Le costume de danse

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Le costume de danse
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Une danse dans l’histoire
Costume,
LA SECONDE PEAU DU DANSEUR
Qu'ils soient classiques ou contemporains, les danseurs sont presque
toujours vêtus sur scène. Ainsi, le costume est un élément à part entière
du spectacle chorégraphique et le fruit d'un travail de création en accord
avec le spectacle lui-même et le propos défendu. L'évolution du costume
suit l'Histoire, mais aussi la mode, avec laquelle elle flirte souvent,
s'en inspirant ou la nourrissant, et le développement des techniques
et fabrication textile. Juste Debout vous invite à découvrir l'univers
fascinant d'un vêtement pas tout à fait comme les autres, en direct
du Centre National du Costume de Scène à Moulins.
PAR GAËLLE PITON/PHOTOS : PHOTOS : PASCAL FRANÇOIS, JEAN-MARC TESSONNIER - SERVICE
COMMUNICATION - VILLE DE MOULINS
QUELQUES REPÈRES :
Le tutu reste dans l'imaginaire collectif le plus célèbre
des costumes de danse. Pour beaucoup d'entre nous,
c'est l'archétype même de la danseuse et il règne encore aujourd'hui en maître des compagnies classiques.
Sans pouvoir prétendre dresser de manière exhaustive l'histoire du costume de danse, on peut tout de
même donner quelques repères. Notre histoire débu30•JUSTE DEBOUT MAGAZINE
te en 1669, au moment où Louis XIV crée
l'Académie Royale de Musique, ou Opéra. Sous son
règne, la danse est un art de première importance. Les
spectacles sont très visuels et une place de première
importance est accordée aux costumes. Jean Bérain
père (1640-1711) confectionne les costumes pour les
pièces représentées à la cour. Les costumes sont riches,
lourds et somptueux, à l'image de la grandeur du
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Monarque. Pas facile de se mouvoir dans des tenues
aussi encombrantes ! Sous le règne de Louis XV, les
tissus seront allégés, plus vaporeux, plus transparents
aussi. Après 1789, telle une réponse aux troubles
engendrés par la Révolution française, la tendance est
au blanc, aux costumes moulants, aux corps quasidévoilés qui manifestent l'envie d'un retour au plaisir
après la tyrannie. Cela n'est pas pour plaire à
Sosthène de La Rochefoucauld, administrateur de
l'Opéra sous le règne de Louis XVIII, qui décide d'allonger les tenues et de remonter les corsages des danseuses. De 1831 à 1835, Louis Véron prend la tête de
l'Opéra de Paris. Pendant son mandat, en 1832, est
créée la « Sylphide » incarnée par la célèbre ballerine
romantique : Marie Taglioni. Son costume est ce
qu'on peut identifier comme le premier tutu.
LE TUTU, LA STAR DES COSTUMES :
Par « tutu », on entend trois éléments : la trousse, le
jupon et le bustier. La trousse est une sorte de culotte
courte, le jupon une jupe qui se porte sous la robe, et
le bustier un dessous qui enserre la taille et le ventre.
