L`article 1134 du Code civil Corrigé proposé par
Transcription
L`article 1134 du Code civil Corrigé proposé par
Sujet :L’article 1134 du Code civil Corrigé proposé par : - ESSONO EDOU Arsène ; - KOUGANG WODA Tatiana ; - MENDZANA Linus Francis ; - ONANA NGA Dominique. kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 1/17 Plus que par le passé, et eu égard à l’avènement de nouveaux types de contrats qui font masse en pratique, la parole donnée par les parties à un contrat demeure aporétique. Pourtant, le principe de la force obligatoire des contrats avec ses suites, prévu par l’article 1134 du Code civil, lequel, faisant l’objet de notre étude, existe bien. Ainsi, dans une formule lapidaire à Domat1, cet article exprime bien l’effet obligatoire du contrat et ses conséquences : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ; les rédacteurs du Code civil ont démontré qu’un contrat s’impose aux parties comme la règle de droit s’impose à l’ensemble des citoyens. Aussi a-t-on souvent présenté cet article comme traducteur de l’autonomie de la volonté. Parce que contracter c’est employer un instrument forgé par le droit 2, le Code civil apporte tout de même la sanction en raison de l’utilité qu’il y a à ce que les hommes respectent la parole donnée. Déjà, en Droit public, l’acte juridique émanant de la volonté d’un ou quelques individus a, en général, effet à l’égard d’un plus grand nombre, puisque ceux qui agissent le font en vertu d’un pouvoir réglementaire de commandement correspondant aux intérêts collectifs dont ils ont la charge ; or en Droit privé où les considérations individualistes l’emportent, le contrat n’a en principe d’effet qu’à l’égard des individus qui l’ont voulu. Les parties étant libres de s’engager ou non ; mais une fois liées, elles doivent exécuter le contrat tel quel. Ni le juge, ni même le législateur n’ont pouvoir d’y intervenir. Dès lors, quelles analyses pouvons-nous faire du contenu de l’article 1134 du Code civil ? Plus théoriquement, quelle est la pertinence de ces dispositions aujourd'hui ? Il ressort de la lecture de cet article un intérêt indéniable en ce qu’il permet de mesurer aujourd'hui l’effectivité et l’efficacité des principes posés par l’article 1134 du Code civil. Ainsi, il semble judicieux, pour cette étude, de scruter les principales règles soulevées par l’article 1134 du Code civil (I), 1 Domat, Les lois civiles dans leur ordre naturel, Livre I, Titre I, Section 2, VIII, « Les conventions étant formées, tout ce qui a été convenu tient lieu de loi à ceux qui les ont faites et elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement commun » 2 F. Terré, Ph. Smiler, Y. Lequette, Droit civil I, les obligations, 8ème Edition, 2002, p. 433. kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 2/17 bref, son analyse, pour s’appesantir sur leur pertinence aujourd'hui (II) par la suite. kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 3/17 I. L’hymne chanté aux principes de l’article 1134 du Code civil L’article 1134 du Code civil qui dispose : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi », fait ressortir trois grands principes : la force obligatoire du contrat (A), sa réalisation (B) et l’exécution de bonne foi des conventions (C). A. La matérialisation de la force obligatoire La matérialisation de la force obligatoire se traduit par le respect pour chaque partie des obligations nées du contrat (1) et la prohibition des personnes étrangères au contrat (2). 1. Le respect pour chaque partie de ses obligations nées du contrat Au XVIIIe siècle, les philosophes des lumières prônaient la liberté de l’homme. L’individu était au fond l’élément premier de la société, il est libre, autrement dit, le contrat ne peut provenir que des individus eux-mêmes. Rousseau disait alors dans le fameux Contrat social que : « la convention est la base de toute autorité parmi les hommes ». Kant soulignait ensuite qu’une personne ne peut être soumise à d’autres lois que celles qu’elle se donne elle-même. Ainsi, lorsque le contrat a été conclu au moins librement, les obligations qui en résultent doivent être comme loi pour les parties qui doivent s’y conformer. Ainsi, à la lecture de l’article 1134, les obligations des parties génèrent des obligations ayant force de loi. L’article 1134 donne ainsi autorité et valeur au contrat. Toutefois, pour kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 4/17 que le contrat soit une loi et s’applique aux parties contractantes, l’article 1134 précise que les conventions doivent être légalement