festivals - Scènes Magazine
Transcription
festivals - Scènes Magazine
scènes magazine festival amadeus : jean-christophe spinosi crédit photo © Didier Olivre ISSN 1016-9415 274 / juillet - août 2015 CHF. 12.-- 12 € s o m m a i r e 66 cinéma 8 9 10 12 cine die / raymond scholer neuchâtel : international film festival / frank dayen locarno festival / émilien gür les films du mois / serge lachat les cinémas du grütli / christian bernard 14 16 théâtre de carouge : saison 2015-2016 / frank fredenrich bonlieu, annecy : saison 2015-2016 / frank fredenrich la comédie : saison 2015-2016 / laurence tièche-chavier 18 19 20 20 21 21 22 22 23 24 26 27 28 29 palerme : un ballo in maschera / françois jestin munich : lulu / christophe imperiali new york : fin de saison / frank fredenrich marseille : falstaff / françois jestin nice : la juive / françois jestin saint-étienne : le marchand de venise / françois jestin avignon : le braci / françois jestin strasbourg : ariane & barbe-bleue / éric pousaz turin : i puritani / gabriele bucchi arènes d’avenches : le barbier de séville / gabriele bucchi entretien : bernard foccroulle / françois jestin arènes de vérone / françois jestin rossini opera festival pesaro / françois jestin festival de salzbourg / éric pousaz zurich : la verità in cimento / éric pousaz théâtre 13 13 opéra 18 18 spectacles 30 30 musique 31 31 32 festivals théâtre de l’orangerie : été 2015 / laurence tièche chavier les grands interprètes : saison 2015-2016 / martine duruz 32 33 34 35 36 36 38 40 la roque d’anthéron / maya schautz arles : rencontres photographiques / bertrand tappolet la bâtie festival de genève / jérôme zanetta rencontres musicales d’évian / viviane vuilleumier la chaise-dieu / christian wasselin festival berlioz / pierre-rené serna radio-france & montpellier / françois jestin montreux jazz festival / frank dayen 44 45 46 48 49 50 51 entretien : tobias richter / éric pousaz portrait : mikhail pletnev / yves allaz entretien : patrick peikert / régine kopp l’orchestre national de france / christian wasselin portrait : frank dupree / pierre jaquet entretien : edgar moreau / martine duruz concours geza anda / emmanuèle rüegger european philharmonic of switzerland / régine kopp septembre musical 41 42 274 / juillet - août 2015 52 53 54 orchestre français des jeunes / frank fredenrich portrait : jean-frédéric neuburger / pierre-rené serna portrait : ivo pogorelich / yves allaz festivals 57 57 72 73 bellerive : 20e édition / christian bernard tannay : variations musicales / kathereen abhervé entretien : françois-xavier poizat / christian bernard entretien : martin t:son engstroem / éric pousaz verbier : une valeur sûre / michel perret festival d’ernen / beata zakes cernier : les jardins musicaux / frank fredenrich cernier : philippe albera / martine duruz entretien : jeannette fischer / martine duruz genève : musiques en été / martine duruz portrait : stephan genz / françois lesueur portrait : andreas scholl / françois lesueur sion festival / yves allaz en suisse : rencontres musicales de champéry / festival de musique des haudères / piano à saint-ursanne / yves allaz festival amadeus : présentation / frank fredenrich entretien : jean-christophe spinosi / pierre-rené serna 75 76 76 77 77 78 78 79 79 80 81 fondation bodmer : michel butor / émilien gür fondation beyeler : marlene dumas / nadia el beblawi mémento beaux-arts : france musée de l’abbaye, st. claude : pierre lesieur mémento beaux-arts : ailleurs musée thyssen-bornemisza, madrid : zurbaran mémento beaux-arts : suisse romande genève : peintures italiennes et espagnoles mémento beaux-arts : suisse alémanique zurich : la photographie en couleurs avant 1915 musée de l’élysée : reGeneration / nadia el beblawi musée des beaux-arts, lausanne : kader attia / nadia el beblawi 84 84 85 88 89 89 90 90 90 jeu de paume : germaine krull, valérie jouve / chr. pictet théâtre de la ville : golem / stéphanie nègre théâtre des champs-élysées : still current / stéphanie nègre opéra : arthus couronné / pierre-rené serna chronique des concerts / david verdier mémento expositions maison européenne de la photographie : lartigue mémento théâtre comédie-française : la maison de bernarda alba / p.-r. serna théâtre des bouffes du nord : le bourgeois gentilhomme 58 59 60 62 63 64 66 67 68 69 69 70 71 expositions 74 74 paris 82 82 ailleurs 91 91 93 les mémentos chronique lyonnaise / frank langlois ABONNEZ-VOUS! Découvrez chaque mois dans nos pages : L’actualité culturelle d’ici et d’ailleurs Cinéma Concerts Livres Opéra Critiques Entretien Danse Théâtre Expositions Avant-Premières Mémento Scènes Magazine - Case postale 48 - 1211 Genève 4 Tél. (022) 346.96.43 / de France +41 22 346.96.43 www.scenesmagazine.com / e-mail : [email protected] Bulletin de commande à la page 55 SAISON 2015 —2016 Michel Bou jenah, Brigitte Rosset, Patrick Lapp, Joseph Kessel, Albert Camus, Jean Racine, Molière, Magie, Théâtre visuel, Musique classique… EDITO L’été des festivals en Suisse et ailleurs direction Frank Fredenrich comité de rédaction Christian Bernard, Serge Bimpage, Françoise-Hélène Brou, Laurent Darbellay, Frank Dayen, Martine Duruz, Frank Fredenrich, Jérôme Zanetta éditeur responsable Frank Fredenrich publicité bimpage-communication Viviane Vuilleumier secrétaire de rédaction Julie Bauer collaborateurs Kathereen Abhervé, Yves Allaz, Philippe Baltzer, Julie Bauer, Eléonore Beck, Nancy Bruchez, Gabriele Bucchi, Romeo Cini, Sarah Clar-Boson, Gilles Costaz, Martina Diaz, Catherine Graf, Emilien Gür, Bernard Halter, Christophe Imperiali, Pierre Jaquet, François Jestin, Régine Kopp, Serge Lachat, Frank Langlois, David Leroy, François Lesueur, Anouk Molendijk, Paola Mori, Lou Perret, Michel Perret, Eric Pousaz, Stéphanie Nègre, Christine Pictet, Christine Ramel, Serene Regard, Christophe Rime, Julien Roche, Emmanuèle Rüegger, Maya Schautz, Rosine Schautz, Raymond Scholer, Pierre-René Serna, Bertrand Tappolet, Laurence Tièche Chavier, David Verdier, Valérie Vuille, Christian Wasselin, Beata Zakes maquette : Viviane Vuilleumier imprimé sur les presses de PETRUZZI - Città di Castello, Italie Les Carrières de Rognes, un lieu de concert de La Roque d’Anthéron, crédit photo : Xavier Antoinet Le prochain numéro de Scènes Magazine paraîtra début septembre 2015 scènes magazine case postale 48 - 1211 Genève 4 Tél. (022) 346 96 43 de France 00-41-22 346 96 43 www.scenesmagazine.com e-mail : [email protected] c i n é le cinéma au jour le jour Cine Die Far East Film Festival 17 (suite) 6 Chine Brotherhood of Blades de Yang Lu se déroule au 17e siècle à la fin de la dynastie Ming et entrelace la vraie histoire de la chute de l’eunuque Wei Zhongxian avec des trames inventées de malgouvernance et de conspirations de palais. Le récit s’attache à trois membres de la police secrète (Jinyiwei), qui exécutent des assassinats sur ordre supérieur, et que lient des liens indéfectibles de loyauté. Or, chacun des trois cache un secret inavouable : le leader du groupe, Shen Lian, est amoureux d’une courtisane dont il aimerait racheter la liberté ; l’aîné, Lu Jianxing, est prêt à débourser des pots-de-vin pour obtenir de l’avancement ; le plus jeune, Jin Yuchuan est la victime d’un maître-chanteur qu’il a connu par le passé, lorsqu’il était simple brigand. Ces trois as en arts martiaux ont donc urgemment besoin d’argent. Parallèlement, le nouvel empereur, Tchongzhen, veut se débarrasser de l’eunuque Wei qu’il considère comme une menace pour le trône. Le chef de la police secrète, Zhao, confie l’exécution au trio. Mais le très riche Wei leur offre une fortune, s’ils lui lais- Cecilia Liu et Chen Chang dans «Brotherhood of Blades» m HongKong Gangster Pay Day de Po-Cheung Lee est une délicieuse romance entre Ghost, gangster débonnaire et vieillissant, auquel Anthony Wong prête sa tronche mélancolique, et la jeune Mei, qui essaie de maintenir à flot le snack-bar hérité de son père. Ghost est le patron d’un nightclub à karaoké convoité par son fourbe cousin Bill qui veut en faire une plaque tournante de la drogue. Ghost refuse et cherche à investir ailleurs. Il vient d’enterrer sa mère et s’arrête par hasard dans l’estaminet de Mei. Il découvre qu’elle est également en deuil et criblée de dettes. Les deux se consolent mutuellement et pour conquérir le cœur de la belle, le quinqua rachète ses dettes. Mais Mei lorgne plutôt du côté du bras droit de Ghost, Bill, un jeune Adonis aux mèches blondes. Le mélange astucieux de tendresse amoureuse, d’humour bon enfant et décalé, et de drame imprévu constitue une approche hybride bienvenue qui permet de garder les traditionnels éléments du polar hongkongais, tout en en renouvelant les formes. Les aficionados reconnaîtront ainsi avec plaisir, parmi les nervis de Ghost, Frankie Ng et Michael Chan qui ont campé des dizaines de mauvais garçons dans les années 80 et 90 : ici, ils s’efforcent de mijoter des omelettes et des petits pains. Alors qu’Anthony Wong doit se contenter de rêver à une femme jeune, Simon Yam, dans la même tranche d’âge, a le droit au 7e ciel avec une lycéenne dans Sara de Herman Yau. La petite, violée par son beaupère, s’est enfuie de la maison et vit d’expédients. Un beau jour, elle se déniche un papa gâteau en la personne de ce placide pêcheur du dimanche qu’elle observe depuis quelque temps. Quelques gâteries spontanées plus tard, le monsieur, qui s’avère être un ponte du Département de l’Instruction Publique, offre à Sara de lui payer ses études et aussi un petit appartement où elle pourra le recevoir. Mais quand, après avoir fini ses études de journalisme, elle entend faire valoir des droits plus importants sur son amant, cet honorable père de famille coupe les ponts. Sara, pour se consoler, se paie un voyage d’agrément à Bangkok. Afin d’enquêter sur les dessous de l’esclavage sexuel, elle loue les services d’une adolescente, rachètera celle-ci à son proxénète et la ramènera dans son village natal, reproduisant en quelque sorte la générosité que lui a prodiguée son bienfaiteur. Au-delà de son côté édifiant, le film aborde de façon assez frontale la question de la prostitution touristique, dont les sources de revenu principales sont les clients asiatiques, ainsi que celle de la liberté de la presse, notamment quand le journal où travaille Sara refuse de publier une enquête de peur de perdre des abonnements. sent la vie sauve. Zhao n’est pas net non plus, car il est le fils adoptif de Wei, qui lui demande carrément de liquider les trois policiers. L’ambiguïté morale qui caractérise l’univers du palais reflète celle de la société chinoise actuelle, où la persécution des adversaires politiques, l’intimidation, les mandats d’arrêt douteux et la corruption sont monnaie courante. Contrairement aux tenants du pouvoir, les trois flics sont totalement exempts de cynisme et mus par des sentiments humains. Leurs petits secrets ne font pas le poids face aux desseins sinistres de leurs supérieurs comploteurs. Lu n’est décidément pas un cinéaste optimiste. Mais son film est le plus bouleversant wu xia pian de ces dernières années. Les autres films chinois d’Udine ne lui arrivaient pas à la cheville. On peut cependant regarder sans déplaisir les deux road movies entre potes qui déclinaient l’amitié virile sur un mode mi-anarchique, mi-humoristique : Breakup Buddies de Hao Ning et The Continent de Han Han. a c t a Sakura Ando dans «0,5mm» u a l i t é c i n é m a Japon On retrouve les relations entre une jeune femme et des vieillards divers dans le film 0,5 mm de la cinéaste Momoko Ando, sœur de l’actrice principale, Sakura Ando. Une nurse, Sawa, s’occupe d’un vieil homme grabataire. Ses gestes précis et empreints de douceur quand elle lui change ses langes ou le lave, dénotent un professionnalisme qui résulte d’années d’expérience. A la demande de la fille du mourant, elle passe une nuit avec lui, avec l’assurance qu’il n’aurait ni l’envie, ni l’énergie de faire des choses inconvenables. Promesse évidemment vaine, puisque le désir taraude toujours et cela d’autant plus que la fin est proche. Mais l’exercice s’avérant excessif pour la constitution du monsieur, celui-ci rend son dernier souffle et l’infirmière du coup son tablier. Ce n’est que le début de ses tribulations, qui vont occuper le film trois heures durant, qu’on ne sent nullement passer. Pleine de ressources psychologiques, elle aborde des vieux qu’elle peut faire chanter (qui pour vol compulsif de bicyclettes, qui pour consultation de photos olé olé) et se fait engager comme gouvernante et protectrice. Elle est ainsi logée, nourrie et blanchie jusqu’à ce qu’un événement imprévu l’oblige à nouveau à quitter son employeur, à qui, à chaque fois, elle finit par s’attacher. A l’heure où des millions de jeunes Japonais sont au chômage total ou partiel plutôt qu’en train de construire une carrière, le film est d’une pertinence évidente. S’il perd de temps à autre le cap, il garde toujours son humour (noir). Selon le magazine Kinema Junpo, un des 10 meilleurs films de 2014. Hélas, en fin de journée, le guide n’a toujours pas réapparu et les 7 téméraires doivent se résigner à passer la nuit en plein air. La mauvaise humeur initiale disparaîtra à mesure que les nouveaux liens se tissent. Les personnalités des actrices (toutes non professionnelles) et leurs tics sont fascinants. La finesse extrême avec laquelle le cinéaste gère cette psychographie humaine cherche sa pareille. Make Room de Kei Morikawa (un réalisateur chevronné de vidéos « pour adultes ») se déroule en un lieu unique, la cabine de maquillage des cinq interprètes d’un film X, qui sortent ou entrent au gré du tournage, parlent de leurs soucis quotidiens, commentent de façon crue, devant la maquilleuse imperturbable, la scène qu’elles viennent de tourner ou s’inquiètent d’une imperfection dans leur jeu. La star du film manque à l’appel : son petit ami vient de découvrir sa profession. Au pied levé, deux actrices sont convoquées, une spécialiste qui reprend sa carrière après une absence sabbatique, et une jeune, toute peureuse, qui va faire ses débuts. Bien sûr, les autres lui prodiguent conseils et encouragement, et après son baptême du feu (on entend ses cris de la pièce voisine), elle devient accro. C’est que ces dames prennent un plaisir évident à exercer leur métier ! Et comme ce sont elles qui font vivre toute une industrie, elles sont respectées. 7 «Unsung Hero» «Ecotherapy Getaway Holiday» Ecotherapy Getaway Holiday de Shuichi Okita est un manifeste féministe des plus réjouissants et confirme son réalisateur (après The Woodsman and the Rain de 2011 et A Story of Yonosuke de 2013) comme une des voix les plus originales du cinéma japonais moderne. Que faire quand on est perdu en forêt, en train de tourner en rond tandis que la faim, la soif et le froid vous tenaillent ? C’est le dilemme auquel sont confrontées les sept héroïnes, qui ont toutes atteint ou dépassé la quarantaine. Tout ce qu’elles voulaient, c’était de faire une jolie promenade vers une de ces chutes d’eau romantiques dont les Japonais raffolent. Malheureusement leur guide inexpérimenté a vite perdu son chemin et recommandé à ses clientes de l’attendre à une bifurcation jusqu’à ce qu’il ait exploré les lieux. Elles attendent et le temps passe. Pas de réseau pour leurs portables. Elles décident de se scinder en deux groupes : trois restent sur place, les quatre autres prennent le chemin que le guide a emprunté. Une de ces exploratrices est cantatrice et sa voix porte : au cas où il s’agirait de signaler à celles qui restent en arrière. Une autre sème soigneusement des copeaux de céréales sur le sentier à l’instar du Petit Poucet. a c t u a l Unsung Hero de Masaharu Take est une ode hautement sympathique aux « suit actors », ces interprètes anonymes qui jouent dans des costumes qui les couvrent de la tête aux pieds, qu’il s’agisse de Godzilla ou d’autres créatures/super héros enveloppés de spandex. Parasyte Part 1 et Parasyte Part 2 de Takashi Yamazaki constituent l’adaptation live d’un manga best-seller de Hitoshi Iwaaki sur une sournoise invasion de parasites extraterrestres dans la tradition de Invasion of the Body Snatchers (Don Siegel, 1956). Le personnage principal portait des écouteurs au moment de son « occupation », de sorte que son parasite ne pouvait pas entrer dans la tête. Il s’est dans l’urgence logé dans sa main droite (qu’il parvient à transformer à sa guise, faisant notamment apparaître une bouche sur la paume et un œil sur l’index) et devient un interlocuteur parfaitement rationnel et protecteur de son hôte. Alternant séquences drolatiques et horrifiques, Yamazaki construit un suspense haletant, malgré une durée de presque 4 heures. Passez un bel été ! Raymond Scholer i t é c i n é m a neuchâtel international fantastic film festival, du 3 au 11 juillet Les dossiers secrets du NIFFF La crème des fans de science-fiction, de sueurs froides et de curiosités made in Asia accueille le lanceur d'alertes Chris Carter. Père des X-Files et de ses dérivés, mais aussi de la série Millenium, le réalisateur-scénariste californien parlera de ce qu'il sait faire le mieux : les séries télévisées. Au moment où les films des différentes compétitions seront projetés, les rues de la jadis tranquille Neuchâtel seront envahies par la musique des films d'exploitation (NIFFF Invasion) et les plaisirs coupables (Guilty Pleasures en open-air). 8 Qui ne se souvient pas de la couleur des yeux de l'agente Scully (Gillian Anderson) ou des yeux rieurs de Fox Mulder (David Duchovny) ? En ce temps-là (la Fox a diffusé les neuf saisons des X-Files de 1993 à 2002), les fans de la série n'en pouvaient plus d'attendre que les deux enquêteurs du paranormal consomment enfin leur liaison, histoire de les rassurer qu'aucun des deux ne soit un alien. Déclinée en films, en un jeu vidéo, puis en une autre série auto-parodique (The Lone Gunmen : Au cœur du complot), l'œuvre de Chris Carter interroge notre rapport à la normalité et notre suffisance humaine face aux grands défis de l'univers. A l'occasion de sa conférence Storyworlds sur les arcanes des séries TV, Carter sera rejoint par différents professionnels du même milieu, dont Allan Cubitt (créateur de la série The Fall). Même le romancier et scénariste anglais Michael Moorcock (Le Cycle d'Elric) est invité à Neuchâtel. Effets spéciaux Deux autres rencontres permettront de décortiquer les effets visuels : ceux du film The Avengers 2 : Age of Ultron (2015), en compagnie de techniciens européens qui ont participé à sa production, et ceux utilisés par les studios VFX dans la mise en image de catastrophes naturelles et de destruction de villes. Autre moment fort, le traditionnel symposium Imaging the Future permettra une incursion dans l'univers des jeux vidéo. D'abord, des neuroscientifiques décortiqueront les émotions impliquées dans les jeux vidéo et “la manière dont elles sont captées, analysées et réutilisées pour rendre l'immersion dans le jeu plus captivante“. Ensuite, seront expliqués les projets suisses de jeux vidéo sélectionnés pour le “Call For Projects : Swiss Games 14/15“ de Pro Helvetia. Enfin, le NIFFF organisera sa deuxième game jam (création de jeux vidéo en 45 heures max. sur une thématique qui sera annoncée au début du concours, soit le 3 juillet). Emotions cinéphiles Côté plaisirs cinématographiques simples, le NIFFF conserve bien sûr son principe architectural : trois compétitions officielles (internationale de longs-métrages fantastiques, nouveaux films asiatiques et courts-métrages suisses) et des programmes par genres (Films of the Third Kind, Ultra Movies, Histoire(s) du genre, courts-métrages fantastiques et asiatiques...). La nouveauté de cette année réside en la rétrospective “Guilty Pleasures“, soit une quarantaine de films sous-genrés, de la blaxploitation à l'ecovengeance, en passant par le giallo. Chris Carter a c t u a Parmi eux : l'exotique Blacula, le vampire noir (1972) de William Crain, le culte The Warriors (Les Guerriers de la nuit; 1979) de Walter Hill, Le Couvent de la bête sacrée (1974), torture porn (soft) anticlérical du Japonais Noribumi Suzuki, ou encore le rape and revenge suédois Thriller : A Cruel Picture de Bo Arne Vibenius, présenté pour la première fois au Festival de Cannes en 1973. Les films les plus grand public de cette programmation seront projetés, gratuitement, sur un écran open-air. Musiques, dessins et jeux Parce que le mélange des genres reste sa spécificité, le festival inaugure cette année l'événement multidisciplinaire NIFFF Invasion, qui donne la possibilité, à tous et gratuitement, de se familiariser avec l'univers filmique des 15 glorieuses (entendez les années 1970 à 1985). Le karaoké géant, avec orchestre, performances artistiques et Couleur3, rivalisera-t-il avec le parc de jeux vintage (de Pac Man à Space Invaders, en passant par quelques flippers) ? Les visiteurs de la Panic Room (huis clos dans lequel les participants cherchent à s'échapper grâce à des indices, matériels, sonores ou visuels) pourront-ils voir l'exposition de Drew Michael Moorcock Struzan, peintre et illustrateur à qui l'on doit les visuels des Star Wars et Indiana Jones, mais aussi E.T. et les Harry Potter ? La pléthore d'activités proposée cette année témoigne de l'énergie que Neuchâtel déploie pour sortir de ses frontières ; de même qu'elle illustre l'impact toujours croissant des mondes fantastiques sur un imaginaire collectif appauvri par la globalisation. Frank Dayen NIFFF à Neuchâtel, du 3 au 11 juillet; www.nifff.ch. l i t é c i n é m a locarno Festival du Film Du 5 au 15 août, Locarno vibrera au rythme de la soixante-huitième édition du Festival de cinéma que la ville accueille depuis 1946. Une rétrospective consacrée à Sam Peckinpah est au programme, tandis que Marco Bellochio, Bulle Ogier, Walter Munch et Edward Norton seront récompensés. Sam Peckinpah Bellochio, Bulle Ogier, Murch et les années 1960 que le Festival rend hommage en accordant à Bulle Ogier le Pardo alla Carriera. Après avoir récompensé Anna Karina et Jean-Pierre Léaud, le Festival poursuit ainsi la série d’hommages qu’il rend depuis deux ans aux interprètes de la Nouvelle Vague. Quelquesuns des films majeurs de l’actrice, qui s’illustra chez Rivette, Tanner, Buñuel, Fassbinder et de Oliveira, figurent dans la programmation du Festival. C’est en revanche vers le Nouvel Hollywood que le Festival de Locarno invite à se tourner en remettant le Vision Award-Nescens à Walter Munch, ingénieur du son et monteur que ses collaborations avec George Lucas et Francis Ford Coppola rendirent célèbre. Le public et les invités du Festival pourront le rencontrer et découvrir les secrets de son travail au cours d’une masterclass. Dans un registre plus contemporain, l’acteur américain Edward Norton, récemment nominé aux Oscars pour Birdman d’Iñarritu, recevra l’Excellence Award Moët & Chandon. En remettant ce prix à l’une des grandes figures du cinéma hollywoodien contemporain, le Festival renoue ainsi avec son autre ambition : révéler le cinéma tel qu’il se fait en 2015. Dans le sillage de Cannes, Venise et Berlin, Norton C’est aussi à travers les prix qu’il remet Locarno constitue l’un des rendez-vous incontournables des amateurs de cinéma. Visant que le Festival de Locarno rend hommage à celà faire découvrir au public les réalisateurs d’au- les et ceux qui ont contribué à façonner l’histoijourd’hui, le Festival rend également hommage re du cinéma. Cette année, le Festival distingueau passé de l’art qu’il célèbre. Ainsi, cette ra quatre personnalités : le cinéaste italien année, c’est au réalisateur et acteur américain Marco Bellochio, l’actrice française Bulle Sam Peckinpah que le Festival de Locarno Ogier, l’ingénieur du son Walter Munch ainsi consacre sa traditionnelle rétrospective. Connu que l’acteur américain Edward Norton. Le prepour son tempérament virulent et sa résistance mier, qui recevra le Pardo d’onore Swisscom, aux normes imposées par le système hollywoo- entretient un lien très fort avec Locarno : en dien, Peckinpah a su imposer sa « touche » à travers des titOpen Doors Le Festival de Locarno res tels que La Horde sauvage ne vise toutefois pas unique(1969), Patt Garett et Billy the ment à donner de la visibilité Kid (1973) ou Apportez-moi au cinéma d’aujourd’hui, la tête d’Alfredo Garcia mais également à favoriser (1974). Son œuvre, peuplée celui de demain. À cet égard, de personnages solitaires et le laboratoire de coproduction marginaux, dévoile une vision du Festival Open Doors joue crépusculaire d’un monde un rôle important. Ce proprofondément corrompu et gramme, consacré cette année marqué par la brutalité. La à quatre pays du Maghreb noirceur et la violence de ses (Algérie, Libye, Maroc et films, qui ont suscité de nomTunisie), permet aux réalisabreuses controverses, ont su «Major Dundee» de Sam Peckinpah (1965) © Courtesy of Sony/Park Circus teurs et producteurs de douze inspirer le maître de l’horreur projets sélectionnés de renJohn Carpenter ainsi que 1965, le Festival avait primé son premier film, contrer de potentiels partenaires de coproducQuentin Tarantino, qui revendique l’héritage de cet enfant terrible du cinéma. Carlo Chatrian, Les Poings dans les poches, œuvre contestatai- tion. Parmi ces derniers, on citera Aller simple directeur artistique du Festival, déclare à propos re et dérangeante qui remporta un vif succès. de Nadia Raïs (Tunisie), Dieu reconnaîtra les de la rétrospective : « Avec Sam Peckinpah, le Après ce premier passage éclatant, le cinéaste siens de Hassan Legzouli (Maroc), En attendant Festival rend hommage au cinéma classique et est revenu à plusieurs reprises à Locarno : en les hirondelles de Karim Moussaoui (Algérie) et au cinéma postmoderne, au cinéma de genre et 1976, son film La Marche triomphale figure en The Colonel’s Stray Dogs de Khalid Shamis au cinéma d’auteur, au cinéma qui se fait mal- compétition ; en 1997, Bellochio est président (Libye/Afrique du Sud). gré tout et au cinéma qui est plus fort que tou- du jury ; en 1998, le Festival lui consacre une Emilien Gür tes les ingérences. » La programmation permet- grande rétrospective. Cinquante ans après la tra de visionner l’ensemble des films du cinéas- première projection du premier film du cinéaste te, certains de ses travaux pour la télévision italien, Les Poings dans les poches sera projeté ainsi que quelques uns des longs métrages dans sur la Piazza Grande dans une version restaurée. C’est également à une personnalité révélée dans lesquels il figure à titre d’acteur. a c t u a l i t é 9 c i n é m a Les films du mois Vincent Lindon dans « La Loi du marché » © Xenix LA LOI DU MARCHE 10 un film de Stéphane Brizé, avec Vincent Lindon, Yves Ory, Karine de Mirbeck,… (FR, 2015) A l'heure où le cinéma français multiplie les comédies exposant des histoires de « beaufs » (On voulait tout casser) ou celles où tout sonne faux (Qui c'est les plus forts ?), où, malgré les cocoricos de Cannes (mais ici on n'a pas encore vu la Palme d'Or), il semble que la plupart des cinéastes ne savent décidément pas parler la langue du peuple (c'est insupportable dans le film de Charlotte de Turckheim! Audiard, lui, ruse : ses protagonistes parlent tamoul et très mal français), il faut savoir gré à Stéphane Brizé d'avoir réussi à faire « parler juste » dans La Loi du Marché. Plongé dans un monde où la parole est rare, difficile, Thierry (Vincent Lindon) est un taiseux à l'élocution hésitante qui « sonne vrai ». On se dit qu'enfin un cinéaste français réussit ce que les Belges (les Dardenne en tête) et les Anglais (Loach ou MacQueen) semblent atteindre à tous les coups : un ton juste. D'où aussi l'impression du spectateur d'être, avec La Loi du marché, devant un documentaire. Brizé trouve non seulement le ton juste, mais il montre clairement ou plutôt fait clairement entendre que la langue est instrument de pouvoir, qu'elle est maîtrisée par ceux qui veulent ou savent exercer ce pouvoir : l'exemple le plus frappant est celui où le DRH du supermarché où Thierry a trouvé un boulot de vigile vient convaincre le personnel que personne n'est a responsable du suicide de la caissière après qu'elle a été licenciée. Tout le monde a déjà lu et relu le « pitch » du film : Thierry est un chômeur en quête de travail que, dans un premier temps, le spectateur suit dans ses échecs successifs, malgré les stages effectués, les entretiens d'embauche multipliés (dont celui par Skype se révèle particulièrement caricatural), les cours suivis pour apprendre à “se vendre“ (mais qui servent surtout à humilier celui qui tente l’exercice), il reste sans travail et ses difficultés économiques le forcent à vendre son seul “bien“, sa caravane, pour pouvoir payer l'école de son fils handicapé (ce fils handicapé dont on pouvait craindre qu'il ne plombe le film tirant trop sur la corde sensible est finalement très sobrement utilisé par Brizé). Dans une deuxième partie, Thierry a trouvé, on ne sait comment, un travail de surveillant dans un supermarché; d'abord comme observateur des nombreuses caméras de surveillance, puis au contact des clients, enfin comme surveillant des caissières (licenciées à la moindre “faute“, l'entreprise s'étant donné pour but de dégraisser). Après avoir affronté quelques scènes pénibles où il s'agit d'extorquer les aveux des « voleurs », il quitte soudain son lieu de travail. Pour aller où, faire quoi ? Brizé laisse la fin de son film ouverte. Cette construction de La Loi du marché sur une succession de scènes (souvent filmées en plans-séquences) est à la fois une réussite (Brizé évite ainsi les ficelles d'un scénario à la dramaturgie éculée), mais malheureusement aussi une limite pour le film. En effet, après un début qui montre une révolte de Thierry contre les tac- c t u a tiques dilatoires de Pôle Emploi (qui propose, voire impose des stages aussi aberrants qu’inutiles) et qui dit son refus de continuer la lutte syndicale perdue à ses yeux, le film ne fait que juxtaposer les scènes qui décrivent la terrible situation des chômeurs de longue durée : la scène avec le responsable de Pôle Emploi, la scène avec l'employée de la banque, la scène avec les autres chômeurs du cours, la scène avec les acheteurs potentiels de la caravane et leur insupportable marchandage. Or toutes ces scènes ne font que dire et redire la lutte de tous contre tous. La seule scène « positive », celle du pot de départ d'une employée du magasin se conclut, après le discours de circonstance du directeur, par l'annonce de celui-ci qu'après le trop petit nombre de départs à la retraite anticipée, il va falloir « dégraisser » en traquant les « fautes » des employé(e)s. Le film, après remplacé la lutte des classes par la lutte de tous contre tous, s'arrête ainsi au catalogue des difficultés et des humiliations. Pas le moindre espoir, pas la moindre indication sur la manière d'engager une résistance… Le spectateur sort du film en se disant que, « oui, c'est terrible, mais on ne peut rien y faire, c'est la loi du marché ». Ce qui revient finalement à entériner le discours patronal! Serge Lachat VALLEY OF LOVE un film de Guillaume Nicloux, avec Isabelle Huppert, Gérard Depardieu, Dan Warner, (FR, 2015) L’actrice Isabelle arrive dans la « Vallée de la Mort » pour exaucer le vœu posthume de son fils Michael qui s’est suicidé quelques mois plus tôt. Elle y retrouve Gérard, acteur lui aussi, qui a répondu à contrecœur à ce vœu filial, ne croyant pas du tout à la promesse de ce fils mort de réapparaître devant ses parents réunis s’ils suivent scrupuleusement les étapes qu’il a prévues pour eux. Etonnant point de départ qui fait craindre toutes sortes de dérives « fantastico-magicoparanormales ». Dérives que Nicloux évite heureusement. Sous le soleil de plomb et dans le paysage de fin du monde de la Vallée de la Mort, il observe surtout comment un couple séparé depuis longtemps se retrouve, comment la requête du fils, la situation de deuil (r)avive de vieilles tensions, de vieux conflits, de vieux mécanismes d’agressions, mais aussi de vieilles complicités, voire de vieux gestes de tendresse. Le cinéaste filme avec une attention très fine tous ces mouvements de l’âme, si profondément inscrits dans les l i t é c i n é m a deux partenaires qu’on peut se demander si les étranges stigmates qui apparaissent aux chevilles d’Isabelle et plus tard aux poignets de Gérard ne sont pas l’effet de l’intensité de leurs émotions bien plus que des signes de l’au-delà. Pour rendre crédible un scénario aussi « abracadabrantesque », Nicloux a eu la chance de pouvoir compter sur deux acteurs au sommet de leur art, sachant rendre audibles dans des dialogues très forts leurs moindres émotions, leurs doutes, leurs douleurs, leur culpabilité, leurs espoirs. Mais sachant aussi les exprimer par leur corps, elle dans sa trop grande maigreur, sa sécheresse, sur sa peau parcheminée de rousse exposée à un soleil d’enfer, lui dans son énormité, dans son corps devenu monstrueux, dans ses essoufflements au moindre déplacement… Miracle de deux très grands acteurs complètement investis dans leurs personnages. Et pour Depardieu, on peut deviner ce que signifie pour sa personne ce rôle de père dévoré de mauvaise conscience devant le suicide qu’il n’a pas pressenti d’un fils qu’il n’a pas su rencontrer vraiment… A condition de ne pas rechigner devant un scénario difficile à « croire », on ne peut que sortir bouleversé d’une telle rencontre de deux acteurs qui ne s’étaient plus croisés depuis Les Valseuses de Blier en 1974 et le Loulou de Pialat en 1980 ! Serge Lachat «Un moment d'egarement» © Praesens films a c t u Isabelle Huppert et Gérard Depardieu dans «The Valley of Love » © Frenetic Films UN MOMENT D’EGAREMENT un film de Jean-François Richet, avec Vincent Cassel, François Cluzet, Alice Isaaz, Lola Le Gann… (FR, 2015) Deux amis de longue date, Antoine et Laurent passent leurs vacances en Corse, dans la maison familiale d’Antoine, avec leurs filles, Marie (18 ans) et Louna (17 ans). Déboussolés par le comportement des deux adolescentes, les deux pères ont de la peine à coordonner leurs exigences éducatives, d’autant plus qu’Antoine, très perturbé par ces premières vacances séparé de sa femme (partie à Ibiza) est totalement à cran. Un soir, Louna réussit à séduire Laurent qui a trop bu. La jeune fille est sincèrement amoureuse, mais lui plaide « un moment d’égarement ». Le secret ne pourra bien sûr pas être gardé, Marie qui a tout compris se sent trahie, Antoine à qui sa fille a avoué être tombée amoureuse d’un « vieux » ne comprend pas tout de suite qu’il s’agit de son ami, part en ville pour tuer le « pervers »… Un Moment d’égarement est le remake du film éponyme de 1977 de Claude Berri, une comédie gentillette qui surfait sur la vague de la libération sexuelle, la mode des seins nus et qui se déroulait à Saint-Tropez. Le principal mérite de cette première version étant de faire découvrir Agnès Soral ! Sans être géniale, cette comédie avait attiré l’attention à Hollywood où Stanley Donen en avait réalisé un premier remake en 1984 sous le titre de Blame it on Rio/C’est la faute à Rio avec Michael Caine et Demi Moore qui ne porta pas chance au réalisateur dont ce fut le dernier film ! a l i t On peut se demander ce qui a pu pousser un producteur et un réalisateur à remettre la compresse aujourd’hui. Pour le producteur, on parlera d’un clin d’œil du fils, Thomas Langmann, à son père, Claude Berri. Pour le cinéaste JeanFrançois Richet, se lancer dans ce remake, c’était la possibilité de collaborer une fois encore avec Langmann, ainsi que celle de changer de genre. Il est en effet surtout connu pour ses films sur les cités (Ma 6-T va craquer) et sur le monde du gangstérisme (Mesrine). Peut-être est-ce d’ailleurs pour cela qu’il s’est associé à Liza Asuelos pour « actualiser » le scénario de Berri. Car finalement à quoi servent les remakes sinon à confronter une même histoire à différents moments de l’Histoire ? A condition que le travail soit bien fait ! Ici, on a plutôt l’impression que Liza Asuelos s‘est chargée du parler « djeun » alors que Richet s’efforçait de retrouver « des codes d’honneur » dignes des pires polars en faisant d’Antoine un Corse selon les pires clichés ! Avec pour effet que l’on ne croit pas une seconde au langage utilisé par les filles (on est dans la caricature avec du verlan et des « putain » toutes les phrases !!!), pas plus qu’aux « pétages de plomb » d’Antoine (Cluzet en constant surrégime) ou à la lâcheté d’un Cassel aux atermoiements de fillette à peine compensés par quelques gestes virils dans les sports extrêmes… Et en plus, la Corse sert tout juste de carte postale en toile de fond, avec une minable chasse aux sangliers et des personnages qui savent tout, mais savent surtout se taire comme de bons mafieux… Le film de Richet, décidément, aligne les stéréotypes à tous les niveaux ! Serge Lachat é 11 c i n é m a la modernité pointe avec les premières automobiles. Film automnal (superbe photo de Lucien Ballard) il s’achève sur la mort du héros filmée comme un retour à la terre. Même amour de la terre, même obsession de la fin d’un monde, dans l’élégiaque Un nommé Cable Hogue (The Ballad of Cable Hogue) (1970) où là aussi, ce dur à cuire de Cable Hogue, grand amoureux buveur et analphabet (Jason Robards, un fidèle Double hommage cet été au Grütli: après Ingrid Berman du 8 au 28 juillet, de Peckinpah) accepte par amour de quitter son ce sera le tour de Sam Peckinpah du 19 août au 1er septembre, dans la relais de diligence pour la ville, mais succombe foulée de la rétrospective programmée au Festival de Locarno. au départ sous les roues de la première automobile, dont l’apparition à l’horizon l’a rendu d’un coup, avec tout ce qu’il représente, complèteConsolation pour tous ceux qui n’auront pu critiques se sont déclarés choqués par l’absence ment anachronique. se rendre à Locarno, la rétrospective Peckinpah de condamnation des comportements montrés, Tourné l’année suivante en Angleterre, le présentée par le Festival est immédiatement alors que d’autres admiraient la tranquillité d’un très controversé Les Chiens de paille (Straw reprise au Grütli à Genève, soit 13 des 14 films regard affranchi de tout présupposé, porté sur le Dogs) (1971) est peut-être le film le plus trouréalisés par le cinéaste (seul manque son premier libre déploiement des instincts, y compris les blant et le plus représentatif de son cinéma. C’est film New Mexico (The Deadly Companions). plus destructeurs. La force du cinéma de l’histoire de David (Dustin Hoffman), jeune Cabochard flamboyant connu pour user produc- Peckinpah résiderait alors dans son amoralisme mathématicien américain pacifiste qui a quitté les teurs et collaborateurs et abuser, entre autres, de pessimiste qui dit oui à la totalité de l’homme, USA pour fuir la violence (ou échapper au l’alcool et de la cocaïne, Peckinpah est mort pré- part maudite incluse, comme il dit oui à la vie, Vietnam?) et faire sa thèse au calme dans la cammaturément en 1984 à 59 ans. A son pagne anglaise dont sa femme Amy enterrement l’acteur Robert Culp (Susan George) est originaire. Trop déclara que le plus surprenant n’était “étranger” (intello, citadin, pas qu’il n’ait fait que 14 films, Américain) pour les gens du coin, il mais, qu’au vu de la façon dont il s’y subit non sans de menues lâchetés prenait, il ait réussi à en faire leurs provocations qui vont crescenautant… do. Le climax sera atteint lorsqu’ils Les films de Peckinpah sont feront le siège de la maison de David souvent ramenés aux séquences très où l’idiot du village soupçonné d’êtviolentes de carnages sanglants qui re un assassin pédophile s’est réfuen constituent l’acmé. On n’en gié. Pour défendre sa maison, plus retient du reste souvent que l’aspect encore que pour éviter une “justice formel le plus visible, en particulier populaire” digne du Fury de Fritz les procédés par lesquels les affronLang, David les tuera tous avec l’aitements deviennent des sortes de de d’Amy. La fable est évidemment chorégraphies, tels les ralentis et autambigüe, d’où la controverse, mais res divisions de l’écran permettant les conditions menant à l’explosion Jasons Robards et Stella Stevens dans «La Ballade de Cable Hogue» de voir simultanément la mort de de violence sont clairement explicideux ou de plusieurs personnages. Ces maniéris- érotisme inclus. Un érotisme qui répondrait à la tées dans une progression parfaitement contrôlée. mes, nouveaux à l’époque, déservent avec le fameuse définition qu’en donnait Georges Une scène a beaucoup contribué aux accusations recul ces scènes dont ils affaiblissent paradoxale- Bataille: “l’approbation de la vie jusque dans la de machisme à l’encontre de Peckinpah: Amy, ment le réalisme, et il est heureux qu’il n’en ait mort”. Il serait pourtant réducteur de s’en tenir à volontiers aguichante, suscite la convoitise de pas fait un usage exagéré. Car c’est bien le réalis- la seule violence de ses films. Son deuxième son ancien petit ami du temps où elle vivait dans me qui motive un Peckinpah répondant d’ailleurs film, le très beau Coups de feu dans la Sierra le village. Lorsqu’elle repousse ses avances, il la aux critiques jugeant ses films trop violents: (Ride the High Country) (1962) qui le fit instan- viole, non sans qu’elle finisse par y prendre du “tuer un homme n’est pas une chose propre, faci- tanément connaître en Europe, est un western plaisir, d’où le scandale. A quoi Peckinpah réplile et simple. C’est sanguinaire et horrible. Et mettant en scène deux vieux cow-boys interpré- quait en faisant remarquer qu’il s’agit d’un viol peut-être que si davantage de gens en venaient à tés par Joel McCrea et Randolph Scott (dont ce collectif et que si elle prend du plaisir avec son réaliser que tirer sur quelqu’un n’est pas que de sera la dernière apparition à l’écran), deux vété- ex, ce n’est plus du tout le cas avec le suivant. l’amusement, on avancerait peut-être un peu.” rans du genre. Film sur le vieillissement, l’amitié Amis de la poésie, bonsoir… Christian Bernard Ceci dit, le sens de cette violence a donné lieu à et le respect de soi-même, où le héros doit chausdes interprétations contradictoires, faisant de ser des lunettes pour lire son contrat, c’est un Peckinpah un cinéaste controversé. Beaucoup de adieu au genre et à ses mythes dans un Ouest où cinémas du grütli Rétrospective Sam Peckinpah 12 a c t u a l i t é t h é â t r e théâtre de carouge Saison 2015-2016 Présentée par un Jean Liermier plus que jamais virevoltant sur la scène carougeoise devant un public de fidèles abonnés(es), le menu 2015-2016 s'annonce placé sous le signe du plaisir du jeu. On retrouvera ainsi en ouverture de saison le Teatr Semianyki après un premier passage lors de la saison 2012-2013. Issu du Teatr Licedei qui avait fait connaître un style de théâtre ludique à la Comédie et également à Forum Meyrin. Après avoir permis de faire connaissance avec une famille particulièrement déjantée, les Semianyki préparent un voyage express empruntant à des genres divers, que ce soit au cinéma muet ou au cabaret (du 15 au 20 septembre, Salle François Simon). d'une création de 2001 au Théâtre Vidy-Lausanne, cette adaptation de la Nuit des rois sera jouée par cinq comédiens dans une ambiance échevelée de music-hall et un cadre contemporain (du 27 octobre au 15 novembre, Salle François Simon). Entre deux productions probablement ébouriffantes, le Théâtre de Carouge proposera une pause poétique «Dämonen» avec Cathlen Gawlich, Lars Edinger. Photo Arno Declair avec Toute-puissance de la poésie d'après la correspondance de ludique puisque c'est James Thierrée qui sera à Gustave Roud, Maurice l'affiche avec Ficelle (titre provisoire), spectaChappaz et Philippe Jaccottet cle certainement inclassable comme il se doit, sur une idée de Guillaume de la part d'un des créateurs les plus originaux Chenevière servie par quatre de la scène actuelle (du 5 avril au 8 mai, Salle interprètes (du 10 au 15 novem- François Simon). bre, Salle Gérard Carrat). En « avant-saison », la Salle François Le mois de décembre Simon accueillera deux spectacles de la Bâtie, risque d'être placé sous le signe This is how you will disappear de Gisèle du rire avec La Puce à l'oreille Vienne (les 28 et 29 août) et ensuite un des de Feydeau dans une mise en « musts » de la prochaine saison théâtrale, scène de Julien George dont on Dämonen (Démons) de Lars Noren dans une «Semianyki Express» © Giovanni Cittadini Cesi peut parier qu'elle connaîtra à production de la Schaubühne de Berlin et une Marivaux sera ensuite à l'honneur pour une nouveau un franc succès puisqu'il s'agit d'une mise en scène de Thomas Ostermeier de retour coproduction avec le Centre Dramatique reprise d'une version donnée en 2012 et 2014 au sur les rives du Léman. Assurément un événeFribourgeois-Théâtre des Osses, avec une ver- Théâtre du Loup (du 1er au 23 décembre, Salle ment « festivalier » qui sera très couru, et ce, sion des Acteurs de bonne foi dont la réalisa- François Simon). non seulement par les germanophones (les 5 et tion sera signée comme il se doit par les responPlace au maître de maison ensuite avec La 6 septembre). sables de l'institution fribourgeoise, à savoir Vie que je t'ai donnée de Luigi Pirandello. Jean En fin de saison, autre événement, la troiGeneviève Pasquier et Nicolas Rossier. Théâtre Liermier s'attaquera ainsi à une œuvre troublan- sième Rencontre du Théâtre Suisse se déroudans le théâtre au menu de cette œuvre qui n'est te du grand écrivain transalpin qu'il proposera lera dans le Canton de Genève et le Théâtre de pas la plus familière parmi tous les marivauda- dans une scénographie d'Yves Bernard avec Carouge fera partie avec la Comédie, le Poche ges et dans laquelle un prince et un valet seront Clotilde Mollet dans le rôle principal (du 26 et le Théâtre Forum Meyrin des institutions les jouets de faux-semblants, puisqu'ils vont janvier au 14 février, Salle François Simon). permettant de voir ou de revoir des productions feindre de feindre afin de mieux dissimuler (du Rendez-vous ensuite avec Yvette remarquées en Suisse durant la saison (du 26 au 22 septembre au 1er novembre, Salle Gérard Théraulaz et son accompagnateur Lee 29 mai). Frank Fredenrich Carrat). Maddeford au piano pour Les Années (du 23 Shake est un produit de la Compagnie Eat février au 23 mars et du 5 au 17 avril, Salle Rens. Et loc. 022 343 43 43 a crocodile fondée et dirigée depuis Thonon et Gérard Carrat). la Maison des Arts par Dan Jemmett. Reprise La fin de saison sera sans doute également www.tcag.ch a c t u a l i t é 13 t h é â t r e bonlieu : début de saison Un festival permanent Lors du « mercato » culturel qui avait eu pour cause les changements de responsables tant au Théâtre de l'Odéon, au Festival d'Avignon qu'à Vidy, le nom de Salvador Garcia avait été prononcé au sujet du festival de la Cité des Papes. On connaît la fin de l'histoire, l'arrivée à l'Odéon de Luc Bondy eu pour conséquence le « transfert » d'Olivier Py à la direction du Festival d'Avignon et Vincent Baudriller est désormais installé sur les bords du Léman. Tant pis pour les festivaliers et tant mieux pour les habitants de la région, y compris pour les Genevois, lesquels pourraient bien être appâtés par les nombreuses têtes d'affiches au programme. 