ont les parents de l’avenir pour leur enfant.
A) L’handicap de l’enfant
Selon la classification de WOOD, le handicap comporte trois niveaux, l’atteinte sur le corps
« il est atteint de trisomie 21, il a développé telle ou telle maladie… », l’impossibilité à faire « J’ai
tout de suite compris que Mathieu, au niveau de ses possibilités, serait très réduites » (entretien
n°4, page 35), et l’impossibilité sociale à remplir les rôles qu’on aurait pu remplir si on n’était pas
handicapé « Et notre rêve c’était qu’effectivement il reste dans l’éducation nationale » (entretien
n°1, page 12).
Nous avons questionné les familles sur la nature du handicap de leur enfant, et construit les
tableaux qui suivent à partir de leurs réponses. Bien que le mode de consultation cherche à
atteindre une certaine objectivité, il s’agit dans le recueil d’information obtenu, du handicap
« perçu » par les parents, de l’idée que se fait la famille des troubles de son enfant.
C’est avec l’aide d’une infirmière d’un établissement spécialisé que nous avons construit les
rubriques du premier tableau qui suit, et classé les réponses par rubriques. Pour cela nous nous
sommes basés sur la classification du CIM 10. Le CIM 10 (Classification internationale des
Maladies) est une classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé.
Cette classification a pour but de permettre l’analyse, l’interprétation et la comparaison des
données de mortalité et de morbidité recueillies dans différents pays ou régions.
Le deuxième tableau synthétise les réponses à la question 2.4 « quelle est la nature du
handicap de votre enfant ? », avec comme réponses les choix : « handicap mental léger »,
« handicap mental moyen », « handicap mental sévère », « polyhandicap ».
68
Maladie ou handicap de l'enfant concerné
regroupement effectué selon la classification du CIM 10
Effectifs
Non réponse
17
- Affection périnatale (chap. 16)
4
- Retard mental (chap. 5 F79)
20
- Trouble dévelopt. moteur et psychomoteur (chap. 5 F82 et 83)
17
- Maladie du système nerveux (chap. 6)
15
- Trouble des acquisitions scolaires (chap. 5 F81)
18
- Trouble envahissants du développement (chap. 5 F84)
14
- Malformation congénitale, anomalies chromosomiques (chap. 17)
47
- Trouble de la parole et du langage (chapitre 5 F80)
6
- Divers (chap. 13, 18, 20, 21)
5
- Trouble du comportement et émotionnel (chap. 5 F90 et F98)
3
166
TOTAL
Nature de la déficience
60
51
50
41
40
30
31
22
21
20
10
0
Non réponse
handicap
mental léger
handicap
handicap
polyhandicap
mental moyen mental sévère
La forte proportion d’enfants polyhandicapés est surtout liée à la consultation des parents de
l’IME de Graye sur Mer (établissement agréé annexe 24 ter).
Avec le graphique suivant nous avons essayé de distinguer les situations où les parents ont
décrit l’atteinte sur le corps (modalité « causes » du handicap), par exemple : maladie génétique,
pathologie de la grossesse, de celles où les parents parlent des conséquences du handicap, de
l’impossibilité à faire « normalement » (modalités « manifestations »).
69
Tableau causes (atteintes sur le corps) / conséquences (impossibilités à faire)
47%
Causes
Manifestations
53%
Ces résultats relativement équilibrés quant à leur répartition, sont fonction à notre avis de la
connaissance ou non de la maladie de l’enfant par les parents et appellent les questions
suivantes : est-ce qu’un diagnostic a pu être posé ? Est-ce qu’une partie de la compréhension ou
de la connaissance de la problématique de l’enfant est méconnue ? Si tel est le cas quelles en
sont les conséquences pour les familles à « trouver » les bonnes attitudes. Sur le terrain, nous
observons que parfois les professionnels de santé sont prudents dans leur diagnostic (pour éviter
d’étiqueter l’enfant), et ce qui est travaillé à surtout à voir avec les conséquences, manifestations
du handicap.
B) L’acquisition du stigmate par les parents
La souffrance des familles
L’intensité de la souffrance parentale, sa persistance dans le temps sont des éléments qui
sont fortement apparus lors de la passation des questionnaires et des entretiens.
Réponses à la question : « Estimez-vous avoir rencontré
des difficultés psychologiques ? »
86
100
58
80
60
40
20
5
17
0
Non réponse
pas du tout
un peu
beaucoup
Le fort pourcentage (87%) de personnes indiquant dans les questionnaires avoir rencontré
des difficultés psychologique apparaît tout à fait significatif.
Les entretiens qualitatifs montrent que les difficultés de l’enfant modifient les notions de
temps et d’espace de la famille, l’image que les parents ont d’eux-mêmes, celle que leur renvoie
70
l’extérieur. L’identité première est bousculée et amène les parents à s’en construire une autre pour
faire face à la situation.
L’ouvrage de E. Goffman (84) nous a guidé dans l’analyse des entretiens et nous a permis
de mettre en évidence plusieurs thématiques qui à notre avis éclairent quelques caractéristiques
des représentations parentales, la façon dont ils se perçoivent, et se représentent le monde.
La « diffusion » du stigmate sur les parents
Pour comprendre les représentations parentales, dont nous postulons qu’elles contribuent à
structurer les rapports sociaux (et donc les relations parents/professionnels), nous nous sommes
appuyés sur la théorie de Goffman pour qui l’acquisition du stigmate est sociale, relationnelle.
C’est l’extérieur, la société, qui renvoie, construit le caractère discréditant d’un attribut, et il définit
le terme stigmate de la manière suivante :
« Le mot de stigmate servira donc à désigner un attribut qui jette un discrédit profond, mais il
faut bien voir qu’en réalité c’est en terme de relations et non d’attribut qu’il convient de parler »
(85)
Ce qui ressort de manière importante dans les entretiens c’est que le handicap de l’enfant,
d’une certaine manière, se diffuse sur les parents. Le stigmate de l’enfant bouscule l’image sociale
qu’ont les parents d’eux-mêmes. Le stigmate de l’enfant devient pour partie le leur.
« Et brusquement, ce que j’ai… J’ai été projeté du coté où…, il y avait, un, un handicap terrible
quoi. Brusquement j’arrivais avec cette image brisée. » (entretien n°1, page 36)
« C’est quelque chose de très douloureux de se dépouiller des oripeaux sociaux, pour dire ben
oui en effet un enfant c’est aussi une part de la panoplie sociale » (entretien n°1, page 8)
Goffman nous explique avec beaucoup de clarté le processus de contagion du stigmate sur
les proches.
« Un deuxième type d’initié est représenté par l’individu que la structure sociale lie à une
personne affligée d’un stigmate, relation telle que, sous certains rapports, la société en vient à
les traiter tous deux comme s’ils n’étaient qu’un. Ainsi la loyale épouse du malade mentale, la
fille de l’ancien condamné, le parent de l’infirme, l’ami de l’aveugle, la famille du bourreau, sont
tous obligés de prendre sur eux une partie du discrédit qui frappe la personne stigmatisée qui
leur est proche. Face à un tel destin ils peuvent l’embrasser, et vivre dans le monde du
stigmatisé. » « … » « Les problèmes des personnes stigmatisés se diffusent comme des
ondes, d’intensité toujours moindre. » (86)
84 (E.), GOFFMAN Stigmate, les usages sociaux des handicaps, Les éditions de Minuits, Le sens
commun, Paris, 1975
85 (E.), GOFFMAN, Ibid., p. 13
86 (E.), GOFFMAN, Ibid., p. 43
71
Dans les témoignages recueillis le stigmate de l’enfant rejaillit douloureusement sur les
parents. Ils ont parfois le sentiment d’être perçus comme responsables, d’être à l’origine des
difficultés de l’enfant.
« les gens peuvent faire un rapprochement sur : oui, il a un enfant handicapé, donc lui il doit
sûrement avoir une tare quelque part » (entretien n°4, page 21)
« on peut tout à fait penser que c’est héréditaire, que c’est la même chose avec Etienne »
(entretien n°2, page 4)
« Et le regard des autres, le fait de se dire « finalement j’ai été capable, de mettre au monde un
enfant, mais qu’un enfant handicapé » (entretien n°3, page 9)
A la culpabilité sont souvent associés d’autres sentiments, celui de la honte, et celui d’être
disqualifié.
« Et dans les yeux de ma famille je vois toujours que j’ai engendré un monstre... Et si c’est pas
de la pitié, c’est teinté vaguement de… Oh, de dégoût… » (entretien n°1, page 2)
E. Goffman nous propose l’explication sociale suivante de ce processus de dépréciation.
« De plus, les critères que la société lui a fait intérioriser sont autant d’instruments qui le
rendent intimement sensible à ce que les autres voient comme sa déficience, et qui,
inévitablement, l’amènent, ne serait-ce que par instants, à admettre qu’en effet il n’est pas à la
hauteur de ce qu’il devrait être. La honte surgit dès lors au centre des possibilités chez cet
individu qui perçoit l’un de ses propres attributs comme une chose avilissante à posséder, une
chose qu’il se verrait bien ne pas posséder. » (87)
Ce que confirme l’entretien n°1,
« Et que si on avait pu mettre la machine à l’envers ça aurait été bien sympa quand même »
(entretien n° 1, page 36)
Dans tous les entretiens le poids du regard de l’autre, comme vecteur de la construction du
stigmate, apparaît de façon récurrente.
« c’est alors que j’ai souffert du regard des autres, je me suis sentie avoir très chaud, et je me
suis dis « alors finalement je dérange vraiment avec ma petite fille, et je m’en rendais pas
compte de ça » ». (entretien n°6, page 54)
« Mais qu’on en ait un regard, oui, comme toute chose différente, on est tenté de regarder. Ca
me choque pas. Mais c’est la qualité du regard et l’intention derrière qui…Et je m’aperçois
qu’effectivement que cette personne, que cette personne là, à mon avis, se dit « ouf, ça aurait
pu m’arriver, donc quelque part, je ne prends pas ce parcours, je ne subis pas ce parcours là
quoi ». Donc effectivement nous, et ben la trajectoire, on est dans un monde, dans
l’handicap. » (entretien n°4, page 22)
« Et ma belle panoplie sociale elle est vachement abîmée, alors qu’est-ce que je fais ? Je me
cache, je me montre ? je fais de l’ostentation, j’astique le truc pour qu’il soit le plus moche le
87 (E.), GOFFMAN, Ibid., p. 17 et 18
72
plus beau, je lui paye une Rolls pour le pousser dans la rue… Toutes ces choses traceuses de
l’apparence. » (entretien n°1, page 8)
C’est également en comparant son enfant avec d’autres, notamment à travers ses
impossibilités à faire comme les autres, que les parents prennent conscience du handicap de
l’enfant.
« j’ai dit à mon mari, c’est vraiment pas juste, parce que regarde, elle est malheureuse. Les
autres ont joué avec elle, mais si ils ont plus envie ils s’en vont. L., si elle n’a plus envie de
jouer avec quelqu’un, L. ne peut pas partir, si elle a envie de les suivre elle peut pas »
(entretien n°6, page 24)
L’évolution du stigmate dans le temps
L’acquisition du stigmate n’est pas un processus figé, mais évolutif. Par exemple, souvent
lorsque l’enfant est petit, le poids du regard de l’autre est moindre. C’est en grandissant que les
parents et l’enfant basculent dans le stigmate.
« Quand il était petit, M. cela ne se voyait pas de trop avec les poussettes ; maintenant
évidemment en poussette cela se voit plus, et moi je suis plus en retrait »» (entretien n°3, page
2)
« Ca s’est fait petit à petit, parce qu’en fin de compte vous vous en apercevez difficilement.
Quand ils sont tout petits, ça fait comme un bébé. C’est ce que moi tout le monde me disait
« c’est un bébé ». C’est vrai. Mais ça fait douze ans moi qu’il est un bébé. Cela fait douze ans
que je mange en faisant manger mon fils à table » (entretien n°3, page 10)
De façon inverse avec le temps on observe un processus « d’habituation ».
« Donc le handicap après on le minimise. » (entretien n°2, page 24)
« au fur et à mesure, on voit bien qu’on s’émancipe, qu’on s’autonomise par rapport à l’idée
qu’on se faisait du handicap. Que on est plus tranquille. Puisque la douleur se fait beaucoup
moins intense. » (entretien n°1, page 18)
Certains parents s’efforcent avec le temps de relativiser et de « ressortir » les aspects
positifs des difficultés rencontrées :
« Oui, ça m’a fait comprendre qu’E. il fallait l’accepter dans la vie comme il était, que ce n’était
pas la fin du monde, et que c’était aussi un trésor » (entretien n°2, page 10)
« mon fils m’a fait comprendre que, à un moment donné, que vous le vouliez, ou que vous le
vouliez pas, c’est aussi la vie de… Mais vous prendrez inévitablement ce circuit là » (entretien
n°4, page 74)
« Moi je pense que ça a permis de creuser des parts de ma personnalité qui n’auraient pas été
mises à nues. Et qui a permis une mise à nue, et justement un dépouillement d’oripeaux
sociaux et tout… » (entretien n°1, page 37)
73
E. Goffman nous apporte l’éclairage suivant :
« Mais il se peut aussi qu’il voie dans les épreuves qu’il a subies une bénédiction déguisée,
pour cette raison en particulier que, estime t-on, la souffrance est capable d’enseigner
certaines choses sur la vie et les hommes ».(88)
Pour autant chaque étape du développement de l’enfant, de son parcours, à travers
notamment « les impossibilités à faire » normalement, peut raviver les difficultés.
« Le deuil ne finit jamais parce qu’il est toujours renouvelé par les choses qu’il fera
différemment, qu’il ne fera pas, et tous les âges de la vie, à tous les âges de la vie s’ouvrent
des choses qu’on va faire, ou qu’on ne va pas faire » (entretien n°1, page 8)
C) Le parcours institutionnel de l’enfant
Lorsque l’enfant est petit, les parents s’efforcent d’entourer leur enfant d’une enveloppe
protectrice.
« Le contact…, toute cette atmosphère, c’est pour ça que nous, on a opté tout de suite vers
l’hospitalisation à domicile. » (entretien n°5, page 3)
E. Goffman décrit ce processus de la façon suivante :
« une autre structure fondamentale est créée par la capacité qu’a la famille, et, dans une
moindre mesure, le voisinage, d’entourer ses petits d’une enveloppe protectrice. Au sein de
celle-ci, il est possible de soutenir l’enfant stigmatisé de naissance en prenant soin de contrôler
l’information…. Néanmoins, il vient un moment où le cercle domestique ne peut plus jouer son
rôle protecteur, moment qui varie selon la classe sociale, le lieu d’habitation et le type de
stigmate, mais qui représente toujours une épreuve morale. » (89)
Puis chaque étape du parcours institutionnel de l’enfant vient ensuite confirmer aux yeux de
tous, des parents, des professionnels, mais aussi de l’enfant, son handicap. Le stigmate se
constitue à travers l’extérieur, dans le regard de l’autre, comme nous l’avons vu précédemment,
mais également à travers ce qu’essaie de mettre en place la société pour aider l’enfant et sa
famille (à travers le processus de discrimination positive mis en place par la société).
« si on l’aidait plus que les autres c’était douloureux, si on le laissait en plan c’était
douloureux » (entretien n°1, page 9)
« En fait j’ai jamais moi considéré E. en fait aussi comme un handicapé, parce qu’il n’en a
jamais eu le statut, j’ai jamais touché de sous de la CAF pour ça. Je m’y suis totalement
refusée » (entretien n°2, page 10)
88 (E.), GOFFMAN, Ibid., p. 22
89 (E.), GOFFMAN, Ibid., p. 46
74
Chacun de ces moments, liés aux aides, soins, démarches sont des nouvelles rencontres
avec des professionnels, la plupart du temps nouveaux et constituent une succession
d’interactions dans le temps « marquant » d’une certaine manière le stigmate.
« C’était du caritatif encore une fois. « Regardez comme on est joli puisqu’on l’a au sein de
nous. ». (entretien n°1, page 10)
Les parents sont très sensibles à la visibilité du stigmate, que E. Goffman définit de la façon
suivante
« …le problème de la « visibilité » d’un stigmate, autrement dit, de sa plus ou moins grande
aptitude à produire le moyen de faire savoir qu’il est possédé par tel individu. » (90)
« on n’avait pas ce coté comme par exemple de parents avec des enfants avec un bec de
lièvre, des choses comme ça, qui font un rejet beaucoup plus fort, parce que le handicap il est
visible » (entretien n°5, page 2)
« E. quand on le voit on ne s’aperçoit pas qu’il ait des problèmes » (entretien n°2, page 2)
« C’était pas comme ces enfants qui naissent polyhandicapés, où dès la naissance c’est
visible, et là dès la naissance les parents disent « qu’est-ce qu’on va faire ? ». (entretien n°5,
page 3)
A travers la lecture des entretiens, se dégage l’hypothèse que la visibilité du stigmate de
l’enfant va amener des stratégies d’insertion différentes. Si le handicap est visible, il y aura mise
en place de stratégie « d’adaptation » (par exemple trouver une place dans un établissement pour
son enfant polyhandicapé, réduire les contraintes, éviter les situations déplaisantes…). A l’inverse
si les difficultés sont légères, et le handicap peu visible, les parents ont la volonté d’intégrer
l’enfant dans les circuits ordinaires. La stratégie va alors être orientée sur le fait de faire
disparaître le stigmate, où tout du moins de le « cacher ». Cette stratégie d’insertion apparaît plus
difficile car ici l’enfant et ses parents sont « discréditables », et cela apparaît plus difficile à gérer.
Les entretiens confirme que à chaque fois que cela apparaît possible pour les parents, ceuxci privilégient les circuits ordinaires (de l’Education Nationale, mais aussi d’insertion socioprofessionnelle).
« Et notre rêve c’était qu’effectivement il reste dans l’éducation nationale » (entretien n°1, page
12)
« Là où il est maintenant en apprentissage professionnel, il est hors de question qu’il se
retrouve avec un emploi protégé, sur un atelier avec des personnes handicapées » (entretien
n°2, page 11)
90 (E.), GOFFMAN, Ibid., p. 64
75
« Mais j’espère qu’il fera autre chose qu’un CAT parce que, quoi que ça c’est amélioré »
(entretien n°5, page 33)
Mais lorsque l’orientation est devenue nécessité, que les circuits ordinaires ne peuvent plus,
ou pas répondre, la préoccupation des parents est de trouver une place pour leur enfant dans un
établissement qui soit adapté à ses besoins.
« Il a fallu faire son deuil de ça aussi, hein. Que l’éducation nationale n’était pas ouverte à tous,
qu’elle avait pas la capacité de le faire, et qu’elle n’avait pas la volonté non plus de changer
cela. Bon à partir de ce moment là, fallait se repositionner, et rapidement » (entretien n°1, page
16)
« On avait plus notre place, et c’était là aussi le problème, c’est de savoir où on a sa place par
rapport au handicap de son enfant. » (entretien n°3, page 13)
Pour les parents le choix s’avère en réalité souvent limité :
Réponses à la question : "avez-vous eu le choix entre plusieurs
établissements ?"
108
120
100
80
51
60
40
7
20
0
Non réponse
oui
non
30 % des parents seulement indiquent avoir eu le choix entre plusieurs établissements.
« Mon mari a eu beaucoup de difficulté. Donc, moi aussi, mais je passais en me disant « je n’ai
pas le choix de toute façon ». Fallait trouver une structure pour M., et on a pas le choix des
structures » (entretien n°3, page 13)
La proximité de l’établissement est un élément important pour les parents.
« Donc il y avait Lisieux, où Pont l’Evêque, où Caen. Mais Caen cela faisait loin » (entretien
n°1, page 6)
Deux attitudes sont possibles concernant l’orientation de l’enfant, déléguer complètement
celle-ci à la CDES, ou alors agir en amont (anticiper). De nombreux parents nous ont dit qu’il était
particulièrement important pour eux d’être associés à l’orientation de leur enfant. Ils peuvent
légalement participer à la commission CDES, ou donner leur avis en répondant par courrier à la
sollicitation de la CDES. A ce titre 109 parents sur 166 ont répondu avoir exprimé leur avis à la
CDES, soit en y participant, soit en répondant aux courriers de la CDES.
Certains, plus rares, font appel des décisions CDES.
76
« Donc on a fait casser la décision de la CDES, et B. a intégré cette année le jardin d’enfants »
(entretien n°5, page 5)
D’autres ont « démarché » auparavant les établissements de manière à obtenir l’orientation
qui leur paraissait la plus adaptée (parfois déjà au moins trouver une place à leur enfant),
l’orientation étant ensuite entérinée par la CDES.
« J’essaye de trouver ce qui est le plus adapté, premièrement, et puis je le fais parce que je
sais que de l’autre coté on me proposera rien » (entretien n°5, page 5)
« après on a court-circuité un petit peu tout ce qui se faisait en organisme, comme la DASS, et
on a directement été démarcher les IME, les centres spécialisés » (entretien n°5, page 4)
Dans plusieurs entretiens, les familles comparent ces démarches auprès des établissements
à un parcours du combattant.
« Et tout parent dira que c’est un combat. Faut dire qu’en effet il est merveilleux malgré son
handicap, et qu’il peut faire plein de choses, et flatter en même temps, en disant que l’IME est
une structure formidable qui apporterait énormément de choses à notre enfant » (entretien n°6,
page 11)
« Et puis on a réussi à vendre notre fils à Graye sur Mer » (entretien n°5, page 4)
« C’est, disons, « nous si vous prenez Bastien, on va venir faire du boulot chez vous ». « On va
venir, on vous le dis à l’avance, mais on sera au conseil d’établissement, on sera dans des
trucs… ». Ben d’entrée de jeu, nous on dit aux gens « on va participer ». Bon ben tout ça, ça
aide. » (entretien n°5, page 24)
Ces exemples font apparaître des formes de stratégies assimilées à une démarche
commerciale (« on a réussi à vendre »), où l’objectif est de trouver une place dans un
établissement adapté à son enfant. Les moyens déployés ici sont, dans la première citation de
donner aux professionnels l’envie de s’occuper de l’enfant, et dans la troisième citation, en
contrepartie, de proposer une participation active des parents de l’enfant dans certaines instances
de l’établissement.
D) L’avenir de l’enfant
Lorsque nous avons questionné les parents sur la trajectoire de vie de leurs enfants, deux
thèmes liés à l’entrée dans l’âge adulte (celui de l’insertion professionnelle et sociale, et celui de la
vie affective et sexuelle), sont apparus avec une certaine acuité.
77
Le premier est la préoccupation que leur enfant trouve une place dans la société, (ou en
institution lorsque les difficultés sont importantes), qu’il soit intégré et qu’il contribue si possible,
avec ses possibilités, à la marche de la société :
« Le but est que M. soit dans un centre » (entretien n°4, page 44)
« Et qu’il aurait une utilité sociale, puisqu’il pourrait faire un métier, dans la matière qu’il aimerait
mieux » (entretien n°1, page 35)
Le deuxième thème est celui de la vie affective et sexuelle de l’enfant :
« Et puis qu’il soit… Par exemple, épanoui, sexuellement. Je vois que L. est en pleine
formation…, que, bon, il est amoureux de toutes les femmes » (entretien n°1, page 35)
« Derrière ça (ton plus grave), il se cache un deuil. C’est à dire que L. n’aura sans doute pas
d’enfant. » (entretien n°1, page35)
« Est-ce qu’elle va évoluer un peu plus, et qu’elle aura une vie de couple ? On ne sait pas. »
(entretien n°6, page 57)
Une autre préoccupation parentale, est celle de l’avenir de leur enfant après leur mort, avec
les interrogations suivantes : « Qui s’en occupera après nous ? », « Les frères et sœurs ? », « Un
proche ? », « Une institution ?… ».
Dans cette partie nous venons de voir quelques éléments qui permettent de mesurer
l’impact du handicap de l’enfant, qui de part son état et ses composantes, marque d’une certaine
manière l’identité parentale. En outre, les difficultés obligent les parents à chercher pour leur
enfant une trajectoire de vie possible, qui soit la plus appropriée à ses besoins et aux possibilités
de la famille. Trajectoire qui d’une certaine manière « marque » également les parents. L’avenir de
l’enfant est également une préoccupation forte pour les familles. Dans la troisième partie nous
aborderons les conséquences sociales du handicap sur la vie familiale.
Troisième partie : les conséquences sociales du handicap sur les
habitudes de vie
Le handicap apporte des repères nouveaux, modifie les représentations parentales. Le rôle
de « parents classique » est, d’un certain point de vue, confisqué chez les parents d’un enfant
78
handicapé (le fait de ne pas pouvoir aller au restaurant, de ne pas pouvoir emmener normalement
son enfant au cinéma, à l’école…, de devoir mettre en place des aménagements horaires…). Les
parents se voient interdire des rôles sociaux auxquels ils auraient pu prétendre habituellement.
Dans la partie suivante, nous allons essayer de voir un peu plus précisément de quelles
façons les habitudes de vie parentales se trouvent modifiées. Pour cela, nous aborderons les
thèmes suivants : l’activité professionnelle, les loisirs et les activités extra-professionnelles, la vie
de couple, les autres enfants de la famille, le logement, la vie quotidienne et enfin le réseau
familial et amical.
A) L’activité professionnelle
Plus d’une famille sur trois a indiqué dans les questionnaires que les difficultés de leur
enfant avaient entraîné des conséquences sur la vie professionnelle du couple. Ces
conséquences apparaissent différentes chez les hommes et les femmes.
Six questionnaires sur 166 révèlent que le père de famille avait, soit changé de travail, soit
modifié ses horaires. Ces changements se sont traduits par la recherche d’un travail proche de
l’établissement accueillant l’enfant, le souci d’aménager des horaires professionnels compatibles
avec la prise en charge quotidienne de l’enfant, mais également, pour une personne, la nécessité
d’améliorer financièrement les revenus au regard des dépenses supplémentaires générées par le
handicap.
De façon beaucoup plus importante en proportion, 47 mères de famille sur 166 (environ 30
% des questionnaires, soit sept fois plus que les hommes) déclarent que les difficultés de l’enfant
ont eu des répercussions sur leur situation professionnelle (arrêt complet de leur travail pour 27
d’entre elles, travail à temps partiel pour 6 autres, choix de travailler à domicile pour 4 mamans qui
sont alors devenues assistantes maternelles, et 8 autres ont changé de travail).
Les raisons évoquées sont : vouloir avoir du temps pour s’occuper de l’enfant (33 réponses),
pouvoir conjuguer son travail avec le fait de s’occuper de son enfant (6 réponses). Une explication
possible de cet écart de proportion est que la « domesticité » reste principalement l’affaire des
femmes. Pour autant, une des limites de ces résultats est qu’il est difficile de mesurer, de
différencier les conséquences liées à l’handicap de l’enfant, d’une réorganisation familiale et
professionnelle normale, ordinaire, consécutive à l’arrivée d’un enfant.
A travers les termes utilisés dans les réponses à la question « texte » 5.8 (« …. si oui pour
quelles raisons avez vous changé de travail ? »), il apparaît que si, quelquefois, les mères
présentent ce changement de situation professionnelle comme un choix, le plus souvent il est
décrit comme une contrainte : (exemple : « du fait de l’handicap, obligation de rester à la
maison », « horaires non compatibles »…). L’entretien numéro 5 illustre le caractère contraint et
souvent mal vécu.
79
« Mon épouse a eu beaucoup plus de mal, parce que ça a été la rupture du monde du travail,
etc., quoi. Mais bon c’était un choix qu’on a fait quoi. » (entretien n°5, page 11)
« Par exemple du fait que mon épouse était démissionnaire, déjà ça a permis de… Elle avait
démissionné de son travail, donc ça a permis de pouvoir voir le temps venir tranquillement.
Donc avec ça on avait pas trop de problèmes d’organisation. » (entretien n° 5)
A l’inverse, certaines mères de familles font le choix de poursuivre leur travail. Elles
décrivent alors ce choix comme une nécessité pour leur équilibre.
« Des fois je me dis, si je ne travaillais pas, comment je serais si j’avais gardé M. à la maison ?
Je pense que je n’aurais pas pu. Physiquement je n’aurais pas supporté de garder M. à la
maison, ça c’est clair, j’aurais été hyper énervée. » (entretien n°3)
« je m’applique à le mettre à distance suffisamment pour continuer à travailler. » (entretien n°
1)
Mais concilier les besoins de l’enfant avec le travail génère des difficultés, notamment
d’organisation horaire.
« si je n’avais pas travaillé là où je travaille, je pense que je serais déjà sans emploi. »
(entretien n° 3)
« je travaille trente deux heures par semaine, donc avec les horaires de M., les autres enfants
à la maison, et tout cela, c’est hyper stressant. » (entretien n°3)
Les conséquences financières ont été abordées à plusieurs reprises. Elles sont de deux
ordres : une baisse des revenus liée à une diminution d’activité, mais également le surcoût
financier généré par le handicap de l’enfant (soins, matériels, aménagements de la maison, de la
voiture…).
« C’est à dire maintenant on travaille plus… » (entretien n°4)
« On est censé travailler, de toute façon pour élever notre fils, pour le mettre dans le confort
comme on disait tout à l’heure, et on est obligé de réduire nos horaires, de réduire, parce que
c’est le quotidien, quoi. » (entretien n°4)
« bon lâcher son travail c’est aussi lâcher un certain fric, derrière. Il y a ce côté là, il y le train de
vie qui baisse, il y a tout ce côté là qui est important aussi. » (entretien n°5)
B) Les loisirs et les activités extra-professionnelles
La lecture des données relatives à ce chapitre met assez largement en évidence le
caractère contraignant du handicap sur les loisirs familiaux. Ce qui nous est apparu intéressant,
ne sont pas tant les conséquences sur les loisirs familiaux en terme de contraintes, mais le fait
80
qu’avec le temps des adaptations, des aménagements, réaménagements s’opèrent, tant en
termes organisationnel, qu’au regard des activités investies.
« Et puis on a mis M. en internat le mardi soir, justement, pour essayer d’avoir du temps pour
nous, et pour les autres enfants. » (entretien n°3, page 7)
« On s’est beaucoup plus occupé des gens après, qu’avant. » (entretien n°5, page 9)
« Et dernièrement on était à un spectacle avec mon mari, un spectacle de danse, et,
maintenant on le fait, avant on y pensait jamais, mais sortir seul avec L. avant on ne le faisait
pas. » (entretien n°6, page 52)
« Et après la naissance de L., c’était quelque chose que je voulais dire tout à l’heure, que,
puisqu’on parlait du fait que j’écris, et bien, je n’ai pas pu tenir un appareil photo, jusqu’à,
maintenant, où j’ai à nouveau le désir de photographier. » (entretien n°1, page 41)
C) La vie de couple
Sur le terrain nous entendons parfois les professionnels exprimer que le handicap de
l’enfant génère de telles difficultés qu’il entraîne fréquemment la rupture du couple.
Situation matrimoniale des parents ayant répondu au
questionnaire
118
120
100
80
60
37
40
6
20
5
0
Non réponse marié /union
libre
séparé
/divorcé
Veuf, veuve
Les données recueillies montrent que les ruptures n’apparaissent pas plus importantes sur
cet échantillon que sur les pourcentages nationaux (à peu près 30 % de divorce à l’échelle
nationale). Les ruptures ne sont pas plus importantes dans les familles rassemblées dans les
institutions, ce qui va à l’encontre du sens commun.
Malgré tout à travers les témoignages on remarque que l’enfant peut être pris dans les
mêmes enjeux, conflits, que dans les autres familles, avec peut-être une dimension particulière
apportée par le handicap qu’il nous est difficile de mesurer.
« Toute cette situation particulière a fait que le couple s’est séparé, a commencé à se
séparer. » (entretien n°2)
81
A la question spécifiquement posée d’un lien entre la rupture et le handicap, seul 13
personnes sur 166 (8%), ont exprimé que le handicap de l’enfant avait contribué à la séparation
du couple parental. Mais ce qui apparaît assez nettement dans les entretiens qualitatifs, c’est que
les difficultés de l’enfant « bousculent », et interrogent le couple dans son fonctionnement, ses
projets.
« Ca a provoqué quelques conflits sur le mode d’éducation, de l’éducation vis-à-vis de lui. »
(entretien n°2)
« Dans le couple, soit ça le dissout, soit ça le rapproche, mais ça casse quelque chose quand
même. » (entretien n°3)
« maintenant si M. mourrait, est-ce qu’on resterait ensemble. On peut se poser la question,
parce que tout est soudé autour de cet enfant, en fin de compte. » (entretien n°3)
D) Les autres enfants de la famille
Les répercussions des difficultés de l’enfant handicapé sur ses frères et sœurs sont
longtemps passées inaperçues chez les professionnels, mais commencent à être un peu mieux
connues et prises en compte.
« la naissance d’un enfant handicapé n’est pas seulement l’affaire des parents, des soignants
et des éducateurs qui l’accompagnent. Elle concernent également la fratrie, en retentissant sur
la construction psychique de chacun de ses membres. (…) Pèsent dorénavant sur eux
l’angoisse, la révolte, le désespoir et les profonds remaniements provoqués par l’intrusion du
handicap au cœur de la famille » (91)
Régines Scelles, psychologue clinicienne (université Paris 7), explique que les résultats
obtenus lors d’études réalisées par des psychologues (pour la plupart nord-américains), mettent
en évidence qu’un nombre important de variables intervient dans la façon dont les frères et sœurs
sont affectés par la présence d’un enfant handicapé dans la famille. Des effets positifs (plus
grande tolérance, altruisme…) et négatifs (troubles psychologiques plus importants que chez les
enfants des groupes contrôles…, problèmes d’identité) ont été relevés et font l’objet de vifs débats
entre les chercheurs (92).
Les entretiens qualitatifs montrent que les parents sont très sensibles aux possibles
répercussions sur les autres enfants de la fratrie.
91 GARDOU (C.) et ses collaborateurs, Frères et sœurs de personnes handicapées, in Le
handicap en visages –3, Erès, Toulouse, 1997, p. 14.
92 SCELLES (R.), La fratrie des personnes handicapées dans la littérature anglaise, in
Handicaps et inadaptations, les cahiers du CTNERHI, n°64, octobre-décembre 1994, pp. 73-89.
82
« Et puis derrière il y a un petit enfant qui a toutes ses facultés, qui est en pleine possession de
ses moyens, qui pousse, et qui lui aussi doit faire des deuils…, sur la fratrie.. » (entretien n°1)
« Et c’est ça qui nous a tellement soucié, quand on a conçu F., c’était qu’il porte pas cette
brisure. » (entretien n°1)
Certains parents expriment que l’enfant handicapé accapare beaucoup d’énergie, de temps,
d’attention, et craignent que cela se fasse au détriment des autres membres de la fratrie (avec par
exemple le risque que les autres enfants se sentent délaissés ou dépossédés de l’amour
parental).
« Même si on essaie d’être disponible pour les autres par rapport à l’enfant handicapé, qu’elles
en souffrent le moins possible, tout tourne autour de l’enfant handicapé. » (entretien n°3)
Parfois les plus grands ont des responsabilités précoces. Très tôt, ils doivent aider les
parents au quotidien, des soins à la garde de l’enfant handicapé. Parfois les autres frères et
sœurs portent les espérances que les parents n’ont pas pu avoir avec l’enfant aîné handicapé
(comme avoir des résultats à l’école…)
« Mais c’est vrai que, c’est évident que A. par exemple, ne serait pas comme il est si L.. était
normale. C’est évident. Sa place est plus difficile à trouver pour lui. » (entretien n°6)
E) Le logement
Vingt-neuf familles sur 166 (18%) ont indiqué avoir changé de domicile consécutivement aux
difficultés de leur enfant. Quinze parents expliquent qu’ils souhaitaient habiter dans un logement
plus approprié aux difficultés de l’enfant, 8 pour se rapprocher de l’établissement, ou du fait de son
orientation, et 7 pour accéder à un environnement plus favorable (qualité de vie, meilleure
accessibilité aux soins pour l’enfant...).
« on a déménagé pour L., pour être dans une maison plus moderne, plus saine, et plus
pratique. » (entretien n°6)
F) La vie quotidienne
Les troubles de l’enfant génèrent des difficultés dans la vie quotidienne à la maison, qui ont
été longuement décrit dans les entretiens. Les familles décrivent ces difficultés comme très
éprouvantes.
« C’est tous les enfants comme cela, mais ça prend quand même une importance différente,
une dimension différente quand il y a un handicap. » (entretien n°1)
« Là, ça fait trois semaines qu’il est malade. C’est un stress. » (entretien n°3)
83
« des fois je pète un peu les plombs en disant… J’envoie tout le monde un peu balancer parce
que j’en ai marre quoi. C’est la course perpétuelle. » (entretien n°3)
« M. a une cardiopathie importante, donc une maladie du cœur importante, donc… Quand vous
vous réveillez le matin, c’est con à dire, mais vous vous dites : « est-ce qu’il respire
encore ». » (entretien n°4)
Pour les enfants les plus lourdement handicapés, les aspects matériels s’avèrent
particulièrement contraignants.
« Le matériel il en faut. » (entretien n°3)
« C’est à dire que la voiture, ben, il faut qu’elle soit adaptée. Mais bon, ben, si vous n’avez pas
de voiture adaptée… Déjà ça commence par là. Si jamais au niveau jouets…, c’est toujours
des trucs, c’est soit hyper cher… Les lits, c’est pas des lits normaux… » (entretien n°4)
Les soins, les transports quotidiens nécessitent de l’organisation, prennent du temps et de
l’énergie.
« l’orthophoniste après me disait qu’il fallait aussi faire des efforts à la maison, que les séances
de rééducation devaient se poursuivre à la maison, et j’étais la seule à le faire, et entre nous
c’était pas facile. » (entretien n °2)
« Il fallait donc soit prendre le bus, soit prendre la voiture. Le papa n’a jamais emmener E. à ce
genre de rendez-vous. C’était moi qui assumait la charge. Et c’était pas facile parce que
l’orthophoniste... » (entretien n°2)
« donc j’avais essayé au moins de regrouper soit la kiné, soit la crèche, avec le CAMSP. »
(entretien n°6)
« qu’il y a eu un moment où j’ai saturé, la deuxième année de maternelle de L., j’ai saturé de
devoir faire la route à droite à gauche, d’aller voir différents médecins. » (entretien °6)
Toutefois dans les questionnaires plus d’un parent sur deux exprime qu’avec le temps, la vie
quotidienne s’améliore. Des adaptations, des solutions sont trouvées.
Evolution dans la vie quotidienne avec l’enfant
87
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
54
20
5
Non réponse
moins bien
de manière
équivalente
mieux
Les entretiens qualitatifs développent également cet aspect.
84
« Les problèmes du quotidien, on ne les aborde plus de la même façon. » (entretien n°6).
« On a beaucoup plus de sérénité, on prend du recul. » (entretien n°6)
« C’est à dire que si un mois on est à découvert, et ben on se dit que ce n’est pas la fin du
monde, et que le mois d’après on aura plus de sous. » (entretien n°6)
L’accumulation des connaissances, des expériences, facilite le quotidien.
« Au niveau matériel, avec le temps il y a des évolutions techniques, et puis nous c’est pareil,
on sait comment s’y prendre un peu plus. » (entretien n°3)
Mais à l’inverse, parfois en grandissant les difficultés s’accroissent lorsque l’état de santé se
dégrade, ou lorsque l’âge génère des problèmes nouveaux.
« c’est plus le quotidien qui se complique. Plus l’enfant grandit… Le porter ça devient plus
fatiguant. » (entretien n°3)
G) Le réseau familial et amical
Le réseau relationnel familial évolue. Certaines personnes se distancient, s’éloignent. A
l’inverse d’autres font preuve d’empathie, s’efforcent d’apporter aide et conseil aux parents. On
observe que ces deux situations contribuent en partie à renforcer le stigmate.
Dans le premier cas, l’éloignement, la distanciation de proches peut créer un sentiment
d’isolement, de vide.
« Ca a créé aussi l’éloignement de certains amis, qui n’ont pas compris, qui n’ont pas
assumé la difficulté face à un enfant handicapé. » (entretien n°6, page 19)
« Avec les amis ça sélectionne. » (entretien n°4, page 24)
« Et le vide avec nos amis, je reviens à ce que je disais, s’est fait naturellement. » (entretien
n°6, page 52)
Plus de quatre personnes sur dix ont exprimé avoir ressenti ce sentiment d’isolement.
86
90
80
70
60
42
50
31
40
30
20
7
10
0
Non réponse
pas du tout
un peu
85
beaucoup
Pour E. Goffman la propension du stigmate à se diffuser contribue à créer ce sentiment,
mais celui-ci peut être également la conséquence de l’adaptation des parents à de nouveaux
aspects de leur réalité sociale.
« D’une façon générale, cette tendance du stigmate à se répandre explique en partie pourquoi
l’on préfère le plus souvent éviter d’avoir des relations trop étroites avec les individus
stigmatisés, ou les supprimer lorsqu’elles existent déjà. » (93)
« Ajoutons que, lorsqu’un individu acquiert tardivement un nouveau moi stigmatisé, le malaise
qu’il ressent à l’égard de ses nouveaux compagnons peut laisser place peu à peu à une gène
envers les anciens. » (94)
De nombreux parents déclarent avoir bénéficié de l’aide de l’entourage familial et amical
(cela apparaît dans 40 % des questionnaires). Dans les situations évoquées l’aide était
psychologique (besoin de se confier, de se sentir accepté), mais également matérielle (garde de
l’enfant, accompagnement à des soins…). L’aide, le soutien sont
fortement appréciés, mais
paradoxalement peuvent contribuer à renforcer le stigmate (par discrimination positive).
« Il est clair qu’il y a des gens qui sont beaucoup plus attentionnés. » (entretien n°4, page 23)
E. Goffman nous explique :
« Ce qu’impliquent de telles avances est que l’individu stigmatisé est une personne que
n’importe qui peut aborder à volonté, à condition de compatir au sort de ceux de son espèce. »
(95)
« Mais, en même temps, il peut fort bien percevoir, d’ordinaire à juste titre, que, quoi qu’ils
professent, les autres ne l’ « acceptent » pas vraiment, ne sont pas disposés à prendre contact
avec lui sur un pied d’égalité. » (96)
« De plus, au cours des contacts mixtes, l’individu affligé d’un stigmate à tendance à se sentir
en « représentation »,obligé de surveiller et de contrôler l’impression qu’il produit, avec une
intensité et une étendue qui, suppose-t-il, ne s’imposent pas aux autres. » (97)
Le handicap touche différents registres de la vie familiale. Avec le temps des évolutions, des
adaptations apparaissent. Les difficultés de l’enfant modifient également la perception qu’ont les
familles de l’environnement social et administratif. Ce sera l’objet de notre prochain chapitre.
93 (E.), GOFFMAN, Ibid., p. 44
94 (E.), GOFFMAN, Ibid., p. 49
95 (E.), GOFFMAN, Ibid., p. 29
96 (E.), GOFFMAN, Ibid., p. 17
97 (E.), GOFFMAN, Ibid., p. 26
86
Quatrième partie : l’environnement administratif et social
A) L’environnement administratif
Du fait de ses difficultés, l’enfant change de statut et intègre les circuits spécialisés. C’est
l’entrée pour lui et sa famille dans un environnement nouveau, « le monde du handicap », entrée
concrétisée notamment par la notification C.D.E.S., la carte d’invalidité, l’attribution de l’allocation
d’éducation spéciale…
« En fait j’ai jamais moi considéré E. comme un handicapé, parce qu’il n’en a jamais eu le
statut, j’ai jamais touché de sous de la CAF pour ça. Je m’y suis totalement refusée. »
(entretien n°2, page 10)
Le statut administratif de l’enfant (la reconnaissance du handicap par la CDES qui ouvre
droit à des aides), désigne socialement les difficultés de l’enfant. Celui-ci et sa famille sont d’une
87
certaine manière « étiquetés » (98), ce qui peut, comme nous l’avons déjà évoqué, entraîner plus
ou moins un sentiment de honte et de disqualification.
Les familles sont confrontées à de nouvelles instances, telles que la CCPE, la CCSD, la
COTOREP, la CDES par exemple, mais aussi à des aspects législatifs, réglementaires nouveaux
qui peuvent parfois être déroutants.
Institutions avec lesquelles les parents déclarent avoir rencontré des problèmes
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
42
31
13
11
8
7
1
CDES
CAF
COTOREP
CCPE
Caisses de
sécurité
sociale
Education
Nationale
autre(s)
descriptif du type de problèmes rencontrés avec ces institutions
Effectifs
97
%
0
Cumul
0
- Souffrance psychologique "entrée monde handicap"
- Qualité des échanges relationnels insuffisante
- Difficultés liées à l'orientation de l'enfant
- Tracasseries administratives et financières
1
20
37
35
0,6
12
22,3
21,1
0,6
12,7
34,9
56
TOTAL/ interrogés
166
56
0
- Non réponse
Interrogés : 166 / Répondants : 69 / Réponses : 93. Pourcentages calculés sur la base des
interrogés.
