Revista de Ia Universidad de Costa Rica 35

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Revista de Ia Universidad de Costa Rica 35
Revista de Ia Universidad de Costa Rica 35
II
LA THEORIE ARISTOLECIENNE DE LA TRAGEDIE
La theorie de Ia tragedie est le centre de Ia Poetique ou elle est minutieusement
definie et analysee. "Aristote a tire sa theorie des grands tragiques grecs et en particulier
de Sophocle" (l ).
DEFINITION DE LA TRAGEDIE
"La tragedie -nous dit Aristote (2)- est une action de caractere eleve et complete,
d'une certaine etendue, dans un langage releve d'assaisonnements (3), en
representant chacune des parties et qui, suscitant la pitie et Ia terreur, opere Ia
purgation propre a pareilles emotions."
PARTIES CONSTITUTIVES DE LA TRAGEDIE
Aristote distingue six parties constitutives de Ia tragedie:
1.
La fable - c 'est l 'imitation de l 'action ou Ia conduite del 'action.
2.
Les caracteres
c 'est Ia maniere d 'etre des personnages, leurs qualites, carle
poeme tragique va presenter des etres ayant une maniere d'etre.
ce sont les idees, les points de vue du personnage, sa morale, sa
3.
La pensee
religion. La pensee se manifeste par le langage.
Le caractl~re et Ia pensee determinent les actions. L nomme se manifeste selon
son caractere et sa pensee. Par exemple, Antigone a un caractere energique,
violent et elle croit qu 'il faut respecter les lois des dieux avant de respecter
celles de l 'etat. Creon est un roi tres autoritaire et veut que I 'on obeisse sa
maniere de penser eta sa volonte. Tous deux agissent selon leur caractere et
leur pensee et c 'est de la que provient le conflit.
Ces trois premiers elements -fable, carach~re et pensee- sont le fond, ce
qu 'on represente.
4- L 'elocution -c 'est I 'assemblage de vers qui traduisent Ia pensee.
5
La melodie -c 'est Ia musique ou le chant.
6- L 'optique -c 'est l 'appareil scenique, le spectacle.
Ces trois demiers elements sont ceux au moyen desquels on represente.
a
LA FABLE ET L' ACTION
a)
Aristote considere Ia "fable", Ia partie essentielle, l 'arne de Ia tragedie, parce
que Ia fable est une imitation de l 'action, ou mieux encore, c 'est Ia conduite
de l 'action, l 'assemblage des faits qui composent I 'oeuvre. II considere cette
partie, au contraire de Ia tragedie fran-;aise, plus importante que les
caractE~res.
La tragedie imite une action; or, le bonheur ou l infortune sont dans l 'action,
car c 'est en raison de leurs actions que les hommes sont heureux ou
malheureux. La tragedie presente done des hommes agissant (4) et le vrai
poete tragique sera un artisan de fables (5). II aura avantage prendre les plus
beaux modeles et pour cette raison, il va puiser ses sujets et ses personnages
dans le mythe et dans les Poemes Cycliques: OEdipe, Oreste, Meleagre,
Thyeste sont des personnages qui ont eu une fin malheureuse. Tout en
a
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b)
c)
d)
respectant Ia tradition, le poete ne doit pas raconter tout ce qui est arrive,
mais ce qui aurait pu arriver ... II mettra les situations sous les yeux comme si
on assistait aux faits memes. "La tragedie, -a ecrit M. Bayer au contraire de
I 'histoire qui est Ia discipline du vrai, est illusion du vraisemblable (6).
Etendue de l' action. La tragedie est limitation d'une action complete et
entiere (7), achevee, ayant une grandeur determinee (8). C'est done un tout
ayant commencement (9), milieu (10) et fin (11).
Une tragedie complete doit conclure, elle doit suivre jusqu'au bout Ia
direction des forces psychiques engagees au commencement. Et ce
developpement qui doit avoir une certaine etendue "nous ramene a Ia
grandeur, qualite du beau" 02).
