Pourquoi Addis-Abeba finit-elle par devenir définitivement la capitale

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Pourquoi Addis-Abeba finit-elle par devenir définitivement la capitale
Addis-Abeba, la « Nouvelle fleur ».
Lycée franco-éthiopien Guebre-Mariam, Addis-Abeba, Éthiopie. Textes et documents pour les
enseignants des classes de CE1, CE2, CM1 et CM2, Pascal Bellier, printemps 2015.
3 - Pourquoi Addis-Abeba finit-elle par devenir définitivement la capitale ?
Si la « ville » fut officiellement créée en 18861 (année la plus couramment admise), elle ne fut au départ qu'une
capitale provisoire, comme les autres, et il faudra plusieurs années pour voir Addis-Abeba, souvent nommée
« Nouvelle Entoto » dans les premières années de son existence, s'imposer comme capitale définitive. Preuve en est,
quelques années après sa création, le 03 novembre 1889, Ménélik, alors roi du Choa, se faisait sacrer Roi des Rois
(empereur d'Éthiopie donc) dans (ou derrière) l'église d'Entoto Mariam, et non à Addis-Abeba. Ceci étant, il est vrai
que la première grande église d'Addis-Abeba, l'église Sellassié, ne fut construite qu'en 1891, avant qu'une nouvelle
église du même nom ne soit construite entre 1928 et 1942, toujours entre le Parlement et Arat Kilo.
« Les premières années d'Addis-Abeba furent difficiles. La peste bovine qui sévit au Choa provoqua la famine ; l'Italien Traversi
écrit le 14 janvier 1892 : « A Addis-Abeba, près de mon campement, je comptai 14 crânes humains nettoyés par les hyènes. »
La même année 1892 une épidémie fit de nombreuses victimes. Le feu détruisit le Guebbi de Ménélik. Addis-Abeba n'est pas
même assurée d'être la capitale : le 3 novembre 1889, en effet, Ménélik, s'est fait sacrer Roi des Rois à Antotto. On continue
cependant à s'installer dans la nouvelle résidence où affluent de grandes quantités d'esclaves au fur et à mesure que se déroulent
les conquêtes de Ménélik dans les pays du sud et de l'ouest. La première église Ourael est construite par le Ras Darguié.
L'empereur a fait édifier en 1891, tout près du Guebbi, l'église Sellassié (de la Trinité) ; il fait reconstruire le Guebbi en 1893 ;
en 1894 l'eau arrive au Palais par un tuyau de fer, au grand étonnement des habitants. En 1895, est commencée, sur les ruines de
l'ancienne chapelle capucine de 1868, l'église St-Georges, sur la plus belle colline du site après celle du Guebbi de l'empereur,
[l'église sera reconstruite en 1897, et encore entre 1906 et 1911]. » Edouard Berlan, Addis-Abeba, la plus haute ville d'Afrique,
Grenoble, 1963, page 64.
Addis-Abeba : marché vers 1900 et marché vers 1910.
1 Une lettre est adressée par Taïtou à Ménélik le 17 hedar 1879 (25 novembre 1886), dans laquelle elle exprime son vœu de nommer AddisAbeba sa résidence construite auprès des eaux de Filowa à Finfine. C'est le premier document écrit indiquant le choix fait par l'impératrice, d'où
cette année de 1886 retenue en général pour la création d'Addis-Abeba, même si le nom ne fut dévoilé qu'en 1887 au comte Antonelli,
représentant officiel de l'Italie, et que les travaux se poursuivaient à Entoto : 1887, dédicace de l'église d'Entoto Mariam ; 1888, peut-être, début
de la construction de la forteresse à Entoto ; 1890, dédicace de l'église d'Entoto Raguel... Roger Sauter, Histoire d'Addis-Abeba et de sa région,
Genève, 1999 (document dactylographié accessible au CDI du Lycée franco-éthiopien Guebre-Mariam d'Addis-Abeba).
Addis-Abeba devient la ville la plus peuplée : la population augmenta fortement après la catastrophe
démographique de 1889-1892 (peste bovine, choléra et famine : un habitant de l'empire sur trois disparaît) qui incita les
paysans à s'installer à Addis-Abeba par milliers pour profiter des aides distribuées par l'empereur et les autorités
religieuses. Ceci étant, ce ne fut qu'en 1916 qu'Addis-Abeba devint la ville la plus peuplée de l'empire, dépassant alors
Harar, démographiquement, ainsi que pour l'importance des échanges commerciaux (peut-être plus de 60 000 habitants
à Addis-Abeba dans les années 1910).