14 Ce rappel n'est pas sans importance si l'on considère que la programmation proposée à Bonlieu ressemble le plus souvent à une sélection digne d'un festival. C'était déjà le cas avant la refonte du bâtiment, mais désormais avec trois salles à disposition, le choix de propositions – théâtre, musique, danse – laisse, selon la formule consacrée, l'embarras du choix, même si l'abondance de bien n'a jamais nui aux amateurs de culture. Et à en juger par le nombreux public venu assister à la présentation de la saison par le maître des lieux, on peut penser que Jean-Quentin Chatelain © Mario Del Curto a Quentin Châtelain, dont on sait qu'il excelle à mettre en valeur un texte lorsqu'il est seul en scène (du mardi 6 au jeudi 15 octobre) Place ensuite à un chef-d'œuvre de Pirandello, Les Géants de la montagne. L'ultime pièce de l'auteur transalpin sera donnée dans une mise en scène de Stéphane Braunschweig, responsable en tant que directeur de l'excellente programmation du Théâtre de la Colline à Paris. Une occasion pour certains amateurs de se confronter au souvenir des propositions de Giorgio Strehler et Georges Lavaudant (du mercredi 4 au vendredi 6 novembre). Deux propositions scéniques de Dominique Pitoiset, L'Homme qui prenait sa femme pour un chapeau, sous une forme ce même public saura répondre aux nombreuses affiches de la saison 2015-16. Sélection : On aura une bonne idée de la qualité des propositions théâtrales en annonçant que la saison sera inaugurée par le passage du Québecois Robert Lepage, acteur, metteur en scène et réalisateur qualifié à juste titre de « géant de la scène mondiale » puisque ses spectacles peuvent être vus aussi bien au Royal Theatre de Londres qu'au Japon ou en Russie, alors qu'il est également invité à mettre en scène des opéras à Aix-enProvence ou au «L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau» Metropolitan de New York. 887 s'annonce comme un spectacle mettant en lyrique avec une composition de Michel Nyman oeuvre une technologie hors du (du mardi 3 au samedi 7 novembre) et Le sommun pour s'interroger su sujet Syndrome d'Alice (du mardi 24 décembre au « de la multitude d'informations à mardi 1er décembre) permettront une réflexion laquelle nous sommes confrontés sur des « situations tout à fait stupéfiantes ». durant notre vie » (du samedi 3 au The Last supper (en arabe surtitré) s'anmercredi 7 octobre). nonce comme une « comédie drôle et cinglante Création d'un auteur autrichien mettant en scène l'élite égyptienne après la à découvrir ensuite, Peter Turrini révolution ». Dix acteurs jouent une famille qui a écrit C'est la vie pour le met- égyptienne réunie autour d'une table : au menu teur en scène Claude Brozzoni, « nihilisme, absurdité, apathie et un impossible avec comme seul interprète Jean- échange ». De quoi susciter quelques débats c t u a l i t é t h é â t r e mis en scène par Cyril Teste (mercredi 16 et jeudi 17 décembre). Côté danse, la programmation est tout aussi ambitieuse et variée, avec l'Australian Dance Theater et le chorégraphe Garry Stewart présentant Multiverse (vendredi 9 et samedi 10 octobre). Star du flamenco ensuite avec Bosque Ardora, une chorégraphie de Rocio Molina (du jeudi 12 au samedi 14 novembre). Abou Lagraa présentera ensuite Le Cantique des cantiques, une chorégraphie pour six danseurs et deux acteurs réalisée en collaboration avec le metteur en scène Mikaël Serre (mardi 24 et mercredi 25 novembre). Mais la danse, ce sera également un grand format c'est-à-dire un véritable portrait d'artistes «Multiverse» par l’Australian Dance Theater autour de la thématique des révolutions du monde arabe... et des rêves avortés et des illusions perdues ? (mercredi 24 et jeudi 25 novembre) Quelques jours plus tard, une autre problématique pas très éloignée géographiquement transportera les spectateurs à Tel Aviv pour une adaptation de L'Attentat de Yasmina Khadra avec une thématique autour des motivations d'une kamikaze (mardi 1er et mercredi 2 décembre). Falk Richter est un des auteurs de théâtre essentiels à l'heure actuelle, dans la mesure où il s'intéresse à la mécanique de l'entreprise et interroge le rapport au travail, actualisant ainsi un propos qui a beaucoup interpellé un auteur bien connu dans la région, Michel Vinaver. Nobody sera interprété par le Collectif MXM 15 «Nobody», demandé photos le 16 au matin dont on peut d'ores et déjà penser qu'il attirera les foules, puisqu'il est consacré à Philippe Decouflé. L'occasion donc de voir ou revoir : - samedi 5 décembre : en compagnie de DCA/Philippe Decouflé - du mercredi 9 au samedi 12 décembre : Contact, chorégraphie Philippe Decouflé - du vendredi 11 au samedi 12 décembre : Solo de et par Philippe Decouflé - lundi 7 et mardi 8 décembre : Marcel Duchamp mis à nu par sa célibataire, même (par Philippe Decouflé - du samedi 5 au dimanche 13 décembre : Opticon exposition, installation interactive Frank Fredenrich Loc. 00334 50 33 44 11 www.bonlieu-annecy.com «D’eux sens» tiré du «Cantique des cantiques» chorégraphié par Abou Lagraa © Eric Boudet a c t u a l i t é t h é â t r e la comédie de genève Saison 2015-2016 C’est un directeur de théâtre en verve et souriant qui a présenté la future saison de l’institution plus que centenaire à la tête de laquelle il est pour la cinquième année. Seul sur scène, Hervé Loichemol jubilait d’annoncer une saison magnifique. Au même moment, heureux hasard, le Conseil municipal votait le crédit de la Nouvelle Comédie. Qu’on se rassure, la vieille dame des Philosophes devrait cependant continuer à fonctionner comme lieu culturel, peut-être dévolu à la danse. 16 Treize spectacles forment un corpus extrêmement riche qui se réfléchit dans les beaux visuels autour du thème de l’œil et du regard ouvert sur le monde. Après l’ouverture de saison dans le cadre de La Bâtie-Festival qui accueillera pour deux soirées chacune la grande Angélica Liddell dans son dernier opus Primera carta de San Pablo a los Corintios et Gisèle Vienne avec The Ventriloquists Convention, Hervé Loichemol fera démarrer sa propre saison en fanfare avec Fanny Ardant qu’il mettra en scène dans Cassandre, d’après Christa Wolf, après avoir présenté le spectacle en primeur au festival d’Avignon 2015. Le Belge Philippe Sireuil occupera une place de choix en mettant en scène deux spectacles : Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline en automne, puis Des Mondes meilleurs, une commande faite à Paul Pourveur dont il avait mis en scène un autre texte en 2008. Nous l’avions vue à l’œuvre dans la mise en scène de Lignes de faille de Nancy Huston en 2012, la Française Catherine Marnas revient avec un Lorenzaccio de Musset nerveux et carnavalesque. Le Père blanc revenu du Congo avait fait à La Comédie il y a deux ans une bien trop courte halte pour tout ce qu’il avait à dire. Le voici de retour et la salle sera à nouveau suspendue aux lèvres de l’acteur flamand Bruno Vanden Broecke et à son récit drôle, tragique, hypnotique dans Mission de David Van Reybrouck. Place à la musique et aux textes de la grande Barbara avec Yvette Théraulaz dont la a conversation avec son modèle – Ma Barbara sera mise en scène par Philippe Morand. Le danseur Foofwa d’Imobilité ponctuait de ses entrechats moqueurs la présentation du directeur en ce soir de mai. Il reviendra avec de jeunes danseurs dans une création iconoclaste, Redonner corps… aux oubliés de la danse. Le directeur du festival d’Avignon Olivier Py sera également présent sur la scène de La Comédie par la reprise de son Épitre aux jeunes acteurs créé au Châtelard en 2002, mais dans une mise en scène nouvelle d’Hervé Loichemol qui n’enlèvera rien à la vigueur subversive du texte. t u De sa rencontre avec les responsables de Solidarité Femmes, l’auteure Valérie Poirier a tiré ce Conte cruel qui narre la pernicieuse mainmise d’un homme sur sa femme et la difficulté de s’affranchir de la passion des débuts pour y résister. Martine Paschoud mettra en scène cette douloureuse descente aux enfers d’une banalité délétère. Fort du succès rencontré deux saisons consécutives par son adaptation de Dario Fo, Joan Mompart s’attaque cette fois au chef d’œuvre de Brecht, L’Opéra de quat’sous. Faisant fi des notions de bien ou de mal, cet opéra social voit s’affronter charité et criminalité et trouve un évident écho dans la société contemporaine qui produit de plus en plus de laissés-pour-compte. Avant d’accueillir en mai Commedia, Festival de Théâtre universitaire de Genève pour sa deuxième édition et la troisième édition de Rencontre du théâtre suisse qui permet de découvrir les plus belles créations suisses de l’année, La Comédie présentera Le Violon de Rotschild de Tchekhov, monologue porté par Ahmed Belbachir et mis en scène par Hinde Kaddour. Signalons enfin les échanges fructueux avec Le Poche et son tout nouveau directeur Matthieu Bertholet – grâce à un abonnement Passe-Textes - et avec Le Théâtre Vidy par le biais d’un tarif réduit permettant d’aller voir Fassbinder mis en scène par Stanislas Nordey. Fanny Ardant © Carole Bellaiche c Emma Dante avait marqué les esprits il y a un an à Avignon avec Le Sorelle Macaluso, l’histoire de sept sœurs qui dansent, miment, racontent. L’occasion de découvrir la forte personnalité de cette auteure et metteure en scène italienne. Proust sur scène ? D’autres s’y sont cassé les dents au cinéma… Gageons que le Polonais Krzystof Warlikowski, qui revient en Suisse après plusieurs années d’absence, saura rendre la complexité et la subtilité du grand œuvre de l’écrivain et que Les Français rendront justice À la recherche du temps perdu. a Laurence Tièche-Chavier La Comédie de Genève, www.comedie.ch l i t é Du 26 au 31 janvier 2016 : «Le Sorelle Macaluso» d’Emma Dante © Carmine Maringola Yvette Théraulaz © Marc Vanappelghem Foofwa d’Imobilité © Gregory Batardon o p é r a à palerme bayerische staatsoper de munich Le majestueux Teatro Massimo de Palerme proposait deux distributions en alternance, solides à défaut de brillance. Un spectacle presque classique, mené et interprété admirablement. Un ballo in maschera Lulu 18 Et c'est curieusement le second cast qui l'emporte sur le premier, ceci Contrairement à ce qu'on aurait pu attendre de la part de Dmitri pour chacun des cinq rôles principaux. En Riccardo, le ténor Roberto Tcherniakov, cette Lulu tient plus de la lecture attentive que de la relecture. Le Aronica développe certes un métal plus ample sur certains aigus que chez metteur en scène russe ne cherche pas ici, comme il le fait souvent, à détourGiuseppe Gipali, mais ce dernier est plus constant et assuré en intonation ner la pièce pour nous la faire voir autrement ; il la déplie simplement, avec que son confrère. Deux très beaux timbres de baryton assurent le rôle de une direction d'acteurs très serrée et dans une scénographie efficace à défaut Renato, avec un volume et un impact bien plus conséquents chez Devid d'être esthétiquement frappante. Le décor unique est constitué d'une simple Cecconi que pour Giovanni Meoni. Chez les femmes, Oksana Dyka possè- architecture de murs et de portes transparents : façon de dire à la fois le dédade bien le format du soprano dramatique réclamé pour Amelia, mais ce le et l'empiétement des espaces, l'emprise de l'extérieur sur l'intérieur, du dégagement de décibels sans nuances ne véhicule aucune émotion. On lui public sur le privé. Dans ce décor, rien ne peut être vraiment caché, tout est préfère Virginia Tola aux moyens sûrement plus réduits, mais engagée et toujours vu – et vu notamment d'une foule de figurants : des couples bourgeois crédible. En Oscar, il est difficile de départager les deux voix piquantes et qui accompagnent la ligne de destinée de Lulu, entre Eros et Thanatos, jusqu'à aériennes de Anna Maria Sara et Zuzana Markova, avec peut-être une pré- la perte finale de leur plumage social… férence pour la fraîcheur de la première, tandis Ce dispositif scénique engage par que dans la catégorie contralto Judit Kutasi et moments une sorte de clivage entre un jeu Tichina Vaugh se montrent toutes deux profond'acteurs très réaliste et l'inévitable des et en situation, avec quelques sons plus artiabstraction qu'impose parfois le décor. ficiels et moins précis chez cette dernière. En C'est le cas en particulier au début du derrésumé ces réserves mises à part, le Massimo nier acte : au lieu de représenter un salon propose tout de même dix voix de qualité, bien où les discussions s'entrecroisent, timbrées et musicales, ce qui n'est pas exacteTcherniakov place Lulu seule au centre, ment le cas des rôles secondaires, Silvano, Tom tous les autres interlocuteurs étant disperet Samuel insuffisants. sés dans une foule compacte qui l'entoure La direction musicale de Paolo Arrivabeni et la regarde se déliter peu à peu. L'idée est sérieuse et le chef fait entendre certaines d'une Lulu comme bête de foire, évoquée petites phrases aux bois souvent noyées dans le dans le prologue, prend alors tout son sens, flot puissant des cordes. Les percussions se d'autant que l'incarnation de Marlis montrent particulièrement généreuses, les corPetersen est ici particulièrement saisissandes sont sereines, un très bel orchestre, tout te : elle est vraiment une bête traquée et comme le chœur bien fourni en quantité et en son malaise physique contamine toute la salle. qualité. La production de Massimo Gasparon est Très engagée scéniquement, la soprade facture classique, on admire surtout les no convainc aussi vocalement ; elle pardécors et costumes de Pier Luigi Samaritani. La vient à conserver une beauté de timbre première scène de l'acte I ainsi que celle du III jusque dans les moments paroxystiques et ressemblent à des tableaux flamands : rais de recourt au « cri » avec une louable parcilumière éclairant un décor noir, hommes en monie. A ses côtés, Bo Skovhus confirme, costumes noirs et chapeaux, un peu de dentelle «Lulu» avec Marlies Petersen © Bayerisches Staatsorchester dans le rôle du Dr. Schön, son incomparablanche. Le tableau chez Ulrica n'évite pas le kitsch habituel, tandis que le II et son gibet passent mieux, autant dans le ble présence scénique. Parmi les autres interprètes, on relèvera la Comtesse visuel que pour le jeu des acteurs. La scène finale est bien dans l'imagerie Geschwitz de Daniela Sindram, parfois plus en retrait, mais magnifique dans traditionnelle du Ballo, des costumes colorés, quelques pas de danse, une la dernière scène – et l'Athlète vocalement musclé de Martin Winkler. Mais perspective de salle de bal suggérée par des toiles successives, une vision tous méritent des éloges dans cette excellente distribution. Toutefois, le dernier éloge doit revenir à Kirill Petrenko, qui sculpte l'opulente pâte sonore du sobre et élégante. François Jestin Bayerisches Staatsorchester avec un rare talent. Déployant une palette de couleurs et un ambitus de nuances particulièrement impressionnants, tour à tour Verdi : UN BALLO IN MASCHERA – les 26 et 27 mai 2015 au Teatro Massimo de tendre, lyrique ou explosif, il livre une prestation éblouissante. Palerme Christophe Imperiali a c t u a l i t é o p é r a metropolitan opera, new york Fin de saison Il est fort probable que James Levine n'a jamais entendu parler des Coulisses de l'exploit, émission phare de la RTF, puis de l'ORTF (en France les sigles et acronymes changent au même rythme que les intitulés de partis politiques...) qui avait pour but de mettre en valeur des «hommes et femmes accomplissant des prouesses exceptionnelles». Pourtant, à ce compte-là, James Levine mériterait bien de figurer de figurer en bonne place. Que penser en effet d'un chef diminué physiquement suite à une maladie dont l'issue paraissait incertaine – surtout auprès de quelques maestros impatients de prendre sa place – et qui n'a pas craint de diriger deux œuvres le même jour lors de la dernière journée de la saison du Met... En matinée, il officiait lors d'une plaisante version du Rake's progress, avant de se remettre à l'ouvrage pour un stimulant Bal masqué. Rake’s progress Plutôt que de proposer une allusion au XVIIIe siècle de Hogarth, inspirateur des librettistes W.H.Auden et Chester Kallman, Jonathan Miller (dans cette reprise d'une mise en scène de 1997) tente de gommer les aspects ludiques et fantaisistes de cette « Carrière du libertin » pour mettre en évidence l'aspect de comédie dramatique parfois négligé. Ainsi les costumes années 1930 de Judy Levin ainsi que les décors de Peter Davison aux références picturales allant de Magritte et Hopper à Damien Hirst (hilarité dans la salle...) font pencher l'œuvre du côté de l'émotion, Tom Rakewell apparaissant alors comme un grand adolescent égaré, victime naïve fascinée par l'éclat du grand monde. Distribution très convaincante et 100% nordaméricaine pour cette reprise qui n'a pas fait salle comble avec un Gerald Finley cynique à souhait dans le rôle de Nick Shadow et Layla Claire émouvante Anne Trulove, tandis que Paul Appleby sait mettre en exergue les facettes multiples d'un Tom Rakewell passant de la lumière aux ténèbres. Quant à Stephanie Blythe, elle offre une prestation évidemment distrayante en incarnant avec brio Baba la Turque. Un Ballo in maschera Autre style bien entendu en soirée avec Un Ballo is maschera, et autre facette du maestro, à la subtilité et au souci du détail affirmé pour Stravinsky, place à l'énergie et à une dynamique sans relâche pour Verdi. Cette production inau- gurée en 2012 ne restera sans doute pas dans les annales, la mise en scène de David Alden étant desservie par des décors anonymes de Paul Steinberg ainsi que la présence d'une reproduction d'une Chute d'Icare à la justification improbable. Sur la scène du Met, Un Ballo in maschera a toujours bénéficié de distributions prestigieuses et cette version 2015, sans être mémorable, était d'un excellent niveau. Piotr Beczala (Gustave III) s'affirmait sans conteste par son autorité et une voix puissante, tandis que Dolora Zajick impressionnait en Ulrica et qu'Alexey Markov interprétait un Comte Anckarström à la voix homogène. Mais la prestation la plus impressionnante était celle de Sondra Radvanovsky, véritablement habitée par le rôle d'Amelia, offrant une performance d'actrice digne de l'actor's studio, mais surtout faisant apprécier une voix majestueuse aux nuances subtiles mais à la puissance imposante. Incontestablement une des grandes voix de soprano dramatique du moment. Don Carlo On connaît le challenge de tout directeur d'opéra désireux de monter Don Carlo, il suffit d'aligner une demi-douzaine de grandes voix – soit en quelque sorte deux distributions pour un seul spectacle - et le tour est joué. Autant dire que malgré quelques soucis financiers en début de saison et par l'effet de quelques généreux mécènes comme habituellement dans ce pays, le Met a pu présenter une production convaincante vocalement du chef-d'œuvre de Verdi. Revival d'une version créée en 2010, la mise en scène sobre de Nicholas Hytner et les costumes d'époque de Bob Crowley servaient avec pertinence l'affrontement entre un Philippe II âgé, à savoir Ferruccio Furlaneto, grand spécialiste du rôle depuis plus de trois décennies dont le « Ella giammai m'amo » continue d'émouvoir comme il se doit et son « rival » Don Carlo interprété par unYonghoon Lee qui révèlait une voix puissante et au timbre séduisant. A ses côtés, Luca Salsi était un Rodrigo à la vaillance indéniable et les interprètes féminines - qu'il s'agisse de Barbara Frittoli à l'impeccable musicalité ou de Nadia Krasteva dont le « Don fatale » saisissait par son intensité dramatique - étaient les garants d'une soirée réussie dont le mérite revenait également à Yannick Nézet-Séguin à la tête de l'Orchestre et des Chœurs maison. Frank Fredenrich Sondra Radvanovsky est Amelia dans «Un Ballo in maschera» © Ken Howard / Metropolitan Opera a c t u a l i t é 19 o p é r a à marseille à nice Créé à l’Opéra de Monte-Carlo en 2010 avec Bryn Terfel dans le rôle-titre, le spectacle de Jean-Louis Grinda dégage à nouveau la même jubilation. La nouvelle production de La Juive à l'Opéra de Nice est une preuve supplémentaire du regain d'intérêt pour le répertoire du grand opéra français, ainsi que de la difficulté à monter ce type d'ouvrage. Falstaff 20 La Juive Les magnifiques décors de Rudy Sabounghi trouvent même un confort supplémentaire sur la scène phocéenne, tant l’espace extrêmement compté de l’étroit plateau de la salle Garnier rendait une sensation de trop grande densité. Les livres géants sont encore manipulés à vue par des machinistes en noir entre les scènes, opérations rapides qui permettent au spectateur de ne pas relâcher son attention. Les titres des ouvrages sont toujours aussi bien choisis, et on sourit à nouveau de bon cœur à la lecture – parmi certains classiques, dont Shakespeare – de « Vengeance à la basse-cour » de Richard Duck. Les costumes animaliers de Jorge Jara Guarda sont d’un très bon goût et très drôles : la volaille pour les commères (pintade, paon, …) et les protagonistes, le coq Falstaff « maître » des lieux, mais aussi les chats Pistola et Bardolfo, un mouton qui passe, quatre vaches qui avancent en sautillant… Nicola Alaimo dans le rôle-titre domine la distribution et compose un Falstaff absolument bluffant, tout comme à l’Opéra Comédie de Montpellier en 2009. Moins agressif dans le style mais au moins aussi truculent que son aîné Terfel, le baryton italien varie les couleurs, les volumes, entre un « L’onore » poussé à pleine voix et de petites phrases délicieuses. Jean-François Lapointe (Ford) projette puissamment, comme dans son air de la jalousie, et Enea Scala (Fenton) est robuste et méditerranéen mais sonne un peu pincé. Pour les seconds rôles, Rodolphe Briand (Bardolfo) et Patrick Bolleire (Pistola) sont bien en place et sonores, qualités un peu moindres chez Carl Ghazarossina (Caïus). Côté femmes, après avoir longtemps fréquenté Nanetta, Patrizia Ciofi se montre moins convaincante en Alice Ford, ses quelques notes aigues superbement aériennes et éthérées ne rattrapant pas tout à fait le déficit de Nicola Alaimo © Dresse graves et de largeur de la voix. Sabine Devieilhe ne fait en revanche qu’une bouchée du rôle de Nanetta, Annunziata Vestri est sans problèmes dans l’emploi plus réduit de Page et Nadine Weissmann en Quickly joue très bien, le chant étant moins impressionnant. Lawrence Foster à la baguette garde l’ensemble sous contrôle, aussi bien pour le rythme plutôt compliqué de la partition verdienne, que pour les décibels qui évitent de couvrir les chanteurs. François Jestin «La Juive» © Jaussein Même très imparfait vocalement, même avec de nombreuses coupures – de l'ensemble des ballets il ne reste par exemple qu'un très court extrait de trois minutes, traité comme un jeu de chaises musicales –, le bilan au final est positif, le plaisir l'emportant sur la frustration. Et pourtant l'oreille souffre pendant la soirée, d'abord pour Luca Lombardo en Eléazar, voix serrée et sans séduction, timbre gris ; annoncé malade avant le lever de rideau, le ténor français fait quand même preuve d'engagement, mais cette difficile prise de rôle arrive bien tardivement dans sa carrière. L'autre ténor Thomas Paul (Léopold) est capable de notes éclatantes, mais ses excursions vers l'aigu sont plus qu'aventureuses, avec des passages carrément à côté. Les voix graves sont bien meilleures, avec la basse profonde et autoritaire de Roberto Scandiuzzi (Cardinal Brogni), Jean-Luc Ballestra (Ruggiero) superbement timbré et à la prononciation impeccable, ainsi que l'autre baryton bien assuré Zoltán Nagy (Albert). Côté féminin, Cristina Pasaroiu en Rachel est à la fois sonore et émouvante, la chanteuse est jeune et pourra encore développer son registre grave ainsi que sa qualité du français. Hélène Le Corre (Eudoxie) est bien chantante, voix fraîche, musicale, agile, plutôt légère, et sa diction est un régal. La direction musicale de Frédéric Chaslin semble mieux réglée pour les passages purement instrumentaux, souvent délicieux, que pour les moments de paroxysme lyrique comme le finale du premier acte où les décalages se multiplient et la coordination des chœurs, solistes et musiciens se relâche. La mise en scène de Gabriele Rech, en coproduction avec l'Opéra de Nuremberg, est de facture plutôt classique avec quelques touches de Regietheater. Le premier acte s'ouvre sur des estrades disposées devant une rosace de cathédrale, le peuple agite des drapeaux rouges et noirs évoquant les années 1930, puis le II propose vraisemblablement l'image la plus puissante et inspirée, une grande table en travers du plateau chez Eléazar sous une ouverture en étoile de David au plafond. On apprécie cette forte simplicité, d'autant que le metteur en scène est moins heureux lorsqu'il s'éloigne de cette sobriété, par exemple lors de l'échange de papiers, déchirés ensuite, entre Rachel et Léopold “je suis juif“, “je suis chrétienne“. François Jestin Verdi : FALSTAFF – le 4 juin 2015 à l’Opéra de Marseille a c t u a l i t é o p é r a passe, beaucoup d’Allemagne nazie des années 1930, croix gammées, mais aussi le conflit israélo-palestinien, moult dictateurs (Khadafi, Bokassa, Franco et ses équivalents sud-américains), jusqu’à la photo de famille des dirigeants actuels de ce monde. Le problème est que l’œil est soit irrémédiablement attiré par l’image, soit désintéressé lorsque celle-ci devient décorative, comme les nuages ou les vagues qui passent gentiment. L’atmosphère tourne presque à la soirée diapos, ou mieux encore donne l’impression d’un magazine de type Paris Match qu’on feuillette. Les meilleurs moments coïncident finalement avec les passages où le plateau est vide et plongé dans le noir, comme les deux monologues de Shylock. à sainte-étienne Le Marchand de Venise La 12ème édition du festival Massenet n’a pas inclus d’opéra du compositeur stéphanois à son affiche, mais propose une œuvre d’un de ses élèves, Le marchand de Venise de Reynaldo Hahn. François Jestin Hahn : LE MARCHAND DE VENISE – le 31 mai 2015 à l’Opéra-Théâtre de SaintEtienne Les occasions sont très rares de découvrir l’ouvrage, puisque la dernière française remonte apparemment à 1979 à l’Opéra-Comique, salle Favart. On connaît d’abord le compositeur par sa Ciboulette, remontée d’ailleurs ces dernières saisons à l’Opéra-Comique puis à Saint-Etienne, mais il s’agit ce soir d’un opéra et non plus d’une opérette. La partition en est extrêmement variée pour le style, l’orchestration, et fort séduisante du point de vue de la mélodie. De très jolis airs se glissent au cours d’une élégante conversation en musique, certains passages sont très suggestifs comme par exemple l’arrivée du prince du Maroc puis celle du Prince d’Aragon au 2ème acte. Le duo d’amour du II entre Portia et Bassanio évoque très fortement, voire explicitement Tristan et Isolde, puis très vite dans le quatuor qui suit, la musique devient plus légère en tirant vers Ciboulette. En tout cas, c’est une partition qu’on a envie de réentendre, surtout aussi bien dirigée par le chef Franck Villard, avec peut-être un petit relâchement de l’ensemble au 3ème et dernier acte, lors des interventions des chœurs parfois en ordre dispersé. Le festival a su réunir une distribution vocale de haute qualité et très homogène, tant pour la qualité du chant que de la diction. Gabrielle Philiponet est une Portia d’un joli timbre juvénile, qui manque par endroits d’un peu d’ampleur, au contraire d’Isabelle Druet (Nérissa), voix qui porte avec franchise. Magali ArnaultStanczak qui défend le troisième rôle féminin de Jessica est embarrassée d’un «Le Marchand de Venise» © Cauvet vibratello, tandis que son amoureux François Rougier (Gratiano) est sans problèmes. L’ensemble de la troupe masculine est solide et bien chantant, à commencer par le Shylock de Jean-Pierre Pruvot qui déverse sa haine de manière spectaculaire, puis Guillaume Andrieux (Bassanio), très bel instrument mais qui doit faire attention à soutenir la ligne vocale jusqu’à l’extrême extinction de la note. Frédéric Goncalvès (Antonio) est bien posé, appliqué, et Philippe Talbot (Lorenzo) un ténor de valeur, aux côtés de Harry Peeters (Tubal), Frédéric Caton (Prince du Maroc, Doge). Le spectacle pêche tout de même par le traitement d’Arnaud Bernard, chargé de la mise en scène, des décors et costumes. Est-ce un effet de la contemporanéité du festival de Cannes, mais toujours est-il que le procédé de projection d’images et de petites séquences filmées est utilisé jusqu’à la démesure. Tout y a c t u a l à avignon Le Braci Lauréat du dernier ARMEL Opera Competition à Szeged en Hongrie, Le Braci d’après le roman « Les Braises » de Sandor Marai, est donné pour une unique représentation à l’Opéra Grand Avignon. Ayant assumé entre autres les fonctions de directeur artistique du Teatro Regio de Turin puis du Comunale de Bologne, le compositeur Marco Tutino est une personnalité qui compte dans le paysage musical italien. Dans sa partition d’une heure et 20 minutes environ, on entend une succession de clins d’œil, voire de quasi citations d’opéras que tout amateur peut reconnaître. Le musicien qui domine est sans doute Britten, avec du Billy Budd mâtiné de Turn of the Screw, mais aussi un peu de Pagliacci, de brèves mesures dignes d’Elektra de Strauss, et des passages d‘orchestration alla Messiaen, …, bref tout y passe ou presque ! L’oreille en est évidemment séduite, surtout que l’impeccable orchestre symphonique de Szeged dirigé par Sandor Gyüdi a fait le déplacement avignonnais, après avoir défendu l’œuvre une dizaine de fois cette saison en Hongrie. De soudains changements d’atmosphères musicales sont aussi rendus possibles par les nombreux allers et retours de l’intrigue, entre la présente conversation et les flash-back 40 ans en arrière. Les deux anciens amis qui se retrouvent sont en fait barbouillés de blanc, figurant des fantômes, comme le confirme la phrase répétée à l’envi à la toute fin de l’ouvrage « Siamo solo fantasmi ». La production d’Attila Toronyköy est à la fois simple, efficace et évocatrice de ce huis-clos menaçant, avec en fond de plateau un tableau de la scène de chasse d’antan et ses personnages réels qui s’y montrent en transparence par moments. Le niveau vocal reste tout de même bien plus modeste, que ce soit Tamas Altorjay et Jean-Philippe Biojout, voix caverneuse et peu stables mais finalement en situation pour incarner les vieux amis fantômes Henri et Conrad, Szilveszter Szelpal (Henri jeune) et Tivadar Kiss (Conrad Jeune), ou encore côté féminin Krisztina Konya (Christine) et Boglarka Laczak (Nini) à l’ampleur limitée. Au final un spectacle sans temps morts, agréable et intéressant, malheureusement suivi par une salle très clairsemée. François Jestin Tutino : LE BRACI – le 3 juin 2015 à l’Opéra Grand Avignon i t é 21 o p é r a opéra du rhin : ariane et barbe-bleue turin Ariane et Barbe-Bleue, le seul ouvrage lyrique de Paul Dukas, est indiscutablement un chef-d'œuvre, mais il reste fragile, car le livret réduit le rôle de Barbe-Bleue à la portion congrue; en dépit de ce que laisse attendre le titre, en effet, le bourreau des cœurs féminins n'a pour ainsi dire pas droit au chant et laisse le champ libre à Ariane, sa Nourrice et ses cinq femmes. Le Théâtre Regio de Turin propose une nouvelle production en collaboration avec le Maggio Musicale Fiorentino des Puritains de Bellini, confiée au metteur en scène italien Fabio Ceresa et au chef Michele Mariotti. Ariane 22 I Puritani L'orchestration, encline à une emphase quasi wagnérienne, exige du chef qu'il porte un soin tout particulier à l'allégement des textures, à leurs miroitements, à leur fluidité s'il veut éviter que la représentation ne sombre dans la redondance instrumentale pour conserver à la partition son parfum délibérément français. Quant aux voix des interprètes des deux rôles féminins principaux, elles se voient sollicitées à l'extrême ; l'écriture de Dukas exige en effet d'elles des réserves infinies de puissance, des raffinements de phrasés subtils ainsi qu'une endurance scénique hors du commun puisqu'elles ne quittent pour ainsi dire jamais la scène pendant les deux heures que dure le spectacle, donné ici sans entracte. Et c'est là le premier défaut de cette réalisation admirable, mais bancale : Ariane est tout simplement absente par la faute d'une chanteuse qui exhibe sans retenue un matériau vocal mité, acide dans les aigus qu'elle crie sans retenue, mou et creux dans le médium et tout simplement absent dans le grave. Heureusement, la Nourrice de Sylvie Brunet-Grupposo relève le défi avec panache : sa voix ample, généreuse, domine sans peine le dialogue qu'elle engage avec l'orchestre tout en nous régalant de quelques moments d'une exaltation subjuguante qui ne vire jamais à l'hystérie tant l'émission et le souffle sont superbes de discipline. Le seul défaut de cette interprétation hors du commun était de mettre crûment en évidence les manques de celle de sa partenaire... Les rôles secondaires, auxquels il convient d'ajouter les quelques répliques chevrotantes chantées sans conviction par le Barbe-Bleue éteint de Marc Barrard, étaient correctement tenus et ne retenaient pas longuement l'attention alors que la direction de Daniele Callegari, grandiose dans les moments de déchaînements apocalyptiques qui jalonnent la partition, peinait à rendre toute leur délicatesse diaphane aux moments d'intimisme dont le deuxième acte regorge. Néanmoins, l'Orchestre symphonique de Mulhouse se montrait sous son meilleur jour dans ces scintillantes tapisseries orchestrales que renferment les rares épisodes choraux et surtout les longues introductions à chacun des actes, tissées ici avec une verve et une précision d'intonation qui séduisait sans réserves. Olivier Py, qui signait la mise en scène, n'aura déçu ni ses admirateurs ni ses détracteurs. On retrouve les exceptionnelles qualités de visionnaire de ce conteur-né qui, avec l'aide de son décorateur et costumier Pierre-André Weitz, habille d'images saisissantes, sans cesse renouvelées, un livret d'un statisme que d'aucuns pourraient juger désespérant. Mais il faut encore une fois s'accommoder de ses fantasmes qui deviennent de plus en plus envahissants. Ajoutez à cela une direction d'acteurs étonnamment rudimentaire chez un homme de théâtre, mais des éclairages fulgurants et sublimes en certains moments clefs du drame, et vous aurez une idée assez précise de ce qui s'est joué sur le plateau alsacien... (Représentation du 17 mai) Bien que le répertoire et le style du Belcanto soit bien familier aux chanteurs de la nouvelle génération, les Puritains sont rarement à l'affiche des grands théâtres. Le dernier opéra du compositeur sicilien demande en effet la présence de quatre «I Puritani». Photo Ramella & Giannese solistes exceptionnels et © Teatro Regio Torino en particulier un ténor capable à la fois de tendresse et d'héroïsme. Fabio Ceresa plonge le monde de la guerre civile entre Cromwell et les Stuarts dans une atmosphère gothique, sombre et lourdement funéraire, dominée par une énorme voûte ogivale renversée (décors de Tiziano Santi). L'interprétation de l'œuvre comme une fuite de tous les personnages du domaine du Temps et de la Mort (expliquée par le metteur en scène dans le programme), bien qu’ingénieuse, paraissait excessivement sophistiquée par rapport à la modeste portée philosophique des Puritains, chef-d'œuvre issu d'un heureux malentendu entre les aspirations politiques du librettiste et le lyrisme indifférent à toute question idéologique du compositeur. Le fait de rendre le voile d'Elvira/Enrichetta (noir dans les deux cas!) un objethypostase du temps qui s'écoule était toutefois intéressante. Par contre l'effet de contraste entre l'atmosphère lugubre de la scène et des costumes clinquants qu'on aurait dit tirés de la fabrique de chocolat Willy Wonka, produisait un effet assez modeste sur le plan éstethique. Sur le plateau, le ténor Dmitry Korchak assurait le redoutable rôle d'Arturo. Doué d'une indiscutable musicalité, d'une diction excellente et d'un phrasé toujours intéressant, le ténor a toutefois fait preuve d'une émission assez laborieuse notamment dans les aigus, agressés à pleine voix et souvent accompagnés de quelques problèmes de justesse. A côté de lui, Olga Peretyatko était une Elvira assez convaincante, à l'aise plus dans l'envol lyrique que dans la colorature. Sa voix, plutôt sombre dans le medium, semble plus appropriée pour des rôles de belcanto dramatique que pour les personnages angéliques et innocents. Dans le rôle de Riccardo, Nicola Alaimo, malgré de bonnes intentions et une certaine puissance vocale, n'arrivait à rendre de façon convaincante ni la noblesse du soldat de Cromwell ni la tristesse de l'amant mal aimé. Nicola Ulivieri était un superbe Giorgio. Malgré une voix assez claire et pas très imposante dans le registre grave, la ligne de chant et le phrasé de la basse italienne ont conquis le public turinois qui lui a réservé à juste titre des ovations répétées. Son interprétation de l'air «Cinta di fiori» de l'acte II a été sans conteste le plus beau moment du spectacle. Le chef Michele Mariotti était plus soucieux des effets de contraste dynamique dans l'orchestre que de l'équilibre entre celui-ci et la scène, ce qui a provoqué nombreux décalages avec le chœur et les solistes. Eric Pousaz Gabriele Bucchi a c t u a l i t é o p é r a arènes d’avenches Le Barbiere C’est sur le plus célèbre des opéras de Rossini, le Barbier de Seville, que s’est porté le choix de l’Opéra de Lausanne pour son habituelle production estivale aux Arènes d’Avenches. Avec une nouveauté d’importance cette année : les conditions météorologiques ne risqueront pas de perturber les représentations du chef-d’œuvre rossinien, à l’affiche du 4 au 17 juillet. par le ténor chinois Yijie Shi, dont l’excellente exécution d’Argirio dans le récent Tancredi avait suscité l’enthousiasme du public lausannois. Habituellement confié à des voix de mezzo, le rôle de Rosine a été néanmoins interprété par le passé par des voix plus légères. Forte d’une réputation comme Reine de la Nuit, la soprano croate Lana Kos donnera à l’astucieuse pupille de don Bartolo une couleur brillante assez rare de nos jours. Le baryton de renommée internationale George Petean (Le Trouvère à Genève en 2009) prêtera sa voix au rôle titre avec, à côté de lui, Miguel Sola (Bartolo), Ruben Amoretti (Basilio), sans oublier l’excellente Carine Séchaye (Berta). Que ce soit sous un ciel étoilé ou pas, il n’y pas de doute que le Barbiere, à bientôt deux cents ans de sa création (1816-2016), saura encore une fois ensorceler et amuser le public d’Avenches. Gabriele Bucchi En cas de mauvais temps, le public pourra en effet assister au spectacle à l’intérieur du grand manège de l'Institut national d'Avenches, aménagé pour la première fois à cet effet. La seule pluie qu’on entendra cet été sur scène, ce sera donc celle prévue par Rossini pour accompagner la tempête qui s’abat sur la maison de don Bartolo à la fin du deuxième acte… 23 L’Orchestre de Chambre Fribourgeois sous la baguette du chef Nir Kabaretti se chargera de rendre les effets humoristiques de cette célèbre page orchestrale ainsi que de toute l’exigeante partition rossinienne. Sur la scène, ce sera à l’italien Marco Carniti (réalisateur du diptyque Schauspieldirektor / La Canterina de Mozart / Haydn en 2006 à Lausanne) de raconter encore une fois les amours contrastées du comte d’Almaviva et de la belle Rosine. Le rôle du grand d’Espagne sera assuré à cette occasion Nir Kabaretti © David Bazemore Les 4, 7, 9, 11, 14 & 17 juillet 2015 Chœur de l'Opéra de Lausanne Orchestre de Chambre Fribourgeois Direction musicale : Nir Kabaretti Billetterie sur place : Lu au ve de 9h à 12h et de 13h30 à 16h Bureau du festival, Rue Centrale 6, Avenches T 026 676 06 00 [email protected] Billetterie en ligne Commandez et imprimez vos billets chez vous. Paiement sécurisé par carte de crédit ou par Postcard. (Frais de prélocation en plus) A la caisse le soir des représentations Info météo et lieu de la représentation dès 14h30: 0800 10 10 20 Lana Kos (Rosine) a c t u a l i t é o p é r a En termes de traitement visuel, pensez-vous qu’il y a des limites à ne pas franchir, vis-à-vis de la question du blasphème en particulier ? entretien : bernard foccroulle, directeur du festival Aix-en-Provence De Haendel et Mozart jusqu'à la création contemporaine, le directeur du festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence Bernard Foccroulle nous présente l'édition 2015. Pour commencer, pouvons-nous évoquer les attentats de janvier à Paris dont l’attaque meurtrière de Charlie Hebdo ? Cabu et Wolinski étaient des personnalités qu’on pouvait régulièrement apercevoir au festival d’Aix… 24 Oui forcément, l’émotion a été très vivement ressentie. J’étais en Australie à ce moment-là et en contact avec les équipes ; il y a eu des arrêts de travail, des participations aux manifestations. Et puis dans les jours qui ont suivi l’attentat nous avons mis sur notre site internet les dessins que Wolinski avait créés lors de ses deniers passages au festival. Ensuite, toute la thématique qui est abordée depuis lors était déjà présente de manière sous-jacente dans le festival, les formes de violence, d’intolérance. Ces événements de janvier ont été particulièrement heurtants, mais ne sont pas isolés d’un climat plus global qu’on voit se dégrader depuis un certain temps. La question qu’on se pose est de savoir quelle est la pertinence du travail que nous menons, par la programmation, par les artistes que nous invitons, par la lecture des spectacles qui sont proposés, par les formes de communication que nous établissons avec les publics, et nous n’avons pas attendu le mois de janvier pour y travailler. série de défis absolument majeurs et paradoxalement en étant de plus en plus démunis. Sur le champ culturel, je pense que nous devons être modestes quant à notre capacité à influer sur les choses, et en même temps très ambitieux et en tout cas très volontaires sur notre mission qui est d’être attentif à tout ce qui traverse le champ culturel aujourd’hui, la question de la liberté d’expression et aussi à tout ce qui peut porter les rencontres entre cultures, en particulier les éléments de dialogue. De plus l’opéra est par nature et par histoire un art qui repose sur le dialogue entre différents artistes, différentes disciplines, et cela se traduit aussi avec les publics. La question se posait donc de savoir comment cela peut influer dans notre travail avec les communautés qui sont présentes sur notre territoire et qui aussi viennent de plus loin. Pour dire les choses autrement, je ne suis pas sûr que le monde culturel aujourd’hui en Europe joue complètement le rôle qui devrait être le sien, je crois qu’il y a une vraie prise de conscience qui doit être faite, à laquelle aucun d’entre nous ne peut s’en estimer quitte. La culture en général est-elle une forme de lutte, de résistance, de voie vers le progrès ? Dans un contexte où la culture a un rôle très important à jouer, en France je pense qu’il y a encore une certaine conscience de cela, plus élevée que dans beaucoup d’autres pays européens aujourd’hui où on a le sentiment que le monde politique, le monde éducatif, la société civile ont perdu un peu conscience de ce que la culture pouvait apporter dans son rapport à l’éducation. Je ne dis pas que c’est parfait dans ce pays, mais il y a encore une certaine conscience de cela. Après, une chose dont je suis absolument convaincu, c’est qu’il y a des éléments de dérive, on voit que la société se fracture, il y a des formes de dualisation, nous sommes devant une e Patricia Petibon (Alcina) © Inge Prader/DG n t r e C’est une vraie question, parce que je crois qu’il faut être plus que jamais attentif à la liberté d’expression, mais je ne pense pas que celle-ci autorise forcément n’importe quel discours, et en particulier je trouve qu’elle n’autorise pas les postures qui sont de nature à blesser profondément des individus ou des communautés. Alors comment règle-t-on ça ? C’est très compliqué, mais je ne suis pas sûr qu’on va progresser en multipliant les blasphèmes. Après, il faut s’entendre sur le blasphème et peut-être travailler dans les écoles pour montrer que représenter le Prophète n’est pas forcément un blasphème et qu’il faut accepter de sortir de tous ces clichés d’une lecture radicale et superficielle de l’Islam. Pour moi la liberté d’expression n’est pas la seule valeur aujourd’hui, il faut pouvoir l’articuler avec d’autres valeurs, et notamment le respect de diversités culturelles, philosophiques, religieuses. Pour enchaîner sur l’affiche du festival, l’Enlèvement au Sérail de Mozart peut relever de la problématique du blasphème, production confiée à Martin Kusej… Du coup, la question de l’Enlèvement est délicate ! Nous en avons beaucoup parlé, Martin Kusej m’avait dit son intention d’en faire une lecture politique, une lecture d’aujourd’hui dans des costumes contemporains. A la lumière des événements de janvier et de la violence de l’impact, il a décidé de retravailler le projet et a souhaité garder son propos mais le distancier dans le temps. Il a donc choisi des costumes des années 1930 pour permettre, je pense, à un public devant un opéra de Mozart de mieux percevoir ce qu’il peut y avoir d’intemporel voire de contemporain dans la pièce, sans recourir à un procédé facile qui consisterait à donner aux chanteurs des costumes tels qu’on les voit aujourd’hui dans les reportages télévisés qui traitent des prises d’otage ou de l’état islamique. En tout cas de sa part, il y a une réflexion en profondeur sur ce que cette pièce nous raconte aujourd’hui et il veut la faire avec un très fort impact théâtral, nous n’aurons donc pas une mise en scène de type exotique et léger, elle va tenter d’aller à la racine de l’œuvre en tout cas. Il y aura une image de désert, une tente, nous ne serons pas devant le palais du sultan en Turquie mais beaucoup plus dans le monde arabe, du coup la question du rapport des civilisations, t i e n o p é r a des cultures va se poser sous des formes un peu différentes de celles que Mozart avait inclus, en particulier la question du comique présent dans la pièce, comment va-t-il être traduit ? En tout cas, il ne change pas une note ni un élément du texte chanté, en revanche il a fait un travail sur les dialogues qu’il a en partie réécrits en collaboration avec un écrivain dramaturge allemand, en considérant que les textes tels quels ont beaucoup de faiblesses. à la veille du mariage de l’une d’entre elles, qui traversent tous les affects, les sentiments de joie, d’inquiétude, de tendresse qui peuvent être partagés dans ces moments-là. La compositrice serbe Ana Sokolovic a été puiser dans le répertoire de musique balkanique, où les chants de mariage sont très nombreux, des chants porteurs d’une dimension dramatique. On peut d’ailleurs comprendre qu’il s’agit d’un mariage forcé, ou en tout cas pas d’un mariage rêvé par la jeune fille. C’est vocalement absolument somptueux. La pièce créée en concert sera cette fois mise en scène par Ted Huffman et Zack Winokur qui avaient réglé Les Mamelles de Tirésias ici en 2013. C’est une production qui pourra voyager aisément, dans des lieux qui ne sont pas des temples de l’opéra. Autre opéra donné en nouvelle production, Alcina qui poursuit le cycle Haendel… Le cycle démarré l’année dernière est prévu sur trois ans. Plusieurs éléments justifient le choix d’Alcina, je pense d’abord que c’est un des opéras de Haendel les plus réussis, avec des airs formidables mais aussi un livret très intéressant que Katie Mitchell travaille de manière très littérale, ce qui va étonner car elle prend la dimension de la séduction, et même de la sexualité littéralement. J’avais aussi envie d’inviter Philippe Jaroussky au festival et le rôle de Ruggiero était un de ceux qui le tentaient le plus dans le répertoire haendelien. C’est aussi l’opéra que Haendel a écrit juste après Ariodante donné l’année dernière, donc il y a une sorte de continuité naturelle, avec le même orchestre, le même chef, et Patricia Petibon. Je pense que nous verrons également deux propositions contrastées, avec Alcina au Grand Théâtre de Provence alors qu’Ariodante était à L’Archevêché ce qui est déjà un changement en soi, en termes de moyens techniques notamment. En restant au GTP, nous aurons le diptyque Iolanta / Perséphone créé à Madrid sous la direction alors de Gérard Mortier… Plusieurs choses ont rendu ce projet assez exceptionnel, d’abord le succès qu’il a remporté à Madrid et auprès de la presse internationale, et aussi l’intérêt de la lecture commune de Peter Sellars et de Teodor Currentzis. J’ai travaillé plusieurs fois avec Sellars, pour Currentzis ce sera la première fois, les deux étant très en harmonie dans leur travail, le chef étant très présent dans le travail scénique. Ils ont intégré ensemble dans Iolanta un chœur de Tchaïkovski qui ne vient pas de l’opéra. Le voisinage avec Perséphone est inattendu, mais une sorte de fil conducteur traverse la soirée, qui est évidemment l’attrait de la lecture de Sellars dans ce qu’elle a à la fois de sobriété et de plongée au cœur des œuvres. S’ajoute à cela le fait e n t r Lawrence Zazzo (Oberon) © Justin Hyer que Iolanta est peut-être le seul opéra qui a un lien avec des personnages historiques aixois et provençaux, le roi René. Malgré tout, l’invitation d’un spectacle extérieur reste l’exception. Puis A Midsummer night’s dream créé ici il y a 25 ans, qui a beaucoup voyagé … Une série de raisons a milité pour cette décision. D’abord le désir de Carsen de remonter sa production là où il l’avait créée, il me l’a dit à plusieurs reprises. Ensuite, pour moi c’est un peu une démarche expérimentale, une production aussi ancienne – qui a presque un quart de siècle – reprise au festival. Comment a-t-elle traversé ce quart de siècle, qu’est-ce qu’elle va nous raconter aujourd’hui, il y a un petit côté « Voyons voir ! » qui est intéressant ! Il y a aussi une dimension intergénérationnelle ici qui est très forte, notamment auprès des artistes, il est intéressant que de jeunes artistes, des membres de l’académie voient une production iconique, qui avait vraiment révélé Carsen au monde. C’est le spectacle dans l’histoire du festival qui a le plus circulé. Nous recréons la production ainsi que les costumes, et nous pourrons la faire voyager en Aise en particulier, où jusqu’à présent elle n’avait jamais été présentée. La musique contemporaine est présente cette année, avec Svadba, opéra pour 6 voix de femmes a cappella, créée en 2011 à Toronto… Egalement Le Monstre du labyrinthe de Jonathan Dove, une petite forme d’opéra en durée (1 heure), mais avec orchestre dirigé par Simon Rattle… Jonathan Dove a composé des opéras et a réduit, arrangé plusieurs œuvres pour des formations de taille moyenne, il a écrit pour le festival de Glyndebourne il y a 3-4 ans, et ici c’est Simon Rattle qui lui avait passé commande dans un premier temps pour le Berliner Philharmoniker et le London Symphony Orchestra. Puis ils m’ont proposé de nous y joindre, c’est un opéra qui fait appel à un grand nombre d’amateurs, c’est un projet qui pour moi est très symbolique de tout ce que nous avons développé au festival ces dernières années. Ce projet a une forte dimension participative puisqu’il y aura 300 amateurs sur scène, l’orchestre sera composé de 21 musiciens du LSO et de 25 musiciens de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, parce que là aussi Dove et Rattle ont souhaité qu’il y ait une dimension de transmission entre les générations. C’est une aventure hors du commun, l’œuvre sera créée en allemand à Berlin, reprise en anglais à Londres, puis donnée ici en français, ce qui veut dire des chanteurs différents, des productions différentes puisque Berlin et Londres n’ont pas de fosse d’orchestre, ceci de manière très rapproché à partir de fin juin à Berlin. Il y a un engagement et une excitation des uns et des autres qui fait plaisir ! Propos recueillis par François Jestin Je pense que Svadba va être une forte découverte de cet été, parce que c’est un exemple parfait de petite forme très réussie. Six voix de femmes e t i e n 25 o p é r a festival Arena di Verona Six opéras au programme pour la 93ème édition du festival dans des productions déjà proposées ces dernières années : les habituels opéras d’extérieur Aida, Nabucco, Tosca, mais aussi Don Giovanni, Il Barbiere di Siviglia et Roméo et Juliette. 