LA BEAUTE DE LA FABLE. Tout ce qui est beau ·--une belle chose, un bel
animal-- se compose de parties et ces parties supposent uncertain ordre et une
certaine etendue, car "Ia beaute reside dans l'etendue et dans I 'ordre ", (13)
c 'est-a-dire, Ia beaute consiste dans Ia proportion et I barmonie. "Et c 'est
pour cela -poursuit Aristote- qu 'un bel animal ne peut etre ni extremement
petit ... ni extremenent grand" (14). Ainsi un animal qui aurait plusieurs
milliers de stades (15) ne pourrait etre embrasse du regard (16) et I'unite et Ia
totalite echapperaient a Ia vue du spectateur. II s'en suit que, de meme que
pour les corps, "pour les fables il faut une certaine etendue, telle cependant
que Ia memoire puisse aisement Ia saisir ... Plus Ia fable a d'etendue, plus elle a
Ia beaute que donne I'ampleur" (17), mais pourvu qu 'on puisse saisir
l'ensemble.
Unite d'action. "Ce qui caracterise une action, c 'est qu 'elle est une suite
d'evenements qui obeit a une directive determinee" (18). La fable doit,a·voir
unite d'action. Cela ne veut pas dire qu'elle doive representer seulement Ia vie
d'un seul heros. II peut s'agir de plusieurs heros, mais les evenements doivent
former une uuite autour d'une idee centrale. Et toutes les parties vont tendre
a projeter sur notre sensibilite ce qui est fondamental. Dans un tout veritable,
quand on modifie.les parties, le tout est ebranle, bouleverse (19) et ceci vaut
surtout pour Ia tragetlie.
Aristote appelle "praxis" ce que toute I 'oeuvre represente. L 'action et les faits
qui composent !'oeuvre doivent donner une image de l'action fondamentale.
Ainsi, I 'action fondamentale dans Antigone est le conflit entre les droits
humains qu 'Antigone represente et les droits de 1'Etat representes par Creon
(20).
EN QUOI L'ACTION TRAGIQUE CONSISTE-T-ELLE?
Elle consiste en un changement de fortune du protagoniste. En grec, ce changement
s 'appelle METABASIS. Et dans Ia tragedie, ce changement sera toujours du bonheur a
l'infortune de bien en mal.
Le protagoniste est celui qui subit Ia metabasis: il commence dans le bonheur, Ia
puissance, Ia fortune et subit ce passage du bonheur au malheur, Ia souffrance etc 'est ce
qui vale purifier quand il va reconnaftre ce que lbomme doit etre.
Aristote dit que le protagoniste doit etre un homme important, ni trop bon, ni trop
mechant. II ne peut pas etre un homme parfait, car nous trouverions injuste qu 'un hom me
parfait souffrft. D'autre part, Ia chute d'un homme mechant n 'est pas tragique.
"La tragedie est Ia douleur d'un grand homme qui a une chute, qui tombe dans le
malheur par sa propre faute, par I' Hamartia, erreur de caractere, erreur d'election" (21).
Par exemple, dans Antigone le protagoniste Creon, commet une grave erreur, une erreur
cause de son caractere: quand Tiresias lui dit que les dieux sont mecontents de sa fa~on
d 'agir, de sa conduite, Creon rejette cet avertissement et s 'obstine. Puis, quand il decide
a
a
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a
de rendre Ia liberte Antigone, c 'est trop tard: Hernon s 'est deja pendu et Antigone s 'est
suicidee aupres de lui. A Ia fin Creon se rend compte de son erreur (22) .
En parlant du caractere des personnages qui en trent en conflit, Aristote dit qu ils
doivent etre bons (23). Jules Lemaftre interprete cette phrase en disant qu 'ils doivent
avoir de Ia grandeur, de Ia rae~, de I 'allure" (24). Et le personnage de Ia tragedie doit etre
conforme a la nature du personnage qu 'il represente. Par exemple, la virilite ne
s'accomode pas a la nature de la femme. Egalement, le caractere du personnage de la
tragedie doit ressembler a celui du heros de la legende que le personnage represente;
meme si le caractere est inegal, comme celui de Jason (25).
FAITS DE LA METABASIS Ils nous montrent comment !'argument se developpe:
par les peripeties, Ia reconnaissance ou·anagnorisis et la catastrophe (le denoument).
l.
Les peripeties sont tous les faits qui font avancer le developpement de 1'action
vers le changement de fortune. Les personnages vivent ces peripeties et le
public s 'en rend compte. Par exemple, dans Antigone quand Creon est
informe que le cadavre de Polynice a ete enseveli par Antigone.
