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TABLE DES MATIERES SYSTEMATIQUE ET ECOLOGIE: VERS UN RENOUVEAU DE L'HISTOIRE NATURELLE - LE POINT DE VUE D'UN ECOLOGISTE ............................................................. 1 par Robert BARBAULT STRATEGIES BIODEMOGRAPHIQUES ET COMPARAISONS INTERSPECIFIQUES .......................................... 6 Les stratégies biodémographiques....................................................................................................... 6 Le concept de stratégie en écologie........................................................................................ 6 Contraintes et compromis ....................................................................................................... 8 Un exemple.............................................................................................................................. 10 Le recours aux comparaisons interspécifiques ..................................................................................14 STRUCTURE ET DYNAMIQUE DES COMMUNAUTES.................................................................................24 De la notion de diversité spécifique à celle de biodiversité.............................................................24 Quantification de la diversité spécifique ............................................................................. 24 Déterminisme de la diversité spécifique: du local au régional.......................................... 25 De la diversité spécifique à la biodiversité.......................................................................... 29 Organisation des guildes et biologie des espèces............................................................................. 30 Le poids de la biologie des espèces...................................................................................... 33 Les peuplements sont contraints par leur histoire ............................................................. 34 Coévolution et peuplements.............................................................................................................. 34 Diversifications spécifiques liées à la conquête de nouvelles zones adaptatives ............................40 Analyse phylogénétique et évolution de stratégies adaptatives particulières ................................. 43 CONCLUSION ........................................................................................................................................... 45 REFERENCES............................................................................................................................................. 47 -I- SYSTEMATIQUE ET ECOLOGIE: LE POINT DE VUE D'UN PARASITOLOGISTE ........55 par Claude COMBES , François RENAUD et Nathalie LE BRUN PREMIERE REFLEXION . ............................................................................................................................56 DEUXIEME REFLEXION . ...........................................................................................................................58 TROISIEME REFLEXION ............................................................................................................................60 SIXIEME REFLEXION . ...............................................................................................................................65 CONCLUSION............................................................................................................................................66 REMERCIEMENTS......................................................................................................................................66 REFERENCES .............................................................................................................................................67 SYSTEMATIQUE ET ECOLOGIE: LE POINT DE VUE D'UN SYSTEMATICIEN ..............71 par Alain DUBOIS LES CARACTERES ECOLOGIQUES. ............................................................................................................74 Caractères directement liés à l'isolement reproducteur interspécifique............................................75 Caractères non directement liés à l'isolement reproducteur interspécifique. ...................................77 Caractères liés à l'habitat.....................................................................................................77 Caractères liés aux périodes d'activité.................................................................................78 Caractères liés à la reproduction.........................................................................................78 Caractères liés à l'alimentation. ..........................................................................................79 La taille. .................................................................................................................................80 Divers. .....................................................................................................................................80 APPORT DE L'ECOLOGIE A LA SYSTEMATIQUE AU NIVEAU DU PROBLEME DE L'ESPECE. .....................82 L'éco-éthologie comme mécanisme biologique d'isolement reproducteur entre espèces. ..............83 L'utilisation des autres caractères éco-éthologiques comme "critère spécifique"............................87 - II - APPORT DE L'ECOLOGIE A LA SYSTEMATIQUE AU NIVEAU DE LA CLASSIFICATION SUPRASPECIFIQUE.90 Ecologie et phylogénie. .....................................................................................................................91 Ecologie et classification supraspécifique. ........................................................................................95 CONCLUSION .........................................................................................................................................103 REFERENCES...........................................................................................................................................104 - III - SYSTEMATIQUE ET ECOLOGIE: VERS UN RENOUVEAU DE L'HISTOIRE NATURELLE - LE POINT DE VUE D'UN ECOLOGISTE Robert Barbaul T 1 Ecologie et systématique constituent deux vastes champs de la biologie, actuellement en plein renouveau. De fait, après une phase d'isolement ou d'ignorance réciproque préjudiciable à l'une et l'autre, ces disciplines apparaissent aujourd'hui comme emportées par une effervescence conceptuelle et méthodologique qui devrait les rapprocher d'une manière très prometteuse. Il n'est bien sûr pas possible d'aborder ici l'ensemble de cette profonde métamorphose, à laquelle participent d'ailleurs d'autres disciplines telles que la biologie des populations, la paléobiologie et la biogéographie, et qui correspond en fait à un authentique redéploiement de l'Histoire Naturelle. Plus limité, mon objectif est double. Tout d'abord et surtout, à partir de l'examen critique de quelques uns des thèmes majeurs de l'écologie, il est de souligner convergences d'intérêts, complémentarités et interdépendances entre écologie et systématique et de dégager les questions qu'il conviendrait d'aborder sous cette double perspective. Secondairement il sera de mettre en relief le rôle majeur, qu'avec la systématique et d'autres sciences qui traitent de l'histoire naturelle des espèces, l'écologie devrait jouer pour un redéploiement et un rééquilibrage de la biologie, au moment où se posent de grands défis scientifiques et socio-économiques concernant la biosphère et ses ressources. 1 Laboratoire d'Ecologie (URA 258), Ecole Normale Supérieure, 46, rue d'Ulm, F. 75 230, Paris Cédex 05, FRANCE -1- - Le point de vue d'un Ecologiste - -2- - Robert BARBAULT - Animée par deux grands courants de pensée sensiblement étrangers l'un à l'autre, l'écologie s'organise autour de deux axes majeurs (figure 1): - le premier traite des cycles biogéochimiques et des flux d'énergie et débouche sur l'analyse de la dynamique spatio-temporelle des écosystèmes et des paysages; - le second privilégie les processus bio-démographiques et s'incarne dans ce que l'on peut appeler l'écologie des populations et des communautés. Je ne dis pas là qu'il y aurait deux sortes d'écologie ou, pire, que l'on pourrait, sans risques de perte de pertinence et d'efficacité, dissocier ces deux axes. L'écologie "populationnelle" ne peut se développer en dehors du contexte écosystémique plus large où se déploient et évoluent les populations et, réciproquement, l'étude des écosystèmes ne peut se désintéresser totalement des populations qui en constituent la trame biologique. L'un des renouvellements actuels de l'écologie consiste précisément à relier ces deux approches. Quoi qu'il en soit, nous sommes ici davantage concernés par l'écologie des populations et des communautés et c'est donc à partir de cette base conceptuelle et dans cette perspective que j'aborderai le présent exposé. L'approche évolutionniste développée depuis une trentaine d'années dans cet espace de réflexion a fait émerger un certain nombre de problèmes ou de questions qui appellent des échanges avec d'autres disciplines comme la systématique, la biogéographie, la paléobiologie, la génétique, l'éthologie ou la physiologie. La systématique, qui synthétise l'histoire naturelle des espèces, apparaît ici non seulement comme un carrefour essentiel mais aussi comme un lieu de questionnement, de remise en cause et de renouvellement ou de réorganisation du savoir. C'est la base et l'ossature de la culture naturaliste sans laquelle l'écologie théorique ne peut solidement progresser. Inversement, les approches et le questionnement propres à la biologie théorique, qu'ils