formées. Ainsi, l’article 1108 du code civil donne quatre conditions fondamentales pour qu’un engagement soit valablement constitué : la cause doit exister et être licite, l’objet doit être certain et former la matière de l’engagement, les parties doivent être capables et le consentement des contractants ne doit pas d’être vicié. Lorsque ces conditions sont remplies, le contrat a force de loi et s’impose donc aux parties contractantes. Du fait qu’il émane de l’autonomie de la volonté des parties contractantes, le contrat a force obligatoire, c'est la promesse faite et reçue des différentes parties. Cette force obligatoire se manifeste généralement par le droit à l’exécution forcée. Ainsi, l’absence d’exécution volontaire par l’une des parties ouvre à l’autre le droit d’obtenir l’exécution par le recours à la force publique. Et, si la partie lésée au contrat renonce à l’exécution forcée en nature, elle peut réclamer la résolution du contrat assortie ou non de dommages-intérêts. C'est ce qui ressort de l’article 1184 du Code civil qui dispose que : « … le contrat n’est point résolu de plein droit, la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté a le choix de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts ». Ainsi, plus qu’une force obligatoire qui se limiterait aux obligations directes, le contrat crée un « effet de contrainte » qui impose aux parties qui encourent des sanctions en cas de non respect de leurs obligations. Ceci se justifie par la nécessité pour les parties de maintenir leur engagement, fruit de leur volonté et de leur consentement libre et éclairé. 2. La prohibition de l’immixtion des personnes étrangères au contrat Si la force obligatoire du contrat s’applique aux parties qui en ont souhaité les effets, elle crée une situation de fait et de droit que les tiers sont tenus de prendre en compte. Inspiré de l’adage latin selon lequel : « Les actes conclus par les uns ne kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 5/17 peuvent ni nuire, ni profiter aux autres », le principe de l’effet relatif des conventions défini par l’article 1165 du Code civil gouverne les rapports entre le contrat et les tiers quand il dispose que : « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que les cas prévus par l’article 1121 ». L’effet relatif limite les obligations des parties et empêche de ce fait les tiers de s’immiscer dans le contrat. Les parties ont donc la capacité d’opposer leur contrat aux tiers, ce qui implique que ceux-ci ne peuvent pas, de façon délibérée, aller à l’encontre de la situation juridique créée. Ceci signifie que, toutes les personnes étrangères au contrat ne peuvent se voir imposer une clause du contrat. Pour ce qui est du juge, personne étrangère au contrat, il doit être « la bouche qui prononce les paroles du contrat ». Ainsi, dans l’arrêt Canal de Craponne, la Cour de cassation affirme que : « dans aucun cas il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse paraître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à ceux qui ont été librement acceptées par les contractants ». Ainsi, pour que le contrat ait force obligatoire et représente par conséquent l’autonomie de la volonté, il doit s’opposer à l’immixtion des tiers. B. Les hypothèses conventions restrictives de révocabilité des L’article 1134, alinéa 2 du Code civil dispose que : « Elles (les conventions) ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ». Autrement dit, d’après ces dispositions du Code civil, la révocation est limitée non seulement par le consentement des parties au contrat (1), mais également par certaines autorisations légales (2). kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 6/17 1. La règle de la révocabilité par consentement mutuel Cette règle prévoit qu’un contrat ne peut être révoqué que par l’accord préalable des deux parties. Et, pour une meilleure efficacité, cet accord doit être exprès et non tacite. Cette règle a pour fondement le caractère obligatoire du contrat. En effet, le contrat ayant force obligatoire, une partie ne saurait y mettre fin indépendamment de la volonté de l’autre partie. Cela se justifie par le fait qu’une résiliation brutale du contrat pourrait porter un préjudice à l’autre partie. C'est ce qui transparaît à la lecture de l’article 1134, alinéa 2 du Code civil. Cette révocabilité par consentement mutuel a également pour fondement la liberté des parties. C'est librement que les parties ont accepté de s’unir par un contrat. Cette acceptation était mutuelle, et non unilatérale. Il est donc tout à fait normal que l’on exige cette même mutualité en ce qui concerne la révocation du contrat. Cela est d’autant plus normal dans la mesure où les contrats sont pour la plupart conclus pour une durée bien déterminée. Cette durée est toujours le choix libre des parties, d’où l’exigence du consentement mutuel en cas de révocabilité. Ainsi, en vertu de la force obligatoire du contrat et vu que les parties sont libres, la révocation du contrat ne peut se faire que par consentement mutuel. Cependant, pour essayer de limiter cette rigidité, le législateur a prévu d’autres causes de révocation. 