Il est fréquent que des familles vivent les relations avec les institutions concernées comme
autant de tracasseries administratives, mais les principales difficultés rencontrées relèvent de
l’orientation de leur enfant. L’instance administrative la plus citée est la CDES (42 fois), l’Education
Nationale étant ensuite citée 31 fois.
98 BECKER (H.S), outsiders, « Etudes de la sociologie de la déviance », Métailié, Paris, 1985, p.
203
88
Pour mieux cerner les problèmes rencontrées avec la CDES nous avons notamment posé
aux parents la question suivante : « Estimez-vous avoir bénéficié de toutes les informations
nécessaires concernant les attributions et le fonctionnement de la CDES ? ».
86
100
73
80
60
40
20
7
0
Non réponse
oui
non
Les principales critiques adressées à cette instance concernent une certaine opacité, mais
également le sentiment de n’avoir pas été suffisamment aidé, accompagné pendant la procédure
(4 personnes sur 10). Lorsqu’ils participent aux commissions, (ce qui est le cas d’un parent sur
trois questionnés) le déroulement de ces commissions fait souvent l’objet de critiques.
« Ah oui dix minutes dans…, alors vous passez à table, ben, bon, ils sont tous là réunis. Je suis
rentrée, ils m’ont posé deux, trois questions, je ne sais même plus, et puis terminé, « au revoir
madame ». Ca a été comme ça. Je veux dire que, mon gamin, ils m’ont même pas demandé
de, de le voir, ni quoi que se soit. » (entretien n°3, page 13)
« quand on arrive pour discuter avec ces gens là, ils ont tout de suite l’impression qu’on va
parler de complément de premier, seconde, troisième catégorie. Ils veulent en lâcher le moins
possible. Donc ces gens là, ils me fatiguent un peu parce que c’est d’abord l’orientation qui est
importante, mais pas ce que les parents vont toucher pour élever leur gamin. » (entretien n°5,
page 5)
« C’est pas la peine que ce handicap, qui est un handicap à vie, repasse devant un aréopage
qui va rien faire de plus » (entretien n°1, page 6)
Le « passage » à la C.D.E.S. du dossier de l’enfant constitue un moment important dans la
trajectoire de vie de l’enfant et celle de ses parents. La façon dont la famille a été à ce moment là
considérée, accompagnée, la participation des parents à l’étude du dossier de l’enfant, la prise en
compte de leurs avis dans son orientation, sont autant d’aspects qui peuvent être déterminants
dans la structuration des modalités relationnelles ultérieures.
Une autre dimension importante est que, parfois, cette entrée dans le monde du handicap se
fait « subrepticement », presque « insidieusement », certains parents exprimant ne découvrir, par
exemple, que très tardivement l’entrée de leur enfant dans les circuits de sa réorientation vers une
structure spécialisée (20% des parents expriment ne pas avoir été informés dès le départ de la
saisine de cette instance). Certains de ces parents vivent cette réorientation comme ayant été
menée à leur insu.
89
B) L’environnement social
Les associations
Nous avons été assez surpris de constater que l’adhésion des parents à des associations
n’apparaît pas, a priori, beaucoup plus importante chez les parents d’enfants handicapés que
dans l’ensemble de la société civile (environ 45 %) (99), d’autant plus que dans certaines APEI
(association de parents d’enfants handicapés mentaux) l’adhésion a parfois un caractère
obligatoire, et est présentée comme automatique.
Adhésion à une association
87
100
77
80
60
40
20
2
0
Non réponse
oui
non
Opinions des parents sur les associations de parents
Effectifs
5
%
0
Cumul
0
93
98
64
56
59
38,6
56
115,1
153,6
17
8
10,2
4,8
163,9
168,7
- Autres
37
22,3
191
TOTAL/ interrogés
166
191
0
- Non réponse
- Ces associations apportent un soutien moral aux
parents
- En se regroupant les parents sont plus forts
- Les associations peuvent aider ponctuellement
- Elles ne tiennent pas assez compte des avis des
parents et famille
- Elles sont inefficaces car trop nombreuses
Interrogés : 166 / Répondants : 161 / Réponses : 317. Pourcentages calculés sur la base des
interrogés.
L’opinion des parents à l’égard des associations de parents est globalement très favorable
comme en témoigne le tableau ci-dessus.
99 Source : Insee, enquête “vie associative” partie variable de l’enquête permanente sur les
conditions de vie d’octobre 2002.
90
Certains parents retirent beaucoup de bénéfices (par exemple un soutien moral) à
rencontrer d’autres personnes vivant les mêmes difficultés qu’elles.
« heureusement qu’il y a des associations, parce que des fois on est un peu isolé » (entretien
n°3, page 71)
« voir qu’on était pas seul, et que notre enfant sache qu’il n’est pas seul dans sa situation de
douleur, ou de souffrance, ou autre, ça, ça été une grande aide » (entretien n°6, page 25)
« C’est un petit noyau, mais c’est un noyau dans l’anormalité » (entretien n°4, p. 71)
E. Goffman explique que :
« l’individu stigmatisé peut donc attendre un certain soutien d’un premier ensemble de
personnes : ceux qui partagent son stigmate, et qui, de ce fait, sont définis et se définissent
comme ses semblables. » (100)
Le partage des expériences, des connaissances a été évoqué :
« Elles ont un fichier, un petit livre rouge des adresses à avoir absolument. » (entretien n°6,
page 27)
E. Goffman a développé ce thème du partage des échanges d’expériences de la façon
suivante :
« …ceux qui partagent le même stigmate. Sachant d’expérience ce que c’est que d’avoir ce
stigmate, ils peuvent enseigner les trucs du métier à l’individu qui en est affligé, et constituer
pour lui un cercle de lamentations au sein duquel il peut se retirer pour y trouver un soutien
moral et le réconfort de se sentir chez soi, à l’aise, accepté comme une personne réellement
identique à tout homme normal. » (101)
Pour 98 personnes sur 166, une des vocations majeures des associations de parents est
d’agir sur la société, de défendre les intérêts des familles et de leurs enfants.
« c’est une association, mais pas, pas pour pleurer dans les chaumières, c’est pour avancer »
(entretien n°4, p. 70)
« Ils se battent bien, et puis ils font des choses » (entretien n°3, p. 69)
« Un petit peu comme l’association de Benouville, Poly Handy Rare, où là maintenant ces gens
là se développent en disant « quand vous avez des problèmes avec l’administration, on vient
avec vous ». C’est un droit. » (entretien n°5, p.8)
La société civile
Opinion des parents sur les attitudes des gens à l'égard des personnes handicapés
Effectifs
100 (E.), GOFFMAN, op. cit., p. 41
101 (E.), GOFFMAN, op. cit., p. 32
91
%
Cumul
- Non réponse
1
0,6
0,6
- les gens aident les enfants handicapés et leurs familles
- les gens sont globalement indifférents
- les gens rejettent les enfants handicapés et leurs familles
44
70
44
26,5
42,2
26,5
27,1
69,3
95,8
- sans avis
7
4,2
100
166
100
0
TOTAL
Ce qui ressort des questionnaires et des entretiens qualitatifs, est l’idée forte que c’est
lorsque l’on est touché ou concerné par le handicap (que l’on est, d’un certain point de vue
« dedans », ou à proximité), que l’on découvre alors les réalités des difficultés.
« Ils s’en fichent je crois. Je crois qu’on est tous pareil, en fait si cela ne nous concerne pas, on
n’en a rien à foutre. Bon, à partir du moment que ça nous concerne on commence à dire « bon,
on va s’occuper de ci, de ça ». » (entretien n°2, page 23)
« on s’aperçoit que l’on discute avec des parents, des gens qui viennent vers vous, ceux-ci
sont en général concernés de près ou de loin par le handicap. Les autres nous ignorent,
complètement. » (entretien n°3, page17)
« Chacun son problème. Sauf si éventuellement c’est votre frère, votre sœur qui est touché, ou
de la parenté, là vous avez un sentiment d’appartenance à quelque chose. » (entretien n°4,
page 72)
Nous avons, dans les quatre premières parties de ce chapitre, notamment porté intérêt au
cadre de référence des parents, (ce que Schütz (102) appelle le réservoir d’expériences
disponibles). Le handicap de l’enfant oblige à une trajectoire de vie différente, la place et le rôle
parental se trouvent modifiés, les difficultés de l’enfant génèrent la construction de nouvelles
représentations. L’ensemble de ces éléments participent à une sédimentation d’expériences et de
connaissances nouvelles.
Les familles arrivent ensuite à l’établissement avec une connaissance plus ou moins
élaborée et stéréotypée de ces institutions et seront ensuite confrontées à la réalité concrète de la
prise en charge institutionnelle. Aussi, nous proposons dans la partie suivante d’aborder la
perception des familles de l’établissement, d’abord au moment de la procédure d’admission, puis
à l’entrée de l’enfant dans l’institution, et enfin au regard de l’organisation institutionnelle.
102 SCHÜTZ (A.), Le chercheur et le quotidien. Phénoménologie des sciences sociales,
Méridiens-Klincksieck, Col. Sociétés, Paris, 1er éd. en 1931, 1987, 286 p.
92
Cinquième partie : l’Institution Médico-Educative
A) L’admission
Les parents arrivent « chargés » de l’histoire de leurs enfants… Assez souvent
l’établissement n’a pas été choisi, l’orientation a été plus ou moins bien préparée, le passage à la
CDES parfois délicat. Certains parents ont le sentiment que l’institution qui leur est proposée n’est
pas forcément en adéquation avec les besoins de leur enfant, ou de l’idée qu’ils se font de ses
besoins.
« Je me suis dit, « Mais alors il ne se passera rien. C’est une voie de garage". » (entretien n°1,
page 13)
Dans ce contexte, et sur la base d’une situation de rencontre obligée, les premières
perceptions de l’établissement et des professionnels apparaissent importantes pour les familles.
Les premiers échanges avec les professionnels, la configuration des locaux, la procédure
d’admission mise en place seront vecteurs de transformation des représentations initiales.
« Et Pont l’Evêque n’avait pas bonne réputation. » (entretien n°1)
« ensuite j’ai rencontré le directeur, et je me suis dit qu’après tout on verrait quoi. » (entretien
n°1)
93
La procédure d’admission
En ce qui concerne la procédure d’admission (pour rappel les entretiens ont été passés en
2001), 40 % des parents ont déclaré avoir reçu une documentation (plaquette de présentation,
règlement intérieur…), et 85% des familles avoir visité l’établissement. Le montage du dossier
d’admission a posé très peu de problèmes, la très grande majorité des familles se sont senties
avoir été accompagnées, aidées par les professionnels dans les démarches à effectuer,
documents à fournir.
Personne(s) rencontrée(s) lors des entretiens d’admission de l'enfant
135
140
120
100
80
60
23
40
20
5
27
23
16
29
3
0
Non réponse
directeur
chef de
service
médecin
assistant
social
infirmière
éducateur
autre
Le tableau ci-dessus montre que si le directeur est un acteur central dans la procédure
d’admission, d’autres professionnels peuvent également y être associés.
Le contexte relationnel de la première rencontre (et son impact sur les représentations de
l’établissement) a été évoqué a plusieurs reprise.
« et un directeur très chaleureux. » (entretien n°6, page 11)
« Ma première impression : je me suis dit « qu’est-ce qu’il va aller foutre là-bas à Vire ? ». »
(entretien n°2)
« Puis la deuxième ça été de dire, « bon apparemment… », « le directeur a l’air assez sympa,
ouvert. » (entretien n°2)
L’impact de l’environnement, du cadre matériel
Les entretiens qualitatifs montrent que les conditions matérielles d’accueil, l’environnement
contribuent à la construction de nouvelles représentations.
« Falaise on les connaît assez peu, mais tout le regard qu’on a eu, ça nous a… Ca a été l’essai
en fait. Bon déjà le lieu n’était pas convivial du tout, des vieux baraquements, un bureau là, un
lieu isolé » (entretien n°6, page 49)
94
« là c’est une structure où vous avez…, ben voilà il y a des ensembles, et c’est un seul grand
bâtiment avec des ensembles à droite, à gauche, un peu tentaculaire, mais il y a quelque
chose de l’ordre de l’unité, qui nous paraît important » (entretien n°6, page 50)
« On avait mis M., je me rappelle, en hiver, c’était une grande grille qui s’ouvre, elle se referme
derrière vous, c’est pas le truc, honnêtement… » (entretien n°4, page 27)
« Quand j’ai mis M. là-bas, j’ai été… Vraiment c’est dur, quoi. C’est dur parce que… C’est en
pleine campagne, et tout… On a vraiment l’impression qu’on les parque, qu’on en fait un
élevage » (entretien n°4, page 27)
Ensuite, c’est à travers la « pratique » de l’institution avec le temps, que les représentations
se transforment. Les représentations initiales ne sont pas figées.
« Ca c’est l’impression qu’on peut avoir de l’extérieur » (entretien n°1, page 13)
« Alors il y a le coté positif, qui est que, quand on connaît l’établissement, et il faut quand
même deux, trois mois, on se dit : « bon, on a peut-être choisi la bonne voie » (entretien n°2,
page 5)
B) L’entrée de l’enfant dans l’institution
La lecture des entretiens montrent que l’accueil en institution peut-être vécu comme un
« placement » et entraîner des sentiments paradoxaux pour les parents : soulagement, mais aussi
angoisse, culpabilité. Certains parents reconnaissent la nécessité d’une orientation en IME, mais
ont peur de l’éloignement de leur enfant, ou d’en être « désapproprié ». L’entrée à l’IME apparaît
un moment, une étape importante dans la trajectoire de vie de l’enfant.
« Nous la coupure elle n’a pas été quand L. était en maternelle. C’était l’IME, de voir L. grandir
quoi, mais comme un enfant en 6ème, comme notre fils qui est entré en 6ème, je me suis dit, il
grandit. » (entretien n°6, page 30)
« Et c’est vrai qu’il y a eu un jour une émotion forte, c’est quand j’ai vu ma petite L. prendre son
petit sac toute seule, marcher quasiment seule, et tenir la main de ce monsieur, de ce
chauffeur de taxi, et de l’amener… » (entretien n°6, page 29)
Dans le questionnaire nous avons proposé aux parents de nous parler de ce moment en leur
proposant la question ouverte suivante « Comment avez-vous vécu cette première orientation vers
un établissement spécialisé ? ». Nous avons ensuite catégorisé les réponses et obtenu le tableau
suivant :
Vécu de la première orientation de l'enfant vers un établissement spécialisé
Effectifs
7
Non réponse
95
%
0
Cumul
0
(+) solution adaptée aux besoins de l'enfant
(+) soulagement
(+) sans précision (exemple : bien, normalement)
(+) équipe, établissement /(+) entrée préparée
33
27
25
11
19,9
16,3
15,1
6,6
19,9
36,1
51,2
57,8
(+/-) idée d'un cheminement depuis arrivée
(+/-) comparaison autres enfants IME
(+/-) entre deux aspects, idée de fatalisme
21
18
10
12,7
10,8
6
70,5
81,3
87,3
(-) souffrance personnelle
(-) séparation avec son enfant
(-) entrée dans le monde du handicap
(-) appréhension, crainte
(-) mauvaise orientation
(-) équipe, établissement
77
21
20
10
9
5
46,4
12,7
12
6
5,4
3
133,7
146,4
158,4
164,5
169,9
172,9
TOTAL/ interrogés
166
172,9
0
Interrogés : 166 / Répondants : 159 / Réponses : 287. Pourcentages calculés sur la base des interrogés.
L’on observe trois tendance :
•
la tendance « positive » (38 % du total des réponses),
•
la tendance intermédiaire, notée « +/- » (20% du total des réponses),
•
la tendance « négative » (42% du total des réponses).
La tendance positive développe des aspects valorisés selon des graduations, des nuances.
L’accueil à l’IME apparaît ici une solution adaptée et paraît répondre à des besoins, à des
attentes. Il y a des espoirs de réparation, le soulagement d’avoir trouvé une place. Les termes
« bien », « soulagement », « plutôt bien » caractérisent la catégorie « (+) sans précision », et
renvoient peut-être à une difficulté à définir plus précisément.
La tendance « +/- », est caractérisée par les termes « on ne sait pas », « normalement »…,
qui montrent que les gens sont entre deux aspects, pas forcément contre, pas forcément pour, ou
alors qu’ils n’ont pas les informations nécessaires… Les mots « au départ », « au début », qui
apparaissent dans le texte de plusieurs réponses illustrent que les gens ont fait du chemin. Une
démarche a eu lieu, et souvent dans la deuxième partie du texte les gens explicitent alors le
cheminement parcouru : « Au début cela a été dur, et en voyant le nouvel établissement cela a
été », « Au début la séparation avec mon fils a été difficile, ensuite je me suis adaptée à son
entrée dans l’établissement ». « Au départ je ne savais pas à quoi m’attendre, après cela a été car
mon fils était bien » « Au début difficile, plus facile ensuite en connaissant les professionnels ». On
remarque pour cette phrase que l’appréhension du départ est vaincue par un processus
relationnel :
la
connaissance,
l’intervention
des
professionnels
réassurance… Cette idée de cheminement apparaît à 9 reprises.
96
sera
le
vecteur
d’une
La découverte des difficultés des autres enfants, la comparaison de son enfant avec les
autres enfants accueillis est un thème fréquemment évoqué dans les questionnaires (à 18 reprises
pour cette question), et a été explicité dans les entretiens qualitatifs.
« ce qui m’avait choqué… Des enfants avec des problèmes beaucoup plus importants que
ceux d’E. » (entretien n°2, page 11)
« il a fallu donc le mettre dans un centre, et là j’ai repris un second choc, violent, quand j’ai vu
d’autres handicaps qui pouvaient exister. » (entretien n°4, page 27)
« on s’est dit, mais est-ce qu’il existe une place finalement pour notre fille ? Parce que là ils
sont marqués plus lourdement, donc ben du coup, elle, est-ce qu’elle va trouver sa place ? »
(entretien n°6, page 15)
Très souvent, l’enfant concerné est perçu comme moins handicapé que les autres.
« Ca a été difficile hein, de le faire rentrer. Je veux dire pour nous. Vous le voyiez avec d’autres
enfants, qui étaient normaux. Bon là, on rentre dans un établissement spécialisé, vous voyez
toujours les autres plus handicapés que le votre, et pour nous il était tout petit. C’était le petit
dernier de trois ans, les autres avaient six ans. » (entretien n°3, page 13).
« le choc a été quand on est arrivé et qu’on a vu que les enfants étaient plus lourdement
handicapés que L. » (entretien n°6, page 14)
Ces deux aspects, à savoir celui de la comparaison de son enfant avec les autres enfants,
et celui de leur souffrance à voir, découvrir les autres enfants de l’IME, lors de la visite de
l’établissement sont récurrents. Beaucoup de parents comparent le handicap de leur enfant avec
celui des autres, et pour la grande majorité disent que le handicap de leur enfant n’est pas visible,
ou est moins visible comparé à celui des autres enfants. Beaucoup expriment leur difficulté
d’accepter que leur enfant aille avec d’autres perçus comme plus handicapés que le leur,
déplorent que les classes soient hétérogènes, expriment par exemple la crainte que leur enfant
« attrape » des stéréotypies…
« je pense que mélanger l’autisme, mélanger des handicaps très différents les uns avec les
autres, ça fait que les enfants adaptent des tics, des habitudes, qui ne sont pas…, qu’ils
n’adopteraient pas dans un autre contexte. » (entretien n°1, page 11)
La troisième tendance se développe autour de termes comme « mal », « très mal », « très
dur », « difficile ». Plusieurs thématiques se dégagent : « la souffrance personnelle » (qui apparaît
77 fois, soit presque une personne sur deux), la difficulté de faire le « deuil » d’une scolarité
normale, la crainte d’une appropriation de l’enfant par l’établissement, la difficulté à s’éloigner de
l’enfant auparavant entouré « d’une enveloppe protectrice » (103). L’établissement spécialisé n’est
pas accepté, ce qui est peut-être le reflet de ce que les parents vivent comme un échec, ou alors
le choc du handicap reste toujours présent.
103 (E.), GOFFMAN, Ibid., p. 46
97
C) L’organisation de l’établissement
Le mode de prise en charge, l’organisation de l’établissement contribuent également à la
production de nouvelles représentations.
Le mode de prise en charge de l’enfant
Il existe quatre modes de prise en charge : dans l’établissement cela peut être en semiinternat (la journée), ou en internat (toute la semaine ou une partie de la semaine), par un Centre
d’Accueil Familial Spécialisé (CAFS), c’est à dire chez une famille d’accueil spécialisée et agréée
(accueil qui peut-être de jour et, ou, de nuit), et par un SESSAD (Service D’Education Spéciale et
de Soins à Domicile), service intervenant sur les lieux de vie ordinaire de l’enfant, et dont la
mission principale est de soutenir l’intégration scolaire et sociale d’enfants scolarisés à l’extérieur
de l’établissement.
Mode de prise en charge des enfants concernés (en 2001)
140
123
120
100
80
60
36
20
40
13
13
20
0
accueil la
journée
internat
CAFS
SESSAD
autre
La catégorie « autres » concerne des situations particulières (temps partiel, internats ou
familles d’accueils quelques week-ends dans l’année).
Il est probable que si ce questionnaire était repassé en 2004 auprès des mêmes familles,
que la répartition serait un peu différente (avec une baisse des effectifs en internat, et une
augmentation des mesures SESSAD), tendance qui est actuellement observée sur le département
et à l’échelon national.
Le mode de prise en charge est notifié par la CDES. Pour autant, il peut se modifier à partir
du projet individuel de l’enfant, mais également des demandes des parents. Un certain nombre
d’échanges, d’interactions entre les professionnels et les familles conditionneront ces
changements (avec des processus de négociations).
« Il est en internat une nuit par semaine, et un week-end par mois. Pour qu’on puisse souffler,
et pour qu’on puisse faire des activités. » (entretien n°3, page 7)
98
« Ce que je voulais, c’était des bouts de semaine. Et éventuellement des week-ends de temps
en temps, mais pas comme ça quoi. Pour que ce soit vraiment un appui, et pas un placement
précisément. » (entretien n°1, page 25)
Si la problématique de l’enfant, ses difficultés concourent le plus souvent à l’indication de
l’internat, parfois la distance entre le domicile parental et l’établissement est le facteur principal à
l’origine de la mesure d’internat.
« Ce qui m’embêtait après, c’est qu’il serait encore interne. Avec la distance on ne pouvait pas
le faire rentrer tous les jours. » (entretien n°2, page 13)
Pour information, 36 familles sur les 166 habitent à plus de 30 kilomètres de l’établissement,
et 36 enfants sont internes.
Les transports
La législation prévoit la prise en charge par l’établissement des transports de l’enfant.
Mode de transport de l'enfant à l'institution
124
140
120
100
80
60
40
27
21
11
20
0
Non réponse
un menbre de sa famille
un transporteur de
l'établissement
autre
Trois fois sur quatre, l’enfant est accompagné à l’établissement par un transporteur financé
par l’institution. Dans quinze pour cent des situations, l’accompagnement est assuré par un
membre de la famille de l’enfant.
99
Distance entre le domicile habituel de l'enfant et l'institution
66
70
60
56
50
40
30
16
20
8
5
10
7
0
Moins de
15 kms
de 15 à
moins de
30
de 30 à
moins de
45
de 45 à
moins de
60
de 60 à 75 kms et
moins de
plus
75
La distance et les modalités d’accompagnement ont des conséquences concrètes. Il est plus
difficile de rencontrer l’équipe de l’IME lorsque les parents habitent loin de l’établissement.
Lorsque les parents accompagnent l’enfant, cela favorise un certain type d’échanges avec
l’établissement.
Nous avons été surpris par plusieurs témoignages qui montrent que certaines familles sont
sensibles à l’image renvoyée par les véhicules transportant leur enfant. Pour eux cette image,
d’une certaine manière marque, participe à une forme d’étiquetage.
« j’ai vu des taxis, où vraiment les taxis c’était limite, hein. C’était le fourgon, fatigué, avec des
sièges, styles siège en cuir, vous savez, style fourgon… Des camionnettes blanches, ou alors
bleues, style gendarmerie, ancienne camionnette de gendarmerie… » (entretien n°4, page 42)
Le fonctionnement de l’établissement et les parents
Dans les institutions médico-sociales consultées, toutes avaient mise en place une
organisation où un professionnel est positionné comme le référent de l’enfant. Pour le
professionnel, ce rôle consiste à être l’interlocuteur privilégié de l’enfant et très souvent également
de la famille.
« J’étais contente de voir qu’il avait un référent masculin, parce que c’était ce qui avait été
choisi. » (entretien n°1, page 15)
« En plus c’était quelqu’un à l’époque, il y a neuf ans qui y était, et qui aujourd’hui est la
référente de M. » (entretien n°3, page 3)
Le rôle de référent est principalement tenu par un des éducateurs en charge du suivi de
l’enfant. Ce professionnel occupe une place centrale aux yeux de la famille. Il est le lien avec
l’enfant, et devient très souvent un des interlocuteurs privilégiés pour les parents.
L’assistant social est également un acteur bien repéré par les familles. Lorsqu’un service
social existe dans l’établissement, ce service de part ses missions et son fonctionnement est
100
généralement positionné dans un rôle d’interface entre les parents et les familles et les
partenaires, et contribue à favoriser les échanges entre les parents et l’établissement.
« Elle (l'assistante sociale) a la charge de communiquer avec les aides, avec l’extérieur, la
charge des relations école-parents, ou parents-école. » (entretien n°2, page 19)
Le dispositif avec une personne référente apparaît en général bien repérée et investie.
« Disons que, quand il y a un problème, c’est Jacqueline que je demande » (entretien n°6,
page 40)
Les interlocuteurs privilégiés des parents
82
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
41
3
2
1
st
e
so
ig
na
nt
e
ps
yc
hi
at
re
2
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op
ho
ni
ci
en
ne
3
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y
ai
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4
or
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8
ot
ri
15
ch
ol
og
ue
in
st
itu
tri
ce
16
ch
om
22
ps
y
24
di
re
ct
as
eu
si
r
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an
ts
oc
ia
l
ch
au
ffe
ch
ur
ef
de
se
rv
ic
e
29
Le tableau précédent montre très clairement la place importante tenue par les éducateurs.
Cette catégorie professionnelle a été citée 82 fois sur 166. Le directeur est cité 41 fois, l’assistant
social 29 fois. Nous avons été surpris par le faible nombre de parents citant les professionnels des
secteurs scolaires et médico-psychologiques, ainsi qu’à l’inverse le nombre important parents
citant le transporteur de l’enfant (24 fois). Dans un dispositif ou plusieurs secteurs professionnels
se côtoient (éducatif, médical, scolaire, administratif, hôtelier…), les acteurs du secteur éducatif
apparaissent fortement investis (ceux qui s’occupent au quotidien de l’enfant), ainsi que les
personnes avec qui s’est mise en place « une succession d’interactions dans le temps »
(directeur, assistant social, chauffeur…).
Les parents sont très sensibles à la cohérence, aux modalités de fonctionnement des
équipes, aux rivalités entre certains corps professionnels (éducatifs, médicaux, techniques,
scolaires…).
« il y a, à l’intérieur de cela, il y a une hiérarchie qui dit ne pas son nom, où les éducatrices,
éducateurs spécialisés tiendraient le bas de l’échelle, et l’AS une espèce d’échelon
intermédiaire » (entretien n°1, page 22)
« On a l’institution, les deux ailes salariées, médico et éducatif, et en face on a les
interlocuteurs, les parents. Bon, et de temps en temps, dans l’aile éducative, on a la famille
d’accueil qui s’ajoute, mais qui est extrêmement silencieuse, hein. Donc à partir de ce moment
là, on rétablirait, si on avait bien ces quatre coins du quadrilatère, la direction, les deux ailes
médico, éducative, et les parents… Qui soit sur ses pieds, à parité. Là on aurait une équipe, là
on aurait une vrai équipe, avec chacun sa place » (entretien n°1, page 32)
101
« Alors l’éducatrice était très embêtée, parce qu’elle, elle n’avait pas son mot à dire, on a bien
senti » (entretien n°6, page 36)
Les familles sont attentives aux rapports avec l’administration de l’établissement, à l’accueil
qu’il leur est fait à eux et à leur enfant, ainsi qu’aux marges de manœuvre, de négociation
possibles concernant les horaires d’ouverture, les jours de présence de l’enfant… Le
fonctionnement en place est parfois vécu sur le mode d’une rigidité de l’institution
« Parce qu’on mettait pas M. une semaine, donc ils perdaient des journées » (entretien n°4,
page 38)
« Mais donc j’ai découvert en marchant, que c’était des questions financières en définitive, qui
guidaient tout ça » (entretien n°1, page 25)
« Mais elle a ses propres…, challenges à défendre, qui sont quelquefois contradictoires avec
les parents. C’est ce que j’expliquais au niveau du prix de journée, où l’institution va chercher
sa pérennité, là où les parents auraient peut-être d’autres demandes … » (entretien n°1, page
33)
« le problème, c’est qu’il y avait une ouverture de cinquante heures par semaine, et on passe à
une ouverture de trente six heures. Une chute de quatorze heures cela fait mal. » (entretien
n°3, page 46)
« quand un gamin vous rentre à cinq heures et quart, au lieu de rentrer à six heures et quart,
six heures et demi le soir, ça pose problème » (entretien n°3, page 16)
A travers ces différentes citations, ce qui apparaît important pour les familles est le droit
d’avoir un point de vue différent, la possibilité de négocier certains aspects de la prise en charge
de l’enfant, la réduction des contraintes organisationnelles de la vie courante, et l’intérêt de
l’enfant.
Nous venons de voir que les premières impressions lors de l’arrivée dans l’établissement,
ainsi que le déroulement de la procédure d’admission, sont des moments importants pour les
familles, porteurs de constructions de nouvelles représentations. Le mode de prise en charge,
l’organisation de l’établissement contribueront également à la production de nouvelles
représentations.
102
Sixième partie : les modalités relationnelles avec les professionnels
Nous proposons dans la partie suivante d’aborder de façon plus précise les modalités
relationnelles des parents à l’égard des professionnels. Pour cela, plusieurs thématiques seront
abordées, notamment les attentes parentales, les différents positionnements relationnels
possibles, les réunions et rencontres, la circulation de l’information, les bilans écrits, les actions
auprès de l’enfant, la participation à la vie de l’institution, et enfin les pistes d’amélioration
proposées par les familles.
A) Les relations parents-professionnels
Les attentes parentales à leur égard
Un aspect important de cette situation relationnelle réside dans le fait du non choix des
partenaires. Même si les parents peuvent parfois avoir le choix de la structure, ils ne pourront pas
choisir les membres de l’équipe qui interviendront auprès de leur enfant. Parents et professionnels
sont donc, d’une certaine manière, dans une situation de contrainte. A partir de cette situation
103
relationnelle particulière nous postulons que les parents vont déployer à l’égard des
professionnels des comportements raisonnés.
Partant de l’idée que les attentes des parents peuvent contribuer à déterminer des
comportements, des attitudes, nous proposons dans un premier temps d’analyser les attentes
qu’espèrent les parents des professionnels à leur égard, et de voir de quelles manières celles-ci
évoluent dans le temps, si il existe une évolution. Pour cela, dans le questionnaire nous avons
proposé aux parents de nous parler de leurs attentes envers les professionnels vis-à-vis d’eux,
avec les deux questions suivantes positionnées dans des chapitres différents.
« Pendant la période d’admission de votre enfant dans son établissement actuel,
qu’attendiez-vous des professionnels vis-à-vis de vous, au regard des actions qui allaient se
mettre en place ? » (question 9.9)
« Actuellement, qu’attendez-vous des professionnels vis-à-vis de vous ?» (question 10.18)
Nous avons ensuite catégorisé les réponses et obtenu les deux tableaux suivants :
104
Attentes initiales des parents
70
61
60
50
40
37
40
30
30
21
20
13
11
10
10
0
Non réponse
Aide, conseil,
soutien
Attentes non définies
Collaboration,
partenariat
D'abord l'aide à
l'enfant
Dialogue,
communication,
écoute
Information,
explications
Pas d'attente pour
eux même
Attentes actuelles des parents
49
50
45
40
35
27
30
23
25
20
29
24
22
18
14
15
9
10
5
0
Non réponse
Aide, conseil,
soutien
Attentes non
définies
Collaboration,
partenariat
D'abord l'aide à
l'enfant
Dialogue,
communication,
écoute
Des informations, Pas d'attente pour
explications
eux même
La continuité
La catégorie « attentes non définies » regroupe les réponses comportant une non définition,
ou plutôt une absence de définition, de précision des attentes. Il y a souvent dans les réponses de
cette catégorie l’idée d’une délégation implicite que l’on retrouve à travers les termes « rien de
spécial», « rien de précis », « je ne sais pas trop », « je ne sais pas » « rien de particulier »...
Cette délégation peut se comprendre comme une incapacité à définir ses propres attentes,
ou alors comme une demande implicite de délégation, ou, et, au fait de faire confiance. Cette
catégorie concerne un faible nombre de réponses (11 et 9)
La catégorie « pas d’attentes pour eux-mêmes » regroupe par exemple les réponses
suivantes : « rien », « rien par rapport à moi », ou alors « Pour moi rien, je n'ai pas de difficulté »…
105
21 réponses ont été classées dans cette catégorie dans le tableau « attentes initiales », pour 29
dans le tableau « attentes actuelles ».
La catégorisation des autres réponses met en évidence plusieurs groupes d’attentes.
Nous avons appelé le premier groupe « d‘abord l’aide à l’enfant ». Pour ces familles leurs
demandes, attentes, sont centrées d’abord et essentiellement sur l’enfant. C’est sa prise en
charge qui est prioritaire. L’on observe une évolution intéressante entre les attentes initiales et
actuelles de cette catégorie (qui passe de 40 à 18). Nous émettons l’hypothèse qu’avec le temps,
en cheminant, certaines familles s’impliquent plus, ou alors des espaces d’échanges s’ouvrent, se
créent.
Le second groupe d’attentes est « l’aide, le conseil, soutien aux parents ». En regroupant
l’aide, le soutien et le conseil, cette rubrique intègre une graduation, une intensité variable des
demandes. La dimension aide, soutien aux parents comporte l’aspect « soulagement », « soutien
moral », « le besoin d’être rassuré », « déculpabilisé », « à mieux accepter le handicap ». Certains
parents demandent à ne plus être tout seuls à gérer les difficultés, à être aidés matériellement,
financièrement, mais également qu’on les aide à installer une relation de meilleure qualité avec
l’enfant.
La dimension de conseil orienté vers les parents, à l’attention des parents, intègre des
demandes concernant l’éducation et les soins, les démarches administratives.
Le nombre de réponses concernant cette catégorie diminue de 37 à 23. Une interprétation
possible est d’attribuer cette diminution au travail des équipes, ou alors qu’avec le temps les
parents trouvent des solutions, mais peut-être aussi qu’une forme de deuil (de l’enfant espéré)
s’opère…
Nous avons posé une question spécifique concernant l’aide à apporter aux familles (" Les
professionnels doivent aider sur le plan psychologique les parents. Etes-vous d’accord avec cette
conception ? "). 138 personnes sur 166 pensent que cette dimension fait partie intégrante du
travail des professionnels (tableau suivant).
138
150
100
27
50
1
0
Non réponse
je suis d'accord
je ne suis pas d'accord
Pourtant sur le terrain ce travail s’avère souvent délicat, car il peut recouvrir des dimensions
très personnelles, intimes, et complexes à prendre en compte comme en témoigne les propos
suivants :
106
« Donc ils ont fait un effort pour m’aider, mais j’avais pas perçu les enjeux qu’il y avait derrière
pour les familles. » (entretien n°1 page 25)
« j’ai posé la question, de la violence. Et miroir miroir…, je n’ai pas reçu de réponse. La
réponse je l’ai reçue par le réseau. » (entretien n°1, page 19)
Si la grande majorité des parents conçoivent que l’aide psychologique auprès des parents
fait partie intégrante du travail des professionnels (à notre avis car le handicap fait souffrir comme
nous l’avons vu dans les parties précédentes), finalement assez peu de demandes directes en ce
sens sont exprimées par les familles. Deux explications peuvent être avancées : demander de
l’aide peut être vécu par les familles comme se mettre d’une certaine manière en position de
dépendance à l’égard des professionnels ; demander de l’aide peut être ressenti comme se
montrer « manquant », défaillant.
Le troisième groupe, qui est nettement le plus important, comprend les attentes
d’informations, d’explications, de réunions. Ces demandes concernent principalement l’enfant,
mais cela peut aussi recouvrir des informations générales. Cette catégorie interroge globalement
la capacité des établissements à communiquer, expliquer.
Ces explications peuvent, comme nous l’avons dit, porter sur la problématique de l’enfant,
ou sur le contenu de ce qui est apporté à l’enfant. Les parents disent avoir besoin d’explications
les plus concrètes possibles sur les facteurs d’évolution ou d’involution de l’enfant, son devenir,
son orientation, mais aussi sur les aides qui lui sont apportées. Cette demande d’information très
forte soulève deux hypothèses explicatives : l’orientation de l’enfant s’est peut-être faite avec des
informations imparfaites ; les IME sont des lieux qu’ils ne connaissent pas, qui relèvent d’un
parcours hors norme.
La diminution, avec le temps, des attentes relevant de ce troisième groupe nous apparaît
intéressante. En effet 61 familles avouent avoir eu cette attente d’informations à l’entrée de
l’enfant dans l’établissement, pour 49 au moment de la passation du questionnaire. Cette
demande forte au départ d’informations tend à diminuer avec le temps, sans doute grâce à
l’acquisition d’une meilleure connaissance de l’institution, et grâce au travail effectué par les
équipes.
Le quatrième groupe regroupe les attentes de partenariat, de collaboration, d’un travail en
commun. Ces attentes concernent peu de personnes au départ (10), mais ce nombre augmente
avec le temps (22), sans atteindre toutefois plus d’une personne sur sept. On peut émettre
l’hypothèse qu’en cheminant avec l’établissement, quelques parents délèguent de moins en
moins, demandent à être plus associés, passent d’une position première d’observation, à une
demande plus active de collaboration. Une autre explication possible est que les évolutions
législatives de ce secteur contribuent à la modification de pratiques professionnelles, qui intègrent
davantage le travail avec les familles, ce qui contribue à l’expression de nouvelles demandes.
107
Enfin le dernier regroupement appelé « qualité des échanges relationnels » répertorie les
demandes d’écoute, de prise en compte des parents, de considération à leur égard. De nombreux
parents sont très sensibles à la qualité des relations qu’entretiennent les professionnels vis-à-vis
d’eux. Cela passe par la qualité de l’accueil, le respect qu’il leur est accordé, les mots employés.
Ils attendent également que leur potentiel éducatif soit reconnu, qu’il soit accordé de l’importance
à leur savoir sur leur enfant, d’être confortés dans leur compétence parentale.
Les entretiens illustrent clairement la forte sensibilité des parents à la considération qui leur
est apportée.
« Alors au niveau du groupe éducatif : j’en est… Une écoute formidable. » (entretien n°1, page
28)
« Et c’est ça que je veux dire aussi : dans les réunions, où je suis, moi parent, face à
l’institution : « merde à la fin, je suis votre employeur ». « Je suis pas salariée ». « Je suis là, je
paye sur ma peau le fait d’avoir un enfant handicapé, mais je suis votre employeur. Alors
respectez moi ! ». » (entretien n°1, page 30)
« Faut pas nous prendre non plus pour des débiles. » (entretien n°4, page 53)
« Et contrairement, je dirais, à un monde paramédical, ou médical, où on nous dit « bon on
fait », et où on ne vous écoute pas, dans les IME, j’ai toujours trouvé de l’écoute » (entretien
n°5, page 21).
« Et puis très jugeant sur notre fonctionnement, en disant « oui, alors elle a un grand frère,
vous vous en occupez en dehors de votre fille ? Est-ce qu’il a des loisirs ». » (entretien n°6,
page 35)
« Ils sont respectueux de notre fonctionnement » (entretien n°6, page 48)
De même les familles apparaissent très sensibles à l’accueil, à la « chaleur » de la relation
vis-à-vis de l’enfant et d’eux-mêmes.
« Quand vous arrivez, tout le monde vous salue. » (entretien n°6, page 43)
« Le personnel était très ouvert. » (entretien n°3, page 31)
« Des gens très chaleureux. » (entretien n°6, page 13)
Les deux tableaux qui précèdent nous permettent de mettre en évidence trois éléments
importants :
•
Avec le temps les attentes parentales peuvent évoluer.
•
La sensibilité des parents à ce que nous avons appelé la « qualité des échanges
relationnels », qui apparaît un support essentiel à la mise en œuvre des trois autres
catégories d’attentes (« aide, conseil », « information » et « collaboration »).
Autrement dit, ces trois dernières fonctions sont opérationnelles si le mode
relationnel avec les familles est soigné.
•
Deux visions, deux attitudes parentales se dégagent à partir de ces attentes : la
première est caractérisée par des attentes fortes des parents à leur égard (demande
108
d’aide, de soutien, de conseil, d’information, de collaboration) qui concernent un peu
moins la moitié d’entre eux, et la seconde par une attitude apparemment plus
distanciée, sous-tendue par le principe de délégation (« on fait confiance »). Une
partie des familles demande, interpelle, sollicite des échanges, l’autre partie
n’énonce pas de demandes précises à ce propos.
De façon théorique, si on considère que les attentes parentales peuvent contribuer à
déterminer des attitudes, comportements et donc des sollicitations d’intensité variable, avec des
nuances, graduations, on pourrait imaginer reporter les positionnements possibles sur un axe qui
pourrait être traduit de la façon suivante :
Action (demandes d’échanges)------------------------------------------------Non Action (attitude plus
distanciée)
Lors du travail de pré-enquête nous avions repéré trois modes relationnels : les familles qui
se montrent « discrètes », les familles qui « s’impliquent », les familles qui « revendiquent ». La
lecture des entretiens a permis de retrouver sans aucune difficulté ces trois positionnements. Ce
qui caractérise et traverse à notre sens ces trois positionnements, est l’intensité de la demande
d’échanges (évoquée précédemment), mais également le degré d’adhésion des familles à l’action
des professionnels et de l’établissement, que nous nous proposons de traduire par un second axe
qui croise le premier, et détermine ainsi quatre positionnements possibles.
Si l’on croise l’axe « action-non action », avec l’axe « en accord, en désaccord » avec
l’établissement, l’on obtient la grille de « positionnements possibles » suivante :
Action
Les opposants
Les participants
I
I
En désaccord ------------------------------------------------------------------------En accord
avec l’établissement
avec l’établissement
I
I
Les contraints
Les discrets
Non action
Les quatre positionnements possibles
Les familles discrètes.
109
Si quelques familles cherchent à nouer des relations avec les professionnels et l’institution,
la majorité d’entre elles se montre plutôt discrète et semble « déléguer » aux professionnels la
prise en charge de l’enfant. De nombreux parents ne demandent pas à davantage rencontrer les
professionnels, se déplacent lorsqu’ils sont sollicités, expriment être globalement en accord avec
les actions menées, et la politique de l’établissement. Ce mode relationnel semble s’appuyer sur
les principes implicites de délégation et de complémentarité. Un thème souvent évoqué par les
familles, qui peut à notre avis être illustratif de ce positionnement, est l’articulation entre les
compétences parentales et celles des professionnels. Dans sa définition courante, la compétence
est « une connaissance approfondie, reconnue, qui confère le droit de juger ou de décider en
certaines matières » (104). Dans les témoignages recueillis nous observons que de nombreux
parents font la distinction entre les compétences qui relèvent du champ familial et celles qui
relèvent du secteur professionnel.
« Alors ma compétence, c’est celle de l’observation de mon enfant, c’est celle de mon affectif,
puisque c’est bien de ma parentalité dont il est question. » (entretien n°1, page 31)
Pour de nombreux parents les contributions respectives bénéficient alors à l’enfant et à sa
famille. Les représentations que se construisent les parents des champs de compétences
respectifs semble ainsi contribuer à la construction d’un mode relationnel, d’un système de
communication.
« On ne peut pas assumer toutes les facettes, on se dit on a peut-être choisi la bonne voie, ce
qu’on peut pas faire on va le faire faire par d’autres personnes, et des personnes
compétentes. » (entretien n°2, page 5)
« J’ai trouvé ça bien, parce que ça veut dire que c’est vraiment un accompagnement, de ce
que les parents n’ont pas nécessairement la force de faire, l’énergie de faire, ou l’expérience. »
(entretien n°6, page 33)
« Je ne vais pas me permettre, par exemple, si je vais voir mon fils, je ne vais pas aller
l’asticoter, ou jouer avec lui, ou quoi que se soit. Chacun son boulot, ils sont là pour s’en
occuper, c’est pas à moi de le faire. » (entretien n°5, page 23)
Mais la complémentarité n’implique pas la délégation de tout ce qui concerne l’enfant, loin
de là. Les parents entendent conserver leur part de responsabilité dans les décisions importantes
à leurs yeux.