La résidence de l'empereur devient « moderne » : l'ensemble palatial de Ménélik II (le guebbi), reconstruit
après l'incendie de 1892, permit à l'empereur, dans un continent presque entièrement colonisé, d'impressionner les
Occidentaux présents au portes de l'empire (en plus des constructions en pierre et des décorations en bois sculpté, l'eau
courante, par exemple, fut installée par le Suisse Alfred Ilg durant l'hiver 1893-1894, alors puisée dans la rivière
Kabana et filtrée dans un réservoir avant d'arriver au palais).
« L'ensemble du Guébi ou palais impérial se compose de plusieurs bâtiments. L'Elfigne, où demeurent Leurs Majestés, domine de
beaucoup les autres. L'Elfigne ne comprend que deux vastes pièces, l'une au rez-de-chaussée, la seconde au premier étage. Elles
sont peu garnies, celle du premier seule est tapissée de papier peint bleu et rouge à grands ramages d'or. Deux lustres en verre
taillé, un grand lit de repos sous un baldaquin de mousseline, de lourds tapis en sont les seuls ornements. (...) Le Saganet, ou lieu
de justice, est également assez élevé ; une horloge est placée au haut de l'édifice (...). Dans l'enceinte du palais se trouvent
quelques bâtiments séparés, tels qu'une chapelle et le gouada, dépôt de tous les trésors de l'empereur gardé par des eunuques
rébarbatifs. (...) Plus loin et près du Saganet se trouve l'Adérache, vaste hall servant de salle de réception ou de salle à manger
les jours de grands festins, qui se nomment guébeur, et qui ont lieux deux ou trois fois la semaine. (...) [L'empereur] va et vient,
constamment occupé à surveiller quelques travaux : montage de scies mécaniques, pose de conduites d'eau... » J. G.
Vanderheym, Une expédition avec le négous Ménélik, vingt mois en Abyssinie, Hachette, Paris, 1896, pages 107 à 119.
« Ghébi di Menelik in Adhis Abeba » en 18912, avant l'incendie de 1892 donc, « La tour de l'horloge ou saganet avec les canons
capturés aux Italiens suite à la bataille d'Adoua (1896)3.
2 Fra Guglielmo Massaja, I miei trentacinque anni di missione nell'alta Etiopia, tome XI, Tivoli, 1930 (première édition 1885-1895), page 83.
3 J. G. Vanderheym, Une expédition avec le négous Ménélik, vingt mois en Abyssinie, Hachette, Paris, 1896, page 126.
« Le saganet » et le palais en 1893 : « L'adérache, salle à manger du palais4 » selon l'auteur (l'elfigne en réalité, les appartements
impériaux, mais il est vrai que des banquets y furent organisés pour les nobles et les visiteurs étrangers).
Une des sept portes du guebbi (carte postale non datée). Soldats éthiopiens devant l'adérache dans le guebbi à Addis-Abeba vers
1909 (collection Thesinger).
Le guebbi d'Addis-Abeba, années 18905 (pour la photographie de gauche : le logement impérial, à gauche, est relié au « pavillon
des prières », à droite, par un balcon suspendu), photographie non datée pour celle de droite.
4 J. G. Vanderheym, Une expédition avec le négous Ménélik, vingt mois en Abyssinie, Hachette, Paris, 1896, pages 105 et 63.
5 Lincoln De Casro, Nella Terra dei Negus, Milano, Treves, 1915.
« Le Ghébi, palais de l'Empereur » en 1909.
« Abyssinie : l'Aderach au château d'Addis-Abeba », photographie non datée. « Ethiopians outside the old Palace or Gibbi. »,
photographie Martin Rikli, Abessenien, volume 1, 1935-1936.
Le guebbi d'Addis-Abeba : années 1930 pour la photographie de gauche durant l'occupation italienne (1936-1941). Vue générale
du guebbi au centre (photographie non datée). Le mausolée de Ménélik II ou église Ba'ata Mariam (carte postale postée en 1937)
construit à partir de 1918 et inauguré en 19286.
6 Estelle Sohier, Le corps des rois des rois dans la ville : Ménélik II et Haylé Sellasé à Addis-Abeba, 2011. http://afriques.revues.org/1015
Église Kidane Mehret (photographie non datée), et vue du guebbi (1936-1941). Une deuxième église fut construite dans le guebbi,
l'église Gabriel, toujours fréquentée.