2.
Anagnorisis ou reconnaissance.. C' est une reconnaissance speciale du
·personnage qui change sa relation avec un autre. Par exemple, Ia
reconnaissance de Jocaste et d'OEdipe les remplit d'horreur (26) . Jocaste se
pend, OEdipe se creve les yeux et s 'en va errant par le monde.
Les reconnaissances sont tres importantes, car elles changent les relations et
les points de vue, de sorte que les personnages peuvent passer de I 'ami tie a
I 'inimitie ou vice-versa.
Aristote analyse les types de reconnaissance:
a)
Par des signes: cicatrices, vetements, bijoux. Par exemple, Eurykleia, Ia
nourrice d'Ulysse, le reconnaft par sa cicatrice.
Par une circonstance Oreste, dans Iphigenie en Tauride reconnaft sa
b)
soeur Iphigenie grace a la lettre qu 'elle veut lui envoyer. C'est une
reconnaissance naturelle. Oreste, a son tour, s 'est fait reconnaftre par
Iphigenie. Cette reconnaissance est artificielle (27).
Par deduction: Electre reconnaft son frere Oreste parce qu'elle a vu des
c)
traces de pas pres du tombeau d'Agamemnon. Elle deduit qu'elles sont
celles de son frere (28).
La catastrophe est Ia demiere peripetie, le fait le plus douloureux que le
3.
protagoniste souffre. Elle represente le comble de la douleur ou de la mort
par rapport au protagoniste. Par exemple, Creon apprenant Ia mort de sa
femme a pres avoir appris celle de son fils Hernon.
Evenements pathetiques. Il y a aussi dans le developpement de Ia fable des
4.
evenements pathetiques qui expriment les douleurs et les emotions intenses
des personnages qui souffrent (29). Par exemple, Iphigenie, fille
d 'Agamemnon, qui a failli etre sacrifiee a Aulis, si Artemis ne I 'avait pas
sauvee et Oreste, a Tauris, si sa soeur ne l'avait pas reconnu.
LES EMOTIONS DRAMATIOUES DE PITI E ET DE TERREUR (PHOBOS):
Le drame doit susciter la pi tie, la terreur et d 'autres passions analogues, comme
!'admiration. Ces emotions peuvent naftre du spectacle, mais ce qui est mieux, de
l'agencement des faits . Et les faits qui provoquent la terreur et la pitie sont ceux qui se
produisent entre personnes amies (30). Par exemple, OEdipe, sans connaftre ses liens de
parente, a tue son pere Lafus eta epouse Jocaste. 11 a commis des atrocites sans le savoir.
lphigenie, aTauris, etait sur le point d 'immoler son frere Oreste.
La pitie et Ia terreur provoquees chez le spectateur sont au fond des douleurs
humaines universelles.
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La terreur differe de Ia pitie. Aristote pense que Ia pttie est reservee aux
personnages et que ce qui nous inspire Ia terreur, ce sont les catastrophes que nous voyons
se derouler et qui sont causees par Ia destinee (31). Par exemple, dans les Coephores (32),
Oreste tue sa propre mere Clytemnestre pour accomplir sa destinee.
IMPORTANCE DU NOEUD ET DU DENOUMENT DANS LA TRAGEDIE
Dans le developpement de I 'argument d'une tragedie, il faut considerer le noeud et
le denoument.
Le noeud -Ce sont tous les faits, se rapportant au sujet, qui ont lieu, en dehors de
la tragedie et dans la tragedie, jusqu 'au commencement de la premiere peripetie
douloureuse du protagoniste et par laquelle commence son revirement vers le malheur
(33).
Tous les faits qui entrent dans le noeud ne sont pas tous necessairement dans la
tragedie; ceux qui ont lieu en dehors de Ia tragedie sont appeles antecedents. Par exemple,
dans OEdipe-Roi, un oracle avait annonce qu 'OEdipe tuerait son pere. OEdipe tue Lai"us
-sans savoir leur parente- il epouse Jocaste, et monte sur le tr6ne de Thebes; la peste se
repand et c 'est la que commence Ia tragedie. Le noeud va jusqu 'au moment ou OEdipe
connaft sa vraie identite.
