germinal - Laurent Grzybowski

GERMINAL
« Au Nord, c'étaient les corons… ». Il y avait
déjà la chanson de Pierre Bachelet.
Il y a maintenant le film de Claude
Berri : « Germinal », d'après le roman
d'Emile
Zola.
Un film-événement, le plus gros budget
du cinéma français. Une superproduction
qui retrace la vie et, surtout, la misère de
ces hommes, de ces femmes et de ces
enfants, mineurs de fond, dont le sang a
abreuvé les profondeurs de la terre. Fallaitil faire resurgir une époque apparemment
révolue, au risque de ternir l'image d'une
région déjà durement touchée par la crise ?
Oui, car ce passé, c'est notre histoire. L'histoire d'une humanité qui n'en finit pas de
se libérer de tous les esclavages. Une histoire dure, violente, cruelle, mais aussi parfois lyrique, sublime et fascinante. Et même
si Etienne Lantier, le héros de cette tragédie,
ressemble davantage à Spartacus, l'esclave
romain rebelle, qu'à Moïse, nous ne pouvons oublier que la Bible, dans laquelle
notre foi s'enracine, nous invite sans cesse
à "faire mémoire". Comme le peuple hébreu
sorti d'Egypte, nous célébrons, avec toute
l'Eglise, un Dieu libérateur.
Seigneur, fais germer en nous
les fruits de la liberté.
A ta suite, nous voulons être
les "mineurs de fond" de l'Evangile.
Apprends-nous à faire mémoire
pour continuer la lutte
et inventer les chemins de l'avenir.
Aujourd'hui, le combat a changé de nature et avec lui ses combattants. Les arrières
petits-enfants de Germinal ne sont plus
les "gueules-noires", mais les millions de
chômeurs, les immigrés clandestins, les
réfugiés politiques, les oubliés du tiersmonde, les sans-rêve et les sans-voix.
Comme au temps de Zola, l'écart entre
eux et les plus riches est insupportable.
Nos banlieues sans âme et nos c it é s
d'urgence ont remplacé l'enfer des mines.
Au temps de Zola, on mourait sur une barricade ou dans une manifestation pour
défendre le droit de grève et gagner
d'autres libertés. On mourait, mais il y avait,
malgré la dureté, l'espoir.
Seigneur, fais germer en nous
les fruits de la récolte.
Rends-nous solidaires
de tous les exclus de notre société.
Comme le grain semé en terre,
fais de nous les témoins
de ta croix et de ta résurrection.
Signe des temps, le jour-même de la sortie
du film "Germinal", la commission sociale
de l'épiscopat rendait publique une déclaration : "Face au chômage, changer le travail". Il y a dix ans, l'Eglise de France lançait
un appel "Pour de nouveaux modes de
vie". Aujourd'hui, avec trois millions de
chômeurs et cinq millions de travailleurs
précaires, ces évêques-prophètes veulent
redire les fondements d'une société où
chaque homme soit reconnu et tienne sa
place. La parole et les actes du Christ
offrent une espérance pour tous les
"pauvres". Pour cet homme de cinquante
ans, licencié, et qui se dit : "Je ne sers plus
à rien". Pour cette famille où ils en sont à
la deuxième génération de chômeurs... Oui,
la voix de ceux qui sont blessés résonne
comme un appel : celui de servir la dignité
de l'homme créé à l'image de Dieu et à
qui la terre est confiée.
Seigneur, fais germer en nous
les fruits de l'espérance.
Donne-nous l'audace de répondre
aux défis de notre temps,
en mettant notre imagination
au service de ton amour.
Laurent Grzybowski
NOVEMBRE 1993 • PRIER • 13