Port de Rouen : redynamisation et intégration urbaines

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Port de Rouen : redynamisation et intégration urbaines
Port de Rouen : redynamisation et intégration urbaines
Rouen, capitale historique de la Normandie est aussi, à mi chemin entre Le Havre et Paris, un grand
port maritime accessible aux navires de haute mer par la Seine. Le cœur de la ville a longtemps battu
au rythme du port avant que les destructions massives de la seconde guerre mondiale puis
l’évolution des navires et l’arrivée du conteneur ne fassent glisser ces activités
portuaires vers l’aval et l'Ouest de la ville. Au début des années 90 la Ville a engagé
une large réflexion sur le devenir de ces friches au cœur de la ville : celles de
l’Espace des Marégraphes sur la rive droite du fleuve et celles des activités
industrialo-portuaires en vis-à-vis sur la rive gauche. La Charte d’objectifs que la
Ville et le Port ont signée en novembre 2000 marque le lancement rive droite d’une
politique de redynamisation de l’Espaces des marégraphes, presque achevée. La
mutation de la rive gauche est elle aussi engagée. Mais outre le réaménagement
des quais, c’est un projet de grande ampleur qui s’annonce avec l’écoquartier
Flaubert.
Pour faire le point de la situation et mieux évaluer également les enjeux en terme
d’intégration de ce futur écoquartier qui sera au contact des activités industrialo
portuaires présentes à l’Ouest, nous avons rencontré au Grand Port Maritime de Rouen (GPMR),
membre du GIE HAROPA, Régis Soenen, Directeur de l'Aménagement Territorial et de
l'Environnement, et Pauline Barillon, Chargée des études d'aménagement.
Espace des marégraphes, vue partielle © GPMR – Haropa
AIVP – Il est peut-être un peu tôt pour tirer un bilan de l’opération menée sur l’Espace des
Marégraphes, mais quel est votre regard par rapport aux objectifs initiaux que vous vous étiez fixés ?
GPMR – On peut considérer que les objectifs de la Charte signée entre le Port et la Ville ont
globalement été respectés. Cela tient notamment à la continuité du dialogue entre les acteurs
portuaires et urbains. La volonté initiale portait sur l’intégration urbaine et la valorisation de l’Espace
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des marégraphes et de ses hangars portuaires de haute valeur patrimoniale. Le cahier des
prescriptions architecturales validé en 2002 par l’architecte des bâtiments de France a permis
d’assurer la qualité du projet et de donner une cohérence d’ensemble à la requalification de ce
patrimoine. La réhabilitation des hangars s’est faite sous maîtrise d’ouvrage du Port et les espaces
publics autour des bâtiments et en bord à quai ont été aménagés par la Ville, la CREA (communauté
d’agglomération) et le Port.
Espace des marégraphes, vue partielle © GPMR - Haropa
La première phase, portant
sur cinq des huit hangars
existants, a été lancée dès
2003. Aujourd’hui, sur les 5
ha et les 1300 m de quai
entre les ponts Guillaume le
Conquérant à l’Est et Flaubert
à l’Ouest, se sont installés
des
commerces
(cafés,
restaurants, caviste, agence
de voyage, etc.), des activités
tertiaires (Agence de l’Eau
Seine-Normandie, Station de
radio
France-Bleu),
des
activités sportives, (snooker,
fitness, bowling, squash, …)
et culturelles (H2O : maison des éco-sciences). L’opération devrait être achevée d’ici trois ans avec le
hangar 11 qui vient juste d’être attribué : France 3 télévision s’y implantera.
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AIVP – En dehors des évènements exceptionnels comme l’accueil de l’Armada et ses millions de
visiteurs depuis 1989, la fréquentation du site pose-t-elle des problèmes de congestion ? Comment
est gérée l’accessibilité à la Seine pour le quartier existant situé en arrière des quais ?
GPMR – La séparation des flux piétons, poids lourds, voitures et bus a été programmée pour écarter
les conflits d’usages. Par contre, il est vrai qu’une percée vers la Seine et ses quais pourrait être
imaginée pour les Docks 76, centre commercial aménagé dans l’ancien bâtiment de la Cie des Docks
et Entrepôts de Rouen, qui souhaitent accéder aux quais fréquentés par le public. Il en est de même
pour l’écoquartier Luciline actuellement en cours de construction juste à côté des Docks 76. Sur
8 ha, Rouen Luciline combinera bureaux (40000 m2) et logements (1000 unités). La composante
logement est précisément aménagée au Sud, côté Seine, et la dénomination « Luciline -Rives de
Seine » affiche effectivement la volonté d’accès vers la rive droite de la Seine. Les deux premiers
bâtiments seront livrés en juillet 2014. Le quartier bénéficiera de la géothermie sur eau de nappe.