Le denoument C 'est ce qui a lieu de puis Ia premiere peripetie douloureuse jusqu 'a
la fin (34), Par exemple, dans OEdipe-Roi le denoument commence et se precipite vers la
catastrophe au moment oil OEdipe se rend compte qu 'il a tue son pere et qu 'il a epouse sa
mere. Dans Antigone, le denoument commence quand Creon apprend Ia mort de son fils
Hernon.
·
Denoument de l'intrigue par le deus ex machina. Aristote critique !'introduction du
"deus ex rna china", c 'est-a-dire l 'introduction d 'un dieu dans la scene au moyen d'une
machine pour eclaircir et denouer l'intrigue. Telle est la fonction d'Artemis dans le
denoument d'Hippolyte ou le noeud dramatique est trop embrouille: Phedre, femme de
Thesee et belle-mere d'Hippolyte (fils de Thesee) a accuse Hippolyte d'avoir essaye de la
seduire. Hippolyte n 'a pas les moyens de se defendre, car il ne veut pas accuser Phedre par
respect pour Thesee. Artemis vient tout eGiaircir. Thesee est horrific et voila que le noeud
se denoue (35) (36).
Denoument simple et complexe. Il y a deux sortes de denouments: le denoument
simple et le denoument complexe.
Exemple de denoument simple:
(Diagramme du Dr. Lenin Garrido)
Dans Antigone (37), il n 'y a qu'un seul denoflment: Creon, le protagoniste subit la
metabasis et termine dans Ia catastrophe et les autres personnages ne font que
renforcer l 'action d 'Antigone.
Antigone
\
Tiresias
Hem on
lsmene
\
\
\
.
...
,,
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Exemple de denoument complexe:
(Diagramme du Dr. Lenin Garrido)
.
.
.
.
Dans Hippolyte (38) deux personnages subzssent Ia metabasiS trag~que: Hrppolyte et
Thesee:
Phfdre
,
/
/
?'
/
;
/'
;
,
Hippolyte
;
;
Catastrophe
Phedre est mariee avec Thesee. Elle devient amoureuse d'Hippolyte, son beau-fils.
Phedre va detruire Ia vie de ces deux personnages: elle vient faire Ia destruction
d'Hippolyte, puis celle de Thesee. ll y a done deux personnages qui suhissent Ia
metabasis tragique et le denoument est complexe.
LA CATHARSIS. La catastrophe
a laquelle
arrive le protagoniste est un des
moments les plus importants de Ia tragedie, parce que, par Ia souffrance, il a une
revelation de I 'etre humain, c 'est Ia purification par Ia douleur que Sophocle suggere. Tel
est le cas de Creon qui, dans son malheur, apres avoir appris Ia mort de son fils Hernon et
de sa femme Eurydice reconnait son ohstination: il n 'a pas ete prudent et il a ete impie
envers les dieux. II se produit en lui cette purification par Ia souffrance et en meme temps
une elevation spirituelle qui est caracteristique de Ia tragedie.
Aristote dit que Ia tragedie effectue par Ia terreur et Ia pitie Ia catharsis de ces
affections (39). Les spectateurs eprouvent ces sentiments tout au long du dveloppement
de l'action.
On n 'a cesse de disserter, depuis Ia Renaissance, sur ces dix mots de Ia Poetique
relatifs a Ia "catharsis" car comme le fait remarquer M. Hardy, il n 'y a pas de passage plus
celebre dans Ia litterature grecque (40).
Dans le livre VIII de Ia Politique (41 ), Aristote affirme que les chants "d 'action" et
les chants "d'enthousiasme" servent a Ia "catharsis" et au delassement parce qu'ils
produisent un apaisement dans l'ame qui y est trouhlee d'ahord et apaisee ensuite. II en
est de meme de Ia tragedie qui nous permet d'eprouver ces emotions avec plaisir et sans
dommage pour nous, tout en provoquant dans I 'arne une "catharsis", une sorte de
medication, d'apaisement.
M. Hardy considere que le terme "catharsis" applique a I 'effet des chants
d'enthousiasme est une metaphore ... "et consiste pour Ia tragedie a traiter le temperament
plus ou moins emotif du spectateur par des emotions provoquees" (42).