Dans sa première apparition pour la Sylphide, le tutu
est une jupe de crêpe blanc montée sur un jupon de
mousseline. On parlera même à l'époque de mode «
sylphide ». Giselle, en 1841, imposera la blancheur
spectrale grâce aux tutus longs blanc immaculé. Dès
1840, le « tutu » (qu'on ne nomme pas encore ainsi, le
INFOS +
Centre National du Costume de Scène
et de la Scénographie (CNCS) à Moulins s/Allier
Présidé par Christian Lacroix, le CNCS, inauguré le 1er juillet 2006, a pour mission la conservation
et la valorisation de ce patrimoine précieux que constitue les costumes et toiles de scène. Formidable
lieu de ressources pour les professionnels du spectacle, la recherche et le grand public, c'est aussi
un bel exemple de décentralisation culturelle et d'aménagement du territoire. Le centre occupe 4
des 10 bâtiments du Quartier Villars construit à la fin du XVIIIe siècle pour abriter un régiment de
cavalerie, classé monument historique. Un cadre qui en impose. Les collections sont déposées par
les 3 institutions fondatrices : la Bibliothèque Nationale de France, la Comédie-Française, l'Opéra
national de Paris. Soit plus de 7000 costumes de scène et pièces, accessoires de costumes datant
de la seconde moitié du 19e siècle jusqu'à nos jours. Martine Kahane, directrice du centre, conservateur
général des bibliothèques et son bras droit, Delphine Pinansa, forment un binôme de choc, une référence en matière de costumes de scène. Prochaine exposition : « Au fil des fleurs, scènes de
jardins » du 6 décembre 2008 au 19 avril 2009, une invitation à découvrir les différentes techniques
de création et de réalisation du décor végétal sur textile, mis au service du costume de scène, à travers
une centaine de costumes. CNCS, Quartier Villars, Route de Montilly, 03000 Moulins, www.cncs.fr
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Une danse dans l’histoire
mot apparaît à la fin du XIXe siècle), devient aussi la
tenue de travail réglementaire pour les élèves des
cours de danse. Au fil du temps, il sera abandonné au
profit de la simple tunique. Sur scène, le tutu suit la
même tendance d'allègement et se raccourcit. La
matière même du tutu évolue au gré de l'apparition
de nouveaux textiles plus commodes pour la fabrication, le coût et l'entretien : la tarlatane, textile à tissage
très lâche des Indes, disparaît après la guerre, et le
coton, la soie et surtout le nylon sont utilisés.
Après la révolution esthétique des Ballets Russes,
Jacques Rouché, directeur de l'Opéra de Paris de
1914 à 1944, entend bien faire coïncider les décors et
costumes au style du ballet présenté. Chaque production a son équipe propre. Chorégraphe, décorateur et
costumier doivent être en harmonie. Exit le monopole d'un seul costumier, autant d'imaginaires que d'individus.
QUAND LA DANSE CÔTOIE LA MODE :
On ne peut évoquer le costume de danse sans faire
référence aux célèbres collaborations entre célébrités
de la mode et de la danse, qui commencent dès les
années 1970-1980. Les plus grands couturiers semblent fascinés par la danse. Dans son magnifique
ouvrage, richement illustré, Couturiers de la danse,
Philippe Noisette retrace la complicité entre créateurs
de mode et chorégraphes. Des duos devenus désormais célèbres. Ainsi, en 1924, Gabrielle Chanel, plus
connue sous le nom de « Coco Chanel », fréquente les
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Ballets russes de Serge de Diaghilev installés à Paris et
crée les costumes du ballet Le Train Bleu de
Bronislava Nijinska : baigneurs en maillots à rayures
stylisés, joueurs de tennis, de golf alliant élégance et
libération du corps. Yves Saint-Laurent, quant à lui, se
retrouve aux côtés de Roland Petit pour Cyrano de
Bergerac, habille Zizi Jeanmaire dans son Carmen,
collabore à Notre Dame de Paris en 1965 et
Shéhérazade en 1973. Une belle aventure artistique
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unira les deux hommes. Est-t-il encore besoin de mentionner le duo de choc Jean-Paul Gaultier/ Régine
Chopinot ? Ces deux-là se rencontrent autour de la
création Délices en 1983. Coup de foudre artistique !
…et le début d'une collaboration qui durera 10 ans.
Costumes loufoques, art de la démesure, jeux sur les
proportions, créativité débordante, autant de points
communs entre le couturier et la chorégraphe.
Christian Lacroix, quant à lui, collabore régulière-
ment avec les grands noms de la danse : Mikhail
Baryshnikov pour sa Gaieté parisienne, Blanca Li
pour sa chorégraphie de Shéhérazade, de Georges
Balanchine pour le ballet en triptyque Joyaux dans
lequel Lacroix se plait à décliner les pierres précieuses.
On peut encore citer le couple Versace/Béjart qui collabore pour une dizaine de ballets où les toges
antiques côtoient les tenues rock'n'roll, baskets et perfectos. La liste est encore longue.
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