Untitled
Transcription
Untitled
Index des documents 4 5 6 7 8 9 10 — 11 12 13 14 — 15 16 17 18 19 20 21 22 — 23 24 25 26 — 27 28 29 30 — 31 32 — 33 34 35 36 37 38 38 — 39 40 — 41 42 2 3 Screenshot de la page Wikipédia sur la Géorgie en Géorgien Screenshot de la page Wikipédia sur la Géorgie en Abkhaze Éric Baudelaire, Imagined States, 2013 Abkhazie Extrait de Uncorporated Identities, Metahaven Extrait de L’Orientalisme, Edward W. Said Slavs & Tatars, Love me, love me not , 2010 Extrait de Voyage au pays des Abkhazes, Régis Genté Extrait de Abkhazie : une « République » de survivants, Phillipe de Lorca Souvenir de Touchétie, réserve naturelle à la frontière russe Haut-Karabagh et Arménie Ossétie du Nord et Ossétie du Sud Extrait de Identitiés collectives et relations inter-culturelles Extrait de Identités et culture 2, Stuart Hall Tchétchénie République des Montagnards du Caucase Slavs & Tatars, Kidnapping mountains, 2009 Extrait de Voyage au pays des Abkhazes, Régis Genté Extrait de Identitiés collectives et relations inter-culturelles Slavs & Tatars, Idź na Wschód! Go East!, 2009 Extrait de Soviet Tadjikistan Extrait de Uncorporated Identities, Metahaven Souvenir d’Omalo Carte du Tadjikistan soviétique, tiré de Soviet Tajikistan, 1954 Transnistrie Sealand Metahaven, Mainport to Imagination : NATO, 2004 Metahaven, Sealand Euro, 2004 Restaurant Eurasia Slavs & Tatars, Molla Nasreddin, 2011 Carte de l’Europe en 1843 Index des cartes 4 5 1 2 3 4 5 6 La mandarine est avec la pastèque le premier fruit d’exportation Abkhaze Écusson de Sebastopol Drapeau de la Géorgie avec écu abkhaze Drapeau abkhaze Drapeau de la république soviétique d’Abkhazie Drapeau de l’Abkhazie avec écu géorgien 3 2 4 5 1 6 7 6 8 9 10 11 12 13 14 15 1 2 3 4 5 6 Blason du Haut Karabagh, écriture arménienne Monument Nous sommes nos montagnes Drapeau du Haut Karabagh Drapeau de l’Arménie Drapeau de l’Ossétie du Nord Drapeau de l’Ossétie du Sud avec blason 1 5 2 3 6 4 16 17 18 19 1 2 3 4 5 Drapeau de la Tchétchénie Drapeau de l’ancienne Tchétchénie-Irkétie Blason de la Tchétchénie – Itchékérie Comité exécutif de la République des Montagnards Drapeau de la République des Montagnards 2 1 4 3 5 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 Figures imposées Une investigation — ou l’errance érigée en méthodologie Nation branding III Ils ne peuvent se représenter eux-mêmes ; ils doivent être représentés VII Ces nouvelles nations qui naviguent à vue XI E mare libertas XXII Fool me once, fool me twice, fool me thrice XXVI Arrivée à Gori depuis Omalo, été 2013 XXX Des mers et des montagnes 32 II 33 XXXI Une investigation – ou l’errance érigée en méthodologie Nation Branding La problématique naît d’un questionnement revenu à épisodes Je différencie l’approche que l’on peut avoir d’une entreprise réguliers pendant mes études, sous des formes différentes, de celle d’une société, car j’estime que les outils pour com- concernant la construction d’une identité visuelle. Cet intérêt, prendre la seconde sont plus complexes et plus vastes que pour peu marqué pour les marques et les entreprises , se tournait la première. Un travail d’identité visuelle pour une entreprise, exclusivement vers la société, vers les Hommes faisant groupe. aussi intéressant qu’il puisse être (et je ne veux pas le réduire Extrait de Yougoslavie, 2010 qu’aux mots qui suivent), vient d’une part déjà canalisé par les RECHERCHES COULEURS Le drapeau panslave, adopté lors de la Convention de Prague en 1848, tire son origine du drapeau de l’Empire russe. Les couleurs bleu, blanc et rouge symbolisent les idéaux de liberté du mouvement panslave, c’est pourquoi nous les conserverons dans le nouveau drapeau pour souligner l’origine commune des peuples yougoslaves. AIGLE BICEPHALE Le blason est commun aux peuples slaves, symbolise l’alliance entre occident et orient ainsi que l’héritage de l’Empire byzantin. impératifs du branding, du corporate design, des « théories » marketing. On fait des études de marché, on cible un public, on revendique un « esprit », une « philosophie ». On attend le signe, les couleurs, la charte graphique qui traduira ce que l’on J’ai d’abord fait la proposition d’un drapeau pour une est, qui nous rendra le plus visible possible sur le marché. Pour hypothétique Yougoslavie réunifiée sous de nouvelles valeurs. cela, nous croyons en un outil marketing qui nous donnera des Morphing de l’Ensemble, 2012 recettes pour augmenter nos chances de viser juste. Tout ceci, sans contradictions au sein de sa matière, car l’entreprise est une structure plus simple, qui peut paraître comme faite d’une seule pièce. Mais surtout, en tant qu’entreprise, l’histoire que l’on J’ai ensuite créé l’Ensemble, cinq personnes faisant de la écrit n’est pas aussi complexe que celle d’un peuple, d’une moyenne de leurs identités une norme à laquelle se conformer nation. L’entreprise représente un groupe d’hommes que pour pour en faire partie. Une sorte de groupe indépendantiste édic- ce qui est de la sphère du travail (entre autres sphères, fami- tant ses propres lois et critères d’intégration (dans une veine liale, religieuse, politique, sociale, nationale, etc.). En d’autres eugénisante). J’aborde aujourd’hui ce mémoire dans le cadre termes, ce n’est qu’une infime portion de la vie en société. En d’une recherche qui amorce déjà mon travail de bachelor, dans entreprise, le contexte donné est : une histoire plus ou moins lequel je compte faire la démonstration visuelle des liens entre longue, l’intention de vendre un produit, tous les métiers