Addis-Abeba accueille les ambassades étrangères : en 1896 après la victoire éthiopienne d'Adoua face à
l'armée italienne secondée par des auxiliaires érythréens, les ascaris, les Occidentaux reconnurent alors la puissance de
Ménélik II, et installèrent leurs « légations », c'est-à-dire leurs ambassades, à Addis-Abeba loin du centre (France,
Royaume-Uni, Italie et quelques années plus tard Russie et Allemagne), ce qui répondait à une volonté de l'empereur
pour les obliger à construire des ponts, et ainsi permettre l'extension de l'agglomération.
Consulat français et « Vue de la légation d'Allemagne », photographies non datées.
« British legation » à Addis-Abeba en 1910 et en 1940 (collection Thesinger).
La région d'Addis-Abeba redevient boisée : avant le développement de ce qui deviendra Addis-Abeba, Finfine
était un espace boisé. Les arbres les plus courants étaient les genévriers d'Afrique (Juniperus procera ou ted en
amharique) et les podocarpus gracilior (zigba en amharique, un conifère, comme le genévrier). Le site, comme Entoto
auparavant, fut entièrement déboisé, et en 1900 la capitale devait être déplacée à Addis-Alem, à une soixantaine de
kilomètres d'Addis-Abeba. C'est la diffusion à la toute fin du XIXè siècle de l'eucalyptus australien à croissance rapide
(ou bahrzaf ou « arbre venu de la mer », eucalyptus globulus) et la construction de la première route carrossable entre
Addis-Alem et Addis-Abeba qui permirent de mettre fin à la pénurie de bois (grâce à cette route ce fut le bois qui vint à
la ville et non la ville au bois). Ménélik II dut également prendre en compte les protestations des ambassadeurs
étrangers tout récemment installés soutenus par les commerçants d'Addis-Abeba, indiens surtout, et fut peut-être
inquiet du nombre d'esclaves à « déplacer », plus de 20 000 peut-être (seule l'ambassade italienne avait accepté de
s'installer à Addis-Alem). Au final, Addis-Abeba fut confirmée dans son statut de capitale dès 1902 et les fondations du
nouveau palais d'Addis-Alem, inachevé, servirent de base à la construction d'une église.
« Addis-Abeba fut sauvée vraisemblablement par le fait qu'à ce moment, les premiers eucalyptus plantés par Mondon-Vidalhet
vers 1894 commençaient à être utilisables. Mondon-Vidalhet était un Français, conseiller de Méňélik, qui avait rapporté
d'Australie les précieuses graines. Les plantations furent encouragées par l'empereur et l'abouna (chef de l'Église), les terres
plantées d'eucalyptus furent exemptées d'impôts. Le « bahrzaf » (arbre venu de la mer) se multiplia merveilleusement. La ville
s'enracina et grandit avec lui. Elle devint une capitale au sens où nous l'entendons, c'est-à-dire avec des Palais impériaux, le siège
d'un gouvernement avec ses ministères, ses bureaux, etc. C'est la première capitale fixe et moderne du Choa et de l'Empire. Ce
n'est pas exagéré que d'affirmer que l'introduction de l'eucalyptus a été pour beaucoup (si cela n'a pas été le fait déterminant) dans
cette transformation d'un État itinérant et simple, comme l'était l'État carolingien, en un État moderne et complexe ayant
légitimement sa place à l'organisation des Nations Unies. » Edouard Berlan, « L'eucalyptus au Choa et à Addis-Abeba » dans la
Revue de géographie alpine, tome 39, numéro 3, 1951.
« Le Guébi d'Addis-Alam », Hugues le Roux, Ménélik et nous, Paris, 1902, page 273. Rouleau compresseur sur la route d'AddisAlem vers 1915 (la première route asphaltée ou goudronnée du pays fut celle d'Addis-Abeba à Addis-Alem achevée en 1902).
Le premier rouleau compresseur fut importé en 1904 (Sarkis Terzian) et fut d'abord utilisé pour consolider les chemins empierrés
d'Addis-Abeba (le chemin d'Addis-Abeba à l'église Entoto Mariam en 1904 par exemple).