2. Les cas de révocabilité autorisés par la loi En effet, la révocation est une suppression d’un acte par l’effet de la loi ou par décision, ou à la demande d’une partie en raison de l’indignité du bénéficiaire. Le développement de la législation protectrice des consommateurs a introduit des techniques pouvant permettre une résiliation unilatérale du contrat de la part du consommateur. C'est ainsi que la loi du 10 avril 1990 régissant l’activité commerciale au Cameroun prévoit en son article 30 la possibilité pour le consommateur d’avoir un kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 7/17 délai de réflexion en cas de vente à domicile. A l’issue de ce délai, le consommateur peut, soit maintenir le contrat, soit le résilier purement et simplement. Dans ce cas spécifique, la loi autorisant la révocation a le souci de protéger le consommateur qui, dans le contrat de vente, est souvent la partie faible. De même, la loi peut autoriser la révocation unilatérale d’un contrat s’il transparaît que ce contrat est foncièrement indigne pour l’une des parties. Cette autorisation de la loi trouve son fondement dans le droit pour chaque personne au respect de la dignité. Ce droit étant un droit fondamental consacré par de nombreux textes internationaux tels que la déclaration universelle des Droits de l'homme ; et nationaux, tels que la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996. En son préambule, il est normal que les législateurs nationaux veillent au respect de ce droit. Si l’on fait une analyse plus poussée, l’on pourrait dire que le droit au respect de la dignité de la personne humaine fait partie de l’ordre public. Et, l’article 6 du Code civil prévoit que : « l’on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ». En vertu donc de tous ces fondements textuels, il est normal que la loi intervienne pour résilier le contrat indépendamment de la volonté des parties, lorsque les effets de ce contrat paraissent indignes pour l’une des parties. L’alinéa 2 de l’article 1134 du Code civil permet de constater que, bien que la volonté des parties soit un élément important dans l’établissement des conventions, dans la mesure où, sans consentement mutuel, l’on ne saurait avoir de résignation mutuelle. Cette règle a même été consacrée par la jurisprudence3. Mais, le respect des droits fondamentaux étant au-dessus des conventions particulières, la loi intervient dans des cas très restreints pour permettre cette résiliation, ainsi, la volonté des parties est le socle de la formation du contrat. Il en est de même pour son exécution. C. L’exécution de bonne foi 3 Cassation civile, 6 mars 1876, AFFA. De Gallifet, C. Commune de Pelissonne. kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 8/17 L’article 1134, alinéa 3 requiert l’exécution de bonne foi pour la validité du contrat (1) et une exigence dont le non respect entraîne des conséquences (2). 1. L’exigence de bonne foi et le devoir de loyauté Parce que le contrat repose sur la volonté des parties même si les volontés sont quelque fois enfermées dans certaines limites par la loi impérative et si la jurisprudence a pu impérativement inclure dans le contrat conformément à son économie des obligations qui n’ont pas été prévues par les parties, il est dominé par le principe du respect de la parole donnée. C'est ce principe essentiel qui est affirmé à l’article 1134 du Code civil selon lequel : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». En d’autres termes, dans les rapports des parties, le contrat s’impose avec la même force que la loi à condition qu’il ait été légalement formé. L’article tire notamment de ce principe que les conventions légalement formées « doivent être exécutées de bonne foi ». La bonne foi est une mission chargée de valeur morale sans doute héritée de son étymologie qui en fait un substantif d’allure religieuse. La bonne foi a donc la vertu de rétablir une certaine éthique dans les relations contractuelles. Ainsi, la bonne foi en tant