« En fait quand on a mis en avant un projet pour E., …, j’ai toujours donné mon avis, en
général qui était assez favorable, avec quelques réserves quelquefois, mais j’ai toujours donné
mon avis. » (entretien n°2, page 17)
Les familles volontaires, participantes.
Ce second mode relationnel se structure autour de processus de négociation. De
nombreuses familles entendent agir, ouvrir des espaces de négociation sur les aides apportées à
104 Le petit Robert, dictionnaire de la langue française, p. 349
110
leur enfant, sur la conduite des actions mises en œuvre. De nombreux aspects peuvent être au
cœur des négociations : la reconnaissance du droit pour les parents à avoir un point de vue
différent de celui des professionnels, la réduction des contraintes concrètes qu’ils vivent, leurs
motivations, leur projet pour l’enfant et eux- mêmes, mais aussi et surtout peut-être le désir, l’envie
d’apporter toujours plus, toujours davantage, à leur enfant.
« Donc on est arrivé finalement à un compromis de : une fois tous les quinze jours, et le weekend. C’était pas non plus ma demande. Ma demande était un peu différente, j’aurais préféré…
Ce que je voulais c’était des bouts de semaine. » (entretien n°1, page 25)
« Au début je les ai trouvés un peu réticents, dans la mesure où on n’était pas en accord tous
les deux. Donc là ils étaient, bon, contre. Et ils nous ont laissé du temps pour qu’on soit
d’accord tout les deux. » (entretien n°3, page 8)
« J’ai rencontré le directeur, c’était Monsieur M. à l’époque, je lui ai expliqué qui j’étais, ce que
je voulais, ce que j’attendais de lui, et ça c’est passé comme ça. » (entretien n°5, page 12)
« Donc avec un réel échange avec l’équipe qui commençait, qui balbutiait, qui avait envie,
qu’on construise un peu. » (entretien n°6, page 13)
Les familles opposantes
Un certain nombre de témoignages confirment la dimension conflictuelle que peuvent parfois
prendre les rapports parents-professionnels. Plusieurs thématiques sous-tendent ces difficultés.
Nous ne les développerons pas toutes, mais nous proposons d’en présenter quelques unes,
illustrant ce positionnement relationnel.
L’un des premiers facteurs à l’origine des désaccords, est la différence de langage, de
culture et de perspectives. Les positions de chacun sont dissymétriques car les points de vue, les
perspectives sont différents.
« Eux ont décrété du haut de leurs études, et de leur pratique apparemment, de leur clinique,
que c’était pas vrai. Très bien. » (entretien n°1, page 25)
« Je lui ai dis « si vous voulez venir voir ou quoi que se soit », mais ça ne les intéresse pas. De
toute façon ils vivent dans leur monde, avec la même société de fabrication. » (entretien n°3,
page 65)
Les conflits peuvent également porter sur les champs de compétences respectifs, les
savoirs respectifs. Les familles n’apprécient pas d’être considérées comme inaptes à comprendre
la nature des difficultés de leur enfant et entendent que leur place, rôle, savoirs soient respectés.
« Et c’est vrai qu’on connaît plus nos enfants qu’eux, dans le sens que moi j’ai l’habitude de
savoir si M. est encombré, si M. est pas bien. » (entretien n°3, page 63)
« J’ai la chance d’avoir un pédiatre,… qui part du principe que je connais plus mon enfant que
lui. » (entretien n°3, page 62)
Pour certaines familles, l’accueil en établissement spécialisé semble générer une situation
de mise en concurrence de la fonction éducative entre parents naturels, et professionnels.
111
Parfois l’impression de ne pas pouvoir agir, de ne pas avoir de l’influence sur les aides
mises en œuvre, est à l’origine de conflits.
« Les marges de manœuvre c’est moi qui les aient ouvertes. On ne me les a pas données. Et
j’ai bagarré pour les obtenir. » (entretien n°1, page 26)
Il peut en être de même lorsque l’institution est perçue comme opaque.
« J’ai l’impression qu’ils font dans leur petit coin. » (entretien n°3, page 78).
De nombreuses difficultés sont liées à des aspects pratiques, concrets, organisationnels
(horaires, transports, emplois du temps). Il apparaît nettement dans les entretiens, que l’une des
préoccupations parentales est de limiter les contraintes de la vie quotidienne consécutives à
l’handicap de l’enfant. Lorsque le fonctionnement de l’institution entraîne des contraintes qui ne
peuvent pas être modifiées, l’institution peut être vécue comme rigide.
« Il n’y avait pas de concertation là, c’était voilà les horaires. » (entretien n°4, page 46)
Nous venons de voir que les familles ne supportent pas d’être incomprises. De même elles
acceptent que les professionnels fassent des erreurs, se trompent, aient été maladroits, mais ne
supportent pas d’avoir le sentiment d'être « floué », ou que les professionnels n’acceptent pas
leurs erreurs, limites…
« Et j’ai beaucoup souffert aussi du fait qu’une équipe comme cela ne reconnaît pas ses
errements, et ses limitations financières, et ses erreurs. » (entretien n°1, page 24)
Les familles contraintes
Si en général le dialogue permet de faire tomber certaines incompréhensions, favorise la
mise en œuvre de compromis, d’un processus de clarification ou de négociation, il arrive parfois
que des désaccords persistent dont la conséquence peut être une prise de distance de la famille à
l’égard de l’institution. Par ailleurs, des familles expriment avoir peur du pouvoir des
professionnels, de leurs réactions, des risques d’exclusion de leur enfant. D’autres craignent qu’un
conflit puisse amener un désintérêt à leur égard (ou à celui de l’enfant), avec par exemple une
réduction des informations le concernant. C’est pourquoi certaines pensent qu’elles doivent, d’une
certaine manière, « se plier » à l’institution, et de ce fait maintiennent elles aussi, volontairement,
une certaine distance. Nous les appellerons les familles « contraintes ».
« Quand on se rebelle, et bien, de façon périphérique, de façon à côté hein, de façon
dissimulée, elle punit la personne. » (entretien n°1, page 27)
« Mais si on bouge en tant qu’individuel, chacun de son côté, on a peur par rapport à après,
quoi… » (entretien n°3, page 48)
« On ne veut pas être marqué en rouge quoi. Et quelque part c’est pas très normal. » (entretien
n°4, page 44)
« Je ne veux pas me battre. Je ne veux pas non plus qu’il soit mal après, bon. » (entretien n°3,
page 48)
112
« Parce qu’elle nous fait du chantage. Parce qu’avant on prenait une semaine, hors période de
vacances scolaire, elle nous a fait remarquer que, il y avait d’autres enfants qu’attendaient.
Que à ce moment là on allait garder notre gamin… » (entretien n°3, page 48)
Au delà de cette grille qui n’a qu’un intérêt illustratif, les données recueillies confirment que
ces positionnements ne sont pas figées, et qu’il peut y avoir va et vient entre ces positionnements,
en fonction de multiples facteurs.
Ces positionnements sont évolutifs à partir des actions, procédures mises en place par
l’établissement mais également à partir des comportements des parents. Par exemple, les parents
peuvent déployer, développer des stratégies (ou des tactiques) de négociation, de persuasion, de
refus, de coercition à partir de ce qu’ils pensent être bon pour leurs enfants et eux même.
Les parents acteurs de stratégies relationnelles
Dans ce travail, nous avons défini au troisième chapitre la conduite stratégique comme un
comportement motivé, organisé autour d’un but construit. La tactique est la capacité à saisir des
opportunités pour aller dans un sens que l’on croit bon, la capacité à saisir ce qui peut amener un
bénéfice.
De très nombreux exemples ont été donnés dans les entretiens qualitatifs, qui confirment la
grande capacité des familles à s’adapter au contexte relationnel et institutionnel. En voici quelques
exemples que nous avons trouvé illustratifs.
Les deux extraits de témoignage suivants, qui concernent des prises de rendez-vous,
montrent les marges de manœuvre possibles autour des informations (dire, ne pas dire, ne pas
tout dire, retenir l’information ou en donner de mauvaises).
« La prochaine fois que j’ai un rendez-vous, je dirais qu’il est malade. » (entretien n°3, page 53)
« Une deuxième façon de biaiser, comme je vous disais, c’est un autre exemple. De ne pas
tout dire, les rendez-vous qu’on prend. » (entretien n°4, page 53)
Pour faire avancer les choses, certains parents n’hésitent pas à saisir les instances internes
(par exemple le conseil de la vie sociale) ou des organismes, commissions extérieures à
l’établissement.
« Là par contre j’avais fait un courrier, j’avais fait remonter l’affaire, beaucoup plus haut. J’avais
envoyé à la CDES, de toute façon, et à un autre organisme, je sais plus lequel, on m’avait
aiguillé aussi. Et je peux vous dire que ça avait fait du bruit, parce que… » (entretien n°3, page
67)
Ou alors un autre moyen d’action est de solliciter les professionnels que les familles
considèrent comme influents, ou pouvant avoir un impact.
« et à restituer aussi auprès de X, le directeur, qui a fait son boulot, qui a transmis,… »
(entretien n°1, p.22)
113
Une stratégie possible est de ne pas respecter les procédures, les règles, et cela de façon
volontaire.
« Les autres fois l’on s’arrangeait avec le taxi » (entretien n°4, page 67)
Dans ce témoignage la personne nous a expliqué qu’elle savait très bien que toute demande
de changement d’organisation concernant le transport de l’enfant devait impérativement transiter
par l’institution.
De nombreuses stratégies se développent autour des relations, par exemple en cherchant à
construire un mode relationnel adapté, à l’interlocuteur, aux résultats escomptés, mais aussi en
adéquation avec les valeurs morales de la personne.
« Mais on a induit une relation saine. » (entretien n°6, page 49)
Ou alors en repérant les espaces de négociation.
« J’ai vu des petits trucs où on peut discuter. » (entretien n°5, page 18)
En « marchandant ».
« Ah oui, jouer avec les gens… Bien sur, c’est un petit peu toujours le même jeu, il faut…
Quelque fois il faut demander plus, il faut tirer sur la corde. » (entretien n°5, page 19)
En adoptant une posture relationnelle volontariste.
« sinon quand c’est au contact même des professionnels, je pense qu’il faut y aller franco,
quand il y a quelque chose qui ne va pas, il faut en parler tout de suite, faut pas hésiter. Quitte
même à faire monter un petit peu le ton, à pousser le bouchon un peu loin. Mais que se soit
clair. » (entretien n°5, page 20)
En s’adaptant à la personnalité de l’interlocuteur.
« Si vous êtes trop directif, elle y étant, il y a un moment donné où il y a une opposition, ça
passe pas. Il y a un dominant et un dominé, quoi. » (entretien °4, page 44)
« c’est pas la peine d’arriver avec vos grand chevaux, parce qu’il y aura un dialogue de sourd.
Il faut donc essayer de biaiser. » (entretien n°4, page 44)
Un moyen pour mieux faire passer un message est par exemple de s’appuyer sur la
reconnaissance des compétences professionnelles de l’interlocuteur.
« Ca va passer en me disant « ben oui, ça c’est vrai, on n’y avait pas pensé quoi ». Mais dans
ce cas là je leur dis « vous savez c’est mon métier. Chacun a le sien ». Et ça, ça passe très,
très bien. » (entretien n°5, page 23)
La présentation de ces quelques exemples n’a pas pour ambition de balayer l’ensemble des
stratégies, des tactiques possibles, ni de proposer une analyse détaillée, mais a plutôt pour
vocation d’illustrer la variété des marges de manœuvre possibles et la complexité des processus
relationnels en oeuvre. Au cours de cette recherche nous avons également pu mesurer que la
compréhension de ce qui est en jeu dans les échanges entre les parents et les professionnels ne
pouvait se réduire à la vision d’une recherche par les familles d’un plus grand profit pour elles et
114
l’enfant (sous-tendue par une logique « de l’intérêt »). D’autres aspects, notamment liés à
l’identité, à l’image de soi (par exemple « garder la face »), avec des stratégies d’affirmation et de
représentation de soi, sont également importants et moteurs dans les échanges parentsprofessionnels. Nous avons également lu avec intérêt un article de P. Trompette qui apporte les
éclaircissements suivants :
« Sans quitter ce registre de l'intérêt, l'analyse de cette formation sociale singulière a tenté de
mettre en jeu cette autre face du projet de l'acteur qu'est son identité, comme être social mais
également comme être perçu engagé dans des stratégies symboliques d'affirmation et de
représentation de soi. De l'espace de représentation à l'espace d'action, il s'agit de reconnaître
les médiations sous-jacentes de l'orientation de l'action qui s'enracinent dans des régions
subjectives
de
rapport
au
monde,
elles
mêmes
fonction
d'expériences,
de
jeux
d'appartenances multiples et de projet comme horizon de l'existence sociale. » (105)
Nous avons débuté cette partie en constatant que les parents attendent des professionnels
un savoir faire, une aide, une relation de confiance, voire parfois d’étayage dans les moments
difficiles qu’ils traversent, mais qu’ils demandent également (et peut-être surtout) de l’information
et de la transparence. Ils attendent aussi que leur potentiel éducatif soit reconnu, qu’il soit accordé
de l’importance quant à leur savoir sur leur enfant, d’être confortés dans leur compétence
parentale.
Nous avons ensuite présenté différents modes et positionnements relationnels, et constaté
qu’ils pouvaient évoluer dans le temps. Enfin, nous avons mesuré la capacité des familles à
s’adapter et à agir sur l’environnement institutionnel et auprès des professionnels.
B) Les réunions et les rencontres
Nous proposons pour observer et analyser les modalités relationnelles parentsprofessionnels une deuxième porte d’entrée : les moments de rencontres entre les deux parties.
Dans un premier temps nous analyserons les temps de rencontres formalisés, institués (les
réunions), puis nous aborderons les moments, espaces de rencontre informelles entre les parents
et les professionnels.
Les réunions
La nature de ces réunions, leurs rythmes, organisations, mais également leurs objets
peuvent fortement différer d’une réunion à l’autre, « pour les réunions qui concernent L. il y en a
105 TROMPETTE P., La négociation dans l’entreprise : symbolique de l’honneur et
recomposition identitaire, in revue française de sociologie, octobre-décembre 1997, XXXVIII-4, p.816
115
de différentes sortes. Il y a les grandes réunions de bilan, il y a les réunions avec la famille
d’accueil… » (entretien n°1, page 21). Aussi, nous proposons dans un premier temps de regarder
les caractéristiques organisationnelles de ces rencontres, puis nous aborderons plus
spécifiquement leurs contenus.
Tout d’abord la pratique qui consiste à instituer un temps formel d’échanges entre les
parents et les professionnels apparaît bien installée dans ce secteur professionnel. En effet 75 %
des familles déclarent avoir eu au moins deux réunions l’année précédant l’entretien avec
l’enquêteur, la moyenne étant nettement supérieure à trois (3,4). Seules 9 familles (5%) sur 166
disent n’avoir participé à aucune réunion au cours de l’année.
Nombre de réunions au cours de l'année précédant la consultation
44
45
40
32
35
30
25
22
25
20
12
15
10
10
9
4
5
4
2
1
0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
Plus de
10
Le nombre de personnes participant à ces rencontres peut varier d’une réunion à l’autre, et
les professionnels relèvent de secteurs professionnels différents.
Professionnels participants à ces réunions
Professionnels cités par les parents (cinq
réponses maximum par questionnaire)
Effectifs
éducateurs
140
psychiatres
médecins
psychomotriciens
orthophonistes
kinésithérapeutes
aides soignants
38
33
34
12
7
7
psychologues
94
assistants sociaux
41
instituteurs
29
116
directeurs
chefs de service
secrétaires
80
53
9
TOTAL/ réponses
622
Le secteur éducatif, représenté par les éducateurs est le secteur le plus cité (ils sont
présents dans 85 % des réunions). Le secteur médical est également fortement représenté,
notamment par les médecins généralistes et spécialistes (psychiatres…), présents dans 43 % des
réunions,
mais
également
kinésithérapeutes…).
par
les
rééducateurs
(psychomotriciens,
orthophonistes,
Le pourcentage total de 43 % concernant les médecins nous semble
excessif au regard de notre connaissance du terrain, et est sûrement le résultat d’un biais du
questionnaire : il est probable que certaines familles ont coché à la fois les cases réponses
« médecin » et « psychiatre » alors qu’un seul professionnel était concerné.
Le secteur psychologique est présent dans 56 % des réunions.
Le secteur pédagogique apparaît assez peu représenté dans ces réunions (17,5%), cela
s’explique à la fois parce que deux établissements sur les six consultés n’emploient pas
d’instituteurs (Graye sur Mer et Le Jardin d’Enfants Spécialisé de Caen), mais également par les
pratiques professionnelles (l’enseignant n’est pas systématiquement associé à ces rencontres).
Le service social (dont l’une des missions est de faire « lien » entre l’établissement et les
parents) est présent une fois sur quatre. Cette faible proportion est relative, et peut s’expliquer par
le fait qu’il n’existe pas de service social dans tous les établissements.
Le directeur est cité une fois sur deux. Ce pourcentage nous apparaît également excessif.
Peut-être y a-t-il également ici amalgame entre le directeur et le chef de service (tous deux
représentant la direction), ce qui gonflerait artificiellement les effectifs. Sur le terrain nous
constatons que lorsqu’un représentant de la direction participe à ces réunions, en général il s’agit
du chef de service.
Les informations recueillies font apparaître que, lorsque de nombreux professionnels
participent à ces rencontres, le nombre important de personnes donnent parfois aux familles le
sentiment de se trouver devant un jury ou un tribunal (avec pour conséquence une détérioration
de la qualité de la communication).
« Comme disaient certains parents, on a l’impression de passer un jugement si vous voulez. »
(entretien n°3, page 55)
Tout en critiquant cette pratique, R. Loubat apporte l’explication suivante :
« Il arrive qu’une famille se retrouve face à une dizaine de professionnels, ceux-ci pouvant ainsi
se protéger d’une entrevue qui les met mal à l’aise… Ce n’est pas la meilleure façon de faciliter
le dialogue…» (106)
106 LOUBAT (J-R.), Elaborer son projet d’établissement social et médico-social, Dunot, Paris,
1997, p. 228
117
Certains parents soulignent l’inutilité, ou l’inefficacité d’une participation large des
professionnels, et préfèrent des rencontres plus restreintes avec les personnes suivant au
quotidien de l’enfant, ou occupant un rôle de référence auprès de l’enfant et, ou, de sa famille,
« Ils sont tous à table, on est tous autour d’une table, on est tout seul, et ils vous parlent,
chacun, de ce qu’ils font, ceci, cela, alors qu’un seul rapporteur nous suffirait largement. »
(entretien n°3, page 55)
« Moi j’aurais préféré des synthèses avec moins de monde, et puis juste avec les
professionnels qui étaient avec B. » (entretien n°5, page 19)
« L’assistante sociale, moi j’en avais pas l’utilité, donc ça ne servait pas non plus » (entretien
n°5, page 19),
A l’inverse certaines familles (très minoritaires) préfèrent une participation élargie en
soulignant le gain de temps, et la possibilité d’une information et réflexion plus complète lorsque
sont présents les différents intervenants concernés par l’enfant.
« Et nous ce qu’on aimerait, c’est avoir une réunion où il y ait tous les intervenants en même
temps. » (entretien n°6, page 34)
Une autre question du questionnaire fait apparaître qu’un peu plus de sept fois sur dix
(72%), l’enfant participe à une partie ou à l’ensemble de la réunion. La présence de l’enfant à ces
rencontres a soulevé un certain nombre de commentaires chez les familles. Certains parents
considèrent que la présence de leur enfant à ces réunions est une nécessité, leur enfant étant le
principal concerné, et qu’à ce titre une réunion n’a d’intérêt qu’en sa présence.
« mais nous on considère que quand on vient avec un enfant, quand c’est un enfant qui est
concerné, je ne vois pas pourquoi on l’occulterait. » (entretien n°6, page 36)
A l’inverse d’autres parents considèrent que la présence de l’enfant n’est pas indispensable.
« je ne crois pas, et bon là on en a discuté aussi avec mon compagnon, on est d’accord là
dessus, que l’enfant doit assister à toutes les péripéties de la construction d’une démarche
pédagogique. » (entretien n°1, page 26)
« Comme un conseil de classe, on n’emmène pas nécessairement son enfant » (entretien n°6,
page 42)
« Alors là ce n’est pas nécessaire que ce soit en présence de L., parce que ce sera sans doute
avec des termes techniques certainement, et donc que... Je ne sais pas si ça doit être en
présence de L. parce que ce ne sera peut-être pas un super lieu convivial. » (entretien n°6,
page 42)
Et quelques parents sont farouchement opposés à cette perspective, arguant par exemple le
risque que l’enfant devienne l’enjeu de la concertation au lieu d’en être l’objet.
118
« je me suis censurée bien des fois parce que L. était là. C’est une façon de faire taire les
parents…, que de les empêcher, par la présence de l’enfant, de s’exprimer en toute liberté. »
(entretien n°1, page 27)
Les réunions des professionnels avec les parents ont en règle générale lieu dans les locaux
de l’établissement, mais peuvent également se dérouler au domicile parental (les professionnels
appellent ces réunions « les visites à domicile »). Les familles sont sensibles au choix du lieu (ce
qui justifie toutes les réflexions préalables des professionnels et stratégies concertées en cette
matière, et en d’autres…).
« il y a des choses qu’on ne va pas dire de l’ordre du très intime à l’éducatrice le soir en allant
récupérer sa fille, qu’on dira peut-être plus quand cette personne viendra à la maison, parce
qu’elle est dans notre lieu. » (entretien n°6, page 50)
Concernant l’initiative de ces rencontres, celle-ci revient en règle générale aux
professionnels « C’est eux qui me proposaient cette réunion » (entretien n°2, page 15). Ces
réunions sont parfois ressenties comme une obligation à laquelle il est difficile de se soustraire à
la fois pour l’intérêt de l’enfant, mais également pour éviter de prendre le risque d’une perception
défavorable des professionnels en cas de refus, avec d’éventuelles conséquences néfastes pour
l’enfant (par exemple un désinvestissement des professionnels à l’égard de l’enfant).
« J’y vais parce que bon je suis convoqué, mais c’est vrai…Mais on est des mauvais parents,
attention, hein ? (sourire) » (entretien n°4, page 54).
« La dernière fois que je suis allée à la synthèse, ils m’ont reproché, si vous voulez, de ne venir
qu’une fois par an, à la synthèse, et ils veulent faire une synthèse une fois par trimestre. »
(entretien n°3, page 56).
« Je ne veux pas me battre. Je ne veux pas non plus qu’il soit mal après, bon. » (entretien n°3,
page 48)
Les parents peuvent également solliciter des réunions, et insistent, parfois avec force, pour
qu’une rencontre ait lieu.
« on va leur dire qu’on souhaite une réunion avec tout le monde pour savoir ce qui se passe,
et comment ça se passe. Pour voir chacun, en justifiant que nous on travaille, et qu’on peut pas
voir chaque intervenant. » (entretien n°6, page 42).
Un élément important qui apparaît dans les données recueillies (et à notre avis cet élément
n’est pas toujours bien appréhendé sur le terrain par les professionnels), est que pour certaines
familles, la participation à ces rencontres peut soulever de réelles difficultés d’organisation dans
leur vie quotidienne,
« J’avais pris une demi-journée de congé quand même, pour aller à la synthèse de M. Donc…
C’était normal, mais bon, je veux dire je ne vais pas prendre une demi- journée de congé tous
les trimestres, sachant, que l’évolution de M. ne nécessite pas une réunion tous les
trimestres. » (entretien n°3, page 57)
119
« Il ne faut pas non plus généraliser les réunions. Parce qu’en plus les filles restent tard le
soir… Après elles font des heures. » (entretien n°4, page 57)
« Parce que nous c’est jamais facile de se déplacer, tout simplement le soir, et pour aller voir
l’éducatrice, donc elle c’est en dehors de son temps de travail. » (entretien n°6, page 38).
Après avoir évoqué quelques éléments relatifs à l’organisation de ces réunions, nous
proposons maintenant d’aborder plus précisément leur contenu.
Thématiques abordées lors de ces réunions
Effectifs
6
Non réponse
%
0
Cumul
0
« votre enfant seul »
« votre relation avec votre enfant »
« votre relation avec les professionnel de l'institut »
« vos rapports avec les services administratifs de l'institution »
« le fonctionnement global de l'institution »
« des aspects financiers »
« des aspects matériels »
« des aspects réglementaires »
145
124
99
22
57
14
32
23
87,3
74,7
59,6
13,3
34,3
8,4
19,3
13,9
87,3
162
221,7
234,9
269,3
277,7
297
310,8
autres
18
10,8
321,7
TOTAL/ interrogés
166
321,7
0
Interrogés: 166 / Répondants: 160 / Réponses: 534. Pourcentages calculés sur la base des interrogés.
Ce tableau amène quelques remarques : l’enfant est au cœur des thématiques abordées
(les parents ne se trompent pas sur l’objet de la réunion). Ce qui nous semble également
intéressant, est le faible pourcentage de parents qui ne parlent pas de leur relation avec l’enfant.
En règle générale les parents ne dissocient pas l’enfant de sa famille.
Pour affiner la façon dont les familles perçoivent ces réunions nous avons proposé à
l’ensemble des familles consultées de répondre à la question ouverte suivante : « de façon
générale, quelle(s) appréciation(s) portez-vous sur ces réunions ? » (question 10.7). Nous avons
ensuite catégorisé les réponses en les thématisant, et en leur attribuant une valeur (positive ou
négative), dont les regroupements nous ont permis de construire les deux tableaux suivants :
120
Appréciation (globale) portée par les familles sur les réunions
parents/professionnels
(-)
32%
2%
Appréciation positive
appréciation négative
Pas d'avis/autres
(+)
66%
Contenu des appréciations portées par les familles sur les réunions
parents/professionnels
Effectifs
6
%
0
Cumul
0
(+) Aide, conseil, soutien aux parents
(+) collaboration, partenariat, action
(+) information, explication
(+) Qualité des échanges relationnels
(+) Rythme, durée, organisation
(+) Sans précision
6
22
65
19
5
40
3,6
13,3
39,2
11,4
3
24,1
3,6
16,9
56
67,5
70,5
94,6
(-) Aide, conseils, soutien aux parents
(-) Collaboration, partenariat, action
(-) Information, explication
(-) Qualité des échanges relationnels
(-) rythme, durée, organisation
(-) Sans précision
2
17
20
11
27
1
1,2
10,2
12
6,6
16,3
0,6
95,8
106
118,1
124,7
141
141,6
Pas d'avis
Autres
2
1
1,2
0,6
142,8
143,4
166
143,4
0
Non réponse
TOTAL/ interrogés
Interrogés: 166 / Répondants: 160 / Réponses: 238. Pourcentages calculés sur
la base des interrogés.
La catégorie la plus importante concerne le thème de « l’apport d’information, d’explication »
(85 réponses, soit une personne sur deux). 65 familles apprécient les réunions pour leur contenu
informatif, explicatif « c'est bien, cela permet d'être au courant de comment cela se passe »,
« Beaucoup de satisfactions. On sait où il en est, car A. ne nous dit pas tout. On sait ce qu'il fait.
Les progrès qu'il fait », et à l’inverse 20 parents regrettent les insuffisances en ce domaine :
« C'est toujours les mêmes conversations, les mêmes trucs qu'ils me racontent. », « Le problème
est qu'on ressort toujours sur notre faim. Cela dépend sur qui on tombe. On n’a pas toujours de
réponse à nos questions. On a toujours l'impression que cela tourne autour du global. », « Si on
ne pose pas de questions on ne nous dit rien. On a l'impression qu'ils n’ont rien à nous dire. »….
121
Par ailleurs les réponses à la question 10.8 « De quelle(s) façon(s) recevez-vous, ou
transmettez-vous des informations concernant votre enfant ? » confirment que, pour les familles,
les réunions sont perçues comme le vecteur principal de réception ou de transmission de
l’information entre les parents et les professionnels (30 % des réponses).
Les entretiens confirment également la valeur informative accordée ou attendue de ces
espaces de rencontre.
« Ils m’ont fait un petit peu le résumé de ce qu’il a fait, de comment il s’était comporté, ils m’ont
dit ce qu’il avait fait, ce qu’il avait dit, et ce qu’il avait décidé. » (entretien n°2, page 13)
« Ca a juste la valeur d’un bilan, c’est tout » (entretien n°5, page 19)
La deuxième catégorie la plus importante concerne le thème de « la collaboration et du
partenariat » (39 personnes sur 166 évoquent cette thématique). 22 personnes expriment être
satisfaites de la coopération qui s’installe dans cette instance « Il est toujours intéressant de faire
le point, de voir avec les professionnels ce qui doit être fait par eux ou par moi », « Très utiles.
Permet de faire le point, de remarquer les progrès ou régressions de l'enfant. D'essayer d'adapter
d'autres solutions de stimulations. Cela permet d'adapter la prise en charge », « Importantes pour
le suivi, surtout médical et pour l'appareillage de l'enfant. », « Apports d'idées avec les parents ».
A l’inverse 17 parents regrettent les manques en ce domaine : « Beaucoup de choses dites, mais
peu sont retenues », « Les réunions ne servent à rien. On peut donner son avis, il n'y a pas de
changement », « Les réunions ne servent à rien, mais j'y vais pour ne pas risquer de desservir
mon enfant ».
Les entretiens qualitatifs témoignent également de la démarche volontariste de certaines
familles, de leur envie d’être acteur, de contribuer activement à la construction du projet et de la
prise en charge de l’enfant.
« au fur et à mesure, au fil des réunions, par des apports collectifs, ces réunions cela sert
quant même à ça…, on arrive à bouger un peu. » (entretien n°1, page 24)
« évaluer en temps réel les propositions qui m’étaient faites. » (entretien n°1, page 23)
« on élabore un projet en début d’année, c’est l’ensemble des activités que va faire notre
enfant. » (entretien n°6, page 33)
« Elle nous a fait des propositions, et nous, enthousiastes… C’est à dire que si on avait dû dire
non, pour pas que notre fille fasse du cheval, ils auraient dit non. Et comme on était d’accord
sur tout. Elle nous a demandé nos attentes à nous, et elle a marqué. Et ça a été entériné. »
(entretien n°6, page 38)
Seulement 8 réponses concernent « l’aide, le conseil, le soutien aux parents » qui constitue
notre troisième catégorie. 6 personnes expriment des éléments en faveur de ce thème et 2 en sa
défaveur. Voici quelques exemples de ces réponses : « Cela nous apporte du soutien ces
réunions », « Cela nous met en confiance », « Cela nous donne du baume au cœur pour
repartir », « Nous aimerions plus de participation de la part du psychologue pour plus de soutien
122
au niveau de la maladie et du handicap », « Et puis ils nous donnent des conseils sur comment
être avec F. », « Avec le pédopsychiatre très négatif dans la mesure où c'est une personne très
démoralisante et à tendance à "négativer" l'enfant et tout ce qu'il fait ».
La dimension relationnelle a été évoquée à 30 reprises, ce qui confirme la sensibilité des
familles au soin apporté à la relation par les professionnels. 19 personnes soulignent la qualité
apportée par les professionnelle en ce domaine, et 11 en évoquent les insuffisances. Exemples de
réponses : « Excellent contact ! », « Ces personnes sont bien à l'écoute des parents même si des
fois nous ne voyons pas les choses du même œil », « Bonnes appréciations : discussions
ouvertes et amicales », « Très bonne relation », « Très bien. Elle est très agréable, bien
parlante », « Elle est gentille. On peut parler avec elle », « J'ai l'impression que des fois ils
n'écoutent pas quand on parle », « Avec MMe X. (le psychiatre), quant je suis devant elle je suis
comme un glaçon. Elle me fait peur. Elle le voit bien. ».
Les critiques les plus nombreuses concernent l’organisation de ces réunions (27
personnes). Les thèmes évoquées dans cette catégorie concernent : le rythme, la durée, les
personnes participant, la présence ou non de l’enfant, le lieu de la réunion… 32 réponses
concernent cette catégorie, dont voici quelques exemples : « Trop courte, parce qu'on va vite »,
« Nous souhaiterions être conviés lors des bilans faits pour notre enfant. Une fois par trimestre
serait formidable ! », « J'ai appris à me contenter de leur nombre. Cela pourrait être une réunion
par mois, cela ne me dérangerait pas », « Trop de personnes sont présentes, et ces réunions
devraient avoir lieu au moins deux fois par an ».
Nous avons également souhaité questionner les familles sur leur participation lors des
réunions en leur posant la question suivante « Intervenez-vous lors de ces réunions ? »
Interventions des parents lors des réunions
Effectifs
2
%
1,2
Cumu
l
1,2
pas du tout
un peu
beaucoup
6
66
92
3,6
39,8
55,4
4,8
44,6
100
TOTAL
166
100
0
Non réponse
123
Soixante six personnes déclarent s’exprimer « un peu » et six personnes « pas du tout » lors
de ces réunions, ce qui nous apparaît important. Parmi ceux qui interviennent pas, ou très peu,
nous pouvons évoquer les raisons suivantes :
•
L’impossibilité, les mots pour dire ne sont pas là, ce qui peut s’expliquer par des
difficultés de langage ou d’expression.
•
Le refus, illustré par les expressions suivantes : « c’est ma sphère privée », ou,
« je n’ai pas envie de vous dire ce que je suis avec mon enfant ».
•
L’incapacité, ce sont les parents qui sont pris par leurs émotions, leur affectivité,
qui les bloquent. Les mots sont présents, mais l’expression est bloquée
(certaines réunions sont chargées d’un climat émotionnel fort).
Certains parents évoquent le besoin « d’avoir un interprète », ou de sentir un allié, dans ces
réunions, ce qui facilite, et permet parfois de libérer la parole.
« Parce qu’autant je me trouvais isolée dans les réunions avant, autant maintenant je sens à
travers la motivation de l’éducatrice, un soutien » (entretien n°1, page 21)
Pour autant, si on regarde ces données sous l’angle inverse, plus d’une personne sur deux
dialogue facilement, échange activement. Cet élément apparaît encourageant pour les
professionnels. Globalement les parents se sentent autorisés à interpeller ou à échanger avec les
professionnels.
Les rencontres (informelles)
Les moments de rencontres informelles ont été peu évoqués dans les entretiens, et
apparaissent, si nous nous en tenons aux données recueillies, assez marginaux dans le
fonctionnement institutionnel général. Les espaces de rencontre sont balisés par l’institution, qui
de manière générale ne semble ne pas trop apprécier les moments non formalisés.
« Alors au début cela a un peu dérangé le fonctionnement du directeur qui ne comprenait pas
pourquoi je voulais venir chercher ma fille. » (entretien n°6, page 37)
Les quelques fois où les rencontres informelles ont été évoquées, sont principalement celles
où les parents accompagnent, ou viennent chercher leur enfant à l’établissement.
« J’ai posé comme principe que le vendredi je finissais plus tôt, pour récupérer ma fille à l’IME,
pour établir un contact une fois par semaine. » (entretien n°6, page 33)
« Bon on met un petit mot quand même, on leur dit « on va passer », mais c’est très rare, c’est
très rare. » (entretien n°5, page 27)
« c’est vrai que ça permet des fois d’aller chercher M., de voir les référentes » (entretien n°4,
page 45)
124
C’est l’occasion pour les familles d’avoir accès, de prendre connaissance en direct, à une
partie du fonctionnement interne de l’institution, de voir le comportement de leur enfant dans
l’établissement, mais également de recueillir des informations complémentaires auprès des
intervenants.
« Je le vois quand j’arrive un peu plus tôt, et que je vois ma fille, que je la laisse et que je
l’observe, que je la vois jouer, ou écouter de la musique. » (entretien n°6, page 42)
« Quand j’y vais, de temps en temps chercher M., donc je leur dis « tient… ». Ben là, quand
j’avais besoin de l’adresse d’une maman… » (entretien n°3, page 51)
« Mais c’est aussi, savoir que ça s’est bien passé dans la semaine, ou savoir ce qui ne s’est
pas bien passé. Et nous, parfois cela nous permet de mieux comprendre pourquoi tel jour L. a
fait ci, ou ça. Parce que sur le cahier vous n’écrivez pas tout » (entretien n°6, page 37)
Pour certaines familles le caractère non formalisé facilite la communication, permet d’obtenir
des informations complémentaires, mais également permet d’entretenir une relation « privilégiée »
auprès des intervenants s’occupant de l’enfant, susceptibles de servir, d’un certain point de vue,
leur enfant.
« Mais quand il y a des choses c’est vrai qu’on trouve le moyen d’y aller, du fait que c’est très
proche, puisque c’est à Caen, ça c’est un gros intérêt aussi. Le fait d’avoir un centre très
proche de notre domicile, c’est le fait d’avoir un relationnel. » (entretien n°4 page 45)
« Quand c’est plus informel les barrières tombent, et on a arrive à avoir plus d’informations. »
(entretien n°5, page 30)
Après avoir consacré cette partie aux rencontres formelles et informelles, nous nous
proposons d’aborder maintenant le thème de la circulation de l’information.
C) La circulation de l’information
Les chapitres précédents ont mis en évidence chez les familles une forte attente
d’information, d’explication. Ces demandes concernent principalement l’enfant (sa problématique,
le contenu de ce qui lui est apporté), mais peuvent aussi recouvrir des informations générales, et
ainsi de manière globale interrogent sur la capacité des établissements à communiquer, expliquer.
C’est pourquoi, nous consacrons la partie suivante à la circulation de l’information entre les
familles et l’institution, en nous appuyant sur l’évaluation qui en a été faite par les familles. Puis
nous aborderons l’un des supports de transmission d’information, à savoir le bilan écrit.
L’évaluation faite par les familles
Nous avons proposé aux familles d’évaluer la circulation de l’information à l’aide d’une
échelle d’évaluation graduée de « -3 » à « + 3 ». L’ensemble des 166 parents concernés a
répondu à cette question. Les réponses sont synthétisées dans le tableau suivant :
125
Evaluation de la circulation de l'information
M oyenne=1,657 Ecart-type=1,464
60
50
E
f 40
f
e
c 30
t
i
f 20
s
10
0
-3,75
-3
-2,25
-1,5
-0,75
0
0,75
1,5
2,25
3
3,75
4,5
L’appréciation faite par les familles au sujet de la circulation de l’information s’avère
globalement positive (ce est rassurant pour les équipes), avec une moyenne de 1,65 et un écart
type de 1,46.
Le tableau suivant confirme que pour les familles, le vecteur principal de réception et de
transmission d’informations est la réunion.
Modalités de réception ou de transmission de l'information
Effectifs
%
Cumu
l
0
- non réponse
0
0
- lors des réunions et des entretiens avec les professionnels
par téléphone
- par l'intermédiaire d'un cahier qui circule
- lors de visite à domicile d'un professionnel
- au moment des accompagnements de l'enfant sur la
structure
- par l'intermédiaire d'autres parents
- autres
121
105
85
38
39
72,9
63,3
51,2
22,9
23,5
72,9
136,1
187,3
210,2
233,7
1
21
0,6
12,7
234,3
247
TOTAL/ interrogés
166
247
0
Interrogés: 166 / Répondants: 166 / Réponses: 410. Pourcentages calculés sur la base des interrogés.
Le téléphone intervient en seconde position, puis en troisième position le document (cahier,
livret…) qui circule plus ou moins régulièrement entre la famille et l’établissement. Ce document,
dont la mise en œuvre apparaît assez généralisée dans les établissements consultés est appelé
cahier de liaison, ou de correspondance, ou d’activité… Il s’avère être un outil en règle générale
apprécié et investi par les familles.
« En plus au niveau du cahier de liaison, nous on le fait vivre. On met des photos, les
anniversaires, les vacances. On a fait un week-end là, bon ben, on fait des photos et on met les
photos dedans. Donc ce qui fait que c’est un cahier qui est très vivant. » (entretien n°4, page
57)
126
« C’est une forme de respect aussi, par rapport aussi aux éducateurs qu’on voit pas trop, qu’on
a pas souvent… C’est pour montrer que : « on se voit pas, mais aussi on respecte votre travail,
du fait que vous nous montrez ce que vous avez fait, nous on communique derrière ». »
(entretien n°4, page 58)
Les éléments recueillis montrent qu’il est important pour les familles que circulent entre eux
et l’établissement des objets communs (pour être informé, pouvoir se représenter les choses, se
rassurer, avoir le sentiment d’avoir des marges de manœuvre, vérifier les choses…), d’où, dans
ce domaine également, une nécessaire réflexion pour les équipes sur les supports mis en place.
« Ben alors, qu’est ce qu’il fait quoi ?. On aurait bien aimé le soir dans le cartable, de temps en
temps, avoir une photocopie de « ben on a fait ça aujourd’hui ». Voilà. Pas dans la
performance, mais juste dans l’info. « On est en train de faire cela, on a étudié tel sujet », « L.
est à jour sur ses jours de la semaine », « L. commence à bien percevoir le 3, le 4, le 5 », des
conneries, mais qui diraient, « Il progresse, et on en est là. ». » (entretien n°1, page 14)
Les bilans écrits
Si la pratique des réunions apparaît bien installée, celle de la remise de bilans écrits est
moins systématisée.
Nombre de bilans reçus au cours de l'année précédant la consultation
70
65
60
42
50
40
30
30
20
11
9
10
3
5
cinq
six et
plus
1
0
Aucun
un
deux
trois
quatre
Non
réponse
Quarante pour cent des familles ont déclaré ne pas avoir reçu de bilans écrits au cours de
l’année précédant la consultation. Il est probable que si la consultation était refaite en 2004 ce
pourcentage serait inférieur du fait des évolutions de la législation sociale. Il en serait sûrement de
même pour les résultats de la question 10.1 « existe-t-il un projet individuel, pédagogique,
éducatif, et thérapeutique pour votre enfant ? » à laquelle quarante pour cent des familles nous
ont indiqué ne pas en avoir connaissance (le même pourcentage que pour les bilans écrits non
reçus).
127
Lors de cette consultation, plus de quarante pour cent des familles ont déclaré avoir reçu un
ou deux bilans, et un peu moins de vingt pour cent plus de deux.
Appréciation des familles sur les comptes-rendus écrits reçus
Effectifs
44
%
0
Cumul
0
(+) Appréciation positive
(+/-) Appréciation nuancée "Bien, mais"
(-) Appréciation négative
(/) Absence d'appréciation (neutre)
70
10
24
18
42,2
6
14,5
10,8
42,2
48,2
62,7
73,5
Vertu informative
Insuffisance du contenu informatif
Utile, aidant (action)
Ecrit pas suivi d'effets, inutile
Pas assez de bilans écrits
Non existence d'écrits
63
14
11
3
18
11
38
8,4
6,6
1,8
10,8
6,6
111,4
119,9
126,5
128,3
139,2
145,8
TOTAL/ interrogés
166
145,8
0
Non réponse
Interrogés: 166 / Répondants: 122 / Réponses: 242. Pourcentages calculés sur la base des interrogés.
Quarante-quatre personnes (soit ¼ des répondants) n’ont pas répondu, ou alors n’ont pas
osé se prononcer. Si tel est le cas, cela peut vouloir dire que certains parents ne s’autorisent pas à
apprécier quantitativement les écrits que leur envoient les professionnels (ce qui décrirait alors
une situation d’interdit, d’autocensure, et dans cette hypothèse, où les familles ne s’autoriseraient
pas, que craignent-elles ?). Une autre hypothèse pour expliquer le taux de non réponse est que
ces familles ne se prononcent pas, parce que tout simplement elles en n’ont pas eu
communication.
Quarante-deux pour cent des familles apprécient ces comptes-rendus : soixante trois
personnes pour leur vertu informative, et onze pour leur utilité (dans la mise en œuvre des actions
menées ou à apporter à l’enfant). C’est donc surtout le volet informatif de ces comptes-rendus qui
est valorisé par les familles.
Dix-huit pour cent des familles émettent une appréciation négative (insuffisance du contenu
informatif, nombre insuffisant, voire absence), ce qui témoigne bien d’une attente.
D) Les actions auprès de l’enfant
Le quatrième axe que nous proposons de développer dans ce chapitre pour analyser les
modalités relationnelles parents-professionnels, est celui des représentations que se font les
parents des actions mises en œuvre auprès de leur enfant.
Pour cela nous partirons dans un premier temps des attentes qui ont été exprimées sur ce
sujet, puis nous aborderons les représentations des parents sur les actions apportées par les
128
professionnels auprès des enfants, et sur la façon dont-ils considèrent leur collaboration, leur
participation à ces actions.