26 C’est Nabucco qui lancera les festivités le 19 juin, dans la proposition visuelle de Gianfranco de Bosio créée en 1991, direction de Riccardo Frizza, avec Luca Salsi et Martina Serafin pour les premières représentations. Après la reprise de la production historique de 1913, puis la réalisation du collectif catalan La Fura dels Baus ces deux dernières années, Aida sera proposée cette saison dans la production imposante de Franco Zeffirelli : 6 sopranos en alternance dans le rôle-titre, 5 ténors en Radames (dont Gregory Kunde), 5 mezzos en Amnéris (dont Rachvelishvili, Gubanova, Komlosi). pupitre, production de Francesco Micheli. D’autres soirées de concert et de ballet sont également au programme. François Jestin - Nabucco : les 19, 25 juin, 3, 9, 15, 18, 23 juillet, 13, 18, 22, 26, 29 août, 1er et 5 septembre - Aida : les 20, 27 juin, 5, 7, 12, 14, 19, 25, 31 juillet, 9, 11, 15, 19, 23, 27, 30 août, 2 et 6 septembre - Tosca : les 26 juin, 8, 11, 16 juillet, 6 et 14 août - Don Giovanni : les 4, 10, 17, 30 juillet, 12 août - Il Barbiere di Siviglia : les 1er, 7, 20, 28 août, 4 septembre - Roméo et Juliette : les 8, 21 août, 3 septembre Puis c’est la Tosca réglée par Hugo de Ana, présentée depuis 2006, qui enchaînera pour 6 soirées (Hui He et Elena Rossi se partagent le rôle-titre), avant Don Giovanni Programme complet sur : www.arena.it Hui He (Tosca) mis en scène par Franco Zeffirelli, sous la baguette de Stefano Montanari, un chef que les spectateurs de l’Opéra de Lyon peuvent entendre régulièrement (Carlos Alvarez et Ildebrando d’Arcangelo en Don Giovanni). Autres titres, Il Barbiere di Siviglia dirigé par Giacomo Sagripanti (entendu à Pesaro l’an dernier) avec les spécialistes Mario Cassi, Jessica Pratt, Bruno De Simone sur certaines dates, mise en scène de Hugo de Ana, puis pour la 5ème saison consécutive le titre véronais par excellence : Roméo et Juliette de Gounod, avec Irina Lungu et Giorgio Berrugi, Daniel Oren au Gregory Kunde (Radames) a c t u Daniel Oren a l i t é o p é r a pesaro Rossini Opera Festival La 36ème édition du Rossini Opera Festival (ROF) sera la dernière pour Alberto Zedda au poste de directeur artistique de la manifestation. L’illustre chef et musicologue rossinien, qui cédera la place à Ernesto Palacio à partir de 2016, conservera tout de même ses activités auprès des jeunes interprètes de l’Accademia rossiniana. Monaco, …), comprenant le quintette de l’acte 1 retrouvé dans une bibliothèque de Palerme en 2012. Le ROF n’en aura pas la primeur puisque ce morceau a été joué lors d’une série de représentations à Liège en juin 2014. Succédant à la précédente production de Dario Fo – au cours de laquelle le quintette était d’ailleurs déclamé sur un rythme saccadé… un moment assez étrange à l’opéra ! –, la mise en scène sera confiée cette fois à Marco Carniti. Autre opus traditionnel, Il Viaggio a Reims dans la production d’Emilio Sagi avec les élèves aguerris de l’Accademia Rossiniana, puis la Messa di Gloria dirigée par Roberto Abbado qui devrait attirer les inconditionnels de Juan Diego Florez et Jessica Pratt, avant la conclusion de la manifestation le 22 août par le Stabat Mater défendu par le chef Michele Mariotti. A noter également les récitals de belcanto proposés par Chiara Amarù, Olga Peretyatko et Nicola Alaimo. François Jestin - La gazza ladra : les 10, 13, 16 et 19 août - La gazzetta : les 11, 14, 17 et 20 août - L’inganno felice : les 12, 16, 18 et 21 août - Il viaggio a Reims : les 14 et 17 août - Messa di Gloria : les 15 et 18 août - Stabat Mater : le 22 août - Récitals de Belcanto : les 16, 19 et 21 août «La Gazza ladra». Production 2007 © Studio Amati Bacciardi Pas de grand titre d’opera seria pour cette édition, mais la reprise de deux productions déjà proposées les années passées, en commençant par La Gazza ladra dans la réalisation visuelle de Damiano Michieletto créée en 2007 au ROF. Celle-ci avait véritablement révélé les talents du metteur en scène vénitien devenu aujourd’hui l’une des coqueluches des scènes lyriques mondiales. Sous la baguette de Donato Renzetti, la distribution vocale semble aussi solide que celle de 2007 : Simone Alberghini, René Barbera, Nino Machaidze, Alex Esposito, ce dernier étant déjà de l’équipe de la création. Mais la nouveauté « musicologique » de cet été sera l’exécution de La Gazzetta (Nicola Alaimo, Maxim Mironov, José Maria Lo Autre reprise mais d’un spectacle beaucoup plus ancien (créé en 1994 !), L’inganno felice vu par Graham Vick dont on se souvient surtout de son splendide Moïse et Pharaon au Palafestival en 1997. Parmi les interprètes on relève entre autres les noms de Carlo Lepore et Mariangela Sicilia, belle voix entendue récemment dans Benvenuto Cellini à Amsterdam. a c t u Programme complet sur : www.rossinioperafestival.it Jessica Pratt. Crédit Luis Condrò a l i t é 27 o p é r a Les reprises et les versions de concert festival de salzbourg Prestige et turbulences Le Festival de Salzbourg n'est pas épargné par les crises. Comme partout ailleurs, le manque d'empressement des sponsors à s'engager durablement et les difficultés que rencontre l'Etat autrichien à maintenir ses subventions aux altitudes souhaitées pour les organismes dépendant directement de lui placent les responsables devant des difficultés inattendues. 28 Les deux derniers directeurs de la manifestation ont d'ailleurs quitté leur poste avant terme et, actuellement, le Festival est dirigé ad intérim par deux personnalités du milieu salzbourgeois en attendant l'arrivée programmée en 2017 d'un nouveau directeur qui devrait être la perle rare attendue depuis longtemps... L'édition 2015, qui s'étend du 18 juillet au 30 août prochains, ne laisse pourtant pas place au doute : le nombre des manifestations est pléthorique avec plus d'un rendez-vous artistique par jour et les vedettes sont présentes en grand nombre. Seul signe d'un ralentissement des affaires : les reprises de productions précédentes ont nettement augmenté par rapport à l'an passé où toutes les représentations lyriques étaient gratifiées d'un habillage neuf. Opéra : Les nouveautés Trois nouvelles productions sont à l'affiche. Une nouvelle mouture des Nozze di Figaro de Mozart mettra un point final à la nouvelle trilogie Da Ponte commencée il y a deux ans; elle est confiée pour la mise en scène à Sven-Eric Bechtolf (un des actuels directeurs intérimaires du Festival) et sera dirigée par Dan Ettinger. Luca Pisaroni, Anett Frisch, Martina Jankova et Adam Plachetka s'y partagent les rôles principaux. L'affiche de prestige Martina Jankova (Susanna des est réservée cette année au nouveau «Noces de Figaro») Fidelio que monte Claus Guth et que dirige Franz Welser-Möst. Le spectacle fait la une de l'actualité lyrique grâce à la présence du ténor-vedette actuel Jonas Kaufmann en Florestan, qui sera accompagné d'Adrianne Pieczonka en Leonore et du Français Ludovic Tézier dans le rôle du méchant. Inutile de dire que les places sont déjà rares maintenant et se vendent à des prix défiant toute concurrence au marché noir. Dernière nouveauté : Die Eroberung von Mexico (La conquête du Mexique) de Wolfgang Rihm. L'ouvrage, dont la musique est d'une grande originalité, sera dirigé par Ingo Metzmacher (bien connu des Genevois après son Macbeth et son Ring des Nibelungen au Grand Théâtre) et mis en scène par un des enfants terribles du théâtre allemand, Peter Konwitschny. Dans les rôles principaux : Bo Skovhus et Angela Denoke. a c t Quatre productions anciennes font leur réapparition au programme du festival estival. Il y a d'abord Il trovatore de Verdi avec Anna Netrebko en Leonora mais sans Placido Domingo en Luna, car le ténor nouvellement promus baryton semble vouloir faire l'impasse sur un rôle qui lui convient finalement assez mal. Il sera remplacé par Artur Rucinski, avec Francesco Meli en trouvère au grand cœur et Ekaterina Semenchuk en gitane vengeresse, l'ensemble étant placé sous la direction de Gianandrea Noseda qui fut l'un des prétendants-finalistes à la succession de Neeme Järvi à la tête de l'OSR. Norma de Bellini fera un deuxième tour de piste estival sous la direction de Giovanni Antonini (avec en fosse l'orchestre de La Scintilla en provenance de l'Opéra de Zurich) et dans la mise en scène de Patrice Caurier et Moshe Leiser. Cecilia Bartoli incarnera de nouveau la prêtresse pécheresse aux côtés de Rebecca Olvera et de Jon Osborn. Signalons que ce spectacle figurera quatre fois au programme de l'Opéra zurichois en octobre prochain avant de faire un crochet à Monte-Carlo où il sera représenté dans l'admirable écrin du petit théâtre conçu par Garnier. Iphigénie en Tauride, incarnée également par Cecilia Bartoli, sera reprise du Festival de Pentecôte avec Diego Fasolis et ses Barocchisti tessinois en fosse ainsi que le Chœur de la Radio-télévision suisse-italienne. Les partenaires de la diva sont Christopher Maltman et Rolando Villazon, la mise en scène étant de nouveau signée du duo Caurier et Leiser. Enfin, Der Rosenkavalier revient une deuxième fois à l'affiche pour quelques représentations en août dans une distribution semblable à celle de la première série l'an passé (Frank Welser-Möst y dirigera notamment Krassimira Stoyanova, Sophie Koch et Günther Groissböck) . Signalons toutefois que ce spectacle, qui a déjà fait l'objet d'une publication en DVD, sera repris à la Scala de Milan en juin 2016 avec quelques légers aménagements dans la distribution et un autre chef d'orchestre (Zubin Mehta). Trois versions de concert complètent ce tableau impressionnant : Werther de Massenet avec Elina Garança en Charlotte et Piotr Beczala en Werther, Dido ans Aeneas, donné avec une équipe de chanteurs moins connus mais dirigés par Thomas Hengelbrock et finalement Ernani de Verdi dirigé par Ricardo Muti et présenté quelques jours plus tard en ouverture de saison au Grand Théâtre de Genève (31 août). Concerts et Théâtre La place manque ici pour détailler tout ce qui entoure ces représentations lyriques. Signalons tout de même les seize concerts regroupés sous l'étiquette 'Ouverture spirituelle', qui offrira la possibilité de confronter des œuvres musicales d'inspiration chrétienne et hindouiste, les quatre concerts du Philharmonique de Vienne que dirigeront tour à tour Yannick NezetSzegin, Bernard Haitink, Semyon Bychkov et Daniel Barenboim, ainsi que les soirées confiées aux ensembles invités : Les Musiciens du Louvre (avec Marc Minkowski), le Concentus Musicus de Vienne (Nikolaus Harnoncourt), l'Orchestre de la Radio autrichienne (Cornelius Meister), le Budapest Festival Orchestra (Invan Fischer), le West-Eastern Divan pour deux concerts (Barenboim), le Boston Symphony Orchestra dirigé deux fois par Andris Nelsons, le Mahler Jugendorchester (Herbert Blomstedt), l'Israel Philharmonic Orchestra (Zubin Mehta) et enfin, last but not least, le Philharmonique de Berlin avec Sir Simon Rattle. Enfin, les spectacles de théâtre se multiplient autour de trois productions phares consacrées à la Comédie des erreurs de Shakespeare, L'Opéra de Quat'sous de Brecht et l'incontournable Jedermann de Hofmannsthal donné sur la place du Dôme chaque année depuis la création de la manifestation en 1920 ... Eric Pousaz Renseignements supplémentaires : http://www.salzburgerfestspiele.at/spielplan u a l i t é o p é r a événement lyrique à zurich Première suisse Le Prêtre roux, comme on surnomme fréquemment l'auteur des fameuses Quatre saisons, se vantait d'avoir composé 94 opéras. Les musicologues en dénombrent “seulement“ une petite cinquantaine, alors qu'une petite vingtaine de titres uniquement ont survécu jusqu'à aujourd'hui sous une forme suffisamment complète pour qu'une mise à l'affiche d'un théâtre soit envisageable. Avec La verità in cimento (La vérité mise à l'épreuve), l'Opéra de Zurich a inscrit pour la première fois un titre lyrique de Vivaldi à son répertoire, montrant la voie aux autres compagnies suisses qui se sont tout au plus intéressées à l'oratorio Juditha Triumphans jusqu'ici (comme ce fut le cas au printemps dernier à Bâle lors d'une soirée chorégraphique). L'œuvre choisie ne compte pas au nombre des plus célèbres de son auteur et n'a connu qu'une série de représentations du vivant du musicien, à Venise en 1720. La partition a ensuite disparu dans une bibliothèque et n'a été redécouverte qu'au début de ce siècle par Jean-Christophe Spinosi qui l'a dirigée en concert dans différentes villes européennes avant de procéder à son enregistrement. La Rosane de Julie Fuchs, malgré ses machinations peu glorieuses, attire toutes les sympathies avec son soprano léger, aérien mais suffisamment étoffé pour rendre émouvants les quelques moments où son chant respire la sincérité. Wiebke Lehmkuhl, une Sultane au chant plein, presque poignant à l'occasion, fait idéalement contraste avec les scènes d'hystérie de Delphone Galou, alias la favorite Damira, dont on peut seulement regretter que le grave manque de projection au point de déséquilibrer ses vocalises lorsque l'écriture sollicite la partie inférieure de la tessiture. Avec son curieux timbre aux accents parfois rocailleux, Christophe Dumaux fait étalage d'un savoir-faire hors du commun dans ce registre si particulier du haute-contre et remporte à l'applaudimètre le plus grand succès de la soirée. Le mezzo doré, chatoyant et puissant d'Anna Goryachova sied bien à la personnalité tourmentée du fils rejeté de la famille alors qu'en Sultan Mamoud, le ténor de Richard Croft s'impose avec une évidente simplicité en dépit de la difficulté de sa musique. En conclusion : une grande soirée qui fait espérer de nouvelles incursions dans ce répertoire avant le 23e siècle... (Représentation du 13 juin) «La verità in cimento» avec Christophe Dumaux (Melindo), Anna Une vraie création donc! Le sujet est, comme souvent dans les ouvrages baroques, d'une extrême complexité et fait la part belle aux coups de théâtre inattendus et aux retournements de situation à peine justifiés au plan psychologique. Mamoud, le sultan de Cambaja, a eu simultanément deux fils, l'un de son épouse légitime et l'autre de sa favorite. Au moment de leurs naissances, il échange les bébés dans leur berceau pour faire plaisir à la favorite qui souffre de sa position subalterne dans le harem et fait élever l'étranger comme son propre fils alors qu'il confie l'héritier légitime à sa favorite. Quelques années plus tard, lorsque le sultan doit donner en mariage son fils à l'héritière d'un de ses ennemis avec lequel il convient de faire la paix, Mamoud se décide à dire la vérité, créant une situation des plus confuses entre les amants, les mères et les prétendants au trône ainsi qu'à l'héritage! Le metteur en scène Jan Philipp Gloger n'a que faire de cette intrigue a c t tarabiscotée. Il laisse au magasin des accessoires les palais orientaux et leurs riches costumes pour transplanter l'action à l'époque actuelle au sein d'une famille 'patchwork' où les relations entre adultes et enfants sont compliquées par autant d'associations d'intérêt qui n'ont rien à voir avec l'état-civil. La révélation de la vérité sème le trouble, échauffe les passions jusqu'au final dramatique qui culmine sur un assassinat, un suicide, une scène de torture et un départ précipité. Dans l'original vivaldien, un happy-end de dernière minute et fort improbable permet, il est vrai, d'éviter un tel amoncellement de cadavres!.. Le décor, mobile, glisse d'une pièce à l'autre dans une confortable maison de banlieue urbaine, qui pourrait être située sur la Goldküste zurichoise. Dès le début, les comportements des personnages sont violents et leurs rapports tendus au point que l'on pourrait se croire dans une pièce de Strindberg. Le jeu des acteurs, d'une précision millimétrée, ajoute encore une touche de réalisme provocant à une intrigue qui n'en demandait pas tant et permet une mise en valeur inespérée de la musique, grâce notamment à un très sérieux élagage des interminables récitatifs. Sous cette forme, l'opéra dure à peine plus de deux heures et ne relâche pas une seconde son emprise sur les spectateurs. Ottavio Dantone dirige avec énergie l'orchestre admirablement disposé de La Scintilla, mais, pour se mettre au diapason de la mise en scène, ne se préoccupe pas trop de la sensualité que dégage cette musique. Souvent carré, son accompagnement rend excessivement terre-àterre les envolées que constituent les grands airs à reprises et empêche souvent les chanteurs de se sentir plus libres dans l'ornementation de leurs airs. Eric Pousaz Goryachova (Zelim) et Richard Croft (Mamoud) © Judith Schlosser u a l i t é 29 s p e c t a c l e s théâtre de l’orangerie Saison estivale 2015 Avec des taux d’occupation et de fréquentation en hausse constante depuis que Valentier Rossier en a repris la direction, le théâtre d’été sis dans le cadre enchanteur du parc La Grange peut se permettre une ouverture toujours plus grande aux productions locales et multiplier les partenariats. Si l’on ajoute à cela un chef qui propose des spécialités d’Italie du sud, tout est mis en place pour donner l’envie de fréquenter ce lieu emblématique d’une certaine qualité de vie artistique à la genevoise. Huit spectacles, dont quatre créations, trois accueils et une reprise suivront la soirée d’ouverture en partenariat avec le trio Ecoutes au Vert. 30 Première création, inattendue, celle de la chorégraphe Zoé Reverdin qui s’attaque à la pièce de Tennessee Williams Un Tramway nommé Désir. Elle apportera à l’expertise de Valentin Rossier en matière de texte et de direction d’acteurs sa propre maîtrise du rythme, de l’espace et du geste. Face à un personnage masculin bestial, sensible, déroutant – on se souvient du film d’Elia Kazan - la magnifique Marie Druc jouera Blanche ou la fêlure, le plus beau personnage féminin du théâtre étasunien. Du 23 juin au 11 juillet. Deuxième création, La Maladie de la famille M. de l’Italien Fausto Paravidino, dra- maturge contemporain joué à la Comédie française. Une comédie dramatique familiale, aigredouce, à l’écriture âpre, piquante, enjouée, cocasse. Le spectacle sera le fruit d’une très étroite collaboration entre le metteur en scène Andrea Novicov et la Compagnie Superprod. Du 14 au 25 juillet. Autre création d’après Shakespeare mais également inspirée du film de Lubitsch et même des prétendus écrits du dictateur coréen, To be or not to be. Éric Devanthéry assurera la mise en scène de ce spectacle encore en voie d’écriture. Du 28 juillet au 9 août. Un accueil ensuite, qui a fait les beaux jours du Théâtre de Poche en 2011, Noces de carton du duo romand cher au public genevois Claude-Inga Barbey et Patrick Lapp, avec leur complice Claude Blanc. Du 11 au 23 août. Valentin Rossier reprendra ensuite La seconde surprise de l’amour de Marivaux crée en 2014 à l’Orangerie, avant de partir en tournée européenne. Du 25 au 29 août seulement ! «Noces de carton» au Théâtre de Poche en 2011 © Augustin Rebetez a c Autre accueil, Oblomov d’Ivan Gontcharov, mis en scène par Dorian Rossel avec un collectif d’acteurs de Reims. Le personnage mythique n’est pas sans rappeler les jeunes Japonais en repli sur soi dont la question est : pourquoi faire quelque chose plutôt que rien ? Du 1er au 12 septembre. Enfin, une dernière création, Trahisons, de Harold Pinter. José Guerreiro mettra en scène la triangulation amoureuse écrite par le grand dramaturge comme une histoire à rebours. Du 15 septembre au 1er octobre. Le public des enfants de trois à sept ans se régalera quant à lui avec La poupée dans la poche par le Teatro delle Briciole de Parme, véritable institution italienne. Du 21 juillet au 9 août à 11h. dans la petite salle de l’Orangerie. Vingt concerts de l’AMR animeront les soirées d’été et deux after-shows prolongeront les concerts de la scène voisine Ella Fitzgerald. La saison se terminera par le désormais très attendu et très fréquenté Grand Bal de l’Orangerie du 3 octobre sous les serres du théâtre. Laurence Tièche-Chavier TO – Théâtre de l’Orangerie, parc La Grange, www.theatreorangerie.ch «La seconde surprise de l’amour» © Vanappelghem t u a l i t é m u s i q Les Grands interprètes Steve Roger et Pedro Kranz sont à l’origine de tous les programmes qui comprennent toujours quatre récitals de piano, auxquels s’ajouteront les prestations de trois violonistes, accompagnés soit par un pianiste, soit par un orchestre. Le 28 septembre l’excellent et très médiatique Renaud Capuçon aura l’honneur, avec Nicholas Angelich, du premier concert, dédié à trois sonates de Brahms. On retrouvera le 2 novembre Christian Zacharias, qui a visiblement élargi son répertoire de prédilection, puisque de Scarlatti et Soler il ira jusqu’à Chopin et Ravel ! Depuis qu’il a quitté en 2013 son poste de chef de l’Orchestre de chambre de Lausanne, cet homme de culture donne de nombreux récitals. Son interprétation est originale à chaque fois : elle ne laisse jamais indifférent. Denis Matsuev e n t r Les Quatuors au Conservatoire Le 30 novembre, un autre artiste hors normes, le magnifique pianiste russe, superpuissant mais aussi délicat, Denis Matsuev. Il a jeté son dévolu sur Tchaïkovski, Rachmaninov et Liszt. Comme tous les invités il a eu la liberté de proposer ses choix. Il arrive que deux interprètes veuillent jouer la même œuvre la même année. La direction de Caecilia accepte, car il est intéressant parfois de pouvoir comparer différentes versions. Denis Matsuev fera sa première apparition dans la série des Grands interprètes. La Chambre Phiharmonique, créée il y a dix ans par Emmanuel Krivine, s’arrêtera le 14 décembre à Genève pour un concert Brahms sur instruments d’époque, et ce sera sa seule prestation en Suisse cette saison. On entendra, en plus de la Symphonie No 3, le concerto en ré majeur, dans l’interprétation de la violoniste moldave Patricia Kopatchinskaya, qui a terminé ses études au Conservatoire de Berne et dont la renommée grandit. Radu Lupu, un habitué de la série, revient le 27 janvier, avec la Kremerata Baltica, et sans chef. Salué comme l’un des plus grands pianistes de notre temps, il proposera deux concertos de Mozart, tandis que l’orchestre se réservera une symphonie de Mendelssohn et la Sinfonietta No 2 du compositeur d’origine polonaise Mieczyslaw Weinberg (1919-1996), que l’on est en train de redécouvrir. Virtuose de son instrument, le violoniste Maxim Vengerov fera des étincelles dans un programme varié : Ravel. Chostakovitch, Enesco, Ysaÿe, Ernst et Paganini. Ayant surmonté ses problèmes d’épaule qui l’ont immobilisé pendant trois ou quatre ans, il a repris une carrière plus brillante que jamais et dialoguera le 29 février avec son compatriote le pianiste Roustem Saïtkoulov. Nelson Goerner, que Martha Argerich a beaucoup soutenu, s’attaquera, lui, à deux monuments : Les Préludes de Debussy et la Sonate No 29 (Hammerklavier) de Beethoven. Un pianiste, dit Steve Roger, qui réfléchit beau- e t i e coup et qui n’arrête pas de progresser ! (21 mars) Pour clore le bal, Hélène Grimaud a imaginé un programme original construit autour du thème de l’eau, puisé chez les grands compositeurs du 20ème siècle, pour la plupart. Les pièces s’enchaîneront sans interruption. En deuxième partie, la sonate No2 op.2 de Brahms. entretien avec steve roger Une telle présence des violonistes est exceptionnelle. La spécialité des concerts Caecilia reste le piano et cette saison encore des grands noms seront présents, invités fréquents ou nouvelles recrues de la série des Grands interprètes. Steve Roger précise qu’il lui arrive d’inviter des solistes qui ne figurent pas parmi ses préférés. L’important c’est qu’ils sachent défendre leurs idées, et bien sûr il en faut pour tous les goûts. u e Dix concerts de musique de chambre sont annoncés : Les Quatuors Fauré (15 octobre), Prazak (30 octobre), Ebène (27 novembre), Capuçon, (22 février) - avec Edgar Moreau au violoncelle !-, Schumann (jeune quatuor allemand) (4 mars), Pavel Haas (12 mars), Borodine (19 avril), Hagen (26 avril), le Cuarteto Casals le 22 janvier, et le Trio composé pour l’occasion de Boris Brovtsyn, Maxim Rysanov, Kristina Blaumane le 8 décembre. Un mélange donc de jeunes quatuors et de quatuors établis, qui attire un public pointu, dans lequel la jeune génération est heureusement bien représentée. Helene Grimaud © Mat Hennek / DG Hors abonnement Deux concerts hors abonnement sont prévus. Un seul peut être dévoilé aujourd’hui : un récital de Lang Lang le 6 novembre. D’après des propos recueillis par Martine Duruz n 31 f e s t i v a l s festival international de piano La Roque d’Anthéron René Martin présente un nouveau programme, riche de plus de 80 concerts, fidèle à sa tradition d’organisateur d’un périple musical foisonnant de récitals de piano, de concertos de piano, de récitals de clavecin, de musique de chambre, de musique avec orchestre, de jazz, répartis depuis plusieurs années en 12 lieux différents. La plus grande des scènes restant évidemment le Parc du Château de Florans aux 365 platanes avec sa merveilleuse conque acoustique. 32 Ce Parc fut le coup de foudre de René Martin, il y a 35 ans. Les autres lieux, tous différents, sont à découvrir dans leur variété ! L’Etang des Aulnes à Saint-Martin-de-Crau, la belle Abbaye de Silvacane, les Carrières de Rognes, le Temple protestant de Lourmarin, l’Eglise de Cucuron, le Musée Granet à Aix-enPovence, le Grand Théâtre de Provence à Aix, Château-Bas à Mimet, le Théâtre des Terrasses à Gordes, l’Eglise Notre-Dame de l’Assomption et Parvis à Lambesc, l’Eglise Saint-Jean-de-Malte à Aix. Les festivaliers peuvent venir écouter les artistes qui répètent le matin au Parc et choisissent le piano “idéal” pour leur récital - parmi quatre ou cinq pianos exceptionnels - qui correspondra aux œuvres choisies par le pianiste virtuose du soir ! Ce choix, dans le soleil du matin, et ces répétitions sont des moments privilégiés du festival, de même que l’écoute des masterclasses du mois d’août pour les ensembles en résidence ! Les étudiants, dont certains sont déjà au début d’une carrière de soliste, se produiront à la fin du mois d’août, le 15 toute la journée, lors de concerts gratuits, sur les places de La Roque. Le soir, ils se produiront dans le Parc de Florans pour une soirée magnifique, qui chaque année couronne ainsi leur travail de manière festive. Ils jouent également leur série de concerts dans les villes et villages, de la Durance aux Alpilles, dans la semaine précédant le 15. Comme chaque année des “Nuits” de musique ont lieu dans le Parc, (avec possibilité de plateaux repas à commander d’avance). pianos, avec Sanja Bizjak et Lidija Bizjak. Puis Claire Désert et Emmanuel Strosser. - Le jeudi 6 août, une Nuit du piano Beethoven, avec Rémi Geniet, puis Abdel Rahman El Bacha et l’orchestre Sinfonia Varsovia. - Le 10 août, une Nuit du piano Brahms, avec Adam Laloum, puis Nicholas Angelich et l’orchestre Sinfonia Varsovia. Les 5 concerts de jazz auront lieu soit 2 fois dans le Parc, 2 fois dans les Carrières de Rognes, et une fois à Château-Mimet. Le dernier concert de jazz clôturera le Festival, le 21 août avec Monty Alexander, un concert “Harlem Kingston Express”, allant de Nat King Cole à Bob Marley, de Louis Amstrong à Marvin Gaye par le plus légendaire des pianistes de jazz ! Silvacane accueillera 3 concerts à 18h.30, ce qui permet aux festivaliers de regagner à temps les concerts du Parc de la même soirée. Pour les autres lieux, cela n’est pas possible d’entendre deux concerts le même soir, sauf quand ils se succèdent au Parc, par exemple à 18h., puis à 21h. Les professeurs des masterclasses feront un concert avant leurs élèves, le14 août, à 18h. Ce sont Olivier Charlier, violon, Lise Berthaud, alto, Yovan Markovitch, violoncelle, Claire Désert, piano, Emmanuel Strosser, piano et Christian Ivaldi, piano. Quant au Trio Wanderer, dont chaque membre est également formateur, il se produira, comme les autres professeurs et les étudiants le 15 août. Et en concert le 9 août à Lambesc. Beaucoup d’artistes reviennent régulièrement goûter l’été et l’air libre du Festival ! D’autres viennent pour la première fois et deviennent de nouveaux habitués… Au mois de juillet, les festivaliers pourront voir et entendre notamment Boris Berezovsky, Iddo Bar-Shaï, Andreï Korobeinikov, MarieJosèphe Jude, François-Frédéric Guy, Hervé Billaut, Alexel Volodin… et en août Frank Braley, Shani Diluka, Jean-Claude Pennetier, Daniil Trifonov, Khatia Buniatishvili, Anne Queffélec, Adam Laloum, Florent Boffard, Nelson Goerner, Nikolaï Lugansky, Yuri Favorin, David Kadouch, Pierre Hantaï, Grigory Sokolov, Renaud Capuçon, Alexandre Tharaud, Arcadi Volodos… et de nombreux artistes à découvrir… Maya Schautz XXXVe Festival international de piano de La Roque d’Anthéron du 24 juillet au 21 août 2015 Web: www.festival-piano.com Festival de Piano-Parc du Château de Florans 13640 La Roque d’Anthéron Tél. : 0033 442 50 51 15 Prix des places de 16 à 55 Euros. Programme - Le 27 juillet, une Nuit de musique de chambre, avec le Quatuor Modigliani et les pianistes Haochen Zhang et Jean-Frédéric Neuburger. - Le 1er août, une Nuit du piano à 4 mains et 2 a Marie-Josèphe Jude Monty Aleander - photo Crush Boone c t u a l i t é f e s t i v a l s rencontres photographiques d’arles Photographie traversée Les Rencontres arlésiennes de la photographie propose 33 expositions axées autour de six rubriques thématiques qui rendent compte notamment du décloisonnement des pratiques visuelles. Engloutie dans le régime indifférencié des flux imagés, l’image photographique est-elle aujourd’hui en mesure de recouvrir pleinement une singularité forte ? Désireux de suivre au plus près l’évolution de la photographie au fil des ans, le Directeur des Rencontres, Sam Stourdzé, charpente son programme sur plusieurs chapitresrubriques posant que la photo est au cœur de croisements et refigurations. Ce, de la simple influence au profond métissage avec d’autres disciplines et formes d’attraction promptes à l’enrichir, la subvertir ou la questionner. Ainsi Relecture se penche sur l’histoire de la photo, Résonances interroge les liens polysémiques avec d’autres champs culturels, Je vous écris d’un pays lointain se cristallise sur une topographie précise de la planète. Les plateformes du visible explore la photographie documentaire, alors que les Collectionneurs et Emergence (Prix Découverte) réaffirment que la photographie s’est permise, dès ses débuts, de sortir d’elle-même, du constat des choses, états, sujets et événements pour aborder d’autres horizons, l’introspection, l’analyse, la métaphore entre autres. Evans en magazines et dans le métro La partie historique promet une “redécouverte“, au fil de son travail pour les magazines, de l’œuvre de Walker Evans qui est, avec Alfred Stieglitz, Edward Weston et Paul Strand, l'une des figures majeures de la photographie américaine. L’homme définit les règles d'un style documentaire qu’il appliquera à l'environnement social et culturel de l'Amérique de son époque et à ses réalités quotidiennes : architecture, affiches et graffitis new-yorkais et bostoniens, paysans et fermes en Pennsylvanie notamment. Dans son approche méthodique, il s’éloigne résolument de l’introspection qu’il estimait romantique. Et s’inspire de Gustave Flaubert, mettant en avant naturalisme, réalisme et objectivité du traitement. Son regard s’identifie à une sorte de passion distanciée, entre recul et implication, sans la volonté de réaliser un livre noir a c t u des injustices criantes de son pays tout en restant critique de l’American Way of Live consumériste. On suit ici le travail d’Evans au sein de publications d'avant-garde et de magazines connus tels que Bazaar, Vogue, Architectural Forum, Life et Fortune. Fait rare, le photographe a réalisé une forme de journalisme indépendant et innovateur, fixant souvent ses propres missions, l'édition, l'écriture et la conception de ses pages. Ces “essais photographiques“ lui valurent une audience dépassant largement les espaces traditionnels du musée et de la galerie, ce dont rend remarquablement compte l’ouvrage de David Campany, Walker Evans : the Magazine Work, en dévoilant la manière dont celui qui chercha à donner à l’art des airs documentaires gagna en autonomie et réussit à gagner sa vie. Est aussi exposée sa célèbre série de portraits initiée dès 1938 dans le métro de New York grâce à un appareil dissimulé dans sa poche. Au pays du mensonge déconcertant En Corée du Nord, le régime dynastique des Kim (Kim Jong-il puis Kim Il-sung en juillet 1994, et enfin Kim Jong-un depuis décembre 2011) qui règne sans partage depuis 1945 repose sur un pouvoir concentrationnaire et de terreur. Ce dernier n’a pas hésité à affamer son peuple pour se doter notamment de l’arme atomique. La Hollandaise Alice Wielinga a réalisé le projet multimédia Corée du Nord, une vie entre propagande et réalité. Images officielles et prises de vue personnelles se mêlent pour mettre en crise une histoire qui déconstruit le mythe de « l’Etat le plus isolé au monde ». En avril 2013, au gré d’un périple dans le pays, étroitement « contrôlé par le gouvernement, mes guides n'ont pu cacher la pauvreté et les inégalités extrêmes qu'on peut y trouver. À travers la vitre du van, j'ai pu saisir un aperçu de la réalité nord-coréenne », explique cette lauréate du prestigieux concours Photo Folio Review 2014. Dès lors, elle n’aura de cesse de tenter de distinguer la réalité authentique de l’écran de fumée propagandiste a l i t transformant certains centres urbains en “village Potemkine“, en réécrivant l’histoire, à l’image d’Orwell dans sa dystopie 1984 et comme l’a aussi réalisé l’actuel gouvernement autoritaire tchétchène. Ce qui marque dès lors dans le travail de Wielinga est le fort Walker Evans, Labor contraste entre Anonymous, Detroit, 1946, magazine Fortune. des personnages Avec l’aimable autorisation Metropolitan Museum, du archétypaux, souNew York. riants et idéaux issus de la propagande et les visages et corps résignés pris lors du voyage de la photographe dans l’un des pays les plus déshérités d’Asie. C’est de cet entre-deux que témoigne sa réalisation. Paradis fiscaux Avec Paolo Woods, la photographie est un moyen d'investigation à la fois humain, social, historique et géopolitique. Du Delaware à Jersey, des îles Vierges britanniques à la City de Londres, Paolo Woods et Gabriele Galimberti nous immergent par leur réalisation Le Paradis. Rapport annuel, qui donne aussi lieu à un livre, dans un univers peu connu, objet de nombreux compte-rendus et investigations dans le cadre notamment du Conseil de l’Europe sans que rien ne semble évoluer notablement vers plus de justice fiscale au cœur de ce système de “kleptocratie“ bien organisé. Pendant plus de deux ans, le tandem a sillonné les centres financiers offshore (CFO) ou “paradis prudentiels“ qui incarnent une évasion fiscale jamais en manque d’imagination pour contourner les législations en vigueur ou en exploiter les failles. D’Apple à Google, ces paradis fiscaux questionnent avec acuité les relations entre public et privé, entreprises et Etats, nationalisation de pertes et privatisation d’un profit sans frein. Le tout dans une économie mondialisée qui a profondément dévoyé les fondements éthiques, moraux et sociaux des démocraties. Bertrand Tappolet Du 6 juillet au 20 septembre. Rens. : www.rencontres-arles.com é 33 f e s t i v a l s la bâtie - festival de genève 2015 Vous avez dit bizarre… Du 28 août au 12 septembre, les dernières soirées claires et chaudes de l’été seront rythmées par les habitudes festivalières de la Bâtie qui s’installera en ville de Genève, dans les communes et sa périphérie transfrontalière. 34 pas un simple jeu de name dropping publicitaire, mais un alléchant aperçu de la galaxie artistique convoquée par La Bâtie et délicieusement cartographiée « en un coup d’œil » en fin de programme. De quoi s’en mettre plein les mirettes ! L’ouverture des festivités se fera avec le spectacle chorégraphié par Gisèle Vienne, This is how you will disappear (2010) d’une parfaite maîtrise visuelle. Ou comment trois vies se retrouvent piègées au cœur d’une forêt trop dense et génératrice d’un fascinant chaos. Les 28 et 29 août au Théâtre de Carouge. Dans le même temps, Angelica Lidell explore non sans une vivifiante provocation la première lettre de Saint-Paul aux Corinthiens. Les corps ont la parole et la parole se fera corps. Une ferveur qui heurte les esprits. Comédie de Genève, les 28 et 29 août. Sans quoi, si l’inspiration est plus mélodique et aérienne ce soir-là, les Girls in Hawaii se produiront sur la scène du Théâtre Pitoëff pour le meilleur de la pop belge indie. Et pour suivre, à la Maison communale de Plainpalais, DJ Hell (alias «This is how you will disappear» © DACM-Seldon Hunt Helmut Josef Geler), une poinsera entourée de camarades de jeu qui ne sont pas ture de l’électro qu’on ne présente plus. Les 29 et 30 août, au Musée d’Ethnographie les derniers quand il s’agit d’engendrer le bizarre spectaculaire au sein de leurs créations. On de Genève, vous pourrez consulter l’œuvre d’art risque bien d’en ressortir un peu ébranlé, mais collective et thérapeutique imaginée par Oscar ravis d’avoir exposés notre perception sensible Gomez Mata, mystères de civilisations ancestrales… ! Le Cromlech (Psychodrame 4). du monde pour mieux l’appréhender. Du 29 au 31 août, Amir Reza Koohestani Thomas Ostermeier, The Divine Comedy, Benjamin Verdonck et Pieter Ampe, Barbara poursuit ses interrogations dans une université, Carlotti, Angelica Lidell, Stephan Eicher, TAO au cœur d’un dortoir de jeunes femmes. Hearing, Dance Theatre, Alain Platel, Jonathan ou la poursuite des illusions perdues par ce jeune Capdevielle, Koen Augustijnen, Aline, Simon Iranien qui mêle poésie et réalité, au Théâtre du McBurney, Miguel Gomes, Jérôme Richer, Loup. Yan Duyvendak fait confiance à la prose de Philippe Saire, Malcolm Middleton, Oscar Gomez Mata, Olivier Dubois, etc. Et ceci n’est Christophe Fiat, aux mouvements d’Olivier Théâtre, danse, concerts, performances, expositions, ateliers et projections viennent bousculer l’esthétique contemporaine, comme une immersion salutaire aux cœurs d’univers singuliers. L’occasion de faire le point sur les tendances artistiques du moment et les talents à découvrir, question d’ouvrir le bal des rentrées scéniques. D’abord, dans les feux de la rampe, la passionnante et déconcertante artiste Gisèle Vienne, est la grande invitée de cette 39e édition. Ses multiples projets sauront faire le nécessaire pour troubler nos repères et dénoncer les dysfonctionnements étranges de nos sociétés. Elle a c t u a Dubois et à la pop d’Andrea Cera pour concevoir une comédie musicale décadente, avant la disparition du monde, dans l’urgence du temps. Théâtre du Forum Meyrin, du 29 août au 1er septembre. Plus tard dans la soirée du 29, à la Maison communale de Plainpalais, la Mega Night 2 ou l’autocélébration délirante et puissamment électro du label Tigershushi Records et de son chef de file Joakim. Le 30 août au Pitoëff, et dans un style sensiblement différent, le concert hors-normes de Kumisho, l’ambassadrice musicale la plus connue des monstres kawall, créatures aussi mignonnes qu’adorables, en prise directe avec l’univers japonisant animé et adoré des enfants. Les 30 et 31 août au Galpon, la nouvelle création dansée de Nadia Beugré, artiste féministe engagée qui n’hésite pas à soutenir haut et fort les luttes des femmes qui se sont sacrifiées pour leurs droits, leur liberté et leur dignité. Legacy rend hommage à ces êtres d’exception. A la salle des Eaux-Vives, deux trublions contestataires de la scène belge, Benjamin Verdonck et Pieter Ampe, avec leur dernière création We don’t speak to be understood ou comment se mesurer aux Quatre saisons de Vivaldi dans une ambiance de barnum infernal et désopilant. Vous n’aviez encore jamais entendu les cordes orageuses du prêtre roux ! Les 31 août et 1er septembre. Le 31, le Mark Lanegan Band écrira encore une belle page de l’histoire du rock indé, avec cette voix de baryton graveleuse et chaude d’une figure emblématique de Seattle. Maison communale de Plainpalais. L’Abri. Federico Leon, le réalisateur et metteur en scène argentin dans un exercice de style étonnant autour d’une table de ping-pong. Face à son assistant, il donne à voir la conception en marche d’une œuvre naissante, pour une partie serrée dans le mental du créateur. Las Ideas. Du 1er au 3 septembre. Le 1er septembre, à l’Alhambra fraîchement réouvert, le concert très attendu de Stephan Eicher und die Automaten. La performance du Bernois, déjà saluée par ses pairs, est un rendezvous à ne pas manquer, celui d’un artiste malicieux face un backing band de robots, mais toujours dans les mots de Suter et Djian. La suite dans le prochain numéro pour détailler la seconde partie du festival. Jérôme Zanetta La Bâtie-Festival de Genève, du 28 août au 12 septembre Infos sur : www.batie.ch/ l i t é f e s t i v a l s sera interprétée sa Sinfonia pour deux pianos et percussions, et les Danses symphoniques pour deux pianos op. 45B de Rachmaninov; il sera accompagné par Bertrand Chamayou, piano, Emmanuel Curt et Daniel Ciampolini, percussions. évian, du 4 au 11 juillet Rencontres musicales Un cadre idyllique pour une série de concerts - 9 à La Grange au Lac et 6 au Théâtre du Casino - servis par une brochette de musiciens à la renommée internationale ou de jeunes musiciens ‘qui montent’, voilà ce que vous réserve la deuxième édition des Rencontres musicales d’Evian. Après une première édition, en 2014, couronnée de succès, les organisateurs, à savoir le Quatuor Modigliani, ont concocté un programme qui ravira les festivaliers, en associant pour la première fois de grands interprètes à des ensembles constitués (le Mahler Chamber Orchestra & Jennifer Johnston, l’Orchestre des Pays de Savoie & Fazıl Say…) ; et en célébrant un des plus grands quatuors de notre temps, le quatuor Emerson. Un autre point fort de cette édition sera l’hommage rendu à des complicités de longue date, avec les duos entre Maxim Vengerov & La Grange au Lac à 20h invitée à Évian, et qui reviendra sur la scène de la Grange au Lac lors du concert d’ouverture. Notons encore que le fil rouge de cette édition est la “Vienne du tournant du siècle“, ce qui permettra de faire découvrir ou réentendre des piliers de la musique postromantique. Théâtre du Casino, en journée Les festivités débutent en ce lieu le 4 juillet à 11h avec un concert ‘évian Talents’ et deux quintettes de Mozart No. 2 en do majeur K515) et Bruckner (en fa majeur WAB 112) servis par Yossif Ivanov, violon, Raphaëlle Moreau, violon, Léa Hennino, alto, Adrien La Marca, alto, et Christian-Pierre La Marca, violoncelle. Suivront le Trio Con Brio & Lise Berthaud, avec Schönberg, Beethoven, Schumann (6 juillet, 11h); puis Nicolas Baldeyrou, un des clarinettistes les plus demandés à travers le monde, qui sera rejoint sur scène par Gérard Caussé, alto, Edgar Moreau, violonQuatuor Modigliani © Sylvie Lancrenon celle, et Michel Dalberto, piano (7 juillet, 16h). Le 9 juillet à Itamar Golan, Gautier Capuçon & Frank Braley, 11h, Veronika Eberle au violon et Michail Lifits au piano vous serviront des Sonates de Mozart ou encore Sol Gabetta & Bertrand Chamayou. Et le jeune pianiste français Jean-Frédéric et Beethoven, pour terminer avec une Fantaisie Neuburger sera la figure ‘vivante’ de ces de Schubert. Un violoniste qui se produit sur les plus Rencontres musicales; les organisateurs lui ont en effet passé commande d’une œuvre qui sera grandes scènes est l’invité des Rencontres musicales : Nicolas Dautricourt sera accompagné créée lors du festival. Les jeunes musiciens ne seront pas oubliés, pour l’occasion par Julian Steckel, violoncelle, puisque les talents de demain seront au rendez- et Jean-Frédéric Neuburger, piano, dont l’œuvvous. Qu’on en juge : Edgar Moreau, Veronika re commandée par les organisateurs sera créée Eberle & Michail Lifits, Adrien & Christian- lors de ce concert (10 juillet). Jean-Frédéric Neuburger se produira égalePierre La Marca, ou la violoniste japonaise Sayaka Shoji, que Mstislav Rostropovich avait ment le 11 juillet à 16h, lors d’un concert où a c t u a l i t Le concert d’ouverture du 4 juillet réunira le violon de Sayaka Shoji, le violoncelle de Henri Demarquette, le piano de Jonathan Gilad, et le Quatuor Modigliani pour un programme Mozart, Brahms, Mahler et Schumann. Par la suite, et toujours dans le même lieu, on entendre la pianiste Vanessa Wagner (5 juillet à 15h) en compagnie du Chœur Accentus dirigé par Marc Korovitch (Schubert, Liszt, Reger, Wolf) ; le duo violoncelle-piano Gautier Capuçon & Frank Braley (5 juillet) avec des œuvres de Schumann, Beetoven, Webern et Debussy ; un autre duo, celui formé de Maxim Vengerov, violon, et Itamar Golan, piano, pour une interprétation d’œuvres de Elgar, Prokofiev, Brahms ou Ysaÿe (6 juillet). Le Quatuor Emerson se produira dans des œuvres de Haydn, Ives, Webern et Beethoven (7 juillet), avant le retour du Quatuor Modigliano en compagnie de Lawrence Dutton, alto, et Paul Walkins, violoncelle pour un programme Mozart, Dvorak et Schönberg (8 juillet). Le Mahler Chamber Orchestra, un ensemble de renommée internationale, sera dirigé par Antonio Méndez et accueillera la mezzo-soprano Jennifer Johnston. Au menu : Mahler et Wagner (9 juillet). L’avant-dernier soir, un remarquable trio sera sur la scène de La Grange au Lac : Baiba Skride au violon, Sol Gabetta au violoncelle et Bertrand Chamayou au piano, avec un menu Mendelssohn et Schubert (10 juillet). Le concert de clôture du 11 juillet rassemblera sur scène le pianiste Fazil Say et l’Orchestre des Pays de Savoie avec son chef Nicolas Chalvin; le menu servi à cette occasion est composé du Prologue de Capriccio de Strauss en entrée, du Concerto pour piano no. 23 en la majeur K488 de Mozart en plat de résistance et des Métamorphoses de Strauss en guise de dessert. Avec un tel programme et de tels musiciens, nul doute que cette deuxième édition des Rencontres musicales d’Evian rencontrera un vif succès. Viviane Vuilleumier Tous les détails vous attendent sur : http://www.rencontres-musicales-evian.fr/ é 35 f e s t i v a l s la chaise-dieu la côte-saint-andré On revient toujours dans l’abbatiale, au milieu des bois et des monts d’Auvergne. La prochaine édition du Festival Berlioz, dans le bourg natal du compositeur, à une soixantaine de kilomètres au sud de Genève, se veut éclectique. Sous la direction de Bruno Messina, avec toujours autant d’idées bouillonnantes et d’initiatives heureuses. été musical 36 Festival Berlioz Julien Caron, nommé directeur du festival en 2013, s’est inscrit dans les pas de ses prédécesseurs, Guy Ramona et Jean-Michel Mathé, tout en apportant bien sûr un souffle et une personnalité nouvelle à un festival qui fêtera en 2016 ses cinquante ans et sa cinquantième édition (ce qui est mathématiquement possible, le festival n’ayant pas eu lieu, un été, à l’époque lointaine où il se composait seulement d’une poignée de concerts). Il a par exemple mis au point un système de thématiques centrées sur des compositeurs : Bach, Rameau et Onslow (compositeur auvergnat !) en 2014, Bach de nouveau, mais aussi Haendel et Domenico Scarlatti cette année, tous trois nés en 1685. Outre de grands ouvrages (Israël en Égypte de Haendel par l’orchestre Les Siècles sous la direction de Geoffroy Jourdain, la Messe en si de Bach par la Chapelle rhénane), Julien Caron a souhaité faire entendre des artistes proposant des concerts inattendus. Ainsi, le jeune claveciniste Jean Rondeau jouera Scarlatti au clavecin et improvisera au piano à partir du même Scarlatti. Le Trio SR9, pour sa part, interprétera Bach aux marimbas, cependant que Max Emanuel Cencic viendra pour la première fois à La Chaise-Dieu à la faveur d’un récital célébrant l’art des castrats. Et un Concert royal de la nuit, le 25 août, reconstituera une fête musicale conçue par Mazarin pour célébrer la fin de la Fronde et l’avènement de Louis XIV : quatre veilles suivies d’un épilogue, le tout devant s’achever à minuit. Le Requiem allemand de Brahms dans sa version pour chœur et deux pianos, la musique écrite par Purcell pour la reine Mary II, La Création de Haydn dans une transcription pour chœur et instruments à vent sont d’autres jalons de l’édition 2015, sans oublier le « récital pictural » donné par Mikhaïl Rudy, qui va faire revivre une version historique des Tableaux d’une exposition avec des images de Kandinsky. Il est de coutume que le festival propose aussi de grandes œuvres du XIXe siècle, car les amateurs de musique symphoJan Willem de Vriend © Marcel van den Broek nique habitant l’Auvergne n’ont guère l’occasion d’entendre des concerts de ce type durant la saison. On a cité Beethoven et Moussorgski, mais l’édition 2015 proposera aussi une quasi-intégrale des symphonies de Beethoven (quasi, car l’été dernier furent données les Cinquième et Sixième Symphonies), toutes sur instruments modernes, avec des chefs aussi différents que Jacques Mercier, Alexandre Bloch ou Jan Willem de Vriend. La musique contemporaine ? « Mon prédécesseur avait mené une politique volontariste avec dix minutes de musique d’aujourd’hui au début de chaque concert, commente Julien Caron. Je plaide, moi, pour la rencontre entre la musique contemporaine et le répertoire, car je tiens aussi à m’assurer de la vie des œuvres nouvelles. » Ainsi, Philippe Hersant sera plusieurs fois à l’honneur cette année lors d’un concert de Sequenza 9.3 qui le confrontera à Bach, Dowland et Pärt, mais aussi sous les doigts du trio SR9. Cette année, la thématique s’axe « Sur les routes de Napoléon ». En raison du bicentenaire du retour de l’île d’Elbe, quand Napoléon traverse les Alpes, près de la Côte-Saint-André. Donc, Berlioz et Napoléon, mais aussi Beethoven, qui fait lien. L’ouverture se fait, le 20 août, par un banquet dans le style des banquets républicains de la Révolution, sur des musiques de Béranger, le chansonnier de l’époque. Le lendemain investit le théâtre antique de Vienne : pour le Te Deum de Berlioz, avec d’importantes masses chorales, dont six cents enfants chanteurs, et le Jeune Orchestre Européen Hector-Berlioz dirigé par François-Xavier Roth. Le samedi mène à l’abbaye de Saint-Antoine, avec le Concert Spirituel sous la direction d’Hervé Niquet et des œuvres de Plantade, Auber, Berlioz et le Requiem de Cherubini. Le dimanche retrouve la CôteSaint-André, avec John Eliot Gardiner et son Orchestre révolutionnaire et romantique, pour la Symphonie fantastique et sa suite du monodrame de Lélio, et Denis Podalydès en récitant. Le lundi soir, place au XXe siècle, avec Daniel Kawka et son Orchestre symphonique Ose, pour Ode à Napoléon de Schœnberg, Fanfares sur des proclamations de Napoléon de Jacques Castérède, et la Suite sur le Napoléon d’Abel Gance d’Honegger et Marius Constant. Le mardi soir reprend une thématique proche : 1812 de Tchaïkovski, Guerre et Paix de Prokofiev, Hary Janos de Kodaly, et le Concerto de Pierre Rode, violoniste contemporain de Berlioz, par l’Orchestre national de Lyon dirigé par Fabien Gabel. Le lendemain, Beethoven revient, avec la Bataille de Vitoria et l’Héroïque, en compagnie du Concerto « égyptien » de Saint-Saëns, par Angelich, avec l’Orchestre des Pays de Savoie sous la direction de Nicolas Chalvin. Le jeudi se livre à la création : Nabulio, un oratorio sur l’enfance de Napoléon en langue corse, musique de Jean-Claude Acquaviva et Bruno Coulais. Avec le chœur de polyphonies corses A Filetta, l’Orchestre de Poitou-Charente sous la direction de Jean-François Heisser, et un récitant, Didier Sandre. Vendredi, l’Orchestre de chambre de Paris s’associe à François-Frédéric Guy, piano et direction, pour une intégrale marathon des cinq concertos de piano de Beethoven. Samedi, l’Orchestre et Chœur de Lyon avec Leonard Slatkine pour deux pages rares de Berlioz, Scène héroïque et Sardanapale, achevées sur la IXe de Beethoven. Et le dimanche, en clôture, un écho au destin de Napoléon, avec la Symphonie funèbre et triomphale de Berlioz, par l’Orchestre de la Garde Républicaine. Le festival se ponctuera aussi de petits concerts : Harold en Italie dans le version Liszt, des pièces pour guitare, un récital d’orgue, des concerts ayant pour thématiques les routes de Pologne, d’Espagne, d’Italie, de l’Allemagne romantique. Sans oublier les Lunaisiens, qui pratiquent le répertoire du XIXe siècle des cabarets et autres goguettes. Pierre-René Serna Festival Berlioz, du 20 au 30 août. Tél. : 00 33 (0)4 74 20 79. www.festivalberlioz.com Christian Wasselin a c t u a l i t é f e s t i v a l s présentation Radio-France et Montpellier 1985-2015… le festival de Radio-France et Montpellier Languedoc-Roussillon fête ses 30 ans cette année ! Comme depuis sa création par René Koering, la manifestation met à l’affiche quelques raretés. 