Racine a commente, lui aussi, dans le meme sens, ce passage d'Aristote, quand il
a ecrit que Ia tragedie "excitant Ia terreur et Ja pitie purge et tempere ces sortes de
passions. C'est-a-dire qu 'en emouvant ces passions, elle leur ote ce qu 'elles ont
d'excessif et de vicieux et les ramene a I 'etat de moderation conforme a Ia raison" (43).
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ELEMENTS STRUCTURAUX DE LA TRAGEDIE
Dans toute tragedie, il y a des elements dramatiques (les personnages en action) et
des elements lyriques (le choeur).
Les elements dramatiques comprennent:
1l.
Le prologue ( dramatique ou monologue) qui precede l'arrivee du
choeur.
Les episodes qui sont brefs et font avancer !'action (44) et dont les
2.
elements essentiels sont les suivants:
a)
Dans tout episode, il y a toujours une lutte -AGON- discussion
entre les personnages. Par exemple, dans Antigone l'agon entre
Creon et Antigone et aussi entre Creon et Tiresias (45).
On trouve partois dans I 'episode un element lyrique individuel
b)
quand le personnage est sous le coup d'une grande douleur, c'est
le commas, une complainte. Par exemple, au quatrieme episode
d'Antigone: celle-ci va au supplice et se plaint de son sort:
"Citoyens de rna patrie, vous me voyez commencer mon dernier voyage et
jeter un dernier regard sur Ia lumiere du solei! que je ne dois plus revoir" (46) .
Rhesis - On trouve aussi un petit element epique dans Ia tragedie.
Rhesis est une petite narration faite par un messager de certains
faits qui se produisent en dehors de Ia scene. Par exemple, le
messager qui narre Ia mort d'Hemon et d'Antigone (47).
2- Les elements lyriques:
1.
La parodos , c 'est I'entree du choeur, aussitot apres le prologue.
Le stasimon, c 'est une intervention du choeur qui a pour role de
2.
commenter ou d 'eclaircir ce qui est arrive pendant l'episode anterieur.
3. L' exode, c' estla sortie du choeur.
La structure de Ia tragedie se base dans l'alternance des elements dramatiques et
choraux (48).
Surles six parties de Ia tragedie, Aristote en a surtout analyse deux: Ia fable et les
caracteres. Le spectacle et Ia musique sont peine mentionnes.
Comme Ia pensee se manifeste par le langage, I'acteur doit connaftre l'art de
/'elocution qui releve plutot de Ia rhetorique.
Cependant, Aristote parle dans sa Poetique des parties de !'elocution et aussi de
l'emploi des noms: noms simples, noms composes, noms courants et noms insignes,
considerant que ces derniers conviennent aux vers herofques (49).
Aristote souligne !'importance de l'emploi des metaphores. II dit que "Ia
metaphore est le transport d'une chose a un nom qui en designe une autre" (50). La
metaphore est en realite une comparaison implicite et pour bien exprimer une metaphore,
il faut bien apercevoir les ressemblances. Elle s 'exprime par une affirmation d 'egalite: A
est B. Par exemple: Ia voix de bronze du heros.
On peut arriver Ia metaphore par le rapport d'analogie. Tel est le rapport entre Ia
vieillesse et Ia vie, le soir et le jour. Et le poete dira du soir que c 'est ''la vieillesse du jour"
et de Ia vieillesse que c 'est "le soir de Ia vie " ou "I~ couchant de Ia vie" (51).
Clarte et noblesse de ['elocution. La qualite essentielle de !'elocution, c 'est d'etre
claire et sans bassesse. La perfection du sytle est dans Ia darb~. Le style est clair si le poete
emploie des mots courants, mais alors I 'elocution est basse (cas de Ia poesie de Cleophon).
L 'elocution est noble et echappe Ia banalite quand elle emploie des mots etrangers
!'usage: mots insignes, metaphores, noms allonges. Mais, si l'on abuse des metaphores, il y
c)
a
a
a
a
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ale danger de tomber dans l'enigme, puis, dans le barbarisme, si l'on abuse des mots
ins ignes (52).
Vrai.semblance dans la creation poetique - Aristoe considere que Ia fonction du
poete est de creer une oeuvre sur un sujet vraisemblable. Le poete n'est pas libre de
choisir I 'imposible, l 'irrationnel, ce qui est incongru ou contradictoire, tout en etant libre
de representer les choses telles qu 'elles semblent ou telles qu 'elles devraierit etre.