Les attentes parentales
Pour aborder cette thématique nous avons proposé aux parents de nous parler de leurs
attentes concernant les actions mises en œuvre auprès de leurs enfants, à partir des deux
questions suivantes, positionnées dans des chapitres différents du questionnaire.
« Pendant la période d’admission de votre enfant dans son établissement actuel, quelles
attentes aviez-vous à l’égard des professionnels dans la prise en charge qu’ils allaient mettre
en œuvre auprès de votre enfant ? » (question 9.8)
« Actuellement, quelles sont vos attentes à l’égard des professionnels, en ce qui concerne
l’éducation et les soins apportés à votre enfant ?» (question 10.17)
Nous avons obtenu les deux tableaux suivants qui nous permettent de dégager plusieurs
catégories d’attentes, et également d’essayer de voir si celles-ci évoluent dans le temps.
Attentes initiales des parents concernant les actions mis en œuvre auprès de l’enfant
Effectifs
6
10
%
0
3,9
Progression, apprentissages généraux
Le bien être, mieux être global de l'enfant
83
31
32,7
12,2
Rattrapage scolaire
Langage, communication
Motricité, propreté
26
16
14
10,2
6,3
5,5
Des soins, des activités
Collaboration parents-professionnels
40
5
15,7
2
Vie familiale
4
1,6
Préparer son avenir (métier, orientation, vie sociale)
Une place en institution
17
8
6,7
3,1
TOTAL/ réponses
254
100
Non réponse
Attentes non définies
Interrogés: 166 / Répondants: 160 / Réponses: 254. Pourcentages calculés sur la base
réponses.
Attentes actuelles de parents concernant les actions conduites par les professionnels
auprès de leur enfant
Non réponse
Attentes non définies
Progression, apprentissages généraux
Le bien être, mieux être global de l'enfant
129
Effectifs
10
5
%
0
2,3
64
22
29,5
10,1
Rattrapage scolaire
Langage, communication
Motricité, propreté
17
3
2
7,8
1,4
0,9
Des soins, activités
Collaboration parents-professionnels
49
5
22,6
2,3
Vie familiale
4
1,8
Préparer son avenir (métier, orientation, vie sociale)
Une place en institution
40
6
18,4
2,8
TOTAL/ réponses
217
100
Interrogés: 166 / Répondants: 156 / Réponses: 217. Pourcentages calculés sur la base des
réponses.
Le faible taux de non réponse montre bien qu’à l’entrée dans l’établissement la très grande
majorité des familles ont des attentes et des idées sur les actions, les aides à mettre en place, les
objectifs à atteindre pour leur enfant.
Les entretiens qualitatifs montrent que le parcours parental est ponctué de moments de
souffrance et d’espoirs, notamment de guérison, de réparation (de l’handicap, de rendre l’enfant
handicapé non handicapé). La notion de progrès renvoie à celle de l’espoir. Les parents veulent
donc des progrès. Cette demande de progrès, la plus importante, est énoncée soit de manière
générale et globale, « J’espérais qu’il progresse plus que ça. » (entretien n°3, page 35), soit
englobe des attentes d’apprentissages précis qui peuvent être d’ordre scolaire, de rattrapage
scolaire (la lecture, l’écriture, savoir compter…), « je voudrais qu’il sache lire, écrire, et compter. »
(entretien n°1, page 35), ou péri-scolaire comme l’acquisition de la marche, de la propreté, du
langage (cela revient souvent). L’enfant est ici positionné comme sujet « apprenant ».
Concernant la catégorie « progression, apprentissages généraux » celle-ci est la plus citée
(environ un parent sur deux), même si elle diminue légèrement entre les deux tableaux « attentes
initiales » et « attentes actuelles ».
En ce qui concerne les attentes d’apprentissages précis, celles-ci diminuent avec le temps.
On observe qu’il y a moins de demandes de rattrapage scolaire (de 26 à 17), de demandes
concernant les acquisitions de langage, d’améliorations dans la communication (de 16 à 3), et
enfin de demandes concernant le développement corporel (14 à 2). Cette diminution amène deux
hypothèses explicatives, la première est qu’un certain nombre de prestations, d’actions sont
mises, ou ont été mises en œuvre. Le travail étant fait, les parents sont rassurés. La seconde
explication est qu’avec le temps des demandes tombent, s’estompent, et témoignent d’un plus
grand réalisme de la part des familles. Certains auteurs parlent d’un deuil de la demande idéalisée
pour leur enfant, (demande de normalité), pour passer à un ajustement, réajustement réaliste de
130
leur demande par rapport à leur enfant. Par exemple certaines familles nous ont dit « on avait des
attentes démesurées au début… », et d’autres « on étaient tellement débordées qu’on ne savait
pas quoi attendre ».
La seconde grande thématique abordée est celle des attentes concernant le bien être global
de l’enfant (demandes traduites par exemple par les termes « mieux être », « équilibre »,
« épanouissement », « bonheur »…). Le but est affectif. L’enfant est ici avant tout « positionné »
comme sujet vivant.
« Il y a un juste milieu où je veux que B. en fin de compte, s’épanouisse, dans ce contexte
d’école. » (entretien n°5, page 14)
« L’important c’est le bien être. » (entretien n°5, page 14).
Cette thématique est moins abordée dans le deuxième tableau (22 réponses pour 31 dans le
premier). Cette évolution témoigne à notre avis d’un processus de réassurance. Avec le temps les
parents sont rassurés sur l’accueil de leur enfant et de son bien être dans l’institution.
La troisième thématique concerne des attentes que nous définissons comme « sociales »,
c’est à dire la capacité pour l‘enfant de vivre en groupe et dans la société, de trouver sa place ;
qu’il soit capable de s’insérer dans un groupe scolaire, puis plus tard dans un groupe
professionnel. Cette thématique regroupe les réponses où ont été abordés les thèmes de
l’autonomie de l’enfant, de son intégration, de sa capacité à entrer en relation avec autrui. L’enfant
est ici positionné comme sujet socialisé.
« Le but c’était en fait de rendre E. …, plutôt donner à E. un métier, ça c’était le projet que
j’avais vu avec ses éducateurs, et de le rendre autonome. C’est le projet que j’ai toujours eu. »
(entretien n°2, page 18)
« La vie de groupe, vivre avec les autres » (entretien n°2, page 19)
Nous avons intégré les réponses correspondants à cette thématique dans deux rubriques
« Préparer son avenir (métier, orientation, vie sociale »), et « Une place en institution »). Si la
seconde rubrique est stable (6 et 8), la première augmente de façon très importante avec le
temps. L’insertion de l’enfant dans la société devient une préoccupation majeure (citée 17 fois
dans le premier tableau, puis 40 fois).
Deux autres rubriques appellent des remarques. La première rubrique concernent les
réponses que nous avons regroupées dans la rubrique « Des soins, des activités », qui renvoient,
insistent sur les « moyens » mis en place par l’établissement. Un quart des familles évoquent cette
thématique dans les réponses dont le nombre est de 40 pour le tableau « attentes initiales » et 49
pour le tableau « attentes actuelles ». Cette légère augmentation témoigne à notre avis d’une
meilleure connaissance des prestations apportées, des moyens mis en œuvre. Les familles
connaissent mieux, donc elles demandent plus, voire toujours plus pour leur enfant qu’elles voient
131
si mal équipé pour la vie. Ou alors, une autre explication est que cette augmentation témoigne
d’un niveau de satisfaction qui se renforce avec le temps, les prestations existant ou non.
Enfin la diminution par deux « des attentes non définies » illustre à notre avis également ce
processus d’une meilleure connaissance de l’établissement avec le temps qui modifie les
représentations (les familles connaissent mieux, donc les demandes se font plus précises).
Le travail des professionnels auprès des enfants
Cette thématique a été fortement développée dans les entretiens qualitatifs. Tout d’abord, ce
qui ressort de la lecture des entretiens qualitatifs, est que lorsque les parents parlent des relations
des professionnels avec leurs enfants, ils parlent en premier lieu des professionnels. Le facteur
humain est positionné en premier. Les professionnels sont perçus comme l’élément principal, le
support des actions, l’outil privilégié le plus important dans la prise en charge de l’enfant.
« Quand vous voyez la personne qui commence avec sa main, à enlever la bave d’un enfant,
vous vous dites « bon OK ». » (entretien n°4, page 31)
Les parents sont sensibles aux compétences techniques, aux « savoirs faire ».
« je me dis que les gens qui suivent, les instituteurs qui suivent les enfants trisomiques, n’ont
pas les outils » (entretien n°1, page 13)
« Et c’est précisément ce qui nous ramène à nos inquiétudes actuelles sur la formation du
maître, des éducateurs, et des médecins, sur les méthodes les plus innovantes en matière de
trisomie 21. » (entretien n°1, page 34)
Mais sont également très attentifs au « savoir être », à la qualité de la relation du
professionnel avec l’enfant.
« le chef de cuisine qui devait commencer à lui enseigner son métier, un homme vraiment très
ouvert aussi, très apte à s’occuper des enfants qui ont des petits problèmes » (entretien n°2,
page 13)
Ces professions sont perçues comme faisant appel à des qualités personnelles, humaines,
fortes.
« A Graye, aussitôt je me suis dis, « Bon, c’est des gens qui ont fait ça par vocation » (entretien
n°4, page 31)
« On voit que ces gens là ils aiment leur job, il faut le reconnaître, sinon ils ne le feraient pas »
(entretien n°5, page 22)
Il apparaît également dans les entretiens une certaine forme d’ambivalence des sentiments
des familles à l’égard des professionnels. Ces sentiments peuvent osciller entre une empathie très
grande à l’égard de ceux qui s’occupent de leur enfant et de l’agressivité qui surgit à la moindre
difficulté.
132
La thématique de l’usure professionnelle est également apparue a plusieurs reprises. Ces
métiers sont perçus comme difficiles, pouvant entraîner de la démotivation, préjudiciable à la
qualité des prestations.
« Et aussi, démotivés par l’usure » (entretien n°1, page 15)
« Ce sont des gens qui attendent la retraite pour moi. Et je pense que ça ne devrait pas être
possible dans une institution, comme celle là, de rester si longtemps au même poste. Il y a une
usure qui se crée. Je pense que ces gens devraient être mutés autrement, et que des gens
plus jeunes et mieux formés devraient les remplacer » (entretien n°1, page 16)
La collaboration des parents dans la prise en charge
A l’aide de la série de questions 10.12 (par exemple, « il n’est pas nécessaire qu’il y ait des
relations entre les parents et les professionnels », avec comme choix de réponses, « je suis
d’accord avec cette conception », ou, « je ne suis pas d’accord avec cette conception »), nous
avons
questionné
les
familles
sur
la
façon
dont
elles
percevaient
la
collaboration
parents/professionnels. C’est ainsi que 151 familles sur 166 considèrent que la collaboration est
nécessaire et utile.
Dans les entretiens qualitatifs, les familles ont développé les aspects de complémentarité
des actions, la nécessité de leur cohérence entre elles, et la pratique de la méthodologie de projet.
« Parce que si on marche à coté de ses pompes les uns à coté des autres, ça peut pas le
faire. » (entretien n°2, page 20)
« Qu’il y ait une cohérence, une réelle adéquation entre l’équipe de l’IME et nous. » (entretien
n°6, page 30)
« Parce que c’est un projet commun qu’on a fait. » (entretien n°6, page 33)
Lorsque le thème de la participation à la prise en charge est abordé, les professionnels
peuvent être perçus sous des angles différents qui peuvent coexister. Par exemple dans
l’entretien numéro six, les professionnels sont tour à tour positionnés comme :
•
des experts « Par exemple, l’apprentissage de la propreté pour nous c’est difficile
avec L., parce qu’il y a des fois on n’y pense pas, à la mettre sur le pot, alors que
elles, elles ont vu, dans l’observation, L., qu’à treize heures trente c‘était comme
ça. » (entretien n°6, page 46)
•
des partenaires « on lui a dit « nous on va les faire à la maison, mais on est assuré
que si on le demande à la psychomotricienne de les faire en motricité fine, elle
acceptera à l’IME » ».(entretien n°6, page 34)
•
dans un rôle de guide, de conseil « Eux nous ont permis, ils nous ont boosté… »
(entretien n°6, page 55)
133
•
ou encore dans un rôle d’outil (de distribution de biens et services) « Par
contre lorsqu’on a besoin de professionnels à un temps donné, on les utilise, on utilise
leurs compétences » (entretien n°6, page 60)
Après avoir abordé quelques éléments concernant les représentations qu’ont les parents
des actions mises en œuvre auprès de leur enfant, nous proposons de poursuivre ce chapitre
avec la participation des familles à la vie de l’institution.
E) La participation à la vie de l’institution
Dans cette partie nous parlerons de la participation des parents aux fêtes, journées porteouvertes, puis au conseil de la vie sociale, et enfin nous aborderons le fait associatif.
Les fêtes, journées porte-ouvertes
La pratique de la journée « porte-ouverte », ou de la fête annuelle ouverte aux familles
apparaît courante dans ce secteur, puisque 80% des familles interrogées nous ont dit que des
manifestations de cette nature étaient organisées par l’établissement. Même si tous les parents
n’y participent pas, le taux de personnes s’y rendant reste toutefois très correct (49%).
Participation des familles aux fêtes, journées porte-ouvertes
20%
31%
49%
Non réponse
oui
non
Plusieurs aspects sont appréciés dans ces manifestations : la possibilité de mieux connaître
l’établissement, de voir et parler avec le personnel dans un cadre et contexte différent, mais aussi
la possibilité de rencontrer et échanger avec d’autres parents.
« C’était une journée porte-ouverte. C’est très bien, c’est très bien. Ca permet de voir les autres
enfants, de voir les parents. » (entretien n°6, page 40)
« Et c’est un aspect plus convivial » (entretien n°6, page 40)
134
« on a envie de savoir quels sont les parents de tel enfant, de tel autre… Et puis de dire, « ben
moi je suis la maman de L., bonjour, comment ça va. Et est-ce que vous êtes bien ici ? »,
« Est-ce que votre enfant est bien ici ? » » (entretien n°6, page 40)
Le conseil de la vie sociale
L’article 8 bis de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales
prévoyait que dans tous les établissements visés par cette loi, « les usagers, les familles et les
personnels sont obligatoirement associés au fonctionnement de l’établissement par la création
notamment, d’un conseil d’établissement ». Le décret n° 91-1415 du 31 décembre 1991 précisa
les missions ainsi que les conditions de création et de fonctionnement de ces conseils
d’établissement. L’article 10 de la loi du 2 janvier 2002 renomme et instaure le développement de
cette instance de participation des familles (qui désormais est appelée « conseil de la vie
sociale »), afin de rendre plus opérante la participation des usagers à la vie de l’institution.
Les données qui ont permis de construire le graphique ci-dessous (à l’aide de la question
« existe t-il un conseil d’établissement ?»), ont été recueillies au moment de la passation du
questionnaire de juin 2001 à décembre 2001 (c’est la raison pour laquelle nous utilisons le terme
conseil d’établissement dans le titre).
Moins d'une famille sur deux a connaissance de l'existence du conseil
d'établissement
51%
44%
oui
non
ne sais pas
5%
Dans les résultats obtenus, une personne sur cinq exprime avoir déjà été consultée par le
conseil d’établissement. Seulement 14 personnes sur les 166 questionnées nous disent avoir
sollicitées le conseil d’établissement. Les sollicitations de ces 14 personnes portaient sur un des
thèmes suivants : le règlement intérieur, les transferts, le cahier de liaison, les transports, les
soins, les méthodes éducatives mises en places, la restauration... Sur les 14 personnes qui ont
sollicité le conseil d’établissement, quasiment toutes nous ont dit avoir obtenu satisfaction dans
leur démarche.
Seulement une personne sur trois (51 parents) a répondu avoir reçu un compte rendu de
réunion du conseil d’établissement.
135
L'association gestionnaire
Nous avons souhaité également questionner les familles sur leurs rapports avec
l’association gestionnaire.
Pourcentage de familles ayant adhéré à l'association gestionnaire
37%
oui
non
63%
Ce pourcentage qui nous semble assez faible s’explique en partie par le fait que sur les six
établissements consultés, deux sont des établissements publics départementaux (IME de Graye
sur Mer et IME de Saint Sever) ; 39 familles consultées relevaient de ces deux établissements.
A partir des réponses à la question ouverte suivante : « dans l’idéal vers quoi devraient
tendre les associations pour aider les parents ? », nous avons construit le tableau suivant :
Suggestions des familles pour améliorer l’aide apportée par les associations aux
parents
Effectifs %
- Non réponse
48
0
- Qu’elles aient plus de moyens financiers et matériels
1
0,6
- Autres
5
3
- Plus d'implication des parents dans les associations
4
2,4
- Que les associations intègrent les parents dans leurs réflexions, projets
10
6
- Que les associations soient fortes, représentatives, actives (politique sociale)
12
7,2
l’information
20
12
- Qu’elles soient proches des préoccupations des parents, de leur vie
40
24,1
- Pas d'avis
47
28,3
TOTAL/ interrogés
166
83,7
- Que les associations soient compétentes, et qu'elles transmettent de
Interrogés: 166 / Répondants: 118 / Réponses: 139. Pourcentages calculés sur la base des interrogés.
Les réponses mettent en évidence que les familles attendent des aides, des ressources
concrètes (40 personnes souhaitent que les associations soient proches des préoccupations des
parents, de leur vie), ainsi qu’une plus grande proximité.
136
« il n’y a jamais un coup de fil chez les parents pour dire « on entend jamais parler de vous. On
entend jamais parler de vous. Vous avez… ? Ca va si bien que cela… ? ». Jamais » (entretien
n°1, page 20)
« Il faudrait ça, que cette distance ne s’établisse pas comme ça de façon tellement grande. »
(entretien n°1, page 21)
De façon complémentaire à ces éléments, les réponses à la question « avez-vous déjà eu
recours à l’association gestionnaire lors d’une situation où vous avez rencontré des difficultés ? »
indiquent que sur les 166 personnes interrogées, seules 7 personnes ont exprimé avoir déjà eu
recours à l’association (demande de documentation, démarches pour obtenir une place en
institution pour leur enfant, démarches pour appuyer des demandes financières…).
La demande d’information et de compétences est un appel de certaines familles pour que
les associations développent ce champ, effectuent un travail de vulgarisation externe, améliore
l’accès à l’information (législative, médicale...).
« J’ai téléphoné deux fois, trois fois là bas pour avoir de la doc., je ne l’ai jamais reçue. »
(entretien n°1, page 20)
« Mais je serais contente d’avoir, encore une fois un point, quand des lois sortent, avec le J.O.
d’un coté, et les commentaires de l’autre, de cette association, qui est censée tenir les rênes de
l’IME. » (entretien n°1, page 38)
48 personnes n’ont pas répondu (est-ce lié à une certaine méconnaissance des
associations ?)
Dans les entretiens qualitatifs il est apparu une assez forte demande de rencontres entre
parents, soit par l’intermédiaire de l’association gestionnaire, ou avec l’aide, le support de
l’établissement d’accueil de l’enfant, ou encore à l’initiative de parents.
« Les parents pouvaient s’exprimer sur les problèmes qu’ils pouvaient ressentir par rapport à
leurs enfants, à ce qui se passait, à ce qui s’y faisait. Ca c’était vraiment bien » (entretien n°2,
page 16)
« ce qui m’intéresserait, c’est précisément la comparaison, l’échange sur le handicap : « et
vous, comment vous faites ? ». (entretien n°1, page 19)
« j’avais lancé l’idée, et ça a pas pris, mais peut-être que j’ai pas su la vendre non plus, c’était
sur : « qu’est-ce qu’on pourrait faire sur : comment, qu’est-ce que vous, vous avez fait, pour
vous faciliter la vie ? ». Aussi bien dans l’aménagement d’une chambre, comment le lit vous
l’avez fait ? Comment vous avez fait, au niveau du lit, au niveau des toilettes. Vous voulez vous
distraire en faisant du vélo, comment vous faites ? Qu’est-ce qui existe ? Et ça, ça a pas pris. »
(entretien n°4, page 37)
137
Pour conclure ce chapitre, nous présenterons dans la partie suivante les suggestions
apportées par les familles dans les domaines, les secteurs qu’elles souhaitent être améliorés, en
nous appuyant sur les données recueillies dans les deux dernières questions ouvertes du
questionnaire.
F) Les pistes d’amélioration suggérées par les familles
Suggestions concernant les relations établissement-parents
Le tableau suivant a été construit à partir des réponses à la question « dans l’idéal vers quoi
devrait tendre un établissement dans ses relations avec les parents ? »
Suggestion pour améliorer les relations établissement-parents
Effectifs
%
Cumul
20
0
0
(groupes parents, sorties avec les enfants…)
11
6,6
6,6
- Améliorer certains éléments matériels, organisationnels
21
12,7
19,3
- Autres
2
1,2
20,5
- Renforcer la collaboration, le partenariat
23
13,9
34,3
- Parents satisfaits
30
18,1
52,4
- Pas de suggestions
27
16,3
68,7
- Plus d'aide, de conseils, de soutien des parents
5
3
71,7
- Plus d'informations et de rencontres
56
33,7
105,4
- Développer la qualité des échanges relationnels
31
18,7
124,1
TOTAL/ interrogés
166
124,1
0
- Non réponse
- Plus d’activités "extra-éducative"
138
Interrogés: 166 / Répondants: 146 / Réponses: 206. Pourcentages calculés sur la base des interrogés.
A nouveau la catégorie la plus importante concerne l’information et les rencontres.
La catégorie « plus d'aide, de conseil, de soutien des parents » concerne cinq personnes et
appelle deux explications possibles : soit ce qui existe répond globalement bien aux attentes des
parents, ou alors cette catégorie n’est pas prioritaire pour les parents.
La qualité des échanges relationnels est une rubrique intéressante car elle met à nouveau
en évidence le besoin d’une communication respectueuse. C’est un vecteur de changement des
représentations. La relation, c’est l’énergie douce pour faire passer les choses. C’est ce qui élève
la satisfaction des parents.
Suggestions générales
Pour conclure ce chapitre nous allons présenter le tableau construit à partir de la dernière
question du questionnaire (la plus ouverte) : « Qu’est-ce qui pourrait être développé ».
Suggestions générales
Effectifs
%
- Non réponse
21
0
- Des informations, des rencontres, renforcer le partenariat avec les parents
52
31,3
- Développer les aides matérielles, concrètes aux familles (transports, aides financières)
14
8,4
- Plus de structures adaptées, proches (nombre de places, organisation, moyens..)
41
24,7
- Des associations plus proches, actives
7
4,2
- Renforcer la qualité des prise en charge (vis à vis enfant)
16
9,6
- Développer sorties, séjours, ouverture sur l’extérieur, transferts (l’intégration de l’enfant)
9
5,4
- Développer aide aux familles concernant les vacances, temps de repos, garde à domicile
8
4,8
- Autres
13
7,8
- Sans avis, ou parents satisfaits
24
14,5
- Renforcer la qualité et la quantité du personnel des établissements
17
10,2
TOTAL/ interrogés
166
121,1
Interrogés: 166 / Répondants: 145 / Réponses: 201. Pourcentages calculés sur la base des interrogés.
139
A nouveau le plus fort pourcentage concerne l’information, les rencontres, le partenariat
parents-professionnels. Ces préoccupations se retrouvent sur l’ensemble des données recueillies.
La catégorie « renforcer la qualité des prises en charge de l’enfant » renvoie à des attentes
transversales. La qualité des prestations apportées à leur enfant occupe une place centrale chez
les parents (avec l’espoir de guérison, de réparation, de réductions des contraintes pour eux et
l’enfant).
La catégorie « renforcer la qualité et la quantité du personnel des établissements » est une
des composantes de la catégorie précédente. Les réponses de cette catégorie peuvent
notamment s’expliquer par le fait que certains emplois sont non pourvus dans les établissements.
Par exemple, il manque des médecins généralistes ou spécialistes (psychiatre, pédopsychiatre) et
il existe un manque notable d’orthophonistes. Les compétences techniques, méthodologiques,
ainsi que surtout les qualités relationnelles ont été également évoquées (investissement,
motivation, sens de l’observation…).
A notre avis, les réponses de la catégorie « développer les sorties, séjours, l’ouverture sur
l’extérieur, les transferts (l’intégration de l’enfant) » s’expliquent par deux éléments. Le premier est
que les familles ont une perception positive des actions qui favorisent l’intégration sociale de
l’enfant. La seconde concerne plus spécifiquement les transferts (séjours à l’extérieur de
l’établissement avec un groupe d’enfants encadré par du personnel de l’institution). Actuellement
les établissements (pour des raisons financières) tendent à réduire ces transferts. Certaines
familles ont connu des époques plus fastes à ce niveau là. Ainsi la réduction des transferts amène
des demandes dans ce domaine.
L’important pourcentage des réponses de la catégorie « plus de structures adaptées,
proches (nombre de places, organisation, moyens.) », renvoie à une très forte préoccupation
parentale (à savoir trouver l’établissement le plus adapté à l’enfant, le plus proche possible, et que
l’enfant puisse trouver une place, sa place dans la société). Cette préoccupation est d’autant plus
vive que très souvent les places sont « chères ».
Le corpus de réponses de ces deux dernières questions constitue à notre avis un ensemble
d’attentes légitimes (et à prendre en compte).
Nous allons consacrer le chapitre suivant à présenter quelques pistes de réflexion
professionnelle.
140
CHAPITRE 5 : PERSPECTIVES PROFESSIONNELLES
Dans la conception du travail que nous avons avec les familles, qui s’inscrit (nous l’espérons
tout du moins), dans l’esprit des textes de loi récents, il s’agit d’associer les familles, de rechercher
leur collaboration. Ce qui est visé, recherché, c’est « le faire ensemble » dans l’intérêt de l’enfant.
Certains auteurs utilisent les termes de co-éducation, de co-action. Dans cette perspective les
parents et les professionnels sont là, tournés, non les uns vers les autres (ou contre les autres),
mais vers ce qui est à entreprendre et à accomplir pour l’enfant. Le partenariat n’est pas une fin en
soi, c’est un moyen au service de l’enfant. Il s’agit ensemble de se rencontrer, de se mettre au
travail, de confronter les représentations respectives de « l’intérêt » de l’enfant, de s’entendre sur
les directions à adopter, sur les rôles des uns et des autres… De même, considérer la famille
comme un partenaire est bien différent que de la voir comme un client ou comme une « cible
thérapeutique » (même avec les meilleures intentions).
A partir de cette conception, nous essaierons dans ce chapitre, (au regard des résultats de
cette recherche et de notre expérience professionnelle), de développer des pistes de réflexion, et
quelques propositions pour essayer d’apporter des éléments de réponses aux questions suivantes
« Comment associer les familles ? », « Comment solliciter leur coopération ? ».
A) Développer une connaissance précise de la population accueillie
Tout d’abord il nous semble que pour apporter un service, il convient dans un premier temps
de chercher à comprendre, pour ensuite mieux coopérer. Cette démarche est d’ailleurs pour partie
à l’origine de cette recherche.
A notre avis, l’une des premières étapes pour un établissement ou un service travaillant sur
cette question, est de développer une connaissance précise de la population accueillie, en
croisant notamment l’étude de la population d’enfants accueillis, avec les attentes et les besoins
des familles.
Pour ce qui est de l’étude de la population, celle-ci peut notamment s’appuyer sur les
éléments suivants :
•
la répartition par sexe, par âge, pour l’année en cours des jeunes accueillis ;
•
la répartition par type de handicap, de déficit, et par troubles associés ;
•
l’origine géographique des personnes accueillies ;
•
les modes de prise en charge antérieurs à l’institution (en prenant en compte ce qui
a déjà été mis en place, travaillé…) ;
141
•
l’origine socioprofessionnelle des familles ;
•
l’orientation à la sortie de l’établissement ;
•
les caractéristiques des personnes en liste d’attente.
Une connaissance précise de la population accueillie nourrira la réflexion sur les dispositifs à
mettre en œuvre. Pour illustrer ce propos, dans notre recherche nous avons constaté que de
nombreuses familles appartenaient à un milieu culturel « modeste ». Nous avons également
observé que dans les réunions il arrivait que les familles les plus modestes n’osent pas s’exprimer,
donner ou confronter leur point de vue. L’étude de population sert de point de départ à la réflexion,
pour ensuite mieux prendre en compte par exemple les aspects suivants : les difficultés
d’expression orale de ces familles, le contexte d’accueil qui peut renforcer les mécanismes de
difficulté d’expression (et peut aussi renforcer le fait de réponses pré-formatées), le fait que les
familles se trouvent devant des gens censés savoir, l’impact du nombre de professionnels et de
leurs qualifications dans les réunions (place t-on toujours objectivement les gens dans des
capacités de dialogue ?).
Un second exemple issu de notre recherche, est que les pères exercent en majorité une
profession qui ne leur permet pas de se libérer facilement pour venir aux réunions. Le contexte
professionnel est, avec les trente cinq heures, devenu de plus en plus serré pour les employés,
ouvriers, et personnels de service. Il est nécessaire d’en tenir compte dans la façon de travailler
avec les familles.
La connaissance des attentes et des besoins des familles peut se faire par la consultation
régulière et large de toutes les familles, (par exemple par l’intermédiaire d’une enquête
satisfaction), ou par le recueil systématique de ces attentes et besoins dans un document adapté
lors de la procédure d’admission…
Cette recherche montre également qu’il peut être utile que l’institution ait connaissance du
vécu de la famille dans son parcours avec l’enfant (l’annonce du handicap, leur perception des
professionnels, des établissements…), pour développer ensuite les aides les plus appropriées.
Par exemple nous avons remarqué que dans chaque institution, environ 4 ou 5 % des familles
sont insatisfaites, et que quelques familles cherchent à régulièrement changer leur enfant
d’établissement car elles ne sont pas satisfaites des prestations. Pour expliquer ces 4 ou 5 % de
parents insatisfaits, nous pouvons poser comme hypothèse que l’annonce du handicap de leur
enfant a été mal vécu, et a fortement marqué ces parents. Ensuite l’image renvoyée par
l’institution reste associée à la façon dont le handicap leur a été annoncé. Repérer ces éléments
peut contribuer ensuite à mettre en place les aides les plus adaptées.
B) Poser les principes méthodologiques de la collaboration
142
Il nous semble également nécessaire que soit engagée une réflexion sur les principes
méthodologiques à la base des actions mises en oeuvre. Pour cela nous réfléchirons sur la
définition des champs d’interventions respectifs au regard du sens donné à la collaboration. Puis
nous nous attarderons sur quelques principes visant à favoriser la communication, et donc le
travail avec les familles, et enfin, nous terminerons cette partie par la présentation de quelques
réflexions méthodologiques.
Collaborer n’est pas simplement travailler ensemble, mais suppose être partenaire. J. M.
Bouchard nous livre sa définition suivante du partenariat :
« Le partenariat nécessite la reconnaissance des compétences de l’autre, vise le rapport
d’égalité et implique le partage de la décision par consensus. La coopération résulte de
l’opérationnalisation de la décision par prise de consensus » (107)
Cette définition est intéressante, car elle positionne la famille comme « actrice » de la prise
en charge. Cette définition insiste sur le partage des responsabilités, des rôles et des tâches entre
les parents et les intervenants, et s’appuie sur le principe que les familles et les intervenants ont
des ressources, et ont acquis un savoir et un « savoir-pratique » dans leur champ respectif. Elle
implique également chez les parents et les professionnels une position de responsabilité qui
comporte des droits et des devoirs. En revanche, là où cette définition du partenariat nous
apparaît un peu gênante, est que si le partenariat « vise le rapport d’égalité » (en considérant par
exemple que les savoirs respectifs sont de nature différentes, complémentaires et qu’aucun des
deux savoirs n’a une suprématie sur l’autre, mais aussi que le partenariat se construit sur un
rapport de réciprocité), les parents et les professionnels ne sont pas pour autant, à notre avis, au
même niveau sur tous les plans. En effet, nous considérons que les professionnels sont, et
doivent rester les maîtres d’œuvre des projets mis en place dans, et à partir de l’institution. Si
concertation, négociation, recherche de consensus, reconnaissance par les professionnels des
compétences de la famille, doivent nécessairement exister, la famille n’a pas à notre avis le
pouvoir de définir les prises en charge dans l’institution. Il ne doit pas y avoir mise en œuvre
directe par les parents. Les professionnels ont une mission à rendre, et ne sont pas soumis à la
logique marchande de l’offre et de la demande. Si il y a libre choix des prestations, ce libre choix
doit être limité par le cadre médical, thérapeutique, et légal. Les limites des champs d’intervention
respectifs doivent être posées, et la place accordée aux familles explicitée. Sinon apparaît le
risque que certaines familles s’appuient sur le cadre de la loi pour d’une certaine manière
« envahir » l’institution.
Par exemple, en fonction du handicap, la collaboration est différente et peut recouvrir
différentes dimensions :
•
la contribution aux transports,
107 BOUCHARD (J.M.), Les relations parents/professionnels : mobiliser les compétences
parentales, in Actes des 5èmes journées Nationales de Formation 2002, des 13 et 14 novembre 2002
organisée par le CREAI de Champagne-Ardenne, REIMS, 2003, p. 80
143
•
donner des informations sur la vie à la maison,
•
mettre en œuvre ensemble certaines actions, activités.
Ainsi le partenariat avec des familles d’enfants polyhandicapés est différent de celui de
familles d’enfants non polyhandicapés.
Le partenariat n’est pas donné d’emblée, c’est un processus, qui consiste en une coconstruction. Pour faire « vivre », faire agir ce principe de co-construction, pour associer les
familles en voulant réellement aller dans le sens d’une concertation avec elles, R. Loubat (108)
développe quelques principes visant à favoriser la communication, et donc le travail avec elles. Il
explique que les cinq aspects suivants doivent faire l’objet d’une réflexion des équipes, et d’une
stratégie concertée :
- s’appuyer sur un dispositif adéquat, qui consiste en un lieu d’accueil adapté des
familles, une animation, une méthodologie. Il s’agit de soigner la procédure, le lieu choisi,
l’organisation de l’espace, la manière de se positionner afin de ne pas mettre l’autre dans une
situation d’insécurité… ;
- adopter un style de communication pertinent, c’est à dire la façon de mener l’entretien,
de s’appuyer sur les techniques d’entretien ;
- demeurer centré sur l’objectif : la promotion de l’usager, le service qui lui est rendu, de
savoir s’appuyer sur ses compétences, ses savoirs faire… ;
- mettre le partenaire en position d’expert, c’est à dire considérer que deux savoirs valent
mieux qu’un, et que les intervenants professionnels ont besoin des compétences des familles ;
- avoir la volonté de négocier. La négociation suppose la considération de l’interlocuteur
comme partenaire à part entière, et sous-entend authenticité et transparence. Négocier implique
et oblige à un rapport de réciprocité.
Pour conclure cette partie, deux démarches méthodologiques peuvent à notre avis être très
utiles : la démarche de négociation (qui s’appuie sur des constats, puis cible des objectifs et enfin
définit des moyens) et la démarche de contractualisation (le contrat n’est pas un projet ; le contrat
formalise une relation de collaboration qui va permettre de définir les règles du jeu et la
temporalité du projet d’aide).
C) Quelques pistes d’action concrètes
Dans cette dernière partie nous proposons de présenter quelques pistes d’actions concrètes
possibles, qui peuvent éventuellement enrichir la réflexion et le travail avec les familles.
108 LOUBAT (J-R.), Elaborer son projet d’établissement social et médico-social, Dunot, Paris,
1997, pp. 228-232
144
Pour cela nous développerons ces quelques propositions autour des thèmes suivants :
l’admission, l’association de la famille au projet individuel, la transmission des informations, la
formation des équipes et la participation des familles au fonctionnement général de l’institution.
L’admission
Nous avons le sentiment que la période d’admission est une étape importante et que la
qualité de la procédure d’admission contribue à la réussite des projets.
La procédure d’admission permet notamment d’effectuer une photographie d’une partie des
caractéristiques, des besoins de l’enfant et de sa famille, par rapport à l’institution. Le recueil
d’information, qui peut concerner par exemple l’histoire de la famille avec les professionnels, les
valeurs, croyances, attentes, constituent autant d’informations utiles pour les équipes. Ce qui est
travaillé lors la phase de pré-admission (en cherchant « le pourquoi », pour ensuite travailler sur le
« comment »), construit les bases du travail ultérieur.
De plus, le travail de recueil de la parole des personnes accueillies, et de leurs familles,
indique aux familles de quelle manière est prise en compte « ses dires » (leur histoire, leurs
connaissances) dans l’institution accueillante, ce qui peut également contribuer à des
changements de représentations, et à installer les bases des relations ultérieures.
Les éléments recueillis dans cette recherche confirment que lors des entretiens d'admission
les parents sont souvent parasités par des aspects qui peuvent parfois échapper aux
professionnels (vouloir tout faire pour que leur enfant soit admis, la remémoration d'événements
passés…). La gestion de l'information reçue (son stockage) peut en être affecté. Ce processus est
à notre avis à prendre en compte, à la fois dans l’attention apportée à la relation, mais également
sur les informations qui pourront éventuellement être redonnées dans un second temps.
Un autre élément à notre sens important, est qu’au cours de la période de pré-admission,
l’établissement présente le cadre de la prise en charge de l’enfant. Les documents transmis au
cours de la phase de pré-admission et d’admission : le livret d’accueil, le règlement de
fonctionnement, le contrat de séjour…, fournissent des informations (présentation de
l’établissement, de son fonctionnement), et instaure également un processus de contractualisation
des engagements réciproques. La visite de l’établissement (pratique quasi-généralisée dans les
établissements consultés), la présentation du projet de l’établissement, l’information sur la
structure gestionnaire, le conseil de la vie sociale, apportent autant d’éléments complémentaires
qui peuvent aider à clarifier les places et rôles des parents et des professionnels. La phase de préadmission, les premières rencontres constitutives de l’admission, construisent la collaboration et
l’association de la famille au projet individuel.
145
L’association de la famille au projet individuel
Tout d’abord une remarque préalable : nous observons que sur le terrain la pratique du
projet individuel est quasiment systématisée. Lorsque le projet individuel existe, même si la famille
est informée, associée et écoutée, elle n’est pas pour autant forcément actrice (cela dépend à
notre avis en grande partie à la place que lui laisse l’établissement).
Les éléments suivants peuvent contribuer à rendre actrice les familles qui le souhaitent. Tout
d’abord, il nous semble intéressant d’associer la famille à la phase d’observation qui suit
l’admission de l’enfant (selon des modalités qui peuvent varier). Ensuite, il apparaît important,
dans le cadre de la construction du projet individuel, d’accorder de l’attention à la présentation du
rôle de référent, du travail de référent avec la famille, du rôle du service social et de définir et
préciser les rôles et fonctions des référents de projet et de garant de projet. Il est également
nécessaire d’être attentif et rigoureux à la présentation des aides possibles, des différents
parcours de prise en charge. C’est notamment sur la base de la connaissance que les familles ont
de l’institution, des modes de prises en charge, des aides possibles, qu’elles pourront participer,
proposer, interroger les aides apportées, les orientations prises…
A notre avis développer le travail avec les familles passe par l’organisation de rencontres
régulières avec elles. La régularité facilite l’association des familles aux projets, aide à la
modification des regards portés sur les enfants, permet de recueillir des informations (petite
remarque sur ce dernier point, dans la mise en œuvre des projets, les professionnels doivent à
notre avis être moteur dans la transmission des informations aux parents, si en retour ils veulent
avoir des informations pour mieux comprendre l’enfant).
La transmission régulière des bilans écrits, des comptes-rendus écrits contribue également
à installer la collaboration.
D’autres aspects peuvent également faire l’objet d’une réflexion : la construction d’un
document de recueil méthodologique des attentes parentales pour la synthèse, la manière
d’associer les parents à la synthèse (doivent-elles participer à tout ou partie à la synthèse ?).
Enfin, pendant la mise en œuvre du projet individuel, il est nécessaire de réfléchir aux
procédures qui permettront d’associer la famille à l’évaluation des actions mises en place et à
leurs réactualisations éventuelles.
La transmission des informations
Les données recueillies ont mis en évidence des attentes fortes de la part des familles dans
ce domaine. Notre recherche a montré que les familles connaissent bien le fonctionnement du
milieu scolaire ordinaire, mais très peu les institutions, d’où la nécessité d’un travail d’information
et parfois de « démystification ». Le livret d’accueil, la création d’une plaquette informative peuvent
être des outils précieux. Des réunions d’information au niveau des unités éducatives peuvent
également être organisées (pour présenter le projet d’unité aux parents…).
146
La demande d’information concerne l’institution, mais également, comme nous l’avons vu
l’enfant. La création d’un livret (sur le modèle du livret scolaire par exemple) pour informer, pour
rendre compte des activités de l’enfant peut être un outil à exploiter.
Nous avons constaté que de nombreuses familles apprécient et demandent à ce que des
cahiers d’activités, ou autres, circulent (certains parents disent « ils ne font rien dans
l’établissement. On ne voit rien »). Il semble important que circulent entre eux et l’établissement
des objets communs (pour être informé, pouvoir se représenter les choses, se réassurer, avoir le
sentiment d’avoir des marges de manœuvre, de vérifier les choses…). Il apparaît également
important de transmettre des éléments très concrets (objets que l’enfant a fabriqués, petit classeur
informatif, photos des sorties…). De ceci découle une nécessaire réflexion sur les supports mis en
place, sur la base par exemple des questions suivantes : Comment peut-on travailler le lien ?
Comment développer, construire du lien entre l’unité d’accueil de l’enfant et la famille ?
Enfin il faut également réfléchir sur la façon dont une famille peut accéder au dossier sur son
enfant, à l’accompagnement de la famille dans la consultation du dossier, mais aussi à être très
vigilent quand à la protection des informations concernant l’enfant et sa famille (ex. éviter la
diffusion dans les lieux informels des informations concernant la famille et son enfant).
La formation des équipes
Un moyen pour développer les compétences des équipes est de s’appuyer sur les actions
de formation (par exemple en réservant une partie du PAUF à la formation interne du personnel).
Ceci permettra de faire évoluer les repères méthodologiques d’approche de l’enfant (par exemple
sensibiliser aux principes de la pédagogie de la réussite : repérer d’abord ce qui va chez l’enfant,
et non l’inverse), de développer la méthodologie de projet, de réfléchir et de se former pour
annoncer le handicap, de se former à l’intervention professionnelle avec les familles (apprendre à
ne pas se substituer aux parents…).
La participation de la famille au fonctionnement général de l’institution
Le conseil de la vie sociale est une instance intéressante pour développer la participation
des familles. Elle peut permettre d’informer les familles sur la vie de l’établissement, de les
questionner et de recueillir leurs questionnements. Pour s’appuyer sur cette instance la première
étape est d’abord d’informer les familles et les usagers de l’existence de cette instance. Par
exemple, il est possible de proposer une réunion d’information sur le rôle du conseil de la vie
sociale. Ensuite, il s’agira de faire vivre cette instance (en transmettant les comptes-rendus, en les
affichant…).
147
D’autres dispositifs peuvent être mis en place :
•
organiser et valoriser des rencontres conviviales parents/professionnels (organisées
par exemple autour du partage de moments de plaisirs réciproques) ;
•
créer une commission paritaire pour réfléchir et proposer des actions (avec l’idée de
négociation,
mais
aussi
de
recherche
d’implication
des
parents
et
des
professionnels), commission qui peut comprendre des professionnels, des
administrateurs, des parents non administrateurs. Certaines associations ont créé
une commission familiale dans l’association, dont une des fonctions est de réfléchir
et de développer la coopération parents professionnels ;
•
Organiser des réunions et des rencontres entre parents. Comme nous l’avons vu au
cours de cette recherche de nombreuses familles sont en attente de rencontres entre
parents. Ces rencontres entre parents, auxquelles peuvent être associés des
personnels de l’institution, peuvent être l’occasion d’échanges, de réflexions pouvant
être utiles à la conduite de l’établissement.
Il peut être également intéressant de travailler sur le développement (voire parfois la
restauration des modes de communication, procédures de communication (direction/association,
direction/équipe des professionnels, direction/parents). Cela peut passer par un audit.
Enfin, nous conclurons ce chapitre par la suggestion de régulièrement consulter les familles,
par exemple par l’intermédiaire d’une enquête « satisfaction », pour appréhender le degré
d’information et de satisfaction des familles et également recueillir les propositions... Cette
démarche permet en outre de montrer que l’institution cherche à associer les bénéficiaires et leurs
familles à la bonne marche de l’établissement et à l’évolution des prestations apportées.
148
CONCLUSION
En donnant la parole aux parents, nous avons souhaité acquérir une meilleure connaissance
des caractéristiques et des facteurs sociaux qui contribuent à la structuration du mode de relation
des parents à l’égard des professionnels. Cette recherche nous a permis de dégager un certain
nombre d’éléments.