s'enracinent dans l'écologie ou la biologie évolutive, devraient contribuer au renouvellement actuel de la systématique. -3- - Le point de vue d'un Ecologiste - Afin de contribuer à cette dynamique et pour faciliter l'examen des problèmes et questions qui devraient la nourrir (voir les thèmes énumérés dans la colonne de gauche de la figure 1) je les aborderai successivement en trois volets qui correspondent à autant de thématiques majeures de l'écologie évolutive contemporaine: 1/ évolution des stratégies biodémographiques; 2/ structure et dynamique des peuplements; 3/ niches écologiques et radiations adaptatives. Le fil conducteur qui relie ces trois thèmes peut être schématisé par une représentation simplifiée des systèmes écologiques: le système population-environnement (figure 2). Dans une perspective population-centrée, il met l'accent sur les relations qui tissent la dynamique des systèmes écologiques et où s'enracinent les pressions sélectives qui constituent le moteur des changements évolutifs. -4- - Robert BARBAULT - STRATEGIES BIODEMOGRAPHIQUES ET COMPARAISONS INTERSPECIFIQUES La théorie des stratégies biodémographiques s'intéresse, dans une perspective évolutionniste, à l'adaptation des profils biologiques et démographiques des populations à leur environnement. Issue des textes de Lack (1948), Cole (1954) MacArthur (1962) et Cody (1966), sous-jacente dans des écrits de précurseurs tels que Fisher (1930), elle s'appuie largement sur des approches interspécifiques et pourrait prétendre devenir l'ossature d'une classification exhaustive des types de systèmes populationenvironnement - sorte de tableau de Mendeleef de l'écologie évolutive. Les stratégies biodémographiques Le concept de stratégie en écologie Le cycle de vie des organismes résulte d'un ensemble de traits qui contribuent à leur survie et leur reproduction, donc à leur valeur sélective (fitness darwinienne). Aussi l'analyse de tels assemblages de caractères - morphologiques, physiologiques, éthologiques, écologiques et démographiques - est-elle de première importance en biologie évolutive. Ces combinaisons complexes de caractères ont été appelées, dans une perspective évolutionniste, "stratégies " ou "tactiques ": réunissant des traits qui fonctionnent ensemble et coévoluent entre eux, elles traduisent l'adaptation des populations à leur environnement. D'une manière très générale on peut dire qu'une stratégie, pour un être vivant, est, dans une situation donnée, un type de réponse ou de performance parmi une série d'alter-natives possibles. Implicitement on admet l'existence de contraintes, externes et internes, ainsi que celle de choix, de compromis. En effet, pour survivre et se reproduire tout être vivant a besoin de matière et d'énergie qu'il lui faut répartir entre ses différentes fonctions essentielles. Par suite de contraintes diverses (abondance et capturabilité des proies, temps nécessaire à la recherche et l'ingestion de celles-ci, etc.) la quantité d'énergie disponible est limitée. Par conséquent, accroître l'allocation d'énergie à la reproduction, par exemple, équivaut à réduire l'énergie disponible pour la croissance ou les dépenses d'entretien. Il y a donc nécessité de "choix". D'un point de vue évolutionniste on considère que la sélection naturelle devrait favoriser les génotypes qui, entre les multiples compromis ( = stratégies ) possibles, adoptent ceux qui leur confèrent de génération en -5- - Le point de vue d'un Ecologiste - génération le taux de multiplication (valeur sélective ) le plus élevé possible. La solution optimale dépend des contraintes qui s'exercent au sein du système population - environnement en question - c'est-à-dire de la nature des pressions sélectives qui pèsent sur la dynamique de la population considérée: imprévisibilité des conditions climatiques ou des ressources, prédation affectant ou non tous les stades de développement, compétition intra- ou interspécifique etc. Quoi qu'il en soit, le résultat d'une telle allocation optimale des ressources entre les diverses fonctions vitales de l'organisme se traduit par un profil biologique et démographique caractéristique, défini par un ensemble de traits tels que l'âge et la taille à la première reproduction, les taux de fécondité et de mortalité spécifiques de chaque classe d'âge, le type d'organisation sociale, etc. Ce profil biodémographique est donc l'expression globale de l'adaptation de l'organisme à son environnement. On parlera de stratégie adaptative, ou de stratégie démographique pour souligner la dimension démographique des caractères en cause, voire de stratégie biodémographique pour rappeler la signification globale de celle-ci (traits démographiques mais aussi éthologiques, physiologiques, morphologiques). Ainsi, pour reprendre une définition donnée par Stearns (1980), "les stratégies démographiques sont des ensembles de traits coadaptés, modelés par le jeu de la sélection naturelle, pour résoudre des problèmes écologiques particuliers ". Ce concept associe donc deux idées essentielles: 1/ que les différentes variables qui composent les profils biodémographiques sont ou peuvent être, interdépendantes; 2/ que l'ajustement entre le profil biodémographique et l'environnement résulte du jeu de la sélection naturelle et implique une tendance à l'optimisation de la valeur sélective des organismes. En d'autres termes cela veut dire que l'on admet, d'une part, que les profils biodémographiques répondent à des contraintes internes et externes telles qu'ils traduisent nécessairement une solution d'équilibre et de compromis et, d'autre part, que ces solutions d'équilibre, ou les conditions d'expression de ces solutions, sont déterminées génétiquement. -6- - Robert BARBAULT - Contraintes et compromis L'idée de contrainte rappelle ici que tout n'est pas possible pour un type d'organisme donné, compte tenu des pressions qui s'exercent sur lui et de sa structure propre (morphologie, taille, "inertie phylétique"). Par exemple, chez les espèces ovipares (Poissons, Amphibiens, etc.) qui, à chaque ponte, produisent leurs oeufs simultanément, la biomasse reproductive sera limitée, contrainte, par la capacité abdominale. Cela explique probablement, par exemple, que l'on puisse observer entre diverses espèces d'Anoures tropicaux de familles très différentes une même relation générale entre le volume des pontes et la longueur moyenne des femelles (figure 3). Cependant, au-delà de cette contrainte générale, diverses solutions sont possibles, puisque la même biomasse peut être répartie entre un nombre variable d'oeufs, d'autant plus élevé que ceux-ci seront petits. Il peut être avantageux de produire de gros oeufs aux prix d'un moindre nombre si ceux-là donnent naissance à des jeunes plus viables (ayant un avantage compétitif pour l'exploitation des ressources ou évitant mieux les prédateurs), la valeur sélective dépendant en définitive du nombre de descendants susceptibles de se reproduire à leur tour. -7- - Le point de vue d'un Ecologiste - Il y a donc nécessité de compromis entre le nombre et la taille des oeufs. Les choix retenus par la sélection naturelle dépendront des pressions qui s'exercent dans le cadre de chaque système population-environnement considéré et compte tenu des contraintes propres à chaque type d'organisme. Ainsi, grâce à leur aptitude à s'affranchir du milieu aquatique les femelles du petit crapaud africain Arthroleptis poecilonotus pourront coloniser des espaces privés d'eau libre et produiront des oeufs relativement gros mais en moins grand nombre que les espèces de Phrynobatrachus de taille similaire qui pondent dans les flaques d'eau et autres bassins temporaires (figure 4). -8- - Robert BARBAULT - L'accent placé sur la notion de contrainte rejoint une préoccupation qui est devenue centrale en écologie évolutive: la prise en compte de l'individu comme niveau d'organisation. Cette préoccupation s'est d'abord cristallisée autour d'un paramètre apparu comme primordial dans la constellation de caractères qui définissent ou déterminent les stratégies biodémographiques: la masse corporelle (Peters, 1983; Calder, 1984; Schmidt-Nielsen, 1984; Barbault, 1988). Elle s'est élargie ensuite à la prise en compte de la forme des organismes (voir Barbault, 1988). Ainsi, la stratégie biodémographique des lézards déserticoles du genre Phrynosoma peut être considérée comme la résultante de multiples interactions et contraintes d'origine à la fois externe et interne qui touchent autant à la morphologie et à la physiologie de ces espèces qu'à leur comportement et leur écologie (Pianka, 1981). En d'autres termes, l'ensemble des particularités écologiques et éthologiques communes à la plupart des espèces de Phyronosoma apparaît étroitement lié à leur étonnante morphologie (figure 5). Cela revient aussi à souligner l'importance des contraintes phylétiques et pose le problème de la prise en compte de la spécificité ou de la parenté des taxons dans les approches théoriques et les comparaisons interspécifiques développées en écologie évolutive (voir cidessous). Un exemple D'une manière générale l'élargissement de la théorie dans ce domaine de l'écologie évolutive passe par un retour à une double démarche, qui s'articule autour de deux types de questions et d'approches complémentaires: 1. A partir de corrélations observées entre des profils démographiques ou tel ou tel sous-ensemble de ceux-ci (modalités de la reproduction, comportement de chasse...) et des environnements donnés, il s'agit de dégager les pressions sélectives impliquées dans le façonnement de ces profils, c'est-à-dire d'établir par rapport à quels facteurs écologiques les ensembles de caractères observés sont mieux adaptés que d'autres et pourquoi. A cette