que comportement loyal exige une attitude d’intégrité et d’honnêteté de la part des parties au contrat. La bonne foi telle qu’énoncée par l’alinéa 3 de l’article 1134 est conçue comme un contrepoids au dogme absolu de l’autonomie de la volonté. Elle est donc requise pour la validité du contrat et afin de conférer au contrat la force de la loi. Elle est une attitude générale des signataires vis-à-vis du contrat, une forme moderne et nouvelle de l’équité. Elle est donc essentielle dans la formation du contrat, car, elle est un élément de moralisation du droit dont le sens est de tempérer la sècheresse et les abus du droit positif. C'est la raison pour kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 9/17 laquelle le contrat doit être exécuté de bonne foi sans oublier le devoir de la loyauté prôné par la doctrine. Les parties au contrat ont un devoir de loyauté, c'est-à-dire une absence de mauvaise volonté ou d’intention malveillante. La bonne foi apparaît donc comme un principe fondamental dans le contrat qui impose aux parties contractantes d’agir avec l’esprit de loyauté. Le non-respect de ces exigences pourrait avoir de multiples conséquences. 2. Les conséquences en cas de non respect de ces exigences Le non-respect du principe de l’exécution de bonne foi entraîne de multiples conséquences. Elles engagent la responsabilité de la partie au contrat qui a été de mauvaise foi. C'est ce que dispose l’article 1147 du Code civil en ces termes : « Le débiteur est condamné s’il y a lieu au paiement des dommages et intérêts soit à raison du retard dans l’exécution toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ». II. Les atténuations aux principes soulevés par l’article 1134 du Code civil A ce niveau, il convient de voir que ces atténuations se résultent de l’intervention du juge dans les rapports contractuelles (A), et l’extension du principe de solution de l’article 1134 du Code civil à d’autres personnes (B) autres que les parties signataires du contrat. A. L’intervention du juge dans les rapports contractuels kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 10/17 Jadis frappé d’une interdiction de s’immiscer dans les relations contractuelles qui lient les parties signataires, le juge est de plus en plus proche dans les conventions. Son intervention se matérialise par une approbation du rapport contractuel (1) et par la correction du contenu du contrat vicié (2). 1. L’approbation du rapport contractuel par le juge Lorsque les clauses contractuelles, représentées dans un instrumentum apparaissent obscures, le juge va souvent intervenir pour imposer le respect de la parole donnée et faire œuvre salvatrice du contrat. En effet, le juge peut donc clarifier le contrat en cherchant la commune intention des parties 4 ; et ce parce que le langage est un véhicule imparfait de la pensée, il se trouve immanquablement un jour où l’être est en proie à l’ambiguïté, la confusion ou la contradiction 5. Le juge est d’ailleurs frappé d’une obligation d’interpréter 6 les conventions légalement formées, il doit donc éclairer les imperfections du discours contractuel. Parce que maladresse, incohérence sont chaque jour liées à l’homme, l’intervention du juge apparaît comme somme toute indispensable. Seulement, la commune intention des parties peut souvent sembler difficile à rechercher, alors, le rédacteur du Code civil recommande à l’interprète d’examiner le contrat en entier, conformément aux dispositions des articles 1157 à 1161, et de privilégier son efficacité7 toutes les fois que cela sera possible. Notons également que l’interprétation peut être aussi objective, et c'est le juge français qui le premier avait posé le principe de 4 Cf. Art. 1156 Code civil. 5 Ph. Simler, J-OL. Civ, Art. 1156 à 1164, Fasc. 10, p. 3, n°1. 6 Cass. 3e Civ., 16 avril 1970, D. 1970, p. 474, note M. Contamine-Raynaud. 7 Selon l’article 1159, ce qui serait ambigu s’interprète par ce qui est d’usage. kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 11/17 telles interprétations dans un arrêt en date du 21 novembre 1911, en précisant son domaine8. Enfin, le juge peut parfaire un contrat en procédant par la requalification. Le juge doit donc restituer la qualification exacte des actes ou clauses litigieuses sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée 9. Dès lors, l’intervention judiciaire dans les rapports contractuels se perçoit encore par le procédé de correction du contenu du contrat vicié et d’autres procédés assimilés. 