du les projection qu’un groupe a de lui-même et les éléments bas au haut de l’échelle travaillant d’une manière ou d’une visuels qui le rendent visible au monde. autre à ce but commun. En schématisant, les recherches que fera le graphiste sur l’entreprise pour concevoir une identi 34 35 té seront : que fait l’entreprise, son histoire, ce qu’elle choisis comme terrain les nouveaux états, dont la reconnais- veut projeter d’elle même sur les autres (clients et concur- sance par toute la communauté internationale est plus contro- rents). versée (encore une question intéressante : quant reconnaît-on Le résultat sera la traduction de ce discours en un signe. à une région sa souveraineté ? Quels enjeux stratégiques Fondamentalement, le résultat recherché pour une conditionnent ces choix ?). Ce terrain me semble pertinent car identité visuelle collective (nation branding comme disent Me- il offre une sorte d’évolution en « accéléré » de son histoire na- tahaven) est le même, mais les signes d’identité nationale sont tionale, avec tout ce que elle comporte de révolutions, putsch, plus multiples : un drapeau, un blason, une devise, un alpha- coups d’état, démissions / reformations de gouvernements, bet, une monnaie, un folklore qui nous désignent en tant que guerres civiles, tensions internationales, interventions de peuple. La différence (et l’intérêt) commence justement dans l’OTAN à tout va. Ce discours pourrait laisser entendre un dé- cette prolifération de signes et la nécessité d’en sélectionner tachement cynique de la lutte de chaque peuple revendiquant une poignée. Essayons de chercher dans un peuple la même son indépendance, mais c’est avec enthousiasme, curiosité chose que dans une entreprise : que fait-il (cette question ne et parfois affection que je les vois tracer leur chemin, erreurs fait déjà plus sens à l’échelle d’un peuple qui ne vit en principe grossières et victoires sublimes comprises, à bien plus grande pas pour travailler mais le contraire), son histoire (qui pose la vitesse que leur nations-mères aux mouvements plus pesants, problématique connue des variations du récit historique selon pesés, tiédis. Au-delà de ces aspects disons plus politiques, la ques- les enjeux politiques du moment, a fortiori lorsqu’il s’agit de groupes séparatistes ou indépendantistes), ses projec- tion se pose souvent de la langue à adopter pour un nouvel tions (qui ne sont pas un discours destiné à la vente, mais état et de son alphabet : les révolutionnaires Mozambicains des discours multiples qui doivent se réunir en une voix, se imposaient des hymnes en langue bantoue en rejet du por- rejoindre autour de certaines convictions, et bien sûr certaines tugais, les Abkhazes et les Ossétiens privilégient l’alphabet simplifications). Par le signe, quel qu’il soit, une entreprise cyrillique au géorgien, s’alignant de ce fait avec les Russes, les veut rendre visible ce qu’elle vend, l’investissant d’un discours Transnistriens ont des caractères roumains MAIS cyrilliques, univoque éminemment positif. Le peuple cherche sous un le daco-roumain s’appelle officiellement roumain en Rouma- signe à 1) se rassembler ; 2) se distinguer des autres. nie, mais moldave en Moldavie, le Kosovo a un hymne sans paroles… qui s’appelle Europe. Pour ce qui est de l’héraldique, Avant même de penser à un signe fédérateur, comment se construit une identité collective ? Au lieu d’une nation avec voyons les pays qui se débattent encore avec l’imagerie sovié- ses dizaines d’années d’Histoire communément admise, je tique, ceux qui prennent les couleurs panafricaines, panslaves 36 37 Ils ne peuvent se représenter eux-mêmes ; un état ou une région ? Dans le cas d’un nouvel état se pose ils doivent être représentés en plus la reconnaissance internationale, généralement sur Comment nommer les choses ? Je cherche les termes les fond de guerre civile ou d’un minimum de conflits d’intérêt. plus exacts. Pays, nation, peuple, ethnie, groupe. Le pays Comment distinguer une région de la nation à laquelle elle comme désignation géographique, la nation pour le peuple a appartenu jusqu’alors ? Sous quels symboles (nouveaux et l’état réunissant les institutions sur le territoire. Je dirai ou récupérés dans son histoire) rassembler ses habitants ? « pays » quand je veux être neutre, « nation » quand les fron- Comment un signe contribue à légitimer une telle revendi- tières du territoire coïncident avec celles du peuple. Pour ce cation ? Le défi nous plonge dans l’Histoire, dans laquelle ce qui concerne les Hommes, Frütiger trouve la parade en parlant n’est jamais qu’un groupe ethnique, une religion, une vision de « groupes humains », pour mettre la volonté de col- nécessairement se mélangent sur plusieurs générations. Comment valoriser un aspect plutôt qu’un autre ? Au fond et pour faire simple, comment une espèce de package de symboles Elle (l’identité) ne se laisse pas convertir en formules ou réduire à des combinaisons d’attributs. […] Se définir par un lieu, c’est surtout se définir par rapport à un patrimoine, une histoire, un quotidien. Que se passe-t-il quand une identité se distingue du groupe plus grand ? Les autonomistes, les séparatistes ? Comment manifestent-ils leurs différences et comment la justifient-ils ? lectivité (hors de sa connotation politique) au-dessus des rassemblements ethniques, politiques, religieux ou d’opinions. Je dirai Denis Chevalier et Alain Morel, Identité culturelle et appartenance régionale : quelques orientations de recherche politique qui fait un pays, mais une multitude