38 On note d’abord le retour dans la programmation d’un opéra proposé en version scénique dans la salle de l’Opéra Comédie pour trois soirées consécutives (15, 16, 17 juillet), il s’agit de Don Quichotte chez la Duchesse de Boismortier dans la production de Corinne et Gilles Benizio, alias Shirley et Dino. Les deux compères sont des habitués de la scène montpelliéraine – ils y ont déjà monté un bien déjanté King Arthur et La belle Hélène –, et le spectacle créé en début d’année à Metz puis Versailles convoquera à nouveau Hervé Niquet et son orchestre du Concert Spirituel, avec dans les rôles principaux Emiliano Gonzalez Toro, Marc Labonnette, Chantal Santon Jeffery. Bello, Michal Partyka, …, ainsi que Julie Depardieu en récitante. Autre pièce lyrique mais d’une plus grande rareté, La Jacquerie d’Edouard Lalo, ultime composition de l’auteur du Roi d’Ys, sera défendue le 24 par Véronique Gens, Nora Gubisch, Charles Castronovo, direction de Patrick Davin, concert en coproduction avec le Palazzetto Bru Zane Centre de Musique Romantique Française. Sarah Connolly © Peter Warren Autres soirées, le 21 la mezzo Sarah Connolly interprétera des chants de Zemlinsky, suivis de la 5ème de Mahler, un programme napolitain Corelli, Scarlatti le 22, ou encore le Petit bijou de Jacques Offenbach, Fantasio sera dirigé le 18 par Friedemann Layer et interprété par une somptueuse distribution : Marianne Crebassa, Jean-Sébastien Bou, Omo Katia et Marielle Labèque © Umberto Nicoletti Piano en vedette Une plus grande place est toutefois réservée au répertoire symphonique et instrumental dans lequel le piano se taille la part du lion : récital Fazil Say le 10, les sœurs Labèque accompagnées de percussions le 14, Boris Berezovsky dans une composition de Koering le 19, récital Piotr Anderszewski le 20, François-Frédéric Guy dans l’intégrale des concertos de Beethoven les 23 et 25. Michał Partyka © DR a c t u a concert de clôture le 25 avec la 9ème de Beethoven, direction de Christian Arming aux commandes de l’Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon et du chœur de l’Orfeon Donostiarra. François Jestin Programme complet sur : www.festivalradiofrancemontpellier.com l i t é MIGROSS L-CLAS E R U T L U C T N E POUR-C 16 au Victori aison 2015/20 SICS a Hall à 20 h Jeudi 29 octobre 2015 PHILHARMONIA ORCHESTRA LONDON Jeudi 26 novembre 2015 ORCHESTRE DE CHAMBRE DE L’ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE LA RADIO BAVAROISE 7 juillet - 4 août 2015 Jeudi 3 décembre 2015 ORCHESTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES Jeudi 21 janvier 2016 Concert lyrique Enrique Mazzola Ekaterina Siurina – Joseph Calleja Mardi 7 juillet à 21h45 ORCHESTRE SYMPHONIQUE D’INDE Jeudi 25 février 2016 CAMERATA SALZBURG Jeudi 17 mars 2016 ORCHESTRE NATIONAL DE RUSSIE Bizet Carmen Mercredi 8 juillet à 21h45 Samedi 11 juillet à 21h45 Mardi 14 juillet à 21h45 Concert symphonique Mardi 26 avril 2016 ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE ROTTERDAM Vendredi 27 mai 2016 ORCHESTRE DE PARIS Abonnement huit concerts à Fr. 166.- / Fr. 249.- / Fr. 332.- / Fr. 426.- / Fr. 510.Vente de billets par concert dès le lundi 14 septembre 2015 Billetterie: Service culturel Migros Genève, Rue du Prince 7, Tél. 022 319 61 11 Myung Whun Chung Martha Argerich – Nicholas Angelich Vendredi 10 juillet à 21h45 Concert des révélations classiques de l’Adami Organisation: Service culturel Migros Genève www.culturel-migros-geneve.ch www.migros-pour-cent-culturel-classics.ch Samedi 11 juillet à 18h Cour Saint-Louis Récital Nicolas Courjal Samedi 1er août à 18h Cour Saint-Louis Verdi Il Trovatore Samedi 1er août à 21h30 Mardi 4 août à 21h30 Concert symphonique Saluces.com - Licences 1-137284 / 2-1001992 - Visuel : Nathalie Verdier Bertrand de Billy Cédric Tiberghien Lundi 3 août à 21h30 www.choregies.fr tél. 04 90 34 24 24 fax 04 90 11 04 04 SAISON 2015-16 100% PERCUTANTE T 021 315 40 20 | WWW.OPERA-LAUSANNE.CH f e s t i v a l s pagné de son fidèle guitariste Eivind Aarset, formera un ensemble étonnant avec le musicien d'électro finlandais aux multiples pseudos Vladislav Delay, ainsi qu'avec le duo jamaïcain Sly & Robbie (Rhythm Killers), batterie et basse. à montreux du 3 au 18 juillet Montreux Jazz Tandis que le programme off s'avère très riche et que les grandes stars affichent complet (Lady Gaga, Lenny Kravitz, John Legend, Al Jarreau), la programmation du MJF cette année s'annonce brillantissime et plus équilibrée que jamais, entre jazz, figures marquantes de l'histoire de la musique, vedettes populaires, projets inédits et découvertes de jeunes talents. Sélections de quelques promesses. 40 Bonnes nouvelles ! Lionel Richie répond encore (Hello), Dianne Reeves chante que tout va pour le mieux (Better Days), et, du fond de son caveau familial, Toto est encore capable de chanter Hold the Line. La preuve : même si le groupe de la famille Porcaro s'est dissout suite au départ de son chanteur en 2008, si la maladie a finalement eu raison de Mike il y a tout juste trois mois, Toto vient de sortir d'outre-tombe son 14e album (Toto XIV). Abonnés du festival et de ses workshops, Chick Corea et Herbie Hancock ne sont pas prêts de perdre leur énergie communicative. Les deux musiciens qui ont commencé aux côtés de Miles Davis, figure tutélaire du Montreux Jazz (en fait, le premier a, en 1968, remplacé le second au piano dans le quintet du grand Miles) jouent ensemble depuis 1978, pour ne remonter qu'à leur composition commune Button Up. Chick a conservé sa préférence pour le jazz fusion tandis que Herbie, un des premiers à avoir joué du funk avec des synthétiseurs, n'a jamais renié Mozart. Autre héritier d'un pilier du jazz funk, le tromboniste Fred Wesley donnera un concert au MJF avec The New JB's, par allusion à The J.B.'s, nom de la formation mythique de James Brown dont Wesley fut le directeur musical - dans les années 70. Audacieux accords Tandis que Santana (Soul Sacrifice) fera vibrer les cœurs et pleurer les toujours nostalgiques de Woodstock (1969, faut-il le rappeler ?)-, plusieurs guitaristes iront de leurs cordes les plus sensibles (Georges Benson, Los Lobos). Cucurucucu ! Le MJF a concocté une a superbe surprise musicale : une soirée réunissant Gilberto Gil et Caetano Veloso. De nombreux autres projets spéciaux sont à mentionner, dont une soirée hommage à Paco de Lucia, un concert faisant jouer toute la famille Chedid (Louis, M - alias Matthieu, Joseph et Anna) et la rencontre inédite du Kronos Quartet avec le Trio Da Kali malien. Depuis ses débuts, le quatuor à cordes s'est distingué par ses importantes prises de risque. Toujours partant pour les projets les plus fous, il s'est notamment produit en concert avec le poète Beat Allen Ginsberg, David Bowie, Björk, Piazzola ou l'intellectuel Noam Les jazzistes Depuis quelques années, le Montreux Jazz, conscient de reproches liés à une certaine dénaturation de son nom, semble vouloir revenir à ses racines jazz, terme devenu fourre-tout au fur et à mesure que le festival a grandi. Privilégiant ainsi une programmation jazzy au détriment de stars populaires, il continue à opter pour une représentativité contemporaine et plutôt pointue du jazz. Pour preuves, la venue du contrebassiste de Philadelphie Christian McBride (Gettin' To It) - ici en trio -, ou celle de Jason Moran (Ten), pianiste de Charles Lloyd, Lee Konitz, Wayne Shorter ou Steve Coleman. En plus de David Sanborn, saxo indispensable à David Bowie, Clapton, Wonder ou Sting, un autre saxophoniste américain, Joshua Redman (Wish), accompagne à Montreux The Bad Plus (Never Stop) sur la même scène, au prétexte de jouer leur dernier album. Plus dépaysants, parce que farcis d'influences orientales, le contrebassiste israélien Avishai Cohen revient à Montreux avec son dernier album From Darkness, ainsi que le chanteur et joueur de oud tunisien Dhafer Youssef (Birds Requiem), entendu au Cully Jazz l'an dernier. Femmes de musique Kronos Quartet & Trio Da Kali © Lenny Gonzalez Chomsky. Il a collaboré avec des peintres et des DJ, et a composé les bandes originales des films Dracula, Requiem for a Dream, Heat... Une soirée à ne pas manquer donc ! Un autre habitué des projets décoiffants, Erik Truffaz, confrontera sa trompette au pianiste prodige Yaron Herman (Follow the White Rabbit) et aux claviers de l'électro norvégien Bugge Wesseltoft (It's Snowing On My Piano). Enfin, son compatriote, trompettiste de nu jazz, Nils Petter Molvaer (Khmer, Switch), accom- c t u a Peu de musiciennes parmi les susmentionnés, direz-vous ? Que nenni. Lady Gaga n'est pas la seule à vouloir rivaliser avec le crooner Tony Bennett (89 ans) pour un concert en duo. Les chanteuses qui donnent de la voix à Montreux s'illustrent chacune dans des registres très différents : Mary J. Blige (RnB), Sinéad O'Connor et Ruthie Foster (folk), Beth Gibbons (trip hop - ici avec son groupe Portishead) et Sophie Hunger (popblues). Frank Dayen Montreux Jazz Festival, du 3 au 18 juillet, www.montreuxjazzfestival.com. Rés. www.ticketcorner.ch. l i t é septembre musical s e p t e m b r e m u s i c a l entretien avec tobias richter A la recherche d'une dramaturgie originale Le Septembre Musical, qui a retrouvé son nom d'origine il y a quelque années seulement, fête cette année son 70e anniversaire. Pour son directeur actuel, l'occasion était trop belle d'affiner une formule qui a fait ses preuves au cours des éditions précédentes mais qui sera encore plus systématiquement exploitée cette année. 42 Aux côtés de grandes vedettes confirmées figurent à l'affiche divers noms de jeunes musiciens dont la réputation internationale n'est pas encore à la hauteur de leur réel talent. En outre, l'engagement d'un orchestre en résidence permet une programmation plus audacieuse qui répond parfaitement aux préoccupations de M. Richter. Interrogé sur les partitions mises à l'affiche des concerts du futur festival, M. Richter s'enthousiasme pour ce rendez-vous musical portant en lui les germes d'une grande idée qu'il tient à mettre en oeuvre en dépit des inévitables contraintes financières qui sont le talon d'Achille des instances artistiques dans le monde entier. Quels sont donc les points forts de cette future saison automnale ? lui ai-je demandé en préambule de l'entretien téléphonique qu'il a bien voulu m'accorder. La réponse fuse immédiatement: M. Richter : Il importe avant tout de conserver la confrontation entre artistes reconnus et musiciens à l'orée d'une grande carrière. Un festival comme le nôtre ne peut se contenter d'inviter des virtuoses que tout le monde s'arrache au prétexte qu'ils sont connus et que ce sont eux que le public veut d'abord entendre. La musique est un monde en mouvement perpétuel et il faut savoir rester à l'écoute des talents nouveaux qui s'imposent progressivement et que l'on portera aux nues dans quelques années. comme le Concours Clara Haskil, le Concours Tchaïkovski ou encore le Concours Geza Anda, une manifestation suisse moins connue de ce côté-ci de la Sarine. Notre chance est de pouvoir nous assurer la présence à Montreux des lauréats de ces compétitions pour offrir aux auditeurs la possibilité de se faire une idée de l'impressionnant degré de perfection technique et de maîtrise interprétative de ces jeunes artistes. Comment établissez-vous vos programmes, dans ces conditions ? - Il s'agit de développer une stratégie musicale qui soit propre à Montreux. Je me méfie des orchestres et ensembles de musiciens qui tournent l'Europe avec un même programme interprété de suite dans diverses capitales. Le pire ennemi de la vie musicale, c'est bien la routine ! Je préfère obtenir des artistes engagés un programme qu'ils conçoivent exclusivement pour Montreux, de façon à garantir une certaine fraîcheur dans l'interprétation. De plus, cela me permet d'infléchir le choix des œuvres exécutées et d'éviter que l'on se concentre chaque année sur les mêmes partitions les plus célèbres. Un exemple ? Prenez le programme du concert d'ouverture. Y figurent deux concertos de Bach pour piano et orchestre que Mikhail Pletnev a d'abord hésité à jouer. Je suis parvenu à le convaincre, car je tiens absolument à faire entendre Bach comme je l'aime, c'est-à-dire sur des instruments modernes destinés aux grandes salles dans lesquelles ces pages archi-célèbres sont le plus souvent interprétées. Je n'ai bien sûr rien contre la pratique de cette musique sur instruments anciens, mais le génie de Bach dépasse largement les effets de mode et je ne vois pas pourquoi une chapelle d'artistes baroques, qui ont parfois tendance à se comporter comme un groupe de religieux fanatiques, voire intégristes, défendant à corps et à cri leur conception du langage musical de leur idole, devraient faire la loi dans ce répertoire ! Et c'est d'abord pour Montreux que le grand pianiste russe s'est finalement décidé à travailler ces partitions... Quels avantages voyez-vous à l'engagement d'un orchestre en résidence comme l'European Philharmonic of Switzerland, après avoir engagé plusieurs années de suite le Royal Philharmonic Orchestra de Londres dans cette même fonction ? Un festival ne devrait pas se limiter à une série de concerts, encadrés par quelques verres bus en Le choix n'est-il pas ardu ? Certes, mais le festival, par tradition, a établi des liens de confiance avec différents grands concours internationaux, Les 27 et 28 août : Russian National Orchestra e n t r e t i e n s e p t e m b r e bonne compagnie avant ou après la soirée! Les orchestres qui viennent et restent à Montreux pendant une petite semaine sont appelés à se présenter hors les murs, face à des écoliers ou à des publics qui se tiennent habituellement à l'écart des salles. Un orchestre en résidence est toujours prêt à inviter des amateurs choisis à une séance de travail ou à s'investir dans divers programmes pédagogiques. Prenez cet orches- L'Orchestre National de France ou l'Orchestre Français de Jeunes ont déjà figuré plusieurs fois à l'affiche du festival montreusien, et je suis heureux qu'ils reviennent ici après une pause qu'il est légitime de considérer comme trop longue. En outre, l'Orchestre Français des Jeunes fait un contrepoint idéal à la présence de l'Orchestre Philharmonique de Suisse, car il est, lui, formé de jeunes musiciens qui n'ont pas Le 28 août à l’Auditorium Stravinski : Hartmut Haenchen tre suisse : il est composé de musiciens qui ont joué dans le Mahler Jugendorchester et qui ont dû le quitter lorsqu'ils ont atteint la limite d'âge, fixée à vingt-six ans en l'occurrence. Désireux de continuer à prolonger l'expérience de cette pratique commune de la musique en dehors des contraintes habituelles, plusieurs musiciens, pourtant souvent engagés dans de grandes formations orchestrales européennes, ont alors décidé de fonder cet European Philharmonic of Switzerland en se réunissant quelques semaines par année pour mettre au point une série de programmes qu'ils donnent ensuite dans le cadre de concerts publics. Dans ces conditions, il est plus facile pour l'organisation qui les engage de discuter la composition des programmes mis à l'affiche car cet ensemble n'a pas à se soucier d'une politique artistique dictée par les grandes marques de disques ou par des impératifs économiques draconiens. t r Avez-vous déjà quelques grands axes de programmation en réserve ? Cette année, je commence l'exploration des ouvrages de Saint-Saëns, qui sont injustement relégués dans les recoins les plus obscurs du répertoire régulier. J'aimerais également intéresser plus systématiquement le public à l'univers fascinant des grands concertos de piano russes, tels ceux d'Arensky ou de Rubinstein, par exemple. J'ai d'ailleurs eu la surprise de voir que même les artistes au talent confirmé s'intéressent de plus en plus à ces oeuvres moins connues et ne s'opposeraient pas, dans de bonnes conditions, à aborder ce type de répertoire !... Et c'est là que je vois une des missions essentielles d'une manifestation comme le Septembre Musical : celle de susciter des rencontres qui sortent de l'ordinaire entre interprètes et compositeurs. Et puis, je ne vous le cache pas, l'engagement d'un orchestre en résidence m'est d'autant plus précieux que je souhaite encore et toujours remettre la création contemporaine au milieu du village. Car la musique ne peut se contenter de ressasser ce qui s'est fait il y a plus de cinquante ou soixante-dix ans!... Propos recueillis au téléphone par Eric Pousaz Le 31 août au Château de Chillon : Quatuor Arod (Jordan Victoria, violon Alexandre Vu, violon - Corentin Apparailly, alto - Samy Rachid, violoncelle) Je tiens d'abord à respecter la tradition. n chefs d'orchestre actuels avec lesquels ils sont invités à se produire en salle. Et avec eux, aussi, il n'y a pas à craindre les préjugés engendrés par la routine ou le manque d'appétence!... encore acquis une expérience professionnelle au sein d'une grande formation. A l'image de ce qui se fait à Verbier, mais sur une courte période seulement, cette grande formation instrumentale offre la possibilité aux musiciens de se mesurer sur plusieurs mois aux plus grands solistes et Quelles sont les grands lignes de la politique que vous entendez poursuivre à Montreux dans les futures éditions du Festival ? e m u s i c a l e t i e n 43 s e p t e m b r e m u s i c a l aussi transcrit pour deux pianos, dédiée à Martha Argerich, la Suite de Cendrillon de Prokofiev. On doit également à Mikhaïl Pletnev compositeur une Symphonie classique, un Concerto pour piano, ainsi qu’un Concerto pour alto et orchestre, créé par Yuri Bashmet. Après avoir donné 4 Sonates de Mozart et le Concerto pour piano de Scriabine, en compagnie de Manfred Honeck et du Verbier Festival Orchestra cet été en Valais, Mikhaïl Pletnev jouera à Montreux les Concertos pour clavier BWV 1052 et 1056 de J.S. Bach, ainsi que le Concerto en ré majeur Hob. XVIII :11, la plus connue des œuvres concertantes pour clavier que nous a léguées Joseph Haydn. en ouverture du festival Mikhail Pletnev Fondateur du Russian National Orchestra, Mikhail Pletnev tiendra la partie solistique de concertos pour piano et orchestre de Bach et de Haydn, mais cédera sa baguette de chef à Hartmut Haenchen pour les deux soirées inaugurales de la 70e édition du Septembre Musical, les jeudi 27 et vendredi 28 août à l’Auditorium Stravinski de Montreux. 44 Né en 1957 à Arkhangelsk dans une famille de musiciens, Mikhail Pletnev devient à 13 ans l’élève de deux professeurs prestigieux, Jacob Flier et Lev Vlasenko, au Conservatoire de Moscou. Il obtient à 21 ans la médaille d’or du Concours international de piano Tchaïkovski de cette ville, ce qui l’autorise à entreprendre des tournées en Europe, au Japon, aux USA et en Israël, en solo ou avec orchestre, sous la direction de chefs aussi connus que Lorin Maazel, C.M. Giulini, H. Blomstedt ou Kent Nagano. Il fait lui-même ses débuts de chef en 1980. En 1988, Mikhaïl Gorbatchev l’invite à se produire lors du sommet des grandes puissances à Washington. En 1990, Mikhail Pletnev, grâce à la perestroïka, réalise un de ses rêves : créer le premier orchestre complètement indépendant du pouvoir politique de son pays. C’est le Russian National Orchestra, une formation appelée à se produire dans le monde entier, dans les grands festivals, et déjà présente pour deux soirs à Montreux l’an dernier. En 2000, Mikhaïl Pletnev jouait en soliste à Pékin, sous la direction de Long Yu, au concert inaugural de l’Orchestre Philharmonique de Chine, et l’année suivante, donnait son premier concert à Verbier, sous la conduite de Nagano. En 1993, Pletnev signait un contrat exclusif avec la Deutsche Grammophon, et peu après paraissaient les premiers CD : la 2e Symphonie couplée avec Le Rocher de Rachmaninov, Manfred et La Tempête de Tchaïkovski. On ne compte plus les enregistrements qui ont suivi ces deux premiers, tant ils sont nombreux et variés. Pianiste polyvalent, Mikhaïl Pletnev a a Hartmut Haenchen Mikhail Pletnev gravé entre autres des albums de sonates de Domenico Scarlatti, de Mozart, de Beethoven, des œuvres de C.P.E. Bach, de Schumann, de Liszt, de Grieg, de Scriabine, de Prokofiev, de Taneiev. Avec son orchestre, il a enregistré le Casse-Noisette, la Belle au bois dormant, et à deux reprises une intégrale des Symphonies de Tchaïkovski ( la plus récente en 2012-13 pour le label Pentatone), ainsi que des concertos de Haydn, des symphonies de Beethoven et de Chostakovitch. Il a aussi réalisé des transcriptions pour piano d’extraits du Casse-Noisette, de la Belle au bois dormant de Tchaïkovski, du ballet Anna Karénine de Rodion Chédrine. Il a c t u a Né à Dresde en 1943, Hartmut Haenchen a longtemps exercé son métier de chef d’orchestre en exRDA, d’abord à Zwickau, puis entre Dresde et Berlin-Est, avant de devenir en 1986 le directeur général de l’Opéra néerlandais, à Amstredam. C’est dès lors aux Pays-Bas qu’il déploiera l’essentiel de son activité, tout en étant l’invité régulier du Royal Opera House de Covent Garden, de l’Opéra de Paris et du Teatro Real de Madrid. Considéré comme un des plus fins connaisseurs de l’œuvre de Richard Wagner et de celle de Gustav Mahler, Hartmut Haenchen excelle aussi dans le répertoire baroque et classique, ce dont témoigne sa discographie, qui, échelonnée entre 1976 et 2014, compte plus de 135 CD et DVD réalisés pour divers labels. Hôte du Grand Théâtre de Genève en janvier dernier pour l’Iphigénie en Tauride de Gluck, il « a ciselé la partition en orfèvre, tout en finesse et en nuances, avec des colorations subtiles » (Claudio Poloni). A Montreux, le public du Septembre musical pourra apprécier son talent dans une Suite de la Water Music de Haendel, dans Bach, dans Haydn, et surtout dans les deux dernières symphonies de Mozart, celle en sol mineur K.550 et celle en ut majeur K.551, dite Jupiter. Yves Allaz l i t é s e p t e m b r e entretien : patrick peikert Concours Clara Haskil Patrick Peikert, directeur du concours, a bien voulu répondre à quelques questions au sujet de l’organisation générale de cette manifestation ainsi que sur le déroulement de celle-ci. m u s i c a l Zhang qui a gagné le premier prix en 2011 ne pensait pas mériter le prix, il a d’abord voulu continuer sa formation à Berlin. Son prix est toujours dans mon armoire. Cette année, il y a plus d’Européens et moins d’Asiatiques. Longtemps, les Japonais faisaient la moitié des inscrits mais n’arrivaient pas en finale. Maintenant il n’y en a que trois mais ils sont exceptionnels. On arrive ainsi à une moitié d’Asiatiques et une moitié d’Européens et Américains. Sur quelles œuvres vont-ils être sélectionnés ? Pas d’œuvres de virtuosité comme celles de Chopin mais un concerto de Mozart a été demandé en finale. C’est là qu’ils se montrent le plus vulnérable. Mais il y a aussi une pièce piano pour orchestre de Schumann, une introduction de concert allegro de dix minutes. Des œuvres qui dissuadent en général des candidats aux concours. Et comme Clara Haskil jouait aussi les compositeurs de son temps, nous avons demandé à Thomas Adès d’écrire un bis, une pièce originale pour le concours. Un compositeur très talentueux qui a donné en juin à Vienne sa création d’après La Tempête de Shakespeare. Tous vos lauréats sont-ils garantis de faire une carrière ? Orchestre de Chambre de Lausanne Quelle place occupe le concours Clara Haskil parmi les autres concours ? Ce sont des questions qu’on ne se pose pas. Notre concours a une certaine réputation mais c’est un concours de musiciens et c’est la musique qui compte. Nous n’avons jamais voulu en faire une compétition, nous ne sommes pas à Roland Garros. C’est par là que nous nous différencions des autres concours. Nous ne faisons pas dans l’esbroufe. Et notre répertoire d’œuvres n’est pas fondé sur la virtuosité. Nous n’avons qu’un seul prix de 25'000 FS et quelques prix annexes. Quelles sont les qualités essentielles d’un membre du jury, qui écoute pendant des heures d’affilée des musiciens de talents ? Il faut être passionné, connaître le répertoire, avoir le sens de l’écoute et bien sûr le sens critique, des qualités qui se développent avec l’expérience. On a dans notre jury un directeur d’o- e n t r péra (Antonio Moral de l’opéra de Madrid), quatre pianistes, un violoniste et deux organisateurs de concerts. Le concours peut être important pour le musicien car il lui fait gagner du temps, pour obtenir des concerts. C’est pourquoi nous avons aussi mis des organisateurs dans le jury car ils ont une vision plus pragmatique. Ils savent combien il est important qu’un musicien soit charismatique car un musicien qui ne plaît pas, ne sert à rien. Faites-vous attention à ce qu’il y ait un équilibre entre les nationalités et pas trop d’Asiatiques, toujours nombreux à se présenter ? La présence des Asiatiques est une réalité. Contrairement aux Européens ou aux Américains, ils travaillent très dur. Les premiers Chinois sont arrivés en 2011, il y en a eu quatre et c’est un Chinois qui a gagné le premier prix du concours. Les gens ont toujours l’impression que ce sont les mêmes. Le Chinois Chen e t i e Gagner le prix n’est pas une garantie pour la carrière. C’est très variable mais si on regarde l’ensemble des vingt prix Clara Haskil, il y en 6 ou 7 qui continuent de jouer et d’avoir une carrière internationale. Christoph Eschenbach par exemple, fait la carrière que l’on sait. Steven Osborne, premier prix 1991, fait une très belle carrière et il y a ceux qui deviennent des solistes invités un peu partout dans le monde, comme Till Fellner (prix1993) mais aussi Martin Helmchen (prix 2001). Ils ont les qualités requises. Mais c’est un métier difficile, comparable à celui des sportifs d’élite, qui exige une santé de fer. La Française Delphine Bardin, lauréate 1997, en sait quelque chose : trop de voyages, de pression, elle a préféré ne pas se lancer dans la carrière. Propos recueillis par Régine Kopp SAMEDI 29 AOÛT, 20h00, SALLE DEL CASTILLO Finale Concours Clara Haskil 2015 Orchestre de Chambre de Lausanne Christian Zacharias, direction n 45 s e p t e m b r e m u s i c a l tournées et enregistrements. A cet égard, outre de nombreuses pépites (dont un Pelléas et Mélisande inoubliable dirigé par Bernard Haitink*), Radio France vient de publier un coffret de huit disques qui raconte l'histoire de l'Orchestre National à travers quatre-vingts ans de concerts inédits et captivants.** C’est cette belle formation qui viendra jouer à Montreux en compagnie de Bertrand Chamayou, pianiste français qui, depuis une dizaine d’années, mène l’une des plus belles un jeune orchestre de quatre-vingts ans Orchestre National de France L’Orchestre national de France joue Humperdinck, Saint-Saëns et Berlioz, le 6 septembre, à l’Auditorium Stravinski de Montreux. 46 L’Orchestre national de France vient de fêter ses quatrevingts ans, et à ce titre, est le dépositaire d’une tradition d’interprétation toujours vivante. Il fut aussi le premier orchestre français composé de musiciens permanents. Certes, il y eut le Concert spirituel, la Société des concerts du conservatoire, les orchestres fondés par Colonne, Pasdeloup et Lamoureux. Mais le décret signé par le ministre chargé des PTT, Jean Mistler, le 18 janvier 1934, inaugura une nouvelle ère : il s’agissait de nourrir les ondes et de porter la bonne parole de la musique dans les foyers français. Aujourd’hui encore, bien évidemment, les concerts de l’Orchestre national sont diffusés sur les ondes de Radio France, et d’abord sur France Musique. On a cité le mot tradition. Un mot, pour Mahler, qui signifiait paresse et routine ; mais qui peut aussi désigner un style, une manière de faire, quelque chose d’irremplaçable. C’est à Désiré-Émile Inghelbrecht, premier chef titulaire, qu’échut le soin de fonder cette tradition. Il s’en acquitta avec brio, avant que d’autres, de Manuel Rosenthal et Roger Désormière à Charles Munch, jusqu’à Charles Dutoit, Kurt Masur et Daniele Gatti, ses plus récents directeurs musicaux, suivent ses pas mais tracent aussi de nouveaux sillons. Des fruits et des fleurs Au fil des saisons, l’Orchestre national a montré sa capacité à passer avec bonheur d’un univers à l’autre, et les chefs s’enthousiasment de l’élégance avec laquelle il aborde chaque partition. « La nature est belle partout mais les fleurs sont encore plus belles dans les prairies de l'Orchestre national », confia un jour Kurt a Orchestre National de France © Christophe Abramowitz Masur. Aujourd’hui, Daniele Gatti se félicite du son de l’orchestre qu’il qualifie de « palpable », de sa précision rythmique, de son désir de chanter : « C’est le seul orchestre du monde latin qui puisse aborder en même temps Verdi et Wagner avec le son qui convient ». Orchestre de répertoire, l’Orchestre national a aussi créé bien des œuvres majeures du XXe siècle : Le Soleil des eaux de Boulez (1948), Déserts de Varèse (l’un des derniers scandales éclatants de l’histoire de la musique, 1954) ou Jonchaies de Xenakis (1977) font partie de son palmarès, ainsi qu’un grand nombre d’œuvres de Dutilleux, de 1951, année de la création de la Première Symphonie sous la direction de Désormière, jusqu’au Temps l’horloge avec Renée Fleming et Seiji Ozawa (2009), en passant par L’Arbre des songes avec le concours d’Isaac Stern. Pépites et paysages Comme toutes les formations de premier plan, l’Orchestre national de France effectue c t u a carrières qui soient (il fut lauréat du Concours Long-Thibaud en 2001). Non pas en ressassant toujours le même répertoire, mais en s’imposant des défis : cette intégrale des Années de pèlerinage, par exemple, qu’il joua un peu partout en 2011 à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Liszt. Près de trois heures de voyage et de paysages musicaux, sans fatigue ni afféterie : trois heures d’envol. Christian Wasselin * Naïve. ** 8 CD Radio France/Ina, distr. Harmonia mundi. DIMANCHE 6 SEPTEMBRE, 18h00, AUDITORIUM STRAVINSKI Orchestre National de France Emmanuel Krivine, direction Bertrand Chamayou, piano Humperdinck - Prélude de Hänsel et Gretel Saint-Saëns - Concerto pour piano et orchestre nº 2 en sol mineur op. 22 Berlioz - Symphonie fantastique op.14 l i t é s e p t e m b r e m u s i c a l 47 Emmanuel Krivine @ Julien Becker Bertrnd Chamayou a c t u Le 29 août à la Salle del Castillo : Christian Zacharias a l i t é s e p t e m b r e m u s i c a l portrait Frank Dupree Il est né à Rastatt un an, jour pour jour, après la réunification allemande et incarne une nouvelle génération. Portrait d'un artiste décomplexé et non dénué d'humour qui va se produire au Château de Chillon. 48 Alors qu'il n'a pas encore vingt-cinq ans, ce pianiste a déjà réuni une expérience impressionnante. Sur les scènes les plus diverses et à de nombreuses reprises, ce concertiste s’est approprié un répertoire très étendu, et alternant entre le classique et le moderne. Très jeune, il a souhaité travailler le clavier; à 11-12 ans déjà, il a voulu en faire sa profession. Sontraud Speidel a été son professeur et son inspiratrice du début jusqu'à aujourd'hui. Certes, elle lui a appris à jouer, mais durant toutes ces années, elle a été pour lui une guide dans la musique, et dans les émotions : « Elle m'a aidé à grandir ». Un musicien hardi... et sans orgueil Si des pianistes choisissent de devenir chefs, c'est généralement dans la seconde partie de leur carrière. Pour Frank Dupree, les choses ont débuté tôt : « C'est chose amusante. Ma prof de piano qui a décelé mon intérêt pour ce domaine, m'a dit un jour: “Pourquoi ne dirigerais-tu pas? ” Et je l'ai fait, j'ai dirigé un petit ensemble, puis un orchestre de chambre, et enfin une formation symphonique. Bientôt je me suis retrouvé à être l'élève qui dirigeait le plus... et je n'avais que 14 ans ! » Piano et orchestre se sont très vite retrouvés associés dans sa vie : Le premier concerto pour piano de Tchaïkovsky a joué un rôle fétiche. A l’âge de 13 ans, Frank Dupree l’a joué avec l’Orchestre du Conservatoire à Nancy puis le SWR-Sinfonieorchester Kaiserslautern à la “Alte Oper“ à Francfort. De quoi lancer sa réputation ! Mais la partition du maître russe a été déterminante une deuxième fois : En juillet 2012, le jeune allemand a impressionné le public en conduisant ce concerto depuis le piano, avec le Young Generation Orchestra, phalange - forcément d'âge moyen jeune - qu’il avait fondée en 2010. Diriger depuis le piano est aujourd'hui un défi qui l'effraie (un peu) mais lui offre (surtout) beaucoup de joie ! Si ce parcours a de quoi époustoufler, le musicien se garde bien d'avoir “la grosse tête“. Il ne s'est jamais considéré comme un prodige, ses parents l'ont élevé comme un enfant normal: « J'ai joué au foot dans la rue avec les copains, fait des bêtises comme n'importe quel gamin, mais je n'ai jamais oublié ma passion pour la musique. Pour moi, faire de la musique, c'est rester humain. Et je crois que c'est très important. Il ne faut jamais oublier cette dimension. La musique a été composée par des personnes, et elle exprime des sentiments. On ne peut transmettre que des sentiments que l'on a aussi ressentis : l'amour, par exemple, mais aussi la déception, en somme tout ce qui fait la complexité de la vie », a-t-il expliqué à un journaliste allemand. Seul ou avec Edgar Moreau Le public de la Riviera vaudoise pourra applaudir l'artiste dans le monde du récital (7 septembre). Ce sera pour l'auditeur l'occasion de bien cerner son esthétique intérieure ! Egalement intéressante sera la soirée du 9 septembre, puisque l'interprète s'associera avec Edgar Moreau. Né à Paris en 1994, ce violoncelliste a déjà un impressionnant palmarès. La carrière de sa sœur Raphaëlle - elle étudie le violon à Lausanne - s'avère elle aussi prometteuse ! Une nouvelle famille Capuçon ? En 2013, Edgar Moreau a été nommé “Révélation soliste instrumental de l'année“ aux Victoires de la musique classique. Un concert donc offert par deux débridés ? Pierre Jaquet Lundi 7 septembre, Château de Chillon à 19h 30 Schubert - Wanderer Fantasie Gershwin - An American in Paris (transcription pour piano seul par Frank Dupree) Ravel - Miroirs Mercredi 9 septembre, Chillon à 19h 30 Avec Edgar Moreau, violoncelle Brahms - Sonate pour violoncelle et piano n° 1 Schumann - Fantasiestücke op. 73 Chostakovitch - Sonate pour violoncelle et piano, op. 40 Frank Dupree a c t u a l i t é s e p t e m b r e portrait : edgar moreau Les exemples Le violoncelle magique A vingt et un ans Edgar Moreau a déjà reçu un nombre important de distinctions et de prix. Nous ne mentionnerons que son prix du jeune soliste au Concours Rostropovitch de 2009, son 2ème prix au Concours Tchaïkovski de 2011, son prix pour la Révélation Soliste aux Victoires de la musique 2013, et sa Victoire Soliste Instrumental de 2015. Il est à l’affiche du Festival de Montreux le 9 septembre 2015 et à celle de la série Les Grands Interprètes le 22 février 2016 au Conservatoire de Genève, en tant que chambriste. Le jeune prodige a commencé le violoncelle à l’âge de quatre ans ! Ce fut SON choix et non celui de ses parents. Le hasard lui a fait rencontrer une petite fille qui prenait une leçon de musique dans une boutique d’antiquités, et ce fut le coup de foudre… pour son violoncelle ! Son père, voyant son enthousiasme, eut la présence d’esprit de demander le numéro du professeur, Carlos Beyris, et c’est ainsi qu’il fit ses premiers pas sur un instrument de la taille d’un alto, un violoncelle 1/8ème ! Très tôt le maître s’est rendu compte des facilités de l’enfant et lui a consacré pendant cinq ans beaucoup de temps et d’attention afin qu’il progresse rapidement. A sept ans, Edgar a décidé de compléter sa formation musicale par l’étude du piano, afin d’aller le plus loin possible. Après un Bac à quinze ans, il s’est consacré à la musique, avec le soutien de ses professeurs et de ses parents, qui n’ont pas reculé devant les risques que comporte une carrière artistique. L’instrument Mais pourquoi cette préférence pour le violoncelle ? Edgar Moreau le considère comme l’instrument le plus sensuel, qui transmet le plus d’émotion, et qui se rapproche le plus de la voix humaine, puisqu’il permet comme elle de façonner le son. Pour lui, le piano, qu’il apprécie et qui permet harmoniquement beaucoup, est complémentaire. Depuis 2009 il joue un David Tecchler de 1711, que son père a acheté il y a environ dix ans. Cet objet exceptionnel permet de tout faire, d’aller au-delà des limites ; c’est une chance, un bonheur que de pouvoir en disposer. A la question : « Federer a dit il y a quelques années qu’il s’étonnait parfois luimême ; êtes-vous aussi dans ce cas ? » Edgar e n t r m u s i c a l Lorsque qu’il était enfant, son idole Rostropovitch, Yoyo Ma et Truls Mork l’ont fait rêver. Aujourd’hui encore ce sont ses favoris, mais il écoute beaucoup moins d’enregistrements, car il ne veut pas être influencé, même inconsciemment. Il essaie d’interpréter d’après ce qu’il lit dans la partition. Les partenaires Edgar Moreau dit aimer rencontrer de nouveaux partenaires. Bien sûr il se produit souvent avec son ami Pierre-Yves Hodique, mais il a volontiers accepté de jouer pour la première fois avec le jeune pianiste Frank Dupree, proposé par l’organisation du Festival de Montreux, à qui Edgar fait une entière confiance. Le quatuor Edgar Moreau tient la partie du violoncelle dans le quatuor présenté par l’agence Caecilia sous le nom de Quatuor Capuçon. C’est pour nous l’occasion d’apprendre que le Quatuor Capuçon n’existe plus ! Le nom de la formation que vous entendrez le 22 février 2016 au Conservatoire de Genève est le Bush Project, d’après le nom du fameux Quatuor Bush à qui les musiciens ont décidé de rendre hommage en reprenant leurs programmes pendant quatre ou cinq ans. Quintettes et sextuors sont également prévus. Edgar Moreau © DR répond que non ! En tout cas pas en ce qui concerne la prouesse instrumentale, car pour lui, la technique est naturelle. Mais certains de ses succès l’ont surpris : il ne s’attendait pas à obtenir le 2ème prix au Concours Tchaïkovski, puisque son intention était surtout de passer le premier tour ! Il a compris après la compétition qu’à 17 ans, il avait atteint le niveau requis. Les professeurs Edgar dit avoir eu de la chance avec eux aussi. Carlos Beyris lui a transmis son amour de la musique par un enseignement ludique et l’approche d’un large répertoire. Xavier Gagnepain lui a apporté l’intellectualisation de la musique, la réflexion, la compréhension des partitions, avec pour but d’atteindre plus de profondeur ; Philippe Muller lui a appris à être vigilant quant à la justesse, à la qualité sonore, aux détails et Frans Helmerson lui a montré comment lier intellectualisation, perfectionnisme et amour de la musique pour donner plus d’ampleur à son discours. Une formation qu’ Edgar juge parfaite pour lui. e t i e Musique contemporaine Elle tient une belle place dans la carrière d’Edgar Moreau. Il n’y a selon lui que la bonne et la mauvaise musique, l’époque importe peu. Si une œuvre lui plaît, il n’hésite pas et se dit très disponible à la création. Le trac A-t-on encore le trac lorsqu’on dispose de dons si exceptionnels ? Oui, répond Edgar, tous les musiciens sont anxieux avant d’entrer en scène, lui y compris. Ce n’est pas une mauvaise chose car il faut être dans un état différent. Il est nécessaire cependant de contrôler le stress, afin qu’il devienne une énergie positive. D’après des propos recueillis par Martine Duruz MERCREDI 9 SEPTEMBRE, 19h30, CHÂTEAU DE CHILLON. Edgar Moreau, violoncelle / Frank Dupree, piano n 49 s e p t e m b r e m u s i c a l de zurich à montreux Concours Géza Anda Le Septembre Musical accueille, le 2 septembre à l^Hôtel des Trois-Couronnes, le lauréat du concours Géza Anda 2015 jouaient tout seuls. Le dernier candidat, l’Américain Andrew Tyson, a fait sensation. Il s’est emparé du concerto en prenant de grandes libertés. Il a proposé ses propres cadences. Ce qui n’est pas toujours du goût des jurés. Et bien cela a plu. Le jury, présidé par Jesús LópezCobos, a invité l’Américain et le Brésilien à continuer le concours. Nous aurions choisi le Français comme troisième finaliste, le jury a choisi le Russe. On se pose souvent la question du bienfondé de cette sorte de manifestation et on a tendance à critiquer les « bêtes à concours ». Toujours est-il que la participation à un concours de l’envergure du Concours Géza Anda fait progresser énormément les candidats, qui ont la possibilité de jouer avec un orchestre. Par ailleurs, la fondation du concours organise des concerts pour les lauréats pendant trois ans. Le concours a été fondé en 1978, deux ans après la disparition du célèbre pianiste hongrois, nos jours. Pour cette raison les œuvres du compositeur autrichien constituent une partie importante du Concours. Les demi-finalistes devaient interpréter un concerto de Mozart, accompagnés en l’occurrence par le Musikkollegium Winthertur. À la baguette, Theodor Guschlbauer. Un candidat ukrainien a ouvert cette étape du concours. Son jeu ne nous a pas convaincu. Il était un peu fébrile, courrait après l’orchestre, tapait trop fort sur le clavier. Il a interprété ce Premier Prix du Concours Géza Anda : Andrew Tyson © Priska Ketterer Premier Prix du Concours Géza Anda : Andrew Tyson © Priska Ketterer Premier Prix du Concours Géza Anda : Andrew Tyson © Priska Ketterer par son épouse. Il a lieu tous les trois ans. Cette année, le comité de sélection a reçu 99 candidatures de 20 pays, 27 jeunes pianistes ont été invités, dont 8 Russes et 5 Coréens du sud. Après une première audition, 14 candidats ont été sélectionnées pour le récital, lors duquel six jeunes pianistes se sont détachés du lot, comme par exemple le Français, Jean-Paul Gasparian, jeune candidat de 19 ans. concerto de Mozart comme si c’était du Beethoven. Le candidat suivant, le Brésilien Ronaldo Rolim, était tout le contraire, calme, souverain, on respirait l’air léger de Mozart. Le troisième jeune pianiste, un Hongrois, était très agile, presque un peu nerveux. Vu son jeu austère, il doit être un bon interprète de la musique d’aujourd’hui. Le jeune Français a fait très bonne impression. Son phrasé, très classique, mettait en valeur l’harmonie de la structure mozartienne. Suivait le Russe Aleksander Shaikin, un grand virtuose. On avait l’impression que ses doigts (Interprété pendant les récitals). C’est des USA qu’est venue la sensation : Andrew Tyson, élève de la célèbre Julliard School, a subjugué l’auditoire avec le 1er La finale Aleksander Shaikin s’est hissé à la deuxième place, avec un concerto de Brahms interprété avec virtuosité. Le Brésilien qui avait fait si bonne impression avec Mozart a raté son interprétation du 2e concerto de Rachmaninov. Il était souvent en désaccord avec l’orchestre (très bon, l’Orchestre de la Tonhalle dirigé par KarlHeinz Steffens). Il obtient le 3e prix et le prix de la meilleure interprétation de Schumann. 