Et, comme selon la doctrine de la Poetique il n 'y a pas de poeme sans fable, pour
critiquer la valeur esthetique d 'une oeuvre, il faut tenir compte de la grandeur qui se
manifeste esthetiquement dans la nature, le caractere des personnages et leurs actions,
ainsi que de l 'elocution et du sens que le poete a voulu donner aux mots du contexte.
CONCLUSION
a
Aristote n 'a pas cherche
apprendre leur metier aux poetes. Il savait bien
qu'Homere, Eschyle, Sophocle et Euripide n 'ont pas modele leurs oeuvres sur un moule
inflexible, mais qu'ils ont cree reellement des oeuvres immortelles.
La Poetique doit plutot nous apprendre nous rendre compte de I 'art des poetes et
comprendre le pourquoi de leurs reussites et de leurs echecs; car Aristote nons a fait
apprecier Ia beaute com me une valeur de premier ordre dans Ia vie et dans l 'art. Si le
poete a reussi imiter Ia nature, c 'est-a-dire a faire une creation de la beaute au moyen
du langage, son oeuvre posse de une vie propre, parce qu 'elle a une valeur intrinseque. Et
quand une oeuvre d'art est contemplee par nous, quand elle est re-creee et que nous
recevons son message, elle a des repercussions sur notre vie sensitive, affective et
intellectuelle. C'est pourquoi la "catharsis" cet apaisement, cette purification des
emotions, est une consequence heureuse et bienfaisante de cette contemplation artistique.
De meme, Ia catastrophe du protagoniste, sa douleur, puis son elevation spirituelle
laissent en nous une lefYon profonde sur Ia valeur de Ia douleur.
Cette revelation de l 'homme et de Ia nature humaine, laquelle Ia douleur no us
amene, nous fait penser a deux vers d'Alfred de Musset dans lesquels il a su exprimer, avec
tant de lyrisme, cette meme pensee:
a
a
a
a
"L 'homme est un apprenti, la douleur est son maftre
Et nul se connaft tant qu 'il n 'a pas souffert" (53).
La Poetique est Ia premiere oeuvre connue de critique litteraire contenant des
theories et des jugements d'une acuite et d'une valeur incalculables qui ont eu la plus
grande influence sur la litterature de tous les temps. Sans Aristote "une bonne part de la
culture occidentale et de l'histoire du classicisme devient inintelligible" (54).
La comparaison du poeme avec un etre vivant foumit Aristote une de ses idees les
plus profondes, celle qu 'il ne serait pas exagere de considerer comme Ia pierre angulaire de
Ia doctrine ciassique, a savoir, que le sujet du poe me doit etre un, que chaque partie doit
avoir sa raison d'etre et contribuer a l 'ensemble, que l 'ensemble doit etre aisement
embrasse par I 'esprit.
II n 'est pas exagere non plus de dire que la Poetique est ala base de toute critique
litteraire: ses theories ont ete etudiees et appliquees avec le plus grand respect au XVIe
siecle et surtout au XVIIe, par les grands classiques franfYais (Comeille, Racine, Moliere ...)
qui ont observe Ia regie des trois unites que Boileau a egalement exigee:
a
"Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu 'a Ia fin, le theatre rempli ".
Par contre, au XIXe siecle, Victor Hugo rompt avec Ia theorie classique, en creant le
drame romantique dont il enonce les principes dans sa preface de Cromwell (55) en 1827:
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abandon des trois unites, melange des genres, umon du sublime et du grotesque
versification libre.
Cependant, Ia Pmitique reste toujours l 'oeuvre sur laquelle s'appuie toute criti(
litteraire que I'on soit en pro ou contre les theories du Stagirite.
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NOTES
(1)
Raymond Bayer, Op. cit., p. 43.
(2)
Aristote, Op. cit., pp. 36 et 37.
(3)
Aristote appelle "langage releve d'assaisonnernents" celui qui a rythrne, rnelodie et chant. Par
"assaisonnernents", il en tend que certaines parties son executes a !'aide du metre et d'autres, a
!'aide du chant. Aristote, Lac. cit.