qui se côtoient et Karl Marx, Le Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte Comment répondre au mandat d’une identité visuelle pour nationaux peut mettre tout le monde d’accord à l’intérieur du ethnie, dynastie, club, quand la précision s’avère né- territoire et être représentés hors des frontières ? L’intérêt est cessaire, mais choisirai la dénomination très générale de voir quelles solutions sont trouvées. Je n’ai trouvé ni du côté de Frütiger quand il s’agit d’évoquer la société sous plusieurs des textes sur le graphisme, ni du côté des Area Sudies des aspects simultanés et d’observations générales sur les condi- considérations sur comment se prenaient les décisions gra- tions dans lesquelles le groupe se fait et quelles formes de phiques à l’échelle d’une région. L’un aurait pu me donner des représentation se mettent en place. Frütiger présente de manière les étapes de construc- exemples d’identités visuelles, l’autre m’expliquer les enjeux politiques, ethniques, religieux pris en compte lors de la dé- tion de l’héraldique jusqu’aux drapeaux que nous connais- cision. Je voulais faire dialoguer ces deux pôles, les réflexions sons. Le mot dérive de « héraut », messager du Moyen-Âge, propres à la communication visuelle d’un côté, les contraintes assurant la fonction de diplomate. C’est vêtu des couleurs de d’une région d’un autre, mais ces textes ne se trouvent pas son camp qu’il engage des pourparlers avec l’ennemi. Les cou- encore, ni les réponses toutes faites à ma connaissance. C’est leurs distinctives exercent une triple fonction : se distinguer pourquoi ce mémoire, sous forme d’essai, sera plus sinueux et des autres, être reconnu parmi les siens et pouvoir représenter formulera plus d’hypothèses que prévu. la volonté de l’ensemble du groupe. 38 39 Reproduction des croquis de Frütiger alliances). Finalement, les représentations figuratives(E), comme un lion pour la puissance, une chouette pour la sa- A B C Pologne, Danemark,, Turquie, Canada gesse, etc. D L’évolution va d’abord vers un déploiement des effets. De la couleur primaire unique, on passe à un bouclier bi-colore (A). Les deux couleurs sont d’abord disposées de manière à ce que l’une soit le négatif de l’autre ou inversement pour un L’apparence des drapeaux que nous connaissons tend elle résultat abstrait, résultat devenant figuratif avec le temps (B). vers l’épure. Frütiger propose trois catégories : des champs Les à-plat de couleurs vont jusqu’aux bords, ainsi, il n’y a pas colorés faisant pouvant donner lieux à des figures géomé- encore de motif qui fonctionne comme une vignette dans un triques simples ; des formes plus figuratives (étoile, croix) ; espace (C). Pour enrichir cette diversité, on pouvait assembler les emblèmes réalistes (feuille d’érable, cèdre). Les groupes des plans colorés séparés par des lignes de division dont le d’opinions ne suivent pas nécessairement les frontières natio- dessin pouvait varier(D). nales, certes, mais nous pouvons relever quand un pays veut Reproduction des croquis de Frütiger 2 1 représenter le recoupement de ses frontières et, par exemple, 3 de ses opinions religieuses (la Turquie et son croissant de lune 5 1 6 8 1 9 de l’Islam) ou de son organisation nationale (les Etats-Unis et leurs étoiles représentant une fédération d’états). Dans le cadre d’une pratique contemporaine du design, Metahaven voit la représentation de tout un pays comme E hors de portée. Je devine que cette opinion se fait entre autres E Les règles de construction d’un blason se figent peu-à-peu. en considérant la compléxité et le poids que représente le man- On pose sur l’écu une grille de 3 sur 3 : le centre ( 4 ) est le plus dat qui multiplie les questionnements en anéantissant toute important, le haut (1 – 3 ) occupe une position dominante, possibilité de prendre posture. C’est pourquoi ils proposent les côtés détiennent des informations secondaires (parenté, d’amorcer cette investigation sur identité nationale dans un 40 41 d’autres micro-nations, est un terrain unique dans la mesure où on a un pays né de la tête d’un où de quelques hommes, sans contexte ethnique, social, historique; dans une démarche conceptuelle (au contraire des états non-reconnus que je vais également observer), tout en s’attachant à l’attirail traditionnel drapeau-blason-devise-hymne-monnaie-timbre. Est-ce bien raisonnable de se disputer sur la forme des lettres d’un système d’écriture alphabétique ? Qu’une liquide dorso-palatale soit représentée graphiquement par L en latin, par Л en cyrillique, par Λ en grec, ou même par • — •• en morse, cela vaut-il vraiment la peine de descendre dans la rue et de s’affronter aux policiers, comme l’ont fait les étudiants de Chişinӑu (Kišinev / Кишинев) en 1989, réclamant que leur langue (le moldave ? le roumain ?) soit transcrite en alphabet latin et non plus cyrillique ? Mais si tant de passion peut naître de la question des alphabets, c’est bien que la représentation graphique de l’oralité n’est pas un simple changement de code, mais quelque chose qui touche à l’ordre identitaire. C’est à l’une des innombrables controverses alphabétiques de l’Europe orientale qu’est consacré cet article : l’Alphabet analytique abkhaze de Nikolaj Marr (désormais AAA ). Je m’intéresse aux nouveaux états comme pour avoir un terrain plus restreint en espace et en temps, et donc plus facilement observable. Ils peuvent avoir dans les 25 ans, leur Histoire nationale est courte, tous leurs processus accélérés, le Patrick Sériot, L’alphabet analytique abkhaze de N. Marr : une pasigraphie génétique? Ces nouvelles nations qui naviguent à vue cadre expérimental : la Principauté de Sealand, parmi besoin de légitimation est urgent, les sentiments d’identité nationale se cristallisent vite et violamment, là où une nation depuis longtemps proclamée a déjà dilué ses revendications, successivement remplacées par d’autres, rendues floues depuis le temps. C’est comme de préférer un matériau très réactif pour faire ses expériences plutôt qu’un proche de l’inertie. Je sais qu’en linguistique on distingue le développement naturel du développement artificiel de la langue. Ce qui est « naturel » est en vérité trop ancien et étendu dans le temps pour qu’on puisse en étudier les causes de son développement jusqu’à nos jours. C’est comme quelque chose d’acquis. L’ « artificiel » est une expérience plus récente et traçable, l’invention de l’espéranto par exemple. On peut se risquer à transposer les différents types de nations sur cette même grille: la nation serait naturelle car son existence se retrouve dans un temps relativement plus long (bien que parfaitement traçable, les nations ne sont pas très anciennes en vérité), les nouvelles nations (qui pour exister se détachent de la nation qui devient « nation-mère » en relation à elles) sont seraient artificielles car elles entrent en contradiction avec un ordre établi. Dans 42 43 cette grille, les micro-nations occupent une case velles nations trouve ses sources à la fin des années 80 quand supplémentaire car leur création est d’ordre expérimental, l’URSS, affaiblie, porte un dernier coup aux républiques dites questionnant les modalités d’une nation de manière un peu unionales qui commencent à organiser leur indépendance. En performative, mais sans ancrage dans un contexte où il y a encourageant l’autonomie des régions qui constituent cha- nécessité pour un peuple de revendiquer un territoire comme cune de ces républiques, il réduit de l’intérieur les chances des étant son pays. nations de sortir après l’URSS. Conséquence, certains états Quelles sont les postures pour un branding national ? post-soviétiques traînent depuis 20 ans une crise d’identité Comment générer les symboles qui créent une fiction natio- caractérisée par l’insubordination de certains peuples à une nale ? On parle d’un projet dont la visibilité est totale, il repré- nation inclusive, certaines affiliations ou inimités historiques sente une forme étendue de la société, et c’est un petit groupe empêchant de mettre certains groupes ethniques sous la même de personnes qui va condenser un pays entier dans un nombre bannière, la non reconnaissance des frontières comme légi- restreint de signes. L’histoire de ces nations sont exemplaires timation d’un pouvoir gouvernemental… aux conséquences pour mon investigation. Il faut contextualiser l’émergence de généralement conflictuelles. certaines des républiques que j’ai choisies dans le contexte Éric Baudelaire, the Secession Sessions de la chute de l’URSS (notamment l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud pour la Géorgie, Nagorno-Karabakh Il est alors intéressant d’observer lors de l’émergence des ces nations la manière dont elles puisent leur identité tant Comment l’État se construit-il ? Est-ce que l’État inclut ou exclut ? Selon quels critères un État peut-il être considéré comme existant ? Et quelles formes de représentations confèrent du réel à l’État ? Si tous les États s’érigent à travers des fictions collectives, quid de l’Abkhazie (d’un état non-reconnu) : une fiction dans la fiction ? dans une forme de légitimation séculaire de leur présence et de leur autonomie sur un territoire, mais également dans pour l’Azerbaïdjan, la Transnistrie pour la Moldavie la courte histoire de leur indépendance récemment acquise en conséquence directe), impliquant que les nations-mères, (vieille de moins de 30 ans) dont elles extraient tout un arsenal fraîchement sorties de presque huitante ans de communisme, de représentations de soi, de rituels et de mythes dont le plus instables et encore incapables de se gérer elles-mêmes, ne proéminent est la transformation de leur guerre en un combat parviennent pas à coordiner leurs efforts entre la démocratisa- héroïque pour leur liberté. tion, des états inclusifs et multi-ethniques à construire, tout en résistant justement aux groupes ethniques qui les composent. Il y a toujours lors de l’émergence d’une nouvelle nation une occasion donnée, comme sortie d’une brèche provoquée par une dictature qui tombe, un nouveau gouvernement stabilisateur, une guerre qui cesse. Mais ce boom de nou44 45 Index des documents p. 20 bien entendu, la très traditionnelle vision de la patrie investie du rôle maternel Notre vie est vouée à Dieu, la Nation et la mère patrie Vainakh. La Transnistrie, ensardinée entre la Moldavie et En Tchétchénie par exemple, l’insubordination constitue le l’Ukraine, est le fruit de l’union voulue par Staline de quatre centre de leur identité et tout se décline à partir de là. Sur le districts ukrainiens avec la Bessarabie, dans la région ou coule drapeau, trois couleurs constituent le récit national du sang le fleuve Dniestr, d’où le nom qui signifie en roumain Au-delà versé pour la liberté (par le passé), des lendemains meilleurs du Dniestr. Si ce nom désigne la région sans autres formes de (pour l’avenir) et la foi en Allah (de tous temps) : le vert pour polémique, la République moldave du Dniestr n’est pas recon- l’islam, le rouge pour la lutte et le blanc pour l’espoir. nue en tant que telle. Rien n’appelait à l’union