2. La correction du contenu du contrat vicié Il est permis au juge d’annuler une partie du contrat vicié ou de procéder à la réduction des stipulations excessives. Il pourra donc substituer un élément illicite par celui licite. En outre, les « blancs » ou vides laissés par les parties signataires au contrat permettent au juge de mêler sa voix à la leur. Par ailleurs, la loi permet donc, dans le silence des parties, de compléter le contrat par l’application de ses dispositions supplétives après avoir préalablement qualifié. Depuis l’arrêt Gaz de Bordeaux, le principe de révisibilité du contrat par le juge administratif français avait été posé, mais ce, lorsqu’il s’agit de l’égalité de tous devant les charges publiques et en présence d’une question d’intérêt général. Ce qui était la position contraire exposée dans l’arrêt Canal de Craponne en 1876. En outre, le juge peut procéder, par le « forçage » du contrat afin d’amener la partie « récalcitrante » à s’exécuter, et en cas d’insuffisance du contenu contractuel, il peut souhaiter créer une nouvelle situation contractuelle parfaite. C'est donc dire que les contrats demeurent aujourd'hui des actes ostensibles. Au total, le juge a vu ses pouvoirs s’accroître en 8 Obligation de renseignement, information, de sécurité, et surtout utiliser dans les contrats de transport (obligation de résultat). 9 Qf. Art. 12 Nouveau Code de procédure civile français ; cf. aussi R. Martin, « Le juge a-til l’obligation de qualifier ou de requalifier ? », D. 1994, Chron. P. 368 et s. kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 12/17 matière contractuelle et la pratique contractuelle de l’heure en témoigne tout aussi grandement. Car, divers types de contrats sont formés tous les jours et le législateur ne les appréhende pas toujours. On recourra au juge pour les qualifier, les interpréter pour trouver une solution en cas de contentieux. Hormis le juge et le législateur, on perçoit une extension du rapport contractuel à d’autres parties différentes des signataires, parce que le contrat aura créé une situation juridique nouvelle. B. L’extension du rapport contractuel à des personnes que les parties signataires Il convient de souligner ici que, parce que le contrat a créé une situation juridique nouvelle, les tiers vont donc se voir frappés du devoir de respecter cette nouvelle situation, on parlera d’opposabilité du contrat au tiers (1). Aussi, l’intrusion de moult autres personnes dans ce contrat se fera sentir (2). 1. L’opposabilité du contrat aux tiers : mise en branle de l’effet relatif des contrats Le tiers est défini négativement comme celui qui n’est pas lié par le contrat. Mais une personne qui s’ingère au contrat peut en devenir partie comme représenté, successeur et autres, et certaines sont dans une situation intermédiaire. Nous retiendrons à ce niveau la première définition. Ainsi, la situation juridique nouvelle créée par le contrat entre les parties signataires peut être opposée aux tiers par ces parties ou aux parties par les tiers. En effet, parce que n’ont pas participé à un contrat, ils ne peuvent pas exécuter les obligations qui en sont nées. Ceci établit en filigrane à leur égard un devoir d’abstention selon lequel les tiers ne doivent pas faire obstacle consciemment à l’exécution d’un contrat. L’article 1165 du code kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 13/17 civil les met à l’abri en disposant que : « les conventions ne nuisent point aux tiers,… ». Alors, un tiers qui aide un débiteur à ne pas exécuter le contrat se rend complice de la violation et peut voir sa responsabilité engagée. Par là, la jurisprudence 10 a souvent décidée que : « le contactant victime d’un dommage né de l’inexécution d’un contrat (…) peut demander la réparation de ce préjudice au tiers à la faute duquel il estime que ce dommage est imputable ». Il s’agit d’une responsabilité délictuelle du tiers. L’exemple d’un patron qui débauche un employé d’un concurrent et l’amène à rompre son premier contrat abusivement, se rend complice de cette rupture. La responsabilité de l’employé est contractuelle et celle du patron est délictuelle. Par ailleurs, les tiers peuvent invoquer un contrat pour mettre en œuvre la responsabilité d’une partie. C’est le cas où un tiers peut subir un préjudice du chef de la mauvaise exécution d’un contrat. De fait, la Cour de cassation démontrait que le tiers ne pouvait obtenir réparation que s’il démontrait l’existence d’une faute délictuelle envisagée en elle-même, indépendamment de tout point de vue contractuel. Il fallait donc une faute détachable du contrat. Le tiers pourrait enfin invoquer le contrat pour échapper à des obligations dont il serait tenu, ou alors comme un élément de preuve. Si le tiers peut opposer ou se voir opposer la situation juridique née, les cas des personnes intermédiaires et des groupes de contrats méritent une analyse. 