approche a posteriori, qui procède d'une attitude naturaliste, répond une approche a priori, qui s'appuie sur la théorie de l'optimisation et qui se veut prédictive: -9- - Le point de vue d'un Ecologiste - - 10 - - Robert BARBAULT - 2. Pour un environnement écologique donné, caractérisé par tel ou tel système de facteurs écologiques (forte pression de prédation, imprévisibilité climatique, etc.), il s'agit de dégager des hypothèses quant aux caractères démographiques ou biologiques qu'il est susceptible de favoriser. Pour illustrer la démarche suivie dans la première approche (extrapolable à la seconde) je décrirai brièvement le cas des petites grenouilles (12 à 25 mm de longueur museau-anus à l'état adulte) du genre Phrynobatrachus étudiées dans les savanes et galeries forestières de Côte d'Ivoire (Barbault, 1984). Elles présentent les principaux traits reproductifs et démographiques suivants: 1. maturité sexuelle précoce (4 mois après la métamorphose); 2. opportunisme de la reproduction; 3. effort de reproduction aussi élevé que possible (pontes importantes et répétées); 4. oeufs petits, à éclosion et développement rapides (moins de 4 semaines); 5. faible durée de vie (quelques mois de vie adulte). L'environnement de ces petites espèces terricoles (mais à reproduction aquatique), tel qu'il est vécu par elles et non défini dans l'absolu, se caractérise par trois traits essentiels: 1. l'existence de conditions climatiques favorables à la survie et à l'activité durant la majeure partie de l'année, avec possibilité de trouver de l'eau pour pondre généralement 10 mois sur 12; 2. l'imprévisibilité de la venue des pluies et de l'alimentation en eau des bassins temporaires propices à la reproduction, qui leur confère une faible durée en eau; 3. La présence, à terre et dans les mares et étendues d'eau durables, de nombreux prédateurs. Les relations probables entre ces contraintes écologiques et les principaux caractères démographiques des populations de Phrynobatrachus sont présentées d'une manière synthétique dans la figure 6. On voit comment, à travers divers effets sur le comportement, le succès de reproduction et la survie des larves, des jeunes et des adultes, la prédation et l'imprévisibilité des bassins de reproduction - 11 - - Le point de vue d'un Ecologiste - exercent une pression sélective convergente en faveur de caractères définissant tous une stratégie de renouvellement rapide des effectifs (stratégie-r ). Les relations probables entre les principales caractéristiques écologiques du milieu et les principaux traits biodémographiques des populations sont représentées par des flèches: en traits simples figurent des relations immédiates de cause à effet; en traits doubles, apparaissent les pressions sélectives supposées. - 12 - - Robert BARBAULT - L'intérêt de ce modèle est double, au-delà de la mise en relief des contraintes qui déterminent le profil démographique de ces espèces: 1. Il permet d'approfondir l'analyse de l'écologie des espèces considérées en obligeant à expliquer les différences de détail (Ph. francisi à petits oeufs par rapport à Ph. accraensis...); 2. Il suscite des questions ou permet de comprendre les différences observées par rapport à d'autres espèces différant soit par un caractère intrinsèque (taille, mode de reproduction...) soit par un trait de l'environnement. Pour résoudre les questions ci-dessus, l'écologiste s'appuie volontiers sur une approche comparative, véritable substitut à une expérimentation in natura: il s'agit en effet de rechercher des systèmes populations - environnement différant de manière connue par un petit nombre de variables contrôlées. On comparera, par exemple, deux populations de la même espèce ou d'espèces apparentées, l'une soumise à une forte pression de prédation et l'autre non - dans des écosystèmes supposés par ailleurs identiques au moins en ce qui concerne leurs interactions avec les populations en cause. Ainsi une large part des recherches en écologie évolutive s'appuie sur une démarche comparative où les entités confrontées sont des taxons de niveaux divers. Cela pose évidemment quelques problèmes (Clutton-Brock et Harvey, 1984; Pagel et Harvey, 1988; Bell, 1989; Ridley, 1989) qui obligent l'écologie à se tourner vers la systématique. Le recours aux comparaisons interspécifiques L'approche comparative a déjà un long passé en biologie et son intérêt n'est plus à démontrer. De fait, c'est souvent de l'observation de contrastes ou de convergences frappantes dans la morphologie, le comportement ou la démographie d'espèces différentes qu'émergent les questions relatives à la signification adaptative des traits considérés (Clutton-Brock et Harvey, 1984). Ainsi, à constater que la Mouette rieuse Larus ridibundus retirait les fragments de coquille de son nid après l'éclosion des poussins, ce que ne faisait pas la Mouette tridactyle Rissa tridactyla, Niko Tinbergen en vint à suggérer que ce comportement était une adaptation destinée à réduire la prédation subie par les nichées. Il put ensuite, en élargissant la comparaison à d'autres espèces et en la complétant par des approches expérimentales, approfondir l'analyse et apporter ainsi une contribution majeure à - 13 - - Le point de vue d'un Ecologiste - notre connaissance de l'évolution de comportements liés à la pression de prédation. Ce n'est donc pas l'intérêt des approches comparatives qui est en cause mais les difficultés de leur mise en oeuvre dans des conditions rigoureuses: "Nous devons apprendre à traiter les données comparatives avec le même respect que les résultats expérimentaux " écrivent Maynard Smith et Holliday (1979). Divers auteurs ont abordé ce problème en précisant les types de difficultés qui se posaient et en proposant des moyens de les résoudre (Clutton-Brock et Harvey, 1984; Pagel et Harvey, 1988; Bell, 1989). Le point majeur qui nous concerne ici réside dans la dimension taxonomique des comparaisons effectuées, dont l'importance a parfois échappé aux "écologistes comparatifs". Afin de mettre en relief les types de problèmes qui se posent je partirai de quelques exemples. Après avoir dégagé deux grands types de comportements de recherche et collecte de la nourriture chez les Lézards - la stratégie de la recherche intensive et celle de "l'attendre et voir venir" (distinction due à Pianka) - Vitt et Congdon (1978) et Vitt et Price (1982) montrent qu'ils sont associés à d'autres caractères relatifs à des comportements anti-prédateurs et liés à la masse relative de la ponte. Les espèces qui se déplacent continuellement à la recherche de proies sont particulièrement exposées aux prédateurs. Pour échapper à la pression de prédation elles dépendent de leur rapidité de fuite. Ce sont des animaux craintifs, vifs et véloces, à morphologie allongée, queue longue le plus souvent. La masse relative de leur ponte reste modérée car les femelles alourdies seraient handicapées dans la capture de leurs proies ou dans l'évitement des prédateurs (voir Shine, 1980). Parce que les espèces qui pratiquent la stratégie de l'attendre et voir venir restent longtemps immobiles à découvert, la sélection aura favorisé les individus et espèces adaptés à des microhabitats bien définis vis-à-vis desquels ils sont très cryptiques. Libérés du coût lié à une ponte importante (quant à l'efficience de chasse), ces espèces verront leur masse relative de ponte principalement déterminée par les tactiques d'évitement des prédateurs (figure 7). Cependant, entre ces deux grands types de stratégie ou de syndromes adaptatifs, les espèces ne se répartissent pas de manière aléatoire ou sous le seul effet des contraintes écologiques: les corrélations dégagées par Vitt et Price, ainsi qu'ils le montrent clairement (figure 7), séparent de grandes lignées phylétiques. - 14 - - Robert BARBAULT - Cela veut dire que le poids des contraintes phylogénétiques doit être pris en considération dans toute analyse comparative. Le premier risque à craindre, dans des approches comparatives qui mêlent des taxons de proximités phylogénétiques variées, réside dans les biais qui résultent d'une représentation hétérogène des diverses lignées phylétiques en cause. Deux exemples le montreront plus clairement. Dans une analyse comparative détaillée des stratégies de reproduction des lézards Tinkle et al. (1970) opposaient les espèces tempérées aux espèces tropicales, les premières seules montrant un effectif d'oeufs par ponte croissant avec la longueur moyenne des femelles ( P = 0,109L - 1,471, pour 53 espèces analysées). Cependant, l'examen attentif de l'échantillon d'espèces tropicales, faible (16 espèces seulement), fait apparaître deux sources de biais (Barbault, 1975), l'une d'origine écologique l'autre taxonomique. De fait, étaient mêlées dans l'échantillon "tropical" des espèces de forêt tropicale humide et des espèces de savane, les unes et les autres appartenant de surcroît à des familles variées, caractérisées par des types morphologiques très dissemblables, d'un apode vermiforme à un plat et massif caméléon. Si l'on reprend l'analyse à l'échelle de familles bien déterminées, pour réduire le biais taxonomique (Barbault, 1975, 1988) on peut montrer qu'il existe chez les Scincidés et les Agamidés de savane et autres biotopes ouverts (espèces à reproduction saisonnière) la même relation que celle dégagée par Tinkle et al. à propos des lézards tempérés, tandis qu'aucune relation nette n'apparaît chez les espèces de forêt tropicale humide, caractérisées par des pontes nettement plus réduites mais répétées tout au long de l'année (figure 8). Rand (1982) aboutit aux mêmes conclusions à propos d'Iguanidés du Brésil et approfondit l'analyse en considérant aussi la taille des oeufs - plus gros chez les espèces de forêt tropicale, à pontes réduites. Crook (1964, 1965) a comparé l'organisation sociale des Tisserins (Oiseaux de la famille des Plocéinés) de forêt et de savane. Les espèces forestières, principalement insectivores, vivent essentiellement en couples défendant de grands territoires tandis que les espèces savanicoles, essentiellement granivores, nichent en grandes colonies ou territoires groupés, se nourrissent en bande et sont principalement polygynes. Cependant, 14 des 16 espèces savanicoles appartenaient au seul genre Euplectes et l'association entre mode de vie savanicole et polygynie devient nettement moins frappante si ce sont les genres qui sont traités comme points indépendants. - 15 - - Le point de vue d'un Ecologiste - - 16 - - Robert BARBAULT - - 17 - - Le point de vue d'un Ecologiste - Ainsi, ces exemples font apparaître deux problèmes majeurs dans les approches comparatives, liés au fait que les espèces ne sont pas des entités mathématiques simples et indépendantes a, b, c,... z mais bien des entités biologiques complexes plus ou moins apparentées: 1/ Dans quelle mesure peut-on considérer les points "espèces" comme indépendants ? 