50 La demi-finale Les interprétations de Géza Anda des concertos de Mozart font référence encore de a c t u a concerto de Chopin. Son jeu, d’une sensibilité à fleur de peau, est très vivant, il dialogue librement avec l’orchestre. C’est donc une vraie personnalité qui remporte le Concours, un pianiste que l’on brûle d’impatience de revoir. Emmanuèle Rüegger l i t é f e s t i v a l ss e p t e m b r e entretien avec danilo pia European Philharmonic of Switzerland Après six années en résidence au Septembre Musical, Montreux-Vevey, le Royal Philharmonic Orchestra de Londres, cède sa place à un autre orchestre philharmonique, moins connu, plus jeune et gonflé d’ambition. Son nom, European Philharmonic of Switzerland, à ne confondre ni avec le Chamber Orchestra of Europe, ni le European Union Youth Orchestra. Ainsi en a décidé le directeur artistique du Septembre Musical, Tobias Richter, qui avait déjà montré avec l’édition 2014 et son invitation du Youth Orchestra of Bahia qu’un festival pouvait aussi poursuivre d’autres objectifs que d’inviter des phalanges prestigieuses, habituées à faire leur tour de piste et repartir vers d’autres horizons. Jusqu’à présent l’European Philharmonic of Switzerland n’existait pas vraiment sur la cartographie musicale suisse. L’édition 2015 portera cette formation sur les fonts baptismaux. e n t r septembre et 40 le 7 septembre ». Un orchestre aux couleurs de l’Europe, à caractère international, avec une vingtaine de nationalités différentes, une vingtaine de musiciens suisses mais le premier violon ne sera pas suisse, ajoute-t-il prudemment sans en dire toutefois plus. Conscient des difficultés de faire exister et tourner un orchestre, il souhaite que ce European Philharmonic of Switzerland soit « un orchestre de projets ». D’ores et déjà, même s’il en est le directeur, il dit « compter sur le soutien collégial, l’appui de musiciens auxquels il sait pouvoir faire confiance, qui seront autant de relais au sein de l’orchestre ». Sa ligne artistique sera « dans la continuité de celle du Gustav Mahler Jugendorchester » et le répertoire sera symphonique : Mozart, Beethoven, Mahler, Strauss, Wagner, mais se dit aussi ouvert aux grands compositeurs de XXe siècle. Direction Portrait A sa tête, un jeune homme bien de sa personne, dont toutes les mères rêveraient comme gendre, au parcours plutôt atypique. Né dans une famille où la musique fait partie de l’ADN familial, son grand-père maternel n’étant autre que Karl Richter, légendaire interprète de JeanSébastien Bach, et son frère, un violoncelliste aguerri, il suit tout d’abord une formation de violoniste au conservatoire de Bâle et obtient un diplôme de soliste. Cela lui ouvrira les portes de cet orchestre fondé par Claudio Abbado, le Gustav Mahler Jugendorchester, où il acquerra pendant cinq ans ses expériences de musicien d’orchestre mais établira en même temps quelques solides liens d’amitié avec d’autres musiciens, qui lui seront précieux pour la constitution de ce nouvel ensemble. Il décide ensuite d’entamer en 2009 une formation à l’Ecole des Hautes Etudes Internationales de Genève. A cela, il ajoute un passage de deux ans et demi dans une agence musicale à Zurich, et s’initie au métier d’assistant de metteur en scène à Dusseldorf, Londres et Bâle. Un parcours qui l’aidera dans sa nouvelle aventure, celle de la création d’un orchestre, qu’il peaufine depuis des mois. Lorsque nous l’avons rencontré, il a insisté sur l’idée à la base du Gustav Mahler m u s i c a l John Fiore, dircteur musical de l’orchestre © Alexander Basta Jugendorchester, tel que l’avait voulu Claudio Abbado , « réunir la jeunesse musicale dans un orchestre de toute l’Europe. Mais il y avait la limite d’âge de 26 ans, et beaucoup avaient envie que cette histoire musicale continue, malgré les difficultés dues au marché très compétitif des orchestres ». Jusqu’à présent il n’y avait pas de vraie structure juridique, mais des statuts ont été élaborés cette année. Ce qui compte, dit-il « c’est que nous avons joué ensemble pendant les dernières années » et de mettre en avant « l’enthousiasme des musiciens, l’atmosphère d’amitiés qui règne entre eux et un solide engagement », expliquant que « les musiciens avaient un cachet, que l’hébergement était pris en charge par les organisateurs mais qu’ils payaient eux-mêmes leur frais de voyage, l’essentiel étant de pouvoir jouer ». La plupart d’entre eux ont d’ailleurs des engagements dans de grandes formations symphoniques, comme les orchestres de la Tonhalle ou du Bayerische Staatsoper. Danilo Pia parle d’un orchestre à géométrie variable : « un pool de 160 musiciens, qui sera de 95 musiciens le 1er septembre, 80 le 3 septembre, 60 le 5 e t i e Mais alors pourquoi un nouvel orchestre ? « Diriger des musiciens qui se connaissent et partagent la passion de la musique est plus facile avec un orchestre de jeunes ». Il croit ferme à ce concept : « cela permet un autre niveau d’interprétation. Avec un orchestre plus institutionnalisé le programme est plus prévisible qu’avec un orchestre tel que nous le concevons, et sa volonté d’en découdre est très stimulante ». Comme directeur musical à la tête de l’orchestre, le choix , dit-il, s’est porté à l’unanimité sur John Fiore, attaché à l’opéra d’Oslo mais aussi invité au Métropolitan de New York et qui auparavant a été une dizaine d’années directeur musical du Deutsche Oper am Rhein à Dusseldorf. A l’opéra de Genève, en 2014, c’est sa direction de Nabucco qui a été très remarqué et à l’opéra de Zurich en février dernier, son interprétation tout en largeur et épaisseur dans Tristan et Isolde a été très applaudie. A partir du 28 août commenceront les répétitions pour les quatre concerts comportant des programmes qui ne donnent pas vraiment dans la facilité comme Pelléas et Mélisande, le poème symphonique d’Arnold Schönberg ou les Variations sur un thème original « Enigma » d’Edward Elgar. Ce sera aussi l’heure de vérité pour le European Philharmonic of Switzerland. Son directeur saura alors si son orchestre a des chances de rivaliser avec le Gustav Mahler Jugendorchester. Un modèle qui pour l’instant n’est pas pour lui déplaire ! Propos recueillis par Régine Kopp n 51 s e p t e m b r e m u s i c a l portrait Orchestre français des Jeunes Fondé en 1982, l'Orchestre Français des Jeunes a été dirigé successivement par Emmanuel Krivine, Sylvain Cambreling, Marek Janowski, Jesus Lopez Cobos, Jean-Claude Casadesus, Dennis Russel Davies. David Zinman a pris la relève cette année et c'est lui qui dirigera le concert du 8 septembre à l'Auditorium Stravinski. 52 Et si des chefs d'orchestre connus pour leur talent pédagogique ont été à la tête de cette phalange dont les membres tout naturellement sont fréquemment renouvelés, l'activité de l'ONJ est placée sous les meilleurs auspices puisque le conseil d'administration placé sous la présidence de Hugues Gall compte parmi ses membres des responsables d'institutions, ainsi Dominique Meyer, directeur de l'Opéra de Vienne, Laurent Bayle, directeur de la Cité de la Musique, Anne Blanchard, directrice artistique du Festival de Beaune, Didier de Cottignies, directeur de l'Orchestre de Paris ou encore Serge Dorny, directeur de l'Opéra National de Lyon. Âgés de 16 à 25 ans, les jeunes musiciens bénéficient donc pour certains d'entre eux d'une première expérience pour ainsi dire professionnelle débouchant sur plusieurs concerts, notamment à Montreux, au Festival de Besançon et à la Philharmonie de Paris. Il existe également des possibilités d'échanges avec d'autres formations du même genre dans d'autres pays européens, permettant ainsi de créer de nouvelles options de carrière pour les musiciens. Un de buts de cette brève formation consiste également à ouvrir des perspectives de réflexions concernant la pratique musicale, incluant la pratique de la médiation auprès de publics néophytes et donc de manière générale de former aux nouveaux aspects du métier de musicien. De même, soucieux de former aux divers aspects de la musique « savante », les jeunes interprètes sont également invités à pratiquer en formations de chambre et à collaborer avec des musicologues, metteurs en scène et comédiens dans le but de les inciter à développer une approche pédagogique au contact avec le public. De plus, depuis 2006 un ensemble baroque a été créé, dirigé actuellement par Leonardo Garcia Alarcon, répondant ainsi à une forte demande tant de point de vue des musiciens que du public pour un genre désormais très apprécié. Sélection Frank Fredenrich On peut imaginer que certains interprètes sélectionnés peuvent avoir une chance supplémentaire de se faire connaître auprès de ces responsables institutionnels, d'autant qu'il est probable que les concerts sont d'autres opportunités de se faire entendre par des professionnels pour ces jeunes musiciens encadrés durant trois semaines au Grand Théâtre de Provence d'Aix-en-Provence par une équipe pédagogique comprenant un « cadre » expérimenté pour chacun des instruments de l'orchestre. MARDI 8 SEPTEMBRE, 19h30, AUDITORIUM STRAVINSKI Orchestre Français des Jeunes David Zinman, direction (photo) Jean-Frédéric Neuburger, piano Berlioz - Ouverture : Carnaval Romain Beethoven - Symphonie n° 4 en si bémol majeur op. 60 Brahms - Concerto pour piano et orchestre n° 2 en si bémol majeur op. 83 David Zinman © Priska Ketterer a c t u a l i t é s e p t e m b r e m u s i c a l ce ». Qu’entendez-vous par là ? entretien Jean-Frédéric Neuburger C’est le pianiste dont on parle : âgé de seulement 28 ans, Jean-Frédéric Neuburger est réclamé sur toutes les estrades des concerts et festivals. Il sera à Meinier pour le Festival Amadeus le 2 septembre, et le 8 septembre à Montreux pour le Septembre musical. Deux concerts sous l’égide des « trois B », mais non pas forcément ceux que l’on croit. Entretien. Il est vrai que dans un concerto, il y a une confrontation, presque un combat, entre la masse orchestrale et le soliste. Mais le compositeur peut jouer sur deux tableaux au moment d’écrire son concerto : soit en opposition des deux parties, avec des réponses alternées, comme le Concerto pour la main gauche de Ravel, commencé par un grand tutti, une cadence, une autre cadence etc., où l’aspect effectivement corrida est très présent ; soit alors en mélange, en fusion, entre les groupes et le soliste, comme le concerto pour piano de Schoenberg, le concerto de Schumann… Et qu’en est-il dans le Deuxième Concerto de Brahms, que vous donnerez ?... Vous êtes Parisien, mais avez quelque peu vécu à Genève. Pouvezvous nous en dire plus ? On serait plutôt dans la fusion. L’aspect corrida comme je disais, l’opposition presque théâtrale, par grands blocs, est estompée. Sauf en de rares endroits. On penserait presque à une symphonie avec piano obligé. Dont témoigne aussi ses quatre mouvements ; et non pas trois comme dans l’héritage baroque d’où vient la forme du concerto, dont Vivaldi reste le modèle. Il y a ainsi une grande importance du dialogue avec l’orchestre. Avec de belles parties orchestrales, comme la partie de violoncelle qui fait le solo du thème du troisième mouvement. Après mes études à Paris, au Conservatoire, j’ai décidé d’aller étudier la direction d’orchestre. Et je me suis orienté assez rapidement vers la classe de Laurent Gay, excellent professeur et chef d’orchestre, qui enseigne à Genève et dont j’avais entendu dire le plus grand bien. J’ai ainsi passé trois ans entre Paris et Genève. Ce qui m’a permis de découvrir la Haute École de Musique, où par exemple j’ai rencontré Michael Jarrell, avec qui j’ai pris également des cours de composition. C’était un peu mes années genevoises, qui viennent juste de se terminer. Un ensemble de circonstances m’avait poussé à Genève, dont l’idée de découvrir de nouveaux horizons musicaux hors de Paris, et aussi, accessoirement, le fait d’avoir des amis dans cette ville. Venons-en à vos deux concerts, où vous retrouvez donc Genève et ses environs. Pouvez-vous tout d’abord évoquer le concert le plus proche, chronologiquement, celui dans le cadre du Festival Amadeus ? Les œuvres entourent l’œuvre finale et phare de ce concert, qui est le trio de Brahms pour violoncelle, clarinette et piano. Une de ses dernières œuvres. On sait que Brahms a rencontré la clarinette assez tardivement, et que c’était devenu une sorte de passion ; puisqu’il avait écrit ce trio en même temps que le quintette et les deux sonates. Ensuite, avec François Salque, violoncelle, et Raphaël Sévère, clarinette, nous avons décidé des pièces de la première partie. La première chose à laquelle nous avions pensé, c’est les quatre pièces de Berg pour clarinette et e n t r Jean-Frédéric Neuburger © Carole Bellaiche piano ; parce qu’il y a une relation évidente entre le romantisme tardif de Brahms et l’expressionnisme de ces quatre pages des débuts de Berg. Des bijoux, dans la pureté de la forme, la concision, qui annoncent Webern. Nous voulions aussi un duo entre violoncelle et piano, et nous sommes tournés vers la deuxième Sonate de Beethoven. Quant à la Sonate pour clarinette et piano de Bernstein, que je n’avais jamais jouée, c’est Raphaël qui me l’a proposé. Et j’ai sauté dessus, sachant en outre que le langage de Bernstein plaît toujours au public. Après ce concert de musique de chambre, vous vous lancez à Montreux dans un autre exercice, celui du concerto. Vous dites aimer « l’aspect corrida de cet exerci- e t i e Avec cette œuvre de caractère symphonique, nous nous trouvons cette fois au sein d’un concert symphonique. En compagnie de deux autres ouvrages, qui sont l’ouverture du Carnaval romain de Berlioz et la Quatrième de Beethoven. En dehors de la référence à trois B, que pensezvous de cette association ? Du bien, évidemment. J’approuve ce choix, qui ne m’incombe pas bien sûr, mais à David Zinman. Entre ce Beethoven et ce Brahms, il y a aussi un autre point commun, qui est la tonalité principale, Si bémol majeur. Et donc une atmosphère générale. Propos recueillis par Pierre-René Serna MERCREDI 2 SEPTEMBRE, 20h30, FESTIVAL AMADEUS. Raphaël Sévère clarinette, Jean-Frédéric Neuburger piano, François Salque violoncelle MARDI 8 SEPTEMBRE, 19h30, AUDITORIUM STRAVINSKI n 53 s e p t e m b r e m u s i c a l portrait Ivo Pogorelich Six ans après son mémorable récital de 2009, le pianiste Ivo Pogorelich sera de retour au Septembre Musical pour la soirée de clôture du festival, le jeudi 10 septembre à Vevey, à la Salle del Castillo. Son programme comporte des œuvres de Liszt, de Schumann, de Stravinsky et de Brahms. 54 D’origine croate, né à Belgrade en 1958, Ivo Pogorelich reçoit à 7 ans ses premières leçons de piano. A 12 ans, il suit à Moscou les cours de l’Ecole spéciale de musique, puis ceux du Conservatoire Tchaïkovski. A 17 ans, il devient le disciple de la pianiste géorgienne Aliza Kezeradze, qui avait été l’élève d’Alexandre Siloti, lui-même élève de Franz Liszt. Il l’épouse cinq ans plus tard et elle restera son mentor jusqu’à sa mort prématurée en 1996. Premier prix de deux concours, à Terni (Italie) et à Montréal, Ivo Pogorelich est éliminé en 1980 au second tour du Concours Chopin de Varsovie, ce qui provoque sur le champ la démission de Martha Argerich, membre du jury, qui s’exclame : « C’est un génie ». Rendu célèbre du jour au lendemain par cet esclandre, Pogorelich donne l’année suivante son premier récital au Carnegie Hall, ce qui fait dire au New York Times qu’il joue « avec un tel sentiment, une telle expression qu’il est à lui seul tout un orchestre, comme s’il avait 200 ans d’avance sur notre temps. » Le jeune pianiste signe avec la Deutsche Gramophon un contrat d’exclusivité et réalise une série d’enregistrements qui viennent d’être réédités dans un gros coffret de 14 CD. Quelques-uns ont valeur mythique. Ses gravures de Sonates de Scarlatti, de Gaspard de la Nuit de Ravel, du Concerto No 1 de Tchaïkovski avec Abbado, de Chopin, de Liszt, sont des références indiscutables. Sur scène, adulé par une partie du public et de la critique, Pogorelich, qui conçoit le piano à la fois comme une voix humaine et comme un orchestre aux multiples couleurs, sait mieux que personne capter l’attention de l’auditeur par la précision de son jeu, la richesse de sa sonorité et la puissance expressive d’interprétations qui s’ap- a puient toujours sur une réflexion approfondie sur le sens même de l’oeuvre. Il en résulte des exécutions très personnelles et différenciées, fascinantes pour les uns, déroutantes pour d’autres. La rupture et le retour A la suite du décès de son épouse en 1996, Ivo Pogorelich renonce presque complètement à se produire en public et n’enregistre plus de disque. « Je devais me réinventer », confiera-til au quotidien allemand « Die Welt » une dizaine d’années plus tard, au sortir d’un long silence, après avoir repensé, dira-t-il, toute sa technique. Mais les interprétations du pianiste croate restent sujettes à controverse, même à Montreux, où son récital au Septembre Musical de 2009 suscita aussi bien enthousiasme que réprobation, alors même qu’il était consacré à des œuvres de Chopin, de Liszt et de Ravel emblématiques de son génie. Reste que c’est un privilège de pouvoir entendre à nouveau cette année cet artiste si peu conventionnel, dont les concerts demeurent rares : six seulement en tout et pour tout cet été, de juin à fin août. Il faut dire que Pogorelich, qui se dit éternel insatisfait, est un artiste d’une grande sévérité envers lui-même, qui travaille en profondeur, cherche toujours à traduire ce que le compositeur avait en tête quand il composait, et ne prépare pour cela qu’un programme par année. Celui de 2015 - qu’il présentera donc à Vevey comprend Après une lecture de Dante de Liszt, la Fantaisie op. 17 de Schumann, Petrouchka de Stravinsky et les Variations sur un thème de Paganini de Brahms. A propose de ces Variations, Pogorelich déclarait dans un entretien accordé à Eric Dahan, journaliste à « Libération » (le 11.12. 2013) que selon lui « le thème avait été écrit de toute évidence sur une guitare, dont Paganini se servait en privé, et non sur un violon, ce qui implique qu’il doit être joué avec un caractère intime » Si les œuvres jouées à Vevey donnent lieu à des traductions s’écartant résolument des sentiers battus, sous les doigts de ce musicien hors norme, cela n’aura rien de surprenant. Relevons enfin le souci que Pogorelich a toujours eu de venir en aide aux jeunes musiciens. En 1986 déjà, il créait en Croatie une fondation à leur intention. Un festival en Allemagne (de 1987 à 1997), un concours en Californie, une autre fondation à Sarajevo, poursuivaient le même but.. Nommé ambassadeur de l’UNESCO en 1988, Pogorelich offre aussi à Lugano, où il s’est établi, un concert bisannuel pour promouvoir de jeunes talents. Yves Allaz JEUDI 10 SEPTEMBRE, 19h30, SALLE DEL CASTILLO Liszt - Après une lecture du Dante : Fantasia quasi sonata Schumann - Fantaisie en do majeur op. 17 Stravinski - Petrouchka Brahms - Variations sur un thème de Paganini op. 35 Ivo Pogorelich © Bernard Martinez c t u a l i t é Ce supplément a été réalisé par scènes " ' " & magazine Découvrez chaque mois dans nos pages : L’actualité culturelle d’ici et d’ailleurs Cinéma Concerts Expositions Théâtre Danse Livres Opéra Avant-Premières Entretien Critiques Mémento Le prix de l’abonnement annuel de 10 numéros de 96 pages est de CHF 100.-Abonnement France (10 numéros) à 100 euros Renseignements et abonnements : Scènes Magazine - Case postale 48 - 1211 Genève 4 Tél. (022) 346.96.43 / de France +41 22 346.96.43 www.scenesmagazine.com "# % ! "# e-mail : [email protected] $ # (# COMMANDE D’ABONNEMENT scènes magazine Nom Prénom Adresse Code Postal Localité Pays o un abonnement (10 numéros) à 100 SFrs / Europe : 120 Sfrs. / hors Europe : 140 Sfrs. o un abonnement France (10 numéros) à 100 € o un abonnement de soutien (10 numéros) à 100 SFrs à partir du N° A renvoyer à SCENES MAGAZINE CP 48 - 1211 GENEVE 4 - Suisse avec le règlement par chèque ou virement sur le CCP Scènes Magazine 12-39372-8 Date Signature " $" " ) SAISON1516 OPÉRA GRAND THÉÂTRE GENÈVE AU G THÉÂ ÂTRE DE GENÈV ÂT VE GUILLAUME GU UILL LAU AU UME E TELL GIOACCHINO GIO GIOACCHIN GIOA CHINO ROSSINI SINI DI DIRECTION MUSICALE J JESÚS LÓPEZ Z COBOS C CHŒUR DU GRAND THÉÂTRE ORCHESTRE DE LA SUISSE ROMANDE 11 > 21.0 21.09.2015 .09.2015 MI EN SCÈNE MISE DAVID POUNTNEY WWW.GENEVEOPERA.CH +41 22 322 22 5050 f e s t i v a l s festival de bellerive / genève 20ème édition Dans le cadre idyllique de la Ferme de Saint-Maurice surplombant le lac, avec les champs en premier plan et le Jura en toile de fond, le traditionnel rendez-vous musical donné par Lesley de Senger et son mari Gabor Takacs-Nagy accueille un public fidèle et averti. Ce sera du 6 au 16 juillet. A tout seigneur tout honneur, dans ce qui ressemble de plus en plus à une tradition bien établie, le festival s’ouvre et se clôt par des concerts symphoniques placés sous la direction de Gábor Takács-Nagy. En ouverture, l’Orchestre de Chambre de Genève sera rejoint par le violoncelliste István Várdai, tandis que le concert de clôture permettra d’entendre le Verbier Festival Chamber Orchestra avec le pianiste Zoltán Fejérvári. Poursuivant son exploration des Symphonies de Beethoven commencée l’année dernière avec les n°2 et n°3 “Eroica”, Gábor Takács-Nagy a inscrit au programme de cette année les n°4 et n°6 “Pastorale”. Dans l’intervalle, au gré de concerts de musique de chambre, les mélomanes voyageront de Vienne à la Russie, ou de Leipzig à l’Amérique latine, en compagnie de chambristes confirmés tels le violoniste Kirill Troussov, le violoncelliste István Várdai déjà nommé, ou le pianiste Julien Quentin, tous des habitués des lieux. L’occasion d’entendre des formations comme le Trio Dali, le Signum Saxophon Quartett ou le Quatuor Aviv. Une occasion à ne pas manquer si vous n’êtes pas partis en vacances, d’autant que les prix pratiqués sont plus que raisonnables pour un festival de ce niveau. Alexandra Conunova - Lundi 13 juillet à 20h30 : KIRILL TROUSSOV, violon, ISTVáN VáRDAI, violoncelle, JULIEN QUENTIN, piano, SIGNUM SAXOPHON QUARTETT RACHMANINOV Vocalise pour violoncelle et piano op. 34 N°14 RIMSKY-KORSAKOV Shéhérazade op. 35 TCHAIKOVSKY Trio pour piano, violon et violoncelle op. 50 - Mercredi 15 juillet à 20h30 : QUATUOR AVIV, SHANI DILUKA, piano LISZT Sonnet de Petrarque 104 Rhapsodie espagnole BRAHMS Quatuor à cordes op. 51 N°1 SCHUMANN Quintette pour piano et cordes op. 44 - Jeudi 16 juillet à 20h30 : VERBIER FESTIVAL CHAMBER ORCHESTRA, GáBOR TAKáCS-NAGY, direction, ZOLTáN FEJÉRVáRI, piano HAYDN Symphonie N°94, dite “Surprise” BARTÓK Concerto pour piano N°3 BEETHOVEN Symphonie N°6, dite “Pastorale” Christian Bernard Renseignements: +41 76 308 03 99 www.bellerive-festival.ch Location: [email protected] Programme - Lundi 6 juillet à 20h30 : L’ORCHESTRE DE CHAMBRE DE GENèVE GáBOR TAKáCS-NAGY, direction. ISTVáN VáRDAI, violoncelle ST-SAËNS Concerto pour violoncelle op. 33 PROKOFIEV Symphonie Classique BEETHOVEN Symphonie N°4 op. 60 - Mercredi 8 juillet à 20h30 : ALEXANDRA CONUNOVA, violon, KIRILL TROUSSOV, violon, BLYTHE TEH ENGSTROEM, alto, ISTVáN VáRDAI, violoncelle, ZSOLT FEJÉRVáRI, contrebasse, FINGHIN COLLINS, piano MAHLER Mouvement de quatuor avec piano SCHUBERT Quintette pour piano et cordes “la Truite” op. 114 BRAHMS Quintette pour piano et cordes op. 34 - Vendredi 10 juillet à 20h30 : TRIO DALI, ALEXANDRA CONUNOVA, violon, BLYTHE TEH ENGSTROEM, alto, JULIEN BLISS, clarinette SCHUMANN Trio pour piano et cordes N°1 op. 63 MENDELSSOHN Trio pour piano et cordes N°2 op. 66 MOZART Quintette pour clarinette et cordes KV 581 a c t u a l Finghin Collins © Colm Hogan Concerts en matinée - Dimanche 12 juillet à 11h30 : MICHEL TIRABOSCO, flûte de pan, ISABELLE MEYER, violon, BALáZS FULEI, piano, ZSOLT FEJÉRVáRI, contrebasse, MARTYNAS LEVICKIS, accordéon, SIGNUM SAXOPHON QUARTETT Oeuvres de PIAZZOLA, PEDRO ITURRALDE, JOAQUIN NIN, GORKA HERMOSA i t é 57 Chine, un opéra pour enfants d'Isabelle Aboulker (29 août, 16h30). les « variations musicales de tannay » Concerts au château Grands noms Cette année encore à l'été finissant, le château de Tannay offrira le cadre champêtre de son parc au plus classique des festivals des bords du Léman. Un rendez-vous incontournable pour tous ceux qui recherchent la qualité, le raffinement, en un mot le meilleur de la musique. Retour dans la cour des grands avec le violoniste Renaud Capuçon, un habitué de la manifestation qui, avec le pianiste Jérôme Ducros, proposera un programme de Mozart à Korngold (23 août, 17h). La jeune pianiste virtuose Laure Favre-Khan accompagnée par la voix de Ce festival n'a que cinq ans mais laisse augurer une ascension royale. Dès sa première édition en août 2011, il affichait déjà sa volonté d'offrir le meilleur de la musique avec des musiciens de haut vol comme le pianiste Alexandre Tharaud. On l'aura compris les « Variations Musicales de Tannay » sont en train de devenir l'un des maillons phares du paysage musical estival romand. Prestige Pour sa 5e édition, le festival qui se déroulera du 22 au 30 août 2015, a invité des artistes prestigieux tels que Renaud Capuçon, Boris Berezovsky, Anne Gastinel et Laure FavreKhan. C'est néanmoins la jeune violoncelliste Camille Thomas, révélation soliste instrumentale aux Victoires de la Musique en 2014 qui, avec l'Orchestre du festival constitué de musiciens de l'OSR, ouvrira les festivités sous la direction de Jonathan Haskell (11 août, 20h). Camille Thomas © Aline Fournier a Renaud Capuçon. Photo Marc Ribes © FLC- ADAGP Sous la tente du festival dressée sur la pelouse du parc, les concerts ont lieu par tous les temps et attirent mélomanes avertis, auditeurs néophytes, public curieux arrivant avec les enfants. Tous viennent pour écouter avec la même gourmandise des artistes de renommée internationale ou de jeunes talents promis pour la plupart à une grande carrière comme la jeune violoniste Alexandra Conunova, lauréate de nombreux concours internationaux et premier prix au Concours International Joseph Joachim Hannover en 2012. Elle se produira avec la Camerata Bern dans un Concerto pour violon de Mendelssohn (28 août, 20h). Les jeunes sont d'ailleurs l'une des priorités du festival qui propose l'entrée gratuite à tous les concerts aux enfants jusqu'à 16 ans et un concert qui leur est particulièrement destiné. Cet été, l'Ensemble Intermezzo et l'artiste Joan Mompart vont faire le bonheur des enfants et de leur parents avec Marco Polo et la Princesse de c t u a Charles Berling, offrira quant à elle, un portrait de Chopin (27 aout, 21h). Avant que le festival ne s'achève avec la talentueuse violoncelliste Anne Gastinel et l'Orchestre des Pays de Savoie dirigé par Nicolas Chalvin (30 août, 17h), le pianiste Boris Berezovsky s'annonce avec quelques pièces choisies de Grieg, Scarlatti et Stravinsky (29 août, 20h). Si vous recherchez le meilleur de la musique classique, les lieux d'exception, les artistes de haut niveau, une ambiance raffinée et conviviale, des tarifs abordables, le festival Les Variations Musicales de Tannay est fait pour vous. Kathereen Abhervé Variations Musicales de Tannay www.musicales-tannay.ch Réservation : www.ticketcorner.ch et aux points de vente ticketcorner ou par téléphone au 0900 800 800 l i t é f e s t i v a l s entretien François-Xavier Poizat Le pianiste franco-suisse François-Xavier Poizat, Prix spécial du jury au Concours Tchaikovsky 2011, dirige depuis sa création en 2010 le Festival Puplinge Classique. Il présente l’édition 2015 qui se déroule du 18 juillet au 22 août. Quels aspects du programme aimeriez-vous mettre en évidence ? Le 18 juillet, lors du concert d’ouverture, Luc Baghdassarian, chef bien connu à Genève, dirigera Le Carnaval des Animaux, une œuvre pleine d’humour. C’est donc à un humoriste très apprécié des auditeurs de la Radio romande, Thierry Meury, que j’ai fait appel pour être le récitant. Le 8 août, le Festival invite pour la troisième année consécutive l’Orchestre de chambre national d’Arménie qui s’arrêtera à Puplinge dans le cadre d’une tournée européenne. Le 15 août, la grande pianiste russe Anna Vinnitskaïa, dont le triomphe au Concours Reine-Elizabeth 2007 a marqué le début d’une carrière lui ouvrant les portes des salles les plus prestigieuses, donnera un récital qui sera à n’en pas douter un grand moment. Le 20 août, nous aurons le plaisir d’accueillir à nouveau l’Aviv Quartet qui avait donné en 2012 ce que je considère avoir été le meilleur concert de cette édition du festival. Ils donneront un concert Brahms avec Damien Bachmann pour le Quintette pour clarinette en si mineur, et j’aurai le plaisir d’être à leurs côtés pour le Quintette pour piano en fa mineur. Le concert de clôture le 22 août verra la venue pour la cinquième année consécutive de l’Orchestre des Jeunes de la Suisse Romande dirigé par le Quatuor Sine Nomine, avec en soliste le prodigieux Teddi Papavrami. Un autre grand moment en perspective! Pourriez-vous nous retracer l’évolution de Puplinge Classique, à l’évidence le jeune festival qui monte ? En 2010, lorsque le festival a été créé sous mon impulsion, il a proposé quatre concerts, l’occa- e n t r sion de se faire connaître pour de jeunes musiciens dont certains achevaient leurs études. Dès la deuxième édition la collaboration du Quatuor Sine Nomine nous a été assurée. Le développement a été effectivement rapide puisque dès 2012 nous programmons 12 concerts, à l’exception de 2014 qui a vu 17 concerts dont un au Victoria Hall, pour fêter notre cinquième anniversaire. Notre budget a ainsi doublé chaque année jusqu’en 2012 et depuis il augmente François-Xavier Poizat © F.X. Poizat annuellement d’une fois et demi. Nous pouvons ainsi proposer davantage de concerts-événements avec de grands interprètes. Une autre évolution est de faire une large place aux quatuors. Sinon nous restons fidèles à la formule d’un festival sur cinq semaines avec deux ou trois concerts par semaine, la moitié des concerts étant gratuits. Le pianiste que vous êtes a bien sûr des projets… pé en 2011. Je présenterai deux récitals et trois concertos de Mozart, Tchaikovsky et Prokoviev. Après ce sera deux concerts à l’Eglise SaintGermain à Genève avec la violoncelliste Nadège Rochat, les 5 et 6 juillet, puis le 1er Concerto de Chopin à Norderney en Allemagne le 22 juillet, et un récital à Foshan en Chine le 30 juillet. Sans oublier les concerts à Puplinge, avec Vladyslava Luchenko, violon et Beatriz Blanco, violoncelle, le 25 juillet, le pianiste de jazz Moncef Genoud le 18 août et l’Aviv Quartet le 20 août. Sinon mon troisième CD vient de sortir chez Piano Classics, consacré à des œuvres de Ginastera. On sait que le compositeur argentin est décédé à Genève en 1983, et le fait d’avoir eu le privilège de connaître sa veuve m’a encouragé à enregistrer une musique encore en bonne partie à découvrir. Propos recueillis par Christian Bernard u Samedi 18 juillet : Sébastian Jacot, flûte. Florence von Burg, violon. Thierry Meury, récitant. Luc Baghdassarian, direction. Orchestre des Variations Symphoniques (JS Bach, Hindemith, Saint-Saëns) u Mardi 21 juillet : Valentina Gheorghiu piano. Dinu Mihailescu, piano. Pascal Chenu, chant et piano. Niccolo Vacchi, saxophone (Brahms, Enesco, Rachmaninov) u Samedi 25 juillet : Vladyslava Luchenko, violon. Beatriz Blanco, violoncelle. François-Xavier Poizat, piano (Chostakovitch, Stravinski, Prokofiev, Rachmaninov) u Mardi 28 juillet : Sini Simonen, violon. Alexandre Foster, violoncelle. Jun Bouterey-Ishido, piano (Beethoven, Sandor Veress, Ravel) u Dimanche 2 août : Svetlana Makarova, violon. Estelle Revaz, violoncelle. Irina Chkourindina, piano (Villa-Lobos, Ginastera, Dvorak, Piazzolla) u Mardi 4 août : Emilie Weibel, violon. Darryl Bachmann, alto. Gabriel Esteban, violoncelle. Margarita Ilieva, piano u Samedi 8 août : Vahan Mardirossian, direction. National Chamber Orchestra of Armenia u Mardi 11 août : Tamara Smirnova, soprano. Iryna Gintova, violon. Anna Fedorova, piano (Beethoven, Chopin, Chansons populaires ukrainiennes, C. Franck) u Samedi 15 août : Anna Vinnitskaïa, piano (JS Bach/Brahms, Brahms, Chostakovitch, Prokofiev) u Mardi 18 août : Moncef Genoud, piano et batterie. François-Xavier Poizat, piano u Jeudi 20 août : Aviv Quartet. Damien Bachmann, clarinette. François-Xavier Poizat, piano (Haydn, Brahms) u Samedi 22 août : Tedi Papavrami, violon. Quatuor Sine Nomine, direction. Orchestre des Jeunes de la Suisse Romande (JS Bach, Honegger) Oui, je participe à nouveau au Concours Tchaikovsky de Moscou auquel j’ai déjà partici- e t i e n 59 f e s t i v a l s entretien avec martin engstroem, directeur Grandir avec les artistes... Le Festival de Verbier a atteint l'âge adulte après avoir célébré avec panache ses vingt années d'existence il y a deux ans. En quelques éditions, la manifestation a acquis une réputation qui dépasse largement les frontières de la Suisse et fait souvent la 'une' des rubriques musicales dans les revues spécialisées ou lors d'émissions de télévision consacrées à la musique classique. De plus, ses productions sont régulièrement programmées sur les écrans publics ou privés quand elles ne sont pas tout simplement rendues accessibles gratuitement en streaming sur divers sites. L'occasion semblait donc idéale de poser à son directeur et fondateur quelques questions sur l'évolution de ce festival hors norme. 60 La particularité de la manifestation valaisanne réside dans le volet pédagogique de ses programmes. Au fil des éditions passées, des centaines d'étudiants se sont en effet vus offrir la possibilité de se former dans le cadre de stages intensifs qui se déroulent pendant les dixsept jours de ce rendez-vous musical alpestre. En parallèle, les musiciens en formation sont invités à venir se mettre gratuitement à l'écoute des plus grandes vedettes du moment. Notre première question porte précisément sur ce volet des plus originaux qui constitue le socle artistique du Verbier Festival. départ un rendez-vous, une mise en commun de talents destinés à susciter la réflexion, favoriser le perfectionnement personnel et inviter à une confrontation stimulante de conceptions artistiques et de savoir-faire techniques divers. Quels sont les possibilités offertes ici aux jeunes talents de demain ? Il y a d'abord les deux orchestres constitués (le Verbier Festival Orchestra et le Verbier Festival Verbier s'est fait une spécialité de donner aux jeunes musiciens l'occasion de se perfectionner dans leur art tout en côtoyant les plus grands interprètes actuels de la musique classique. Comment procédez vous à la sélection des quelques élus invités à venir se former en Valais ? Martin Engstroem : Dès le départ, il m'a semblé nécessaire de faire quelque chose pour la jeune génération de musiciens classiques. La pratique de la musique, on le sait, est un art exigeant qui nécessite un long investissement en temps et en argent. Or, pendant sa période de formation, le musicien se sent souvent seul et, hormis les cours qu'il suit dans un conservatoire ou avec un maître particulier, il a parfois l'impression de livrer un combat inégal contre un monde dont les lois inflexibles le dépassent. Verbier a donc été dès le e Chamber Orchestra) qui proposent chacun une série de programmes complets sur la grande scène en plus de divers projets musicaux donnés dans des cadres plus intimistes. L'accès des musiciens à ces formations se fait sur concours où les exigences sont très élevées. Ainsi, plus de 1200 jeunes artistes ont participé aux auditions pour venir à Verbier et seuls quelques-uns ont été sélectionnés. Afin de donner un maximum de chances aux nouveaux venus, nous renouvelons le tiers des effectifs de l'orchestre chaque année, soit entre trente-cinq et quarante musiciens. Et il y a encore la formation réservée aux très jeunes talents ? En effet, nous constituons pour chaque édition du festival des académies consacrées aux divers instruments de l'orchestre auxquelles sont invités à participer des artistes encore trop jeunes pour se produire dans le cadre d'une formation qui part ensuite en tournée. Huit jeunes élèves sont ainsi appelés à venir à Verbier pour se perfectionner dans la pratique de leur art dans chaque catégorie d'instrument présent dans un orchestre symphonique. En plus des cours dont ils bénéficient et des possibilités de se produire sur scène qui leur sont offertes, ils peuvent assister gratuitement à toutes les manifestations au programme et emmagasiner une foule d'impressions qui seront utiles à leur formation future. Pour nous, le choix n'est pas toujours facile: pensez, par exemple, que non moins de deux-cent-cinquante pianistes avaient souhaité venir ici cette année, et nous n'en avons finalement conservé que huit!... Nous avons pourtant la satisfaction de voir que les résultats ne se sont pas faits attendre, si vous pensez qu'un Daniel Harding ou un Yannick Nezet-Seguin, par exemple, sont venus un été à Verbier pendant leur adolescence!... Où classeriez-vous le Festival de Verbier dans la longue liste de manifestations qui mêlent le pédagogique et l'artistique ? Parmi les meilleurs, et je le dis sans fausse coquetterie... De fait, les journalistes de la presse spécialisée nous octroient souvent la première place, avent les festivals d'Aspen, de Tanglewood ou du SchleswigHolstein. Mais l'important n'est bien sûr pas dans le classement, forcément toujours subjectif, du niveau de qualité de tels rendez-vous musicaux de formation. Il nous Martin T:son Engstroem © Fred Hatt n t r e t i e n f e s t i v a l s importe avant tout de savoir que les jeunes artistes que nous invitons se sentent ici à leur aise et progressent dans la pratique de leur instrument. Et il ne faut pas oublier que nous n'en restons pas au pur projet musical de ces étudiants. Dans la mesure du possible, nous essayons de leur trouver des bourses qui leur permettent ensuite de continuer dans la voie qu'ils se sont tracée ou de leur procurer l'accès à des instruments de bonne qualité, condition nécessaire à un vrai développement artistique. En outre, lorsque le talent d'un participant nous paraît vraiment prometteur, nous allons jusqu'à lui chercher un agent qui soit capable de favoriser son intégration dans les circuits assez fermés de la pratique musicale de haut niveau. Pour en venir à l'aspect purement artistique du festival : Comment concevez-vous vos programmes ? L'édition 2015 se caractérise par un nombre impressionnant de concerts donnés sur dix-sept jours et, à la vue de la liste des artistes invités lors des précédentes éditions, il semble que vous ayez carte blanche pour faire monter les plus grands interprètes du moment à Verbier ... La programmation de notre festival ne se fait pas selon un plan clairement défini. Je ne cherche par exemple pas à donner un thème précis aux divers concerts mis à l'affiche (comme cela se fait par exemple à Lucerne ou Gstaad qui misent cette année sur l'humour en musique). J'assume la totale subjectivité de mes choix et admets volontiers que je pourrais inviter Murray Perahia au lieu d'Evgeny Kissin ou Cecilia Bartoli au lieu d'Angela Gheorghiu! A vrai dire, je me laisse guider par mes coups de cœur et j'aime donner aux artistes qui me fascinent la possibilité de venir présenter au fil des ans les différentes facettes de leur art. Prenez le baryton-basse allemand Thomas Quasthoff. Il s'est bien sûr produit chez nous en tant que chanteur, d'abord. Et lorsqu'il a dû renoncer à se produire sur scène, je n'ai pas voulu me passer de ses services mais ai tenu à l'accompagner dans les nouvelles orientations de sa carrière, C'est ainsi qu'il a été invité à offrir au public une soirée de mélodrames et qu'il a également donné des cours d'interprétation; cette année, nous lui offrons même la possibilité de diriger pour la première fois un orchestre et des e n t r Pour rester sérieux : il importe de varier les plaisirs au maximum de façon à susciter l'intérêt, voire la surprise à chaque occasion. En outre, Verbier est et veut rester un lieu accueillant, où toutes les portes sont ouvertes. Celui qui le désire peut vivre des expériences musicales du matin au soir. Ce qui contribue à rendre unique l'expérience d'un concert à Verbier c'est la proximité des exécutants avec leur public et la présence systématique de musiciens en salle venus écouter leurs collègues et partager leurs coups de cœur avec les autres auditeurs. Verbier, c'est d'abord un festival destiné à un public curieux qui vient non pour entendre ce qu'il connaît déjà, mais pour découvrir ce qui fondera peut-être l'intensité de ses émotions artistiques futures! Votre festival a atteint l'âge adulte récemment. Quelles sont les perspectives d'avenir auxquelles vous travaillez, - s'il y en a ? En ouverture le 17 juillet : Joye DiDonato choeurs dans une grande passion de Bach. Le but n'est donc pas seulement pour moi d'aligner les grands noms pour rendre mon affiche aussi alléchante que possible; il s'agit plutôt de grandir avec les artistes en qui j'ai confiance et de les accompagner dans la découverte de nouveaux territoires artistiques. Pourtant, vous devez aussi songer à la mission pédagogique des orchestres formés pour la circonstance. Cela va de soi. Il est vital d'éviter une spécialisation à outrance dans le choix des répertoires et de veiller à faire alterner les partitions techniquement difficiles et celles qui nécessitent un travail de mise au point plus léger. Elektra de Strauss ou la Symphonie Résurrection de Mahler sont des sommets ardus à conquérir pour de jeunes musiciens et il convient de les distribuer avec parcimonie dans un programme aussi dense qui aligne autant de concerts sur si peu de jours. Il me semble vital de renforcer encore l'aspect pédagogique du festival en travaillant à l'élargissement constant des académies réservées aux jeunes musiciens. Mais je ne puis cacher le fait que les temps sont devenus plus durs pour nous comme pour toutes les institutions musicales du monde au vu des problèmes financiers toujours plus aigus qui se posent à nous sur un mode foncièrement agressif. Dans les premières éditions du festival, j'ai eu par exemple plaisir à programmer des rencontres inédites entre les musiciens et des acteurs de la trempe d'une Vanessa Redgrave, d'un Jeremy Irons, d'une Irène Pappas ou encore de Juliette Binoche. Je me souviens notamment d'une Médée sur un pâturage de la Croixde Cœur ou d'une Electre jouée en pleine forêt à la lueur des torches. Maintenant je dois être plus prudent pour éviter de mettre en péril l'équilibre du budget. Je m'accommode certes sans trop de peine de cette situation mais regrette tout de même ce temps où l'expérimentation n'était pas systématiquement freinée par les contraintes financières du moment.... Propos recueillis par Eric Pousaz Et puis, il y a le public!... Bien évidemment. Beaucoup de gens montent à Verbier pour toute la période du festival et je ne peux concevoir de leur imposer une intégrale des œuvres de Bruckner sur dix-sept jours!... e t i e n 61 f e s t i v a l s dirigera le concert de clôture avec un très attendu Château de Barbe–Bleue de Bartok. Retour également des grands chefs Zubin Metha et Valéry Gergiev. festival de verbier 2015 Une valeur sûre ! Le Festival de Verbier a 22 ans cette année et a depuis longtemps atteint sa vitesse de croisière. Si l’idée d’un festival de musique à la montagne était nouvelle en 1994, ce n’est plus guère le cas aujourd’hui et nombre de stations s’y mettent avec plus ou moins de bonheur. 