2. L’intrusion d’une autre catégorie de personne dans le rapport contractuel 10 Cass., 1ère Civ., 26 janvier 1999, Bull. Civ. I, n°32, D.1999, Som. Com., p.263, Obs. Delebecque. kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 14/17 Tout d’abord, il convient de considérer le cas des créanciers chirographaires11 dans un contrat. Déjà, ils ne disposent pas d’une sûreté particulière, mais ils n’ont qu’un droit de gage général sur les biens du débiteur. Ils sont parfois assimilés aux ayant-causes universels. Les contrats conclus par leur débiteur leur sont opposables et se répercutent sur la créance. Et le Code civil accorde à ces créanciers certaines actions12. Le cas des ayant-causes à titre particulier est assez singulier tout aussi. Quels sont à leur égard les effets des contrats conclus par leur auteur13 ? Sont-ils tenus par ces contrats ou leur sont-ils simplement opposables ? Nous pensons que, n’étant pas partie aux contrats conclus par leur auteur, ces ayant-causes sont tiers et ne peuvent devenir débiteur ou créancier. L’ayant-cause particulier ne pouvant acquérir plus de droits que son auteur n’en avait, selon le latinisme, « nemo plus juris administration alium transfere potest quam ipse habet »14. Enfin, l’hypothèse des groupes de contrats entendue comme des contrats liés entre eux soit parce qu’ils portent sur un même objet, soit parce qu’ils concourent à un même but. On qualifie autrement ces contractants de contractants extrêmes, donc des personnes qui font partie du même groupe contractuel, mais n’ayant pas échangé directement leur consentement. Ces contractants extrêmes (exemple : vendeur initial et sous acquéreur dans une chaîne de vente) sont-ils les uns des autres des tiers ou des parties ? Si ces personnes sont vues comme des tiers, leur responsabilité serait par exemple délictuelle. Selon la théorie juridique et une lecture classique faite, identifiant les contractants aux véritables parties, ces contractants externes seront considérés comme tiers les uns 11 Cf. Art. 2092 et 2093, C. Civ. 12 L’action oblique permettant à ce créancier chirographaire de se substituer à son débiteur négligeant et d’exercer les droits que celui-ci omet de faire valoir ; l’action paulienne permettant au créancier dont le débiteur a agi en fraude de ses droits d’écarter les conséquences de cet acte en faisant déclarer celui-ci inopposable jusqu’à concurrence de ses intérêts légitimes. 13 LEPARGNEUR, « De l’effet à l’égard de l’ayant-cause particulier des contrats générateurs d’obligations relatives aux biens transmis » ; RTD Civ. 1924, 481 ; V. aussi Mourgeon, « Les effets des conventions à l’égard des ayant-causes à titre particulier en Droit français », Thèse, Paris, 1934. 14 Roland et Boyer, « Adages du Droit français », 4e édition, n° 259. kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 15/17 par rapport aux autres. Mais, rien n’empêche l’ordre juridique de penser que les effets obligatoires du contrat peuvent s’étendre à des contractants extrêmes. De ces analyses, il sied de constater que l’article 1134 du Code civil souffre de sa propre écriture. Il a subit beaucoup d’atténuations, la force obligatoire des contrats et l’autonomie des volontés individualistes étant de plus en plus en déclin. L’heure est à une réécriture de cet article et il serait souhaitable que le législateur intervienne pour réglementer correctement la naissance, la vie et la disparition des contrats. L’article 1134 du Code civil démontre aujourd'hui un ensemble d’incomplétudes (manquements) qu’il faut de toute urgence considérer. kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 16/17 BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE LEGISLATION - Code civil camerounais ; DICTIONNAIRE - Vocabulaire juridique, sous la direction du Pr. Gérard Cornu, Association Henri Capitant ; OUVRAGES DE DOCTRINE - J. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil : les obligations, 8e édition 2002 ; - Philippe le Tourneau, La responsabilité civile, Civile, PUF, 2003 ; - Sandrine Grapier, Les contrats imparfaits, PUAM, 2001 ; - Mireille Bacacha-Gibelli, La relativité des conventions et les groupes de contrats ; - Jean Marc Roux, Le rôle créateur de la stipulation pour autrui. kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 17/17