2/ Les relations observées entre traits biodémographiques, ou bien entre traits biodémographiques et caractères de l'environnement, dépendent-elles de l'échelle taxonomique des comparaisons ? Ces points, ainsi que d'autres aspects du problème ont été développés et discutés par divers auteurs (Clutton-Brock et Harvey, 1979, 1984; Pagel et Harvey, 1988; Bell, 1989; Ridley, 1989) et je m'appuyerai donc sur ces travaux pour en souligner l'importance. Pour que les relations entre espèces se prêtent à l'analyse statistique il faut être certain que les valeurs correspondant aux diverses espèces comparées puissent être traitées comme des points indépendants. Des espèces congénériques ont, par exemple, des types de comportement ou des stratégies de reproduction souvent similaires. Cela peut provenir de ce qu'elles sont adaptées indépendamment les unes des autres à un environnement similaire (convergence), auquel cas il est légitime de les traiter comme statistiquement indépendantes. Mais cela peut traduire simplement l'existence de contraintes communes phylogénétiquement héritées (homologies) et dans ce cas les points se rapportant à des espèces congénériques ne peuvent être considérés comme indépendants les uns des autres. Les statistiques seules ne permettent pas de dire si les similitudes entre taxa sont le fait d'une convergence ou d'une homologie et les compétences de phylogénéticiens spécialistes des groupes considérés sont ici nécessaires. Il est cependant possible et recommandé d'étudier la distribution de la variabilité des caractères considérés entre les niveaux taxonomiques à l'aide des analyses de variance en réseau (voir Sokal et Rohlf, 1969). - 18 - - Robert BARBAULT - - 19 - - Le point de vue d'un Ecologiste - Ainsi, l'analyse de la distribution taxonomique des variances de la taille du domaine vital, de la longueur du cycle oestrien et du poids des jeunes à la naissance chez les Primates (Tableau I) fait apparaître que ces deux derniers caractères sont phylogénétiquement contraints: la durée du cycle oestrien varie essentiellement entre sous-familles (64% de la variance) et le poids à la naissance entre familles (74% de la variance expliquée). Voir Stearns (1983) et Pagel et Harvey (1988) pour une application plus large de ce type d'analyse à l'ensemble des Mammifères. Dunham et Miles (1985) ont appliqué le même type d'approche pour analyser les modalités de covariation entre divers traits biodémographiques chez les squamates (lézards et serpents). Ils montrent (Tabl. II) comment se distribue la variance relative à quatre traits biodémographiques (effectif de la ponte, âge à la maturité, mode de reproduction et nombre de pontes par an) entre l'effet "taille corporelle", l'effet "famille", l'effet "ordre". On remarque que les effets "ordre" et "famille" sont plus prononcés que les effets "taille", ce qui suggère que les différences de plan corporel (contraintes morphophysiologiques) sont plus importantes que les différences de taille dans ce groupe d'organismes. Les valeurs élevées de la variance résiduelle suggèrent que l'essentiel des différences observées s'expriment, chez les squamates, à l'échelle des genres et des espèces. Le raisonnement sous-jacent à ce type d'analyse, dans la perspective qui nous occupe ici, est que les espèces peuvent être utilisées comme des échantillons indépendants lorsque les caractères considérés montrent une variabilité infraspécifique, dans la mesure où cette variation atteste que les caractères en question ne sont pas phylogénétiquement contraints. Cette argumentation a été récemment critiquée par Ridley (1989): "Species cannot be used as independent trials in the comparative method whenever a character is free of phylogenetic constraint, because a character that is phylogenetically unconstrained is still likely, within any one taxon, to be associated with many others". Le seul moyen de réduire la difficulté est alors d'élargir la comparaison à plusieurs groupes: "An association that has been established for many independently evolved groups is less likely to be due to a random association with a confounded third variable" (Ridley, 1989). Le second problème soulevé ici à la suite de Clutton-Brock et Harvey (1984) est que la forme de la relation change souvent avec le niveau taxonomique auquel l'analyse est réalisée. Par exemple on sait que nombres de variables anatomiques - 20 - - Robert BARBAULT - et physiologiques sont étroitement corrélées à la taille corporelle et il est commun d'établir ces relations pour un ordre ou une classe (Millar, 1977; Western, 1979; May et Rubenstein, 1982; Peters, 1983). Cependant, examinées à des niveaux taxonomiques inférieurs - famille ou genre - ces relations revêtent une allure différente, avec des exposants plus petits (Clutton-Brock et Harvey, 1979 - voir figure 9). Quand beaucoup de variables sont portées graphiquement en fonction de la taille corporelle, les droites de régression correspondant à des groupes différents interceptent différemment l'axe des ordonnées. De tels "effets taxonomiques" ont été observés dans l'analyse des relations entre taille corporelle et: taille du cerveau (Gould, 1975; Harvey et al., 1980), taille du domaine vital (Clutton-Brock et Harvey, 1979b), durée de gestation, poids à la naissance, taille des nichées et des portées, âge à la première reproduction et durée de vie (Lack, 1968; Stearns, 1983). En conclusion il n'est plus possible aujourd'hui, en écologie évolutive, de s'engager dans des approches comparatives aveugles - c'est-à-dire de travailler en dehors d'hypothèses phylogénétiques clairement énoncées (Bell, 1989): "Phylogenetic relationships must be known or inferred if comparative methods are to separate the cross-taxonomic covariation among traits associated with evolutionary change from that attributable to common ancestry. Only the former can be used to test ideas linking convergent or parallel evolutionary change to some aspect of the environment" (Pagel et Harvey, 1988). * * * - 21 - - Le point de vue d'un Ecologiste - - 22 - - Robert BARBAULT - STRUCTURE ET DYNAMIQUE DES COMMUNAUTES De ce vaste domaine de l'écologie je n'évoquerai que trois thèmes, qui revêtent un intérêt particulier dans le cadre de cette reflexion consacrée aux interfaces avec la systématique: 1/ la notion de diversité spécifique 2/ le déterminisme de l'organisation des guildes 3/ le concept de coévolution De la notion de diversité spécifique à celle de biodiversité La littérature écologique consacrée à la richesse (nombre d'espèces) ou la diversité spécifique (nombre et fréquence des espèces) des peuplements - sa mesure, son déterminisme, sa signification fonctionnelle - est véritablement pléthorique. Il n'est pas de manuel d'écologie qui n'aborde le problème (voir, par exemple Barbault, 1981; Pianka, 1983; Begon et al., 1986) et cela se comprend: l'écologie se doit de rendre compte, d'expliquer la diversité biologique. Elle dépend donc étroitement de la systématique. Je n'examinerai ici que trois points particuliers, dans la mesure où ils concernent spécialement les systématiciens: 1/ la quantification de la diversité spécifique; 2/ le déterminisme de la richesse spécifique; 3/ la biodiversité. Quantification de la diversité spécifique La première difficulté rencontrée avec le concept de diversité spécifique réside dans son évaluation. Au-delà des considérations relatives aux divers types d'indices utilisés (richesse spécifique S, diversité de Shannon H', etc.), aux problèmes d'échantillonnage, d'identification des taxons ou d'échelle spatiale et temporelle d'application, je voudrais insister sur un point rarement abordé: l'aspect qualitatif de cette diversité. Soit deux peuplements composés chacun en proportions identiques de 4 espèces. Ils auront naturellement, quel que soit l'indice utilisé, même diversité - 23 - - Le point de vue d'un Ecologiste - spécifique. Pourtant, si l'un est composé d'espèces congénériques et l'autre d'espèces appartenant à des genres différents, on tend à penser que le second est plus diversifié que le premier. En d'autres termes, la distance taxonomique entre les entités a, b, c, x qui constituent un peuplement, de même que la distance écologique qui les sépare, devraient être prises en compte dans l'analyse de la signification fonctionnelle de la diversité spécifique des peuplements. En outre, la relation entre diversité taxonomique et diversité écologique demande à être analysée compte tenu de l'existence des contraintes phylétiques évoquées précédemment. Ce chapitre de l'écologie des