« 10 millions d'arbres allaient grandir sur le site complètement déboisé d'Addis-Abeba. (...) Tout de suite l'eucalyptus permit le
développement de l'agglomération puisque toutes les maisons étaient exclusivement végétales ; il a donné le bois pour les
barrières dont s'entouraient, pour se protéger des hyènes la nuit et des troupeaux le jour, les plus humbles enclos ; il fournit le
combustible pour la cuisine ; il fixa le sol d'argile épais de 1 ou 2 m qui glissait sur les pentes pendant les pluies, interdisant la
construction de pesants édifices. Certes l'introduction de l'eucalyptus n'a pas apporté que des bienfaits : la forêt provoque une
intense évaporation des eaux souterraines : on a calculé qu'un arbre adulte envoie par 24 heures une tonne d'eau dans
l'atmosphère, et les puits qui donnaient l'eau à quelques mètres ont dû s'enfoncer jusqu'à 30 ou 40 m ; l'eucalyptus enfin est
accusé, sans doute avec quelque raison, de stériliser le sol. » Edouard Berlan, Addis-Abeba, la plus haute ville d'Afrique,
Grenoble, 1963, page 67.
Addis-Abeba ressemble de plus en plus à une ville : en 1897 (voir le plan de Gleichen) il n'y avait que peu de
bâtiments publics à Addis-Abeba : trois églises et le guebbi, mais les autorités construisirent des bâtiments ainsi que
è
des infrastructures durant la première décennie du XX siècle, ce qui peu à peu « fixa » la capitale : première école
publique du pays, l'école Ménélik II en 1908 entre Arat Kilo et Siddist Kilo (arat, quatre, non comme une distance en
kilomètres mais par rapport au nombre de routes qui rayonnent à partir de ce carrefour, même idée pour siddist, six) ;
l'hôtel Taïtou ou Itegue à Arada-Piazza en 1907 ; le pont Makonnen entre Arada-Piazza et Arat Kilo en 1906 ; le
deuxième bâtiment de la poste à Arada-Piazza en 1908 (il fut détruit par les incendies de 1936 et le Cinéma Ethiopia
actuel a été reconstruit à son emplacement, auparavant Cinema Italia durant l'occupation italienne de 1936 à 1941) ; le
deuxième bâtiment de la Bank of Abyssinia achevé en 1907 et siège de cette banque dès 1910 ; la deuxième église
Saint-Georges à Arada-Piazza, au même emplacement, achevée en 1911 ; l'hôpital Ménélik en 1910 à Kabana...
« Son grand plaisir était de montrer à ses tributaires
quelque nouvel engin, arme ou mécanique, nouvellement
rapporté d'Europe, et je me rappellerai toujours
l'étonnement du roi du Godjam lorsque le Négous fit
sauter devant lui, à la dynamite, des blocs de rochers qui
barraient un des torrents d'Addis-Abeba ! » J. G.
Vanderheym, Une expédition avec le négous Ménélik,
vingt mois en Abyssinie, Hachette, Paris, 1896, pages
104 et 105 (page 101 pour la gravure à gauche :
« Ménélik assistant à des expériences de dynamite »).
« L'école Ménélik II fut créée en 1908. Les
professeurs étaient égyptiens et éthiopiens. Le
français
était
utilisé
comme
langue
de
d'enseignement. Les matières enseignées étaient : le
français, l'anglais, l'arabe, l'italien, l'amharique, le
guèze, les mathématiques, les sciences, l'éducation
physique et les sports. » Théodore M. Vestal, «
Modern education », dans Encyclopaedia Aethiopica
(volume 2, page 234), Harrassowitz Verlag,
Wiesbaden, Allemagne, 2005.
Addis-Abeba, « L'Hôtel impérial », ou Hôtel Taïtou ou
Hôtel Itegue ou Hôtel Bollolakos (carte postale postée
en 1913).
« En Éthiopie, aujourd'hui encore, la grande masse est analphabète, et certainement 97 % de la population ne sait ni lire ni écrire.
Plusieurs ministres impériaux, aujourd'hui encore, ne savent pas écrire. (...) Le Lycée Ménélik (...) ne comportait pas un
enseignement dont le cycle pût se rapprocher d'un programme européen. On enseignait l'amharique, le gheez, langue antique des
Amhara, les psaumes de David, mais rien qui constitue les éléments d'une culture moderne ne figurait au programme. La plupart
des enfants qui recevaient une éducation étaient instruits par des prêtres à domicile, et certains parents, pour stimuler le sens de
l'émulation chez leurs enfants, faisaient venir à ces cours privés les enfants pauvres du voisinage. » Maurice Lachin et Dimitry
Weliachew, L'Ethiopie et son destin, Gallimard, Paris, 1935, pages 141 et 142.