62 Il fallait à cette époque une sacrée dose de courage et de culot à Martin T:son Engstroem pour lancer une manifestation de cette ampleur dans un endroit certes magnifique, mais culturellement désert. En plaçant immédiatement la barre très haut il a fait tout juste, malgré les risques financiers alors encourus. Aujourd’hui encore les artistes acceptent de venir à Verbier avec des cachets plus bas qu’ailleurs. Et si Verbier fonctionne toujours, c’est que l’idée de départ, qui consiste à faire harmonieusement cohabiter des master class avec de jeunes musiciens en devenir, des récitals, des concerts gratuits et de grands noms, n’a jamais été remise en question ! Les amateurs apprécient le choix proposé et les lieux d’accueil même si les conditions atmosphériques posent parfois problème dans la grande salle des Combins… Le public est varié et n’a nul besoin d’être très argenté pour aller à Verbier. On est loin de l’image élitiste qui colle encore et toujours à Lucerne. Surprises Cette nouvelle édition 2015 fera bien sûr la part belle aux meilleurs musiciens qui ont fait la Vive le piano ! Verbier a toujours entretenu un rapport étroit avec le piano et Daniil Trifonov, Denis Matsuev et Andras Schiff régaleront les amateurs avec des programmes surprenants. Faire réputation de Verbier ces dernières années. Mais à côté, que de surprises et de découvertes ! Le meilleur moyen est de se laisser guider par sa propre curiosité et l’on est en général très rarement déçu. Où alors peut-être déçu d’avoir raté un moment exceptionnel car nul n’a le don d’ubiquité, plusieurs concerts étant donné simultanément ! Certains jours l’offre musicale peut s’avérer pléthorique pour ceux qui ne veulent rien rater. Impossible bien entendu de mentionner tous les artistes et concerts mais les habitués des premières heures du festival noteront le retour attendu de James Levine, éloigné depuis plusieurs années des scènes et concerts européens pour des raisons de santé. Le festival et son orchestre de jeunes lui doivent énormément. C’est grâce à lui que dans les années 2000 la qualité de l’orchestre a vraiment décollé ! Thomas Quasthoff, autre pilier du festival, revient lui aussi, non plus comme chanteur mais comme chef d’orchestre avec la Passion selon St Matthieu de Bach. D’autres chefs réputés répondront présent et notre Charles Dutoit national, toujours directeur musical du festival, Andras Schiff © Birgitta Kowsky régulièrement revenir les mêmes artistes est une chose mais ne pas tomber dans la facilité d’une programmation trop convenue est aussi une marque de Verbier ! L’opéra a fait son apparition depuis plusieurs années déjà et l’on pourra entendre des extraits de Luisa Miller de Verdi, Barbe-Bleue de Bartok déjà mentionné et la Bohème de Puccini par les élèves de l’Académie. Cela nous mène aux récitals de Angela Gheorghiu et Katia Buniatishvili. Enfin, parenthèse cubaine avec le Buena Vista Social Club qui entame cette année une tournée d’adieu. Michel Perret Programme détaillé sur verbierfestival.com. Orquesta Buena Vista Social Club et Omara Portuondo © Alejandro Perez a c t u a l i t é f e s t i v a l s festival d’ernen 2015 De l’inouï Du 4 juillet au 15 août, le village d’Ernen se transformera en Musikdorf, pour un festival «petit, mais sophistiqué» qui, en février dernier, s’est vu accorder le Prix Doron. Aux côtés de Ruedi Lüthy, un médecin alémanique et… Bertrand Piccard ! Qu’ont donc en commun la paisible bourgade d’Ernen, l’aviateur Piccard et le docteur Lüthy ? Depuis 30 ans, la Fondation suisse pour le Prix Doron récompense des « actions remarquables dans les domaines de la culture, de l’intérêt général et de la science ». Alors que le monde entier suit le périple de Solar Impulse et se préoccupe des grandes épidémies frappant la société moderne (Ruedi Lüthy travaille auprès des malades du sida dans le sud de l’Afrique), Ernen offre de la musique. Celui qui prétend ne rien trouver dans cette programmation hautement innovante, ne sait pas apprécier ce cadre magnifique combinant baroque, montagnes et terroir… n'est franchement pas digne de prétendre au titre de “mélomane et bon vivant“ ! Encore moins à celui de “vacancier cultivé“, alliant avec plaisir repos estival et activités intellectuelles: conférences, lectures et diverses découvertes inouïes. A vos agendas donc, mélomanes-aventuriers, ce festival est pour vous ! Cette édition du Musikdorf s’articule en divers volets, évoqués au travers de personnalités et moments forts. Argentine ! En dehors de sa palpitante activité musicale (son disque Schumann lui vaut une comparaison avec Horovitz !), elle prépare… une licence de pilote, d’où le nom du trio : «SaintExupéry», qu’elle forme avec un… autre pilote, Lorenzo Gatto et Camille Thomas. Quant à Han Chi Ho, malgré son jeune âge (23 ans à peine), c’est un véritable marathonien des concours et festivals; il s’est formé en Piano La formule “piano“ est simple : “deux plus deux“; il y a deux pianistes déjà chevronnés et habitués (Konstantin Scherbakov et Pietro de Maria), ainsi que deux jeunes, dont le nom commence à se profiler, et qu'il faut absolument présenter ! La Valaisanne Beatrice Berrut une pianiste bien de chez nous, - et un SudCoréen, Han Chi Ho, forment une combinaison improbable, laquelle reflète pourtant bien l’esprit du festival. Née en 1985 à Genève, Beatrice Berrut a déjà dans ses bagages de nombreux prix indicateurs de son talent et sa polyvalence : Concours Eurovision pour les jeunes musiciens en 2002, prix Jean-Sébastien Bach à Wiesbaden ou encore prix Revelación octroyé par l’Association des critiques musicaux en a c t u Beatrice Berrut © Aline fournier Allemagne et a déjà côtoyé des grands. A Ernen, B. Berrut interprétera un programme varié qui unira Bach-Busoni, Chopin, Brahms, Liszt et Thierry Escaich, alors que le Coréen se lancera dans un récital de tubes pour clavier (de Beethoven, La Kreisleriana, et une poignée de préludes de Chopin). et leurs contemporains, parfois revus dans les couleurs du jazz) et interprètes-spécialistes, autour d’une table musicale richement garnie. Deux sopranos se font étoiles dans cette constellation de stars. Ana Quintans — interprète d’une belle palette de rôles d’opéra baroque, qui a travaillé notamment avec William Christie et Michel Corboz — et Maria Koehane, une cantatrice suédoise au large répertoire allant de la musique ancienne à l’univers contemporain. Musique de chambre en deux variantes Alors que la formule Plus est consacrée à deux compositeurs devenus sourds (inutile de préciser, il s’agit bien de Ludwig van Beethoven et Gabriel Fauré), la direction artistique du volet “Musique de chambre compacte“ a été confié au Quatuor Schumann, un ensemble dont on pourrait dire qu’il mérite largement son nom… s’il ne s’agissait pas du véritable nom de famille d’Erik, Ken et Mark Schumann, membres fondateurs du quatuor, trois frères originaires de Cologne qui ont invité à la collaboration une charmante violoniste estonienne, Liisa Randalu. “Une très haute intelligence émotionnelle“, ainsi qu’une “maîtrise technique suprême“ sont les deux qualificatifs amenant les critiques à affirmer que “le futur appartient“ à ces quatre archets. En invité spécial de ce volet, un autre Coréen, le pianiste Da Sol Kim, apportera son coup de (deux) mains dans le Quintette de Brahms. Avec ces profils d'interprètes, cette dernière partie de la programmation d’Ernen risque d’être la plus haute en couleurs, pour ne pas dire, la plus explosive… de quoi perturber le calme paisible du village hautvalaisan ! A tout cela s’ajoutent des projections (Unerhört ! Unerhört ? Unerhört…, un documentaire consacré au fondateur du Festival, György Sebök), des lectures et conférences, le séminaire d’écriture de Donna Leon et l’atelier bibliographique de Brigitte Boothe… De quoi se mettre à rêver d’acquérir un chalet à Ernen, ou, au moins en louer un — l’espace d’un été culturel — en ce lieu ! Beata Zakes Baroque Du 9 au 30 juillet, la programmation baroque du festival tourne autour du pastiche. C’est un véritable festin unissant compositeurs incontournables (Bach, Haendel, Purcell, Lully a l i t Programme et réservations: www.musikdorf.ch é 63 f e s t i v a l s entretien avec maryse fuhrmann Les Jardins musicaux de Cernier Le rendez-vous annuel estival du côté des Jardins musicaux annonce son lot habituel et surprenant d’œuvres classique et contemporaines. Les Jardins musicaux sont placés une fois de plus sous le signe de la musique d'aujourd'hui... 64 Avec son cortège de ressources, d’inventions, mais aussi de références au passé, la musique d’aujourd’hui est bien sûr le point de départ de la programmation. Mais chaque année, nous explorons aux Jardins Musicaux des aspects, des voies vers d’autres origines ou particularités musicales. Cette année, « l’assemblage » des œuvres qui jalonneront le Festival dévoilent un lien particulier avec l’écriture. Poèmes, texte théâtral, fragments d’écriture, livret ou références littéraires traversent la programmation. Cela nous réjouit car le décloisonnement des disciplines artistiques nous tient à cœur (notre lien avec l’Art brut en est un autre exemple) ; il apporte un éclairage, un angle de réflexion parfois plus accessible pour le spectateur - auditeur. Par ailleurs, nous essayons toujours de trouver une adéquation entre les œuvres et les interprètes… il me semble que cette édition s’en approche. Par exemple, le fabuleux JACK Quartet qui nous rejoint pour la deuxième année (on le retrouvera aussi au Festival de Lucerne). Après Nono et Xenakis l’année dernière, il interprétera The Alchemist et The Remedy of Fortune – cette dernière en création européenne - de John Zorn, ainsi que Livre pour quatuor de Pierre Boulez. Jeune phalange américaine, le JACK s’est formé aux côtés des Quatuors Arditi et Kronos. Sa virtuosité, l’énergie du son, la cohésion et la musicalité du groupe sont portés à la perfection. Il est l’interprète idéal d’un John Zorn, figure centrale de la scène musicale à New York, saxophoniste, compositeur et producteur, qui poursuit son exploration - parfois controversée mais toujours influente - en manifestant une défiance sans pareille devant les catégories académiques ! Le JACK sera aussi l’interprète rêvé du Livre de Boulez longtemps e considéré comme injouable. Autre exemple, le programme Happy New Ears avec les Sonates et Interludes de John Cage pour piano préparé, interprétées par Antoine Françoise, jeune pianiste neuchâtelois de grand talent. Roger Muraro nous revient. Ami de longue date du Festival, il y a interprété Messiaen, Berlioz, Ives et Debussy pour le plus grand bonheur du public. Cet été, complice de l’Orchestre des Jardins Musicaux, il jouera – une première pour lui - les Nuits dans les jardins d’Espagne de Manuel de Falla et un de ses grands classiques, le Concerto en sol de Maurice Ravel. Pour Philippe Albèra (qui présentera les concerts Happy New Ears et Livre pour quatuor), grand spécialiste de l’œuvre de György Kurtág, le cycle Kafka-Fragmente est l'un des chefs-d'œuvre de la musique récente. Avec cette composition fondée sur de brefs extraits de textes de Kafka, Kurtág nous conduit et nous guide dans le labyrinthe de pensées et d'émotions que constitue l’univers de l’écrivain. Caroline Melzer et Nurit Stark, qui viennent d’enregistrer les Kafka-Fragmente, en seront les magnifiques protagonistes. Les McGonagall Lieder (que nous avons intitulés Le Pont de la rivière argentée) est une œuvre très originale composée par le Néerlandais Robert Zuidam sur des poèmes de William McGonagall. Porteur d’une force inspiratrice extraordinaire, ce « poète de pub » écossais (une sorte de précurseur du slam au 19e siècle) a passé à la postérité comme « le pire écrivain de langue anglaise » ! Accompagnée par Valentin Reymond et l’Orchestre des Jardins Musicaux, la jeune soprano Katrien Baerts, qui a créé l’œuvre, en sera l’interprète. Une découverte pour le public… et la profession. Une adaptation française des textes, réalisée par Gilbert Pingeon, sera lue par Ahmed Belbachir. Il faudrait citer encore une bonne partie des œuvres et des interprètes que nous avons la joie d’accueillir à Cernier cet été : le prince du tabla, Sanju Sahai venu de Benarès, le Quartet de Daniel Humair, Nik Bärtsch, grand pianiste et compositeur zürichois, le rarissime Nocturne de Artur Schnabel sur un texte de Richard Dehmel, Ecuatorial de Varèse, Les Esprits Animaux avec Turcaria, une vision baroque des mystères et dangers de l’Orient etc… L'accent est parfois mis sur les artistes de la région... Mais oui, et c’est un choix parce que nombre de musiciens, plasticiens, metteurs en scène et techniciens de la région sont de merveilleux artistes ! Jack WQuartet @ Justin Bernhaut n t r e t i e n f e s t i v a l s Ainsi la grande partie des musiciens de l’orchestre sont neuchâtelois et suisses, plusieurs chanteurs, le metteur en scène Robert Sandoz, la scénographe Nicole Gredy, le directeur technique et éclairagiste Jean-Philippe Roy, plusieurs ensembles etc… Nous accueillons aussi le NEC (Nouvel Ensemble Contemporain) qui interprètera Secret Theatre, une grande réussite de Harrison Birtwistle. Patterson, Charles Johnston, Frédéric Gindraux et Grzegorz Rózycki sont réunis autour de l’équipe de l’Outil de la Ressemblance et dirigés par Valentin Reymond. Il y a désormais des ateliers... Cette démarche a été proposée et assumée, il y a trois ans, par Emilie Brisedou, musicienne et collaboratrice du festival depuis treize ans. La fréquentation de ces Ateliers augmente d’année en année. A ce jour, nous refusons déjà des classes ; nous sommes aussi très sollicités par les enfants et les familles. Avec la démarche De la sensibilisation à l’interprétation, Emilie a su tirer parti de la programmation de chaque édition et s’en inspirer pour intégrer les enfants à l’esprit du Festival. Y a-t-il des collaborations avec des institutions romandes ou suisses ? Cette été, ou plus tard dans la saison, nous collaborerons avec plusieurs institutions du pays, le Théâtre du Crochetan, le Parc régional Chasseral, le Stadt Theater de Bienne, la Cinémathèque Suisse, Cinemont (nouveau complexe de cinéma de Delémont), le Théâtre Benno Besson, Les Concerts de la Collégiale, la Lanterne Magique, le Théâtre du Passage, la Saline royale d’Arc et Senans, la Haute Ecole de musique de Genève-Neuchâtel etc… Les Ateliers des Jardins Musicaux sont des espaces d’expérimentation, de découverte et de création. Ils permettent aux enfants de partager l’effervescence du Festival. Des passerelles entre leur univers et la programmation du Festival sont créées spécialement pour eux. Cette année, pour la première fois, ils expérimenteront la scène non seulement pour en découvrir les coulisses mais aussi pour s’y produire. Katrien Baerts © Claudia Hansen Et cette année, retour d'un spectacle lyrique mis en scène par Robert Sandoz... C’est en effet le « retour » d’un spectacle lyrique. L’Opéra Décentralisé - qui produit les Jardins Musicaux - est né de cette forme de spectacle et nous y tenons beaucoup. Mais cela implique des moyens - toujours difficiles à réunir et probablement plus encore dans notre région. En coproduction avec la compagnie de Robert Sandoz, L’Outil de la Ressemblance, nous montons une rareté, le dernier opéra de Hindemith - compositeur injustement “mal aimé“ en Suisse - Le Long Dîner de Noël, sur un Livret de Thornton N. Wilder. Chaplin est une fois de plus à l'affiche : collaboration avec la cinémathèque... Eh oui ! Lors de cette édition, c’est La Ruée vers l’Or. Nous aurons abordé avec un immense plaisir – partagé par un public fervent - l’œuvre de Charles Chaplin, ses films muets qui rayonnent encore comme au premier jour. La collaboration avec La Lanterne Magique, la Cinémathèque et d’autres partenaires et fondations nous ont permis de sillonner la Suisse avec ces chefs-d’œuvre ; nous arrivons en fin d’année au terme de cette aventure (qui aura comporté une soixantaine de représentation) ; peutêtre aborderons-nous encore les quelques courts-métrages muets l’an prochain afin de terminer une intégrale de la merveilleuse musique de Chaplin. L’histoire raconte, en un seul repas, nonante dîners de Noël célébrés dans l’ouest des Etats-Unis. On y retrace la vie de quatre générations d’une famille de notables, les Bayard, leur arrivée dans l’Ouest, les pionniers, le développement de l’entreprise familiale, la notoriété, les guerres, la fortune, les naissances, les morts, les mariages... Propos recueillis par Frank Fredenrich Pour la distribution, voilà encore un exemple d’adéquation dont nous parlions tout-àl’heure. Ainsi, Jeannette Fischer, Clara Meloni, Frances McCafferty, Carine Séchaye, Stuart e n t r Antoine Françoise e t i e n 65 f e s t i v a l s les jardins musicaux de cernier Philippe Albera Le musicologue et professeur Philippe Albera donnera deux conférences cet été à Cernier, avant les concerts de musique contemporaine dont il va être question ici. 66 Les Kafka-Fragmente de Gyorgy Kurtag sont annoncés pour le 20 août. Il s’agit de l’une des plus grandes œuvres de Kurtag, nous dit Philippe Albera, un véritable chef-d’œuvre. Deux musiciens, une voix féminine et un violon nous embarquent dans un voyage extraordinaire de près d’une heure. Il n’y a pas de développement, ni d’emphase, pas de linéarité dans les textes éclatés, aphorismes ou bribes de phrases tirés du journal ou de la correspondance de Kafka. Musicalement, il y a une couleur et une intensité propres à chaque moment. Les idées musicales sont exprimées une fois seulement, ce qui contribue à la puissance de ces fragments, qui constituent un cycle fait de petites formes, comme un Caroline Melzer cycle de Lieder. C’est une musique basée sur l’expressivité (ce qui le distingue de Boulez), liée à la tradition, avec même des allusions au romantisme, et en même temps un élément populaire que Kurtag a conservé, contrairement à Ligeti. Dans le dernier « Lied » on passe du chant des oiseaux, évoqué par les aigus du violon ressurgis de la musique populaire, à la reptation des serpents, auxquels Kurtag assimile sa femme et luimême. Il y a toujours une distance ironique, très juive. C’est aussi une musique de l’élémentaire, des gestes bruts, du corps. Par exemple le thème de la marche, qui parcourt l’œuvre. Au début, « Les bons marchent d’un même pas », mais peu à peu les voix se décalent et tout ne « marche » e plus comme prévu. A la fin, on rampe ! La violence est aussi présente ; tout est construit, pensé, subtil, mais éclate parfois avec une force qui cherche à dépasser toute limite. L’érotisme, la sexualité font également partie des éléments constitutifs. C’est une musique qui aspire à la pureté en passant par l’impur. Kurtag est un compositeur tourmenté, juif hongrois qui a connu le nazisme, l’antisémitisme. Son écriture d’une exigence extrême est une lutte, un corps à corps : il faut mériter, gagner chaque note, qui doit être nécessaire. L’idéal serait d’atteindre la perfection en une composition de deux notes. Le minimalisme de Kurtag est proche de la parole rare de Kafka. Il n’a trouvé son langage que tardivement, vers l’âge de trente ans. Avant son séjour de six mois à Paris en 1958-59, il avait peu écrit, dans le sillage de Bartok. En retard sur son époque, il connut une crise qui l’amena chez la psychologue Marianne Stein. Elle lui conseilla de se concentrer sur l’élémentaire, ce qui fut en quelque sorte son salut : il revint de Paris avec le Quatuor à cordes No1, sa première œuvre officielle. Il y est encore proche du style de Webern, mais le coup d’envoi est donné. Il n’y aura pas de rupture, plutôt une continuation des gestes musicaux « traditionnels » : il transforme en réduisant, et conserve les notes et les rythmes (par opposition aux bruits et aux effets sonores). Philippe Albera connaît bien le compositeur. Il l’a invité plusieurs fois à Genève dans le cadre de Contrechamps, du Festival Archipel et de la HEM. « Happy new ears » C’est ce que John Cage lui-même souhaitait à son public, pour qu’il ouvre ses oreilles à la nouveauté, et c’est le titre choisi pour le concert du 24 août : Sonates et Interludes pour piano préparé. Environ cinquante minutes de musique jouée par Antoine Françoise sur un piano dont on n t r e a modifié le spectre harmonique par l’insertion entre les cordes de divers objets en bois, métal, gomme, grâce auxquels on obtient la sonorité des cymbales, des petites cloches, du tambour, du bloc chinois etc. Cage voulait que ce piano remplace un ensemble de percussions qui devait accompagner des danseurs mais ne disposait pas d’une place suffisante. Il a donc inventé ce nouvel instrument en 1940, pour des raisons pratiques. Les endroits où les objets seront situés sont indiqués précisément, mais chaque pianiste les place lui-même : des différences de quelques millimètres sont inévitables, et cela change les sons ! La plupart des touches du piano sont affectées. C’est une sorte de gamelan imaginaire. Cage a travaillé la philosophie indienne pour tenter d’exprimer les différents états émotionnels dans la recherche de l’harmonie, de la sérénité, de la douceur. Il veut une musique sans intention, l’inverse de Kurtag. Laisser vivre les sons, abandonner la volonté, le désir, dépasser l’ego, rechercher la sérénité, l’empathie, la fusion. Après les Sonates et Interludes il utilise des procédures de hasard. Par exemple, il repère les défauts d’une feuille de papier et leur position va déterminer celle des notes sur la partition. Même procédé à partir de la position des étoiles. Par ailleurs, le silence le fascine : il fait partie de l’œuvre. Cage lisait volontiers des textes en public, dont certains écrits par lui-même, faisant intervenir de fréquents silences au cours de la lecture. Anarchiste, écologiste, végétarien, mycologue, il reste en dehors du système. En 1949 il a rencontré Boulez, qui l’a présenté au public. Une amitié est née, confirmée par une abondante correspondance. Elle a pris fin lorsque Boulez a compris que Cage s’engageait dans une autre direction, attiré par le recours au hasard et par une philosophie musicale différente. Ce n’était pas acceptable pour Boulez, qui, parti de la musique sérielle, essaie de tout structurer, timbres, rythmes, durée, intervalles, dynamique. Pour lui, chaque élément a une fonction. Livre pour Quatuor Le 24 août, Pierre Boulez sera justement à l’honneur, en compagnie du compositeur John Zorn, dont deux quatuors seront à découvrir. Philippe Albera choisit de nous parler de Boulez, qui n’a pour lui aucun secret. Le Livre pour Quatuor est une œuvre austère, qui ne lui plaisait pas ! Il l’a réécrit pour orchestre à cordes, mais retiré cette version par la suite. En 2011 il n’y a apporté que quelques aménagements. L’un des mouvements n’est d’ailleurs pas jouable ! C’est de la musique pure, dans laquelle il a essayé de t i e n f e s t i v a l s trouver un substitut au langage tonal. Un peu plus tard il répond à Cage avec Le Marteau sans maître, après une autocritique et un dépassement de ses œuvres précédentes. Il y repense la série du point de vue harmonique. Après la guerre, le néo-classicisme domine. Mais Auschwitz et Hiroshima ne sont pas oubliés. C’est une époque tragique et les jeunes compositeurs radicaux ont une exigence éthique : on ne peut pas faire de la musique divertissante après ça, on doit reconstruire le langage sans s’appuyer sur la tradition, mais sur le phénomène sonore en soi (hauteurs, rythmes, intensité, durée, etc.) La musique ne sera responsable que par rapport à elle-même, ce qui ne signifie pas qu’elle ne produira pas d’émotions. Il n’y a pas de compromission possible : Boulez veut trouver un langage et déboucher sur une poétique qui fonctionne. Convaincu par le structuralisme, il estime que la structure crée la signification. Il veut que la musique vive de sa loi interne. Il n’y a plus d’objets qui portent en euxmêmes un sens, plus de figures de rhétorique. Il est proche des théories philosophique de Foucault, Deleuze, Derrida et accepte que les lois du monde se trouvent au-delà ou en deçà de l’homme. Il revendique la fin de l’anthropomorphisme et le refus de l’existentialisme sartrien. Les Jardins musicaux ont l’immense mérite d’avoir ouvert la programmation à la musique contemporaine, mérite dont une grande partie revient à Jean Prévost, associé à la direction artistique, et que Philippe Albera tient à remercier. Le public curieux de Cernier est friand de découvertes et les salles sont pleines. Dépêchez-vous donc de réserver vos places ! D’après des propos recueillis par Martine Duruz entretien Jeannette Fischer La soprano Jeannette Fischer est une habituée des Jardins musicaux. Domiciliée à Neuchâtel et professeur à Lausanne, elle participera cet été à deux spectacles inattendus à la Grange aux Concerts de Cernier. Le Long Dîner de Noël Martin Pring, Jeannette Fischer, Frances McCafferty, Stuart Patterson et Charles Johnson se partageront les « tubes » que sont devenus The Man I love, Embraceable You, Slap that Bass et Let’s Call the Whole Thing off, Jeannette Fischer ainsi que les hits de Porgy and Bess : Summertime, My Man’s gone Now, It ain’t necessarily so, I Got plenty o’ Nutting et A woman is a Sometime Thing. Jeannette Fischer ne voit pas d’inconvénient à chanter avec une voix de formation classique ce genre de musique, pour peu que l’on sache s’adapter au style jazzy des compositions de Gershwin. Il faut savoir oser des sons qui sortent du domaine classique, mais cette musique ne met pas en danger la santé vocale, même si elle se distingue de ce que la soprano a l’habitude de chanter. Au fait, que chante-t-elle ? L’opéra en un acte de Paul Hindemith sur un livret de Thornton N. Wilder sera d’abord représenté en création suisse le 25 août, puis repris au Théâtre municipal de Bienne le 28 août. L’argument est le suivant : au cours d’un dîner de Noël, 90 précédents repas sont évoqués. La vie de quatre générations d’une famille de notables est racontée : l’arrivée dans l’Ouest des EtatsUnis, le développement de l’entreprise familiale, les guerres, la fortune, les naissances, les morts… Une réflexion sur le temps qui passe. Jeannette Fischer y joue le rôle de Lucia 1, puis de Lucia 2. Jeune au début, elle est mariée à Roderick 1, donne naissance à deux enfants, Charles et Geneviève, vieillit puis meurt. Elle incarne ensuite le personnage de la fille de Charles (Lucia 2). La pièce de Wilder n’est pas une comédie, le sujet est sérieux, mais on remarque une certaine ironie qui, à l’occasion, peut faire sourire. Hindemith indique que les « morts » doivent sortir de scène par la porte noire, et les nouveaux arrivants par l’autre porte. Lorsque l’un des fils part à la guerre, il emprunte la porte noire et l’on devine qu’il ne reviendra pas malgré ses espoirs de prompt retour. Il y a des poncifs sur le temps qui passe… Ce court opéra d’une heure est rarement monté. L’histoire ne séduit pas, pense Jeannette Fischer, mais elle-même est fascinée par le thème des générations qui se succèdent, convaincues de faire mieux que les précédentes, et reproduisant toujours les mêmes erreurs, les mêmes disputes, les mêmes réconciliations. La musique est fraîche, par moments peu accessible, par moments lyrique. Elle rappelle Britten, mais en douceur. Les répétitions n’ayant pas encore commencé, la cantatrice est curieuse de savoir comment le metteur en scène s’arrangera pour la faire vieillir sur le plateau, qu’elle n’a aucune occasion de quitter pour une éventuelle transformation en coulisses ! Un répertoire particulier Soprano, léger au début et maintenant lyrique, Jeannette Fischer n’est pas attirée par les rôles de prima donna qui font rêver la plupart des divas. Elle préfère les rôles de caractère, les personnages qui ne sont pas « lisses » : certains se trouvent chez Rossini, dans les opérettes, chez Mozart (Despina, Papagena, Marcellina), Poulenc (Madame Lidoine), Humperdinck (la sorcière) ou même Debussy (Mélisande). Elle a adoré le personnage hors du commun de Gelsomina dans La Strada du compositeur belge Luc van Hoeve. Elle ne pratique pas la danse, ce que l’on pourrait croire après le légendaire grand écart dont elle a fait démonstration sur scène, mais beaucoup de sport : musculation, marche, escalade, escrime, judo, danse de salon. Sa souplesse est naturelle. Il est essentiel, pense-t-elle, de mettre le corps en éveil, car le chant n’est pas seulement une affaire de cordes vocales ! Crazy Girl KAFKA-FRAGMENTE Grange aux Concerts, Cernier, le 20 août à 19h Avec Caroline Melzer et Nurit Stark Crazy Girl annonce le programme, mais la comédie musicale dont seront tirés certains extraits chantés de la soirée a pour titre Girl Crazy, ce qui peut surprendre évidemment. Ce musical créé à Broadway en 1930 a fait de Ginger Rogers une star. Sous la direction de e r n t e t i D’après des propos recueillis par Martine Duruz e n 67 f e s t i v a l s agenda genevois Musiques en été Si les grandes institutions se reposent pendant l’été genevois, la musique, en revanche, ne part pas en vacances : la série des Musiques en été propose des soirées où des notes classiques, d’opéra, de jazz et d’autres partitions colorées agrémenteront les nuits de la bout du lac. 68 Notons d’abord la venue, le mercredi 8 juillet au Victoria Hall, d’Anne-Sophie Mutter au violon, accompagnée par Lambert Orkis au piano. Au programme : des sonates de Béla Bartók, Beethoven, Respighi, ainsi que la Tzigane – Rapsodie pour violon et piano de Ravel. Côté classique, Kazuki Yamada et l’Orchestre de la Suisse Romande ouvriront la saison estivale de la Ville de Genève le 2 juillet, sur la scène Ella Fitzgerald, avec au programme Le Lac des cygnes de Tchaïkovski, The Age of Gold de Chostakovitch, les Valses de concert No 1 et 2 de Glazounov et Circus Polka de Stravinski. Le 16 juillet, l’on retrouvera la Geneva Camerata dirigée par David Greilsammer dans la Cour de l’Hôtel de Ville. Elle accompagnera le contre-ténor Andreas Scholl pour un programme autour de Haendel, Schubert et Mozart, dont le Concerto pour piano No 27 sera exécuté au piano par Greilsammer lui-même. L’Orchestre des Continents, composé de jeunes musiciens des conservatoires suisses et asiatiques, interprétera le 25 juillet des partitions de Mozart, Debussy, Emily Koh et Schubert. L’Orchestre de Chambre de Genève se produira aussi le 4 août sur la scène Ella Fitzgerald. Dirigé par Arie van Beek, le programme comporte des airs de Mozart, Rossini et Donizetti, interprété par T. Gevorgyan, M. Jaermann, R. Ramgobin. Il Giardino Armonico, dirigé par Giovanni Antonini, viendra quant à lui le 11 août à la Cour de l’Hôtel de Ville pour accompagner la mezzo-soprano Marie-Claude Chappuis dans des œuvres de Monteverdi, Josquin de Prés et Gombert - entre autres. Côté musique de chambre, le Quatuor de Genève propose d’entendre le 9 juillet le Quatuor en sol mineur de Debussy, puis le Quintette à deux violoncelles de Schubert, grâce au renfort de François Guye. Le 14 juillet, David Grimal (violon), Anne Gastinel (violoncelle) et Philippe Cassard (piano – et animateur de l’excellent “Notes du traducteur“ sur France Musique) seront dans la cour de l’Hôtel de Ville a pour donner à entendre des trios de Chausson, Schubert et une création de Baptiste Trotignon. Le Quatuor Sine Nomine exécutera le 30 juillet au même endroit des quatuors de Haydn, Bartók et Beethoven. Enfin, le Quatuor Terpsycordes jouera le 13 août des œuvres de Haydn, Mendelssohn et Dvorák. Par ailleurs, le duo constitué par Elsa Grether au violon et David Lively au piano interprétera le 23 juillet des œuvres de Prokofiev, Copland et Ravel, tandis que le baryton Stephen Genz, accompagné par Michel Dalberto, envoûtera la nuit du 28 juillet grâce au Dichterliebe de Schumann. Côté récitals, deux pianistes sont à découvrir ou à réentendre. D’abord, Béatrice Rana interprétera le 21 juillet à la Cour de l’Hôtel de Ville la Partita No 2 de Bach, Pour le piano de Debussy, la Sonate No 2 de Chopin et La Valse de Ravel. Puis, Nelson Goerner jouera le 6 août la Chaconne de Haendel, la Fantaisie de Schumann, Deux poèmes op. 32 de Scriabine et des œuvres de Chopin. Mais l’opéra n’est pas en reste : l’Opéra de Chambre de Genève présentera les 7, 8, 10 et 11 Grégoire Maret c t u a juillet Pomme d'Api et Monsieur Choufleuri restera chez lui le... de Jacques Offenbach. Dans une mise en scène de Pierre-Emannuel Rousseau, Marion Grange sera Catherine (Pomme d’Api) et Ernestine (Monsieur Choufleuri) ; André Gass – Gustave et Babylas ; Richard Rittelmann Rabastens et Choufleuri. Franco Trinca dirigera l’Orchestre de Chambre de Genève qui promet d’être pétillant. L’été Jazz sera inauguré à la Cour de l’Hôtel de Ville le 6 juillet par le Brad Mehldau Trio, réputé pour ses improvisations. Le 13 juillet, l’harmoniciste genevois Grégoire Maret sera accompagné par divers musiciens, dont Jeff « Tain » Watts à la batterie. Soulignons ensuite la venue du Bill Frisell Quartet le 20 juillet pour une soirée dédiée aux grands guitaristes des décennies 1950-1960, ainsi que du Roy Hargrove Quintet le 27 juillet, pour une nuit de swing. Le 3 août, il faudra courir découvrir le jazz britannique avec Sons of Kemet, tandis que le 10 août Root 70 with strings propose d’entremêler tradition et modernité jazzy. La saison sera clôturée par Sun Ra Arkestra qui proposera un gratuit « cosmic jazz » le 14 août, sur la scène Ella Fitzgerald. Ne pas manquer toutes les autres couleurs musicales de l’été sur http://www.villege.ch/culture/musiques/ !!! Martina Díaz Andreas Scholl La Geneva Camerata dirigée par David Greilsammer donnera un concert exceptionnel le 16 juillet dans la Cour de l'Hôtel de Ville de Genève en compagnie du contre-ténor Andreas Scholl : au programme Mozart, Schubert, Haendel et Pärt. Un conseil : réservez cette date sans tarder. Faut-il encore présenter Andreas Scholl, l'un des plus célèbres contre-ténor de notre époque ? Son impressionnante carrière débutée il y a plus de vingt ans, est là pour nous en dissuader. Et pourtant, malgré ses succès à la scène comme au disque, dans l'opéra comme dans l'oratorio, le public qui le suit connaît sa réserve et sa grande modestie qui explique ce manque relatif de notoriété. Né en 1967 à Eltville en Allemagne, dans une famille de musiciens (ses parents sont chanteurs) il commence sa formation musicale à l'âge de 7 ans au Kiedricher Chorbuben, un chœur de garçons qui perpétue une tradition chorale vieille de six cent cinquante ans. De 1987 à 1993 il est l'élève de Richard Levitt et de René Jacobs à la Schola Cantorum et obtient un l i t é f e s t i v a l s contemporains), Cantates pour alto de Bach avec Herreweghe et le Stabat Mater de Vivaldi avec l'Ensemble 415 placé sous la direction de Chiara Bianchini, tous trois publiés par Harmonia Mundi. François Lesueur Andreas Scholl © Decca / James McMillan diplôme de musique ancienne. Dès 1988, il chante le répertoire baroque dont les Passions et les Cantates de Bach avec Jacobs ou Herreweghe, ainsi que des opéras de Haendel. Contre-ténor, il possède une voix dont le large ambitus est proche de celui de l'alto féminin, couvrant près de trois octaves et parvenant aux aigus en voix de tête ou en mixant voix de tête et de poitrine. Fasciné par Alfred Deller et fervent admirateur de James Bowman qui ont tant fait pour ce répertoire et ce type de voix aiguës et androgynes, Andreas Scholl travaille sa diction, perfectionne sa technique et profite du renouveau baroque pour se faire connaître grâce à des chefs tels que Christie, Gardiner, Coin, Minkowski ou Alessandrini qui explorent cette musique longtemps oubliée. Si Bach, Vivaldi ou Dowland lui permettent de s'illustrer dans un vaste répertoire où il développe ses aptitudes et sa sensibilité, il ne tarde pas à être programmé dans les opéras de Haendel, qui vont devenir ses œuvres de prédilection : ainsi aborde-t-il Arsace de Partenope à Glyndebourne en 1998, avant d'endosser celui de Giulio Cesare notamment à Lausanne et à Salzbourg avec Cecilia Bartoli en 2012, puis d'accepter l'invitation du Met pour chanter Rodelinda avec Renée Fleming en 2011(dvd Decca), également interprétée au Châtelet en 2002 avec Anna Caterina Antonacci, Christie à la baguette dans une mise en scène de Villégier. Après son concert genevois où il interprétera des airs de Haendel dirigés par David Greilsammer le 16 juillet, Andreas Scholl sera à Paris en décembre chanteur et chef d'orchestre pour des Cantates de Bach (TCE) et retrouvera l'opéra de Francfort en février et mars 2016 pour tenir le rôle-titre de Giulio Cesare avec Brenda Rae et Jamie Barton, dirigés par Erik Nielsen. Pour retrouver cet interprète au disque, son album Crystal Tears (airs de Dowland et de ses a c t u Le 16 juillet. GENEVA CAMERATA, dir. et piano DAVID GREILSAMMER, ANDREAS SCHOLL, contre-ténor (Mozart, Schubert, Haendel, Pärt) (rens. 0800.418.418 / loc. Maison des arts du Grütli / Espace Ville de Genève / Cité Seniors / Genève Tourisme) Stephan Genz Le baryton allemand Stephan Genz sera en concert à l'Hôtel de Ville de Genève le 28 juillet prochain accompagné par le pianiste Michel Dalberto. Au programme le Dichterliebe de Schumann et des extraits du Chant du cygne de Schubert, un rendez-vous à retenir et à ne pas rater. Bien que le baryton allemand ait à ses débuts beaucoup chanté l’opéra sur les plus grandes scènes, invité à Berlin, Paris, Milan, Strasbourg ou Lausanne, il s'est rapidement consacré au récital, devenant en quelques années un liedersänger de tout premier ordre. Né à Erfurten 1973, Stephan Genz démarre sa formation musicale en tant que membre du Chœur de l'Eglise de Saint-Thomas de Leipzig à 7 ans, avant d'intégrer la Faculté de musique de la ville et de devenir l'élève de Hans Joachim Beyer et de se perfectionner auprès de la mezzo Mitsuko Shirai et de son mari Harmut Höll à Karlsruhe à partir de 1994. Il suit ensuite les cours d'interprétation de deux éminentes personnalités du monde lyrique, deux géants du lied, Dietrich FischerDieskau et Elisabeth Schwarzkopf qui l'initient à l'art de la miniature. Les précieux conseils qu'il reçoit lui permettent de remporter plusieurs prix aux concours Brahms et Wolf, tout en se faisant remarquer par la critique belge en 2000 qui le sacre Jeune Artiste de l'année. Ses débuts au Wigmore Hall de Londres en 1997 sont un succès immédiatement suivi par une tournée aux Etats-Unis et dans toute l'Europe. Fin diseur, grand amateur de poésie, le baryton ne tarde pas à s’attaquer aux cycles allemands écrits pas Schubert (dont le a l i t Winterreise) et Schumann, se révélant un interprète très raffiné de Wolf. L'opéra de Strauss Capriccio lui offre un rôle en or avec Olivier, le poète amoureux de Madeleine et rival du musicien Flamand, qu'il chante en concert notamment à Mannheim en mai 1999 sous la direction envoûtante de Georges Prêtre, aux côtés de la merveilleuse Comtesse de Felicity Lott et du Flamand de Gregory Kunde (édité par Forlane). Ces dernières années on a pu l'entendre sur scène incarner Einsenstein dans Die Fledermaus au Bolchoï, dans Guglielmo de Cosi fan tutte à Baden-Baden avec Véronique Gens et Teodor Currentzis dans la fosse, et dans Papageno (Die Zauberflöte) à Cologne et à Genève, ainsi que dans le double rôle de Frank et de Fritz dans Die tote Stadt de Korngold, à Venise dans une mise en scène par Pier-Luigi Pizzi (dvd Dynamic 2009), œuvre dans laquelle il s’était fait remarquer en 2001 au Châtelet à Paris, auprès de Torsten Kerl et de Angela Denoke dans une production signée Inga Levant avec Jan Latham-Koenig dans la fosse. En dehors de ses activités musicales, le baryton enseigne depuis 2012 au Conservatoire National de Paris le répertoire allemand. stephan Genz Le 28 juillet 2015, Stephan Genz retrouvera son complice, le célèbre pianiste Michel Dalberto qui l'accompagnera à nouveau pour interpréter le Dichterliebe de Schumann, couplé à des extraits du Chant du cygne de Schubert, tous les des composés sur des textes de Heinrich Heine. François Lesueur Le 28 juillet. STEPHAN GENZ, baryton, MICHEL DALBERTO, piano (Schumann, Schubert) (rens. 0800.418.418 / loc. Maison des arts du Grütli / Espace Ville de Genève / Cité Seniors / Genève Tourisme) é 69 f e s t i v a l s du 14 au 30 août Sion Festival La 51e édition du Sion Festival - la 3e mise sur pied par Pavel Vernikov, violoniste et directeur artistique de la manifestation – déroulera son fil rouge traditionnel « Voix & violon » dans la deuxième quinzaine d’août. La Ferme-Asile, un endroit plein de charme bénéficiant d’une excellente acoustique, accueillera la plupart des concerts. 70 Des professeurs et étudiants de l’Académie de Musique Tibor Varga animeront la soirée d’ouverture du festival, avec les violonistes Pavel Vernikov et Svetlana Makarova, l’accordéoniste Stéphane Chapuis et la violoncelliste Estelle Revaz (ve 14 à 20h). Le ténor Dmitry Korchak et le Chœur de la Philharmonie de la région de Moscou présenteront un programme de musique sacrée et d’airs populaires russes, avec des pages de Tchaïkovski, de Fédor Stepanov (né en 1985), de F. Miasnikov, de Pavel Chesnokov (1877-1943), et de Rachmaninov, avec des extraits des Vêpres et de la Liturgie de saint Jean Chrysostome (Cathédrale de Sion, di 16 à 17h). Daniela Fally. Photo Sepp Gallauer L’affiche est copieuse pour le concert de la Kremerata Baltica, avec les sœurs Katia et Marielle Labèque et le très jeune Danill Bulayev en solistes. Après deux œuvres de Mozart - une Ouverture et le Concerto pour 2 pianos K. 365 , le concert se poursuivra avec la Symphonie No 1 de Weinberg, Souvenirs de a Florence de Tchaïkovski, Flowering Jasmine pour violon et orchestre de Geogs Pelecis (né en 1947) et enfin Les Quatre Saisons de Vivaldi. Né à Varsovie, Mieczyslaw Weinberg (1919-1996), réfugié en URSS pour fuir le régime nazi en raison de son ascendance juive et grand ami de Chostakovitch, laisse une œuvre considérable et injustement méconnue. Il a écrit 26 symphonies, dont cette juvénile et plaisante Première que jouera la Kremerata Baltica (ma 18 à 20h). A l’enseigne d’ « Imperial Sounds », le Janoska Ensemble (Quatuor avec piano) se produira en compagnie de ses invités, la soprano Daniela Fally et le ténor Michael Schade, pour une immersion à sa manière dans le monde de l’opérette viennoise (me 19 à 20h). La violoniste Janine Jansen, le violoncelliste Nicolas Altstaedt et l’altiste Nimrod Guez mettront leur talent au service des Variations Goldberg BWV 988 de J.S.Bach, dans une adaptation due au violoniste Dmitry Sitkovetsky (je 20 à 20h) Fabio Biondi (direction et violon), Marina de Liso (mezzo-soprano) et l’orchestre baroque Europa Galante proposent une soirée à Venise au début du XVIIIe siècle, plus particulièrement à l’Ospedale della Pieta, où se trouvait Chiara, une jeune pensionnaire si douée pour la musique que Vivaldi et d’autres composèrent plusieurs œuvres pour elle. Au programme figurent des Sinfonias, une Cantate, un Motet et des Concertos de Porta, Porpora, Martinelli, Perotti, Bernasconi et Vivaldi, dont le Concerto pour violon RV 222 « per la Signora Chiara » (ve 21 à 20h). c t u a Les musiciens du Gomalan Brass Quintett, en véritables hommes-orchestre, jouent, chantent et dansent une version inédite et surprenante de l’opéra Aïda de Verdi, dans un arrangement d’une heure qui devrait plaire aussi bien aux adultes qu’aux enfants (sa 22 à 17h). L’Orchestre de Chambre de Lausanne, conduit par Gilbert Varga, accompagnera les trois finalistes du Concours international de violon Tibor Varga (me 26 à 18h). Julian Rachlin Les clowns de Slava Polunin, le violoniste Gidon Kremer et la Kremerata Baltica présentent leur « Slow Symphony », qui fait depuis dixhuit ans pleurer de joie des milliers de spectateurs dans des centaines de villes et des dizaines de pays à travers le globe (jeudi 27 au Crochetan Monthey à 20h). Et aussi mercredi 26 dans le cadre du Théâtre du Crochetan (www.crochetan.ch). En hommage aux victimes du génocide de 1905, le Hover Chamber Choir interprétera des chants liturgiques arméniens, ainsi qu’une partition Everlasting Life, pour chœur et quintette, du compositeur Vache Sharafyan, né en 1966 à Yerevan, avec le Trio Tchaïkovski et Svetlana Makarova au violon et Lyda Chen-Argerich à l’alto. Le Trio avec piano en la mineur de Tchaïkovski complétera le programme (ve 28 à 20h). « La folle journée d’Igudesman & Joo » marquera le retour à Sion du facétieux duo (sa 29 dès 11h à la Ferme-Asile et en ville). L’excellent Orchestre de la Suisse Italienne, avec Julian Rachlin au violon et à la direction, donnera le concert de clôture du festival. Au programme figurent le Concerto pour violon de Beethoven et la Symphonie No 4 « Italienne » de Mendelssohn. (di 30 à 17h à la Ferme-Asile). Yves Allaz www.sion-festival.ch l i t é f e s t i v a l s du valais au jura Champéry, Les Haudères, St-Ursanne Situés dans un cadre enchanteur, ces trois festivals permettent de découvrir quelques-uns des musiciens les plus en vue de la jeune génération, aux côtés d’artistes réputés, tous au service de chefs-d’œuvre de la musique de chambre d’hier et d’aujourd’hui. Les Rencontres Musicales de Champéry, du 2 au 6 août Ces Rencontres ont lieu au Temple du village et s’ouvriront par un concert-lecture de la comédienne Brigitte Fossey et du pianiste Masakatsu Nakano, qui dévoileront les états d’âme de Franz Liszt et de Marie d’Agoult (di 2). Le Trio Colomba, avec Svetlana Makarova au violon, Estelle Revaz au violoncelle et Irina Chkourindina au piano, envoûtera l’auditoire « de la Dumka au Tango » (ma 4). Le jeune baryton allemand Benjamin Appl chantera le bouleversant Winterreise de Schubert, avec le soutien de Fabrizio Chiovetta au piano (je 6). Estelle Revaz et Christian Chamorel au piano entoureront le clarinettiste Damien Bachmann « Au tour de la clarinette » (sa 8). Les Solistes de l’Académie Menuhin, guidés du violon par Oleg Kaskiv (lu 10) précéderont la Camerata Pierre Amoyal, qui associera « Divertimento, cinéma & jazz » (ve 14). Le clarinettiste belge Marc Grauwels et le pianiste Stéphane De May se présenteront à l’enseigne de « Flûtissima « (me 12). Le Trio Nota Bene, avec deux trios avec piano, de Beethoven et de Dvorak, mettra un terme à cette 16e édition des Rencontres (di 16). Infos sur : www.festivalhauderes.ch Piano à Saint-Ursanne, du 2 au 12 août Martina Filjack © Romano Grozich de 25 ans (lu 3). Une carte blanche est donnée à des jeunes de l’Académie Tibor Varga (à 17h), Infos sur : www.rencontres-musicales.ch 14e Festival de musique des Haudères, du 31 juillet au 9 août C’est par une invitation à une « Nuit d’ivresse », due à l’Ensemble vocal de Poche et à l’accordéoniste Nikita Pfister que débute le festival (ve 31). Suivra le récital de deux lauréats du Concours de Genève, la flûtiste Adriana Ferreira et le pianiste Lorenzo Soulès (sa 1er août). La soprano Céline Scheen et le Ricercar Consort de Philippe Pierlot nous emmèneront aux sources du baroque (di 2), Trois membres du Quatuor Schumann joueront un Trio de Beethoven, puis, avec François Grin un Quatuor d’Arensky, et le Trio de Gideon Klein, mort à Auschwitz à l’âge a c t u avant le concert du soir, confié au célèbre Quatuor de Leipzig (ma 4). L’excellent Trio Rafale de Zurich offrira des œuvres de Mozart, de Schubert, de Schumann et de Takemitsu (me 5). Le pianiste Finghin Collins donnera un récital d’œuvres de Chopin (je 6) et se produira aussi en compagnie du Quatuor Terpsycordes, qui jouera le Quatuor No 1 « de ma vie » de Smetana et le Quintette No 2 de Dvorak (sa 8). Le Geneva Brass Quintet présentera un programme adapté à l’intimité de la chapelle des Haudères (ve 7). Le violon baroque d’Amandine Beyer et ses fameux Gli Incogniti mettront une fin en « Apothéoses » au festival, avec des œuvres de Couperin, de Rebel et d’Elisabeth Jacquet de La Guerre (di 9 à 18h). Pour sa 12e édition, le festival affiche 13 concerts « Autour de la Variation », dans le cadre magique du cloître de la Collégiale. Au jeune Lorenzo Soulès est confiée la soirée d’ouverture (di 2). Le lendemain, Mikhail Sporov rendra hommage à Scriabine, mort il y a cent ans (lu 3). Alexei Volodine proposera notamment la Sonate “Reminiscenza“ de Medtner et la Grande Sonate Op.37 de Tchaïkovski (ma 4). A la pianiste croate Martina Filjak (me 5) succédera Philippe Cassard (je 5). Le duo jurassien de Jessica Marquis et Dominique Schwimmer présentera des pièces à 4 mains et en solo (à 17h), avant la carte blanche donnée à la Présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga, pour le concert du soir (ve 7 à 20h30). Christine BaumeSanglard et Dana Ciocarlie, piano à 4 mains, et le jeune quatuor à cordes Van Kuijk se produiront à deux reprises, avec deux créations de Roger Meier (sa 8 à 16h et di 9 à 14h). Le spectacle Une femme en guerre verra la comédienne MarieChristine Barrault lire des textes de Colette et Clara Malraux et le pianiste Hugues Leclère jouer des pièces de compositrices des années 1911 à 1919 (sa 8 à 20h30). Nelson Goerner sera l’ invité spécial du festival (di 9 à 17h). Une tribune de jeunes artistes se tiendra de 11h à 17h, avant le récital du soir de Michel Dalberto (ma à 20h30). Enfin, l’Orchestre international de Genève, conduit par Alexei Ogrintchouk, animera la « Nuit du concerto » qui conclut chaque année le festival (me à 20h à la Collégiale). Infos sur : www.crescendo-jura.ch Yves Allaz Céline Scheen a l i t é 71 f e s t i v a l s festival amadeus Fin de partie de campagne Ainsi, les meilleures choses ont parfois une fin. En effet, la quinzième édition du Festival Amadeus sera la dernière du nom, ultime occasion de retrouver la Grange de la Touvière à Meinier. Puisque ce lieu sera voué désormais uniquement à son activité agricole. 72 Programme : - vendredi 28 août à 20h30 : ENSEMBLE MATHEUS, dir. et violon JeanChristophe Spinosi (Vivaldi, Telemann) - samedi 29 août à 20h30 : QUATUOR BELCEA & VALENTIN ERBEN violoncelle (Mozart, Webern, Schubert) - dimanche 30 août à 19h : ADAM LALOUM, piano (Mozart, Schubert, Schumann) - mardi 1er septembre à 20h30 : ENSEMBLE LES DISSONANCES & DAVID GRIMAL violon (Mozart) - mercredi 2 septembre à 20h30 : RAPHAËL SÉVèRE, clarinette, JEANFRÉDÉRIC NEUBURGER, piano, FRANçOIS SALQUE, violoncelle (Beethoven, Berg, Bernstein, Brahms) Avant de lever quelques derniers verres au souvenir des festivals passés, après 28 années de labeur et de bénévolat biennal sous les directions successives de William Naboré, Jérôme Capeille, Catherine Courvoisier, François Hudry, Karine et Saskia Lethiec, Alexandre Tharaud, Claire Brawand et Eve-Anouk Jebejian, on prendra donc rendez-vous dès fin août dans la campagne genevoise pour ce programme concocté par EveAnouk Jebejian. C'est une programmation éclectique qui est proposée, mêlant les genres et les époques, du baroque au contemporain, classique bien sûr mais avec une incursion vers le jazz. Et si Mozart bien entendu sera à l'affiche, Schubert sera souvent au programme. Côté contemporain, William Blank proposera un projet spécifique pour le festival que l'on pourra entendre également à la Biennale de Venise grâce à la collaboration avec le compositeur Ivan Fedele. Adam Laloum - jeudi 3 septembre à 20h30 : ENSEMBLE RARO & OLIVIER DARBELLAY cor (Schreker, Brahms, von Dohnanyi) - vendredi 4 septembre à 20h30 : EKLEKTO (Reich) - samedi 5 septembre à 20h30 : COMPAGNIE ARCOEM - dimanche 6 septembre à 9h : petit déjeuner en musique - dimanche 6 septembre à 12 h : CHœUR DE MEINIER & MICHEL TIRABOSCO, flûte de pan (Vivaldi, baroque mexicain) - dimanche 6 septembre à 17h : CABARET FRIMOUSSE - mardi 8 septembre à 20h30 : ENSEMBLE VOCAL DE POCHE & MARGARET HARMER, cloches médiévales (Pärt, Byrd) - mercredi 9 septembre à 20h30 : WERNER GüRA, ténor, FABRIZIO CHIOVETTA, piano (Schumann, Schubert) - jeudi 10 septembre à 17h : LÉMANIC ENSEMBLE, dir. William Blank, MATTHIAS ARTER, hautbois (Antignani, Blank, Riparbelli, Benjamin) - jeudi 10 septembre à 20h30 : TRIO WANDERER (Schubert) - vendredi 11 septembre à 20h30 : JAN LUNDGREN TRIO & GREGOIRE MARET, harmonica - samedi 12 septembre à 20h30 : CAMERATA ARMIN JORDAN, dir. Benoît Willman, PHILIPPE CASSARD, piano (Ibert, Mozart, Schubert) Frank Fredenrich Loc. Très Classic 022 781 57 60 Quatuor Belcea © Ronald Knapp a c t u a l i t é f e s t i v a l s entretien Jean-Christophe Spinosi Chef d’orchestre et violoniste, Jean-Christophe Spinosi revient à ses premières amours pour le concert d’ouverture du Festival Amadeus : la musique baroque, dans laquelle il avait fait ses premières armes, avec un florilège d’œuvres concertantes. Une sorte de retour aussi à ce festival, et à son esprit, ce festival où lui et son ensemble Matheus avaient déjà fait leur apparition il y a une vingtaine d’années. Pouvez-vous présenter les idées qui ont gouverné le programme de ce concert d’ouverture du Festival Amadeus ? C’est un programme très dense, avec beaucoup d’engagement, à travers ces concertos qui sont tout à la fois virtuoses et expressifs. L’idée aussi de ce programme est de revenir sur ce que l’on avait fait il y a fort longtemps au Festival Amadeus, à la fin des années 90. Le lieu est extraordinaire, et je me souvenais de sa bonne ambiance ; j’ai alors pensé qu’il fallait que l’on reste dans un sujet festif. Ce sont donc des œuvres qui demandent une grande participation des interprètes, propre à mettre le public en joie si je puis dire. Le programme est ainsi de la première moitié du XVIIIe siècle, du grand baroque. Comme nous faisons beaucoup d’opéras avec mon ensemble Matheus, ici nous essayerons de reconstituer une sorte de dramaturgie, à partir de musique purement instrumentale certes, mais dans un sens presque opératique avec nos solistes. Ainsi pour les flûtistes des concertos de Vivaldi et du concerto de Telemann, et les deux violonistes du concerto de Vivaldi, qui est le plus beau de tous les concertos pour deux violons de Vivaldi. Très peu connu pourtant. Une œuvre magnifique qu’on n’entend jamais, ni au concert ni au disque. Alors, vous-même, comment avezvous mis la main sur cette œuvre si peu connue ?... Dans les années 90, justement, aux débuts de notre groupe Matheus, je cherchais la matière à un répertoire personnel, et donc des choses intéressantes mais que l’on n’avait pas l’habitude d’entendre. Ce qui a donné lieu à différentes e n t r redécouvertes, dans le domaine de l’opéra mais aussi du concerto. C’est le cas de ce concerto, aujourd’hui encore quasi inconnu. Il présente la particularité d’avoir une grande cadence finale pour deux violons. Une cadence complètement délirante, où les deux violons donnent l’impression d’improviser, alors que ce n’est aucunement improvisé. Une chose unique dans l’œuvre de Vivaldi, comme dans le répertoire des concertos. Jean-Christophe Spinosi © Jean-Baptiste Millot Et pour les autres œuvres ?... Vous savez que notre ensemble Matheus s’attaque à tous les répertoires, de Monteverdi jusqu’à la musique contemporaine. Et à chaque fois en faisant appel à des instruments appropriés : ancien, classique, romantique, moderne, en fonction du répertoire. Nous avons donc voulu, dans ce cas, un retour au baroque combiné à ce retour au Festival Amadeus. À la façon d’un aria da capo, avec son retour à la partie initiale. Mais ce retour est légèrement différent, riche de l’information précédente. Il y a donc ces pages concertantes de Vivaldi, mais aussi de Telemann. Telemann est cas un particulier, en ce sens qu’il était encore plus prolifique de Vivaldi. On parle d’un millier d’œuvres ! Ces e t i e gens composaient vite, plus vite qu’à notre époque. Vivaldi se vantait de composer un concerto plus rapidement que le copiste mettait à le recopier ! Une capacité de produire incroyable ! Dans sa multitude de concertos, Telemann s’est donc essayé à des combinaisons différentes. Et souvent sans frein dans l’imagination de formules qui sortaient des habitudes. On pense que cela provient de sa formation, en partie autodidacte. Ainsi de ce concerto, assez génial, avec deux flûtes qui prennent des chemins inattendus. Un feu d’artifice annoncé ! Dans ces œuvres, il y a des solistes : deux flûtistes et deux violonistes. L’un des violonistes solistes, est-ce vous ? Oui. Car je suis violoniste. Et c’est aussi pourquoi je me suis tant intéressé à Vivaldi, qui était également violoniste. Vous dirigez donc à partir du violon… Tout à fait. Mais je serai en compagnie de l’autre violoniste soliste, Laurence Paugam. Pour les concertos pour flûtes, j’aurai Alexis Kossenko et Julie Huguet. Ce sont des gens qui travaillent régulièrement avec nous. Alexis a aussi la particularité d’être par ailleurs chef d’orchestre. Les instrumentistes deviennent aujourd’hui de plus en plus polyvalents, un peu comme au XVIIIe siècle. Ce qui serait aussi mon cas. Par exemple, pour ce concert, je dirigerai à partir du violon, et parfois le lâcherai. Dans une manière qui paraîtra improvisée, mais qui ne l’est pas du tout. J’essaye de retrouver cet esprit multitâche qui était celui de l’époque. Et qui en général provoque une certaine énergie. Avez-vous, à la suite, d’autres projets en Suisse ? Je dois diriger la saison prochaine le Comte Ory de Rossini, avec Cecilia Bartoli, à l’Opéra de Zurich. Mais je serai cette fois à la tête de l’orchestre La Scintilla. Pour la Suisse romande, en revanche, rien ne semble prévu dans un avenir proche. Propos recueillis par Pierre-René Serna 28 août à 20h30. Ensemble Matheus & Jean-Christophe Spinosi direction Loc. Très Classic 022 781 57 60 n 73 e x p o s i t i o n s tion, suscite donc inévitablement une forme de frustration. fondation martin bodmer, cologny Butor et le livre d’artiste Qu’est-ce qui vous pousse à poursuivre ces collaborations ? À mon âge, je pourrais décider de prendre ma retraite et de cesser d’écrire. Mais ces collaborations avec des artistes me rajeunissent. Elles m’aident à rester vivant. Les dialogues que j’entretiens avec ces artistes à travers ces collaborations me poussent toujours à faire quelque chose de différent. Depuis le 12 juin, la Fondation Martin Bodmer expose une sélection de quarante livres objets et livres d’artistes offerts par Michel Butor à la Fondation. L’écrivain, qui depuis Degrés, a tourné le dos à la forme romanesque, évoque sa pratique du livre objet et du livre d’artiste. 