Tout d’abord la démarche méthodologique choisie nous a permis de mesurer l’intérêt porté
par les familles à être consultées (notamment par l’investissement qu’elles y ont apporté lors des
entretiens). Les personnes ont de façon très générale apprécié être consultées. Elles y ont vu un
effort des établissements, des professionnels et de l’université. Le temps des entretiens a été le
plus souvent vécu comme un moment privilégié pendant lequel elles pouvaient s’exprimer. La
démarche de consultation des personnes, à la fois pour notre secteur professionnel, mais aussi
dans le cadre des sciences humaines, nécessite certes beaucoup d’investissements (consulter
c’est prendre du temps pour le faire, trouver ou se donner les moyens), mais est, à notre avis, une
démarche nécessaire et fructueuse.
Ensuite, au cours des différents témoignages, nous avons mesuré l’impact des difficultés de
l’enfant sur la vie familiale, l’atteinte sur l’identité (avec une grande fragilisation), mais aussi sur les
représentations, valeurs et croyances.
Les informations recueillies nous ont permis de vérifier certaines attentes des familles. Elles
demandent essentiellement de l’information et de la transparence. Elles sont particulièrement
sensibles aux soins apportés par les professionnels à la relation, au respect qu’il leur est accordé
à elles et à leur enfant. Cet aspect est important car il est vecteur de changement de
représentations. La relation est l’énergie douce qui fait avancer les choses.
Mais avant tout, ce qui reste central pour les familles, est la qualité des prestations
apportées à leur enfant (avec l’espoir de guérison, de réparation, de réduction des contraintes).
149
Sur le plan théorique, l’approche de Schütz nous paraît adaptée pour mieux comprendre la
manière dont les familles perçoivent le monde. En effet, la prise de conscience des difficultés de
l’enfant, les conséquences du handicap sur la vie de l’enfant et de sa famille, sont des
expériences fortes, qui marquent l’identité parentale. Elles génèrent la production de nouvelles
représentations, une accumulation d’expériences, de connaissances et par voie de conséquence
la possibilité de réinterpréter le monde sur la base de ces éléments.
Nous avons mis en évidence que les interactions des parents avec les professionnels et
l’établissement s’appuient pour partie sur leurs réservoirs d’expériences et de connaissances
disponibles, et que ces même interactions peuvent en retour modifier les représentations
parentales. La perspective interactionniste apparaît pertinente pour analyser les rapports des
parents aux professionnels. Cette perspective est utile pour appréhender plus finement les
processus de négociation, les stratégies et tactiques, que les parents peuvent mettre en œuvre,
quand leur position est forte et qu’ils disposent également d’un certain nombre d’atouts pour
intervenir.
Enfin les éléments développés par E. Goffman dans l’ouvrage « Stigmate, les usages
sociaux des handicaps » se sont avérés précieux, notamment pour analyser la manière dont les
parents sont affectés par les difficultés de leur enfant. Les entretiens montrent que le stigmate,
d’un certain point de vue, est contagieux, qu’il se diffuse sur les proches. Il rejaillit sur les parents
et marque l’identité parentale. Les données recueillies montrent nettement que le stigmate se
constitue avec l’extérieur. Dans la vie quotidienne le rôle de « parents classique » est d’une
certaine manière « confisqué » (par exemple le fait de ne plus aller au restaurant, de ne pas
pouvoir emmener son enfant normalement au cinéma, à l’école). Le regard des autres (qui peut
par exemple produire le sentiment de honte, l’idée que les parents y sont pour quelque chose),
mais également les aides mises en place par la société (par discrimination positive) contribuent à
créer le stigmate.
Sur le plan professionnel cette recherche a renforcé certaines de nos convictions. Dans le
travail avec les familles, il est important de savoir prendre en compte les difficultés rencontrées
dans leur parcours de vie, leur histoire (par exemple l’histoire de la famille avec les
professionnels), leurs représentations (mais aussi valeurs et croyances), d’aller à la rencontre des
attentes parentales, savoir solliciter, s’appuyer sur leurs compétences (mettre les parents en
position d’expert pour établir un rapport de réciprocité), et également de travailler avec les
professionnels des institutions sur certaines représentations concernant les familles.
Nous avons débuté ce travail plus d’une année avant la promulgation de la loi du 2 janvier
2002. J’observais alors chez les professionnels un questionnement très vif quant aux modalités de
travail avec les familles. Les interrogations de cette époque sont pour partie à l’origine de cette
recherche.
La loi 2002/02 questionne à nouveau sur la place de la famille et le sens du travail avec elle.
Cette loi peut à notre avis être la pire ou la meilleure des choses en fonction de l’appropriation qui
150
en sera faite. Les dispositions de ce texte sur un secteur professionnel sensible, sont vécues par
certains professionnels comme une imposition supplémentaire, une nouvelle contrainte. Certains
professionnels ont peur d’être « instrumentalisés » par les parents, d’être contraints par leurs
demandes précises de devoir répondre sur le modèle « demande-réponse » du secteur marchand,
et perdre ainsi le sens de leur mission. Ils ont également peur de perdre en créativité, en espace
de liberté, « puisque tout est balisé » nous dit un professionnel du terrain. D’autres craignent une
augmentation des procédures judiciaires, avec recherche de responsabilités et réparations
financières en cas de problèmes.
Le risque serait alors que les professionnels s’approprient les outils en répondant à « la
commande » législative sous l’angle de « d’abord chercher à se protéger », « limiter les risques »,
et ainsi d’une certaine manière se souder contre « le risque du travail avec les familles ». A
l’inverse, cette loi constitue à notre avis une opportunité pour les équipes de revisiter leurs
pratiques, de retravailler sur le sens du travail avec les parents, de se souder avec plus de force,
de conviction autour d’un projet et d’actions, d’améliorer la capacités des professionnels à
expliciter leurs expériences, savoirs, savoirs faire.
151
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156
Annexes
157
Ce questionnaire est adressé aux parents d’un enfant accueilli dans un Institut Médicoéducatif du Calvados (1) .
Merci de bien vouloir répondre, de façon anonyme.
Partie réservée
au codage
1- La personne qui répond au questionnaire
1.1-
Vous êtes : (cocher une case)
❑
1.2-
Le père
❑
La mère
❑
Autre : précisez………………
Quel est votre âge ?
(Un chiffre par case)
1.3-
Quelle est votre nationalité ?…………………………………….
1.4-
Etes-vous adhérents d’une association regroupant des parents
d’enfants porteurs d’un handicap ?
❑
Oui
❑
Non
Si oui la, ou lesquelles ? …………………………………………
Depuis combien de temps ?………………………………………
1 Renseignements protégés par le secret prévu en matière statistique (loi 78-17 du 6/01/1978).
1
2- Votre enfant
2-1-
Sexe :
❑
2.2-
Masculin
❑
Féminin
Quel est son âge ?
(Un chiffre par case)
2.3-
Quelle est sa maladie ou son handicap ?…………………………
…………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………
2.4-
Quelle est la nature du handicap de votre enfant ? (cocher une ou
plusieurs cases)
❑
Handicap mental léger
❑
Troubles de la relation
❑
Handicap mental moyen
❑
Troubles du comportement
❑
Handicap mental sévère
❑
Troubles du langage
❑
polyhandicap
❑
Autre(s) : précisez……………………………………………..
2.5- Dans quelles circonstances avez-vous commencé à prendre conscience
des difficultés de votre enfant ? (cocher une ou plusieurs cases)
❑ Au cours de la grossesse
❑ A la naissance, lors de son séjour à la maternité
❑ En observant vous même des difficultés
dans son
développement
❑ A la suite d’un accident de votre enfant
❑ A la suite d’une maladie de votre enfant
❑ A la suite d’observations faites à l’école par les
enseignants
2
❑ A la suite d’un entretien avec un professionnel
2.7-
pour vous, la découverte du handicap de votre enfant s’est faite :
❑
2.8-
❑
de façon soudaine
de façon progressive
Lorsqu’un professionnel, au cours d’un entretien, vous a annoncé ou
confirmé, pour la première fois le handicap ou la maladie de votre
enfant :
1- quel âge avait votre enfant ?
(Un chiffre par case)
2- quelle était la profession de cet intervenant ?
………………………………………………………
3- estimez-vous que l’intervention de ce professionnel vous ait aidé
?
❑
pas du tout
❑
❑
un peu
beaucoup
4- quels souvenirs conservez-vous de cet entretien ?
…………………………………………………………
…………………………………………………………
5- quels souvenirs conservez-vous de ce professionnel ?
……………………………………………………….…
………………………………………………………….
2.9-
En quelle année votre enfant a t-il intégré pour la première fois
établissement spécialisé ?
(Un chiffre par case)
2.10-
Quelle était le nom de cet établissement ?
……………………………………………………………
3
un
2.11-
Comment
avez-vous
vécu
cette
première
orientation vers
un
établissement spécialisé ?
…………………………………………………………………
…………………………………………………………………
…………………………………………………………………
2.11-
La trajectoire de vie de votre enfant :
Sur la page suivante (page pliée en deux) vous trouverez un
tableau.
Les colonnes correspondent aux années. Chaque ligne correspond
à une rubrique.
Ce tableau recensera les établissements, structures, services,
prestations dont a bénéficié votre enfant depuis sa naissance, ainsi
que leurs localisations.
Aussi, merci de bien vouloir indiquer dans ce tableau, à l’aide de
flèches (précisant par leurs extrémités les dates de début, et de fin),
les différentes prestations, dont il a bénéficié, ou bénéficie encore
(psychomotricité, psychothérapie…), ainsi que le lieu et la nature
des structures et services où il a été, et est pris en charge (selon
le modèle des exemples 1 et 2 de la page suivante) .
4
Structures et
services
Années civiles
1982
1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
(merci de donner le maximum de précision, en indiquant par exemple le niveau de la classe, le type de rééducation, le nom de la
structure, du service…)
EXEMPLE N° 1
Classe(s) ordinaire(s)
de
l’éducation nationale
(maternelle,CP,CE1…)
EXEMPLE N° 2
Séances de
Rééducations, et soins
psychologique (en
libéral, où dans un
service)
Année de naissance de
L’enfant (cocher
l’année)
Structures
hospitalières
(hôpitaux, cliniques,
centre de rééducations)
Services d’éducation
et de soin spécialisés
en ville
(CMPP,CAMPS..)
5
Services
intervenant à
votre domicile
( SESSAD, SESSD…)
Séances de
rééducations, et soins
psychologique (en
libéral, où dans un
service)
Classe(s) ordinaire(s)
de
l’éducation nationale
(maternelle,CP,CE1…)
Classe(s)
spécialisée(s) de
l’éducation nationale
(CLIS,SEGPA,UPI…)
Enseignement à
distance
(C.N.E.D…)
Etablissements
spécialisés (IME,
IMP, IMPRO…)
Structures
psychiatriques
(hôpital de jour, service
de pédopsychiatrie…)
6
3 L’établissement actuel de votre enfant ou adolescent
3.1-
Quel est le nom de l’établissement qui accueille votre enfant ?
……………………………………………………………
3.2-
Depuis combien de temps est-il accueilli dans cet établissement ?
…………………………………………………………..
3.3-
Quel est son mode de prise en charge ? (cocher une ou plusieurs cases)
❑
Accueil la journée
❑
Internat
❑
Centre d’Accueil Familial Spécialisé (chez une famille d’accueil)
❑
S.E.S.S.A.D. (Service d’Education et de soins Spécialisés à
domicile)
❑
Autre : précisez……………………………………………
3.4- Votre enfant bénéficie-t-il de temps de scolarité avec un instituteur ?
❑
Oui
❑
Non
Si oui, sa scolarisation s’effectue : (cocher une cases)
❑
❑
Dans l’institution actuelle
Dans une classe de l’éducation nationale à l’extérieur de
son établissement spécialisé actuel
❑
Autre(s) : précisez………………………………
6
4 Proximité domicile familial-établissement
4.1-
Quelle est la distance entre le domicile habituel de votre enfant et
l’établissement ?
Kms
4.2-
Quelle est la fréquence des retours de votre enfant à votre domicile ?
(cocher une case)
4.3-
❑
Tous les soirs
❑
Tous les week-ends
❑
Pendant les vacances
❑
autre : précisez :………….
Qui accompagne habituellement votre enfant de son domicile familial
à l’établissement ? (cocher une case)
❑
❑
Un membre de sa famille
Un transporteur financé par l’établissement (taxi, ambulance,
bus…)
❑
Un parent d’un autre enfant accueilli à l’établissement
❑
Autre : précisez……………………………………………
7
5-Votre situation familiale
5.1- Quelle est la situation du père de l’enfant concerné par le questionnaire ?
(cocher une seule case)
❑
en activité professionnelle
❑
au chômage
❑
retraité
❑
décédé
❑
père au foyer
5.2- Dans quel groupe socioprofessionnel rangez-vous sa profession actuelle,
ou la dernière profession exercée ? (cocher une seule case)
❑
❑
Agriculteur exploitant
profession intermédiaire, ou
cadre moyen
❑
Cadre supérieur, ou profession
❑
Artisan, commerçant, ou
intellectuelle supérieure,
ou profession libérale
❑
chef d’entreprise
❑
Employé
Ouvrier ou personnel de
service
5.3-
Quel est le niveau de formation du père de l’enfant ?
…………………………………………………………………
(merci de donner le maximum de précisions)
5.4-
Est-ce que le père de l’enfant a changé de situation professionnelle du
fait du handicap de l’enfant ?
❑
oui
❑
non
-
si oui, en quelle année ?
-
pour quelle nouvelle situation professionnelle ? (merci de donner
le maximum de précisions)
………………………………………………………
-
pour quelle(s) raison(s) ?
………………………………………………………..
8
5.5- Quelle est la situation de la mère de l’enfant concerné par le
questionnaire ? (cocher une seule case)
❑
en activité professionnelle
❑
retraitée
❑
❑
au chômage
❑
décédée
mère au foyer
5.6- Dans quel groupe socioprofessionnel rangez-vous sa profession actuelle,
ou la dernière profession exercée? (cocher une seule case)
❑
Agriculteur exploitant
❑
profession intermédiaire, ou
cadre moyen
❑
Cadre supérieur, ou profession
❑
Artisan, commerçant, ou
intellectuelle supérieure,
ou profession libérale
❑
chef d’entreprise
❑
Employé
Ouvrier ou personnel de
service
5.7-
Quel est le niveau de formation de la mère de l’enfant ?
…………………………………………………………………
(merci de donner le maximum de précisions)
5.8-
Est-ce que la mère de l’enfant a changé de situation professionnelle du
fait du handicap de l’enfant ?
❑
oui
❑
non
- si oui, en quelle année ?
-
pour quelle nouvelle situation professionnelle ? (merci de
donner le maximum de précisions)
………………………………………………………………
-
pour quelle(s) raison(s) ?
……………………………………………………………..
9
5.9-
Quelle est votre situation matrimoniale ?
❑
Marié(e)
❑
Union libre
❑
Divorcé(e)
❑
Séparé(e)
❑
Autre : précisez …………………………………………..
5.10- Est-ce que le handicap de votre enfant a généré une transformation de
votre situation matrimoniale (divorce, mariage, séparation…) ?
❑
-
oui
❑
non
si oui, laquelle ?
………….………………………………………………….
-
en quelle année ?
5.11- Est-ce que le handicap de votre enfant a entraîné à une
période de
votre vie un, ou plusieurs changements de localisation géographique ?
❑
-
oui
❑
non
si oui, en quelle(s) année(s) ?
- si oui, pour quelle(s) raison(s) ?
…………………………………………………………………..
…………………………………………………………………..
…………………………………………………………………..
5.12-
En ce qui concerne l’enfant dont-on parle, combien a t-il de frères et
sœurs plus jeunes que lui ?
5.13-
En ce qui concerne l’enfant dont-on parle, combien a t-il de frères et
sœurs plus âgés que lui ?
10
6-Difficultés consécutives au handicap de votre enfant
Pour beaucoup de parents le handicap de leur enfant soulèvent de nombreux
problèmes dans la vie quotidienne. Pour ce qui vous concerne, avez-vous été
confrontés aux difficultés suivantes :
6.1-
Avez-vous connu des difficultés pour obtenir des informations
concernant l’origine du handicap ou de la maladie de votre enfant
auprès des professionnels :
❑
6.2-
❑
pas du tout
❑
un peu
beaucoup
Estimez-vous avoir rencontré des difficultés psychologiques ?
❑
❑
pas du tout
❑
un peu
beaucoup
1- Avez-vous fait appel à un soutien ou à une aide extérieure par un
professionnel ?
❑
❑
oui
non
Si oui, à quelle(s) catégorie(s) de professionnel ? (cocher une ou
plusieurs cases)
❑
médecin
❑
assistante sociale
❑
psychologue
❑
éducateur
❑
prêtre
❑
autre(s) :…………………………………
Estimez-vous que cette aide a été bénéfique ?
❑
❑
pas du tout
❑
un peu
beaucoup
Pour quelle(s) raison(s) ?……………………………….
…………………………………………………………..
2- Avez-vous fait appel à un soutien familial, amical ?
❑
oui
❑
non
11
Si oui, estimez-vous que cette aide a été bénéfique ?
❑
❑
pas du tout
❑
un peu
beaucoup
Pour quelle(s) raison(s) ?……………………………….
…………………………………………………………..
3- Avez-vous fait appel au soutien d’une association?
❑
❑
oui
non
Si oui, estimez-vous que cette aide a été bénéfique ?
❑
pas du tout
❑
❑
un peu
beaucoup
Pour quelle(s) raison(s) ?……………………………….
………………………………………………………………
6.3-
Avez-vous ressenti un certain isolement social (éloignement des amis,
de la famille…) ?
❑
6.4-
pas du tout
❑
un peu
❑
beaucoup
Avec quelles institutions avez-vous rencontré des problèmes ?
❑
La C.D.E.S. (Commission Départementale de L’Education Spéciale)
❑
La C.A.F. (Caisse d’Allocations Familiales)
❑
La C.C.S.D. (Commission de Circonscription du second degré)
❑
La C.O.T.O.R.E.P. (Commission Technique d’Orientation et de
reclassement professionnel)
❑
la
C.C.P.E. (Commission
de
Circonscription
préscolaire
élémentaire)
❑
Votre caisse de sécurité sociale
❑
L’Education Nationale
❑
Autre(s) précisez…………………………………………….
❑
Aucune
Si oui, quel(s) type(s) de problème(s) ?
……………………………………………………………………..
……………………………………………………………………..
12
et
6.5-
Avez-vous rencontré des difficultés à trouver un établissement
adapté
aux besoins de votre enfant ?
❑
6.6-
❑
pas du tout
un peu
❑
beaucoup
Avez-vous rencontré des difficultés de collaboration avec les
professionnels intervenant auprès de votre enfant ?
❑
6.7-
❑
pas du tout
un peu
❑
beaucoup
Avez-vous rencontré des problèmes différents de ceux énoncés cidessus ?
❑
oui
❑
non
Si oui lequel, ou lesquels ? ……………….…………………
………………………………………………………….……….
……………………………………………………….………….
6.8-
De façon plus générale, et au regard du handicap de votre enfant, vous
avez, actuellement, le sentiment de vous « débrouiller » :
(cocher une case)
•
❑
moins bien
❑
de manière équivalente
❑
mieux qu’auparavant,
❑
mieux qu’auparavant,
dans vos relations avec les administrations.
•
❑
moins bien
❑
de manière équivalente
dans le domaine de la législation concernant le handicap.
•
❑
moins bien
❑
de manière équivalente
❑
mieux qu’auparavant,
❑
mieux qu’auparavant,
en ce qui concerne les aspects matériels.
•
❑
moins bien
❑
de manière équivalente
en ce qui concerne les aspects financiers.
13
•
❑
moins bien
❑
de manière équivalente
❑
mieux qu’auparavant,
❑
mieux qu’auparavant,
dans la vie quotidienne avec votre enfant.
•
❑
moins bien
❑
de manière équivalente
dans vos relations avec les professionnels qui travaillent auprès de votre
enfant actuellement.
•
❑
moins bien
❑
de manière équivalente
❑
mieux qu’auparavant,
au regard du fonctionnement de l’institution où est accueilli votre enfant.
•
❑
moins bien
❑
de manière équivalente
❑
mieux qu’auparavant,
dans vos relations avec l’administration de l’institution où est accueilli votre
enfant.
14
6.9-
En ce qui concerne vos relations familiales et sociales, vous avez,
actuellement, le sentiment de pouvoir vous « appuyer » :
(cocher une case)
•
❑
❑
moins bien
de manière équivalente
❑
mieux qu’auparavant,
❑
mieux qu’auparavant,
sur des associations.
•
❑
❑
moins bien
de manière équivalente
auprès d’autres parents ayant un enfant handicapé.
•
❑
❑
moins bien
de manière équivalente
❑
mieux qu’auparavant,
❑
mieux qu’auparavant,
❑
mieux qu’auparavant,
auprès de votre famille.
•
❑
❑
moins bien
de manière équivalente
auprès de votre voisinage.
•
❑
❑
moins bien
de manière équivalente
auprès de vos collègues de travail (si vous occupez un emploi).
7- Attitudes de la société, des associations, et des professionnels à
l’égard des enfants handicapés et de leurs familles :
7.1-
A votre avis, les gens adoptent globalement quelle attitude à l’égard des
enfants handicapés et leurs familles : (cocher une case)
❑
Les gens s’efforcent d’aider les enfants handicapés et leurs
familles
❑
Les gens sont globalement indifférents, n’ont pas de position
positive, ni négative à l’égard des enfants handicapés et leurs
familles
❑
Les gens rejettent les enfants handicapés et leurs familles
❑
Sans avis
7.2- Quelles opinions avez-vous des associations regroupant des
parents
d’enfants handicapés : (cocher une ou plusieurs cases)
❑
Ces
associations
apportent
un
parents
15
soutien
moral
aux
❑
En se regroupant les parents sont plus forts
❑
Les associations peuvent aider ponctuellement
❑
Elles ne tiennent pas assez compte des avis qui leur
sont
donnés par les parents ou les familles
❑
Elles sont inefficaces car trop nombreuses
❑
Autres : précisez……………………………………
7.3- Quelles opinions avez-vous en général des professionnels qui s’occupent
des enfants handicapés ? (cocher une ou plusieurs cases)
❑
Ce sont des gens compétents qui permettent aux
enfants
et adolescents de progresser
❑
Heureusement qu’il y a des personnes pour s’occuper de
nos enfants
❑
La communication est difficile avec eux
❑
Ce sont des professionnels pas assez formés
❑
Ce sont des professionnels pas assez motivés
❑
Autres : précisez………………………………………
…………………………………………………….. …..
8- La procédure d’orientation de votre enfant
8.1-
quel est l’organisme, ou la personne, qui a sollicité la C.D.E.S.
(Commission
Départementale d’Education Spéciale) pour votre
enfant ?
………………………………… En quelle année
8.2-
Aviez-vous été informé dès le début de cette procédure, du fait que la
CDES allait être sollicitée pour votre enfant ?
❑
8.3-
❑
oui
non
Etiez-vous d’accord avec le fait que la C.D.E.S. soit sollicitée pour votre
enfant ?
❑
8.4-
❑
oui
Estimez-vous
avoir
❑
non
bénéficié
de
je ne sais pas
toutes
les
informations
nécessaires concernant les attributions et le fonctionnement de la
16
CDES ?
❑
8.5-
❑
oui
non
Estimez-vous avoir bénéficié de toute l’aide nécessaire pendant cette
procédure ?
❑
8.6-
❑
oui
non
Avez-vous exprimé votre avis à la C.D.E.S., lors de l’orientation de
votre enfant :
❑
❑
oui
non
Si oui, de quelle façon ? (cocher une ou plusieurs cases)
8.7-
❑
En participant à la commission technique
❑
En participant à la commission plénière
❑
Par écrit
❑
Par l’intermédiaire de l’assistante sociale de la C.D.E.S.
❑
Autre : précisez……………………………………….
Avez-vous eu le choix entre plusieurs établissements :
❑
❑
oui
non
Si oui combien ? …………………………………………..
9 La procédure d’admission
9.1- Lors de votre premier rendez-vous à l’établissement, avec qui avez-vous
eu un entretien ? (cocher une ou plusieurs réponses)
9.2-
❑
Le directeur
❑
L’assistante sociale
❑
Le chef de service
❑
L’infirmière
❑
Le médecin
❑
l’éducateur
❑
Autre : précisez…………………………………………..
A l’occasion de ce premier entretien, vous a t-il été remis une
documentation écrite ?
❑
oui
❑
non
17
Si oui laquelle ? (cocher une ou plusieurs cases)
9.3-
❑
Documentation présentant le projet de l’établissement
❑
Le règlement intérieur
❑
Documentation présentant les droits de l’enfant et sa famille
❑
Autre : précisez………………………………………….
Avez-vous été informé d’une procédure d’admission concernant votre
enfant (période d’essai…) ?
❑
oui
❑
non
9.4- Avez-vous été informé des personnes que vous alliez
❑
9.5-
oui
❑
rencontrer ?
non
Avez-vous visité l’établissement lors de la procédure d’admission de
votre enfant ?
❑
9.6-
oui
❑
non
Le montage du dossier d’admission vous a t-il posé des difficultés
particulières ?
❑
oui
❑
non
Si oui lesquelles ? ……………………………………………..
9.7-
Avez-vous été aidé au montage de ce dossier ?
❑
9.8-
oui
❑
non
Pendant la période d’admission de votre enfant dans son
établissement actuel, quelles attentes aviez-vous à l’égard des
professionnels dans la prise en charge qu’ils allaient mettre en œuvre
auprès de votre enfant ?
18
(merci de donner le maximum de précisions)
………………………………………………………………..
………………………………………………………………..
………………………………………………………………..
9.9-
Pendant la période d’admission de votre enfant dans son
établissement actuel, qu’attendiez-vous des professionnels vis-à-vis
de vous, au regard des actions qui allaient se mettre en place ?
(merci de donner le maximum de précisions)
………………………………………………………………..
………………………………………………………………..
………………………………………………………………..
10 Relations avec les professionnels de l’établissement dans les soins et
l’éducation de votre enfant
10.1-
Existe-t-il
un
projet
individuel,
pédagogique,
éducatif,
et
thérapeutique pour votre enfant ? (c’est à dire un document qui recense les
besoins de votre enfant, les objectifs recherchés et les moyens mis en œuvre)
❑
oui
❑
non
- Si oui, avez-vous participé à sa construction ?
❑
oui
❑
non
❑
non
- Vous a t-on demandé votre avis ?
❑
oui
- Votre rôle parental a-t-il été précisé ?
❑
oui
❑
non
10.2- Au cours des 12 derniers mois, combien de bilans écrits contenant des
informations sur l’évolution de votre enfant avez-vous reçus ?
Quelles appréciations portez-vous sur ces documents ?
19
………………………………………………………………….
…….……………………………………………………………
…….……………………………………………………………
10.3- Au cours des 12 derniers mois, à combien de réunions ou d’entretiens
avez-vous participé avec un ou plusieurs professionnels de l’Institut ?
10.4- Votre enfant a participé à combien de ces réunions avec vous ?
10.4- Lorsque vous participez à une réunion, est-ce que vous la préparez à
l’avance ?
❑
❑
oui
non
Si oui, de quelle façon ? (cocher une ou plusieurs réponses)
❑
En relisant le, ou les derniers bilans concernant votre enfant
❑
En réfléchissant aux sujets à aborder lors de la réunion
❑
En réfléchissant aux attitudes à adopter lors de la réunion
❑
En préparant une tenue vestimentaire appropriée pour votre
enfant
❑
En préparant une tenue vestimentaire appropriée pour vous-
même
❑
10.5-
Autre(s) précisez ………………………………....….
Intervenez-vous lors de ces réunions ? (cocher une réponse)
❑
pas du tout
❑
❑
un peu
beaucoup
Si vous intervenez, vous le faites sur des thèmes concernant :
(cocher une ou plusieurs réponses)
❑
Votre enfant seul
20
❑
Votre relation avec votre enfant
❑
Votre relation avec les professionnels qui s’occupent de votre
enfant
❑
Vos rapports avec les services administratifs de l’institution
❑
Le fonctionnement global de l’institution
❑
Des aspects financiers
❑
Des aspects matériels
❑
Des aspects réglementaires
❑
Autre(s) précisez………………………………….…..
-
Si vous n’intervenez pas lors de ces réunions, quelle en est la,
ou les raisons ?
……………………………….………………………………………
…………………………………………………………….
10.6-
Quelles sont les personnes que vous rencontrez le plus régulièrement
lors de ces réunions ?
(merci de bien vouloir numéroter dans les cases, par ordre de fréquence, les
personnes que vous rencontrez le plus souvent dans ces réunions. Par
exemple la personne que vous rencontrez le plus souvent, portera le numéro
1, la suivante le numéro 2.…).
Indiquer cinq choix au maximum
❑
l’ éducateur
❑
la psychomotricienne
❑
l’assistante sociale
❑
la secrétaire
❑
le directeur
❑
le chef de service
❑
le psychologue
❑
le médecin
❑
l’orthophoniste
❑
l’aide soignante
21
10.7-
❑
le psychiatre
❑
❑
le kinésithérapeute
❑
autre(s)………………………………
l’institutrice
De façon générale, quelle(s) appréciation(s) portez-vous sur ces
réunions ?
…………………………………………………………………
…….……………………………………………………………
…….……………………………………………………………
…………………………………………………………………
10.8-
De quelle(s) façon(s) recevez-vous, ou transmettez-vous des
informations concernant votre enfant ? (cocher une ou plusieurs cases)
❑
A l’occasion des réunions ou des entretiens avec les
professionnels de l’établissement
❑
Par téléphone
❑
Par l’intermédiaire d’un cahier ou d’un document écrit qui
circule régulièrement entre l’établissement et la famille
❑
A l’occasion d’entretiens à votre domicile avec un
professionnel de l’établissement
❑
Au moment des accompagnements de l’enfant sur la
structure
❑
Par l’intermédiaire d’autres parents
❑
Autres : précisez……………………………………………
………………………………………………………………
10.9- Avez-vous un, ou des interlocuteurs privilégiés dans l’institution?
❑
oui
❑
non
Si oui, lesquels ? (merci de bien vouloir préciser au maximum 3 choix, en
numérotant dans les cases, par ordre de préférence, vos choix : 1, 2, 3 : votre
interlocuteur le plus privilégié portant le numéro 1)
❑
le chauffeur
❑
le cuisinier
22
10.10-
❑
l’éducateur
❑
❑
le directeur
❑
le psychologue
❑
le médecin
❑
l’orthophoniste
❑
l’aide soignante
❑
le psychiatre
❑
l’institutrice
❑
le kinésithérapeute
❑
la psychomotricienne
❑
la secrétaire
❑
la femme de ménage
❑
autre(s)………………………………
l’assistante sociale
❑
le chef de service
Y a-t-il des faits importants concernant la vie de votre enfant dans
l’établissement
pour
lesquels
vous
estimez
n’avoir
pas
été
suffisamment informé ?
❑
❑
oui
non
Si oui lesquels ?……………………………………………..
… ………………………………………………………………
10.11- De façon générale, quelle appréciation portez-vous sur la circulation de
l’information entre les professionnels et vous concernant votre enfant ? ( mettez
une croix dans l’une des cases)
très insatisfaisant
-3
passable
-2
-1
0
très satisfaisant
1
2
3
10.12- Voici différentes conceptions des relations parents professionnels
(numérotées de 1 à 6). Pour chacune de ces conceptions, il vous est proposé
de donner votre avis en cochant une case de la colonne de gauche, puis de
précisez celui que les professionnels de l’établissement ont, selon vous, en
cochant une case de la colonne de droite.
23
1. Il n’est pas nécessaire qu’ il y ait des relations entre les parents et les
professionnels.
(Votre avis)
(Celui, d’après vous, des professionnels)
❑
Je suis d’accord
❑
Ils sont d’accord
❑
Je ne suis pas d’accord
❑
Ils ne sont pas d’accord
L’éducation et les soins dans l’établissement sont du seul ressort des
professionnels.
(Votre avis)
(Celui, d’après vous, des professionnels)
❑
Je suis d’accord
❑
Ils sont d’accord
❑
Je ne suis pas d’accord
❑
Ils ne sont pas d’accord
2. Les professionnels des établissements doivent aider sur le plan
psychologique les parents.
(Votre avis)
(Celui, d’après vous, des professionnels)
❑
Je suis d’accord
❑
Ils sont d’accord
❑
Je ne suis pas d’accord
❑
Ils ne sont pas d’accord
Cette aide permet aux parents d’être plus disponibles pour leurs enfants.
(Votre avis)
(Celui, d’après vous, des professionnels)
❑
Je suis d’accord
❑
Ils sont d’accord
❑
Je ne suis pas d’accord
❑
Ils ne sont pas d’accord
3. Le rôle des professionnels à l’égard des parents, consiste
essentiellement à les informer de l’évolution de leurs enfants.
(Votre avis)
(Celui, d’après vous, des professionnels)
❑
Je suis d’accord
❑
Ils sont d’accord
❑
Je ne suis pas d’accord
❑
Ils ne sont pas d’accord
Les parents ont la liberté d’intégrer ou non ces informations dans leurs
24
attitudes et leurs actions.
(Votre avis)
(Celui, d’après vous, des professionnels)
❑
Je suis d’accord
❑
Ils sont d’accord
❑
Je ne suis pas d’accord
❑
Ils ne sont pas d’accord
4. Les parents doivent être formés par les professionnels afin
d’augmenter leurs compétences éducatives.
(Votre avis)
(Celui, d’après vous, des professionnels)
❑
Je suis d’accord
❑
Ils sont d’accord
❑
Je ne suis pas d’accord
❑
Ils ne sont pas d’accord
25
Les parents doivent être formés par les professionnels afin d’augmenter
leur sentiment de confiance en eux
(Votre avis)
(Celui, d’après vous, des professionnels)
❑
Je suis d’accord
❑
Ils sont d’accord
❑
Je ne suis pas d’accord
❑
Ils ne sont pas d’accord
5. Les parents et les professionnels sont partenaires : l’on parle alors
d’une gestion partagée du pouvoir.
(Votre avis)
(Celui, d’après vous, des professionnels)
❑
Je suis d’accord
❑
Ils sont d’accord
❑
Je ne suis pas d’accord
❑
Ils ne sont pas d’accord
Les parents et les professionnels sont partenaires : chacun est
apprenant de l’autre .
(Votre avis)
(Celui, d’après vous, des professionnels)
❑
Je suis d’accord
❑
Ils sont d’accord
❑
Je ne suis pas d’accord
❑
Ils ne sont pas d’accord
6. L’action des professionnels concerne l’enfant, les parents, mais peut
aussi concerner le système familial élargi.
(Votre avis)
(Celui, d’après vous, des professionnels)
❑
Je suis d’accord
❑
Ils sont d’accord
❑
Je ne suis pas d’accord
❑
Ils ne sont pas d’accord
L’action des professionnels concerne l’enfant, les parents, mais peut
aussi concerner le système familial élargi, voire aussi le voisinage
(Votre avis)
(Celui, d’après vous, des professionnels)
❑
Je suis d’accord
❑
Ils sont d’accord
❑
Je ne suis pas d’accord
❑
Ils ne sont pas d’accord
26
10.13- Avez-vous déjà rencontré une, ou des difficultés lors de votre accueil
dans l’établissement ?
❑
oui
❑
non
Si oui, quel(s) type(s) de problème(s)…………………….
…………………………………………………………………
10.14- Avez-vous déjà rencontré une, ou des difficultés de type administratif,
avec l’administration de l’établissement ?
❑
oui
❑
non
Si oui, quel(s) types de problème(s)………………………
…………………………………………………………………
10.15-
De façon plus générale, avez-vous déjà eu un désaccord avec
l’établissement ?
❑
oui
❑
non
Si oui, sur quel thème ?……………………..………………
…………………………………………………..……………..
Ce désaccord s’est-il solutionné ?
❑
oui
❑
non
Si oui, de quelle façon, et avec quelles conséquences ?
……………………………………………………………..……
……………………………………………………………..……
10.16- Maintenant, imaginez la situation suivante : « vous constatez que les
soins et l’éducation prodigués à votre enfant par l’établissement sont
insuffisants selon vous, et préjudiciables à son développement. Vous êtes
inquiets. Que faites-vous et pour quelles raisons ? »
….…………………………………………………………………
…… .………………………………………………………………
…………………………………………………………………….
…………………………………………………………………….
10.17- Actuellement, quelles sont vos attentes à l’égard des professionnels,
en ce qui concerne l’éducation et les soins apportés à votre enfant ?
27
(merci de donner le maximum de précisions)
……………………………………………………………….
………………………………………………………………..
………………………………………………………………..
10.18- Actuellement, qu’attendez-vous des professionnels vis-à-vis de
vous ?
(merci de donner le maximum de précisions)
……………………………………………………………….
……………………………………………………………….
……………………………………………………………….
11 Participation à la vie de l’établissement
11.1-
Existe-t-il une journée porte ouverte ou une fête annuelle organisée
par l’établissement ?
❑
❑
oui
non
Si oui, participez-vous de façon habituelle à cette, ces journées ?
❑
11.2-
❑
oui
non
Existe-t-il un conseil d’établissement ?
❑
❑
oui
❑
non
ne sais pas
Si oui,
- avez-vous déjà été consulté par le conseil d’établissement ?
❑
oui
❑
non
- avez-vous déjà sollicité le conseil d’établissement sur une
question particulière ?
❑
oui
❑
non
si oui, sur quel thème ?
…………………………………………………………
avez-vous alors obtenu satisfaction dans votre démarche ?
28
❑
-
avez-vous
lu
❑
oui
des
compte-rendus
non
de
réunions
du
conseil
d'établissement ?
❑
11.3-
❑
oui
non
Avez-vous participé à des temps d’échange pour optimiser et
développer les réflexions et les actions mises en œuvre dans
l’établissement ?
❑
oui
❑
29
non
12 relations avec l’association ?
12.1-
Etes-vous adhérant de l’association gestionnaire de l’établissement
actuel de votre enfant ?
❑
oui
❑
non
si oui à la question 12.1, complétez cette page, et pas la suivante :
-
êtes-vous membre du conseil d’administration ?
❑
-
oui
❑
non
êtes-vous membre du bureau ?
❑
-
❑
non
participez-vous aux assemblées générales ?
❑
-
oui
oui
❑
non
êtes-vous membre d’une commission ?
❑
oui
❑
non
Si oui, laquelle…………………………….
-
participez-vous aux activités proposées par
l’association ?
(cocher une ou plusieurs cases si vous participez à des activités, et
aucune case si ce n’est pas le cas)
❑
Kermesse
❑
❑
Groupes de réflexion
❑
Autre(s) précisez…………………………….
Activités festives
- avez-vous déjà eu recours à l’association, lors d’une situation où
vous avez rencontré des difficultés ?
❑
oui
❑
non
Si oui, dans quelle(s) circonstance(s)
……………………………………………………....……
Avez-vous alors obtenu satisfaction dans votre démarche ?
❑
oui
❑
non
Si non à la question 12.1 : complétez l’ensemble de cette page, et pas la
précédente :
30
1-
quelles
sont
les
raisons
de
votre
non
adhésion
à
l’association actuelle ?
……………………………………………………………….
……………………………………………………………….
2-
Avez-vous cependant adhéré à un moment donné, dans votre
parcours avec votre enfant, à une ou des associations ?
❑
❑
oui
non
Si oui, laquelle ou lesquelles ?……………………….
……………………………………………………………
l’avez-vous ou les avez-vous quitté ?
❑
oui
❑
non
Si oui, pour quelle(s) raison(s) ?…………………
…………………………………………………….…
Si vous n’êtes pas adhérant à l’association gestionnaire de
l’établissement, ni à toutes autres associations, quelle en est, ou en
sont les raisons ?
……………………………………………………….
………………………………………………………..
3 - Bien que vous n’adhériez pas à l’association gestionnaire de
l’établissement, avez-vous déjà fait appel à une association externe ?
❑
oui
❑
non
Si oui, dans quelles circonstances ?……………………..
………………………………………………………………….
………………………………………………………………….
Si non, pour quelles raisons ne faites-vous jamais appel ?
………………………………………………………………….
………………………………………………………………….
13. Suggestions
13.1-
Dans l’idéal vers quoi devrait tendre un établissement dans ses
relations avec les parents ? ………………………
……………………………………………………………
…………………………………………………………….
…………………………………………………………….
31
13.2-
Dans l’idéal vers quoi devrait tendre les associations pour aider les
parents ?………………………………………
……………………………………………………………
…………………………………………………………….
…………………………………………………………….
13.3-
Qu’est-ce qui pourrait être développé ? ……………
……………………………………………………………
……………………………………………………………
……………………………………………………………
……………………………………………………………
……………………………………………………………
……………………………………………………………
Merci beaucoup pour votre collaboration à cette recherche.
32
Guide d’entretien
INTRODUCTION
Présenter les cinq parties de l’entretien.
PARTIE 1 « Votre parcours avec votre enfant »
1. Q.G. (question générale) Dans un premier temps, pourriez-vous
me parler de la découverte des difficultés de votre enfant ?
-
Q.R. (question de relance). De quelle façon avez-vous pris conscience des
difficultés de votre enfant ?
-
Q.R. Comment s’est déroulée l’annonce du handicap de votre enfant ?
-
-
qui ? comment ? dans quelles conditions ?…
Q.R. Comment avez-vous vécu cette période ?
-
temps forts qui marquent (ou non) fortement l’identité parentale,
et la perception des professionnels,
-
expériences
nouvelles,
création,
modification
de
représentations…,
-
perception du handicap en général, de celui de son enfant.
Q.R. Comment avez-vous vécu cette entrée dans ce que certains appellent « le
monde du handicap » ?
-
sentiments, expériences, connaissances nouvelles…
2. Pouvez-vous me parler du parcours scolaire et institutionnel de
votre enfant avant son arrivée à l’IME ?
-
Q.R. Votre enfant a t-il été scolarisé ? (Si oui) Comment cela s’est passé à l’école
pour votre enfant ? (Si non) A quel moment, à partir de quels événements a t-il
été (ré)orienté ?
-
Q.R. Comment s’est passée pour vous la découverte de ces nouvelles
institutions ?
- nouveaux organismes, nouveaux professionnels, législation
nouvelle…
-
Q.R. Comment cela s’est passé avec ces nouveaux professionnels ?
1
-
perception première des professionnels (qui évoluent dans le
temps… ou pas…) ,
-
Q.R. Comment s’est passée la première séparation, l’entrée effective de votre
enfant dans les circuits de soins et d’éducation spécialisée…? Comment l’avezvous vécu ?
-
stratégies d’orientation mises en place, (ou pas),
-
faire « jouer » en priorité des parcours « normaux » (ex.
l’intégration scolaire),
-
sentiment de soulagement, de culpabilité etc…
3. Pouvez vous me parler (de votre passage à) de la CDES ?
-
-
stratégie utilisée, tactique…,(ou pas).
Q.R. Pouvez-vous me parler du déroulement de la procédure CDES pour votre
enfant ?
-
-
clarté de la procédure,
-
accompagnement proposé (ou pas …),
-
explications fournies, réponse immédiate ou différée…
Q.R. Quelles perceptions avez-vous eu des personnes siégeant à la CDES ?
-
ex. idée d’un jury en face…,
-
temps fort, construction de représentations nouvelles, de
nouvelles expériences…
4. Qu’est-ce qui a changé dans votre vie, du fait du handicap de
votre enfant ?
- Q.R. Pouvez-vous me parler des difficultés que vous avez rencontrées du fait du
handicap de votre enfant ?
-
changement de métier, de localisation géographique,
-
réaménagements familiaux, sociaux…
-
tracasseries administratives,
-
problèmes organisationnel, matériel…
- Q.R. Voulez-vous me parler de l’évolution de vos relations sociales et familiales avec le
temps et……du fait des difficultés de votre enfant ?
-
Sédimentation d’expériences et de connaissances…
-
Famille,
-
Association,
-
réseaux professionnels,
-
réseaux amicaux.
2
5. Y-a-t-il eu des événements, des personnes, des rencontres, des
lectures, qui ont été déterminantes dans votre parcours, qui vous
ont aidé dans ce passage dans « le monde du handicap » ?
- Q.R. Quels ont été les éléments, facteurs, aspects particulièrement déterminants
dans votre parcours avec votre enfant ?
-
temps forts, rencontres déterminantes sur : l’identité parentale,
sur un parcours, une orientation…
6. Est-ce qu’à votre avis on pourrait parler d’un deuil qui ne finit
jamais lorsque l’on a un enfant porteur d’un handicap ?
(OU dit autrement, d’une autre manière),
-
Q.R. Etre parent d’un enfant handicapé, cela vous a t-il amené à penser l’idée du
deuil de l’enfant attendu, désiré, projeté dans la vie ?