communautés, où systématique et écologie doivent s'associer, n'a guère été abordé (voir cependant Blondel, 1986) et il me paraît constituer une voie très prometteuse pour la biologie évolutive. Déterminisme de la diversité spécifique: du local au régional Dans une focalisation réductionniste justifiée par la préoccupation de dégager les mécanismes (plutôt que de réductionnisme Schoener (1986) parle de "mécanicisme") d'organisation des peuplements, l'écologie a mis l'accent, dans les décennies 60 et 70, sur les interactions biotiques et particulièrement sur la compétition interspécifique (voir ci-dessous). Cependant, dans la littérature plus générale consacrée à la diversité spécifique, le schéma de Pianka (figure 10) conservait toute sa portée. - 24 - - Robert BARBAULT - On remarquera en particulier que celui-ci donne une juste place à deux facteurs majeurs, longtemps négligés, dans le sillage de MacArthur, par les spécialistes des communautés, l'histoire et l'hétérogénéité spatiale. L'histoire des systèmes écologiques étudiés a certes une composante purement écologique, à travers les processus d'extinction, de colonisation, de dispersion. Mais elle comporte aussi une facette "systématique" si l'on songe au processus de spéciation, aux contraintes phylétiques et à la dimension biogéographique de l'histoire des faunes et des flores. Ainsi il est clair que la systématique a son mot à dire à propos de la diversité spécifique des peuplements naturels. J'y reviendrai à propos de l'organisation des guildes et du concept de radiation adaptative, mais je voudrais insister ici sur l'importance du processus de spéciation, parce que trop négligée par l'écologiste. Correspondant à l'apparition de nouvelles unités biologiques il oblige à relier des problèmes habituellement traités séparément: les relations entre lignées, les processus de microévolution et la macroévolution, l'écologie des espèces et leur origine phylétique, etc. (voir Otte et Endler, 1989). Ainsi, Price (1980) rapporte et commente d'intéressantes données sur les relations entre la diversité des insectes mineurs de feuilles de la famille des Agromyzidés et la diversité biochimique des familles - hôte: les familles de plantes renfermant des espèces biochimiquement variées supportent un nombre élevé d'espèces d'Agromyzydés spécialisées, tandis que les familles à basse diversité chimique ont peu d'espèces spécialisées. Par exemple, bien que les Ombellifères soient une famille plus petite que celle des Graminées, davantage d'espèces d'Agromyzidés attaquent les membres de cette famille (on dénombre en Europe 61 espèces sur Ombellifères contre 35 seulement sur Graminées): cela est dû apparemment à ce que la diversité chimique des hôtes potentiels chez les Ombellifères, qui produisent une gamme variée d'essences et résines, a "forcé" la spécialisation des parasites. De fait, 82% des espèces d'Agromyzidés n'attaquent chacune qu'un seul genre contre 29% dans le cas des Graminées, famille chimiquement peu diversifiée (Tabl. III). - 25 - - Le point de vue d'un Ecologiste - Cette diversité biochimique dont on commence à percevoir l'importance dans le fonctionnement et l'évolution des systèmes écologiques, va plus loin: Whitham et al. (1984) ont proposé une théorie selon laquelle les individus plantes se seraient développés comme des "mosaïques spatio-temporelles de résistance sous la pression d'espèces fléaux à évolution rapide" (insectes, champignons, etc.). - 26 - - Robert BARBAULT - Quant au concept d'hétérogénéité, il soulève automatiquement celui d'échelle spatiale d'analyse, sans se réduire toutefois à l'effet "surface", bien connu de tous les naturalistes et depuis longtemps: la richesse des peuplements croît avec la surface prospectée (figure 11). On se reportera à MacArthur (1972) et Blondel (1986) pour une revue de la question. Les écologistes se sont peu intéressés aux relations entre richesse spécifique locale et richesse régionale, en dehors de la problématique de la biogéographie insulaire qui évoque la notion de pool d'espèces colonisatrices possibles (MacArthur et Wilson, 1965). Voir toutefois Strong et al. (1984) à propos des peuplements d'insectes phytophages et figure 12 (Ricklefs, 1987). - 27 - - Le point de vue d'un Ecologiste - De la diversité spécifique à la biodiversité Le concept de biodiversité, qui a pour objet d'insister sur l'importance de la diversité biologique et de son maintien, a une signification beaucoup plus large que celui de diversité spécifique. Il concerne tous les biologistes et particulièrement écologistes, systématiciens, généticiens, biogéographes et paléobiologistes. C'est un champ nouveau de la biologie qui s'ouvre et qui mêle des préoccupations écologiques, et des préoccupations de gestion et de conservation des ressources naturelles (voir di Castri et Younes, 1990). - 28 - - Robert BARBAULT - Organisation des guildes et biologie des espèces L'étude de l'organisation écologique de peuplements exploitant localement un même type de ressource, c'est-à-dire de guildes (Root, 1967; voir Cody et Diamond, 1975; Barbault, 1981 ou Barbault et Celecia, 1980, pour une présentation générale de la question), a connu un grand développement au cours des décennies 60 et 70 à la suite des renouvellements théoriques et méthodologiques apportés par Hutchinson et MacArthur. Puis, avec la décennie 80, est venue une vague de remises en question (Price et al., 1984; Strong et al., 1984; Diamond et Case, 1986; Gray et al., 1987; Ricklefs, 1987; Drake, 1990). Mon propos n'est pas de reprendre ici l'ensemble du débat qui s'en est suivi mais plutôt d'en retenir les éléments les plus pertinents pour la présente réflexion et intéressant la systématique. Rappelons brièvement la trame de l'approche préconisée par MacArthur à partir d'un schéma simplifié du type de système auquel elle s'applique (figure 13): soit trois espèces apparentées A, B, C exploitant localement un même stock de ressources R. La théorie de la compétition interspécifique pose le problème de leur coexistence et soulève la question des modalités de partage des ressources. Le principe de la ressemblance limite (MacArthur et Levins, 1967) prévoit un resserrement des niches écologiques des espèces en présence (spécialisation trophique ou ségrégation spatiale le plus souvent) de telle sorte que le chevauchement des niches (donc la pression de compétition interspécifique) devienne tolérable. - 29 - - Le point de vue d'un Ecologiste - Ces stratégies de partage des ressources peuvent être appréhendées directement, à travers l'analyse des amplitudes de niches et des chevauchements des niches des espèces, ou indirectement à travers la structure par tailles du peuplement considéré (espacement des tailles moyennes des espèces coexistantes, favorisant notamment un espacement des niches trophiques, dans la mesure où la sélection des proies dépend de leur taille relativement à celle du prédateur). Les figures 14 et 15 illustrent ces deux aspects. - 30 - - Robert BARBAULT - L'application de ce raisonnement a suscité une recherche féconde, mais aussi d'abondantes discussions (voir par exemple Barbault, 1981, 1988 et Diamond et Case, 1986). Je ne reprendrai ici cette discussion que sous l'angle du systématicien. Le schéma de la figure 13 met bien en relief les limites de l'approche préconisée par MacArthur: outre qu'il réduit arbitrairement la structure et la complexité du système écologique réel auquel appartiennent les espèces A, B, C, il n'envisage entre elles que des relations de compétition. - 31 - - Le point de vue d'un Ecologiste - En d'autres termes, les différences relevées entre A, B, C, qu'il s'agisse d'espacement de tailles, de traits de la niche trophique ou de modalités d'utilisation de l'habitat, tendent à n'être interprétées qu'en termes de compétition. Or il existe un autre type de relation majeure entre A, B, C, celle qui a trait à la parenté phylogénétique. On retrouve ici une observation formulée précédemment: les espèces ne peuvent être réduites, sans discussion préalable, à des entités équivalentes, comme les symboles alphabétiques utilisés pour permettre une analyse mathématique du système qu'elles constituent. Elles ne représentent pas non plus des variables indépendantes. En d'autres termes, l'approche réductionniste a conduit trop souvent à négliger la biologie propre des espèces en cause, ainsi que l'a souligné avec humour Colwell ("What is new in community ecology? it discovers biology", 1984). Une autre faille majeure qui nous concerne ici est que: "ecology chose to ignore history at this point for its own convenience and closed the door on its related disciplines of systematics, biogeography, and paleontology" (Ricklefs, 1987). Ainsi, "while ecologists were abandoning history, the fields of paleontology, systematics, and biogeography experienced a resurgence of ideas and excitement... little of this revitalization has filtered back to community ecology" (Ricklefs, 1987). Le poids de la biologie des espèces Si l'on revient sur l'exemple donné en figure 14, la guilde de lézards insectivores du désert de Mapimi (Mexique), on remarque que le peuplement rassemble trois groupes d'espèces nettement différentes, appartenant à des lignées phylétiques différentes: les Iguanidés du genre Phrynosoma ; les autres Iguanidés et les Cnemidophorus (famille des Téiidés). Ainsi, attribuer à la compétition interspécifique, présente ou passée, les différences écologiques observées (interprétées comme des mécanismes de ségrégation écologique évolués pour faciliter la coexistence) est parfaitement discutable: la plupart des traits qui "séparent" ces groupes d'espèces, la termitophagie des Cnemidophorus, la myrmécophagie des Phrynosoma (figure 5), la