« Addis Abeba : pont sur le Cabanna ». « Addis Abeba, Ponte Ras Makonnen », photographies non datées7.
Première église Saint-Georges construite en 18978. L'église Saint-Georges que nous connaissons fut construite de 1906 à 1911 au
même emplacement que la première (architecte grec Orphanaides et ingénieur italien Castagna) et fut rénovée, suite aux
bombardements italiens durant la guerre italo-éthiopienne (1935-1936), après la libération (1941). Addis-Abeba, première église
Sélassié, 1909 (la construction débuta vers 1891, elle est située à côté de la nouvelle église des années 1940).
Deuxième église Saint Georges (carte postale postée en 1936). Hôtel d'Europe (aujourd'hui Finfine Hotel), construit dans les
années 1900 ou 19109.
7 « The first stone bridge was erected shortly afterwards in 1902 by Russian engineers. They did so after one of their compatriots was drowned
during the rainy season while crossing the Kabana river which flowed between their Legation and Russian Hospital (situated on what was later
the Menilek Hospital). » Richard Pankhurst, « Economic change in late nineteenth and early twentieth Century. Ethiopia: a period of accelerated
innovation » dans Annales d'Éthiopie, volume 20, 2004.
8 Count Gleichen, With the mission to Menelik, London, 1898, page 133.
9 « It is more probable that the design of the present hotel is one of the two works that the Armenian Minas Kherbekian developped in the area
around 1915. » Milena Batistoni, Gian Paolo Chiari, Old tracks in the New Flower, a historical guide to Addis Ababa, Arada books, Addis
Ababa, 2004, page 38.
« Addis-Abeba de 1909 est plus qu'un camp. Elle est une agglomération très étendue, surtout de l'ouest à l'est comme si ses
habitants avaient voulu s'accrocher à la pente et répugnaient à descendre dans la plaine. Il existe 4 ponts ; il y a des boutiques,
une banque, un hôtel, une école, un champ de courses, des légations, un quartier arménien. L'agglomération a dépassé toutes les
capitales précédentes depuis Gondar. Cette agglomération n'est pas une ville au sens topographique que nous donnons
habituellement à ce mot : il y a en effet trop de vides entre les maisons dispersées ; 200 seulement de ces maisons sont en pierre,
disséminées dans un ensemble de 15 000 toucoules et de 2 000 tentes ; quelques traits nouveaux sont apparus depuis 1897 : à côté
des huttes et des enclos circulaires, il existe des maisons et des enclos rectangulaires ; quelques voies de communication sont
rectilignes ; des millions d'arbres tendent à remplacer les vides ; des communications régionales et vers la mer sont amorcées.
Mais le cadre est large, trop large, dans lequel flottent 40 000 habitants, dont les trois quarts soldats, fonctionnaires, serviteurs,
gardiens, porteurs, esclaves ne sont pas fixés au sol. » Edouard Berlan, Addis-Abeba, la plus haute ville d'Afrique, Grenoble,
1963, page 71.
Carte postale envoyée en 1913 : « Vue de l'Hôpital Ménélick. ». Le deuxième bâtiment des postes et télégraphes à Arada-Piazza
inauguré le 20 juillet 1908 et incendié en 1936.
« Though traditional chiqa, or mud, houses were long to predominate, new types of
building came into existence during the Menilek period. This period witnessed the
construction in the capital of many stone houses. Virtually unknown in the area until that
time, their number, by the end of Menilek's reign, was estimated by Dr. Mérab at well
over a hundred. Most were owned by West Europeans, Armenians and Greeks, and a few
others by the Emperor and four or five by his principal chiefs. About a hundred such
houses were later built, Mérab believed, between 1908 and 1913, mainly by Indians and
Greeks. Brick houses likewise began to be built at around this time. The first chekla bet,
or "brick house," as it was called, was constructed by Menilek with imported bricks in
1898. Local brick production began within a decade. The first brick factory was
established in 1907, and Mérab states that four such factories were soon in operation.
One of the best was run by a prominent Italian builder, Sebastiano Castagna, and the
others by three Greeks. » Richard Pankhurst, « Economic change in late nineteenth and
early twentieth Century. Ethiopia: a period of accelerated innovation » dans Annales
d'Éthiopie, volume 20, 2004.