(4)
Pour Aristote le bonheur est dans l'activite. La principale source ne plaisir pour !'arne du
spectateur est dans les parties de la fable (pthipeties, reconnaissances, etc.).
(5)
Aristote, Op. cit., p. 43.
(6)
Raymond Bayer, Op. cit., p. 43.
(7)
"Est en tier ce qui a commencement, milieu et fin". Aristote, Op. cit., p. 40
(8)
Aristote, Loc. cit.
(9)
"Est commencement ce qui de soi ne succede pas necessairement
qu'apres il y a une autre chose". Aristote, Lac. cit.
a une
autre chose, tandis
a une autre chose et est suivi d'autre chose". Aristote, Loc.
(10)
''Est milieu ce qui de soi succede
cit.
(11)
"Est fin, ce qui de soi, succede
Loc. czt.
(12)
Raymond Bayer, Op. cit., p.43.
(13)
Aristote, Op. cit., p.40
(14)
Aristote, Lac. cit.
(15)
Stade : huitieme partie d'une mille.
(16)
Aristote, Loc. cit.
(17)
Aristote, Lac. cit.
(18)
Raymond Bayer, Op. cit., p.43
(19)
Aristote, Op. cit., p.41
(20)
Lenin Garrido, Cours FL-101
(21)
Ibid.
(22)
Dans Antigone, ie protagoniste est Creon, le roi qui veut fairc valoir les droits de l'Etat; le
deuteragoniste est Antigone, personnage au caractere violent qui s'oppose au protagoniste et qui
ne change pas dans sa ligne de conduite. Elle defend les droits humains.
(23)
Aristote, Op. cit., p.50
(24)
Cite in Aristote, Op. cit., Notes complementaires, p.82.
(25)
Jason abandonna sa femme, se maria avec Medee, larepudia,.s 'unit a une autre femme eta Ia fin,
paralt - il, il s'est de nouveau reconcilie avec Medee.
(26)
Un messager qui vient annoncer Ia mort de Polybe dit OEdipe qu'il n'est pas le fils de Polybe
et lui narre comment il l'a trouve dans un bois; de sorte qu'OEdipe arrive a connaitre sa vraie
a une autre chose et qu'apres il n'y a rien d'autre". Aristote,
al'Universite de Costa Rica, 1970.
a
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identite. Par cette reconnaissance, il y a un virement du bonheur ou il se trouvait vers le
malheur et Ia desesperation.
(27)
Euripides, Las Diec.inueve Tragedias, Ifigenia en Tauris (Mexico: Editorial Porrua, S.A., 1969),
p.302.
(28)
Esquilo, Coeforas. pp. 123 et 124.
(29)
Aristote, Op.cit., p.45
(30)
Ibid., p. 48.
(31)
Ibid., p. 49.
(32)
Esquilo, Trilogia de Orestes.
(33)
Aristote, Op. cit., p. 55
(34)
Aristote, Lac. cit..
(35)
Euripides, Hipolito.
(36)
Dans sa Phedre, Racine n'a pas eu recours au "deus ex machina": son denoiiment magistral
resulte de Ia fable meme.
(37)
Sophocle, Antigone.
(38)
Euripides, Op. cit.,
(39)
Aristote, Poetique, p.37.
(40)
Aristote, Op. cit., Introduction, p. 16.
(41)
Cite in Aristote, Poetique, Introduction, p.l7.
(42)
Aristote, Op. cit., Introduction, p.22.
(43)
Cite in Aristote, Op. cit., Introduction, p.20.
(44)
Tandis que "les fables episodiques sont celles ou s'entremelent des faits qui n'appartiennent pas
a l'action. Elles sont de mauvais gout". Aristote, Op. cit., p.43.
(45)
Sophocle, Thedtre. Antigone, pp. 278-279-280 et pp. 300-301-302.
(46)
Ibid., p.293.
(47)
Ibid., pp. 305 et 306.
(48)
Aristote, Op. cit., pp. 45 et 46.
(49)
Ibid., p.66
(50)
Ibid., pp. 61 et 65.
(51)
Aristote, Op. cit., pp. 61, 62 et 65.
(52)
Ibid., pp. 63 et 64.
(53)
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Revista de Ia Universidad de Costa Rica 45
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