stratégie du "sit and wait" des Uta, Uma, Holbrookia et Cophosaurus, etc peuvent être considérés comme des contraintes spécifiques. Si les espèces sont marquées, dans leur biologie et leur écologie, par leur histoire il est clair qu'il en est de même des assemblages d'espèces que sont les peuplements, ainsi qu'il a été noté ci-dessus. - 32 - - Robert BARBAULT - Les peuplements sont contraints par leur histoire Après l'âge d'or de la "théorie MacArthurienne" des guildes, l'écologie des communautés a pris conscience des excès où un réductionnisme d'abord fécond a fini par conduire (voir Price et al., 1984; Strong et al., 1984; Diamond et Case, 1986; Ricklefs, 1987, 1989; Wiens, 1989). Sans reprendre ici ce débat, je voudrais en souligner la leçon essentielle pour la présente discussion: "we must assimilate data on geographical distribution, habitat selection and taxonomic status into phenomenology of the community concept. Ecological data must match the spatial and temporal scales of processes that influence the properties of ecological systems" (Ricklefs, 1987). Un aspect particulier du poids de l'histoire dans la structure et la dynamique des communautés a été pris en compte à travers le concept de coévolution, tandis que les relations entre les processus de spéciation, la richesse spécifique et la structure taxonomique des communautés ont été à peu près ignorées (voir Ricklefs, 1989). Coévolution et peuplements Si l'on admet que l'évolution est à l'oeuvre au sein des peuplements - et comment ne pas l'admettre - il était judicieux de développer une approche évolutionniste pour mieux approfondir notre compréhension de la dynamique des peuplements. L'étude de l'organisation des peuplements a mis en relief le rôle des interactions biotiques, compétition interspécifique, prédation ou coopération. Celles-ci peuvent évidemment être la source de changements évolutifs. Il convient de souligner que parmi les pressions sélectives qui peuvent modifier la structure génétique des populations et orienter leur évolution, il y a lieu de distinguer celles qui procèdent des facteurs physiques du milieu et celles qui résultent de l'action des facteurs biotiques: les premières agissent comme variables indépendantes tandis que les secondes agissent comme variables dépendantes. Dans le cas des interactions biotiques, en effet, la population A, source d'une pression sélective qui affecte la population B, est elle-même l'objet d'une pression sélective en retour exercée par la population B. Dans un tel cas il y a possibilité de coévolution. La coévolution est la variation évolutive de deux ou - 33 - - Le point de vue d'un Ecologiste - plusieurs espèces en interaction (voir Futuyma et Slatkin, 1983). Si le terme de coévolution fut proposé pour la première fois par Ehrlich et Raven (1964) dans leur étude sur les relations entre les plantes et les insectes qui leur sont associés, tout biologiste depuis Darwin admet implicitement qu'il se crée entre les espèces vivant en sympatrie, c'est-à-dire dans la même aire géographique, un tissu d'interactions variées qui peuvent, en particulier par le jeu de la sélection, conduire à des modifications de leur structure génétique. Dans un tel contexte sélectionniste, où tout changement chez une espèce s'expliquerait par l'action des autres espèces, ces phénomènes ont parfois été pris comme des exemples de coévolution sans que pour autant ce processus ait reçu une définition précise et une explication satisfaisante de son fonctionnement (Carton, 1988). Dans ce cas, c'est une définition très large, pour ne pas dire ambiguë, de la coévolution qui est retenue. Ainsi, pour van Valen (1973), la composante la plus importante de la niche écologique d'une espèce est constituée par les autres espèces de la biocénose. Le progrès adaptatif acquis par une espèce constituerait pour les autres espèces une dégradation de leur environnement. Celles-ci se trouvent donc soumises à une sélection plus sévère à laquelle elles répondent pour rétablir leur valeur adaptative, comblant leur retard par rapport à l'autre espèce. La coévolution serait une course sur place que l'auteur a nommée "Red Queen Model" par allusion aux personnages du roman de Lewis Caroll: "De l'autre côté du miroir ". Alice entraînée par la Reine Rouge doit courir très vite pour rester sur place. Avec une définition aussi large la plupart des processus évolutifs relèveraient de la coévolution, ce qui équivaut à retirer toute portée à ce concept. Il paraît préférable de s'en tenir à une définition plus stricte et suivre Janzen (1980), pour qui il faut que l'histoire évolutive d'une espèce ne puisse se concevoir qu'à travers celle d'une autres espèce pour que l'on puisse parler de coévolution. Quoi qu'il en soit, la dynamique des peuplements fait naître des pressions sélectives réciproques et donc des processus évolutifs qui doivent être pris en compte. Dans cet esprit, Ehrlich et Raven ont proposé un modèle pour expliquer l'évolution des systèmes Insectes phytophages/plantes (Tableau IV). Parce que ce modèle est plausible il a été accepté de façon non critique. Ainsi d'étroites associations entre des groupes particuliers de plantes et certains insectes, liés par la chimie de la plante, sont bien connues et parfois prises comme "preuves" de coévolution. - 34 - - Robert BARBAULT - Un exemple. Les glucosinolates des Crucifères jouent un rôle majeur dans les interactions entre les insectes et ce groupe de plantes (Feeny, 1976 ; Etten et Tookey, 1979 ; Chew, 1979). Les glucosinolates sont toxiques pour beaucoup d'herbivores mais fournissent des stimulants alimentaires pour d'autres, et sont utilisés pour localiser la plante-hôte par nombre d'espèces "crucifères-adaptées", les Piérides et pucerons des choux par exemple. Ces résultats s'accordent avec le schéma du Tableau IV (étape 6) mais peuvent être interprétés plus simplement à partir d'arguments évolutifs classiques, comme dans l'évolution de la résistance à un insecticide et l'acquisition de nouveaux herbivores par une plante introduite (Strong, Lawton et Southwood, 1984). Un exemple. Les glucosinolates des Crucifères jouent un rôle majeur dans les interactions entre les insectes et ce groupe de plantes (Feeny, 1976 ; Etten et Tookey, 1979 ; Chew, 1979). Les glucosinolates sont toxiques pour beaucoup d'herbivores mais fournissent des stimulants alimentaires pour d'autres, et sont utilisés pour localiser la plante-hôte par nombre d'espèces "crucifères-adaptées", les Piérides et pucerons des choux par exemple. Ces résultats s'accordent avec le schéma du Tableau IV (étape 6) mais peuvent être interprétés plus simplement à partir d'arguments évolutifs classiques, comme dans l'évolution de la résistance à un insecticide et l'acquisition de nouveaux herbivores par une plante introduite (Strong, Lawton et Southwood, 1984). Quelques exemples sont cependant convaincants en tant que "systèmes coévolués". C'est le cas du système "Plantes à coumarine, Papilio et autres insectes" dont je résumerai l'histoire d'après Strong et al. (1984). Les coumarines simples sont très répandues dans le monde végétal. La première élaboration à partir de ces composés chimiques de base est l'hydroxycoumarine, qui se trouve dans environ 30 familles de plantes. De complexité immédiatement supérieure sont les furanocoumarines linéaires, qui existent dans 8 familles de plantes, mais dans la plus grande fraction des genres et espèces d'ombellifères et de rutacées. Enfin, il y a les furanocoumarines angulaires, que l'on connaît seulement chez 2 genres de légumineuses et 11 genres d'ombellifères. En accord avec l'étape 5 du tableau IV, la diversité spécifique des ombellifères est corrélée avec les stades de cette séquence de complexification chimique (figure 16). Les genres d'ombellifères à furanocoumarine angulaire sont beaucoup plus divers que les genres avec furanocoumarine linéaire et plus encore que ceux - 35 - - Le point de vue d'un Ecologiste - sans furanocoumarine. - 36 - - Robert BARBAULT - - 37 - - Le point de vue d'un Ecologiste - Fait intéressant, qui concorde avec l'étape 6 du scénario de Ehrlich et Raven, les deux groupes d'insectes adaptés à consommer des ombellifères sont plus diversifiés lorsque associés à des plantes à furanocoumarine. Beaucoup plus d'espèces de Papilio se nourrissent sur des hôtes à "furano-angulaire" que sur des hôtes à "furano-linéaire" ou hydroxycoumarine. Le cas des plantes à coumarine s'accorde avec les étapes 1 et 3 du schéma théorique. Des précurseurs largement répandus donnent naissance à des molécules plus spécialisées, et ce processus apparaît indépendamment dans des familles non apparentées. Le succès évolutif en termes de nombre de subtaxa est corrélé avec la présence des dérivés de complexité supérieure. Les plantes à coumarine ont certainement présenté une radiation en corrélation avec leurs nouveaux composés. Les rôles assumés par les insectes et résumés dans les étapes 2, 4 et 6 du scénario décrit dans le tableau IV sont liés à certains aspects de l'histoire des coumarines simples ou de l'hydroxycoumarine qui sont attaquées par une large gamme d'insectes polyphages (Berenbaum, 1981). Ces composés ne sont apparemment pas particulièrement toxiques aux insectes ; à tout le moins, beaucoup de groupes d'insectes ont des espèces résistantes ou tolérantes vis-à-vis de ces composés. Les ombellifères à furanocoumarines linéaire et angulaire ont des faunes plus spécialisées, monophages ou oligophages (Strong et al., 1984). Cet exemple nous conduit tout naturellement à aborder le troisième volet de cet exposé. * * * - 38 - - Robert BARBAULT - - 39 - - Le point de vue d'un Ecologiste - APPROCHES PHYLOGENETIQUES ET ECOLOGIE EVOLUTIVE Parce que "l'histoire