La deuxième « municipalité d'Addis-Abeba » (La voix de l'Éthiopie numéro 3, septembre 1935).
Le magasin Mahomed-Ali (Mohammed Ali, commerçant indien) à Arada-Piazza, carte postale postée en 1904. Le deuxième
bâtiment de la banque d'Abyssinie à Arada-Piazza (aujourd'hui bâtiment occupé par la Central Statistical Agency), Banca d'Italia
sur cette photographie du temps de l'occupation italienne (d'où la présence militaire italienne).
Résidence du bitwoded (ou nagadras, celui qui perçoit les taxes issues des échanges commerciaux) Haïlé Giorghis, construite fin
XIXème siècle, en 1909. Ce bâtiment, situé en face de l'église Saint-Georges à proximité de la caserne de pompiers, abrita la
deuxième municipalité (1916-1964) avant de se transformer en tribunal, ce qui est toujours le cas aujourd'hui10. A remarquer les
toits recouverts de tôles : la tôle ondulée apparaît à Addis-Abeba vers 190411. La maison de Satan, Seitan bet, premier cinéma
d'Éthiopie (photographie de Martin Rikli, Abessenien, volume 1, 1935-1936)12.
« The most important buildings concentrated on two areas : on the commercial district of Arada and on the administrative
districts of Arat kilo and Siddist Kilo. In Arada, the Municipality, the Post Office and the Bank of Abyssinia where located, as
well as several shops, restaurants, hotels and the main market place. The architecture of the Greeks, Armenians and Indians
created a semi-urban atmosphere. Small buildings were built near together and decorated with balconies, porches, trellises and
finials . » Historic buildings of Addis Ababa, preservation in town planning, Addis Ababa, january 1990.
10 Edouard Berlan, Addis-Abeba, la plus haute ville d'Afrique, Grenoble, 1963, page 68.
11 « By the early twentieth century, Addis Ababa's most visible, and in the area of housing most important, import was corrugated iron, which
was destined to transform the appearance of the city and in due course most other Ethiopian urban settlements. This roofing material was virtually
impossible to transport by mule, but began to be imported after the Jibuti railway reached Dire Dawa in 1902. Supplies for the next decade and a
half or so were taken thence by oxdrawn trucks (owned by two Frenchmen, a German and an Armenian) to Addis Ababa, until the line reached
Aqaqi, in the vicinity of the capital in 1915, after which they were carried virtually all the way by rail. The resultant expansion in the import of
corrugated iron is evident from British consular reports. They indicate that though such roofing material was unknown at the beginning of the
century, its annual import had risen to 50,000 sheets in 1905-06, and had reached 555,000 kilos in 1911-12. The advent and expansion of iron
roofing involved a significant transformation in Addis Ababa's architectural setting, and changed the physical appearance of the town. » Richard
Pankhurst, « Economic change in late nineteenth and early twentieth Century. Ethiopia: a period of accelerated innovation » dans Annales
d'Éthiopie, volume 20, 2004.
12 « Seitan bet is one of the earliest public buildings in Addis Ababa. It is a simple stone building with two storeys and an open interior. It is
impossible to trace how big the former cinema hall was or if it occupied the whole building. » Historic buildings of Addis Ababa, preservation in
town planning , Addis Ababa, january 1990.
Voici une liste de bâtiments construits à Addis-Abeba de 1886 à 1913, année de la mort de Ménélik II, selon les auteurs de
Historic buildings of Addis Ababa, preservation in town planning (Addis Ababa, january 1990).
Résidences de nobles : Dedjazmatch Birru Haile Mariam, Dedjazmatch Wube Atnafseged, Negadras Haile Giorgis Agedew, Ras
Nadew Abawello, Dedjazmatch Wolde Gebrel, Ras Tessema, Fitaourari Habte Giorgis, Ras Hailu Tekle Haimanot, Sheik
Hojele, Tsehafetiezaz Gebre Selassie, Negus Michael Ghibi, Bitewoded Wolde Tsadik Goshu, Ras Mengesha Yohannes,
Afenegus Tilahun Habte, Afenegus Nesibu Meskelo, Bilata Ashine Kidanemariam, Ras Birru Wolde Gebrel, Ras Kebede
Mengesha, Ras-Bitewoded Mengesha Atikem, Negadras Asfaw Bante, Azag Ayele Aboye, Dedjazmatch Mered Beyene,
DedjazmatchYigzaw Abera, Ras Luelseged, Fitaourari Habte Giorgis.