de ces districts, Index des documents p. 20 sinon l’enjeu géo-stratégique de couper aux Moldaves l’accès au Danube. De ce fait, les groupes constituant la Transnistrie un phénomène « naturel » les unissant ; ils doivent donc en quelque sorte construire leur identité nationale sur La première république tchétchène d’Itchkérie, remplacée par la république tchétchène actuelle, avait un loup sur ses armoi- À côté des différences dues à la distance, il y a celles […] dues à la proximité: désir de s’opposer, de se distinguer, d’être soi. ries, animal naturellement présent sur le territoire, puissant pas par une affiliation historique, mais dans leur volonté de ne pas être forcés de se « rou- et assez courageux pour s’attaquer à plus fort que lui. Leur maniser ». Ce ne sont pas les racines qui nous mènent à une hymne thématise leur présence depuis des temps immémo- identité (comme les Tchéthènes ou les Abkhazes revendiquant riaux sur ces terres Nous sommes alors arrivés, du fond des le quasi-mythologique « depuis la nuit des temps »), mais le âges, dans ce monde hostile, leur sacrifice pour la patrie Par destin commun à venir, à construire hors de la domination de la lutte, la liberté ou la mort, leur résistance face aux grandes la culture roumaine dont ils se sentent menacés. Dotés d’un puissances Au matin, face au rugissement retentissant du lion, territoire extrêmement pauvre en symboles patrimoniaux, ils des rôles assignés à chaque sexe Dans les nids des aigles, nos soulignent exagérément leur lien avec la culture slave à travers mères nous ont nourrit, Nous pères nous ont enseigné d’appri- deux « témoignages » historiques : le premier est une victoire voiser le taureau, Nos mères nous ont éduqué dans la dévotion de la Russie sur l’empire Ottoman au 18ème siècle, ayant eu lieu envers notre Nation et mère patrie, Nos soeurs guérissent les sur les terres de la Transnistrie. À cet effet, une église plaies ensanglantées de nos frères grâce à leurs chansons et 46 la négative : Ils ne se rassemblent Lévi-Strauss, Race et histoire ne peuvent pas considérer la décision du Petit père comme 47 L’Abkhazie est une sorte de Côte-d’Azur des Soviets. Unie orthodoxe russe est au centre de Tiraspol. Les bâti- depuis le XVIe siècle avec le Royaume de Géorgie, elle a tout siège dans le bâtiment de l’ancien parti communiste, bâtiment comme cette dernière une fois appartenu à la Russie, devenue présent sur la monnaie. Le gouvernement présente la « mul- l’URSS, changé une demi-douzaine de fois d’alphabet jusqu’à ti-ethnicité » comme particularisme régional aligné sur les ce qu’à la mort de Staline, on réinstaure la langue littéraire visées internationales de l’union soviétique à travers la langue : abkhaze, pas écrite en géorgien mais en une variante de le russe, le moldave et l’ukrainien sont des langues nationales cyrillique pour souligner le lien de parenté de leur langue avec officielles, les médias sont également diffusés dans ces trois certaines autres des franges du Caucase du Nord, en parti- langues. Pour tourner définitivement le dos à la Moldavie (et à culier l’abaza, le tcherkesse et le kabarde. Il faut comprendre la Roumanie derrière), on exalte la nostalgie du communisme et écrit en cyrillique. Il existe des écoles pour chacune d’elles et pour le moldave plus précisément, des écoles latines et des cyrilliques. Au-delà du problème pour certains de ne pouvoir poursuivre leurs études en Roumanie ou en Moldavie, les Dieu envoie des anges pour voir ce qu’il se passe en Abkhazie et en Géorgie. Quand les anges reviennent, Il demande en premier ce qu’ils ont vu en Géorgie. Les anges disent : « Les Géorgiens sont entraînés par les Américains, ils ont des armes, de l’argent, ils préparent leurs plans.» Puis Dieu leur demande ce qu’ils ont vu en Abkhazie. Les anges répondent: «Hé bien, ils font la fête, ils boivent, ils portent des toasts comme toujours, ils profitent de la vie.» Alors Dieu dit: «Je m’en doutais. Ils comptent sur Moi une fois de plus.» l’emboitement des problèmes survenant à la chute de l’URSS : la Géorgie, dynamisée par un sentiment national refuse l’impérialisme Plaisanterie abkhaze ments de l’ère soviétique sont conservés, le gouvernement culturel russe. L’Abkhazie, craignant domaines des sciences humaines sont extrêmement politisées, une géorgisation de sa culture, s’agite plus que jamais pour s’y affrontent le dessin des frontières, le degré d’ancienneté de faire sécession. Cette agitation menace d’affaiblir la Géorgie chaque peuple, plusieurs versions d’une même histoire. On qui lutte déjà pour éviter une énième russification. L’URSS, à retrouve également un Atlas de la Transnistrie en anglais et deux doigts de rendre l’âme et profondément enfoncée dans la russe, un mémorial sur leur seul champ de bataille datant de faillite économique joue à l’arbitre avec un pied dans la tombe. 