74 Où se situe la différence entre un livre objet et un livre d’artiste ? À quand remonte votre première collaboration avec un artiste ? On parle de livre objet pour définir un objet dont l’apparence ressemble peu à celle d’un livre, bien qu’il en soit un. Par exemple, un livre en forme de colonne sera appelé livre objet. En revanche, on utilise le terme « livre d’artiste » pour désigner un livre de dialogue entre un écrivain et un artiste. Il arrive parfois que les deux partenaires n’en fassent qu’un. C’est le cas des écrivains qui sont également les illustrateurs de leurs propres livres. Toutefois, les définitions de ces deux termes sont très étanches. En 1962, Enrique Zanartu exposait à Paris à la Galerie du Dragon, devant laquelle je passais très souvent lorsque je me rendais aux Editions de Minuit. Un jour, un marchand m’a proposé d’écrire un texte pour accompagner le tirage d’une série d’eaux-fortes de l’artiste. J’ai accepté et nous avons fait un livre ensemble, qui s’appelle Rencontre. Mais ma première collaboration remonte il y a plus loin encore : pendant l’Occupation, lorsque j’étais soutier, j’avais réalisé un livre à propos de Noël avec un ami. Nous avions gravé les images et les textes sur lino. C’était déjà une sorte de livre d’artiste ! Comment se déroulent les collaborations ? Chaque collaboration est une aventure différente. Elles sont toujours le fruit d’une rencontre. Souvent, un artiste fait un livre et me le soumet. Ces livres sont pour moi des sortes de questions auxquelles je suis invité à répondre. Le défi est de parvenir à s’installer à l’intérieur du livre. Ce sont toujours sa contemplation et sa manipulation qui stimulent mon écriture. La différence essentielle du livre, par rapport à d’autres supports comme l’estampe, est d’être manipulable. Il invite au mouvement. Voir des livres derrière des vitrines, comme dans cette exposi- Un des livres d’artiste de Michel Butor e n t r e Dans Les Mots dans la peinture, publié chez Skira en 1969, vous avez montré qu’il n’existe pas de vision pure et que l’image est toujours encadrée par du discours. Votre pratique du livre d’artiste l’illustre parfaitement. Il n’y jamais rien de pur, et encore moins de vision pure (rires)! On oppose souvent le texte à la peinture, mais ces deux domaines ne cessent en réalité d’interagir. Au Moyen Âge, les textes étaient accompagnés d’illustrations et les initiales elles-mêmes étaient décorées. De même, les livres d’images, comme les atlas de géographie, contiennent toujours des légendes qui nous aident à décoder les illustrations. À l’ère du numérique, la pratique du livre objet et du livre d’artiste vous permet d’affirmer la singularité de l’objet livre, dont vous mettez en évidence la matérialité. Nous nous trouvons à un tournant majeur de l’histoire du livre. Le support numérique représente quelque chose de totalement neuf. Pour prendre conscience de la nouveauté de ce support, il me paraît utile d’étudier ce qui l’a précédé. À mes yeux, le livre d’artiste représente justement une bonne manière de réfléchir au support livresque traditionnel que nous avons connu, d’en explorer les potentialités qui jusque alors n’avaient pas été révélées. Il permet d’attirer l’attention sur le médium lui-même, que l’on a tendance à oublier pour se concentrer sur le message. Or, il est parfois bénéfique d’arriver plus lentement au contenu, en s’attardant d’abord sur l’objet livre. L’exploration des possibles qu’offre le livre numérique vous attire-t-elle ? Ce serait passionnant, mais je suis trop vieux. Je laisse cela à mes petits-enfants (rires). Propos recueillis par Emilien Gür Butor et le livre d’artiste, Fondation Martin Bodmer, 1921 route Martin Bodmer, 1223 Cologny t i e n expos itions fondation beyeler, riehen Marlene Dumas L'exposition rétrospective présentée à la Fondation Beyeler célèbre 40 ans de l'œuvre de Marlene Dumas. Un remarquable ensemble d'une centaine de toiles et dessins montre le trajet original de cette peintre sud-africaine installée aux Pays-Bas. La présentation à Bâle est l'aboutissement d'une collaboration exceptionnelle entre l'artiste, le Stedelijk Museum d'Amsterdam et la Tate Modern de Londres. Cette rétrospective, considérée comme la plus vaste jamais consacrée en Europe à Marlene Dumas, confirme le succès de cette sexagénaire devenue, depuis sa participation remarquée à la Biennale de Venise en 1995, une leader du marché de l'art. Pourtant son œuvre est née à contrecourant du contexte résolument abstrait des années 1980, elle s'est fait une place à part en choisissant de peindre uniquement la figure humaine. Dumas propose non pas une figuration à vif inspirée directement d'un modèle vivant, mais plutôt celle tirée des images. C'est du reste un aspect que souligne l'exposition de Bâle en aménageant une salle exclusivement consacrée aux documents de travail de l'artiste. En effet, celle-ci a régulièrement constitué des archives personnelles composées de polaroïds, de coupures de presse, de photos de revues et d'images de films, qui ont pour la plupart servis de sources aux œuvres exposées. Souvent annotées et redessinées, ces notes iconographiques mêlent autant des événements de la société contemporaine que des informations people. Une habitude qu'elle développe dès 1976, lorsqu'elle quitte à l'âge de 23 ans l'Afrique du sud sous l'apartheid et s'installe à Amsterdam où elle découvre fascinée le pouvoir des médias et son flot d’images. (1994) qui représente une enfant nue debout, le visage figé et le regard sombre, avec des mains colorées dans des teintes allant du rouge saturé au violet et le ventre dans un bleu délavé. Dumas s'est inspirée d'une photographie personnelle, l'image devient non pas simplement celle de sa fille aux mains couvertes de peinture, mais peut-être celle d'une meurtrière aux corps et les physionomies en fonction des turbulences de leurs sentiments. Une dramaturgie sans superflu qui dégage une émotion bien souvent tragique. Que ce soit ces petits portraits Black Drawings (1991/92) - quasi intimistes réalisés au lavis à l'encre de Chine, ces figures déclinées en des masques de couleurs vives peints à l'huile dans The Teacher (1987), ces impressionnantes séries Jesus Serene (1994) ou Magdalena (1995), dans laquelle des nudités féminines se mêlent à divers visages dont celui, fameux, de Naomi Campbell, les représentations demeurent à chaque fois étonnamment inquiétantes. Un aspect que Dumas développe de manière puissante dans ses portraits, tel celui de cette femme déchirée par les larmes, ceux plus ambigus des figures de Phil Spector, Osama Ben Laden, Amy Winehouse, ou lorsqu'elle utilise une palette rouge et noir pour peindre la tête renversée d'une terroriste abattue dans Dead Girl (2002). La mort est à l'évidence 75 The Image as Burden Ce laboratoire d'idées révèle que Marlene Dumas est aussi une infatigable dessinatrice. Même si sa peinture ne s'appuie sur aucun croquis ou dessin préparatoire, son art pictural procède de cet exercice. Déjà dans ses œuvres de jeunesse, elle s'exprime sur le papier; l'aquarelle et le lavis à l'encre servant d'abord une œuvre abstraite qu'elle abandonne pour placer définitivement la figure au cœur de son expression. Un choix qui va élargir son travail vers des sujets parfois tragiques et une approche torturée et souvent énigmatique de la représentation humaine. L'exposition reprend des œuvres majeurs, dont bien sûr la fameuse toile The Painter a c t u Marlene Dumas «The Teacher (Sub A)», 1987 . Huile sur toile, 160 x 200 cm Collection privée © Marlene Dumas. Photo: Peter Cox, © 2015, ProLitteris, Zurich mains couvertes de sang. Ce sont ces glissements de sens et de perception qui intéressent l'artiste. Elle a d'ailleurs intitulé cette rétrospective, The Image as Burden (l'image comme fardeau) inspiré du titre d'un petit tableau de 1993 représentant une personne portant quelqu'un dans ses bras, un peu comme une pietà. Les sujets flirtent bien fréquemment avec des données politiques ou religieuses, mais l'artiste se refuse à relater pour autant un message, elle transforme, fractionne, disproportionne les a l i t une préoccupation latente à tout son travail, qu'elle a mise à l'honneur actuellement au pavillon central de la Biennale de Venise avec une série de petites huiles représentant des crânes. Nadia El Beblawi Fondation Beyeler, Riehen. Marlene Dumas, The Image as Burden, jusqu'au 6 septembre 2015 é expos itions FRANCE en franc e magicien de la dentelle. Jusqu’au 31 août. Le Cannet Musée Bonnard : Henri Manguin Cassel Annemasse Musée de Flandre : La Flandre Villa du Parc : Constellation. l l Jusqu’au 20 septembre. Arles Divers lieux : Les Rencontres l photographiques - premier festival international de photographie. Du 6 juillet au 20 sept. et la mer - de Pieter l’Ancien à Jan Brueghel de Velours. Jusqu’au 12 juillet. Cateau-Cambrésis Musée Matisse : Geneviève l Claisse. Jusqu’au 20 septembre Evian Avignon Palais Lumière : Jacques-Emile Collection Lambert : Patrice l l Chéreau, un musée imaginaire. Du 4 juillet au 11 octobre. Blanche. Peintre, ecrivain, homme du monde. Jusqu’au 6 sept. Giverny Bastia Musée des impressionnismes : Musée : 130 ans de création l l joaillière à Bastia - l’atelier Filippi. Jusqu’au 19 juillet 2016 Beauvais Galerie nationale de la tapisserie: l Amour. Tours & Détours. Jusqu’au 16 août. 76 Bordeaux Galerie des Beaux-Arts : Bordeaux – Italie. Echanges & visions artistiques - XVIIe-XXe siècles. Jusqu’au 7 septembre l Calais Cité internationale de la den- Degas, un peintre impressionniste? Jusqu’au 19 juillet. Photographier les jardins de Monet. Cinq regards contemporains. Du 31 juillet au 1er novembre Grenoble Musée de Grenoble : De l Picasso à Warhol - Une décennie d'enrichissement des collections. Jusqu’au 30 août. Landerneau Fonds H. et E. Leclerc : Alberto l Giacometti. Jusqu’au 25 octobre. l telle et de la mode : Balenciaga, l - Un Fauve chez Bonnard. Jusqu’au 31 octobre. Lens Le Louvre : D’Or et d’ivoire l relations artistiques entre Paris et la Toscane, 2e moitié du 13e s. Jusqu’au 28 sept. Métamorphoses. Carte blanche à Bruno Gaudichon. Narcisse, Arachné et les autres.... Du 1er juillet 2015 au 21 mars 2016 Limoges Galerie des Hospices : L’amour, la mort, le diable. Jusqu’au 18 octobre l Musée Cantini : Hervé Télémaque. Jusqu’au 20 sept. l Metz Centre Pompidou-Metz : Rétrospective Tania Mouraud. Jusqu’au 5 octobre. Leiris & Co. Picasso, Masson, Miró, Giacometti, Lam, Bacon…. Jusqu’au 14 sept. l Meudon Musée Rodin : Robert Doisneau l (1912-1994). Sculpteurs et sculptures. Jusqu’au 19 novembre Montpellier Musée Fabre : L’Âge d’or de la l Peinture à Naples - de Ribera à Giordano. Jusqu’au 11 octobre Nice Lyon Musée national Marc Chagall : Musée d'Art Contemporain : l l Antoine Catala. Jusqu’au 12 juillet l Musée des confluences : Les trésors d’Emile Guimet & Dans la chambre des merveilles. Jusqu’au 26 juillet. A la Conquête du pôle Sud. Jusqu’au 28 juin. Marseille MuCEM : Lieux saints partagés. l Jusqu‘au 31 août. Traces Fragments d’une tunisie contemporaine. Jusqu’au 28 sept. Migrations divines. Jusqu’au 16 novembre. Nice, soleil, fleurs - Marc Chagall et la Baie des Anges. Du 4 juillet au 21 septembre Ornans Musée Courbet : l Sensations de nature - Courbet, Pissaro, Cézanne, Van Gogh, Bonnard, Hartung, Pénone. Du 4 juillet au 12 oct. Rodez Musée Soulages : Claude Leveque, Le Bleu de l’œil. Jusqu’au 28 septembre l Musée de l’Abbaye, Saint-Claude Pierre Lesieur (1922-2011) Ne désespérons pas, car il reste des directeurs de musée curieux, indépendants, courageux, qui programment des expositions avec des artistes que l’histoire de l’art après la seconde guerre mondiale, sous influence américaine, a relégué au second plan. Véronique Serrano, conservateur en chef du musée Bonnard du Cannet est de cette trempe. Elle a décidé de consacrer une exposition à Pierre Lesueur (1928-2011), en réunissant une soixantaine de tableaux, mais aussi dessins et carnets, autour d’une thématique régulièrement explorée par le peintre, les “Fenêtres“ et “Ouvertures“. Pierre Lesueur est un peintre atypique, issu de la seconde Ecole de Paris, qui n’a jamais sacrifié aux modes, ni aux compromis. Chez lui, le figuratif confine à l’abstraction. Le peu d’intérêt témoigné par les musées français pour son œuvre n’oblitère en rien la qualité de sa peinture, qui prend ses racines dans la grande tradition française. Des galeries ont régulièrement exposées son œuvre et de prestigieuses collections internationales ont reconnu très tôt la solidité de l’univers de l’artiste. Il connaît l’art matisséen des aplats colorés et sait comme Bonnard l’alchimie des couleurs. Son sens de l’espace, la fluidité du trait, son dessin si singulier, « cet art de l’éblouissement devant le quotidien », tout ceci enchante le spectateur. L’œil du visiteur est convié à prendre sa place dans la poétique de l’œuvre, à respirer avec elle. Pierre Lesieur «Porte ouverte sur jardin, grand mur jaune», vers 2010 Huile et pastel sur toile, Collection particulière, Adagp, Paris, 2015. a g . jusqu’au 18 octobre 2015 e n d a expos itions en europe Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid Zurbaran Une nouvelle perspective L’exposition d’été du musée Thyssen-Bornemisza est consacrée au talentueux peintre du siècle d'or espagnol que fut Francisco de Zurbarán, un artiste contemporain et ami de Vélasquez qui s’est distingué dans les peintures religieuses — où son art révèle une grande force visuelle et un profond mysticisme. Cet événement est l’occasion de proposer une nouvelle évaluation du travail de ce peintre grâce aux nombreuses découvertes et études entreprises durant ces dernières décennies, qui ont eu pour conséquence d’enrichir notre connaissance de l’artiste et de son œuvre. Zurbarán a fait l’objet de nombreuses expositions, depuis la première qui a eu lieu à Madrid en 1905 jusqu’aux multiples événements qui ont marqué le 400ème anniversaire de sa naissance en 1998, et qui ont culminé avec l’importante exposition monographique présentée à Séville. En 1988, la rétrospective organisée par le musée du Prado a offert un nouvel éclairage des études sur le peintre et sa personnalité artistique, tout en révélant des ‘trous’ touchant par exemple à la datation de quelques œuvres et à certaines périodes de sa vie. Tous ces aspets sont maintenant mieux connus grâce aux recherches entreprises depuis lors. L’exposition permet également de présenter des peintures qui n’ont pas encore été publiées ou d’autres récemment attribuées au peintre, ou d’autres encore spécialement restaurées pour l’occasion . Jusqu’au 13 septembre 2015 Zurbarán «Santa Marina», vers 1640-1650. Huile sur toile, 111 x 88 cm. Collection Carmen Thyssen-Bornemisza en prêt gratuit au Musée CarmenThyssen de Malaga Bruxelles Rouen Bozar : Les Belges. Une histoire Musée dest beaux-arts : Trésors l l de Sienne. Aux origines de la Renaissance. Jusqu’au 17 août. de mode inattendue. Jusqu’au 13 septembre. Ferrare Wingen Palazzo dei Diamanti : La rose de Musée Lalique : 1715 - 2015 : les l l 300 ans du Hochberg. Jusqu’au 1er novembre feu. La Barcelone de Piccaso et Gaudi. Jusqu’au 19 juillet. l l Florence Yerres Galleria degli Uffizi Propriété Caillebotte : Les Rouart. De l’impressionnisme au réalisme magique. Jusqu’au 5 juillet AILLEURS : La Barcelone de Picasso et Gaudi. Jusqu’au 19 juillet. Francfort Städelmuseum : William Hogarth. l Jusqu’au 6 septembre. Aoste Londres Centre Saint-Bénin : Antonio British Museum : Définir la beaul Canova. Jusqu’au 11 octobre. Bilbao Musée Guggenheim : Jeff Koons, l rétrospective. Jusqu’au 27 sept. Jean-Michel Basquiat - Le moment est venu. Du 3 juillet au 1er nov. Brescia Musée de Sainte Julie : Brixia l - Rome et les gens du Po. Une rencontre de la culture - 3e au Ier s. av JC. Jusqu’au 17 janvier 2016. a g l té - le corps dans l’art de la Grèce antique. Jusqu’au 5 juillet. Histoire des Indigères australiens. Jusqu’au 2 août. Bonaparte et les Anglais propagande et imprimés d’époque. Jusqu’au 16 août l Courtauld Gallery : Jonathan Richardson par lui-même. Jusqu’au 20 septembre. l National Gallery : Frames in Focus - Sansovino Frames. Jusqu’au 13 septembre. e n National Portrait Gallery : BP Portrait Award 2015. Jusqu’au 20 septembre. l Amour et vie. Jusqu’au 27 juillet Musée Capitolin : L’âge de l’angoisse. De Commode à Dioclétien. Jusqu’au 4 octobre. l Lucques Villa Le Pianore, Camaiore : This Venise is Picasso, photographies de David Giardino di Palazzo Soranzo l Douglas Duncan. Jusqu’au 13 septembre. Madrid Musée du Prado : Monumental l Views of Spanish Cities. The Romantic Painter Genaro Pérez Villaamil. Jusqu’au 6 septembre. l Musée Thyssen-Bornemisza : Zurbaran. Jusqu’au 13 septembre. Milan Palazzo Reale : Léonard de Vinci l 1452-1519. Jusqu’au 19 juillet. Pinacoteca di Brera : Pérugin et Raphaël. Le mariage de la Vierge. Dialogue entre maître et élève. Jusqu’au 12 juillet l Parme Fondazione Magnani l Rocca, Mamiano di Traversetolo : “Vues de France“ - Renoir, Monet, Cézanne, Matisse, De Staël. Jusqu’au 13 sept. Rome Chiostro del Bramante : Chagall. l d a l Cappello : Roberto Sebastian Matta, sculpture. Jusqu’au 15 octobre. l Le Stanze del Vetro : Verre de Finlande, 1932 – 1973, de la Collection Bischofberger. Jusqu’au 2 août l Palazzo Grassi : Martial Raysse. Jusqu’au 30 novembre. l Peggy Guggenheim Collection: Charles Pollock - une rétrospective. Jusqu’au 14 septembre l Punta della Dogana : Slip of the Tongue. Jusqu’au 31 décembre. l Scoletta dei Battioro : Antoni Clavé. Jusqu’au 31 octobre. Vienne Albertina (Albertinapl.) Lee Miller. Jusqu’au 16 août. Bacon, Warhol, Richter. Jusqu’au 23 août. Art abstrait autrichien. Jusqu’au 6 septembre. l Osterreichische Galerie Belvedere : Rembrandt, Titien, Bellotto : esprit et splendeurs de la Gemäldegalerie de Dresde. Du 3 juillet au 11 octobre. l 77 expos itions Genève Art Bärtschi & Cie : Khaled Jarrar. l 78 Jusqu’au 11 juillet. l Art en île - Halle Nord (pl. de l’île 1) Open Oppenheim. Du 4 juillet au 30 août. l Blondeau & Cie (Muse 5) Mai-Thu Perret. Jusqu’au 18 juillet. l Centre d'art Contemporain (VieuxGrenadiers 10) Giorgio Griffa & Reto Pulfer. Jusqu’au 23 août. l Centre d'édition contemporaine (Saint-Léger 18) Jason Dodge. Jusqu’au 5 septembre. l Centre de la Photographie (Bains 28) Fred Lonidier. Jusqu’au 30 août l Espace JB (Noirettes 32) Cortis & Sonderegger. Jusqu’au 31 août. l Espace L (rte Jeunes 43) Vivanne van Singer. Jusqu’au 17 juillet. l Ferme de la Chapelle, GrandLancy (39, rte de la Chapelle) Christine Boillat, Isabelle Ménéan, Pierre Toma, Stéphanie Jeannet L’autre réalité. Jusqu’au 19 juillet l Fondation Bodmer (Cologny) Les livres de la liberté. Jusqu’au 13 septembre. l Galerie de la Béraudière (E.Dumont 2) Hommage à Lucien Clergue, photographies. Jusqu’au 31 juillet. l Galerie Patrick Cramer (Vieux- en Billard 2) André du Besset. Jusqu’au 18 juillet l Galerie Mezzanin (63, Maraîchers) Dove Allouche, Ulla von Brandenburg, Hans Walter Müller. Jusqu’au 11 juillet l Galerie Skopia (Vieux-Grenadiers 9) Claudio Moser. Jusqu’au 11 juill. l Maison Tavel (Puits-St-Pierre 6) Devenir Suisse – GE 200. Jusqu’au 10 janvier 2016. l Mamco (Vieux-Granadiers 10) Cycle Des histoires sans fin, été 2015. Jusqu’au 13 septembre. l Médiathèque du Fonds d'Art Contemporain (Bains 34) Histoires en devenir. Jusqu’au 29 août. l Musée Ariana (Av. Paix 10) Anna Dickinson - Harmonies de verre & Luxe, calme et volupté - Concours swissceramics. Jusqu’au 1er nov. l Musée d’art et d’histoire (Ch.Galland 2) Peintures italiennes et espagnoles. Jusqu’au 31 décembre. Aimer la matière. Un regard mis à l'honneur. Jusqu’au 31 déc. l Musée Barbier-Mueller (J.-Calvin 10) Arts du Nigeria. Jusqu’au 30 août. l Musée de Carouge (pl. Sardaigne) Collectif Le Gac – Jean Pleinemer. Jusqu’au 30 août. l Musée international de la CroixRouge (Paix 17) Expériences de vérité - Gandhi et l’art de la non- s uis s e violence. Jusqu’au 3 janvier 2016 Musée Rath (pl. Neuve) ‘J’aime les panoramas’. Appropriations du monde. Jusqu’au 27 septembre. l Musée de la Réforme (Maison Mallet) Le ciel devant soi. Jusqu’au 25 octobre. l Musée des Suisses dans le monde: Suisse-Arménie. Jusqu’au 20 sept. l Red Zone Arts (r. Bains 40) Le Jardin du Lettre - solo de Qiu Jie. Jusqu’au 29 août. l Xippas Art Contemporain (Sablons 6) Peter Halley. Jusqu’au 31 juillet. l Lausanne Collection de l’Art brut (Bergières l 11) Guy Brunet réalisateur - Les studios Paravisio. Jusqu’au 4 oct. l Fondation de l’Hermitage (2, rte Signal) Marius Borgeaud. Jusqu’au 25 octobre. l Mudac (pl. Cathédrale 6) Le verre vivant II. Jusqu’au 1er nov. L'Eloge de l'heure. Jusqu’au 27 septembre. l Musée cantonal des beaux-arts (pl. Riponne) Kader Attia. Les blessures sont là. Jusqu’au 30 août. l Musée de l’Elysée (Elysée 18) reGeneration 3. Jusqu’au 23 août. Fribourg Espace Tinguely - Saint-Phalle : l Sculpture et architecture dans l’oeuvre de Niki de Saint Phalle. Jusqu’au 31 décembre Mézières Musée du papier peint : Fusions l - œuvres en verre contemporaines. Jusqu’au 3 novembre. Martigny Fondation Pierre Gianadda : l Matisse en son siècle. Jusqu’au 22 novembre. l Fondation Louis Moret (Barrières 33) Vera Molnar - Papiers. Jusqu’au 16 août. l Manoir de la Ville : Come Closer L’art vu sous différents angles. Jusqu’au 9 août. Neuchâtel Centre Dürrenmatt (Pertuis du Saut l 74) Dürrenmatt à Neuchâtel. Jusqu’au 6 septembre l Musée d'art et d'histoire (espl. Léopold-Robert 1) 14/18 La Suisse et la Grande Guerre. Jusqu’au 18 oct. l Musée d'ethnographie (St Nicolas 4 ) Secrets. Jusqu’au 18 octobre. Vevey Alimentarium (quai Perdonnet) l DETOX. Croyances autour de la nutrition. Jusqu’au 23 août Musée d’art et d’histoire, Genève Peintures italiennes et espagnoles Le Musée d’art et d’histoire possède plus de 260 peintures italiennes et une dizaine de tableaux espagnols, du XIVe au XVIIIe siècle, qui constituent l’ensemble le plus important d’œuvres de ces écoles en Suisse. Le MAH propose de parcourir cet été un nouvel accrochage de ces peintures. Une sélection qui permet de redécouvrir des œuvres aussi remarquables que méconnues. La première salle présente quelques peintures italiennes du XIVe au XVIe siècle, en dialogue avec la production européenne. Elle est complétée, dans la deuxième salle, par un choix d’œuvres italiennes et espagnoles de la même période, redécouvertes dans les réserves du musée. L’histoire des collections est racontée dans les salles sui-vantes. Une salle consacrée à la donation napoléonienne permet de mesurer la part de l’Italie parmi les 21 tableaux offerts en 1804/1805 à la Ville, tandis que la salle suivante propose un choix de grands tableaux du Seicento, mettant en évidence un changement de goût dès la fin du XVIIIe siècle chez des collectionneurs privés. Rappelons que le Musée d’art et d’histoire possède un corpus de peintures italiennes et espagnoles à peu près équivalent à celui des peintures flamandes et hollandaises, et représente près du double de celui des peintures françaises produites avant 1800. Il couvre l’ensemble de la peinture italienne avec un point fort sur le XVIIe siècle, reflétant un âge d’or dans l’histoire des collections genevoises, c’est-à-dire la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle. Francisco José de Goya y Lucientes (1746-1828) «Le Marchand de marionnettes», vers 1793 . Huile sur fer blanc, 44 x 33.5 cm © Musées d'art et d'histoire de Genève, photo : Bettina Jacot-Descombes a g . Jusqu’au 31 décembre 2015 e n d a expos itions en s uis s e Museum Rietberg, Zürich Un monde chatoyant L’exposition d’été du Musée Rietberg se propose de faire découvrir au public la photographie en couleurs avant 1915, grâce aux clichés récoltés il y a cent ans par un philanthrope français, le banquier Albert Kahn. Celui-ci a dépêché une vingtaine de photographes en Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique, afin qu’ils documentent les différents peuples, les paysages et les monuments au moyen d’un toute nouveau procédé technique de photographie en couleurs, l’autochrome. Ces 72’000 autochromes – longtemps oubliés – sont aujourd’hui considérés comme un important jalon dans l’histoire de la photographie documentaire ainsi que de la compréhension entre les peuples. Pour la première fois en Suisse, le Musée Rietberg présente un choix de ce trésor prodigieusement intéressant pour l’histoire de la photo. L’exposition permet de redécouvrir un monde à jamais révolu, que nous ne connaissions que par des clichés en noir et blanc, et que nous pouvons admirer ici dans des couleurs somptueuses. Stéphane Passet, Mongolie près de Oulan-Bator, « incarnation du Jalkhanz Kuthugtu mongol », 1 juillet 1913 - Albert Kahn, Les archives de la planète © Musée Albert-Khan, Département des Hauts-de-Seine Techniquement, la réalisation de ces clichés demandait un travail considérable. Il s’agissait tout d’abord d’enduire très soigneusement la plaque de verre de grains de fécule de pomme de terre teintés en orange, vert et violet, et d’une couche d’émulsion photosensible. Les filtres épais et la pellicule du film insensible exigeaient une lumière solaire directe et une immobilité absolue lors de la prise. Les poses figées et l’expression rêveuse des visages des personnes photographiées ainsi que les couleurs délicatement irisées deviendront la marque de fabrique des archives d’Albert Kahn. Les plaques autochromes sont très fragiles à la lumière et ne peuvent plus, pour des raisons de conservation, être exposées. L’exposition présente environ 80 photographies en couleurs provenant des «Archives de la planète». La plupart ont été prises en 1913/14, donc peu avant le début de la Première Guerre mondiale. La majeure partie d’entre elles ont été réalisées par le photographe Stéphane Passet (1875–?), lequel avait entrepris en 1913 un voyage en Asie qui allait le conduire de la Grèce à la Turquie jusqu’à la Chine et la Mongolie, et finalement en Inde. . Jusqu’au 27 septembre 2015 Musée Jenisch : L'infini du geste - Ferdinand Hodler dans la collection Rudolf Schindler. Jusqu’au 4 octobre. Wallpaper Liberation - les carnets de Jean-Luc Manz. Jusqu’au 16 août. l OUTRE SARINE Bâle Cartoon Museum (St. Albanl Vorstadt 28) Atak (Georg Barber). Spécial, la collection de caricatures et de bandes dessinées - le nouvel accrochage signé Atak. Du 3 juillet au 25 octobre. l Fondation Beyeler (Riehen) Alexander Calder Gallery III. Jusqu’au 6 sept. Marlene Dumas. Jusqu’au 6 septembre. l Kunsthalle : Anicka Yi. Jusqu’au 16 août. Vincent Fecteau. Jusqu’au 23 août. l Musée des cultures : Holbein. Cranach. Grünewald. Chefs-d'œuvre du Kunstmuseum Basel - invité du MKB. Jusqu’au 28 février l Museum für Gegenwartskunst a g (St. Alban-Rheinweg 60) De Cézanne à Richter. Jusqu’au 21 février. Frank Stella. Peinture & Dessin. Jusqu’au 30 août. l Musée Tinguely (Paul SacherAnlage 1) Haroon Mirza/hrm199 Ltd. Jusqu’au 6 septembre. l Schaulager (Ruchfeldstr. 19, Münchenstein) The Collection of the Emanuel Hoffmann Foundation. Jusqu’au 31 janvier 2016 croit que je suis vivant. Du 4 juillet au 23 août. Interlaken Kunsthaus : Les Caran D'Ache de l Picasso. Jusqu’au 30 août. Riggisberg Abegg-Stiftung : Le triomphe l des ornements. Tissus de soie du XVe siècle italien. Jusqu’au 8 nov. Berne Saint-Gall Centre Paul Klee (Monument im Kunstmuseum : Isabelle Lartault l Fruchtland 3) Klee à Berne. Jusqu’au 17 janvier 2016 l Musée des Beaux-Arts (Hodlerstr. 8-12) Max Gubler - Toute une vie. Jusqu’au 2 août. Pierre de lumière. Visions du cristal dans l'art. Jusqu’au 6 septembre Bienne CentrePasqu’Art (fbg Lac 71-75) l Michael Sailstorfer. Du 5 juillet au 13 septembre. l PhotoforumPasqu’Art : Cécile Hummel - Open Spaces & Alexandra Catiere - Personne ne e n l Michel Verjux. Jusqu’au 26 juillet. Soleure Kunstmuseum : Peter Stoffel. l Jusqu’au 14 juin. Spiez Schloss : Picasso - Des arlequins, des femmes et des corridas. Du 5 juillet au 27 septembre. l Weil / Rhein Vitra Design Museum : Making l Africa. A Continent of Contemporary Design. Jusqu’au 13 septembre. d a Winterthur Fotomuseum : Beastly / Tierisch. l Jusqu’au 4 octobre. l Museum Oskar Reinhart (Stadthausstr. 6) The English Face Portraits miniatures. Jusqu’au 15 juillet. Zurich Kunsthaus (Heimpl.1) Europe ... l l’avenir de l’histoire. Jusqu’au 6 septembre. Incertitude de la conscience - une collection privée. Jusqu’au 4 octobre. John Waters How much can you take ? Du 14 août au 1er novembre. Un âge d’or. Du 28 août au 29 novembre. l Museum Bellerive (Augustinergasse 9) Cose fragili - Verre de Murano. Jusqu’au 13 septembre. l Museum Rietberg (Gablerstr. 15) À cordes et à corps - Instruments de musique de l'Inde. Jusqu’au 9 août. Un monde chatoyant - la photographie en couleurs avant 1915. Jusqu’au 27 septembre. SEPIK - Art de Papouasie - Nouvelle Guinée. Du 10 juillet au 4 octobre. 79 expos itions musée de l’élysée, lausanne La photographie sous le signe de la diversité 80 phie avec le risque que l'image à force d'être trop assise dans une réflexion manque parfois de spontanéité. Cette tendance n'échappe guère à une globalisation de l'expression artistique, mais est aussi un écho fascinant de notre époque. Affabulation Le jeu de l'affabulation dans l'image est abordé avec beaucoup de légèreté par Silin Liu (Chine) qui se met en scène avec des célébrités Le musée de l'Elysée célèbre ses 30 ans en prévoyant son installation à disparues. On y reconnaît Simone de Beauvoir, quelques pas de la gare et en organisant une exposition qui donne la parole à Andy Warhol, Charlie Chaplin, Grâce Kelly… une cinquantaine de jeunes photographes sélectionnés dans des écoles du des souvenirs et des sensations que quiconque monde entier. Cette nouvelle génération ne pose plus forcément son regard à évalue facilement. Plus poétique est la transfigutravers un viseur photographique, elle préfère construire l'image et la ration des souvenirs d'Emilie de Battista (Suisse) mettre en situation. qui projette des photos de famille sur des plaques C'est avec une belle perspective d'avenir que représentent pourtant 25 nationalités. Ils étudient de glace en train de fondre. Dans ses clichés le Musée de l'Elysée fête ses 30 ans. L'institution dans des pays aussi différents que l'Inde, la Nobukho Nqaba (Afrique du Sud) se joue des lausannoise a en effet le privilège, avec le Musée Pologne, la République Tchèque, le Cambodge symboles de l'errance et de la pauvreté que sont cantonal des Beaux-Arts et le Musée de design et ou la Nouvelle Zélande, sans oublier la Suisse, devenus ces gros sacs en plastique à motif de tard’arts appliqués contemporains, de faire partie du les Etats-Unis et le Royaume-Uni, mais se régé- tan rouge, blanc et bleu fabriqués en Chine. fameux Pôle muséal prévu Murs, table et lit, la jeune à l'horizon 2018-2022 et femme tapisse son intérieur dont le premier coup de de ces sacs ou, à l'inverse, pioche sera donné cet été. l'ensemble de ses affaires y Un écrin architectural de sont empaquetés. Les quesquelques 22'000m2 qui tions autour de l'identité servira les ambitions cultusexuelle tout comme le clivarelles européennes de la ge des cultures occidentale et capitale vaudoise et fera, orientale sont mises en paralsans doute, rêver la lèle dans une vision lancinanGenève internationale dont te et presque dérangeante de la rénovation et l’agrandisMichael Liani (Israël). Quant sement du musée d'art et à Piotr Zbierski (Pologne), il d'histoire peinent toujours mêle avec une très belle sensià se faire entendre. bilité des anciennes techMais la promesse d'un niques photographiques au nouveau lieu va de paire son et à la vidéo pour réinventer des instants sentimentaux. avec la poursuite d'une Au fil des propositions se interrogation sur la photodessinent de véritables petits graphie contemporaine, mondes où se brouillent les notamment à travers ce pistes entre réalité et fiction. troisième volet d'un projet Une diversité qui peut déraninternational entamé en ger, mais qui pose un jalon 2005. Rachel Cox, «Don’t Smile, Smile», de la serie «Shiny Ghostst», 2012 © Rachel Cox intéressant dans le paysage de L'exposition la photographie contemporaireGeneration préfigure de ce que pourrait être la création de demain en s'ap- nèrent pourtant aux mêmes sources. L'image ne. Du reste une tournée internationale de l'expopuyant sur les travaux de candidats choisis parmi photographique se dématérialise au profit du sition est prévue, comme pour ces deux précéles meilleures écoles d’art et de photographie. multimédia, une tendance certainement liée à un dentes éditions présentées à la galerie d'Aperture La sélection 2015 réunit des expressions type d'enseignement et à ce que certains définis- Fondation à New York, au Caochangdi associant l'image à une grande variété de tech- sent comme les Visual Studies qui amènent ces Photospring Festival à Pékin et aux Rencontres niques et de disciplines, la photographie est pen- apprenants à s'interroger sur la pluralité des sens d’Arles. Nadia El Beblawi sée le plus souvent dans le contexte d'une instal- de l'œuvre artistique et a y inclure nécessairelation. Une approche quelque peu uniforme du ment la perception du spectateur. Une approche processus artistique pour ces jeunes talents qui relativement nouvelle dans l'art de la photogra- reGeneration3, jusqu'au 23 août 2015 a c t u a l i t é expos itions Inspiration-Conversation (2010) annonce en un discours sans mot le thème central. musée cantonal des beaux-arts, lausanne Kader Attia Pour la première fois en Suisse une exposition personnelle est consacrée à Kader Attia. L'artiste franco-algérien revient sur son thème de prédilection, la réparation, qu'il décortique à travers le prisme des rapports entre la pensée occidentale et les cultures extra-occidentales. Son art affirme qu'entre les strates de l'histoire il y a de quoi critiquer et de quoi rebondir. L’exposition réalisée en étroite collaboration avec Kader Attia rassemble des œuvres réalisées pour l'occasion et des travaux de ces dix dernières années. Cette figure reconnue de l'art contemporain s'exprime autant par des installations, la sculpture, des photographies et des vidéos. Dans cette présentation, le musée cantonal des beaux-arts de Lausanne donne la parole à un artiste acquis au discours intellectuel, une démarche qui ne pèse en aucun cas sur l'exposition dont le parcours est évident. Son œuvre interroge les rapports entre la culture, la politique et l'identité, des notions en lien avec son vécu franco-algérien. Il sonde ses propres expériences entre l'Occident chrétien et le Maghreb islamique, ainsi que les années qu'il a passé au Venezuela et au Congo. Réappropriation En titrant son exposition Les blessures sont là, Kader Attia formule l'idée que la réparation prend la forme d'une réappropriation pour les cultures extra-occidentales, tandis que la pensée occidentale s'attache à effacer les blessures. De ce paradigme, l'artiste décline des œuvres où les objets, à l'image des blessures physique et morale, se réparent “visiblement“. L'entrée de l'exposition est dominée par des bruits dont on ne découvre la provenance qu'en atteignant la première salle. Une double projection montre deux personnes se faisant face, chacune inspirant et expirant avec force dans une bouteille en plastique. C'est un fascinant duel, un effort physique répétitif qui ramène pour un court instant l'objet à son état initial. Au bruit et au mouvement de cette première pièce s'oppose le silence de l'installation Asesinos! Asesinos! (2014) qui fait référence aux étudiants disparus au Mexique en septembre dernier. Paradoxe d'une foule hiératique, formée d'une centaine de portes dressées et surplombées de mégaphones, elle semble prête à clamer justice. Mimétisme de l'être humain ici, ou simple témoin privilégié du discours politique et culturel de l'homme, l'objet joue un rôle essentiel dans le travail d'Attia. Avec Artificial Nature et Repair, Culture’s Agency (2014) l'objet devient symbolique. L'artiste a disposé au sol, en forme de rosace, des prothèses de jambes des deux Guerres mondiales et tout autour une série de bustes en marbre blanc qui représentent des visages de gueules cassées de la Grande Guerre, terriblement défigurés puis “réparés“ avec des moyens médicaux d'urgence. Attia confronte ceux-ci à des masques africains marqués par des cicatrices, interrogeant la proximité plastique et symbolique avec notamment l'utilisation du bois ou du marbre selon la culture. Une ambiance perturbante mais qui ne bascule pas pour autant dans le tragique. Cette confrontation est étayée par un impressionnant diaporama rapprochant les sutures des “gueules cassées“ à des objets réparés ou des cicatrices rituelles. L'exposition est extrêmement riche de références, comme dans cette salle réservée aux archives de la “culture de la peur“ ou lorsque qu'il s'appuie sur des images de la collection ethnographique du Vatican pour mettre en exergue quatre entretiens soulevant des questions sur la légitimité et l'implication historique de posséder des objets provenant d’autres cultures. La richesse de ses travaux répond pour Attia a son vœu que « l'art doit amener les spectateurs à se poser des questions, les aider à voir le monde autrement. Une œuvre, une exposition doit avoir un message ». Nadia El Beblawi Musée cantonal des beaux-arts, Lausanne. Kader Attia, Les blessures sont là, jusqu'au 30 août 2015 Kader Attia «Untitled (Couscous)», 2009 Installation. Courtoisie l’artiste et Collection FRAC Centre, Orleans Credits photo: Francois Fernandez a c t u a l i t é 81 p a r i musée du jeu de paume Germaine Krull Germaine Krull (1897-1985), bien que connue à son époque pour son travail éditorial, n'a pas laissé de souvenirs dans l'histoire de la photographie en tant qu'artiste créatrice. En effet, son œuvre est l’une des moins étudiées, à la différence de celle de Man Ray, Moholy-Nagy ou Kertész, ses contemporains. 82 s sont symptomatiques de sa vision et sa recherche formalistique: - L’architecture métallique : grues, échafaudages, ponts, silos, vision moderniste de l'environnement pour l'époque (1928). - Le nu féminin : belles images, étranges cadrages, formes plus sculpturales que « parlantes ». - Les femmes : Germaine Krull s'intéresse aux femmes artistes, d'où des portraits de Colette, Berthe Bovy et autres. Ces portraits, (est-ce le fait de l'époque ?) sont plutôt le fruit Sa carrière, essentiellement en France, fut courte – une vingtaine d’années. Cet « oubli » fut aussi dû à la dispersion de ses tirages, comme à l’absence d’un fonds d’archives complet et bien identifié. De son vivant, il y eut peu d’expositions de son travail. L’œuvre éditoriale de Krull est ainsi profondément marquée de formalisme, que ce soit dans le reportage ou l’illustration ; ce qui n’exclut pas, au contraire, de participer avec les mêmes images à des expositions où la photographie est reconnue comme une activité artistique autonome. Le magazine VU, lancé en 1928, auquel elle participe dès le début (280 photographies y sont reproduites), lui permet d’élaborer, avec Kertész et Lotar, cette forme du « reportage » qui lui convient tellement : une vision artistique intégrée à l’avant-garde et une fonction médiatique et illustrative (de laquelle se nourrissent aussi les mouvements de l'époque comme le surréalisme ou le constructivisme). Un destin de photographe Dans l'accrochage du Jeu de Paume, il s’agit aujourd’hui de rendre compte de l’œuvre multiple d’une photographe énergique, engagée politiquement à gauche, ne craignant pas de voyager (la carrière de Germaine Krull se termine après une longue période en Asie du Sud-Est et au Tibet). Son travail frappe par une recherche esthétique évidente, en particulier dans ses portraits et ses nus, cela en dépit de sa déclaration que « l’engagement photographique est à l’opposé d’une revendication artistique ou interprétative du type Bauhaus ou surréalisme » (un propos qui paradoxalement ouvre son livre Études de nu, en 1930) . L’exposition est constituée d’environ 130 tirages d’époque, et de nombreux extraits de livres et magazines. La présentation chronologique s’articule autour des thèmes propres à Germaine Krull qui a Germaine Krull, Nu féminin, 1928 Tirage gélatino-argentique, 21,6 x 14,4 cm.. Achat grâce au mécénat de Yves Rocher, 2011. Ancienne collection Christian Bouqueret. Centre Pompidou, Paris. Musée national d'art moderne/Centre de création industrielle. © Estate Germaine Krull, Museum Folkwang, Essen. Photo : © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Guy Carrard c t u a l i t é p d'une démarche plastique que psychologique ou anthropologique comme ils le seraient aujourd'hui. - Les vues urbaines, notamment à Paris : Grands magasins, vitrines, facades. Ce travail comporte essentiellement des vues de rues et de bâtiments, mais peu ou pas de passants, à l'opposé de la vision humaniste d'un Doisneau. - Les mains : elle est manifestement plus fascinée par la gestuelle de ses sujets qu'à la recherche d'une véritable étude du potentiel sculptural de mains. - La partie « esprit fantasque » semble rassembler un peu tout ce qui n'entrait pas dans les autres rubriques... C'est avec l'œil porté sur la vie d'une femme photographe à l'esprit indépendant pour son époque qu'il faut voir cet accrochage dont les tirages ont visiblement été rassemblés à partir d'archives hétéroclites. Les situation créées, que ce soit en une seule prise de vue ou encore dans les combinaisons d'images des différents accrochages, sont toutes construites sur la confrontation des corps et de l’espace, de l’humain et du paysage. A la manière d'un doumentaire social, ses personnages représentent plutôt des catégories que des individus pris sur le vif : les manières d'être dans les rues, les passants, les parcours, les sorties de bureau, etc. Les corps sont habités par l’espace qu’ils parcourent, et vice-versa : les paysages, même sans présence humaine, sont façonnés par l'humain. Dans des espaces urbains, périphériques ou en friches superbement choisis et cadrés, ils évoquent des manières alternatives d’habiter la ville, comme partagés entre l'espace intérieur et l'espace public. Les prises de vue ne sont pas des portraits, mais a r i s mouvement, évoquant ce que l’artiste appelle « la puissance du vivant ». Cependant, Valérie Jouve ne se veut pas dans la compassion, loin de là, mais dans l'action. Dans la construction des situations qu'elle crée, il est visible qu'elle exprime parfois sa colère en mettant en avant la tension entre les distances émotionnelles, sociales, culturelles, économiques ou politiques mises en présence. Dans la partie de son travail intitulée « on hold » (« en attente »), s'étant installée pour un an à Jérusalem-Est, elle utilise sa vision pour explorer le territoire palestinien. Fascinée, elle entame un long travail, à travers la photographie et le film : son second film, Traversée (2012), est une forme de « roadmovie enfantin » à travers six villes palestiniennes.captant des personnages à travers leur vie quotidienne. Valérie Jouve : Corps en résistance 83 Valérie Jouve appartient à la génération de ces artistes qui, en France, se sont éloignés de la grande tradition humaniste des reportages photographiques, sans pour autant en rejeter complètement les éléments essentiels. Ses photographies et ses films relèvent à la fois de l’art contemporain et du documentaire de création. Dans son travail elle fait jouer personnages, présents ou non, et environnement, urbain surtout. Cette étude approfondie, intitulée Corps en résistance, est la philosophie que propose l'artiste dans une recherche qu'ellemême qualifie d'explorer avec des images l'au-delà des mots et des idées reçues. Cette exposition permet de découvrir un ensemble conséquent d’œuvres réalisées entre la fin des années 1980 et aujourd’hui. C'est dans les accrochages des différentes salles, de même que dans plusieurs vidéos et films, que l'on entre dans la démarche de l'artiste. Valérie Jouve parle de son travail en le définissant par la portée de ses images : Chaque image est une narration, chacun y trouve ce qui peut lui convenir. C'est la structure interne de l'image qui parle et non juste « montrer des choses ». L'image est un lieu d'expérience, faite pour se projeter soi-même, se poser des questions, une façon de se situer dans ce monde, un questionnement très actif. a c t u Valérie Jouve, Sans titre (Les Personnages avec Marie Mendy), 1994-1996 Photographie couleur, 110 x 148 cm. Collection FRAC Ile-de-France. © Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015 le fruit d’une étroite collaboration de l’artiste avec un ou ses modèles autour d’une idée commune. Pour la plupart mis en scène, ils prennent la pose au cours d’actions singulières et affirmées, de face ou souvent de dos invitant le spectateur à prendre sa place. Ainsi, dans la densité de situations urbaines, apparemment anodines s'organisent des scènes hautement chorégraphiées. Pour résumer sa démarche et son implication dans un « art engagé », Valérie cite cette phrase d'Hannah Arendt : l'homme est a-politique. La politique prend naissance dans l'espace qui est entre les hommes, donc dans quelque chose de fondamentalement extérieur à l'homme. C'est bien ce concept qui ressort de ce travail. Christine Pictet Quelques films de Valérie Jouve sont présentés, dont Grand Littoral réalisé à Marseille (où elle a vécu 10 ans). Commencé en 2001 et achevé en 2003, il propose une traversée en a l i t Musée du Jeu de Paume jusqu’au 27 septembre 2015 é p a r i s théâtre de la ville 84 théâtre des champs-élysées Golem Still Current En moins de dix ans, Internet a révolutionné comportements et mentalités. Le collectif anglais 1927 nous livre une lecture mordante de l’arrivée de ce média dans Golem, performance pluridisciplinaire présentée du 26 mai au 4 juin au Théâtre des Abbesses, salle montmartroise du Théâtre de la Ville. Le théâtre des Champs-Elysées accueillait les 19 et 20 mai la Russel Maliphant Company pour un programme réunissant cinq pièces courtes, Still, Afterlight, Two, Critical mass et Still current. Dans un décor à l’esthétique déjantée de tableaux kitsch et d’animation en pâte à modeler, les artistes du collectif 127 donnent vie à une famille de la classe moyenne anglaise bouleversée par l’arrivée d’un humanoïde d’argile, Golem, acheté par le fils pour exécuter les corvées. Au gré des montées de version – pour reprendre la merveilleuse expression des éditeurs de logiciels -, Golem va ouvrir de nouveaux horizons à l’adolescent complexé : réseaux sociaux, sites de rencontres… La version 2 fait mieux que répondre aux besoins, elle les devance et en les devançant, elle les crée. Golem est moderne, permet d’être efficace au travail, offre un champ des possibles virtuels vertigineux mais, concrètement, Golem isole - le garçon abandonne le groupe punk de sa sœur -, pousse à la consommation - la grand-mère s’offre une machine à coudre aussi sophistiquée qu’inutile. A mesure qu’il devient incontournable, Golem «Still Current» - Photo Warren Du Preez et Nick Thornton Jones rend passif. On ne lui sous-traite plus l’exécution de tâches mais la conduite de sa vie. Avec cette satyre émaillée de situations comiques burlesques où musique, théâtre et danse se mêlent dans l’esprit des Monty Python, la compagnie 127 décrypte les