PARTIE 2 : « A l’IME »
7. Parlez-moi de la procédure d’admission à l’IME.
-
Q.R. Comment avez-vous eu connaissance de l’IME où est accueilli votre enfant
?
-
Q.R. Comment vous représentiez-vous cet établissement avant que débute la
procédure d’admission concernant votre enfant ?
-
les
premières
impressions
sont
déterminantes
dans
la
construction des représentations et des relations ultérieures.
-
Q.R. Quelles furent vos premières impressions lors de vos premiers contacts
avec l’établissement?
-
Q.R. Comment cela s’est passé pour vous et votre enfant au moment de la
procédure d’admission ?
-
Q.R.
Quelles
étaient
vos
attentes
vis-à-vis
des
professionnels,
de
l’établissement à ce moment là ?
8. Parlez-moi des projets de soins, et de l’éducation spécialisée
apportée à votre enfant dans son établissement actuel ?
-
Q.R. Quelles étaient vos attentes au début de l’accueil de votre enfant
-
Q.R. Quelles sont vos attentes actuelles
3
-
évolution dans le temps,
-
composition entre le souhaité et le possible.
- Q.R. Quelles sont les réponses apportées à votre enfant qui vous semblent
pertinentes, adaptées ? (merci de donner des exemples)
Q.R. Quelles sont celles qui par contre ne vous semblent pas adaptées,
-
pertinentes ? (merci de donner des exemples)
Qu’est-ce qui pourrait à votre avis être amélioré ?
-
9. Parlez moi des réunions avec les professionnels de l’institution
-
Déroulement, modalité…
-
stratégies, tactiques,
1) Q.R. Durant les réunions avec eux dans les locaux de l’établissement,
-
comment cela se passe t-il, quelles perceptions des professionnels avez-vous ?
-
processus de dépréciation,
-
évolution des représentations dans le temps…
2) Q.R. Pouvez-vous me parler des autres types de rencontre avec les
-
professionnels (ex. visites à domicile…, journées porte-ouvertes, lors des
accompagnements de l’enfant..., groupes de réflexion….).
10.
En ce qui concerne les décisions prises pour votre enfant
dans l’établissement, avez-vous le sentiment de participer aux
projets qui sont mis en place ? Est-ce que vous avez l’impression
d’avoir des marges de manœuvre auprès des professionnels et de
l’établissement ?
-
Q.R. Si oui, comment vous y prenez-vous ?
-
Q.R. Si non, qu’est-ce que cela a eu comme conséquence pour vous, pour votre
enfant ?
-
« Impositions » de l’établissement…
-
marge de manœuvre vis-à-vis du projet développé pour
l’enfant,
-
marges de manœuvre vis-à-vis de la perception qu’ont les
professionnels de l’enfant, des parents…(à travers ce qui est
renvoyé à la famille).
4
11.
Pouvez vous me parler de votre perception de l’idéologie
des professionnels, de l’idéologie de l’établissement, ou dit
autrement, des valeurs, motivations qui à votre avis fondent
l’intervention
de
l’établissement,
des
professionnels
de
l’établissement ?
- Q.R. Avec les années, est-ce que votre perception a évolué ?
- Q.R. Si oui, de quelles façons, à partir de quels éléments ?
12.
Que pensez-vous du ou des modes de collaboration entre
les professionnels de l’institution et vous ?
-
Q.R. Que pensez vous des champs d’interventions respectifs ?
-
Q.R. Comment percevez-vous votre rôle de parent ?
-
Q.R. Comment concevez-vous la collaboration avec les professionnels ?
-
Q.R. Que pensez-vous de la place prise, ou accordée aux parents, à l’IME ?
-
Q.R. Que pensez-vous des compétences respectives des parents et de celles
des professionnels ?
13.
Est-ce que vous l’impression que la communication passe
toujours bien avec eux ?
14.
Pour vous, et avec le temps qui passe, comment les choses ont-
elles évolué dans vos relations avec les professionnels, au regard
des projets concernant votre enfant… ?
-
Q.R. Comment évolue votre perception des professionnels ?
15. Y a t il des éléments, des informations concernant votre enfant, ou
vous même, que vous montrez volontairement aux professionnels,
ou que, à l’inverse vous n’évoquez ou présentez pas volontairement.
-
Question sur la gestion de l’information sociale…
-
Dire, pas dire.
Q.R. Si oui voulez vous bien donner des exemples
5
16.
Quels pistes de solution verriez-vous pour améliorer les
relations parents-professionnels ? (pour les parents ?, pour les
Professionnels ?)
PARTIE 3 : « L’environnement »
17.
Pouvez-vous me parler de l’association gestionnaire de
l’établissement ?
18.
Que pensez-vous en général des associations de parents
d’enfants handicapés ?
19.
Q.R.
Lorsque
vous
avez-eu
besoin
d’informations concernant votre enfant, comment vous y êtes
vous pris ?
-
Q.R. (si la personne n’a jamais eu besoin d’informations), Comment elle s’y
prendrait si elle en avait éprouvé la nécessité ?
20.
Quels regards portent la société, les gens en général, sur le
handicap ?
-
Q.R. Connaissez-vous les politiques gouvernementales concernant le handicap ?
-
Q.R. Si oui, qu’en pensez-vous ?
PARTIE 4 : « L’avenir »
6
21.
Percevez-vous le handicap de votre enfant de la même
manière qu’auparavant (avec les années qui passent) ? Si non, en
quoi cela a t-il évolué ? De quelles façons ? Comment ?
-
tester l’éventuel impact, le rôle des professionnels.
22.
Comment imaginez-vous l’avenir de votre enfant ?
23.
Le fait d’avoir un enfant handicapé, a t-il fait changer pour
vous votre façon d’appréhender la vie (représentations, valeurs,
sens de la vie etc…).
-
Identité marquée, « spoliée »,
-
Perception différente de certains aspects de la vie, de
certaines valeurs…,
-
Tester l’éventuel impact, le rôle des professionnels.
PARTIE 5 : Fiche signalétique
•
Quel est votre âge ? (date de naissance)
•
Où êtes-vous née(e) ?
•
Où habitez-vous actuellement ? depuis combien de temps ?
•
Vivez-vous seul ? en couple ? depuis combien de temps ?
•
Avez-vous des enfants, des petits enfants ? combien ? quel âge ont-ils ?
•
Quelle est votre situation professionnelle ?
•
Poursuite d’études : quel niveau ?
•
Activité : quel profession ?
•
Chômage : depuis combien de temps ? quel emploi recherchez-vous ?
•
Inactivité : au foyer, retraite, invalidité…
•
Quel âge a l’enfant concerné ?
•
Quel est sa maladie ou son handicap ?
•
êtes-vous adhérente d’une ou de plusieurs associations ? Si oui laquelle, ou
lesquelles ?
7
•
Activités sociales complémentaires ? Centres d’intérêts ?
8
ENTRETIEN NUMERO 1
(IME XXX : JUILLET 2001)
Question : Dans un premier temps, pourriez vous me parler de la découverte des
difficultés de votre enfant ?
La difficulté, elle est liée à l’annonce au moment de la naissance. Comment je pourrais vous
dire ? A la naissance j’avais eu une césarienne, je sortais d’une longue anesthésie, et
pratiquement au réveil, le génycologue obstétricien m’a dit, qu’il y avait plus que de fortes
suspicions de trisomie 21 sur mon petit garçon... Et que ma fois, évidemment, je l’abandonnais.
Alors je lui ai demandé de ne pas aller si vite en besogne. D’abord je lui ai posé la question de
savoir pourquoi cet enfant n’avait pas été euthanasié. C’est vraiment ce que j’ai dit, en fait, à la
naissance… Et il m’a répondu qu’ils n’avaient pas pu… Parce que l’enfant était extrêmement
vigoureux, et qu’il n’était pas seul. Et que cet enfant est bon… Il avait un apgar à 10 au bout de la
deuxième sollicitation. Donc à partir de ce moment là, lui ça lui échappait totalement, et puis de
toutes façons… Bref il passait, il passait le bébé, c’est le cas de le dire. Et moi je lui ai dit que
avant d’abandonner un enfant, je voulais savoir exactement ce qu’il allait advenir de lui, en cas
d’abandon. Et puis… Euh, il a fait ce qu’il fallait, et donc j’ai eu un certain nombre d’informations.
Et pendant tout ce temps là je n’ai pas revu W. (1) pendant deux, ou trois jours. Mes souvenirs ne
sont pas précis, mais au minimum 48 heures. Et donc au bout de ce laps de temps, j’ai réfléchi
avec mon compagnon… Et puis on a dit que après tout, il était dedans tel qu’il était dehors, et que
ce n’était pas le moment de l’abandonner, devant le peu de possibilité qu’il y avait… Et qu’il
devienne un … Qu’il fasse son maximum petit père. Voilà. Qu’il fasse son maximum. Il ne ferait
pas son maximum si c’était un enfant qu’on laissait à l’abandon. Et donc… Ben on a assumé W.
Voilà.
Quelques temps après… Il y a quand même un grand désir de mort,…hein…, sur l’enfant. Et
ce qui s’est avéré… Comme beaucoup d’enfants trisomiques il était, il y avait des suspicions de
malformations cardiaques. Il avait un stridor aussi. Un stridor c’est un, c’est un… On entend le
souffle parce que le larynx est mou, et on entend comme un sifflement. Voilà. Et donc c’était
extrêmement angoissant. Et associé au risque de malformation cardiaque, il y avait une espèce
1 Le fils de la personne interviewée. W. n’est pas la première lettre du prénom du garçon concerné.
Cet entretien a été anonymé le plus possible.
1
d’espoir atroce que, ben il allait mourir quoi, et puis qu’on en parlerai plus… Donc il y avait un
grand désir de mort sur l’enfant…. Et, ben il s’est avéré que… Donc on est sorti, on a assumé W.
Ma famille nous est tombée dessus, pendant ces fameuses 48 heures, en disant « tu ne peux pas
l’abandonner, n’est-ce pas ? Nous t’aiderons, nous t’épaulerons… ». Douze ans plus tard je vois
ce qu’il en a été : aucun membre de ma famille, zéro membre de ma famille, sur cinq frères et
sœurs que nous sommes, n’a jamais pris W. en particulier. A part peut être J., qui a deux enfants
du même âge, mais qui, qui… Bon toujours surprotège ses enfants par rapport à lui, euh. Bon…
Et dans les yeux de ma famille je vois toujours que j’ai engendré un monstre... Et si c’est pas de la
pitié, c’est teinté vaguement de… Oh, de dégoût… Enfin
je ne sais pas quel mot employer
autrement. Et donc il y a eu cette pression familiale, et quant je suis rentrée à la maison, alors là il
y a eu une affluence de cadeaux extraordinaires. Oh il y avait… Ce sont des moments
extrêmement forts, quant il vous arrive un deuil, ou qu’il vous arrive… Et là ça en est un, en fait,
parce qu’on met vraiment beaucoup de temps à se remettre, de… Bon, déjà toute femme au
moment de le constituer, a un enfant rêvé. Et quand… Et il n’est pas, il n’est pas de toute façon ce
qu’on pense, et il y a des deuils à faire. Et sur celui là, il y a une profonde brèche qui s’opère dans
l’ego familial. Et bon, j’avais la chance d’avoir déjà un enfant, d’avoir déjà l’expérience de la
maternalité (2) dans sa plénitude, et donc j’avais un grand avantage par rapport à T. (3) qui lui
n’arrivait même pas à percevoir en quoi il était anormal ce bébé, puisque il n’avait pas de
comparaison possible. Et donc, il était éveillé. Et donc, il y avait aussi cette cassure là. Qu’est ce
que c’est que… ? En quoi la trisomie le rendait différent des autres ? On ne le voyait pas vraiment
tout de suite. Et le moindre petit progrès on était à se dire mais bon, ce sera sûrement un super
triso. (rire) Et que, il s’en sortirait bien. Je veux dire on réinvestissait l’enfant de cette façon là.
Mais il y a une blessure immense, immense, un gouffre. Et il y a eu dans notre couple un désir
d’effacer la mort, le désir de mort qu’il y avait sur le bébé. La brisure que lui représentait. Et il y a
eu une période de grande effervescence sexuelle après. Où vraiment on essayait de célébrer la
vie dans ce qu’elle a de…, de reconstruire quoi. Et puis ensuite ben, on a constitué un petit réseau
autour, pour m’aider, parce que je savais bien que je ne pourrais pas y arriver toute seule, quoi.
On a donc été beaucoup aidé. Pas par la famille comme je le disais tout à l’heure, mais par
d’autres gens. Et autour de la naissance, à part cette solidarité de la part de nos amis, puisque on
a un réseau très fort… Il y a eu, j’ai senti, qu’il y avait aussi des buveurs de morts. Des vampires,
exactement comme quand je vous le disais tout à l’heure dans les deuils, où des gens vont boire
cet espèce de battement qui pulse autour de la douleur. J’ai senti ça très fort autour de W. Très
fort. Cela a été… Je crois que dans ce cas là on est effectivement une sensibilité hypertrophiée,
qui fait que l’on a une espèce de pulsation de l’aura, dont certains captent l’énergie. Et j’ai senti ça
vraiment très fort au moment de la survenue de W., puisque bon, j’ai un statut un petit peu
particulier de XXX, en définitive. Donc, que ça c’était… Que cette expérience là, ils fallaient qu’ils
2 Synthèse de maternité, natalité, maternelle
3 Le concubin de la personne interviewée
2
la voient de près, ces gens là. Je n’ai jamais trouvé cela très grave cela dit, parce que bon… Cela
ne m’empêche pas de vivre.
Donc, la question était de parler de la découverte des difficultés. Il ne s’agit en fait pas de
difficultés. Il s’agit de la survenue de cet être là. On ne l’a pas vécue en terme de difficulté... Un
bébé, zéro-douze mois, pas de difficulté particulière. Je veux dire, tout de suite on s’est occupé du
fait que… On a eu cette chance de la survenue du CAMPS, qui n’en était pas tout à fait un, mais
qui était quand même un… Qui fait que dès neuf mois il a été pris en charge au niveau de la
psychomotricité. Ce qu’on peut dire effectivement, c’est que dans ce contexte là, moi je n’ai pas
rencontré d’appui psychologique fort. Ou en tout cas peut être est-ce que j’ai été sollicitée, mais
pas par les bonnes personnes. Mais enfin bon je n’étais pas en condition, je ne le suis toujours
pas, de me faire soutenir par des gens en qui je n’ai pas vraiment confiance. J’ai plus compté sur
le réseau des amis, qui sont de très bonne qualité, pour l’échange. Mais en revanche, je pense
qu’à la naissance d’un enfant trisomique… D’abord je me suis informée évidemment… Mais il n’y
a rien, il n’y a rien... Alors que, quand même, on commence à savoir pas mal de choses sur la
trisomie, et que à la fois, on… Dans la vie on se casse la gueule, il y a une escouade de « psy »
qui viennent… On reçoit ce cataclysme de ce handicap là, et je suppose que tous les handicaps…
Et je ne parle pas que de celui là, doivent…, bon…, provoquer les mêmes réactions en définitive.
Personne n’est là pour vous dire « Ben voilà, ça consiste en ça. L’hypothèse basse c’est celle-ci,
l’hypothèse moyenne c’est celle-là, l’hypothèse haute c’est celle-là ». Rien. Zéro, proposition. Moi
je pense que ce n’est quand même pas normal. Que l’accompagnement du handicap, tout ce que
j’ai eu, c’est « tu l’abandonnes évidemment ». Bon ensuite c’est : « Ben le réseau social c’est celui
là. Dans l’abandon il y a telle conséquence, et ensuite, bon, ben, dans le fait que tu le gardes
après il y aura ça, ça, ça. Mais en fait rien, rien avant six ans, aussi ». Donc le CAMPS intervenait
là-dedans comme vraiment un appui bienvenu. En même temps, devrait exister un manuel, un
livre de l’accompagnement du handicap, qui devrait être donné. Mais pas donné, jeté à la figure
ou sur le lit. Mais un accompagnement pour lire ce livre pendant la période de la maternité, où les
gens sont quand même en train d’encaisser un truc, mais monstrueux quoi. Une sorte de guide.
Bon, on l’ouvre ou on ne l’ouvre pas à la maternité, c’est selon. Mais quelqu’un est là pour l’ouvrir
avec vous avant ou après. Ne pas laisser dans la nature… C’est quand même extraordinaire ça. Il
n’y a pas d’accompagnement au handicap. Je veux dire qu’à partir du moment où le génycoobstreticien, ou la sage femme, ou le pédiatre, l’anesthésiste, toute cette équipe qui est autour,
voit le handicap, ils appellent à la rescousse quelqu’un qui est formé pour cela, formé pour cela.
Pas quelqu’un…, le « psy » de service. Quelqu’un qui sait comment cela fonctionne, qui s’est
formé, ou à Necker ou ailleurs, pour savoir comment ça fonctionne. Quelqu’un de qualité. Et là il y
a zéro, zéro, zéro. Voilà. Donc les difficultés, elles ne proviennent pas de l’enfant, elles
proviennent de la société. L’enfant il arrive quoi hein. Il arrive et puis c’est nous qui allons voir ce
qu’il peut faire, et ce qu’on peut faire pour lui. Mais moi je ne le vis pas en terme de difficultés. Je
le vis en terme d’accueil,… adapté.
3
Question : Pouvez-vous me parler du parcours scolaire et institutionnel de votre
enfant ?
Au CAMPS il y a eu une petite difficulté, une fois, qui provenait d’un interrogatoire. On
m’avait demandé à ce que T. soit là, parce que serait reconnu que les hommes fuient, où ne sont
pas là, ou quoi... Bon, « on veut les voir »… Et quand on l’a vu, la personne, le psychologue qui
était là, le psychologue lui a dit, pratiquement ex-abrupto, tout à train, lui a dit «Qu’est ce que vous
avez ressenti au moment de la naissance de W. ?». Et à ce moment là T. s’est levé pour se
casser. Parce que, parce qu’il y avait… Notre credo, et alors là on est très ferme la dessus,
« Nous ne sommes pas malades de notre enfant handicapé ! », « Foutez-nous la paix ! ». Voilà. Et
à partir de là, qu’ils se tiennent à la disposition des gens qui demandent quelque chose, qui ont
besoin de quelque chose, ou qu’on sent en très très grande difficulté. Mais les autres ils se
débrouilleront ailleurs que dans cette structure là. Pour faire quelque chose, je parlais de
l’accompagnement à la naissance, mais encore une fois qui soit facultatif. Et pour la suite que l’on
ne médicalise surtout pas la famille, parce que l’enfant est handicapé. Je veux dire « je ne suis
pas malade mentale parce que j’ai engendré un malade mentale, éventuellement. (4) ». Et le
couple se construit pas avec toutes ces béquilles qui finalement vampirisent sa relation.
Donc il y a eu le CAMPS, ensuite il y avait donc un système à partir de… Quant il était
enfant, donc, je me suis fait aider à domicile. Et après un an cela a été à domicile chez quelqu’un,
mais pratiquement à mi-temps. Et puis petit à petit j’ai lâché, il a été vraiment chez une nounou
comme n’importe quel petit enfant. Et ensuite très tôt je suis allée voir la directrice de l’école
maternelle, et elle m’avait garanti qu’elle scolariserait, qu’elle accepterait W. à l’école. Ce qu’elle
n’avait pas dit, c’est que je me suis retrouvée… Bon, elle était dans la première classe, donc pas
de problème. Mais ensuite il y est resté tout le temps, pratiquement, sauf une année. Donc il est
resté deux ans à voir monter les petits dans les autres classes, etc… Et la dernière année, il est
allé dans une section plus grande. Et donc il a toujours été déphasé, et l’éducation nationale
n’avait aucun moyen d’accompagner correctement W. Ca se passait un peu mieux quand elle
avait une aide, mais quand elle n’avait pas d’aide, elle ne pouvait pas faire face. Et ça la
culpabilisait, ça la fatiguait. Et, je parle de l’instit évidemment. Et vraiment ça été très difficile à
moi, pour moi parce que c’était culpabilisant. J’avais l’impression qu’on prenait cet enfant mais
que en définitive c’était une charge pour tous, etc... Et puis cet enfant, lui, moi je voyais bien qu’il
n’allait pas bien, et j’analysais ça comme : « il voit toute sa classe d’âge qui monte qui monte, et
lui qui reste dans les mêmes classes ». Et je pense que, quelque soit sa capacité cognitive, il
aurait pu suivre les autres enfants dans sa classe d’âge. Parce qu’il n’en en était pas aux
apprentissages. Il n’était pas en mesure de les intégrer tous, à quelques niveaux que se soient, et
donc il aurait fallu trouver un rythme particulier pour lui dans sa classe d’âge. Voilà, et ça, ça
nécessitait du personnel, de la formation et une volonté. Voilà. Et en fait les institutrices ne
voulaient pas prendre W.. C’est tout. Donc c’est pour ça, j’ai compris ensuite, parce qu’elle me l’a
4 Goffman « le handicap diffuse »
4
dit, parce que j’ai du insister pour l’apprendre, et elle m’a dit : «mais personne n’en veut ». Il n’y a
que, O. en l’occurrence, qui a bien voulu, qui a bien voulu le prendre. C’est pas qu’elle souhaitait,
ou c’est pas qu’elle désirait, « qu’a bien voulu le prendre ». Mais une autre qui a beaucoup de
capacité en tant qu’institutrice, a refusé cette charge là, en disant qu’elle ne pouvait pas l’assumer
ni l’accepter. Et bon ça été dur, ça été dur. Et c’est après ça, quand il a eu cinq ans, que j’ai fait
venir le SESSAD. C’était la première fois qu’il y avait une expérience de ce genre, et ça a fait
vraiment un clash entre Education Nationale et SESSAD dans la mesure où eux, les gens du
SESSAD, se sont sentis sommés de prendre en charge des choses que l’éducation nationale ne
voulait pas assumer. Donc moi je me suis retrouvée comme ça entre deux, et en définitive il n’y
avait pas trente-six solutions, il fallait qu’il passe à l’IME. Voilà. Donc il y avait XXX, où XXX, où
XXX. Mais XXX cela faisait loin. Et il n’avait pas encore… Pratiquement, il n’avait pas encore tous
les pré-requis pour rentrer dans cette institution à XXX (5), que moi je convoitais un peu. XXX je
sortais apparemment du territoire, je sais pas quoi. Et XXX n’avait pas bonne réputation. Et donc
j’y suis allée à reculons. Voilà. Et puis ensuite j’ai rencontré X (6), et je me suis dit qu’après tout on
verrait quoi. Voilà. Et donc voilà de zéro à six ans…, à cinq ans. Il était plus jeune quand il est
entré à S. (7). Il avait cinq ans. Cela a été. Il a mis du temps un petit peu. En fait il était content, il
était content d’être là, je crois.
Question : Pouvez-vous me parler des organismes à coté, comme la CDES
Oui tout cela bien sûre ça s’est fait avant. Moi j’avais été très choquée du fonctionnement de
cette commission, parce que en ce qui concerne le handicap de W. il ne va pas cesser d’être
trisomique demain. Et ces évaluations à quatre ou à cinq ans, je ne sais plus, je crois que c’est à
cinq ans, moi je les trouvais choquantes. Je les trouvais choquantes, parce que je pense que si ça
signifie que la CDES se donne le droit d’évaluer la façon dont la personne évolue elle même, la
façon dont l’institution le fait avancer, les parents l’accompagnent, ses loisirs, éventuellement les
moments chez sa famille d’accueil, ou je ne sais pas quoi, ils peuvent avoir des outils pour le faire.
C’est pas la peine que ce handicap, qui est un handicap à vie, repasse devant un aréopage qui va
rien faire de plus. Donc c’est une tracasserie administrative, j’ai trouvé que c’était vraiment abuser.
Il y a aussi autre chose qui m’avait frappée, c’est que l’AES, l’Allocation d’Education Spéciale est à
plusieurs vitesses. Et quand W. était petit, et surtout quand F. (8) est né, puisqu’ils ont quatre ans
d’écart, moi je me suis trouvée face à une charge de travail qui était très importante. Et donc j’ai
demandé que l’AES soit reconsidérée. Et bon j’avais été mal aiguillée, parce que l’on m’avait dit
que normalement je pouvais avoir droit à une exonération des charges sociales, pour pouvoir
5 classe éducation nationale intégrée « enfants trisomiques » ?
6 directeur de l’IME
7 unité éducative de l’IME
8 le plus jeune enfant de l’interviewée
5
avoir quelqu’un à mes cotés, je ne sais pas, deux heures ou trois heures par jour, qui puisse
m’aider. Surtout m’aider dans cette surveillance constante. Maman avait coutume de dire « oh là
là, W. c’est comme du lait sur du feu ». Et c’est vrai, parce que bon, tout va bien, tout va bien, tout
va bien, et puis il y a un petit creux de dix minutes, et voilà la connerie elle est faite. C’est tous les
enfants comme cela, mais ça prend quand même une importance différente, une dimension
différente quand il y a un handicap. Et là j’ai découvert que je n’y avais pas droit. Voilà. Et donc la
personne que j’avais, que j’avais commencée à embaucher… Bon il se trouvait qu’il y avait eu un
XXX entre temps etc, et qu’on avait de toute façon plus les moyens d’assumer de cette façon là…
Bon, il a fallu tout arrêter, parce que l’AES ne correspondait pas, et que le classement que j’avais
demandé je ne l’ai pas obtenu. Voilà. Et là je trouve cela carrément scandaleux, parce que, on en
a besoin, et que c’est pas 600 balles par mois qui vont changer quoi que ce soit au handicap.
C’est d’aide dont on a besoin, donc une aide aux cotisations sociales c’est bien plus important,
c’est tout. Et là, là j’avais été vraiment déçue et en colère quoi. Et donc ben voilà c’est du black, et
puis c’est tout. Alors bon j’y perds. Tous le monde y perd. Moi je trouve que c’est que ça que ça
engendre, et puis c’est tout quoi. (rire)
Question : Y-a-t-il des personnes, des rencontres, des lectures qui ont été
déterminantes dans votre parcours, qui vous ont aidées dans ce passage dans le monde du
handicap
Je crois qu’il y a eu un livre qui m’a aidé. C’était un toubib, cette femme qui n’était pas du
tout spécialisée, et je crois que ça s’appelle : « Ma fille, ma douleur, mon bonheur », quelque
chose comme ça. Donc à la fin il y a un petit texte, un petit… Comment on pourrait l’appeler ? Un
petit guide en définitive, où elle donne un certain nombre de pistes, d’abord sur les différentes
sortes de trisomies, les différentes démarches administratives etc… Moi c’est pas ça qui m’a aidé,
parce que ça, j’étais en mesure par ma profession de me le procurer. Ce qui m’a beaucoup plus
aidé, c’est l’application au handicap du stade, de la théorie des stades de deuil. Et ça, ça ma
énormément… Et ça, ça m’a aidé. Je n’avais pas pensé de cette façon là, et cette perspective là
m’a aidé à accepter le handicap de W., à progresser, à avancer. Parce que il y a des
dépouillements personnels très importants à l’annonce du handicap. Tout à l’heure je parlais du
deuil de l’enfant rêvé, mais il n’y a pas que ça. Le handicap ça sort toute la crasse sociale qu’il y a
dans la tête. Je veux dire « Ben, il est pas beau celui là, quoi, hein… ». Et puis c’est profond. Donc
on doit nettoyer toutes les crasses, toute la crasse de l’amour propre. Et après on s’aperçoit que,
ben c’est les trois quarts du chagrin. Alors déjà on est pas très fier de soi, pas très fier de soi du
tout. C’est quelque chose de très douloureux de se dépouiller des oripeaux sociaux, pour dire ben
oui en effet un enfant c’est aussi une part de la panoplie sociale. Et ma belle panoplie sociale elle
est vachement abîmée, alors qu’est-ce que je fais ? Je me cache, je me montre (9), je fais de
9 Goffman = gestion de l’information sociale
6
l’ostentation, j’astique le truc pour qu’il soit le plus moche le plus beau, je lui paye une Rolls pour
le pousser dans la rue… Toutes ces choses traceuses de l’apparence. Et puis après faut gratter,
gratter, tout l’ « avoir », pour arriver jusqu'à l’ « être », jusqu'à cet enfant dans sa vérité. Et je
pense qu’il y a un moment donné où j’ai conclu d’abord que cette histoire, celle de l’enfant, n’était
pas la mienne, que c’était deux trajectoires… Et que en l’occurrence, je n’était pas en
représentant, en représentation de cet enfant là, j’étais à ses cotés. A partir de ce moment là, ça
été beaucoup mieux. Ca été beaucoup mieux. Mais dire que, on est toujours guéri du regard
social, c’est pas vrai cela, c’est des blessures qui se réouvrent. Mais quand on a nettoyé quand
même un peu, on est en capacité de distancier, de distancier cette mise à distance…, … du corps
social à l’égard du handicap.
Question : est-ce qu’à votre avis on pourrait parler d’un deuil qui ne finit jamais ?
Non, il ne finit jamais. Il ne finit jamais parce qu’il est toujours renouvelé par les choses qu’il
fera différemment, qu’il ne fera pas, et tous les âges de la vie, à tous les âges de la vie s’ouvrent
des choses qu’on va faire, ou qu’on ne va pas faire. Voilà. Et puis derrière il y a un petit enfant qui
a toutes ses facultés, qui est en pleine possession de ses moyens, qui pousse, et qui lui aussi doit
faire des deuils…, sur la fratrie... Et bon… Il y a tout un… Et qui là aussi réouvrent des plaies à
tous les membres de la famille. C’est certain. Je l’ai vue quand W. était petit, plus petit, alors là
quand il était intégré aux fêtes d’écoles. Ca été à chaque fois une douleur. Une grande douleur.
Une douleur au chagrin, une douleur aux larmes. Pas pour lui, pour moi. Pour moi, parce que si on
l’aidait plus que les autres, c’était douloureux, si on le laissait en plan, c’était douloureux. Le fait
qu’il soit là, au milieu de tous, différent, et pas reconnu, par les autres d’une certaine façon, c’était
comme un paternalisme insupportable. Je veux dire ce n’était pas une place ça. Ce n’était pas une
place digne de ce nom ça. C’était du caritatif encore une fois. « Regardez comme on est joli
puisqu’on l’a au sein de nous. ». Mais de quelle façon ? Comment était-il au sein d’eux ? Dans
une dénégation insupportable. Quoi qu’ils fassent, c’était douloureux. Et ça, ça a duré longtemps,
ça a duré longtemps. Et ça s’est ravivé dans des circonstances plus récentes, parce que depuis
trois ans il s’en va, dans un stage d’initiation au théâtre et aux arts du spectacle. Et W. à l’intérieur
de ça, euh, est… , est le « différent », qu’on montre aux enfants de l’élite pour qu’ils acceptent les
« différents », et qu’ils trouvent les comportements sociaux adéquats. Et ça crée des grands
remous au sein des groupes qui sont admis dans ces stages. L’on se retrouve avec d’un côté les
enfants de l’élite, conservatrice, qui pense que si l’élite reste entre elle, elle se porte mieux, elle
progresse plus vite, et c’est la compétition entre pairs. Et une autre forme d’élite, plus libérale,
disons plus gauche, qui va dire, « Non, non, non, cette différence là on l’intègre. Nous aussi nous
sommes différents. Je suis noir, tu es enfant de divorcés, tu as une légère différence physique
mais qui bon, n’est pas un réel handicap ». Bref, tous les petits handicaps légers sociaux, légers,
ou grands, puisque le racisme n’est pas un petit handicap social, se retrouvent symbolisés dans
cet enfant qui n’a rien demandé. Et qui là encore se retrouve exemplarisé malgré lui. Donc il est là,
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certes, mais il est là comme le témoin de la différence. Il n’est pas là comme être…, sentant,
pensant. Et ça, ça été pour moi, toujours difficile le moment des spectacles. Qu’il y a eu à M., où
qu’il y a eu etc … Et ça c’est une réflexion à laquelle je voudrais amener les éducateurs
spécialisés qui sont à M., en disant « regardez ce que vous faites, est-ce qu’il n’y a pas autre
chose à faire ? » Et ça c’est aussi quelque chose qui m’a opposé aux éducateurs spécialisés de S.
… que je trouve nuls, je tiens à le dire. Je pense que ce qui s’est passé à S... A un moment
donné, bon ben il était bien… Mais à d’autres moments… Je pense que c’est un enfant très
sensible, et que il souffre des choses qu’il ne sait pas faire… Et qu’il rêve…, et quand il avance la
main pour les faire, et bien il ne peut pas les faire. Et ça le met dans des états d’impuissance qui
le rendent ou agressif, ou déprimé. Et je pense que cette sensibilité là, lui a été déniée par les
éducateurs de S. qui l’ont sous estimé, « parce qu’il ne pouvait pas faire, il ne pouvait pas non
plus penser faire ». Et je pense que c’est une erreur. Et je pense que là, il y a de la souffrance,
une souffrance immense. J’ai vu que récemment il a été classé comme dépressif, puisqu’il a eu…
C’était sur le bilan psychologique. Je pense que c’est là. Il y a quelque chose là… , à cet endroit
que je viens de dire.
Par rapport au handicap de votre enfant, est-ce que cela a changé, (plus là par rapport
à l’évolution de vos relations sociales), quelque chose pour vous par rapport à vos
relations sociales en générale ?
Je sens toujours une douleur chez mes amis. Comme si c’était pas juste que ça m’arrive
justement à moi. Il y a toujours cette douleur là. Et il y a, bon ben, les amis de l’intégration, c’est à
dire ceux qui sont contents que W. soit toujours là en définitive. Et puis ceux qui me disent « tu ne
peux pas continuer à porter ça. Il faut que tu le mettes dans une institution à plein temps, parce
que…, il te… bouffe la tête ». Et moi je leurs réponds « que non, il me boufferait bien davantage la
tête si il n’était pas là ». Et que je m’applique à le mettre à distance suffisamment pour continuer à
travailler. Mais que je ne l’éloigne pas, parce que j’ai besoin qu’il évolue avec nous, et qu’il
continue à faire partie du corps familial, comme membre à part entière avec ses tropismes, ses
habitudes, ses tics de langage, d’attitude etc. Je vois marcher W., je vois marcher T. Je le vois
dire certains mots que je ne comprenais pas au départ, on aurait dit un magnétophone… Et en fait
au ralenti cela donnait bien le mot. Et ça c’est l’une des choses que J., la première femme amie
qui s’en est occupée, parce qu’elle était fascinée, et qu’elle aimait beaucoup cet enfant, elle
comprenait mieux que moi les mots qu’il disait en accéléré. Et moi j’aime bien reconnaître la
famille en W. Mais cela dit, je me suis appliquée dès le départ à ce qu’il s’en aille. Il est parti chez
J., il est parti chez M., il est parti chez sa grand mère, très tôt. Très tôt, ils l’ont emmené à 200
bornes, 600 bornes. Et il s’en allait vivre en caravane, aller au bord de la mer, mais « à la vague »
comme ils disent là-bas, à L. A côté de la mer, pas comme chez nous « à l’estuaire ». Il avait donc
d’autres langages, d’autres tropismes familiaux, d’autres habitudes alimentaires. Il était
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« exposé », comme on pourrait dire d’un papier sensible, à tous les vents (10), quoi. Et je trouvais
cela très précieux, parce que d’abord je me sentais soutenue, et ensuite je n’étais pas toute seule
à l’éduquer. Pour moi c’était vraiment important… Casser les habitudes… Parce que ce sont des
enfants qui sont beaucoup dans la répétition. Voilà, et c’est pour ça… C’est une des choses qui
m’a opposé aussi à l’équipe, alors là de l’IME, sur la psychologie, les « psychos », quant ils ont dit
que dans la famille d’appui (11), je ne pouvais pas demander qu’il parte qu’une semaine par mois,
parce qu’il n’aurait pas ses repères. Moi je sais que depuis l’enfance il les a ces repères là. Qu’il
est susceptible de partir, de pas voir des gens pendant deux mois, et de savoir exactement ce qu’il
y a derrière ces gens, comme justement : habitudes familiales, habitats, voyages possibles,
bouffes possibles, amis possibles. Je le sais, je le sais parce que je l’ai éduqué comme cela. Et
c’est un petit enfant : vous ouvrez la porte, vous faites la valise, et il s’en va. Voilà, il est comme
ça. Tant mieux pour lui, et tant mieux pour nous.
Question : je voudrais maintenant revenir sur l’IME : qui c’est qui en fait vous a parlé
de l’IME ? Comment s’est faite pour vous la découverte de l’IME ?
Au départ on était quand même dans l’illusion que on aurait une classe intégrée pour W.
dans l’éducation nationale, et c’était ça qu’on voulait. C’était ça qu’on voulait. Et moi je pense qu’il
y a suffisamment d’enfants trisomiques pour que l’on fasse des classes avec des professeurs
formés, qui les emmèneraient, comme une classe de province (12), à différents niveaux de
l’éducation. C’est à dire…, des gens formés aux méthodes cognitives les plus performantes, avec
des moyens, avec des moyens. Je pense que c’est un handicap particulier, et qu’il est
suffisamment fréquent pour pouvoir en faire une classe par deux cantons, ou par trois cantons,
moi je n’en sais rien. Mais c’est évident que c’est suffisamment fréquent puisqu’il y en a un à XXX.
Regardez, il y a beaucoup de trisomiques dans l’enceinte de XXX. Beaucoup de trisomiques. Et je
pense que mélanger l’autisme, mélanger des handicaps très différents les uns avec les autres, ça
fait que les enfants adaptent (13) des tics, des habitudes, qui ne sont pas…, qu’ils n’adopteraient
pas dans un autre contexte. Et je pense qu’on pourrait aussi faire en sorte, si il y avait ces classes
là, d’avoir des jonctions avec des enfants lambda, que ce soit…, je sais pas, en matière, je sais
pas, de sport ou de natation, ou de…., je sais pas, il faut trouver les activités, mais il y en aurait
certainement, il y en aurait certainement. Et pour ouvrir les gens vers l’extérieur, ils faut déjà qu’ils
se soient repérés entre eux. Moi je pense que c’est un handicap particulier, encore une fois, avec
des hypothèses basses, moyennes, et hautes. Ca c’est vrai. Et notre rêve, c’était qu’effectivement
il reste dans l’éducation nationale. Mais moi je pense qu’il ne faut pas se faire d’illusion,
10 Il y a de nombreuses métaphores maritimes
11 famille d’accueil salariée de l’institut
12 A la place de « campagne », classe à plusieurs niveaux ?
13 A la place de « adoptent » ?
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l’éducation nationale n’est pas taillée pour ça. Et quand elle parle de handicap, le plus qu’elle
puisse faire c’est le handicap social, et elle n’est même pas fichue de le traiter. Et on a bien vu
comment le handicap social suçait le handicap lourd comme… On a bien vu comment… Et puis
on voit aussi dans l’école primaire certains trucs comme… Bon il y a trois personnes qui sont
censées accompagner l’école (14), de ce point de vue, de l’évaluation de la difficulté. Il n’est pas
au complet, il y a deux heures par établissement, c’est scandaleux. Ce n’est pas la CCPE, c’est
autre chose. Je ne sais plus comment s’appelle cette structure, il y a une psy de toute façon, et
puis il y a encore deux autres personnes, et ça travaille sur tout le canton. C’est notoirement
insuffisant. Une fois qu’on pousse les gens dans leurs retranchements… Et bien il y a deux heures
par établissement. Et encore elles ne sont pas toujours données, parce que si les handicaps ne
sont pas pointés, et qu’il y a des handicaps plus lourds ailleurs, et on sait que, sur XXX par
exemple il y a des handicaps lourds ailleurs, des handicaps sociaux j’entends, des handicaps
associés, de débilité légère, bon ben à ce moment là, le reste passe à l’as. Il n’y a point de suivi.
Point barre. C’est des effets d’annonce. Donc dans ce contexte là, je ne vois pas comment on
pourrait le réintégrer… Je le vois mal parti la dessus. On avait pensé, parce qu’on a beaucoup
réfléchi là-dessus, que si vraiment ni l’éducation nationale, ni l’IME nous convenaient, ben on
pourrait se grouper, ou ne pas se grouper d’ailleurs, mais payer un professeur particulier qui
viendrait le voir tant d’heures par semaine. On avait pensé ça. Et puis je sais pas. Je n‘y ai pas
renoncé complètement. Je n’y ai pas renoncé complètement. J’attends, j’attends de voir un petit
peu comment ça tourne, mais je trouve que les acquis cognitifs sont très lents. Et là-dessus les
réponses ne me satisfont pas. Je pense que… On a vu trois instituteurs, et moi je ne vois pas de
progrès. Alors bon, quand je vois les progrès qu’il fait au niveau de l’intégration…, dans la maison,
sa capacité à comprendre le vocabulaire, sa capacité à en tirer des conséquences et à envisager
des actions autour de la parole, je me dis que les gens qui suivent, les instituteurs qui suivent les
enfants trisomiques, n’ont pas les outils. J’en suis sûre. En plus à S. il y avait donc un instituteur à
qui j’avais dit « mais pourquoi vous n’êtes pas formé aux méthodes Israéliennes d’apprentissage
de la lecture et de l’écriture ? ». Il m’a dit « ce sont des formations chères, et il n’y a personne pour
me remplacer. Je ne suis pas disposé à payer ma formation, et eux ne sont pas disposés à me
remplacer ». Moyennant quoi on restera comme on est. Et bien je trouve que ce n’est pas du tout
rassurant pour les parents. Je pense que cet outil est sous employé parce que il n’y a pas les
moyens qu’il faut. Voilà. Et ce n’est pas la peine de payer 12 000 balles par mois pour en arriver
là. Puisque nous on reçoit les factures. C’est pas nous qui payons, mais là encore c’est
culpabilisant. De recevoir ces factures, de la sécurité sociale, qui nous dit « voilà, votre enfant
coûte tant, et vous cotisez tant ». Donc ben on serait redevable. On serait redevable, et l’outil ne
nous satisfait pas. Ca laisse à penser.
14 Le SESSAD ?, ou alors psy scolaire + rééducateur ?
10
Question : Est-ce que vous pouvez revenir sur l’IME, tout à l’heure vous disiez que
vous aviez une mauvaise impression par rapport à l’IME X avant de confier W. ?
Oui, elle avait mauvaise réputation. Elle avait mauvaise réputation. Et je me souviens moi…
Alors ça c’est quelque chose qui tient à la méconnaissance de l’IME. Il y avait une petite fille qui
donc courait devant W. depuis plusieurs années, et un jour je croise… W. était petit, et pas encore
intégré dans l’IME. Je croise cette femme et sa petite fille. Et elle me dit « bonjour », etc… Et je
regarde le cartable, je dis « il n’y a pas livre, il n’y a rien ». Alors elle ouvre le cartable, et il y avait
juste un cahier (15)… Et ça m’a broyé, broyé le cœur. Je me suis dit « mais, si peu de support…,
si peu de lien…, si peu de… », « il n’y a que… ». J’étais paniquée. J’étais paniquée. Je me suis
dit, « Mais alors il ne se passera rien. C’est une voie de garage. Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce
que c’est ? Comment cette petite fille peut se vivre ? Elle avec son truc tout mince. Et puis les
autres ployer sous le fait de leurs livres, qui passent à côté, à la même heure, quoi ». Ca, c’est
l’impression qu’on peut avoir de l’extérieur. Bon. Maintenant sur S. ce cahier ne fonctionnait pas.