1992 avec musée et objets commémoratifs à la clé, Aujourd’hui, les Abkhazes (entre d’autres) revendiquent une Documents p. 34 légitimité ethnique, un récit qui commencera ou conclura nécessairement par « De tous temps, les Abkhazes étaient là », ou quelque chose d’approchant, et c’est exactement le récit un drapeau et un blason qui, tout comme les monuments soi- du drapeau, qui raconte que malgré les invasions, les destruc- gneusement protégés, ne sont pas prêt de se détourner de leurs tions, les changements de religion, les Abkhazes (Apsuas) ont emblèmes communistes. une présence bi-millénaire sur ces terres. Ce récit se décode à travers ces symboles : envahis tant par 48 49 Documents p. 7 Frütiger qui évoquait l’idée de fédération dans ce symbole. Ici, les sept régions historiques: Sadzen, Bzyp, Gomaa, Abzhwa, Samurzaq’an, Dal-Ts’abal et Pshoy-Aybga. Si l’Ossétie est présente avec les autres républiques du les Romains sous Auguste que par les Turcs au 16e siècle, les Abkhazes pratiquent aujourd’hui plusieurs religions, d’où les Nord Caucase dans le drapeau abkhaze en signe de destinée sept bandes alternées blanches et vertes symbolisant la pré- commune, son drapeau raconte une histoire strictement tour- sence du christianisme et de l’islam. née sur elle-même. Ma première histoire de drapeau qui tient Documents p. 21 de l’absurde. Les Ossètes sont un peuple dont la partie nord du territoire appartient à la Russie et la partie sud à la Géorgie. Cette division, c’est comme si l’URSS avait installé une bombe Cette structure rappelle une première tentative d’indépen- à retardement pour s’assurer un bouquet final à sa mort. Tant dance qui a duré un an à partir de 1918 (avant d’être occupée qu’elle vit, la Géorgie lui appartient, et comme tout est un, il par la Géorgie), réunissant les républiques du Nord Caucase en va de même pour les Ossètes. Quand elle meurt, la Géorgie (ou République des Montagnards du Nord Caucase), réu- peut disposer de son territoire, dont l’Ossétie du sud qui lui nissant Le Daguestan, la Tchétchénie, l’Ingouchie, l’Ossétie, avait été attribuée. Le nord reste aux Russes, un peuple est l’Abkhazie, la République d’Adyguée, la Kabardino-Balkarie, scindé, et le feu d’artifice commence. Les deux Osséties étaient la Karatchaïévo-Tcherkéssie (pour le plaisir de les nommer). autonomes sous l’URSS, autonomie révoquée au sud dès l’indépendance de la Géorgie. Quand les Ossétiens du sud font sécession, beaucoup se réfugient en Ossétie du nord… où les Documents p. 7 Ossétiens du nord sont en minorité face aux Ingouches (autre peuple déporté selon le bon vouloir de Staline). Une situation tordue dans laquelle les Ingouches ne retrouveront jamais l’autonomie de leur territoire d’origine (rattaché en 44 à l’Ossétie du nord selon la décision du même génie), subissent une La main blanche ouverte sur fond rouge se retrouve déjà immigration massive d’Ossètes du sud, débouchant sur des à Sebastopolis (Sokhoumi, la capitale de l’Abkhazie s’est rivalités violentes et encore non-résolues aujourd’hui. construite sur ses ruines). Elle est surmontée d’une arche de sept étoiles, et je fais appel à 50 51 Documents p. 16 Documents p. 17 Je regarde au nord et au sud, je vois la même bannière blanc- L’organisation des bandes de couleurs est celle de l’Arménie, rouge-jaune flotter. avec attribution habituelle de symboles (le bleu du ciel, le Documents p. 17 rouge du sang arménien, l’orange des terres fertiles) mais le Documents p. 16 Haut Karabagh va un degré plus loin que ce symbolisme. Au centre, parfois un blason. C’est un léopard passant devant un massif de sept montagnes, celles qui séparent les deux Osséties peut-être. Exactement le même signe pour une ré- Un chevron blanc sépare le drapeau en deux parties inégales. publique autonome russe et une république au statut contes- Il est en denché (en escaliers), les deux parties pourraient donc té en territoire de jure Géorgien. Au sud, un texte en plus: s’imbriquer. On peut y voir la séparation de l’Arménie et du République d’Ossétie du Sud en russe en-dessus, en ossète Haut Karabagh comme une déchirure (le chevron ne suggère en-dessous, comme un accent mis sur un statut revendiqué, en pas une coupure lisse), mais aussi leur nature à être réunis. transition, direction le Nord. Documents p. 16 Comme preuve d’une solidarité entre nations non-reconnues, seules l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud et la Transnistrie reconnaissent Haut Karabagh. Ce territoire à population majoritairement arménienne lutte soit pour son indépendance, Si leur blason suit au contraire des codes traditionnels, un soit pour devenir une enclave arménienne. Cette thématique élément est à retenir en son centre : le monument Nous sommes de la séparation est commune avec l’histoire Ossète, pourtant nos montagnes, emblème du pays, mais surtout devise qui son drapeau offre un récit plus subtil : l’image dans son en- d’une part n’a pas la pesanteur d’autres plus codifiées (La force semble communique plutôt que ses symboles distincts, comme est dans l’unité disent les Géorgiens, Une nation, une culture un logo, comme une volonté d’abstraction plutôt qu’une répondront les Arméniens) et me fait penser à la République iconographie parfois très figurative piochée dans l’Histoire des Montagnards du Nord Caucase et y voir un lien entre eux : nationale. reconnaissance mutuelle, tempérament irréductible, identification au paysage. 