évolutive est l'enregistrement de la diversification en espèces et des interactions qui contraignent leurs profils biodémographiques" (Thompson, 1988) l'écologie évolutive ne saurait se développer pleinement sans s'ouvrir à, et s'enraciner dans la connaissance de l'histoire des flores et des faunes: les techniques de la phylogénie et ses apports ne peuvent plus être ignorés des écologistes (Ridley, 1983; Wanntorp, 1983; Wanntorp et al., 1990). L'"écologie historique" deviendrait ainsi un nouveau champ de la biologie évolutive (Brooks, 1985). Qu'il y ait là un domaine fécond de recherches pour les écologistes autant que pour les systématiciens est devenu une évidence. Cela est déjà apparu au cours du présent exposé, mais quelques exemples le mettront mieux en relief. Diversifications spécifiques liées à la conquête de nouvelles zones adaptatives L'exemple des insectes phytophages et des plantes à coumarine a déjà introduit ce problème sur lequel je voudrais revenir ici de manière plus approfondie. Selon un argument proposé par Simpson (1953) la conquête de nouveaux espaces écologiques, appelés zones adaptatives devrait favoriser une diversification accrue des taxons, grâce aux opportunités ainsi offertes. Ce concept de "zone adaptative" est du plus haut intérêt et associe étroitement écologie et systématique dans une perspective évolutionniste commune: "Une lignée peut pénétrer une zone adaptative et proliférer soit parce qu'elle est préadaptée vis-à-vis de niches devenues vacantes, soit parce qu'elle développe des innovations clés lui permettant d'accéder à des ressources qui lui étaient antérieurement fermées" (Futuyma, 1986). L'exemple présenté dans le tableau III peut être analysé dans cette perspective. Le postulat de Simpson selon lequel une rapide diversification devrait suivre la pénétration dans une nouvelle zone adaptative est fréquemment invoquée a posteriori, à propos de groupes présentant une diversité inhabituelle. Mais il peut être testé plus rigoureusement en définissant les zones adaptatives a priori, selon des critères écologiques et indépendamment de groupes particuliers d'organismes (Mitter et al., 1988). Si plusieurs lignées distinctes ont envahi un même espace écologique nouveau, l'hypothèse de la zone adaptative prédit qu'elles devraient - 40 - - Robert BARBAULT - être plus diversifiées que les lignées soeurs de même ancienneté ayant conservé le mode de vie "primitif" et une vérification rigoureuse est donc possible. La consommation de plantes supérieures chez les insectes peut être considérée comme une nouvelle zone adaptative envahie à plusieurs reprises et définie indépendamment, et à laquelle une accélération marquée du taux de diversification taxonomique a souvent été attribuée. Mitter et al. (1988), en comparant la diversité spécifique de groupes frères dans autant de groupes d'insectes que la taxonomie actuelle le permettait, ont montré que l'adoption de la phytophagie était bien significativement associée à un accroissement de richesse spécifique, confirmant ainsi l'hypothèse de Simpson. Le monde des parasites, ou plutôt des systèmes hôtes-parasites, se prête admirablement à ce type d'approches (voir Brooks, 1988; Hugot, 1988, Combes, 1990, 1991). Prenons le cas des parasites de l'homme. Ils descendent, pour la plupart, d'ancêtres qui, avant son apparition, parasitaient d'autres espèces de mammifères ou d'oiseaux. Le succès de notre espèce au sein de la biosphère, marqué par la colonisation de tous les espaces émergés et la transformation de certains d'entre eux, a ouvert aux parasites une nouvelle zone adaptative. Certes encore fallait-il surmonter les défenses immunologiques que l'organisme humain présente face à tout corps étranger. Nombre d'entre eux ont su contourner ces barrières en développant des mécanismes de protection tels que l'acquisition des antigènes de l'hôte. Ensuite il a fallu développer des adaptations qui facilitent le déroulement du cycle parasitaire. Ainsi les schistosomes qui, par transferts latéraux à partir d'autres Mammifères, ont fait de l'espèce humaine leur hôte, ont dû ajuster à celui de l'hôte le rythme journalier de libération dans le milieu aquatique des cercaires, leur stade libre infestant à courte durée de vie: il n'y aura infestation et succès que si l'hôte et les cercaires se rencontrent, c'est-à-dire si les secondes sont libérées dans le milieu aquatique lorsque le premier y séjourne. La figure 17 représente les rythmes de libération des cercaires de schistosomes humains. Ces rythmes, dont le déterminisme génétique a été démontré, sont de toute évidence réglés sur les horaires de fréquentation des milieux aquatiques de leurs hôtes respectifs (Combes, 1990). Du point de vue évolutif il est remarquable que les transferts de schistosomes à l'espèce humaine ont entraîné des processus de spéciation en Afrique et non ailleurs. Est-ce en rapport avec l'origine africaine de la lignée humaine ? Ou bien faut-il suspecter le fait qu'en Asie, la promiscuité de l'homme et du buffle (hôte d'origine de Schistosoma japonicum ) a maintenu un flux génique, empêchant ainsi - 41 - - Le point de vue d'un Ecologiste - la spéciation de s'engager ? (voir Combes, 1990) - 42 - - Robert BARBAULT - Analyse phylogénétique et évolution de stratégies adaptatives particulières En biologie évolutive le chercheur est constamment confronté à l'interprétation, en termes adaptatifs, de divers comportements ou caractères - évolution de la viviparité chez les reptiles, de colorations aposématiques chez les insectes, de combinaisons particulières de traits d'histoire naturelle chez les mammifères etc. Des hypothèses pourront être formulées à partir de la comparaison de groupes présentant ou non le syndrome adaptatif en question. Cependant, la dimension historique du phénomène doit aussi être prise en compte et l'analyse phylogénétique s'impose si l'on veut étayer les éléments de l'hypothèse avancée à partir de l'observation du présent. Un exemple le fera mieux comprendre, celui de l'évolution des colorations aposématiques, ou d'avertissement, chez les insectes. De nombreux insectes présentent des colorations très visibles, généralement associées à des caractères chimiques ou morphologiques qui en font des proies peu recherchées et évitées. Ces colorations aposématiques auraient pour fonction, en prévenant et dissuadant les prédateurs éventuels, avertis par le signal coloré du goût détestable qu'il traduit, de prolonger la vie des insectes qui les exhibent. Se pose cependant le problème de l'évolution de ces stratégies et diverses hypothèses ont été proposées et discutées (voir Sillen-Tulberg, 1988). La ponte groupée des oeufs, et le mode de vie grégaire des chenilles qui en découle, sont rares chez les lépidoptères (5% des espèces). La signification adaptative de cette stratégie est encore mal comprise. Le mode de vie groupé devrait être désavantageux chez des organismes relativement immobiles, exposés et petits, par rapport à leurs prédateurs potentiels. Aussi naît l'idée que les caractères de toxicité ont dû apparaître avant l'évolution de la ponte d'oeufs groupés et d'une vie grégaire des larves. C'est cette hypothèse que Sillen-Tullberg (1988) a tenté de vérifier chez les lépidoptères en recourant à l'analyse phylogénétique (figure 18). Le caractère toxique ou immangeable des chenilles est appréhendé indirectement, par la présence de colorations aposématiques. L'ordre relatif d'évolution de l'aposématisme et du grégarisme est déduit de l'analyse phylogénétique. A partir des phylogénies existantes la règle de parcimonie permet de placer les changements évolutifs comme l'indique l'exemple des Pierinées donné dans la figure 20. Sillen-Tullberg a pu ainsi repérer 23 cas d'apparition indépendante du grégarisme et 12 cas d'évolution indépendante de colorations aposématiques. Dans 5 cas le grégarisme a évolué chez des espèces cryptiques - 43 - - Le point de vue d'un Ecologiste - dont la "palatabilité" est inconnue. Dans les lignées où se rencontrent simultanément grégarisme et aposématisme, le grégarisme est toujours précédé par l'apparition des colorations aposématiques et donc de la toxicité supposée. En aucune lignée le mode de vie grégaire n'a évolué avant les colorations d'avertissement. Sillen-Tullberg (1988) peut donc conclure, grâce à l'analyse phylogénétique, que la "non-palatabilité" associée aux colorations d'avertissement est un facteur majeur prédisposant à l'évolution de la ponte groupée des oeufs et du grégarisme des larves chez les lépidoptères. Elle peut aussi, sur cette base, rejeter l'hypothèse selon laquelle les colorations d'avertissement n'auraient pu évoluer que par le jeu de la sélection de parentèle (kin selection), donc chez les espèces à mode de vie grégaire. - 44 - - Robert BARBAULT - CONCLUSION Ce bref survol de quelques domaines où la recherche écologique s'est particulièrement renouvelée au cours de la décennie écoulée a montré le caractère omniprésent des interdépendances écologie-systématique. La plupart des questions qui se posent font appel en effet à l'ensemble des disciplines qui constituent - ou s'intéressent à - l'Histoire Naturelle: écologie, systématique, biogéographie... L'impression majeure qui se dégage de cette réflexion, relative à une révolution récente de l'écologie, peut se résumer comme suit - quoique cela soit assez caricatural: la volonté de faire de l'écologie une science dure, prédictive, généralisante, l'introduction d'une modélisation mathématique simplificatrice, l'orientation théorisante, ont conduit les chercheurs, et particulièrement ceux qui tiennent le haut du pavé dans la littérature internationale, à prendre du recul par rapport à l'histoire naturelle et des disciplines