Ce cahier de liaison ne fonctionnait pas bien. Il était pour moi un sujet de tristesse, alors que bon
sur L. c’est un sujet de joie. J’avais pas compris du tout au début de l’année quand on m’a dit « oh
la, la, pas de cahier de texte, c’est insuffisant… ». Je dis « mais un cahier de texte c’est comme
tout le monde ». Ca me bottait quoi. Il pouvait voir ses jours tous les jours, il pouvait voir ses mois,
je pensais en faire un petit support, moi, de mon côté. On m’a dit « non, non, vous verrez, ça ne
suffira pas » Et c’est vrai que…, il y a quand même un échange sur ce qu’il a fait, pas fait, on fera,
il y a un bémol, il y a carrément un lézard. Bon, c’est vrai qu’elle a réussi cette éducatrice à le
rendre vivant, et à en faire un réel outil d’échange. A partir de quoi je… Bon… C’est pas mal. Mais
en revanche, par rapport à S., il y a un déficit du côté de l’instituteur. Il y avait beaucoup plus de
relations avec l’instituteur avant qu’il ne s’en aille de S. Et là, cette année, dans ce cahier, ne
s’expriment, que pratiquement, que les « éducs ». Et donc moi je n’ai pas perçu… Par exemple ce
que j’ai vu comme différence, c’est que je n’apprenais plus de poésie par cœur, avec W. Et bien
c’était un moment de bonheur pour nous d’apprendre les poésies par cœur. On les répétait… En
allant dans le jardin… On s‘asseyait le soir, on ouvrait, on la répétait. F. la lisait avec nous. Cela
devenait comme des comptines. Parce qu’on cherchait des rythmes. Il y avait même des poésies
que je mettais sur du rock, il y avait des poésies que je mettais sur de la Samba, enfin on arrivait à
rendre ça… Et rythmées, de telle sorte que l’enfant les mémorisait très très bien. Bon lui (16), de
façon très positive aussi, disait, « Pas de devoir, pas de devoir à la maison. ». Bon. Mais pas de
devoir à la maison, brusquement il y avait une coupure, avec… Ben alors, qu’est ce qu’il fait
quoi ?. On aurait bien aimé le soir dans le cartable, de temps en temps, avoir une photocopie de
« ben on a fait ça aujourd’hui ». Voilà. Pas dans la performance, mais juste dans l’infos. « On est
en train de faire cela, on a étudié tel sujet », « W. est à jour sur ses jours de la semaine », « W.
commence à bien percevoir le 3, le 4, le 5 », des conneries, mais qui diraient, « Il progresse, et on
15 cahier de liaison famille-IME
16 l’actuel instituteur
11
en est là. ». Et aussi il n’y a jamais, alors là aussi ça m’a frappé, de classement… ;… du sport. Je
pense que le prof. de sport il est dans le classement sans nuance. Et bien de temps en temps ça
fait du bien le classement sans nuance. Mais aussi on en tendance à dire, « ben tiens, il y en a
des nuances quand même » (rire), « lui c’est la première année qu’il fait ça », « lui il traîne la
pattoune parce que constitutivement il traîne la patte… ». Bon. Il ne veut voir qu’une tête, et
quelque part ça m’a pas déplu. Parce que on avait enfin un classement. Parce que ce désir de ne
pas classer masque aussi quelque chose. Où il en est ce môme là par rapport à la norme ? C’est
quand même une question, mais très importante. On sait bien qu’il ne sera jamais, dans la norme.
Mais en même temps on a besoin de savoir, puisque, on a que son autonomie à la bouche pour
sa vingtième année, comment il va « nageauté » la dedans ? Puisque on me dit que… Dans les
arguments qui m’ont été donnés sur la famille d’accueil, dit « placement », que moi je persiste à
appeler « famille d’appui… »,
,…ce qui m’a été dit, et que j’ai trouvé vraiment très dur, c’était il y a presque deux ans
déjà… Il y a eu un long débat sur le fait qu’une famille ne devait pas compter sans l’institution.
Famille d’accueil, famille naturelle ne pouvaient pas compter… (17). Je me suis longuement,
longuement battue là-dessus… Parce que pour moi cela me semblait très important pour moi. Ca
été très important, mais on pourra y revenir, car je crois qu’on pourrait faire un chapitre entier sur
la famille d’accueil, et sur la genèse de la famille d’accueil et tout ça…
Question : j’aimerais bien qu’on puisse revenir sur vos impressions à l’IME, quant
vous êtes arrivée ? Puis sur vos attentes vis à vis de l’établissement, à cette période ?
Il était petit W. Puisque c’était donc lui le plus jeune à l’IME. Je pense qu’il avait moins de six
ans. Et, et j’étais contente de voir qu’il était dans une maison familiale, avec une cuisine familiale,
avec des escaliers qui ressemblent à une maison normande. J’étais contente, parce que ça
ressemblait… Ce n’était pas dépaysant pour lui. J’étais contente de voir qu’il avait un référent
masculin, parce que c’était ce qui avait été choisi. Je trouvais que c’était un bon choix. Il s’est
trouvé que malgré leur bonne volonté, les éducateurs spécialisés de S. je les trouve assez nuls
dans la formation je pense. Et aussi, démotivés par l’usure. Ce sont des gens qui attendent la
retraite pour moi. Et je pense que ça ne devrait pas être possible dans une institution, comme
celle là, de rester si longtemps au même poste. Il y a une usure qui se crée. Je pense que ces
gens devraient être mutés autrement, et que des gens plus jeunes et mieux formés devraient les
remplacer ou, et que des tandems (18) aussi longs ne devraient pas exister non plus. Et que des
gens dépressifs ne devraient pas faire ce métier. J’espère que je suis très claire, je pense que…
Et il n’y a pas qu’eux qui peuvent entendre ce que je viens de dire. Ce n’est pas méchant, ou sans
nuance comme jugement. Je respecte complètement les personnes. Je dis qu’il y a des gens qu’il
17 « l’une avec l’autre, sans l’institution en tant que tiers ? »
18 « couple » éducatif de référence
12
faut changer de poste, quand ils ne peuvent plus. Et je pense que c’est, c’est… On en crève dans
l’éducation nationale de ça. Tout le monde se tait sur l’incapacité à faire de certains
professionnels. Et je pense qu’il y a une incapacité à faire de certains professionnels dans l’IME,
qu’il faut en prendre acte, qu’il ne faut pas les brutaliser, mais qu’il faut d’abord penser aux
enfants, puisque c’est ce qu’on nous dit, « on pense d’abord aux enfants » Alors faites donc cela
messieurs ! C’est important cela.
Donc l’impression première, l’impression première elle était plutôt bonne, c’était plutôt après
ce que j’ai dit de l’éducation nationale et… De notre déception… Du fait que bon… Il a fallu faire
son deuil de ça aussi, hein. Que l’éducation nationale n’était pas ouverte à tous, qu’elle avait pas
la capacité de le faire, et qu’elle n’avait pas la volonté non plus de changer cela. Bon à partir de ce
moment là, fallait se repositionner, et rapidement. Le SESSAD nous a mis devant l’évidence, W.
déprimait très gravement, il fallait faire quelque chose. Donc à partir de ce moment là on avait le
choix, on ne l’avait plus. C’était même une chance…(fin de la face A de la casette 1).
Question : aviez-vous des attentes particulières vis à vis des professionnels de
l’IME ?
Oui, qu’ils soient pointus. Qu’ils soient pointus et motivés. Avec ce qui précède, vous avez
compris que j’ai été extrêmement déçue, déçue… Déçue que les moyens manquent. Je pense
que, c’est comme les foyers, c’est comme tout ça, tout est basé sur le prix de journée hein. Donc
on a… C’est pour ça que ça se médicalise. C’est le prix de journée qui médicalise tout. J’ai
toujours été très choquée de voir que tout s’organisait autour du prix de journée, parce qu’il est
insuffisant. Quand on nous a expliqué, que pour ne pas perdre ses acquis, on devait « s’asseoir »
sur le mois de Juillet, et sur la moitié des vacances, parce qu’il perdrait ses acquis, « bouleshit !»,
« bouleshit !». Ce n’est pas vrai ! Ce qui est vrai, c’est qu’on ne veut pas perdre les prix de journée
du mois de Juillet, ou des petites vacances. Nous ce n’était pas un désir… Donc dans les
premières années, W. n’a jamais, à pratiquement toujours eu ses vacances dans toutes leurs
longueurs. Parce que j’avais un réseau qui me permettait de le faire. Et que je trouvais, ce que j’ai
vécu encore cette année. On a… Les vacances scolaires le prof. de sport n’est pas là, l’instit. n’est
pas là. Et toutes les vacances scolaire. Donc ça veut dire que des éducateurs spécialisés, qui sont
déjà très sollicités par des enfants difficiles, bruyants, qui partent dans tout les sens, qui sont
quelquefois…, qui leurs font du bien quelquefois, mais qui quelquefois vraiment les déçoivent, et
puis il faut toujours s’y remettre etc…. Et bien les voilà tous seuls… pendant la moitié des
vacances, et tous le mois de Juillet. Au moment où, Juillet, où ils sont là à porter le collier toute
l’année, au moment où ils sont le plus fatigués, c’est là que deux personnes s’évaporent dans la
nature. Au motif que les enfants ne devraient pas perdre leurs acquis. Mais faut pas nous prendre
pour des cons. C’est pas vrai, c’est une question financière ! Donc pourquoi est-ce qu’on ne
sollicite pas les parents pour se battre sur le plan financier ? Et enfin prendre l’éducation dans
toute sa globalité, et pas seulement le M de IME. Il y a Education. C’est le parent pauvre. C’est le
13
petit machin qui claudique derrière, parce que le prix de journée ne le prend pas, en charge. C’est
pas parce qu’il y a le salaire des « éducs ». Ca suffit pas. Il faut aussi que l’éducation nationale
délègue des gens différemment motivés, ou que l’institution délègue des instits détachés pour ces
mois là. Comme des intérims. Merde à la fin ! Des gens qui savent et qui renouvelleraient peut
être les pratiques. Ou que en Juillet, comme à Pâques, comme à la Toussaint, comme à Noël, les
enfants ne soient pas là, seulement avec les éducateurs spécialisés, leurs donnant une surcharge
de travail. Ou alors on envoie tout le monde chez soi. Voilà. Et à ce moment là on met en place un
système de centre aéré IME, où les parents qui ne peuvent pas porter les enfants pendant les
vacances scolaires se manifestent et disent « Ben non. Pouce. Nous on peut pas. ». Et à ce
moment là tout se réorganise différemment. Mais qu’on ne dise pas, que, « ils vont perdre leurs
acquis », puisque ces acquis seraient scolaires, et que le scolaire, personne ne l’assiste, ou
personne ne l’assure à ce moment là. Il ne faut pas mentir. Il faut que l’institution dise « écoutez,
nous on est en difficulté financière, si on vous laisse ces enfants pendant tout ce temps là ». Parce
que ce n’est pas comme ça que ça été calculé. C’est pas comme ça, mais il faut négocier. Et pour
négocier il faut en parler aux parents, que les parents se mobilisent. Mais là on entend parler de
rien.
Question : Vous m’avez parlé tout à l’heure des professionnels, de votre perception
des professionnels. Pouvez vous me parler de votre perception des réunions avec eux ?
Les premières réunions (19) ça m’a fait rigoler parce que, j’avais l’impression d’être dans des
réunions de XXX face à l’administrateur. « Mais moi Mr l’administrateur ce n’est pas pareil,
écoutez…. ». Et alors là on a la litanie des cas particuliers. Et j’avais l’impression que, tous les
gens parlaient, de la particularité de leur enfant, sans s’apercevoir qu’ils étaient là en groupe face
à l’institution. Et que c’était pas le moment de parler, de ça, sauf si il y avait vraiment un problème,
et qu’ils tenaient à le faire partager aux gens. Mais à ce moment là, il aurait fallu qu’ils le digèrent
autrement, et qu’ils le régurgitent différemment. Mais là on avait simplement l’impression de
quelqu’un qui expose son cas particulier, sans avoir pris la dimension collective. De dire
« comment ce petit collectif là pouvait progresser ? comment les parents pouvaient s’intégrer à
ça ? ». Donc ces réunions là… Il y a quand même quelque chose qui me frappe à la fois dans ces
réunions là, et dans la réunion annuelle, à laquelle je n’ai pas pu assister pendant des années,
précisément pour les raisons que je disais tout à l’heure, de souffrance. Alors là c’était pas la
souffrance de W. mis en perspective au milieu des autres enfants de sa classe d’âge qui n’étaient
pas atteint par un handicap. C’était la vision de W. au milieu des multi-handicaps autour de lui. Je
ne le supportais pas, du tout. Cette concentration m’asphyxiait. J’ai dû faire un gros effort pour y
aller. Je crois que cette année c’est la troisième fois qu’on y va. Et au fur et à mesure, on voit bien
19 L’interviewée parle ici des réunions de début d’année, où les éducateurs d’unité présentent l’unité,
l’emploi du temps, le projet de l’unité, à l’ensemble des parents des enfants accueillis sur cette unité.
14
qu’on s’émancipe, qu’on s’autonomise par rapport à l’idée qu’on se faisait du handicap. Que on
est plus tranquille. Puisque la douleur se fait beaucoup moins intense. Alors ça c’est pour nous.
Mais en ce qui concerne l’institution, elle ne met pas en place… Quand il y a une réunion,
n’importe où, on fait circuler une feuille de présence. Et les gens marquent leurs noms. Ceux qui
veulent être contactés marquent leurs adresses, ceux qui veulent être contactés de plus près
marquent leurs numéros de téléphone, et les gens « réseautent » horizontalement. Dans ces
réunions l’institution et les parents ont des rapports verticaux. A partir de quoi ça produit ce truc
« Mr l’administrateur, moi c’est pas pareil ». Ca produit pas cette chose de : « et vous cher
Madame, et vous cher Monsieur, comment va votre enfant ? ». Ca « réseaute » pas
horizontalement. Et je pense que, il y a, sans machiavélisme, sans…, Il n’y a pas vraiment de
calcul, mais il y a une pratique. Et cette pratique, elle est verticale. Et donc à partir de ce moment
là, moi je trouve que ces réunions m’emmerdent. Parce que, ce qui m’intéresserait, c’est
précisément la compar…(20), l’échange sur le handicap : « et vous, comment vous faites ? ». Et
ça, et ben c’est pas quelque chose qui se reçoit verticalement. Parce que les gens qui sont de
l’institution sont incapables de nous dire…, ça. Je veux dire, quand j’ai été tentée d’être par la
violence vis à vis de W., c’est quand même quelque chose de très important. Je veux dire il m’a
exaspéré, et j’ai commencé à le frapper. Et je me suis dit « mais, mais c’est pas moi ça, c’est
impossible, je ne pourrais pas assumer cette image là de moi ». Je, une panique, mais effrayante
me submergeait. Je me suis dit « il va… Il me conduit à mes limites ». Je ne peux pas. Et donc,
j’ai posé la question, de la violence. Et miroir miroir…, je n’ai pas reçu de réponse. La réponse je
l’ai reçue par le réseau. Je me suis fait aider, encore une fois c’est une des raisons pour
lesquelles j’interposais toujours quelqu’un entre W. et moi. Parce que quand W. commençait à
devenir exaspérant, je partais, et quelqu’un le prenait, et 10 minutes après… Et c’était même la
même pratique avec mon compagnon. C’est à dire quelqu’un d’autre s’interposait. La violence
était là : « stop ! ». On s’en va. On peut plus. On digère, on revient, et puis ayant digéré, on
reprend le problème autrement. Mais si personne n’est là pour s’interposer, ou pour relayer, la
violence elle est là, elle pulse à l’état brut. Je veux dire c’est… On décalquerait le môme. Et bien,
l’institution ne m’a pas donné de réponse par rapport à ça. Et moi je suis sûre que si il y avait eu
ce réseau là, horizontal, d’échange sur la violence, sur les pulsions de violence, parce que moi, à
mon avis ce sont des pulsions de morts qui remontent, hein Et puis aussi cet enfant il est à la fois
…, vulnérable, et invulnérable quoi. Je veux dire c’est, c’est… Ben c’est très profond ce qui
remonte. Ce qui remonterait avec l’enfant normal, parce que la violence elle remonte avec les
autres enfants, tous le monde est confronté à cela. Mais on le négocie différemment parce que les
réponses de l’enfant en face sont adaptées, d’une certaine façon. Et donc on peut prendre sa
respiration…, retomber. Tandis que, une fois qu‘il est lancé, un petit enfant comme W., il n’arrête
plus. Lui, il monte en puissance, et donc il faut qu’il change d’interlocuteur à ce moment là. Mais
bon, si on avait pu échanger là dessus, j’aurais peut être été contente d’entendre un certain
20 comparaison
15
nombre de choses. Et les autres aussi ils auraient peut être été contents d’entendre un certain
nombre de choses. Et bien jamais, ça, jamais. Et je pense que, encore une fois il n’y a pas calcul,
mais il y a pratique. Et que cette pratique doit interroger l’institution sur : « pourquoi, c’est vertical
comme ça ?». Et quand ce n’est pas vertical on nous renvoie vers : « vous n’avez qu’à adhérer à
l’association de plus près. ». Et voir ça entre parents d’une certaine façon. Mais, pour moi, qu’est
ce que c’est ce truc ? J’ai téléphoné deux fois, trois fois là bas pour avoir de la doc., je ne l’ai
jamais reçue. Bon, à partir de ce moment là, je me dis mais bon…. C’est à XXX je crois, ou, je ne
sais plus…, oui c’est XXX… Bon, il n’y a jamais un coup de fil chez les parents pour dire « on
entend jamais parler de vous. On entend jamais parler de vous. Vous avez… ? Ca va si bien que
cela… ? ». Jamais ! Donc qu’est-ce qu’ils foutent ? Ils sont là-haut aussi. Ils sont verticaux aussi.
A partir de ce moment là, et ben on a plus (21) envie que ça se passe tout en bas, dans ce type de
réunion, que encore une fois verticalement, que ce soit l’association référente, porteuse,
gestionnaire, machin, etc., ou que ce soit l’IME. En fait on est plus proche de l’IME. La preuve,
c’est quand un questionnaire de cette dimension, parce que c’est quand même une initiative que
je trouve très intéressante, apparaît, cela a été très choquant de voir que c’est X. (22) qui en fait
l’exposé. C’est très choquant que le XX mai (23) il n’y ait pas eu d’élus qui appartiennent au
conseil d’administration, et il n’y avait pas d’élus (24) de XXX. Pas un élu pour dire « ce jour là qu’il
était présent aux cotés de l’IME, pour que cette structure fonctionne, pour qu’elle continue à
employer des gens, pour qu’elle continue à assurer le bien être des gens les moins dotés…, les
moins dotés par la nature, etc… ». Zéro élu, zéro conseil, zéro membre du conseil d’administration
« parents » aux cotés de X., à égalité avec lui, pour dire « Nous lançons ce questionnaire, nous
avons tels objectifs, l’association est aux côtés de ses salariés, pour dire ça, ça, et ça ». C’est très
choquant. C’est très choquant. Je trouve même ça assez scandaleux que personne dans cette
salle, et moi je n’étais pas bien placée pour le faire, vu que je suis militante politique, dise, ne
dise : « Mais enfin, qu’est-ce que l’XXX en pense ? » Où sont-ils dans cette affaire là ? Est-ce que
les salariés ont comme ça la bride sur le cou ? De quoi sont-ils responsables ces gens ? Alors on
leurs demande de la doc., on n’en reçoit pas, eux ne prennent pas d’initiatives pour savoir où on
en est, et tout se passe avec l’institution. Alors l’institution elle a un cache sexe qui s’appelle l’XXX
pour pouvoir fonctionner ? C’est pas brillant. Franchement. Il y a sans doute un manque de
communication, c’est à dire que… On a pas de nouvelles de l’association, il n’y a pas un petit
média trimestriel, qui nous dirait « Ben, voilà la signification de notre action, voilà ce qu’on a fait ce
trimestre, voilà de quoi on a débattu quand on s’est réuni entre délégués ». Il faudrait ça, que cette
distance ne s’établisse pas comme ça de façon tellement grande.
21 dans le sens de « très envie »
22 Directeur de l’IME
23 fête annuelle de l’IME, qui cette année s’est déroulée dans des locaux municipaux (salle des fêtes)
24 élus locaux
16
Pouvez-vous aussi me parler des réunions avec l’équipe dans les locaux de
l’institution, qui concerne votre enfant ?
C’est très important (25). On avait enchaîné sur les réunions de début d’année (26), et c’est
pour ça… En début d’année, c’est celle là qui est la plus frappante, en définitive.
Donc pour les réunions qui concernent W. il y en a de différentes sortes. Il y a les grandes
réunions de bilans, il y a les réunions avec la famille d’accueil, il y a… J’ai été submergée de
réunions cette année. J’ai trouvé qu’il y en avait énormément. Et j’ai été très contente du
changement d’atmosphère qui s’est produit avec le changement de S. à L.. Parce qu’autant je me
trouvais isolée dans les réunions, avant, autant maintenant je sens à travers la motivation de
l’éducatrice, un soutien. Un soutien muet, mais un énorme soutien. Je pense qu’elle a pigé plein
de trucs, qu’elle est motivée, qu’elle est compétente, qu’elle est humaine, humaine. Elle n’a pas
perdu une once de son humanité à travers… Il y a pas cette usure que je percevais pour les
professionnels de S.. Il y a une espèce de fraîcheur dans la motivation que moi je trouve
admirable. Franchement, franchement, moi je dis « chapeau ». Et donc cela a changé tout pour
moi parce qu’il y a des réunions, où je suis sortie de là, mais délattée, délattée, explosée, dans
une douleur, mais, mais, indescriptible. Et bien des fois je me l’étais mangée cette douleur là en
me disant « c’est moi. Je merde. Il y a un endroit où je merde…. ». Et puis à un moment donné je
me suis dis « pas du tout, la violence de l’institution… Elle… C’est là… C’est moi qui la subie… ».
Et à ce moment là j’ai commencé à restituer… A restituer auprès de l’éducatrice, et à restituer
aussi auprès de X., qui a fait son boulot, qui a transmis, ce qui m’a valu de temps en temps des
« shurts » flash back. C’est à dire que ça m’a explosé dans la tête, en non dit, et en dit. Mais enfin
on a, on a… En cahotant pas mal, on a réussi à dégager de cette affaire que : « je pense ». Que,
encore une fois, le poids de l’équipe médicale, et, c’est pas l’équipe médicale, c’est l’équipe psy,
est trop lourd. Et que ça balance trop fort de son côté. Et que, il y a, à l’intérieur de cela, il y a une
hiérarchie qui dit pas son nom, où les éducatrices, éducateurs spécialisés tiendraient le bas de
l’échelle, et l’AS une espèce d’échelon intermédiaire. Mais en tout cas… Et puis le directeur de
structure…, pfeu…, comme un outsiders quoi. Vraiment, un drôle de truc où les psys auraient le
dernier mot. Et moi je pense que ça, ce n’est pas acceptable. Je pense encore une fois que dans
IME, y-a « Institution », représentée par X., y-a médical représenté pas seulement par les psys.
Donc on aimerait voir plus de la médecine physiologique, avec tout ses attendus. Qu’on ne voit
pas. Qu’on ne voit pas. Et, sauf à l’intérieur, bon ben, dans la sphère avec Madame M. (27) ou
autres, qu’on ne voit pas d’ailleurs en réunions… Mais, ce médical, qui serait à la fois de la
médecine généraliste, et de la médecine pointue, du handicap. On n’a pas ça. Donc on n’a qu’un
aspect psy. Ca me « lourde », je n’en peux plus, de ça. Et de l’autre on a « Education ». Alors
25 Ce qui a été évoqué précédemment
26 celle où le groupe éducatif, en début d’année, présente l’unité, les activités, le projet d’unité, à
l’ensemble des familles des enfants accueillis sur l’unité.
27 L’infirmière de l’IME
17
Education, où bon ben l’instit malheureusement a été absent, sur cette année en tout cas (28). Qui
ne l’était pas à S.. Il avait assisté à pas mal de réunions, celui de S.. Et en participant d’ailleurs.
Mais on sentait bien que, tant l’instituteur, que les éducateurs…, n’avaient pas réussi à ficeler
entre eux une passerelle suffisamment solide, pour pouvoir faire pièce, au médical. Et moi je
pense que dans ce déséquilibre là, il y a une grande perte pour les enfants. Et que si éducateurs
et instituteurs étaient en mesure de ficeler leurs passerelles, et bien ils pèseraient plus forts pour
se former. Et qu’une fois formés, et bien, ils formeraient des tandems extrêmement efficaces face
au tandem médico. Qui existe… Mais qui existe aussi, dans une certaine hiérarchie. Ce que je
pense… Par exemple sur toute la négociation qu’il y a eu avec la famille d’appui…, ça a été…,
toujours psychologisé à l’extrême. Moi je pense que…, c’est pas satisfaisant. Je pense aussi, à
travers tout ce que j’ai vu, sur les familles d’accueil, il y a des gros problèmes qui se posent dans
les familles d’accueil. Notamment au niveau des différences de niveaux culturels, d’habitudes
familiales etc. Là beaucoup de choses sont apparues qui font que… Qui mettent en évidence le
recrutement sociologique des familles d’accueil. Et que il faudrait trouver des palliatifs à ça. Que
c’est vraiment très important pour le respect des familles, et de l’enfant. Pour que, quelque soit le
niveau culturel des familles, ces niveaux là soient pris en compte par les familles d’accueil, donc
qu’on leurs donne les moyens, les outils, pour les appréhender, les respecter. Ce qui n’est pas
forcément le cas puisqu’on a vu quand même apparaître tout l’aspect financier, toute la demande
financière qu’il y a autour, puisque, c’est pas des vocations, ce sont des rentrées d’argent, pour
certaines familles. Et que, ben ça, c’est pas que ça pose problème, mais il faut que ce soit pris
bien dans cette dimension là, et traité. Alors là, c’est un gros morceau.
Question : et par rapport aux professionnels, aux décisions qu’ils peuvent prendre,
est-ce que vous avez le sentiment de participer aux projets qui sont mis en place pour W. ?
Est-ce que vous avez l’impression d’avoir une marge de manœuvre par rapport à tous ça ?
Vous voyez bien à travers l’entretien que je suis quelqu’un qui participe. Qui donne
beaucoup. Et bien j’ai eu la sensation d’un « bigne ». On m’aurait préféré silencieuse, plutôt que
d’évaluer en temps réel les propositions qui m’étaient faites. Ca dérange les professionnels et ils
ne sont pas, mais alors là pas, outillés pour répondre du tac au tac, parce que eux ils ficèlent leurs
trucs, et puis voilà quoi. Et donc on attend du parent, ben finalement, grosso modo, ben un
assentiment, avec quelques petites cerises autour, et puis voilà. Alors que j’ai constamment
demandé par mon attitude à faire partie de l’équipe. C’est à dire que ma compétence affective et
éducative soit reconnue. Et elle a été constamment déniée. Constamment déniée. Et c’est pour ça
que je ressortais si mal de ces réunions là… C’est d’avoir le sentiment que des professionnels,
rémunérés, me déniaient le droit de participation, au motif que je n’étais pas, moi, salariée pour le
faire. Et plusieurs fois je leurs ai dit que moi je payais sur ma peau pour être là, que je n’avais pas
28 non présent aux réunions
18
demandé à être là. Et que en l’occurrence, je demandais à être bien entendue. Mais c’était à
travers ça une demande, de faire partie à part entière, de cette équipe là. C’est à dire, de pas
arriver déjà avec des réunions ficelées, parce que je connais ça sur le plan politique, parce que je
connais ça sur le plan associatif. Je sais comment faut faire, ça ne m’intéresse pas. Ce qui
m’aurait intéressé, c’est effectivement une élaboration en commun. Et ça, alors là, y a pas. C’est…
Et j’ai beaucoup souffert aussi du fait qu’une équipe comme cela ne reconnaît pas ses errements,
et ses limitations financières, et ses erreurs. Et que au fur et à mesure que, au fil des réunions, par
des apports collectifs, ces réunions cela sert quand même à ça…, on arrive à bouger un peu,
hein ? Et bien ce n’est pas reconnu. Il y a simplement à la réunion d’après, les pré-requis ont un
peu changé, ils (29) ont un peu changé, mais on ne dit pas que c’est parce qu’on a intégré, en fait.
On le dit pas. On le dit pas… Ca sort encore du chapeau de l’équipe. Et plusieurs fois j’ai remis
ça, cette espèce de mémoire, hein, qui avait des hoquets, j’ai pointé ça. Je l’ai pointé, parce que,
parce que c’était une façon pour moi de dire, vous voyez bien que vous avez intégré certains
éléments que j’ai donnés. Mais jamais, jamais… Cela se fait dans une espèce d’hostilité un peu
sourde, où je suis une emmerdeuse. Au lieu que je sois quelqu’un qui travaille, je suis une
emmerdeuse. Et ça c’est quelque chose de douloureux… Comme si parce que je n’étais pas
salariée, je n’avais pas droit à la parole autrement que pour dire oui, ou deux trois trucs, qui ne
vont pas fondamentalement changer les choses. Alors que, ce débat dont je parlais tout à l’heure
sur la famille d’appui, ou famille d’accueil, ou placement, et bien pour moi ça a fait partie de ces
discussions là notamment. J’ai horreur de ce mot de « placement ». Il rappelle que la DASS est un
outil de répression dans certains cas. Et moi je ne suis pas dans ce domaine là. On n’est pas dans
le handicap social, et même pour un handicap social, ce mot de placement, il a une connotation
punitive. Il a une connotation où le parent est déchu. Or on a déjà eu assez de mal à assumer la
parentalité de cet enfant, puisque… La genèse, je l’ai faite toute à l’heure. Donc je l’ai adopté cet
enfant là, qui était dans mon ventre, qui était différent, et que j’ai réadopté comme étant le même.
Et bien je n’entends pas qu’il me soit enlevé, au titre que je demande un appui. Parce que mon
réseau s’est dispersé, qu’à un moment donné j’ai du dire « mais il faut y remédier, parce que là,
moi je vais péter les plombs ». Donc j’ai fait cette demande pour qu’il soit pris une semaine. On
m’a démontré par « A + B », que euh, sa permanence, euh, comment ça s’appelle ? Euh, le fait
qu’il n’avait pas une mémoire…, une mémoire, comment cela s’appelle ? euh, permanence de
l’image, ah oui, permanence de l’objet. Bon alors moi, je suis pas psy. mais pour moi, pour moi
c’était un fait entendu qu’il pouvait faire ça, sans que cela le perturbe, parce que j’avais cette
pratique de longue date. Et que, en neuf ans, je savais qu’il pouvait le faire. Eux ont décrété du
haut de leurs études, et de leur pratique apparemment, de leur clinique, que c’était pas vrai. Très
bien. Donc ils ont, on est arrivé finalement à un compromis de : une fois tous les quinze jours, et le
week-end. C’était pas non plus ma demande. Ma demande était un peu différente, j’aurais
préféré… Ce que je voulais c’était des bouts de semaine. Et éventuellement des week-ends de
29 les professionnels
19
temps en temps, mais pas comme ça quoi. Pour que ce soit vraiment un appui, et pas un
placement précisément. Mais donc j’ai découvert en marchant, que c’était des questions
financières en définitive, qui guidaient tout ça. Et je l’ai découvert au moment où il y a eu un clash
avec cette famille d’accueil, qui en définitive trouvait que ce n’était pas suffisant. Que trois, quatre,
ou six nuitées, je n’en sais plus rien, et bien c’était pas suffisant. Bon, et je me suis dit, donc c’est
pas un appui, il y a aussi des considérants financiers, il y a aussi un minimum de nuits, il y a
aussi… Donc ils ont fait un effort pour m’aider, mais j’avais pas perçu les enjeux qu’il y avait
derrière pour les familles, donc j’ai du découvrir tout ça en marchant en définitive. Et, je voulais
rester en contact avec W.. Bon, et ça c’était « pas le droit, pas le droit ». Bon alors, dans ce cas là
comment on fait ? Il n’y avait pas d’alternative. Et à force de bagarrer, j’ai obtenu le numéro
d’astreinte, du directeur, pour dire que j’avais un lien pendant les week-ends. J’ai ce numéro, et si
vraiment il se passe quelque chose de grave dans ma tête, ou dans la famille, ou que eux-mêmes
ont une grande difficulté, par rapport à W., une hospitalisation, ou quelque chose… Que bon ben,
que moi je puisse être prévenue, et que ça c’était le « deal » quoi. Ca été, mais des négociations
de plusieurs réunions. C’est quand même insensé ! Parce que, d’où venait que je n’avais plus
d’accès à mon enfant ? Qu’est ce que j’avais fait ? De quoi on me punissait ? Ca pour moi ça été
un sujet d’inquiétude, quoi et de révolte. Je voulais, je voulais garder l’accès à l’enfant. Et c’est là
que parmi les raisons qu’on m’a données, de ne pas me donner de contact, quelqu’un a dit, un
psy, m’a dit « Mais enfin, il faudra de toute façon, l’enfant avait donc neuf, dix ans, de toute façon
faudra vous y faire, tôt ou tard faudra couper avec W., tôt ou tard il sera en institution. ». Mais de
quel droit ! J’ai peut-être moi d’autres propositions dans ma tête par rapport à l’autonomie de W.
Et puis quelle mère, quel père ont déjà coupé tout avec un enfant de neuf ans, qui devraient se
faire à l’idée de… Alors en plus, parce qu’il est handicapé il devrait couper plus tôt. Je veux dire
cette réponse m’a semblée monstrueuse. Monstrueuse. Que je devais envisager de couper le
cordon plus tôt, au motif qu’il était handicapé, et qu’il faudrait le faire tôt ou tard parce qu’il se
retrouverait, en… Ben attend ! D’où, d’où il avait le droit de me dire ça ? Et c ‘est pas un enfant
couvé. J’en connais d’autres dans l’IME qui sont couvés d’une façon très inquiétante, et qui n’ont
pas de famille d’accueil, alors que l’institution devrait la proposer. De mères qui n’ont plus de
repères hormis la présence, hors de la présence de l’enfant. Puisque j’ai quand même réussi à
avoir quelques échanges inter-parents. J’ai entendu des choses qui m’ont semblées vraiment
inquiétantes pour l’enfant et pour la mère.
Les marges de manœuvre c’est moi qui les aient ouvertes. On ne me les a pas données. Et
j’ai bagarré pour les obtenir. Et j’ai perçu moi de la peur en face. J’ai perçu de la peur, parce que si
il fallait… Si on commençait à vraiment, à discuter avec les parents, où est ce qu’on allait ? J’ai été
aussi très choquée par quelque chose que je tiens à dire, c’est : pourquoi les réunions se passent
dans l’XXX ? Parce que je ne crois pas, je ne crois pas, et bon là on en a discuté aussi avec mon
compagnon, on est d’accord là dessus, que l’enfant doit assister à toutes les péripéties de la
construction d’une démarche pédagogique. Je pense que c’est carrément nocif. Je pense que ça
en fait un maquisard de la réunion, et un manipulateur. Ce que W. a commencé à être. Et, quand
20
je l’ai dit aux psy, ils ont peut-être mesuré quelque chose. Donc ils m’ont accordé le droit que W.
ne soit pas à la réunion, ce qui était une cassure dans leur « sacro sainte pratique ». Bon, alors
c’était quelque chose qu’ils me donnaient, mais ce qu’ils m’ont retiré c’est que… Comme
« l’éduc » était là, elle a emmené W. Comme L . devait assister à la fin de la réunion, et bien il
était là, mais il était là dans le bureau de la secrétaire. Ce qui fait que l’heure de réunion que nous
nous sommes données, l’enfant attendait, sachant que nous parlions de lui, dans une espèce de
purgatoire, d’où il sortirait à un moment donné. Qu’est-ce que c’est ces conneries ? Il fallait qu’il
reste à l’IME, que nous venions à l’IME. Je pense que les réunions qui se font autour d’une unité
comme S., ou comme L., peuvent regrouper des enfants, que l’équipe peut se transbahuter làbas. Elle n’est pas cul de jatte, hein ? Et que les enfants sont dans leur milieu naturel, avec leurs
éducateurs, ou la personne qui les remplace quant ils sont en réunion. Et que, et bien on les
appelle, on les appelle quand… Bon, le parent arrive discrètement, et puis on les appelle quand
l’équipe est prête à les recevoir et à les associer à la réunion. Qu’est ce que c’est, de le faire venir,
de le faire attendre. C’est pire que si il y assistait. Ca va pas du tout. Alors je me suis dit « tient, ils
m’ont puni ! ». Parce que on est dans la punition. C’est là la violence de l’institution. Quand on se
rebelle, et bien, de façon périphérique, de façon à côté hein, de façon dissimulée, elle punit la
personne. Je demande à ce que W. n’assiste plus aux réunions, très bien, il n’y assiste plus. Mais
il est dans le purgatoire du secrétariat. Qu’est ce que c’est ce travail ? Des psys qui font ce boulot
là ! Mais ils sont où eux ? Où elle est leur belle formation sur les effets induits de ce qu’on dit, de
ce qu’on ne dit pas, de ce qu’on associe, de ce qu’on associe pas, des moments, et des mauvais
moments. Moi la proposition que je fais, c’est que on est dans l’unité où se passe… Que les psys
emportent leurs dossiers dans l’endroit où sont les enfants. Voilà. Que ça c’est très important.
Parce que comme ça, on peut aller et venir dans la tête et dans l’espace, sans que l’enfant se
sente puni de n’être pas là, exclu. Et qu’on laisse quand même aux parents la liberté de dire…
Parce que, je me suis censurée bien des fois parce que W. était là. C’est une façon de faire taire
les parents…, que de les empêcher, par la présence de l’enfant, de s’exprimer en toute liberté. Je
veux dire, pourquoi les parents ferment la porte de leur chambre de temps en temps, ou se
mettent à l’abri des oreilles de l’enfant, si ce n’est pas pour évaluer, et élaborer. C’est pareil là.
Pourquoi c’est différent ? Il n’y a pas un non respect de l’enfant. C’est faux. Moi je dis que c’est
faux. Je pense que ce sont des théories à la con. Voilà.
Question : Comment est-ce que vous communiquez avec l’IME ?
Par le téléphone, par le cahier de liaison.
21
Question : est-ce que vous avez l’impression que la communication passe toujours
bien ?
Oui. Oui. Au niveau de X., il a toujours entendu ce que je lui ai dit. Et j’ai même perçu à
travers son discours les limites de l’institution. C’est à dire qu’il m’a donné des clefs pour
comprendre pourquoi les choses se font pas comme j’aurais voulu.
En ce qui concerne S. j’ai entendu beaucoup plus d’impuissance et de découragement, de
fatalisme, de routine. Vraiment, pfeu… C’était pas du tout dynamisant. Ce que j’ai dit tout à
l’heure, entièrement. Alors au niveau de L. : j’en est… Une écoute formidable quoi. Je dis, j’ai senti
une absence au niveau de l’instit. Mais pas du tout d’incompétence, mais, d’abord il est parti en
formation assez longuement... Non, au niveau de L., on se sent vraiment écouté. Hein. Il y a une
volonté d’avancer. Et ça c’est vraiment… Ca été après toutes ces années, du baume au cœur,
franchement.
Au niveau… il y a donc un autre interlocuteur, c’est l’AS. Tant au niveau de sa remplaçante,
qu’au niveau de la personne en poste, énorme écoute, quelquefois pas mal d’impuissance aussi,
les cartes étant bizotées, comme je l’ai dit au niveau des hiérarchies, de la hiérarchie, pas des
hiérar… Oh si des hiérarchies, si si. Parce que il y en a d’autres. Bon ben, on a l’impression que
c’est un poste qui se trouve pris entre marteau et enclume, et que ben là dedans, dans la faible
marge de manœuvre qui est laissée, il y a occupation de tout l’espace de la marge de manœuvre.
Mais bon, entre marteau et enclume. Voilà. Et donc par rapport à ça, j’ai ressenti l’élaboration du
questionnaire, et même l’acceptation par l’institution du questionnaire, comme le désir de soulever
un couvercle, de faire passer un peu d’air là-dedans, et puis de voir un peu ce que ce petit remueménage allait produire. Mais dans les limites que, bien que le questionnaire soit apparemment
traité de façon indépendante, il est présenté par l’institution. Il est pas entièrement assumé dans
l’indépendance. Et ça moi je pense que c’est un biais très important dans la restitution par les
familles de leurs points de vue. Je pense qu’il y a risque d’auto censure, dans le fait que l’IME
présente elle même ce questionnaire. Et qu’il faudra beaucoup de, de… Et qu’il a fallu sans doute,
puisqu’on se retrouve là en fin de peloton, qu’il a fallu sans doute beaucoup de persuasion au
porteur de questionnaire, aux professionnels qui ont porté le questionnaire, pour dire « Vous êtes
entièrement libre, c’est entièrement anonyme.», « Dites ce que vous avez à dire, c’est le moment
ou jamais. ». Et je pense qu’il y a quand même un biais très important.
Question : qu’est-ce que vous pensez en général des associations de parents
d’enfants handicapés ?
Je sais qu’il en existe plusieurs, et je sais que, ce que je disais tout à l’heure, or micro je
crois, c’est que ce type d’association part du caritatif, parce qu’il y avait un énorme déni… Bon et
que, et bien il faut bien considérer dans l’attitude, notamment des parents pendant les réunions…,
alors je ne dis pas…, peut-être les autres réunions à l’interne… Hein ? Et les réunions plus
22
collectives de parents, que… tout ça est frappé à la fois de reconnaissance, de paternalisme, de,
de, démarches caritatives, et que ça, ça empoisonne grandement une…, le fait qu’on pourrait
mettre des relations égalitaires sur pieds entre les parents… On a l’impression que les parents qui
ont passé le sas de l’accueil de l’enfant se disent « ouf ». Et qu’ensuite il y a deux stratégies face
à l’institution. Il y a « je me montre, et je me bats », donc je deviens intouchable, comme un peu
un délégué syndical. J’ai une espèce de statut où on n’osera plus me toucher. Donc on s’avance
très très en avant du troupeau, qui est derrière, parce que ce troupeau là se dit « pas de vague,
pas de vague, on ne sait jamais. Il pourrait y avoir des retombées sur l’enfant, et même l’exclusion
à court, à moyen, à long terme, de l’institution ». Et alors ! « Jusqu’à ses vingt ans je ferais
quoi ? » Parce qu’on sait bien que les enfants n’y sont pas. Donc dans ce déséquilibre de
l’accueil, des places manquantes, etc., il y a une espèce de… Il y a cette double stratégie qui se
joue, du profil bas, ou de la stratégie avancée. Alors bon… C’est quand même assez malsain. Et
ça dans le contexte de ces formations (30), associatives, où…, et bien il y avait tout à faire. Moi je
pense maintenant qu’on va arriver vers un deuxième âge, où la légitimité de cet accueil est quand
même acceptée, bien que pas pris en compte complètement par la société. Et que donc, on voit
l’émergence d’autres associations. Il y en a une …, avec laquelle je n’ai pas pris contact, mais…
On sait très bien ce qu’il y a derrière. Il y a des associations couvées par les élus de droite, et il y
en a d’autres, émergentes, qui ne sont pas couvertes par les élus de gauche. Qui sont là, en train
de se constituer. Un petit peu à la façon « d’Attaque » ; ou de « Amnistie Internationale », ou de
« Droits de l’Homme » etc… Avec des gens qui n’ont pas envie de se marquer politiquement, mais
qui sont carrément du côté du progrès social. Grosso modo, dans des mouvements… C’est
évidemment « progressiste ». Hein ? Et que celles là sont émergeantes, et que celles là vont
émerger du fait justement de la légitimité dont je parlais. Où, ben le handicap commence à
apparaître. Mais bon, on est loin des pays du nord, mais sur ce modèle là on commence à
avancer dans des pays latins, ou médians. Nord latin comme la France. Hein ! Et ça c’est très
encourageant, et je pense que, il va y avoir du ménage dans les dix ans à venir, dans ce type
d’associations, dont on leurs demande, à la limite, si j’analyse bien, de pas bouger quoi. D’être
simplement, les... Encore une fois les caches sexes, qui permettent la gestion financière, et rien
d’autres. Hein ! Et de temps en temps la photo du, du, du député du coin, qui vient dire combien
on prend soin, de ces enfants là, en Birmanie quoi. Et bien moi je dis que ce n’est pas une façon
de traiter le problème. Il faudrait, bon, une démocratie plus participative, entre, bon, tout ce que je
décrivais tout à l’heure, entre l’ensemble des salariés et vacataires de l’IME, l’ensemble des
parents, l’association elle même. Et puis aussi une combativité qu’on ne trouve pas. On ne sait
même pas si les gens, les salariés sont syndiqués ? Où ils sont syndiqués ? Qu’est-ce qu’ils
défendent à l’interne ? On en sait rien. Mais merde, ça nous regarde ! C’est nous les patrons ! Et
c’est ça que je veux dire aussi : dans les réunions, où je suis, moi parent, face à l’institution :
« merde à la fin, je suis votre employeur ». « Je ne suis pas salariée ». « Je suis là, je paye sur ma
30 dans le sens de « organisation »
23
peau le fait d’avoir un enfant handicapé, mais je suis votre employeur. Alors respectez moi ! ». Et
ça, ça retourne tout. Et si jamais je m’en mêle un jour ça sera comme ça. En voulant savoir les
désirs du personnel, parce que moi les désirs des parents, grosso modo ils vont être recensés là
(31), et c’est super. Et je connais les miens. Mais les désirs du personnel…, qu’on nous cache !
On voit bien que ça ne fonctionne pas bien. On voit bien qu’il y a du chagrin quelquefois dans l’air.
Que certains se sentent pas reconnus. Que certains voudraient bien que certaines choses
changent. Et que d’autres sont dans des routines, en attendant la retraite de façon… Merde mais
qu’ils … Oh, bouh... ! Qui sont pas encourageants pour rien quoi. Et bien moi, je vois ces
changements là à l’horizon quoi. Et mine de rien, un questionnaire comme celui là peut faire…, un
petit coup, encore une fois un petit courant d’air quoi. Je ne dis pas une révolution. Mais
circulation des idées…, est toujours bon à prendre.