Résidences de non nobles : Kriston Maliyaras, Muhammed Ali, Mussie Karacacian, Mussie Minas Karbegian, Adenew Cherkos,
Akber Ali Abdul Hussen, Mussie Cachik Boghassian, Kassa Gebre, Mussie Fasika, Mussie Yacob, Yohannes Wade.
Bâtiments publics : Seitan Bet, Etege Hotel, Bank of Abyssinia, Banquet Hall of Negus Michael, Ministry of Education, Menilik
II Hospital, Menilik II School, Patriarchate, Tiyit Bet, Grand Ghebbi, Babur Bet, Banquet Hall of Menilik II (Finfine Hotel).
Addis-Abeba est une ville dans laquelle les terres se vendent et s'achètent : durant les premières années
d'existence d'Addis-Abeba, les terres distribuées par Ménélik ne le furent qu'en faveur de quelques groupes : les nobles,
qui pouvaient attribuer des parcelles à d'autres groupes, comme des soldats par exemple ; l'Église ; les légations
étrangères. Pour les habitants qui n'étaient pas liés à ces groupes il était donc extrêmement difficile d'accéder à la terre,
ce qui accentua le développement anarchique de la ville puisque ces derniers s'installaient où ils pouvaient. En
conséquence de quoi, Ménélik II obligea les propriétaires à déclarer leurs terres à partir de 1907, surface et limites (un
cadastre se constitua peu à peu au fil des années). Ainsi, les ventes privées furent facilitées, y compris pour les
étrangers13, et les taxes furent plus facilement collectées par des fonctionnaires municipaux (1909, première
municipalité en face du restaurant Castelli à Arada-Piazza, bâtiment aujourd'hui détruit) : le développement de la ville
en fut renforcé par l'accès à la propriété de ceux qui en étaient exclus jusque là (les espaces attribués furent de plus en
plus rectangulaires, et non plus circulaires, ce qui, en plus de l'influence étrangère, fut à l'origine de la construction de
plus en plus de maisons... rectangulaires). Ceci étant, en 1961, selon Richard Pankhurst, la terre restait essentiellement
aux mains des riches et des puissants. La superficie d'Addis-Abeba était alors de 212 kilomètres carrés : 58% des terres
étaient aux mains de grands propriétaires (plus de de 10 000 mètres carrés par propriétaire, plus d'un hectare donc),
7,4% des terres étaient au mains des autres propriétaires privés (moins de 10 000 mètres carrés par propriétaire), 12,7%
des terres appartenaient aux autorités éthiopiennes et aux ambassades, 12% des terres étaient propriété de l'Église, et les
14
9,9% qui restaient étaient aux mains de l'empereur .
Addis-Abeba devient la « porte d'entrée » de l'Éthiopie : l'arrivée du chemin de fer en 1917, même si la gare
actuelle aujourd'hui désaffectée ne fut inaugurée qu'en 1929, fixa définitivement la capitale. Ceci étant, les Italiens qui
occupèrent la capitale dès 1936 pensèrent un temps déplacer la nouvelle capitale de l'Afrique Orientale Italienne dans
une autre agglomération, sans pour autant réaliser leur projet initial, puisque le site trop accidenté d'Addis-Abeba ne se
prêtait pas, pour certains, aux aménagements qui devaient être réalisés. De plus, l'altitude était jugée trop élevé et
l'espace impossible à défendre à cause de l'importance de la forêt urbaine qui pouvait favoriser les embuscades.
13 Article 1 : « I, Minilik II, Emperor of Ethiopia, have authorized my country men and foreigners, for whom 1 have given a special law, to buy
th
land in the town of Addis Ababa, but they must not transgress this law. » d'après Menelik's law granting security of tenure, writen on 20 of
Teqemt 1900 in the city of Addis Ababa, dans Daniel Tadesse, Reflections on the situation of urban cadaster in Ethiopia, avril 2006.
14 Richard Pankhurst, « Menilek, military camps and capitals », dans The dramatic history of Addis Ababa, janvier 2013.
Addis-Abeba, la gare d'Addis-Abeba en 192115.
Procession pour le couronnement de l'impératrice Zewditu en 1917 (collection Thesinger).
15 http://www.africantrain.org/

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