telles que la zoologie, la botanique - et bien sûr la systématique. On peut même se demander si la charge ou la mission de rassembler les connaissances apportées par ces spécialités n'incombe pas aujourd'hui, précisément, à la systématique - science de synthèse de l'histoire naturelle des groupes et des espèces. Si cette réflexion a un sens cela veut dire aussi que l'autoécologie doit en devenir un aspect majeur. Ainsi, comme l'a écrit Colwell (1984) dans l'ouvrage au titre provocateur de Price et al. "A New Ecology", ce qui est nouveau en écologie c'est qu'elle découvre... la biologie ! Cela veut dire qu'il n'est plus possible de défendre l'idée que l'on pourrait faire progresser nos connaissances dans le champ des Sciences de la vie en s'en tenant exclusivement à l'étude approfondie de quelques modèles biologiques privilégiés. Il est nécessaire de poursuivre l'exploration et l'analyse du monde vivant dans toute sa diversité. De fait, en même temps qu'il apparaît primordial de soutenir les études à long terme, et les espaces "contrôlés", parcs nationaux, réserves de la biosphère devraient en faire leur mission principale, il est essentiel aussi de favoriser les missions exploratoires pour élargir au maximum le champ du connu. Cependant, ces missions doivent obéir à des stratégies de recherche bien réfléchies sous peine de n'aboutir qu'à l'accumulation stérile d'échantillons inexploitables. Au-delà de la diversité des questions ou problématiques de recherche - 45 - - Le point de vue d'un Ecologiste - qui ont été ébauchées, il me semble que quelques réflexions plus générales doivent être soulignées: -1. la dimension temps, l'histoire, le poids du passé ont été sousestimés et leur prise en compte croissante incite à un renforcement d'une histoire naturelle intégrée; - 2. le poids des relations de parenté, de la phylogenèse, n'ont pas été suffisamment pris en compte ou exploités dans l'analyse des phénomènes écologiques; - 3. l'intrication espace écologique/espace taxonomique qui apparaît, par exemple, dans les relations niches écologiques/diversification des taxons mérite d'être explorée de manière approfondie; - 4. l'analyse des contraintes écologiques est indissociable de la prise en compte de l'histoire naturelle des espèces et des contraintes d'ordre phylétique; - 5. l'analyse phylogénétique est un outil puissant que le biologiste évolutif ne peut plus ignorer. Après la révolution apportée en biologie par la génétique moléculaire et pour répondre efficacement aux défis qui se profilent à la veille du XXIème siècle dans le champ des sciences de la vie et de la nature - érosion accélérée de la biodiversité, gestion de la biosphère et de ses équilibres, maintien de conditions propices à un développement durable - un redéploiement ou rééquilibrage de celle-ci apparaît tout à fait nécessaire (Barbault, 1990a). Ecologie et systématique ont ici un rôle majeur à jouer pour le redéploiement d'une biologie une et diversifiée: l'histoire naturelle doit réintégrer la biologie (Colwell, 1984). * * * - 46 - - Robert BARBAULT - REFERENCES BARBAULT, R. 1975. Observations écologiques sur la reproduction des lézards tropicaux: stratégies de ponte en forêt et en savane. Bull.Soc.Zool.Fr. 100: 153168. BARBAULT, R. 1981. Ecologie des populations et des peuplements. Paris, Masson. BARBAULT, R. 1984. 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Les populations Sx sont supposées liées entre elles par des relations de compétition (flèches en tiretés). Elles sont soumises aux pressions exercées par les facteurs abiotiques, par les populations de prédateurs ou parasites (Px) et par les ressources alimentaires (Rx) - ainsi que par leur propre densité (flèches circulaires). Fig.3 Le volume des pontes, chez les espèces d'Anoures de la région de Lamto en Côte d'Ivoire, est très clairement contraint par la capacité abdominale et donc corrélé avec la longueur corporelle (d'après Barbault, 1984). Fig.4 L'allocation des ressources par oeuf dépend de la stratégie de ponte, elle-même fortement dépendante de contraintes phylogénétiques. Les Hyperoliidés, qui déposent leurs oeufs dans la végétation au-dessus des mares, produisent des oeufs plus gros mais moins nombreux (ronds blancs), tendance encore accrue chez Arthroleptis poecilonotus, espèce à développement direct (triangle noir). (D'après Barbault, 1984). Fig.5 Relations, chez les lézards du genre Phrynosoma, entre les principaux caractères écologiques et phénotypiques liés à leur morphologie particulière et leur régime myrmécophage (modifié de Pianka, 1981 in Barbault, 1990a). Fig.6 Déterminisme écologique des stratégies démographiques présentées par les petites grenouilles tropicales du genre Phrynobatrachus (d'après Barbault, 1984). Les relations probables entre les principales caractéristiques écologiques du milieu et les principaux traits biodémographiques des populations sont représentées par des flèches: en traits simples figurent des relations immédiates de cause à effet; en traits doubles, apparaissent les pressions sélectives supposées. Fig.7 Modèle décrivant les relations entre le poids de la ponte et la taille corporelle des femelles chez les lézards selon la stratégie de chasse et d'évitement des prédateurs mise en oeuvre par ceux-ci (d'après Vitt et Congdon, 1978). La figure du bas montre toutefois le poids des contraintes phylogénétiques dans l'évolution de ce type de relation (d'après Vitt et - 53 - - Le point de vue d'un Ecologiste - Price, 1982). Fig.8 Relations entre le nombre moyen d'oeufs par ponte et la taille corporelle des femelles chez les lézards Scincidés répartis en groupes écologiques distincts: espèces tempérées en haut; espèces de forêt tropicale humide au milieu et espèces de savane en bas. Les espèces de milieux saisonniers, où la période favorable à la reproduction est réduite, présentent la même relation qu'elles soient tropicales (savanes) ou tempérées (d'après Barbault, 1990b).T.g. et T.l. représentent le cas particulier de deux espèces vivipares fouisseuses du Kalahari, Typhlosaurus gariepensis et T. lineatus, non inclues dans la régression. Fig.9 La pente des relations allométriques entre variables biodémographiques d'une part et taille corporelle de l'autre change avec le niveau taxonomique des analyses (d'après Clutton-Brock et Harvey, 1979a). Fig.10 Relations entre histoire, facteurs écologiques et diversité spécifique des peuplements (adapté de Pianka, 1983). Fig.11 La richesse spécifique des peuplements croît avec la surface de l'espace occupé: le cas des Amphibiens et Reptiles des Antilles (d'après Wilson, 1989). Fig.12 La richesse spécifique locale des peuplements d'Oiseaux des Caraïbes dépend de la diversité régionale, qui est essentiellement déterminée par des facteurs biodémographiques. Dans chaque région (SK = St Kitts; SL = St Lucia; J = Jamaïque; T = Trinidad et P = Panama Central) des dénombrements standardisés d'oiseaux chanteurs ont été effectués dans des petites parcelles homogènes représentant divers habitats: formation secondaire buissonnante (ronds noirs); jeunes forêts secondaires (ronds blancs); forêts matures de plaine (triangles noirs) et forêts d'altitude (triangles blancs). La droite indique l'égalité entre richesse par habitat et richesse régionale. (D'après Rickleffs, 1987). Fig.13 Modèle simplifié posant le problème du partage des resssources Rx entre trois espèces A, B, C. La dynamique du système repose sur le jeu des interactions de compétitions CAB, C BA etc. Fig.14 Exemple d'organisation écologique d'un peuplement de lézards insectivores dans un désert mexicain (d'après Maury et Barbault, 1981). Les espèces peuvent être séparées en types écologiques distincts: - en noir, espèces chassant à l'affût sur sol découvert; - en hachuré, espèces très mobiles se nourrissant au pied des touffes de végétation, termitophages; - en pointillé, espèces myrmécophages. - 54 - - Robert BARBAULT - La plupart des espèces qui coexistent localement, à l'échelle d'un habitat bien déterminé, appartiennent à des types écologiques différents. On observe donc, à cette échelle, une bonne ségrégation écologique, conformément à la théorie de MacArthur (cependant voir discussion dans Maury et Barbault, 1981). Fig.15 Classement, par ordre de tailles (diamètres moyens) des canines supérieures, des mâles et femelles de trois espèces de félidés (à gauche) et de cinq espèces de mustélidés plus un viverridé (à droite) du Moyen Orient. Les rapports des diamètres de canines entre individus adjacents sont beaucoup plus proches que ce qu'aurait donné le simple hasard (D'après Pimm et Gittleman, 1990). Fig.16 La richesse spécifique des genres d'Ombellifères dépend de leur complexité chimique: ce sont les genres à furanocoumarines linéaires et angulaires qui renferment le plus grand nombre d'espèces (d'après Berenbaum, 1983) Fig.17 Rythmes journaliers d'émission des cercaires par des mollusques-vecteurs (hôtes intermédiaires). Les cercaires de S. bovis (parasite du bétail) sont libérées le matin tandis que celles de S. rodhaini (parasite de rongeurs) le sont de nuit. Quant aux cercaires de S. haematobium et de S. mansoni (parasites humains) elles sont le plus abondantes en milieu de journée - bien que S. haematobium soit taxonomiquement proche de S. bovis et S. mansoni proche de S. rodhaini (d'après Combes, 1990). Fig.18 Phylogénie des espèces européennes de Pierinae (d'après Geiger, 1980). Les colorations d'avertissement (A) seraient apparues indépendamment à 4 reprises. La ponte groupée et le grégarisme consécutif des chenilles (G) auraient évolué une fois chez Pieris et une autre chez Aporia. Les autres espèces sont solitaires (S) et à colorations cryptiques (C). (D'après Sillen-Tullberg, 1988). - 55 -