AIVP – Toujours sur la rive droite, mais en aval du pont Flaubert cette fois, le port actif coexiste avec
des infrastructures portuaires reconverties ou qui vont l’être comme le Chai à vin pour lequel vous
venez de lancer un appel d’offres. Cette coexistence pose-t-elle des problèmes d’intégration et
comment a-t-elle pesé sur vos choix ? Concernant le terminal croisière par exemple, sa relocalisation
ou la création d’un second terminal un moment envisagé rive gauche est-elle toujours d’actualité ?
GPMR – Ce secteur combine en effet le hangar 23 reconverti en « Salle des Musiques, danses et
cultures du monde », un musée maritime, le Chai à vin, de la réparation navale avec son dock
flottant, un port de plaisance, un terminal croisière et, à l’entrée du bassin, un terminal granulats.
Hangar 23 © Aivp
Dock flottant © Aivp
Musée maritime © Aivp
Pour ce qui est de la croisière et bien que l’activité soit en pleine progression, la question n’est pas à
l’ordre du jour. Le terminal actuel reste suffisant. La proximité avec les aménagements rive droite
reste un atout, même si, vous avez raison, la continuité avec l’Espaces des marégraphes pourraitêtre encore améliorée. Par ailleurs s'il faut effectivement « faire de la couture » sur ce type de
territoire, la pression urbaine n’y est pas très forte. Les nuisances potentielles, notamment celles liées
à l’activité de réparation navale, ont toutefois pesé sur le choix d’aménagement du site. Il a ainsi été
décidé de créer uniquement un port de plaisance avec les services afférents, plutôt qu'une marina
avec logements pieds dans l'eau.
Chai à vin © Aivp
Par ailleurs concernant le « Chai à vin » son
utilisation future reste ouverte dans l’appel
d’offres : usages urbains, ou utilisation
portuaire ou logistique. La qualité de son
intégration paysagère sera l’un des critères
essentiels dans le choix du lauréat. Le
bâtiment, utilisé pour l’importation de vin
d’Algérie était le plus grand d’Europe dans
les années 50. Il est techniquement
complexe, mais c’est aussi un lieu de
mémoire important qui devra être préservé.
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Pour ce qui est du terminal de granulats, situé à l’entrée du bassin, il ne pose pas vraiment de
problèmes notamment en raison de son éloignement des espaces urbains (musée maritime).
L’espace entre les deux pourrait d’ailleurs être envisagé pour accueillir de l’événementiel tel que la
Foire Saint-Romain. La question reste ouverte.
AIVP – Venons-en à la rive gauche précisément, et tout d’abord au devenir des quais et hangars
présents en face de ceux des Marégraphes. Le hangar 105 a été démoli pour initier une promenade,
et le hangar 106 a été transformé en « Scène de musiques actuelles ». Qu’en est-il des autres hangars
présents sur le site?
GPMR – La transformation du Hangar 106 a été
faite sous maîtrise d’ouvrage de la communauté
d'agglomération (CREA). Son inauguration en
2010 a marqué symboliquement le lancement de
la mutation des quais rives gauche. La CREA
viendra s’installer dans le hangar 108. Entre les
deux, le devenir du hangar 107 reste ouvert.
Concernant toujours la CREA, la réalisation des
« Panoramas de la Crea » a été confirmée. Cette
rotonde permettra la projection sur 360° de
panoramas XXL. Elle sera implantée rive droite
entre les hangars B et C.
Hangar 106 © GPMR - Haropa
L’aménagement paysager des quais bas rive
gauche a été confié à l’agence In-Situ. Une
première phase sera achevée au début de cet
été. Elle pourra se prolonger, après le PontFlaubert, vers la «Presqu’ile Rollet », un site
portuaire autrefois dédié au charbon qui accueille
désormais une butte et un petit bois favorisant la
bio-diversité. A terme, en 2016, près de 14 ha
d’espaces publics et une nouvelle promenade de
plus d’1,8 km seront disponibles.