Question : à votre avis, est-ce que vous verriez des pistes de solutions pour améliorer
les rapports entre les parents et les professionnels ?
Ben déjà, l’état d’esprit dont je parlais tout à l’heure. C’est à dire que le parent… Quoi qu’on
en dise… Parce que y-a un discours, sur le parent responsable etc… Mais ce n’est pas dans les
têtes des professionnels. Et cette espèce de provocation, où je dis « Je suis votre employeur, et
j’ai des compétences »…. Alors ma compétence, c’est celle de l’observation de mon enfant, c’est
celle de mon affectif, puisque c’est bien de ma parentalité dont il est question. Alors bon voilà, j’ai
au moins deux compétences. Et en plus j’ai des compétences extérieures. Bon. Donc il faudrait
que toutes ces compétences là, on les prennent, globalement, et que le parent soit assis, avec, je
dirais, de façon provocatrice, son droit de vote, quoi. Et même son droit de veto. Et ça, ça serait
une révolution si on arrivait à ça. Et encore une fois là, de ce que j’ai dit tout à l’heure, c’est que la
médecine physiologique s’en mêle. C’est à dire que… L’autre fois j’ai posé une question,
médicale. On ne m’a pas répondu. On ne m’a pas répondu. Or pour moi c’est très important, parce
ce que ça avait trait à l’instabilité, qui peut mener à l’agressivité. Et bon… De certaines zones
limbiques, qui ne…, que les bébés ont immatures, et qui maturent peu à peu, et qui fait qu’ils
déchargent leur agressivité en pleurant, ou en étant agressif etc. Et j’ai posé la question « Est-ce
que cette fameuse zone limbique, resterait immature plus longtemps, chez les enfants
trisomiques ? ». A l’heure qu’il est j’attends toujours la réponse. J’estime, que, une question
comme celle la, si on ne peut pas y répondre à la minute, un médecin doit y répondre. Je veux
dire, je veux dire que, le fait que W. à tendance à avoir un ongle incarné, ou que son débit n’est
pas aussi clair, qu’il devrait…, ou que, il a une atonie musculaire relative, ou que…, bon. Ca c’est
vraiment quelque chose qui était…, que tout le monde sait depuis des siècles. Bon. L’histoire de la
zone limbique, merde, c’est quelque chose de l’ordre de l’innovation, de la recherche. C’est une
proposition que je fait. Merde, je fais une proposition médicale (sur le ton de la colère). Ils
31 à travers cette démarche du questionnaire
24
m’entendent, ou ils ne m’entendent pas ? Ils ne m’entendent pas. Parce qu’elle (32) n’était pas
capable de répondre à cette question là, ou qu’elle n’a pas voulu répondre à cette question là.
Moyennant quoi je suis allée voir si elle était médecin, ou psychiatre, ou psychanalyste, ou
psychologue etc. On m’a répondu, mais elle est médecin, elle est psychiatre. Bon alors pourquoi
alors elle ne répond pas à une question médicale. Je ne suis pas digne d’entendre la réponse. Ou
elle n’a pas la réponse. Et quand elle ne l’a pas… Pourquoi est-ce qu’elle ne dit pas, deux
semaines, un mois, deux mois après « J’ai rencontré un confrère, on en a discuté. », « En effet
c’est une piste intéressante. », ou « en effet, c’est bouché votre truc, ça sert à rien. On ne sait
pas ? ». Elle me renvoie dans mes buts, ou elle s’empare de mon idée. Mais elle me laisse pas
comme ça, pfou, en plan comme une merde. Je ne suis pas une merde, je suis une personne. Et
en plus je suis susceptible, si elle m’encourage dans cette voie là, de lire dix bouquins, et
d’écouter dix radios, pour lui dire « voilà, y-a ça, y-a ça, y-a ça ». Pourquoi non ? Non. Donc il faut
que ça change, ça. Alors il faut que ça change dans les têtes. Voilà tout. Là y-a pas de…, y-a pas
de mystère. Et aussi, j’ai dit tout ce que j’avais à dire là-dessus, c’est à dire, la hiérarchie ne doit
pas exister entre là, l’éducationnel, et là le médical. Y-a pas de hiérarchie. Y-a parité. Et le tout
régulé par l’institution parce que c’est son job. Et j’estime, tiens, ça c’est intéressant, j’estime que
la régulation qui se fait dans ces réunions, ou c’est X. qui l’assume, ou c’est Y. (33) Y. ne régule
pas vraiment. Il n’est pas le régulateur de ces deux aires. Il a choisi qu’il fait pas le poids face aux
« psys ». Merde à la fin, il fait le poids. C’est lui le maître, du jeu. C’est lui le maître du jeu.
Pourquoi n’est-il pas le maître du jeu ? Ben si il peut pas, ben c’est X…. …(fin de la face B de la
casette 1).
Donc je voulais revenir… Je disais que si un directeur, parce que derrière les noms y a des
fonctions. Donc si un directeur d’unité (34), ne peut pas, ne se sent pas la force, hein, de réguler
ces deux équipes, puisqu’il s’agit de deux équipes que je voudrais moi, paritaires, et bien c’est le
directeur de l’IME qui doit le faire. Et il doit le faire en tant que représentant des parents, puisque
si les parents qui sont là, n’ont pas la force… Parce que on est quand même dans un quadrilatère
là. On a l’institution, les deux ailes salariées, médico et éducatif, et en face on a les interlocuteurs,
les parents. Bon, et de temps en temps, dans l’aile éducative, on a la familles d’accueil qui
s’ajoutent, mais qui sont extrêmement silencieuses, hein. Donc à partir de ce moment là, on
rétablirait, si on avait bien ces quatre coins du quadrilatère, la direction, les deux ailes médico,
éducative, et les parents, on se retrou… Qui soit sur ses pieds, à parité. Là on aurait une équipe,
là on aurait une vrai équipe, avec chacun sa place. Et quand les parents n’ont pas les mots pour le
dire, c’est quand même l’institution qui devrait les relayer, puisque c’est-elle… ! Mais elle a ses
propres…, challenges à défendre, qui sont quelquefois contradictoires avec les parents. C’est ce
que j’expliquais au niveau du prix de journée, où l’institution va chercher sa pérennité, là où les
32 Le médecin psychiatre de l’institution
33 Y = chef de service éducatif
34 ici c’est le chef du service éducatif dont-il est question
25
parents auraient peut-être d’autres demandes …, quand justement, au motif, que ces vacances,
qu’y a pas à l’éducation nationale, et que donc des clavettes très importantes du système se
trouvent enlevées du jeu. Bon, à partir de ce moment là, si ils veulent conserver leur prix de
journée, ils mettent un centre aéré en place, mais on appelle ça « vacances ». Et il ne se passe
pas tout à fait les mêmes choses que d’habitude etc. On voit bien que ça ne se passe pas tout à
fait comme d’habitude. Et ça se passe sans se dire. Ce qui se dit c’est « Oh, il ne faut pas que vos
enfants perdent leurs acquis. Hein ? Donc on les garde longtemps en juillet, et puis on les reprend
tout de suite en septembre ». Mais non, Bouleshit, c’est pas vrai. Ce qui est vrai c’est : l’institution
doit se nourrir d’argent pour pouvoir se pérenniser. Et si on commence à analyser tous les coûts,
et ça c’est quelque chose que je voudrais bien qu’on fasse, on s’apercevrait que c’est une
institution lourde. Et que, pfeu, pareil, il y aurait peut-être autre chose à faire, avec le même fric.
Oui, en fermant le magnéto à l’instant, pour changer les bandes, l’on a fait une parenthèse,
et je voulais dire que mon métier c’est d’écrire, et que je n’ai jamais, je n’ai jamais écrit une ligne
sur le handicap de W. Et que si tout ça sort si facilement, c’est que tout ce que je peux dire là,
c’est le legs (35) d’années de réflexion maintenant, d’années d’échange, médecins, AS, missions
locales, éducs, amis de toutes provenances, sur le sujet. Des amis très chers qui aussi avaient
des trisomiques dans leur famille, dans leur fratrie. Bizarrement, dans les fratries, pas tellement
dans les enfants. Donc ça fait que je vois courir devant, des adultes trisomiques, et les difficultés
que y a eu dans les différentes institutions. Ce qui fait que ce que je restitue là c’est pas
seulement mon expérience, mais, une volonté farouche de pas mettre le petit doigt, le coude, et le
bras dans la « limitance » du handicap. Donc, limiter, limiter l’intervention à un périmètre assez
court. Voilà, et c’est pour ça que je donne ce que j’ai là. Et que j’aimerais avoir une bande de
copie. Merci à Sir Yann Louer de…(rire).
Question : vous parliez de cette évolution en fait, que vous aviez réfléchi avec des
professionnels, des amis etc. Et, est-ce que vous percevez le handicap de votre enfant de
la même manière qu’auparavant, avec les années qui passent ?
Moi je vous ai dit, la mise à distance, elle est intervenue le jour où, le jour…, les mois, les
années, où j’ai réalisé que, où j’ai intégré, le fait que il y avait deux histoires, la mienne, et celle de
W. Chaque membre de la famille peut parler pour lui, je parle que pour moi là. Et que, ben il fallait
faire en sorte que sa trajectoire à lui, puisse être facilitée par un certain nombre de dispositifs.
Mais que mon histoire à moi elle continuait, avec cette expérience là, mais que cette expérience,
ces deux expériences étaient distinctes. Mon être au monde, je le conserve, il est pas intact hein,
mais je le conserve. Et l’histoire de W., c’est différent. Longtemps, dans les dispositifs que j’avais
mis en place, pendant quelques années, y avait l’ostéopathie, que je vais reprendre, et que j’ai
35 beaucoup d’émotions et de solennité dans la voix.
26
abandonné pendant un temps. Pour des raisons qui étaient professionnelles, qui tenaient au fait
que j’étais très occupée. Et l’ostéopathe un jour m’avait dit, très tôt, parce qu’il a été dès la
naissance, « tu sais W., il a une coquille de « noix ». Il y en a qu’ont un cargo, y en a qu’ont des
trampings, y en a c’est des frégates. W. il a une petite coquille de noix. Mais si c’est un bon
capitaine, et on en fera un bon capitaine, il ira loin. ». Et cette métaphore m’avait enchanté. Elle
m’avait enchanté. Parce que, encore une fois, moi j’allais dans mon bâtiment, et lui il allait dans le
sien. Le problème c’était de lui apprendre à manipuler la voile, et le moteur auxiliaire. Voilà. Et que
ça, ben ces outils là, on pouvait, on pouvait travailler, à remplir la boite. Et c’est précisément ce qui
nous ramène à nos inquiétudes actuelles sur la formation du maître, des éducateurs, et des
médecins, sur les méthodes les plus innovantes en matière de trisomie 21. Je ne m’occupe que
du handicap de W., je pense que chaque parent parle pour son enfant, et le handicap particulier à
l’enfant. Moi je dis, que je les voudrais… Mais je voudrais que ce soit un IME pilote. Qu’ils le
montrent…, et qu’ils investissent pour ça. Voilà. Et que, ils ont autour d’eux des gens « outils ».
Qui pourraient se constituer comme « outils ». Et qu’il faut simplement, ben, les mobiliser, et que
mobiliseront à leur tour les réseaux. J’en suis certaine.
Question : vous parliez de W. qui mène sa barque, comment est-ce que vous vous
imaginé son avenir à W. ?
L’avenir de W., et bien je pense que c’est très rassurant. Pendant très longtemps, justement
quand on imaginais que des maîtres pourraient le former à la maison… On avait l’idée de le
mettre en contact avec des gens qui manient le bois, des gens qui sculptent, des gens qui
peignent, des gens qui ont des activités manuelles, qui sont en même temps des projections
intellectuelles…, ou qui se prolongent dans l’artisanat, dans le meuble ou dans l’objet, ou dans le
tableau, ou dans… On avait envie, encore une fois, de la même façon qu’il était exposé
socialement, à différentes familles, différentes façons de manger, différentes façons d’éduquer…
On avait envie qu’il soit exposé à différents matériaux. Et c’est ce qu’ils font à l’IME… Quand
même… Et donc ça, ça nous a beaucoup rassuré, quand on a vu qu’il abordait le bois par
exemple. Ca nous a fait très, très plaisir. Parce que on se projette. Ou les plantes. On a un grand
jardin, donc il jardine. Pour l’instant c’est plutôt des herbages, des binages, je sais pas quoi. Il n’a
pas vraiment de jardin particulier où il cultive des radis, mais ça va venir. Et ça va venir dans pas
trop longtemps. Parce que la serre va être remise en état. Et on avait l’idée qu’en l’exposant de
cette façon là, un jour il allait aimer plus qu’un autre, une pratique ou un matériau. Et que ce jour là
on aurait fait un enfant heureux. Et que il aurait une utilité sociale, puisque il pourrait faire métier,
de la matière qu’il aimerait mieux. C’était comme ça, c’est comme ça qu’on se projette vers
l’avenir de façon positive quoi. C’est important. Pour nous c’était ça. Voilà. Mais il me vient l’idée,
et ça c’est aussi une idée qui était dès le départ, que mon ambition pour W. elle est plus large que
celle de plein d’enfant du monde, puisque je voudrais qu’il sache lire, écrire, et compter. C’est une
réponse qu’on ne m’a jamais donnée. Est-ce qu’il sera susceptible de lire, écrire, et compter ? On
27
ne me répond pas la dessus. Et c’est là que je commence à douter grandement des capacités de
l’IME. Parce que je sais qu’ailleurs, des enfants trisomiques ont écrit, lu et compté, à partir de
méthodes, dont on ne me parle pas à l’IME de XXX.. Et moi je vois, à travers les cahiers… Ce que
je vois ne me rassure pas. Là dessus. Je voudrais que, il ait d’un côté accès à une matière, noble
de préférence, qui soit la terre, la plante, le bois, ou autre. Hein. Et que de l’autre, il ait ses prérequis minimum, pour s’y retrouver dans le métro. (rire) Mieux qu’un analphabète, euh, euh du
quart monde, ou mieux qu’un enfant défavorisé du tiers monde. C’est à dire à dire que, il soit
l’enfant, de l’Europe, hein, et du handicap à la fois. Mais qui… Bon voilà. C’est une ambition.
Hein ? Je dis pas qu’on remplira le challenge. Vous me dites : « quel challenge on se fixerait ? ».
Celui là. Et puis qu’il soit… Par exemple, épanoui, sexuellement. Je vois que W. est en pleine
formation…, que, bon, il est amoureux de toutes les femmes (rire), et tout, et c’est plutôt…
Derrière ça (ton plus grave), il se cache un deuil. C’est à dire que W. n’aura sans doute pas
d’enfant. Et que sa compagne lui ressemblera sans doute hein. Ce ne sera pas une fille qui sort
de l’ENA. Je m’en fous cela dit. Mais ce que je voudrais, c’est qu’il soit heureux là-dedans. Qu’il y
ait pas de censure, ou de choses désagréables autour de ça. Qu’il soit beau, dans son corps et
que, il n’ait pas de barrière, autre que le respect d’autrui. Qu’on essaye de lui inculquer à travers
l’idée que : « quand quelqu’un dit non, on respecte le non. ». Alors par rapport à la sexualité, c’est
ce que je veux lui transmettre, c’est le respect de la personne qu’il aura en face. Y compris si c’est
un garçon. Que, il respecte cette personne là quant elle dit « non ». De la même façon qu’on lui a
appris à le faire en d’autres circonstances. Voilà. Pour qu’il soit bien complet comme personne.
Voilà. Qu’il ait toutes ces dimensions.
Question : Et est-ce que le fait d’avoir un enfant handicapé, est-ce que cela a changé
pour vous votre vision des choses, votre façon d’appréhender la vie ?
J’en ai parlé tout à l’heure. Hein ? Assez longuement, sur le fait que, il a fallu se dépouiller
de couches d’amour propre… Et que, par rapport à ça, ça été un grand chagrin, de penser que,
que, que, je croyais avoir fait beaucoup de route, sur la simplicité de mes rapports avec les gens,
sur le fait que je n’aurais pas de préjugés, sur, etc. Et brusquement, brutalement projetée de
l’autre coté de la barrière, je me rendais compte que ce regard là me faisait horreur. Et que si on
avait pu mettre la machine à l’envers ça aurait été bien sympa quand même, parce que ce regard
là on ne l’efface plus, quoi. Et que on est à tout jamais différent. Et que, on est plus dans…, ….,
comment dirais je ? Je sais pas comment expliquer ça ? En tant que journaliste j’ai fréquenté des
milieux brillants, en tant qu’écrivain j’ai fréquenté des gens à la fois…, de grandes dimensions. J’ai
été très longuement collaboratrice de Foucault, de Michel Foucault, le philosophe, pendant des
années. Je veux dire, j’ai fréquenté quand même des gens qui ont compté. Et j’étais avec eux. Et
brusquement, ce que j’ai… J’ai été projetée du coté où…, il y avait, un, un handicap terrible quoi.
Brusquement j’arrivais avec cette image brisée. Et c’est ça qui nous a tellement soucié, quant on a
conçu F.. C’était qu’il ne porte pas cette brisure. Parce que il y avait ma fille aînée, il y avait W.
entre les deux, il y avait F. qui terminait la fratrie, et cette rédemption, de l’image, cette
restauration de l’image familiale, fallait pas qu’il la porte. Il ne fallait absolument pas qu’il la porte.
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Et ça été un effort constant, pour que, on avance de front. Toujours en intégrant W. comme
personne de cette fratrie. Comme totalité. Ca a été… C’est une lutte, hein ? Et c’est pour ça que
ça m’a tant blessé, quant on m’a dit « il faut se séparer de cet enfant là, à travers la famille de
placement, d’accueil ». Non !. Non ! Jamais !
Question : justement, dans cet esprit là, est-ce qu’il y a des éléments des informations
concernant W., ou vous même, que vous montrez volontairement, ou à l’inverse que vous
n’évoquez pas ?
Quand W. est né, il y avait des gens à qui je disais, des gens à qui je ne disais pas. C’est
ça ? J’avais une espèce de satisfaction masochiste, dans les intellectuelles que j’avais connu, etc.
Cela me revient maintenant… A dire. Et à voir se peindre l’horreur sur leurs traits, parce que
c’était à moi que ça arrivait. Parce qu’ils connaissaient que j’étais très sensible, et que ça allait
altérer profondément mon être au monde. Mais ce qui n’ est pas tout à fait vrai. Moi je pense que
ça a permis de creuser des parts de ma personnalité qui n’auraient pas été mises à nues. Et qui a
permis une mise à nue, et justement un dépouillement d’oripeaux sociaux et tout… Je ne dis pas
que j’en n’ai plus. Parce qu’on en a tous, et puis qu’on en a besoin. Je suppose que c’est comme
d’être habillé, ou… Enfin bon, je crois que on a besoin, d’offrir une image sociale, ne serait-ce que
pour être reconnu par les gens qu’on voudrait…, qu’on voudrait aimer, approcher, tout ça etc. Ca
a été, ça a été effectivement très curieusement un espèce de basculement incessant, « je dis »,
« je ne dis pas », jusqu’à ce que ça se calme. Hein ? Et que, ben : je ne le montre pas, je ne le
cache pas. Les circonstances montrent W., mais la plupart des gens maintenant savent. Mais je
ne le mets pas en avant, comme j’aurais pu le faire à une époque par provocation, ou pour faire
mal à des gens parce que moi j’avais mal, quoi. Ca c’est calmé au fur et à mesure de tous ces
arrachements successifs, de mues successives, de l’acceptation, du deuil comme on parlait tout à
l’heure. Ben, c’est une drôle d’expérience.
Question : est-ce que vous connaissez les politiques gouvernementales concernant le
handicap ?
Encore une fois, moi… Je suis, je regarde, je n’utilise pas. Et je pense qu’il y a là quand
même une lacune de l’institution là-dessus. Parce que… Peut être qu’on est censé se tenir au
courant de notre côté. Mais encore une fois moi j’ai dis que je ne ferai pas autant que je le
pourrais. Que je ne militerai pas là dessus. Et donc, quand une loi sort, j’estime que l’institution, ou
l’association, et principalement l’association, devrait fournir des feuilles, en tirées à part, de ces
lois là, et de ce qu’elles signifient, et de comment on peut les utiliser comme levier. Ah ça c’est
zéro, zéro à la barre. Bon, donc je suis comme tout le monde attentive à ce qui se passe dans ce
domaine là. Je n’en ai pas fait des outils. Mais encore une fois, si on fait référence à ce que je
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disais tout à l’heure, c’est quelque chose qui devrait pouvoir fonctionner, soit par l’institution, soit
surtout par l’association. Parce que c’est quand même… Merde. Bon, on est là, on paye une
association par une cotisation. Ce que moi je trouve ni très élevé, ni exorbitant. Ce n’est pas le
cas. Mais je m’abonnerais volontiers à une petite feuille de chou, même semestrielle, ou
trimestrielle qui me dirait deux ou trois choses. Bon… Tout un temps j’ai été abonnée, et à la
naissance quelqu’un m’a abonné, à un journal catho., qui s’appelait… Je sais plus. Je sais plus.
Bon, et ensuite à un autre. Et puis après j’ai laissé tomber. Et bon, au hasard des trucs que je
feuillette à l’IME, ou chez des copains médecins, je découvre tel ou tel aspect. Sans ça c’est
comme tout le monde, je lis les trucs dans le journal. Et je n’en fais pas un outil spécifique,
puisque je ne milite pas. Mais je serais contente d’avoir, encore une fois un point, quand des lois
sortent, avec le J.O. d’un coté, et les commentaires de l’autre, de cette association, qui est censée
tenir les rênes de l’IME. Ca serait effectivement important. Mais c’est pareil, c’est l’implication de
l’association, c’est l’implication qui manque. Cette implication là en tout cas.
Questions sur la présentation de la personne interviewée
Age : XXX ans
Née à XXX
Lieu d’habitation : XXXX
Situation familiale : je vis dans le péché, avec un curé…(rire), un concubin, père de mes
deux enfants, et j’ai un précédent enfant, qui n’est plus une enfant, d’un précédent mariage. On vit
ensemble, ce couple là, depuis vingt ans. Je suis une monogame. Avant j’avais vécu
effectivement dix ans avec la personne précédente. Même plus.
Profession : Je suis actuellement bénévole sur une fédération, une association, et un parti
politique. Et je suis au chômage, d’un poste de directrice de projet. Ma profession c’est XXX.
Etudes : je suis titulaire d’une licence en économie politique, et je XXX avec différents
stages de formation continue. Et je suis aussi… J’ai payé mes études en étant XXX. Actuellement
c’est pas tout à fait un vrai chômage, puisque j’ai terminé ce projet au chômage, et que je viens de
le rendre. Donc je suis au chômage depuis XXX 2000. Mais en fait j’ai rendu ce projet, et ces
conclusions seront rendues en septembre à la XXX. Après, quelque part, je serai vraiment au
chômage après. Mais après, je pense que je vais rentrer dans d’autres projets européens, sur les
femmes à XXX, et l’émergence des femmes de XXX impliquées dans l’entreprise de XXXX en tant
qu’actrice économique. Et que, bon donc ça implique une action nationale d’une part, inter
européenne d’autre part, et des connexions avec toutes les autres femmes, agricultrices,
artisanes, commerçantes, puisque, le peu de femmes à XXX, en bougeant sur le statut
professionnel, qu’elles n’ont pas, ou qu’elles ont d’une façon très incomplète, va faire bouger des
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millions d’autres femmes, qui sont aussi impliquées dans cette action là, de cette émergence,
comme qu’actrice économique.
Age de l’enfant concerné : 12 ans en juillet.
Maladie ou handicap de l’enfant : trisomie 21 libre. Ce qui est très important, parce que, ce
qu’on ne l’a pas dit au départ, c’est que il y a une grande inquiétude de la part des hommes, à être
responsable de cette trisomie, et pour moi, il y avait quand même pas mal de culpabilité puisque
j’étais une mère de plus de XXX ans. Et donc, il y a eu des circonstances horribles autour de cette
naissance que je n’ai pas expliquées. Et que c’est un petit peu dommage, mais bon... C’est quand
même important, parce que en ce qui concerne la naissance, il se trouve que j’ai été pendant
des… C’était mon sujet, pendant des années. C’est là-dessus que j’ai écrit. C’est là-dessus que
j’ai travaillé à « P. ». En gros, un magazine où je faisais des gros dossiers sociaux économiques.
Et donc j’étais parfaitement au courant de tout ça. Et au premier enfant que j’ai attendu avec T., en
86, j’ai pratiqué, j’ai fait pratiquer une, une… Comment ça s’appelle ? Une ponction, amniotique.
Et j’ai perdu l’enfant. Sur amniocentèse. J’ai perdu l’enfant. Et à la suite de l’amniocentèse, je le
savais, le praticien le savait, un caennais… Et il n’a jamais voulu en avoir le doute... Ensuite j’ai
vécu d’une façon très intense le fait de garder le fœtus en moi pendant presque trois semaines,
bon. Ensuite j’ai du négocier pour avoir ce fœtus, qui avait cinq mois et demi, par les voies
basses. Parce que je savais que c’était important. J’ai négocié le fait d’observer cet enfant, et de
me l’approprier aux côtés de mon compagnon. De voir cet enfant, de faire le deuil de cet enfant là.
Et bon… Aussi le fait que ce soit pas tout de suite médicalisé. Donc il y avait des séances de
massage et d’acuponcture pour la dilatation du col. Je veux dire, j’ai encore une fois, du tout
négocier. C’était une première dans cet hôpital. Et à la suite de ça, j’ai été très, très profondément
traumatisée. Ensuite… Et en plus j’avais eu des hésitations jusqu’au bout pour ne pas faire cette
amniocentèse. Jusque sur le parking de l’hosto je me disais : « Non, je fais une erreur, je fais une
erreur, je ne devrais pas ». Et cet enfant était tout ce qu’il y a de normal. Donc je l’ai perdu. Et
quand… Je faisais à l’époque encore des conférences sur mon XXX... Et je n’ai pas perdu une
occasion de dire combien j’étais déçue, que le praticien, parce que j’avais été une militante làdessus, n’avait pas voulu assumer de prendre un procès. Il ne m’a jamais ni téléphoné, ni
rencontré, pour me dire « ce que je fais ? ». Il avait décrété la dénégation. Ensuite je n’ai pas fait
l’amniocentèse pour W. Et pendant toute cette gestation, je sentais que ses gestes n’étaient pas
les gestes que j’avais ressentis avant pour E. (36) ou autre. Il s’étirait, comme ça…. Je les ai
encore dans le corps ses étirements. Je me disait « mais qu’est-ce qu’il a ? ». Et quelques
semaines avant la naissance, j’ai vu un enfant trisomique, et j’ai eu un choc en retour. Je me suis
dit « oui, c’est ça. Je porte un enfant trisomique » Je l’ai dit tout de suite à la personne avec
laquelle j’étais. J’ai dit « je porte un enfant trisomique, je le sais maintenant ». Et il s’est avéré que
cette crainte était là, en chair et en os... quoi.. Et ça a été, oui, ça a été vraiment, vraiment difficile.
Et après la naissance de W., c’était quelque chose que je voulais dire tout à l’heure, que,
36 Fille ainée
31
puisqu’on parlait du fait que j’écris, et bien, je n’ai pas pu tenir un appareil photo, jusqu’à,
maintenant, où j’ai à nouveau le désir de photographier. Je ne sais pas. Ca a engendré au niveau
de l’image quelque chose d’extrêmement profond. Du fait : un, que je n’écrirai pas là-dessus, pas
tout de suite en tout cas. D’où ce que je peux transmettre là, parce que je n’en fais pas un enjeu
d’écrivain. Et aussi, cette incapacité à prendre l’image. Depuis 10 ans. Qui guérit petit à petit, et ce
qui prouve que, il y a des tas de choses qui sont à l’œuvre en profondeur. Qui prennent des
formes diverses et variées. Tout à l’heure on parlait de la provocation de l’annonce. Là c’est
l’impuissance à restituer l’image, ou à déléguer un appareil, ou, que sais-je ? Je ne sais pas. Je
n’ai pas d’explication. Je sais que c’était parti et que ça revient. Bon, y-a pas d’explication à tout
non plus… Et je… Là, dans ce que je disais tout à l’heure, c’est à dire l’encadrement médical,
l’explication médicale, la médicalisation psychologique de l’ensemble de la famille. Non ! C’est,
c’est… Quand au cours d’une réunion récente, on nous a dit « ben maintenant faudrait nous
amener les grands parents ». Je savais pas moi, à ce moment là, me disant « oui, pourquoi pas
quoi… ». On est dans la réunion, dans la manipulation quelque part. Et puis en sortant on s’est dit
« c’est non ! ». Encore une fois, c’est pas parce qu’ils sont eux aussi, grand- parents d’un enfant
trisomique, qu’on va les amener là, pour évaluer…, sous couvert d’harmonisation des pratiques
autour de l’enfant… Harmonisation des pratiques autour de l’enfant ? Mais c’est précisément ce
que j’ai cherché à ne pas faire. Alors il y a des harmonisations… Quand j’entends des familles
d’accueil, et deux fois, être choquées par la nudité de W., alors qu’on est naturiste. Le prenant
comme un vice, comme une perversité, le fait qu’il puisse se balader à poil dans la maison.
Evidemment ce sera une provocation, si il y a des oh ! et des ah ! autour. Alors qu’à la maison, il
n’est rigoureusement tout nu que quand il descend prendre sa douche, que quand il va à la salle
de bain. Cherchez l’erreur. Alors que bon là il a du provoquer un max. Je sais pas sous quelles
formes, mais bon. (rire) On m’a pas tout expliqué. Mais bon, là on voit les, les… hein, les ruptures,
culturelles inter-familiales. J’ai perdu le fil… Ah oui j’avais expliqué tout à l’heure combien il me
semblait vraiment important que W. soit exposé à plusieurs points de vue, plusieurs façons de
faire, plusieurs façons... Hein. Des cultures familiales différentes. Et là c’est pareil. Je veux dire,
moi, je ne dénie pas aux familles d’accueil le fait d’être différentes, hein ? Mais, j’ai pas les clefs,
parce que je ne les ai pas choisies. Dans toutes les familles où W. avait été exposé de cette façon
là, c’était dans l’affectif. Moi je savais à qui je déléguais, je savais… C’était des amis, c’était des
gens proches. Donc je les connaissais, pour les aimer. Et je les aimais parce que leurs pratiques,
soit différaient des miennes, et ça me convenait bien, soit ressemblaient aux miennes, et ça me
convenait bien. Alors que là, dans le recrutement des familles, je n’ai rien à y voir. Mais rien. Ils
sont comme les personnels de l’IME, dont ils font plus ou moins partie. Des salariés recrutés dans
des critères…, et, hein… Et moi je voudrais restituer ici quelque chose qui m’avait, qui m’avait fait
quelque chose. Je me souviens d’une réunion avec la famille d’accueil, Mr X., W., et je sais plus
qui… Peu importe le triangle, peu importe les intervenants qui étaient là. Pour vous faire plaisir,
elle avait pris des photos. Et, nous montrant, que dans sa famille y avait du passage, et du
passage de jeunes. Et moi ça me plaisait, parce que W. pouvait s’identifier à des 14, 15, 17, j’en
32
sais rien, des jeunes. Et lui, pour lui, c’était un grand plus. Et au lieu de lire ce message là, parce
que bon c’était le message évident, la direction à choisi de lire un autre message. C’est à dire que
la personne avait été photographiée… L’autre jeune, en difficulté aussi, pour des raisons que je ne
connaissais pas, fumait. Il fumait. Et là, et bien l’assistante, la famille d’accueil s’est faite
réprimandée en disant « mais enfin, ce jeune ne doit pas fumer ». Et elle a répondu « mais si,
j’avais l’autorisation ». Et elle cite la référence qui lui avait donné le feu vert, en disant il avait droit
à une cigarette à tel moment, tel moment, et tel moment… Et nous étions dans le moment. Et la
direction disant « mais pas du tout, le règlement c’est : rien ». Et à ce moment là elle a ramassé
les photos en disant « la prochaine fois je ne dirais plus rien ». Et pour moi ça a un résultat.
Puisque l’affectivité qu’elle éprouve à l’égard de mon gamin, et ben j’en ai plus la trace. C’est à
dire qu’elle la censure. Voilà. Et quand récemment j’ai eu, bon, un retour me disant « ben qu’on
l’aimait cet enfant là, dans cette famille là, hein », et bien moi je n’avais plus de moyens sensibles
de le mesurer, précisément parce que ce type de censure c’était expr… Bon, ben elle avait été
humiliée devant moi. Elle avait été déniée, déniée, dans ses… Les responsabilités qu’elle avait
prise. C’est à dire que, là… Je parle de l’autre hiérarchie, qui était en train de m’être montrée… Et
moi j’étais complètement dans l’impuissance. Parce que je voyais bien qu’il était en train de
défaire quelque chose…, et que la verticalité se réinstaurait, alors qu’il y avait une transversalité
qui venait de s’opérer, par le vecteur des photos. J’en étais désolée. Je suis partie de cette
réunion là encore une fois très mal. Et celle là je l’ai pas restituée, à X. Puisque c’est lui qui était à
l’origine de ça. Donc des dysfonctionnements, pfeu, y en a. Cette espèce de coupure… Là, on voit
à l’œuvre, comment la coupure s’est réopérée. Donc moi j’en déduis que l’institution a peur de
l’horizontalité. Et que, consciemment, ou inconsciemment elle la restore chaque fois que… Elle
restore la verticalité chaque fois que, ça commence à se passer différemment. C’est ça. Enfin je
suis contente de le dire parce que…
Adhésion à des associations (suite des questions de présentation de la personne
interviewée). J’ai parlé tout à l’heure de mon engagement. Donc je suis adhérente « xxx ». Enfin
bref, c’est plus compliqué que ça. Je travaille au niveau national dans une commission qui
s’appelle « xxx », et donc qui, donc travaille au sein du parti xxx », sur xxx. Je travaille aussi sur
xxx. Puisque je suis conjointe d’un xxx. Donc je suis présidente d’une association qui
s’appelle « xxx ». Et je suis coordinatrice nationale d’une fédération qui s’appelle « xxx ». Et puis
bon, il y a des coups de main que je donne ponctuellement, bien que n’étant pas adhérente
d’autres associations, puisque les capacités à rédiger font que… Mais là encore, c’est quelque
chose, qui est important pour moi, parce que après la naissance de W., je n’étais plus capable
d’écrire, de courir sur le long, sur le long court. Je n’étais pas capable de faire plus que trente
feuillets. Et là à nouveau ça revient. Je pense que quelque chose se restaure petit à petit, qui n’est
pas la créativité, mais qui est la blessure dans la créativité. Ce n’est pas… Elle est intacte, mais
les forces se sont employées ailleurs, donc j’ai beaucoup milité. Parce que dans ce refus que
j’avais de militer autour de W., je me suis investie ailleurs pour bien colmater… , que ce n’était pas
33
là que j’allais investir. (rire) Et donc ça m’a rattrapé, parce que ça m’a dévoré complètement mon
temps, et tout. J’arrive aussi à des seuils physiologique liés à l’âge, qui sont aussi pour moi des
lieux de grande réflexion. Bon, donc beaucoup de challenges à la fois, des échecs politiques
assez retentissants. Et en même temps des succès associatifs très importants. Ben bref, toute la
vie quoi. Et beaucoup, beaucoup d’implication dans tout ça. Et puis bon à nouveau un désir de
remettre des choses en perspective, pour pouvoir dégager une clairière d’écriture à nouveau.
Voilà. Ne serait-ce que de reprendre les précédents ouvrages, comme un tremplin, retricoter ces
textes en cours, qui ne me font plus du tout…, qui ne me font pas peur quoi.
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Grille d'analyse thématique des entretiens qualitatifs
L'annonce
et
découverte
la
du
Extraits
handicap
Les circonstances de la prise de conscience
des difficultés
Les relations des professionnels avec les
parents
Les relation parents/enfants
La souffrance des parents
Le travail des professionnels vis à vis de
l'enfant
La trajectoire de vie de
l'enfant
(l'histoire
de
l'enfant)
Le handicap de l'enfant
Les projets de vie pour l'enfant
Le parcours institutionnel, les aides apportées
à l'enfant
L'orientation
Les
relations
des
parents
professionnels
Le processus de "démarchage"
La scolarité
Les conséquences du
handicap
Sur le couple
Sur la fratrie
Sur la famille élargie
Sur la vie quotidienne
1
avec
les
Pages
n°
entretien
Sur le réseau amical
Sur les loisirs, les activités
Sur le travail
Sur l'identité parentale, et le rôle parental
L'environnement
administratif
Le passage à la CDES
L'AES
Les administrations
L'environnement social
La société
Les personnes
Les associations
L'information donnée et
reçue
L'IME (l'institution)
Représentations générales de l'institution
La première séparation de l'enfant
Les conditions matérielles, l'environnement
Les rapports généraux de l'institution avec les
familles
La prise en charge
L'organisation générale
Le dispositif pour l'enfant
La comparaison de l'enfant avec les autres
2
Les réunions
Le contenu de la réunion
Le rythme
Le déroulement de la réunion
Les
rencontres
(informelles)
Avec le directeur
Avec les éducateurs
Avec d'autres professionnels
Les professionnels
A)
Les
relations
parents
professionnels
L'aide aux parents
Les actions autour du projet
Les informations concernant la prise en
charge de l'enfant
La qualité des échanges relationnels
Les informations sur le fonctionnement de
l'institution
B)
Les
relations
enfants/professionnels
Les soins et l'éducation
apportés à l'enfant
Les apprentissages
Le bien être de l'enfant
Les soins médicaux
Le dispositif institutionnel
La collaboration avec les parents
3
La participation à la vie
dans l'institution
La participation aux sorties avec les enfants
Les fêtes, journées porte-ouvertes
Le conseil d'établissement
L'association gestionnaire
Les relations entre parents
Les relations parents/établissement
.
4
Mr LOUËR Yann
Caen, le 24 février 2001
Domicile : 7 Allée Jean de la Fontaine
14100 Lisieux
Tel. 02.31.62.83.08
Travail :
I.M.E. de Pont L’Evêque
Impasse de l’Isle
B.P. 11
14 130 Pont l’Evêque
Tel. 02 31 64 80 55
Madame, Monsieur,
Je suis étudiant en formation continue, à l’université de Caen, au SUFOCEP. Je suis inscrit
en maîtrise de sciences et techniques « intervention sociale et développement », et en troisième
année du diplôme supérieur en Travail Social (D.S.T.S.).
J’exerce la profession d’Assistant Social au Centre d’Accueil Familial Spécialisé de L’I.M.E.
de Pont L’Evêque depuis de sept ans.
Dans le cadre du mémoire de fin d’étude, je souhaite mener une enquête auprès de parents
dont les enfants sont accueillis dans un Institut Médico-éducatif. En effet dans l’exercice de ma
profession je participe avec intérêt aux projets mis en œuvre avec les familles des jeunes
accueillis, avec, toutefois, le sentiment de n’avoir qu’une observation et surtout qu’une
compréhension très partielle des processus réellement en jeux. En outre, sur le terrain, j’observe
un questionnement très vif quant aux modalités de travail avec les familles. Ces débats sont
notamment fortement ravivés avec l’approche de la réforme de la loi de 75. L’objectif de ce travail
est de mieux comprendre les modalités selon lesquelles se structurent les relations des parents
avec les professionnels des Instituts Médico-éducatifs, pour si possible, dans un deuxième temps
formuler des propositions professionnelles.
J’ai prévu que la réalisation de mon travail de recueil d’information sur le terrain
s’organiserait en deux étapes. Je souhaite dans un premier temps recueillir des données
quantitatives, à l’aide d’un questionnaire. Dans un second temps j’approfondirai l’analyse des
processus qui sont en œuvre dans la construction des modes relationnels, à l’aide de plusieurs
entretiens qualitatifs.
1
Aussi je viens par ce courrier solliciter votre accord et votre aide, pour rencontrer des
parents ou tuteurs (26), qui accepteraient de collaborer à la réalisation de cette recherche en
remplissant un questionnaire.
La passation du questionnaire pourrait s’organiser de la façon suivante :
Je souhaiterai au préalable vous rencontrer pour vous présenter plus longuement cette
recherche.
Si vous en êtes d’accord, par la suite, je prendrai contact par téléphone avec les familles
concernées par l’échantillonnage afin de convenir d’un rendez vous.
Dans un souci de gain de temps je prévois que plusieurs personnes pourraient remplir le
questionnaire en même temps, selon les principes suivants :
-
le lieu de rendez vous aurait lieu dans une pièce de l’établissement où est accueilli
l’enfant, pièce mise à disposition par l’établissement pour ce travail
-
après avoir accueilli les participants, j’exposerai les objectifs de la recherche, son intérêt
pour les parents et les professionnels. Puis j’expliquerai la façon dont le questionnaire
doit être rempli, à savoir chaque personne lit le document, et y répond à partir des
indications écrites. En cas de difficultés particulières ou de demandes d’explications, je
me tiendrai alors à la disposition des personnes en restant à proximité d’elle.
J’indiquerai en outre aux parents que cette enquête, anonyme, ne sera exploitée que pour
les besoins de l’étude. Les résultats de cette enquête seront disponibles à l’Université de Caen, au
S.U.F.O.C.E.P.
Si la totalité du mémoire sera publique, je m’engage, si vous le souhaitez, à vous
transmettre dans un délai plus court les résultats de l’enquête quantitative, notamment je pense,
une analyse factorielle de données portant sur un échantillon de 150 questionnaires passés
auprès de parents de six établissements.
Cette recherche est effectuée sous la direction de Mr D. BEYNIER, Maître de Conférences
de Sociologie, Chercheur au LASMAS-IDL, Université de Caen, Responsable Pédagogique du
DSTS.
Vous remerciant, je me tiens à votre disposition pour toutes informations complémentaires.
Je vous prie de recevoir Monsieur, Madame, l’expression de mes sentiments distingués.
Mr Louër
2
NOM : LOUËR
PRENOM : YANN
Date du jury : 14 janvier 2005
Formation : Diplôme Supérieur en Travail Social
Titre : « Les relations des parents avec les professionnels des Instituts Médico-Educatifs »
(caractéristiques et pistes d’analyse des facteurs sociaux qui contribuent à la structuration
du mode de relation des parents à l’égard des professionnels et de l’établissement
spécialisé)
Résumé :
L’association des parents d’enfants à l’action des professionnels est devenue
aujourd’hui une question centrale de l’action médico-éducative des établissements
spécialisés. Dans le secteur médico-social nous observons que la collaboration
parents/professionnels apparaît encore délicate dans sa mise en œuvre.
Dans cette recherche nous avons cherché à mieux comprendre comment les familles
construisent, en interactions avec le monde institutionnel et à partir de leurs
représentations, leur mode de collaboration avec l’établissement.
Pour cela nous avons raisonné à partir de l’idée que le mode de relation des familles à
l’égard des professionnels construit pour partie à travers l’histoire de ces parents, de leurs
représentations du monde, du handicap, de leur place de parents…, n’est pas figé. Cette
relation peut se modifier à travers les interactions, négociations, échanges quotidiens ou
occasionnels avec l’établissement.
Nous avons porté intérêt au cadre de référence des parents, (ce que Schütz appelle le
réservoir d’expériences disponibles). Le handicap de l’enfant oblige à une trajectoire de vie
différente, le rôle parental se trouve modifié, les difficultés de l’enfant génèrent la
construction de nouvelles représentations. L’ensemble de ces éléments participent à une
sédimentation des connaissances, qui par accumulation modifie le réservoir d’expériences
et de connaissances disponibles. Ce stock d’expériences et de connaissances peut faire
écho, ou être mobilisé en cas de besoins, par exemple lors des échanges avec les
professionnels.
Nous avons également porté attention aux interactions avec les professionnels et
l’établissement, et aux différents échanges entre ces deux partenaires. Nous avons mis en
évidence que les interactions des parents avec les professionnels et l’établissement
s’appuient pour partie sur leurs réservoirs d’expériences et de connaissances disponibles,
et que ces même interactions peuvent en retour modifier les représentations parentales.
Nous choisi d’interroger des parents dont leur enfant, atteint d’une déficience
intellectuelle, est actuellement pris en charge par un établissement spécialisé. Notre
approche s’est articulée autour des questions suivantes : Quels ont été les parcours de vie
avec leur enfant ?, Où est accueilli leur enfant ?, Quelles sont les caractéristiques des
relations des parents avec les professionnels des établissements ? Comment ces parents
vivent actuellement ces relations ? Quelles sont leurs attentes ?
Mots clés : Handicap mental, Interactions, Parents, Intervenants, Loi n°2002-2 du 2 janvier
2002, Equipe pluridisciplinaire, Etablissements annexes 24, Calvados.
NOMBRE DE PAGES : 153
VOLUME ANNEXE : 0
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