52 53 Une base quasi inhabitée. Le signe π perdu dans la Mer du Une nation fictive au large de l’Angleterre tente de légitimer Nord. Un microscopique territoire tout autant qu’un gigan- son statut auto-proclamé : La principauté de Sealand. Située tesque logo. Une monarchie qui se réclame autant sur une plate-forme militaire désaffectée datant de la deuxième de la royauté que de la piraterie. La convention guerre Mondiale, elle fût utilisée comme tant d’autres bases et bateaux dans les années 60 pour la diffusion de radio pirates, Article 1 : The state should possess the following qualifications : a ) a permanent population ; b ) a defined territory ; c ) government ; and d ) capacity to enter into relations with the other states. de Montevideo stipule que pour être un état, il faut être seul moyen de faire entrer le rock dans le royaume. Roy Bates, reconnu par les autres états (pendant que Metaha- ancien Major de l’armée anglaise, puis animateur de radio fou, ven se demande qui est le premier de la poule ou de La Convention de Montevideo sur les droits et les devoirs des États est un traité signé en 1933; elle est citée en droit international pour sa définition d’un État souverain. E mare libertas Uncorporate design, Metahaven devint le prince auto-proclamé de la base en 67, anoblis- l’oeuf: faut-il être reconnu comme un état pour le sant dans la foulée sa femme et son fils. Le gouvernement le devenir ou au contraire se représenter comme tel pour espérer plus primitif pour l’état le plus expérimental, une légitimité la reconnaissance ?). Un designer dans un projet d’identité na- monarchique et donc un récit construit de toutes pièces. Il tionale n’est pas là pour questionner les fondements de la na- profite de la brèche légale qui fait que la base est dans des tion, mais pour en révéler ses caractéristiques. Son travail ne eaux hors de la juridiction britannique pour officialiser tout ça va pas désigner ce que cette nation est, ne va pas lui donner des et revendiquer son indépendance du Royaume-Uni. Ce petit qualités (elle les avait déjà sans son aide), mais va les rendre territoire a abrité au maximum une population de 5 personnes, visibles. Alors, avant même de parler de branding national, il n’y résidant jamais de manière permanente, à part Colin, le faut voir ce que le pays a comme intérêt à offrir. gardien. Il y est depuis 20 ans. Documents p. 35 Documents p. 35 La princesse Joan s’empresse de dessiner un drapeau (rouge des rois et noir des pirates) et une monnaie sealandaise est frappée à son effigie. L’imaginaire maritime fortement sollici- Que fait-on sur une plate-forme de béton ? Du chalutage en té, les armoiries sont des sirènes à tête de lion, la devise E mare eaux profondes ? Du Fish & Chips Sealandais ? Et si finale- libertas (De la mer, la liberté). Puis des passeports, des timbres ment ce manque en richesses nationales communes que sont et un hymne. Et une équipe de football. l’agriculture, les matières premières ou l’industrie était une 54 55 force ? Comment exploiter la situation géographique et légale expérience : l’ombre de la plateforme plutôt que la plateforme, unique de ce territoire ? Cette plaque de béton dans la mer la suggestion de ce royaume grandissant plutôt que sa ridicule qui n’a de réalité en tant que nation que pour elle-même, ce existence effective. Pas de logo, mais n’importe quoi qui puisse territoire virtuel pourrait faire valoir une richesse pareille- nous faire reconnaître sa forme particulière. Car c’est la réalité ment virtuelle, mais sérieuse. N’en déplaise au prince Roy et physique de Sealand qui pose problème. Le fait que ce soit un à sa fictive ascendance noble, le vrai récit de Sealand s’écrit « secret public ». Si le gouvernement se met à abriter des ca- sur internet, et c’est un récit que la famille royale n’est pas en sinos, des serveurs ou des logiciels peer-to-peer, sous prétexte mesure de maîtriser. relativement justifié qu’il ne viole pas ses propres lois, cela ne le met en aucun cas à l’abri d’une offensive d’un état en colère. Internet justement. Un flux d’informations que chaque Et comment Sealand pourrait riposter ? Physiquement donc ? état tente d’endiguer, des stocks de données sur lesquels ils En matière de branding, cette nation cherche depuis fois. Dans les années 2000, à travers plusieurs expériences, plus de 40 ans à être reconnue par les états-membres des Na- Sealand cherche à se profiler comme un Empire des données tions Unies. De par sa situation unique, elle tente de légitimer internet offshore, un empire inclusif qui a cela de particulier son existence de manière inédite pour une nation, l'internet. qu’il ne s’étendrait pas de manière habituelle en évacuant le L’échec est dans la forme : une nation redéfinit son rôle au pouvoir d’autres territoires mais en les incluant virtuellement. sein de la communauté internationale de manière résolument Le ralliement comme expansion. Et le dépôt de serveurs inter- expérimentale sans redéfinir dans le même temps son mode de net pour tous. En asseyant son empire virtuel, Sealand pour- représentation. Un récit sans précédent est figé dans un ancien rait continuer d’exister tout en (surtout en) disparaissant phy- langage. Les vraies nouvelles nations (par opposition à la dé- siquement. Sa façon d’être visible au monde serait sous forme marche expérimentale de Sealand) légitimer leur existence en de modèle, d’information, plutôt que comme territoire que puisant dans leur histoire de quoi concevoir un récit national, l’on peut expérimenter par les sens. s’appuyant sur les traditions et imitant tous les codes visuels Uncorporate design, Metahaven prétendent légiférer. Et des pirates, pas ceux des mers cette Oublions l’attirail standard d’une nation, son hymne, son drapeau, sa de- Le gris comme couleur nationale. La couleur des réseaux d’information. La couleur du ciel nuageux au-dessus, la couleur de la Mer du Nord qui l’entoure, la couleur des postes d’ordinateur, la couleur des costards-cravate, la couleur du cerveau, la couleur du béton. convenus, allant des décorations militaires au site internet du gouvernement. La nouvelle nation calque sa manière de se représenter sur celle d’une nation établie, ce qui peut être vise, sa monnaie, ses timbres (quel besoin de timbres pour un état qui n’a aucune infrastructure pour l’acheminement de justifié. Sealand ne fait que mimer à son tour cette démarche, courrier et qui plus est possède comme unique bien national sans pouvoir la reproduire de manière crédible, de part sa l’internet ?) Metahaven propose un branding à l’image de cette nature de nation complètement artificielle. 