Début d’aménagement des quais bas rive gauche © GPMR - Haropa
AIVP – L’aménagement de la Presqu’île Rollet, autrefois surnommée « le « village noir », est en effet
symbolique : il marque la mutation d’un territoire portuaire ayant perdu sa fonction. Mais il propose
aussi un paysage revalorisé et assure la transition avec les activités industrialo-portuaires à proximité.
Il annonce aussi d’une certaine manière l’ambition du futur éco-quartier Flaubert. Précisément
comment sera traitée cette question de la transition, et de l’intégration entre des activités industrialo
portuaires et les zones d’habitats des deux villes concernées par ce futur éco-quartier, Rouen et PetitQuevilly ?
Presqu’île Rollet © Crea
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GPMR – Les 90 ha de cet écoquartier sont actuellement occupés par de nombreuses zones
désaffectées et une emprise ferroviaire. Il est programmé pour accueillir 10000 personnes (habitants
+ travailleurs). La question de l’intégration entre fonctions urbaines et portuaires est bien sûr
essentielle. Le véritable lancement de l’opération est conditionné par la réalisation d’un nouveau
barreau routier, chiffré à €200 millions, qui permettra d’assurer pour le pont Flaubert une continuité
autoroutière au Sud. Il devrait être inauguré en 2020-2021. La majeure partie de ce futur quartier
mixte se situera à l’Est de cette nouvelle desserte du Pont-Flaubert. Cette desserte assurera déjà en
soi une première transition entre l’essentiel du nouveau quartier et les activités portuaires présentes à
l’Ouest. Par ailleurs les grands principes d’aménagement du quartier proposent de privilégier les
activités à vocation économique sur sa frange Ouest, assurant ainsi une transition douce avec le
reste du secteur. La séparation des flux liés aux activités portuaires sera également abordée.
Eco quartier Flaubert © Crea
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AIVP – Le groupe Sénalia et le Port ont récemment retenu le projet "Silographes" du cabinet Rarchitecture. Très présents dans le paysage de Rouen, les 62 alvéoles des silos Sénalia seront mises
en valeur de jour comme de nuit par une multitude de miroirs et une animation lumineuse d’ici 2016.
Nous sommes là sur un autre volet de l’intégration : celui de l’intégration visuelle et paysagère
d’infrastructures portuaires toujours actives. La démarche n’est pas si fréquente. Quelles étaient les
motivations du groupe Sénalia. Qu’en est-il du terminal sucrier situé à proximité ? Par ailleurs, en
dehors de l’intégration visuelle elle-même, qu’en est-il du risque lié à ces activités ?
Silos Sénalia © GPMR – R. Hondier
GPMR – Les vastes silos du groupe Sénalia constituent une véritable figure de proue en entrée de la
ville portuaire. L’activité est par ailleurs en pleine progression et son maintien dans cette localisation
stratégique est très importante pour le groupe Sénalia qui a préféré anticiper sur d’éventuelles
pressions en faveur d’une relocalisation. Le port de Rouen a joué là un rôle de facilitateur et était
également membre du jury avec Sénalia et les autorités urbaines concernées. Le terminal sucrier
quant à lui est plus récent (1996) et sa conception architecturale incluait déjà l’idée d’intégration.
Quant aux risques, l’étude d’impact menée pour l’éco-quartier Flaubert a confirmé que les zones
urbaines programmées étaient en dehors des périmètres de sécurité des deux équipements. La
même étude confirme par ailleurs que l’aménagement des quais rive gauche contribuera à la
valorisation paysagère des rives de Seine. Une « artère bleue », succession de bassins
perpendiculaire à la Seine est envisagée : elle répond là aussi à cette double fonction : valorisation
paysagère et gestion du risque, ici le risque inondation.
AIVP : pour conclure c’est en fait bien cette volonté de redynamisation et d’intégration qui préside
aux réaménagements des deux rives de la Seine. Cette démarche d’intégration guide d’ailleurs
également la stratégie d’aménagement et de développement du Port de Rouen, tout au long de ses
différentes implantations entre Rouen et Honfleur dans l’estuaire de la Seine. En témoigne, comme
l’ont souligné Regis Soenen et Pauline Barillon, la dizaine de chartes ville –port que le port de Rouen a
signée pour tenir compte à chaque fois des spécificités et demandes du territoire (espace rural, ville,
parc naturel) sur lequel il est implanté.
juin 2014
Le Grand Port Maritime de Rouen est membre de l’AIVP - www.rouen-haropaports.com
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