mécanismes des applications web et autres réseaux sociaux et pose la question : Qui contrôle Golem - son utilisateur, son fabricant, l’hébergeur des données qu’il centralise… – ? Surtout, qui contrôle l’utilisateur de Golem ? Cette question ne doit pas nous laisser indifférent alors que nous confions chaque jour à la toile, nos goûts, nos préoccupations, notre identité. Russel Maliphant occupe une place à part dans le paysage chorégraphique contemporain avec son style particulier issu d’une collaboration de plus de vingt ans avec l’éclairagiste Michael Hulls où les mouvements athlétiques jouent avec la lumière. Formé à la danse classique et passionné d’arts martiaux, le chorégraphe anglais ne cesse de se nourrir de nouvelles influences. Les œuvres ici présentées, solos et duos, sont des exemples. Dans Still, création pour un homme et une femme, la gestuelle intègre des mouvements issus de la street dance américaine et les corps jouent avec une projection de lumière stroboscopique pour créer des illusions d’optique. Two est un solo rendu célèbre par Sylvie Guillem où la danseuse cherche à s’extraire d’un cube de lumière qui la retient prisonnière. Critical mass est un duo masculin très marquée par la dance contact et les arts martiaux. Les mouvements sont nerveux et puissants. Ecrit pour un homme et une femme, Still current exprime une nouvelle fois les recherches du chorégraphe sur les équilibres et la lumière. Ces courtes pièces sont raffinées mais la recherche esthétique semble parfois prendre le pas sur l’émotion. Conçu dans le cadre d’une commande du Sadler’s Wells de Londres d’une soirée hommage aux ballets russes, Afterlight est d’une autre veine. Sur la mélodie envoutante des Gymnopédies d’Erik Satie, Thomasin Gulgec se glisse dans la peau de Vaslav Nijinski perdant la raison. Piégé par un cercle de lumière, l’artiste tourne sur lui-même comme enfermé dans ses souvenirs. Au sol, des ombres rappellent les formes que le danseur chorégraphe a laissées dans ses carnets. L’œuvre traduit l’enfermement et la solitude de l’artiste. L’ensemble est poignant et n’a rien perdu de sa force. Stéphanie Nègre Stéphanie Nègre La danse en été : Rendez-vous incontournable, les Étés de la danse accueilleront cette année du 7 juillet au 1er aout la compagnie américaine Alvin Ailey (voir le numéro 246 de Scènes magazine). L’Opéra de Paris reprendra, du 4 au 16 juillet, L’Anatomie de la sensation de Wayne McGregor, ballet inspiré par les toiles de Francis Bacon. «Golem» - Photo B Mueller a c t u a l i t é p a r i s idoine style français. Seule Sophie Koch (Genièvre) dépare, avec ses cris flottants et faux, en force certainement mais inappropriés au lyrisme de son rôle. Philippe Jordan suit ici les pas de son père, Armin Jordan, qui en 1986 fut l’auteur du tout premier enregistrement de l’opéra (faisant toujours référence). À part les incertitudes mentionnées du premier acte, il défend avec une science profonde, face à un orchestre puissamment délicat, les mille détails de la partition. Une réhabilitation tardive, mais menée à bon terme. opéra Arthus couronné Le Roi Arthus fait une entrée remarquée à la Bastille. L’opéra de Chausson y bénéficie de solides ingrédients, côté mise en scène et restitution musicale, propres à lui rendre pleine réparation. Toute Belle Hélène «Le Roi Arthus» © Andrea-Messana / Opéra national de Paris L’Opéra de Paris reçoit le Roi Arthus. Enfin ! Cent-vingt ans après sa composition et plus de cent-dix après sa création. Car l’opéra d’Ernest Chausson (1855-1899) fut achevé en 1895, mais créé au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles en 1903, quatre ans après la mort du compositeur. Par la suite, l’œuvre disparut quasiment des scènes ; jusqu’à des représentations dans nos temps actuels, comme à Dortmund en 1996, puis Montpellier, Cologne, le festival de Bregenz, de nouveau la Monnaie (pour le centenaire de la création), et Strasbourg l’an passé. La Bastille figure ainsi bonne dernière à offrir cet opéra, pourtant pensé expressément pour Paris. Il s’agit, nonobstant, d’un opéra majeur du répertoire français ; peut-être le chef-d’œuvre de la période qui va des Troyens à Pelléas, avec une musique qui précisément fait lien entre Berlioz et Debussy, d’une subtile et grande inspiration. En tout état de cause, une œuvre très supérieure au contemporain Cid de Massenet, vu récemment à Garnier (voir Scènes Magazine de mai). À la Bastille, Graham Vick signe la mise en scène. Dans une vision actuelle qui replace l’histoire du roi Arthus (ou Arthur ) et de son a c t u fidèle chevalier Lancelot, énamouré de l’épouse d’Arthus selon ce livret un peu simple du compositeur lui-même, comme une aventure de tous les temps : l’époux, la femme et l’amant. Le décor, une maison et son mobilier d’aujourd’hui, les costumes, également actuels, tous vivement colorés et illuminés (chose rare, et difficile, dans les mises en scène), donnent la vérité des mouvements et des sentiments, immédiatement transmissibles et accessibles. D’obsédantes épées marquent l’indispensable référence légendaire, et le prétexte des combats. Suffisant pour donner de la trame une évocation forte, sans verser dans un incongru cinémascope (du film Excalibur, par exemple, et que certains peut-être attendaient…). Bien vu ! Après un premier acte assez confus, l’interprétation musicale prend son envol. Roberto Alagna plante un Lancelot, rôle principal davantage que le rôle-titre, de prégnante présence vocale comme il sait le faire. Thomas Hampson livre un Arthus émouvant, malgré une émission parfois réduite. Parmi les rôles secondaires, Stanislas de Barbeyrac (Lyonnel), Peter Sidhom (Merlin) et Cyrille Dubois (le Laboureur) s’acquittent parfaitement dans un a l i t Le Châtelet s’ouvre à Offenbach. Bien lui en prend ! dans le cadre d’un répertoire qui s’impose dans ce théâtre, en regard de son histoire et de sa vocation dans le panorama lyrique parisien. La Belle Hélène, scie obligée de tous les théâtres de France et de Navarre, trouve donc un cadre des plus appropriés. Puisque, de surcroît, c’est presque une lecture philologique qui est proposée. À partir de la partition critique récemment éditée, et avec un soutien musical ad hoc. L’Orchestre Prométhée, un peu sec en raison sans doute de son effectif réduit, l’excellent Chœur du Châtelet, un plateau vocal adéquat, et une direction vive, celle de Lorenzo Viotti : et le tour est joué, qui offre à se délecter de la veine, souvent inspirée, d’Offenbach. Car si le bouffe ou le grotesque domine, c’est davantage dans les paroles et le sujet que dans la musique, sensible si on la retire de son texte et de son contexte. Gaëlle Arquez est la belle Hélène, belle par sa prestance et son chant : la pleine et entière justification de cette production. À côté, le Pâris de Merto Sungu fait plus pâle figure, mais se libère honorablement, le spectacle avançant, dans ses traits et jolis airs de ténor léger. Gilles Ragon mène un crédible Ménélas, quand JeanPhilippe Lafont se démène pour un Calchas quelque peu bourbeux. Très bien venus et en place, se situent tous les petits rôles. La réalisation scénique de Giorgio Barberio Corsetti et Pierrick Sorin, leur ressemble (comme dans les précédents Pop’pea et La pietra del paragone, vus en ce même Châtelet): avec ces images dédoublées par un écran vidéo, d’une action sur scène minimale, mais enjouée. Un spectacle qui honore la programmation du Châtelet. Lohengrin et Avenida Le Théâtre de l’Athénée présente un diptyque lyrique contemporain, réunissant Lohengrin, mais de Salvatore Sciarrino (né en é 85 p a r i s «Avenida de los incas 3518» © Pierre Grosbois «Lohengrin» © Pierre Grosbois 86 1947), et Avenida de los incas 3518 de Fernando Fiszbein (né en 1977). L’ouvrage de Sciarrino date de 1982, depuis régulièrement repris. Il s’agit d’un mélodrame à un seul personnage, d’après une nouvelle de Jules Laforgue, au-dessus d’une instrumentation toute en effluves et scintillements. La pièce de Fiszbein est, elle, récente, de 2010 ; qui égrène les péripéties domestiques des habitants d’un immeuble de Buenos Aires, où vécut justement Fiszbein, entre folie débridée et satire ; à travers une musique cette fois acerbe et drue. La mise en scène de Jacques Osinski se fait onirique dans un noir ténébreux pour la première pièce, puis trépidante comme il se doit pour la seconde, devant une vidéo ébouriffée défilant tous les étages et toutes les situations des personnages. Ceux-ci bénéficient de bons chanteurs, à en croire le rendu sonore général, mais dont on peut mal juger des qualités individuelles à travers la transmission forcée et déformée des microphones. De même pour l’acteur Johan Leysen, l’unique interprète de Lohengrin, pour lequel Sciarrino n’avait au reste prévu aucune amplification. Car c’est l’ensemble le Balcon qui officie, avec sa mauvaise manie des sonorisations artificielles. Mais son mentor, Maxime Pascal, ne s’en donne pas moins avec conviction dans une direction toujours assurée. On retiendra de la soirée combien Sciarrino reste un beau musicien, quand Fiszbein s’affirme un librettiste particulièrement imaginatif. son Falstaff, créé en 1799 à Vienne, qui revient sur le devant de la scène. Ici au Théâtre Roger Barat d’Herblay, en banlieue parisienne. Un opéra dans le style des Mozart de Da Ponte et annonçant Rossini, loin de la tragédie des Danaïdes. Car Falstaff recèle bien des joyaux. À commencer par son livret, savoureux ; qui narre les mésaventures du bedonnant héros, à partir de trois pièces différentes de Shakespeare, dans l’exacte trame échafaudée un siècle plus tard par l’opéra éponyme de Verdi. À croire que ce dernier et son complice Boito sont de vulgaires plagiaires ! La musique cependant diffère, on s’en serait douté, mais sans déchoir face à celle son rival plus célèbre : enroulant airs et ensembles enlevés, orchestration fine, dans une veine Utile Uthal Poursuivant sa quête du répertoire dit « romantique français », le Palazzetto Bru Zane ressort Uthal. Cet opéra-comique oublié d’un Étienne-Nicolas Méhul (1763-1817) qui l’est presque autant, sinon pour être associé aux cérémonies révolutionnaires ou napoléoniennes et pour son Chant du Départ, a été créé en 1806. Festif Falstaff L’heure d’Antonio Salieri (1750-1825) aurait-elle sonné ? Après les Danaïdes, victorieusement ressuscitées il y a plus d’un an, c’est a changeante et tournoyante, conclue par de grands finals à chacun des deux actes. Le résultat est plus que probant, servi à Herblay par un plateau vocal aguerri et une cohérence d’ensemble qui doit au chef d’orchestre Iñaki Encina Oyón, mais aussi à Johannes Pramsohler, premier violon et directeur des instruments d’époque du remarquable Ensemble Diderot, et à Philippe Grisvard, chef de chant et pianofortiste. Et nous ne tarirons pas d’éloges sur Philippe Brocard, incarnant un rôle-titre lourd (dans tous les sens) dont il s’empare avec un brio et une assurance exemplaires. Maria Virginia Savastano n’est pas en reste, tant dans l’abatage scénique que vocal. Claudia Moulin, Sébastian Monti, Éléonore Pancrazi, Wiard Witholt et Olivier Déjean, leur rendent fière réplique. Le metteur en scène Camille Germser vise au mieux et au juste. Pour retrouver l’esprit « giocoso », il transpose ainsi l’action à notre époque, ou plutôt une époque proche, les années 80 avec ses Freaks façon bandes dessinées underground de Robert Crumb (Falstaff et son acolyte) et ses bourgeois bcbg (les couples Ford et Slender, et leur femme de chambre). Et tout ce petit monde parfaitement campé et grimé, dans des décors de bric-à-brac et situations croquignolettes. En plein accord avec la trame mouvementée de l’ouvrage ! «Falstaff» c t u a l i t é p On ne saurait parler, en l’espèce, d’un oubli injuste, pour un ouvrage d’assez faible souffle musical et de structure. La formule en est pourtant originale, par son orchestration d’où les violons sont exclus, comme les aigus parmi les voix, à l’exception d’une seule mezzo. Il en résulte, hélas !, une couleur générale assez monocorde, sourde plutôt que sombre. On retient une belle ouverture tumultueuse, une complainte d’un original style modal (le « Chant des Bardes ») et un joli ensemble histoire de bien finir. Le mezzo solitaire Malvina possèderait des emportements qui font songer à Gluck, mais amoindri. Pour ce rôle qui tourne court, comme l’œuvre : une heure quinze, y compris de pesants dialogues parlés ; au fil d’une histoire extravagante, d’après Ossian (alias James Macpherson), d’un vieux chef écossais trahi par son subalterne, Uthal, qui finit toutefois par épouser la fille du chef… Il n’empêche qu’il était utile de redécouvrir «Uthal» - photo Gaelle Astier-Perret le temps d’un concert, ici dans le cadre approprié de l’Opéra royal de Versailles, un ouvrage seulement cité par les monographies. D’autant que l’interprétation n’appelle que des éloges. Jean-Sébastien Brou présente un Larmor, le vieux chef ossianique, bien senti. Pour Uthal, Yann Beuron distille une technique vocale de ténor baroqueux français, avec de beaux aigus en voix de tête. Une mention particulière pour Philippe Nicolas Martin, le Chef des Bardes et baryton assuré. Karine Deshayes dispense le seul rôle féminin avec l’ardeur qu’on lui connait. Et tous de s’avérer pareillement excellents pour les longues tirades parlées. Dépourvu de ses pupitres féminins, le Chœur de chambre a c t u de Namur reste égal à lui-même ; autrement dit, parfait. Tout comme les Talens Lyriques, sous la vaillante battue de Christophe Rousset. Tintagiles tintinnabulant Dans une programmation toujours affriolante, le Théâtre des Bouffes du Nord accueille la Mort de Tintagiles. Il s’agit de la pièce de Maeterlinck écrite en 1894 pour un théâtre de marionnettes, mais revisitée sous forme de théâtre musical. C’est avec son complice Christophe Coin que Denis Podalydès conçoit le spectacle. Avec l’incomparable talent qui lui est coutumier. Dès les premiers instants, parmi la pénombre, la musique s’installe : puisée à une quinzaine de pages, de Satie à Tobias Hume, de Bartók à Berio, mais aussi de Jean Nougues (18751932) à Charles Loeffler (1861-1935) et Eugène Cools (1877-1936), compositeurs qui s’étaient inspirés de Tintagiles. Elles sont transmises et transposées par le violoncelle d’amour et baryton à cordes de Coin, l’alto d’amour et viole de Garth Knox, vibrant par « sympathie », pour constituer le halo sonore continu de la soirée. Déjà, une part de rêve. Les acteurs (Adrien Gamba Gontard, Leslie Menu, Clara Noël et Knox lui-même), livrent alors la pièce dans un jeu évanescent, qui tient du murmure et de la méditation, pour conter les destin funeste du petit enfant Tintagiles de retour dans un château fantomatique. Les images de cette allégorie à peine esquissée oscillent dans un clair-obscur baroque, tout juste éclairé d’une bougie et de vagues projecteurs, à travers une esthétique picturale qui évoque Murillo ou Georges de La Tour. Du grand art ! Ventre d’opérettes En ouverture de son troisième festival, le Palazzetto Bru Zane présente le Ventre de Paris. Ou une fantaisie gastronomique, servie aux Bouffes (sic) du Nord, sur des musiques traitant du thème culinaire tirées d’opérettes d’Hervé, Offenbach, Lecocq, Audran… Ou plutôt sur des transpositions de ces musiques et de leurs traces dans les archives, pour piano (Daniel Isoir), violoncelle (Isabelle Saint-Yves), flageolet et bas- a l i t a r i s son (Mélanie Flahaut), face à quatre chanteurs autant qu’acteurs. Une appétissante comédie, depuis les entrées jusqu’à la digestion, conçue par le baryton de la soirée, Arnaud Marzotti. Avec la soprano Camille Poul, la mezzo Caroline Meng et le ténor David Ghilardi complètent avec délice le menu. À croquer ! Lyrisme suisse L’ambassade de Suisse à Paris se permet un concert dans un de ses beaux salons, en partenariat avec la Fondation Royaumont, avec des mélodies d’inspiration exotique de Xavier Dayer (compositeur maison, donc suisse, avec des extraits de son récent opéra Contes de la lune vague après la pluie), Maurice Delage, Ravel et Roussel. La soprano Judith Fa et le pianiste Alphonse Cemin en délivrent tous les sortilèges. Pour rechercher, l’espace d’un soir, le temps proustien des salons et de leurs musiques. Le Geneva Camerata fait un saut au Théâtre de l’Atelier, pour un vivifiant concert intitulé « Balkan-Baroque ». Sous la battue vigoureuse de David Greilsammer, Bach et Vivaldi s’alternent de pages tziganes d’égale virtuosité, servies par la dextérité du clarinettiste Gilad Harel. Métamorphose et Guitare Avant une fermeture d’un an (pour travaux), le Théâtre de l’Athénée clôt en beauté avec la Métamorphose. L’opéra de Michaël Levinas d’après Kafka, créé en 2011 à Lille, jouit d’une imagerie somptueuse, selon l’imagination folle du vidéaste-plasticien Nieto. On serait moins séduit par la musique lancinante d’un Levinas mal inspiré, en dépit de l’appoint de la technique Ircam, de chanteurs adaptés (aux voix traitées électroniquement) et de l’ensemble le Balcon dirigé efficacement par Maxime Pascal. Le Guitarrero revit l’espace d’une soirée au Théâtre de la Porte Saint-Martin. L’opéracomique de Fromental Halévy avait été créé en 1841, et mérite bien de ce retour : pour sa musique fine et élaborée, entre jolis airs et ensembles bien construits. Un plateau vocal idoine, dont sortent vainqueurs Marc Larcher et Julie Robard-Gendre, un ensemble instrumental, celui des Frivolités Parisiennes, bien animé par la battue d’Alexandra Cravero, un scène meublée par Vincent Tavernier de toiles et costumes pittoresques pour cet argument dans un Portugal de conventions : et le public de faire un triomphe mérité. Pierre-René Serna é 87 p a r i s énergie à l'ampleur très confortable et très large. La sonorité si singulière des cuivres colore d'intentions très esthétisantes l'épanchement du mouvement médian. Le chef dissimule mal une envie d'en découdre qui fait par exemple de l'allegro con brio un corps-à-corps avec le massif vibrant des cordes. Symbiose parfaite dans le Troisième concerto de Beethoven, avec Emmanuel Ax au clavier. Le jeu de questions-réponses du Rondo ou la plénitude du Largo sont autant de moments précieux que l'auditeur emporte avec enthousiasme. Cerise sur le gâteau : La Suite extraite du Chevalier à la rose qui, à trop vouloir séduire, finissent paradoxalement par s'égarer dans une lecture à vue (et parfois périlleuse). Evénement multiforme et multi-lieux, le festival Entre deux représentations du Roi Arthus, Philippe Jordan et Manifeste-Ircam ouvre ses portes cette année avec le rare l’Orchestre de l’Opéra de Paris proposent à Bastille un avant-dernier volet et puissant Requiem pour un jeune poète de Bernd Alois de leur intégrale Beethoven avec les Symphonies 6 et 8. Le couplage ne Zimmermann, sous la baguette de Michel Tabachnik à la surprendra personne et il faut reconnaître qu'il séduit sans réserve. tête de la SWR de Stuttgart. Philippe Jordan sait organiser les forces antagonistes qui font de la Huitième symphonie une ellipse mystérieuse placée entre le mysticisme de la Septième et la cosmogonie de la Neuvième. L'ensemble gagne progresIl n'était certainement pas nécessaire, vu la dimension déjà généreuse sivement en tension et en intensité. La battue énergique de l'allegro scherde l'œuvre, de lui adjoindre en première partie Photoptosis, partition à la zando répond à l'impeccable splendeur du Tempo di menuetto. Splendeur vision et à l'écriture très différentes. Le Requiem trouve avec la grande également dans une Pastorale de premier ordre. L'enchâssement très salle de la Philharmonie de Paris un écrin idéal à sa dimension monumen- architectural font de l'orage un épisode dramatique très théâtral et qu'on tale. L'auditeur se trouve littéralement noyé dans une masse sonore multi- aurait pu croire écrit par Carl Maria von Weber ou Felix Mendelssohn. ple et sans cesse proliférante. L'effectif démentiel présente en plus d'un Dernier regard vers le Théâtre des Champs-Elysées avec ce premier orchestre classique, un jazz band, un orgue, deux pianos et quatre groupes récital parisien du ténor wagnérien Klaus Florian Vogt, accompagné par le vocaux répartis aux points cardinaux et secondés par un puissant disposi- jeune et talentueux Andris Nelsons et l'Orchestre de Birmingham. On ne tif électronique. Les chanteurs se font également récitants pour croiser peut reprocher au programme l'inconfort d'entendre des extraits sympholeurs interventions à des enregisniques de Wagner mis bout à bout trements dont la violence histoavec des airs célèbres. Surmontant rique fait éclater les limites d'une l'obstacle, le ténor allemand sait œuvre classique. Ainsi, Joyce diacomme nul autre immerger l'audilogue avec Eschyle, Maïakovski, teur dans le climat de recueilletandis que se mêlent les discours ment du dernier acte de Parsifal de Mao, Goebbels, Chamberlain… (“Amfortas, die Wunde“ et l'ultisur fond de 9e de Beethoven et me “Nun eine Waffe taugt“). Le fil Hey Jude des Beatles (!). d'argent de la voix se déploie Contraste total au Théâtre des admirablement dans les extraits de Champs-Elysées, avec la lecture Lohengrin, rôle qu'on dirait écrit assourdissante de la Turangalîlapour lui tant il sait négocier tous Symphonie d'Olivier Messiaen par les pièges redoutables de la respiEsa-Pekka Salonen et son orchestration pour offrir une interprétare Philadelphia. Le chef scandination de haut vol. “Höchstes Klaus Florian Vogt ve prend à revers les options d'un Vertrauen hast du mir schon zu Mariss Jansons, entendu la saison précédente dans ce même lieu. Adieu danken“ ou, bien sûr, le très attendu “In fernem Land“ sont accueillis dans donc, les couleurs et les variations chatoyantes de cette partition inclassa- un impressionnant silence de salle et des salves d'applaudissements ble qui convie sur le devant de la scène un duo piano-ondes Martenot ininterrompus dès la dernière barre de mesure. Pour un peu, on en oublieassez désuet. Depuis les premiers coups de marteau en guise de percus- rait presque la Septième symphonie de Dvořák qui suivit. Est-ce l'effet de sion, jusqu'aux écrasements bruitistes de la petite harmonie, rien ne sem- la première partie ? L'impression fut atténuée par des cordes incapables ble résister à ce déluge d'énergie qui semble fondre sur le public comme d'élever l'Allegro maestoso initial à un niveau expressif passionnant. Les un barrage sonore qui aurait cédé sous le poids des intentions spectaculai- deux mouvements conclusifs firent remonter une tension rythmique qui res. On sort de cette expérience avec l'épuisement consécutif à l'effort qu'il menaçait de disparaître. Andris Nelsons profita de cette éclaircie pour aura fallu supporter. L'affiche promettait beaucoup, mais il faut malheu- offrir en bis une danse Slave en forme de figure pyrotechnique qui sût reusement reconnaître qu'il s'agit d'un échec. emporter l'adhésion d'un public comblé. Toujours au TCE, l'orchestre de Philadelphie en tournée avec le chef David Verdier canadien Yannick Nézet-Séguin, dans un programme Brahms-StraussBeethoven dont l'interprétation fait mentir le parfum classique de l'affiche. Cette célébrissime Troisième Symphonie de Brahms est parcourue d'une chronique des concerts L'été avant l'heure 88 a c t u a l i t é p a r i s b e a u x - a r t s Maison Européenne de la photographie Jacques Henri Lartigue L’exposition “Lartigue, la vie en couleurs“ dévoile un pan inédit de l’œuvre du photographe et peintre français. Bien que la couleur représente plus d’un tiers de la totalité de ses clichés, celle-ci n’a jamais été montrée ou exposée en tant que telle. Il s’agit d’une réelle découverte pour le public, non seulement parce que les photos exposées le sont pour la première fois ou presque mais aussi parce qu’elles révèlent un Lartigue inconnu et surprenant. Lartigue a pratiqué la couleur à deux périodes de sa vie. Une première fois de 1912 à 1927, et il en est résulté une série d’autochromes - 87 plus précisément, qui sont conservés à la Donation Lartigue - dont une trentaine est montrée dans l’exposition. Lartigue a alors 18 ans et il est très enthousiasmé par ‘les nouvelles technologies’; il expérimente donc le procédé autochrome, mais la lourdeur de l’équipement et la lenteur du temps de pose le font délaisser cette technique. A partir de 1949, soit après vingt ans de photographie en noir et blanc, Lartigue s’intéresse de nouveau à la couleur. Avec son Rolleiflex, il privilégie le format carré jusque dans les années soixante-dix tout en pratiquant avec son Leica le format 24x36. Toute sa vie, Lartigue a conservé une fraîcheur enfantine, une curiosité et un émerveillement comparables. Est-ce cela qui explique la modernité évidente de ses photographies ? Une modernité – faut-il le préciser – que la couleur exa-cerbe au Florette dans la Morgan. Provence, mai 1954 Photographie J. H. Lartigue © Ministere de la Culture - France / AAJHL point de lui donner une sensibilité quasi contemporaine. . Jusqu’au 23 août 2015 Bibliothèque Nationale l PiAF – jusqu’au 23 août Centre Pompidou l LE CORBUSiER - Mesures de l’homme – jusqu’au 3 août l UNE HiSTOiRE, art, architecture et design, des années 80 à aujourd'hui – jusqu’au 11 janvier 2016 Cinémathèque française l ANTONONi, AUX ORiGiNES DU POP – jusqu’au 19 juillet Cité de l’Architecture l CHAGALL, SOULAGES, BENZAKEN… LE ViTRAiL CONTEMPORAiN – jusqu’au 21 septembre. Fondation Cartier l BEAUTé CONGO – 1926-2015 – CONGO KiTOKO – Du 11 juillet au 15 novembre Fondation Louis Vuitton l LES CLEFS D’UNE PASSiON – jusqu’au 6 juillet Galerie des Gobelins l CARTE BLANCHE à OLiViER ROLLER – jusqu’au 26 juillet l L’ESPRiT ET LA MAiN. Héritage et savoir-faire des ateliers du Mobilier national – jusqu’au 17 janvier 2016 Grand Palais l VELáZqUEZ – jusqu’au 13 juillet l JEAN PAUL GAULTiER – jusqu’au 3 août a g Jeu de Paume l KHVAy SAMNANG, L’homme-caoutchouc / VALéRiE JOUVE, Corps en résistance / GERMAiNE KRULL (18971985), un destin de photographe – jusqu’au 27 septembre. Maison de l'Amérique latine l PABLO REiNOSO – jusqu’au 5 sept. Maison du Japon l FiBER FUTURES. Les explorateurs de la création textile au Japon – jusqu’au 11 juillet. Maison de la Photographie l LARTiGUE, la vie en couleurs / MARCOS BOiSSO, Arpoador / ALiCE SPRiNGS / PHiLiPPE COMETTi, DOMiNiqUE qUESSADA / LE CHAT ET SES PHOTOGRAPHES – jusqu’au 23 août Maison Rouge l My BUENOS AiRES – jusqu’au 20 septembre. Monnaie de Paris l MARCEL BROODTHAERS – jusqu’au 5 juillet Musée des Archives Nationales l MéSOPOTAMiE, Carrefour des cultures – jusqu’au 24 août Musée des arts décoratifs l TRéSORS DE SABLE ET DE FEU Verre et cristal – jusqu’au 15 nov. Musée d’art du judaïsme l MAGiE, Anges et démons dans la e n tradition juive – jusqu’au 19 juillet l MyRiAM TANGi, Mehitza. Ce que femme voit – jusqu’au 26 juillet Musée d’art moderne l LA PASSiON SELON CAROL RAMA – jusqu’au 12 juillet l MARKUS LüPERTZ. Une rétrospective – jusqu’au 19 juillet l HENRy DARGER – jusqu’au 11 oct. Musée Bourdelle l MANNEqUiNS D'ARTiSTE, MANNEqUiNS FéTiCHES – jusqu’au 12 juillet Musée Cognacq-Jay l THé, CAFé OU CHOCOLAT ? L’essor des boissons exotiques au XViiie siècle – jusqu’au 27 septembre Musée Dapper l L’ART DE MANGER - Rites et traditions – jusqu’au 12 juillet Musée Jacquemart-André l DE GiOTTO à CARAVAGE - Les passions de Roberto Longhi – jusqu’au 20 juillet Musée du Louvre l L’éPOPéE DES ROiS THRACES – jusqu’au 20 juillet l MARK LEwiS - invention au Louvre – jusqu’au 31 août Musée du Luxembourg l LES TUDORS – jusqu’au 19 juillet Musée Marmottan-Monet l LA TOiLETTE. Naissance de l’intime d a – jusqu’au 5 juillet Musée de Montmartre l L’ESPRiT DE MONTMARTRE ET L’ART MODERNE 1875-1910 – jusqu’au 25 septembre Musée de l’Orangerie l ADOLFO wiLDT (1868-1931) – jusqu’au 13 juillet Musée d’Orsay l PiERRE BONNARD. Peindre l’Arcadie – jusqu’au 19 juillet l DOLCE ViTA - Art décoratif italien 1900-1940 – jusqu’au 13 sept. Musée du Quai Branly l LES MAîTRES DE LA SCULPTURE DE CôTE D’iVOiRE – jusqu’au 26 juillet l TATOUEUR, TATOUéS – jusqu’au 18 octobre Musée Rodin l RODiN, le laboratoire de la création – jusqu’au 27 septembre Palais Galliera l JEANNE LANViN – jusqu’au 23 août Petit Palais l THOMAS LOROOy – jusqu’au 5 juillet Pinacothèque l LE PRESSiONNiSME 1970 - 1990, les chefs-d’œuvre du graffiti sur toile de Basquiat à Bando – jusqu’au 13 septembre. 89 p a r i s t h é â t r e La Comédie Française La maison de Bernarda Alba La Comédie-Française s’éprend de Garcia Lorca, avec sa “Maison de Bernarda Alba“ qui fait une entrée fulgurante au répertoire. Dans une adaptation française, bien évidemment et due à Fabrice Melquiot, mais qui en garde tout le propos décapant. Car il s’agit d’une pièce prémonitoire et révolutionnaire, mais pas exactement dans le sens que l’on imagine. Puisque la pièce est l’une des toutes rares au théâtre, à ne faire intervenir que des personnages féminins. « Une pièce de femmes, donc universelle » pour citer Lilo Baur. Bernarda Alba est donc la maîtresse-femme, tyrannique, la figure d’un matriarcat implacable. Celle qui impose à ses cinq filles et à ses servantes une vie monacale recluse dans sa maison, pour (fausse) raison d’un deuil de huit ans à respecter. Les hommes sont exclus, sinon par la pensée et ses obsessions. L’aînée des filles, Angustias, est toutefois la seule promise à un prochain mariage, à Pepe le Romano. Ce qui provoque la jalousie et la convoitise de ses sœurs, dont l’une, Adela, mettra en pratique ses intentions. Avec Pepe, précisément. La mort en sera le fruit, issu du fruit défendu. 90 À la salle Richelieu, les comédiennes du Français se glissent dans leurs personnages avec une force et une intensité rentrée qui font froid dans le dos. Céline Brune est Bernarda, omniprésente, omnipotente, dictant à toutes la conduite à tenir : une grande actrice, dans l’expression, peut-être davantage que dans la diction, par trop intériorisée. Quand Claude Mathieu, la Servante, Elsa Lepoivre, la vétérane Poncia, Florence Viala, la «La maison de Bernarda Alba» grand-mère Maria Josefa, donnent libre cours à une déclamation franche, que leur autorisent leurs rôles en rodomontades non dépourvus d’humour. Véronique Vella et Adeline d’Hermy s’affrontent en Angustias et Adela avec une acrimonie directement sensible. Lilo Baur enserre ce petit monde recroquevillé sur lui-même devant un mur noir de caillebotis, d’où le monde, libre et ouvert, n’apparaît qu’en profilé. Comme un songe inaccessible… Le jeu est alors à nu, sans autre élément de décor hormis une large table et des chaises sous de sinistres éclairages, sombre et glacé. Puisque chez Lorca, le soleil est hors les murs. Tout comme l’espérance. Pierre-René Serna . Jusqu’au 25 juillet 2015 Réservations : 01.44.58.15.15 COMéDiE FRANçAiSE SALLE RiCHELiEU (01.44.58.15.15) u Lucrèce Borgia de Victor Hugo m.e.s. Denis Podalydès - jusqu’au 19 juillet u La Maison de Bernarda Alba de Federico Garcia Lorca - m.e.s. Lilo Baur - jusqu’au 25 juillet u La Tragédie d’Hamlet de Shakespeare - m.e.s. Dan Jemmett jusqu’au 26 juillet u Un Fil à la patte de Feydeau m.e.s. Jérôme Deschamps - jusqu’au 26 juillet ViEUX-COLOMBiER (01.44.39.87.00) u Le système Ribadier de Feydeau m.e.s. Zabou Breitman - jusqu’au 17 juillet COMéDiE SAiNT-MiCHEL (loc. 01.55.42.92.97) u L’ours & Une demande en mariage de Tchekhov - m.e.s. Alexandre Bonneau, Delo - jusqu’au 5 juillet EDGAR (01.42.79.97.97) u Commis d’office d'Olivier Maille et Guillaume Labbé - m.e.s. Olivier Maille - jusqu’au 15 août u Marié à tout prix ! de Nicolas Hirgair - m.e.s. Luq Hamett - jusqu’au 16 août. GAîTé-MONTPARNASSE (01.43.22.16.18) u Molière malgré moi de et avec Francis Perrin - jusqu’au 29 août. POCHE-MONTPARNASSE (01.45.48.92.97) u The Servant de Robin Maugham m.e.s. Thierry Harcourt - jusqu’au 12 juillet RiVE GAUCHE (01 43 35 32 31) u 24h de la vie d'une femme de Stefan Zweig - m.e.s. Steve Suissa avec Clémentine Célarié - jusqu’au 29 août u Le Joueur d'échecs de Stefan Zweig - m.e.s. Steve Suissa - avec Francis Huster - jusqu’au 29 août THéâTRE DE PARiS (01.48.74.25.37) u Open Space de et m.e.s. Mathilda May - jusqu’au 12 juillet TRiSTAN BERNARD (01.45.22.08.40) u Les Faux British de Henry Lewis, Jonathan Sayer, Henry Shields m.e.s. Gwen Aduh - jusqu’au 31 juillet Bouffes du Nord Le Bourgeois gentilhomme Cette comédie-ballet de Molière mise en scène par Denis Podalydès revient au Théâtre des Bouffes du Nord. La musique de Lully qui l’accompagne est dirigée par Christophe Coin. Bourgeois gentilhomme©Pascal Victor ArtComArt Dans cette œuvre, Molière tire le portrait d’un aventurier de l’esprit n’ayant d’autre désir que d’échapper à sa condition de roturier pour poser le pied sur des territoires dont il est exclu... la découverte d’une terra incognita qui, de par sa naissance, lui est interdite.. il s’attelle donc au vaste chantier de vivre ses rêves... Et qu’importe si ces rêves sont ceux d’un homme ridicule. . Jusqu’au 26 juillet Les réservations de billets peuvent être effectuées par l’intermédiaire du site : theatreonline.com a g Réservations : 01.46.07.34.50 e n d a a i l l e u chronique lyonnaise Pépites de Fourvière En ce mois de juin, les institutions pérennes (Théâtre des Célestins et Les Subsistances) et les festivals (les Nuits de Fourvière ouvrent le bal) se croisent. Dans le premier cas, des jeunes et revigorantes troupes ; dans le second, des équipes prestigieuses, françaises et internationales. Pour clore sa saison, le Théâtre des Célestins a accueilli le collectif La Meute, dirigé par Thierry Jolivet, dans Belgrade. La dramaturge espagnole Angelica Liddell y a créé une forme limpide : Agnès, journaliste occidentale, se rend à Belgrade où se tiennent les funérailles de Milošević. Elle y rencontre cinq figures (en autant de monologues) que la récente Guerre des Balkans a marquées : un apparatchik et nationaliste serbe ; un anti-Milošević réduit à la misère ; un croque-mort qui, hagard devant cet amas de morts, abandonne son métier ; et un jeune soldat, dont elle s’enamoure. Durant les quatre premiers solos, la véhémence qui la gifle la laisse mutique ; in fine, elle constate qu’écrire lui est impossible. Au long de la représentation, la langue évolue, de l’insoutenable à une méditation, quasi-philosophique, sur l’amour. La scénographie est à deux niveaux : l’espace de jeu, en bas, que coiffe un plateau où jouent deux musiciens (un batteur et un claviériste-guitariste). À ce texte bouleversant qui nous hurle que nous, Occidentaux, avons refusé de voir, dans cette guerre à deux heures d’avion de Paris, que la culture européenne s’y est fracassée, La Meute donne une densité stupéfiante. Fabriquant, avec âpre lucidité, son propre art théâtral, chacun des cinq acteurs, à l’énergie radicale, profère son monologue en un inéluctable crescendo qui laisse le spectateur KO. Un bémol : la musique qui, réduite à deux accords, signalétique et prévisible, accompagne chaque monologue, endommage le texte de Liddell : elle pousse les comédiens au-delà de leurs limites vocales et, in fine, rend le texte inintelligible ; et elle abîme tant les tympans du spectateur qu’une demi-journée est nécessaire que disparaissent les acouphènes ainsi suscités. Les Nuits de Fourvière Chaque juin voit arriver les Nuits de Fourvière. Pour ouvrir ce festival, A midsummer night’s dream (avec sur-titrages) de Shakespeare par une équipe californienne : Tim Robbins (au cinéma, acteur, scénariste et réalisateur ; au théâtre, comédien et metteur en scène ; enfin, musicien) et son Actor’s Gang. Dans une élégiaque nuit de plein-air, à l’Odéon (un des théâtres de ce site remontant à la Rome antique), les coulisses sont latérales au plateau : changer vêtures et accessoires se fait à vue. The Actor’s Gang est singulier : il établit un contact immédiat avec chaque spectateur qu’il mobilise grâce à un haut niveau d’énergie (vocale et physique), tandis que comprendre les subtilités du texte (surtout ce Songe) appartient au seul spectateur, mais à condition que ce dernier dispose de la culture générale nécessaire. Quelques jours auparavant, entendre le Philadelphia Orchestra, à l’Auditorium de Lyon, a laissé la même impression : Les Chiens de Navarre & «Les Armoires normandes» © Philippe Lebruman une virtuosité à agrip- a c t u a l i t r s per le spectateur grâce à une large gamme de dynamiques dans des sonorités toujours pleines ; et un texte non-fouillé, au risque de frustrer. Probablement cette impression doit-t-elle être relativisée : le système de production étasunien correspond à la philosophie politique libérale qui y règne (à chacun son chemin et sa compréhension des situations). Nous autres en Europe, où la pensée politique privilégie le bien public et le service public, attendons que les interprètes (comédiens et équipe scénique) aient tant lu et fouaillé le texte que chaque spectateur y créé son propre entendement. “Frustration” est donc à tempérer : lui substituer des différences culturelles, bienvenues et essentielles, l’emporte. Chroniquer un second spectacle (Les femmes savantes de Molière, par Macha Makieff) des Nuits de Fourvière, également joué à l’Odéon, était prévu : las, l’orage a englouti les deux premières représentations. La place ainsi laissée vacante permet de saluer l’activité, par petits festivals tout au long de la saison, que produisent Les Subsistances, pluridisciplinaire “laboratoire international de création”. En ce présent juin, son festival Livraisons d’été propose Les armoires normandes par le collectif Les chiens de Navarre (il en sera traité à l’automne prochain, lorsque ce spectacle sera donné Du mardi 26 au samedi 30 janvier 2016 au théâtre Forum de Meyrin et une pépite : Paris tiré du subtil et profond roman Mélo (éd. Verticales) de Frédéric Ciriez, mis en scène par David Bobée. Ce dernier, depuis peu directeur du Centre dramatique de Haute-Normandie, est un des talents montants du théâtre hexagonal : Paris l’atteste. Trois rôles sur la scène, dont le principal (Parfait de Paris) conduit un camion-poubelle dans le quartier Barbès. Cette pièce est en trois parties : il est samedi, Parfait effectue et commente son travail ; puis il rentre chez lui et se sape (un blazer en croco vert électrique, un pantalon jaune et une cravate courte en lézard argenté) pour parader ; car il a loué une Rolls Royce, avec chauffeur, qui le conduit dans une boîte que fréquentent de nombreux Africains. Avec une mise en scène aussi fouillée que le texte est chatoyant, Marc Agbedjidji campe un inoubliable (mélancolique, drôle et touchant) Parfait. Sans réserve aucune, suivons ces deux hautes personnalités : David Bobée et de Marc Agbedjidji. Frank Langlois é 91 Novarina Erik Truffaz Maurane Akram Khan Sound Of Music Preljocaj Gilles Jobin Piazzolla Circus Incognitus Andromaque Les Chiens de Navarre Gilles Privat Platonov Contes chinois Crack in the Sky Terpsycordes Figaro divorce Théâtre Danse Musique Cirque Saison 2015–2016 forum-meyrin.ch m é m e n t o GENEVE jazz concerts u 8.7. : LAMBERT ORkiS, piano & ANNE-SOPHiE MuTTER, violon (Bartok, Beethoven, Respighi, Ravel). Victoria Hall à 20h (loc. TicketCorner, Fnac) classique MuSiquES EN éTé CLASSiquE (rens. 0800.418.418 / loc. Maison des arts du Grütli / Espace Ville de Genève / Cité Seniors / Genève Tourisme) Scène Ella Fitzgerald à 20h30 : u 2.7. : OSR, dir. kazuki Yamada (Tchaïkovski, Glazounov, Chostakovitch, Stravinski). Concert gratuit. u 4.8. : L’ORCHESTRE DE CHAMBRE DE GENèVE, dir. Arie van Beek. TEREZA GEVORGYAN, soprano, MARiE JAERMANN, soprano, ROSS RAMGOBiN, baryton (Mozart, Rossini, Mendelssohn). Concert gratuit. Cour de l’Hôtel de Ville à 20h30 (rocade : Alhambra) : u 9.7. : quATuOR DE GENèVE (Debussy, Schubert) u 14.7. : DAViD GRiMAL, violon, ANNE GASTiNEL, violoncelle, PHiLiPPE CASSARD, piano (Chausson, Trotignon, Schubert) u 16.7. : GENEVA CAMERATA, dir. et piano DAViD GREiLSAMMER, ANDREAS SCHOLL, contre-ténor (Mozart, Schubert, Haendel, Pärt) u 21.7. : BéATRiCE RANA, piano (Bach, Debussy, Chopin, Ravel) u 23.7. : ELSA GRETHER, violon, DAViD LiVELY, piano (Prokofiev, Copland, Ravel) u 25.7. : ORCHESTRE DES CONTiNENTS (Mozart, Debussy, koh, Schubert) u 28.7. : STEPHAN GENZ, baryton, MiCHEL DALBERTO, piano (Schumann, Schubert) u 30.7. : quATuOR SiNE NOMiNE (Haydn, Barok, Beethoven) u 6.8. : NELSON GOERNER, piano (Haendel, Schumann, Chopin, Scriabine), u 11.8. : iL GiARDiBO ARMONiCO, dir. Giovanni Antonini, MARiE-CLAuDE CHAPPuiS, mezzo-soprano (Monteverdi, Josquin des Prés, Gombert, Ockegem, Luzzaschi, Rore) u 13.8. : quATuOR TERPSYCORDES (Haydn, Meldelssohn, Dvorak) a g MuSiquES EN éTé (rens. 0800.418.418 / loc. Maison des arts du Grütli / Espace Ville de Genève / Cité Seniors / Genève Tourisme) Cour de l’Hôtel de Ville à 20h30 (rocade : Alhambra) : u 6.7. : BRAD MEHLDAu TRiO u 13.7. : MARET / «TAiN» WATTS / HAYS / kuBiSZYN u 20.7. : BiLL FRiSELL quARTET, Guitar in the space age ! u 27.7. : ROY HARGROVE quiNTET u 3.8. : SONS OF kEMET u 10.8. : ROOT 70 WiTH SPRiNGS théâtre divers u Jusqu’au 5.7. : BESOiN DE CONSOLATiON de Stig Dagerman et Rodrigo Garcia, m.e.s. Marcela san Pedro, danse et théâtre. Le Galpon (rés. au 022/321.21.76 au plus tard 2 heures avant le début de l’événement - mail : [email protected]) divers u 4 et 5.7. : FESTiVAL OPENAiRE. Festival de cultures urbaine qui combine sport, musique, danse et performances. Esplanade Marignac à Lancy ( rés. 022/794 55 33 ) u Du 7 au 12.7. : FESTiVAL DE LA CiTé, festival des arts et de la découverte. En ville, gratuit AILLEURS cernier FESTiVAL POéSiE EN ARROSOiR, Evologia, Grange aux Concerts (rés. 032 889 36 05, [email protected]) u 9.7. à 19h : CYRiL MOkAiESH & GiOVANNi MiRABASSi chantent les grands naufragés. u 14.7. à 19h : POéSiE DE GiLLES VACHON & MuSiquE éLéCTRONiquE musiques LAUSANNE les diablerets colorées concerts MuSiquES EN éTé (rens. 0800.418.418) Concerts gratuits Scène Ella Fitzgerald à 20h30 : u 3.7. : AZiZ SAHMAOui & uNiVERSiTY OF GNAWA, Maroc u 8.7. : TOTO LA MOMPOSiNA, Colombie, cumbia u 10.7. : LiSA LEBLANC, Canada, folk trash u 15.7. : BkO quiNTET, Mali, tradimoderne u 17.7. : ALViN ‘YOuNGBLOOD’ HART’S MuSCLE THEORY, uSA, blues u 22.7. : EDDY AFRO, Ethiopie, pop éthiopienne u 24.7. : CuRTiS HARDiNG, uSA, soul u 29.7. : ANTONiO ZAMBuJO, Portugal, fado u 31.7. : GAYE Su AkYOL, Turquie, folk psychédélique u 5.8. : PuNCH BROTHERS, uSA, progressive bluegrass u 7.8. : CHEB LAkHDAR & MAZALDA, Algérie / France, raï u 12.8. : i kONG & ALPHEuS feat. NAJAViBES, Jamaïque /Royaume-uni / Suisse, reggae u 14.8. : SuN RA ARkESTRA, uSA, cosmic jazz u 19.8. : MARCELO D2, Brésil, hip-hop opéra MuSiquES EN éTé CLASSiquE (rens. 0800.418.418 / loc. Maison des arts du Grütli / Espace Ville de Genève / Cité Seniors / Genève Tourisme) Cour de l’Hôtel de Ville à 20h45 : u 7, 8, 10, 11.7. : POMME D’APi & MONSiEuR CHOuFLEuRi RESTERA CHEZ Lui LE... d’Offenbach. Opéra de Chambre de Genève, dir. Franco Trinca e n u Du 8 au 11.7. : MuSiquE CLASSiquE MARiuS BORGEAuD. Cour de la Fondation de l’Hermitage à 18h. Le 8 : CLAiRE DASSESSE, violon & DEBORAH LEE, piano / Le 9 : DEBORAH LEE, piano / Le 10 : ANNA MiNTEN, violoncelle & DEBORAH LEE, piano / Le 11 : CAPuCiNE kELLER, chant & DEBORAH LEE, piano. Au TEMPS DE FESTiVAL D’éTé MuSiquE-MONTAGNE, Eglise catholique, salle principale (rés. +41 24 492 00 10et à l'entrée des concerts) u Du 14 au 25.7. avec ASTRYD COTTET, soprano ET BENJAMiN FAu, guitare, le 14 juillet, et La Misatango "Misa A Buenos Aires" de Martin Palmeri et “Le Requiem en C, MH 155“ de J.M. Haydn, les 23, 24 et 25 juillet Nyon far°, festival des arts vivants En 2013, Gunilla Heilborn présentait «This is not a Love Story» © Stefan Bohlin Une nouvelle fois, la ville de Nyon sera délicieusement perturbée au mois d’août car, durant deux semaines, le far° se profilera à nouveau comme un “rassembleur“ pour les amateurs d’arts scéniques. Comme chaque année, théâtre, danse et performance seront au menu de cette manifestation estivale unique dans la région, qui explore les nouveaux territoires des arts vivants en accueillant des artistes suisses et internationaux, et en proposant une programmation originale et exigeante avec, pour but, de sensibiliser le public romand aux esthétiques contemporaines les plus radicales. . Du 12 au 22 août 2015 d a 93 m é m martigny n t u 3, 4, et 5.7. : DiSNEY-PixAR EN Projections sur grand écran, accompagnées du Sinfonietta de Lausanne, dir. Constantin Roults u 10.7. : PLAZA FRANCiA - A NEW TANGO SONG. Catherine Ringer (des Rita Mitsouko) chante Müller & Makaroff (de Gotan Project). CONCERT. AMPHiTHéâTRE ROMAiN (infos et rés. : www.tell2015.ch ou auprès de Martigny Tourisme ou de l'Espace clients Sinergy.) u Les 2, 5, 8, 12, 15.8. : GuiLLAuME TELL de Rossini, par L’Opéra du Rhône. meinier FESTiVAL AMADEuS. Grange de la Touvière (billetterie : Très Classic, 022 781 57 60 / Grange de la Touvière dès le 21.8. au 022 750 20 20 / tous les soirs, 2 h avant le concert) u 28.8. à 20h30 : ENSEMBLE MATHEuS & JEAN-CHRiSTOPHE SPiNOSi, direction (Vivaldi, Telemann) u 29.8. à 20h30 : quATuOR BELCEA & VALENTiN ERBEN, violoncelle (Mozart, Webern) u 30.8. à 19h : ADAM LALOuM piano (Mozart, Webern, Schumann) 94 e mézières THéâTRE Du JORAT à 20h, dim à 17h (loc. 021/903.07.55 ou [email protected]) montreux MONTREux JAZZ FESTiVAL 2015 du 3 au 18 juillet (Contact / Réservation : 021/962 21 19 http://www.montreuxjazz.com ) SEPTEMBRE MuSiCAL 2015 du 27 août au 10 septembre (Réservation : 021/962.80.05, ou TicketCorner, Fnac, ou réservation en ligne : www.septmus.ch/fr/billetterie/) u 27.8. : RuSSiAN NATiONAL ORCHESTRA dir. Hartmut Haenchen & MikHAiL PLETNEV, piano (Händel, JS Bach). Auditorium Stravinski à 19h30 u 28.8. : RuSSiAN NATiONAL ORCHESTRA dir. Hartmut Haenchen & MikHAiL PLETNEV, piano (Mozart, Haydn). Auditorium Stravinski à 19h30 u 29.8. : FiNALE CONCOuRS CLARA HASkiL 2015. Orchestre de Chambre o de Lausanne, dir. Christian Zacharias. Salle del Castillo à 20h u 30.8. : EuROPEAN PHiLHARMONiC OF SWiTZERLAND. Jam Session. Salle des Congrès du Fairmont Montreux Palace à 18h u 31.8. : quATuOR AROD (Haydn, Ligeti, Schubert). Château de Chillon à 19h30 st.légier Eglise de La Chiésaz u Du 14 au 22.8. : 26E SEMAiNE iNTERNATiONAL DE PiANO ET MuSiquE DE CHAMBRE (infos : http://www.sipiano.com) sierre BLuES FESTiVAL 2015. Plaine Bellevue (rés. [email protected] / infos : http://www.sierreblues.ch/fr/ ) u du 8 au 12.7., avec NAZARETH, PHiLiPP FRANkHAuSER, HENRi DèS, JéRôME PiéTRi, FANNY BLuES, ETC. siviez CHAPELLE Du BLEuSY, HAuTE-NENDAZ (Réservation : [email protected] ) u Du 10.7. au 14.8. : FESTiVAL iNTERNATiONAL DE GuiTARE CLASSiquE. Tous En Bauges Ophélie Gaillare © DR Et la liste des musiciens qui feront le déplacement mérite amplement que l’on s’y intéresse : Chœur Accentus, Ophélie Gaillard, Trio Karenine, Quatuor Prazak ou Quatuor Modiglani, par exemple.... des musiciens qui vous enchanteront avec des œuvres de Villa-Lobos, Vivaldi, Elgar, Dvorak, Schumann ou Beethoven. Signalons encore que la quasi totalité des concerts auront lieu dans différentes églises du Parc naturel régional du Massif des Bauges, d’ou l’appellation Musique & Nature de la manifestation. . Du 4 juillet au 15 août 2015 tannay VARiATiONS MuSiCALES (Billetterie : Points de vente TicketCorner, au 0900.800.800 / rés. [email protected].) u 22.8. à 20h : CAMiLLE THOMAS & ORCHESTRE Du FESTiVAL, musiciens de l'OSR dir. Jonathan Haskell (Beethoven, Dvorak, St-Saëns) u 23.8. à 17h : RENAuD CAPuçON, violon ET JéRôME DuCROS, piano, en duo (Mozart, korngold, Strauss) u 27.8. à 21h : LAuRE FAVRE-kAHN, piano & SON spectacle Chopin... Confidences, accompagnée par la voix de Charles Berling u 28.8. à 20h : ALExANDRA CONuNOVA, violon & CAMERATA BERN dir. Susan Meesun Hong Coleman (Mozart, Mendelssohn, Schubert) u 29.8. à 20h : BORiS BEREZOVSkY, piano en récital (Grieg, Scarlatti, Stravinsky) u 30.8. à 17h : ANNE GASTiNEL, violoncelle & ORCHESTRE DES PAYS DE SAVOiE « Vienne 1800 » dir. Nicolas Chalvin (Mozart, Haydn, Schubert, Elgar) Annecy Musique & Nature 2015 Annecy, La Thuile, Rumilly, Le Châtelard ou St. Jean d’Arvey figurent parmi les agglomérations dont les églises accueilleront les concerts liés au 17ème festival Musique & Nature en Bauges. les vendredis à 20h Classique Festival 2015 Bertrand Chamayou, Jean-Christophe Spinosi, Alexandre Tharaud, Leonidas Kavakos ou Denis Matsuev,... vous pourrez entendre ces musiciens virtuoses, et bien d’autres encore, lors de l’édition 2015 du Annecy Classique Festival. Le violiniste grec Leonidas Kavakos retrouvera le chef Yuri Temirkanov et l’Orchestre Philharmonique de SaintPétersbourg (28 août). Portés par le chef d’orchestre JeanChristophe Spinosi, les musiciens de l’Ensemble Leonidas Kavakos © Marco Borggreve Matheus et les artistes du Chœur de chambre Mélisme(s) dépasseront leurs limites pour donner vie à la “Missa Solemnis“ (26 août). . Du 24 au 30 août 3015 Toutes les informations vous attendent sur : www.annecyclassicfestival.com/fr/ Réservations : Par téléphone au +33 (0)4 50 51 67 67 / Par email à [email protected], ou sur le site Renseignements et réservation : 04 79 54 84 28 – [email protected] – www.musiqueetnature.fr a g e n d a JAZZ CLASSIQUEOPERA COLOREES design—lavalley.eckell.wierzbicki @ c’est à voir 28.06 —19.08 2015