56 57 Fool me once, fool me twice, fool me thrice Edward W.Said, dans L’Orientalisme, pose le postulat qu’en Documents p. 38 — 39 tant que terme, délimitation géographique et culturelle, l'Orient est créé par l'Occident, il est son son image en négatif, il est tout ce que l’Occident estime ne pas être: magie, mystère, sensualité, chair, inquiétant et séduisant tout en restant inférieur au cérébral et rationnel (lire : supérieur) Occident. Ce discours sur l’Autre est surtout révélateur de ce Slavs & Tatars nous déterre ce qui compte : un journal saty- qu’est l’Occident, car affubler cet Autre de caractéristiques rique illustré du début du XXème siècle en Azerbaïdjan, où il complémentaires aux Nôtres revient à nous décrire également est question d’Islam progressiste et réformateur, un regard par jeu d’inversion. L’histoire du discours critique sur la condition des femmes, de la place du pays entre Tzvetan Todorov, préface de L’Orientalisme sur l’autre est accablante (Tzvetan Todorov, préface à la première édition de L’Orientalisme, 1980). C’est un raisonnement à rebours dans lequel l’opinion préconçue ira chercher les On entend souvent de hauts responsables à Washington, ou ailleurs, parler de redessiner les frontières du Proche-Orient, comme si des sociétés aussi anciennes et des populations aussi diverses pouvaient être secouées comme des cacahuètes dans un bocal. C’est pourtant souvent arrivé avec l’« Orient », cette construction quasi mythique tant de fois recomposée depuis l’invasion de l’Egypte par Napoléon à la fin du XVIIIème siècle. Chaque fois, les innombrables sédiments de l’histoire, les récits sans fin, l’étourdissante diversité des cultures, des langues et des individualités, tout cela est balayé, oublié, relégué dans le désert comme les trésors volés à Bagdad et transformés en fragments privés de tout sens. le communisme du nord et l’Islam du sud, de se moquer des colons, de rire des autres où de soi-même. Documents p. 26 — 27 arguments qui la valideront. S’il était encore parmi nous, Said aurait sûrement partagé un samovar et quelques considérations sur l’Est avec Slavs & Tatars. En même temps, on s’en fout de l’Orient. On continue de projeter tout et n’importe quoi sur la religion, on confond les guerres, les présidents, les capitales, les frontières et les terroristes. Encore plus là où tout On visite deux villages traditionnels tatars (musulmans donc) finit par stan. en Pologne et on se souvient qu’une multitude de langues et de peuples donnent nécessairement lieu à des identités nationales polyphoniques et un syncrétisme que l’Occident ne calcule même pas. En ce qui me concerne, Slavs & Tatars nous parle de l’échec de la l’impérialisme linguistique. Les linguistes soviétiques des années 30 parlaient du Caucase comme de 58 59 la « montagne des langues ». Ca, c’était avant que Staline en par cas, latinisés ou cyrillisés, avec des variantes de transcrip- ait sa claque, fasse massacrer ses compatriotes géorgiens et tion de certaines lettres. Juste assez pour que le peuple soit impose le Russe comme une coulée de plomb sur l’Eurasie. entravé dans ses correspondances avec l’étranger. J’ai vu en Aujourd’hui, les Azéris parlent la même Géorgie que les Abkhazes avaient préféré l’alphabet cyril- langue sans pouvoir s’écrire d’une génération à l’autre, car en 70 ans, leur alphabet a changé trois fois. Aujourd’hui également, je ne sais pas combien d’alphabets cyrilliques différents on compte, Let’s call the whole thing off, adapté du titre original de George Gershwin, Hymns of No Resistance, 2009 car il a fallu à chaque fois inventer une débauche de graphèmes (insuffisants dans le cyrillique de base) correspondant aux phonèmes propres à chaque langue. Je ferais mieux de préciser cette anecdote : Lénine, en 1929, dans le cadre de sa « Révo- lution de l’Est », propose la latinisation des pays musulmans appartenant au bloc soviétique. But avoué : couper les liens avec l’Islam. On commence à lire de gauche à droite. Et on brûle tout ce qui se lit dans le sens inverse. Staline, Things have come to a pretty pass, This Cold War romance has grown old. For you like this and the other, While I go for these and those. Goodness knows what the end will be. I don’t know which side I’m on, It looks as if we two will never be one. Something must be done: You say either and I say either, You say neither and I say neither. Either, either, Neither, neither, Let’s call the whole thing off. You like Nagorno and I like Karabagh, You like Konigsberg and I like Kaliningrad. Nagorno, Karabagh, Konigsberg, Kaliningrad, Let’s call the whole thing off. But oh, if we call the whole thing off then we must part. And oh, if we ever part, then that might break my heart. So if you like Abkhasia and I like Georgia, I’ll summer in Abkhazia and sell the place in Georgia. For we know we need each other so we, Better call the whole off off, Let’s call the whole thing off. You say Golestan and I say Kurdistan, You text Aqmola and I write Astana. Aqmola, Astana, Golestan, Kurdistan Let’s call the whole thing off. You skype Kosovo and I skype Kosova, then there’s the question of old Metohija. Kosovo, Kosova, then old Metohija, Let’s call the whole thing off. But oh if we call the whole thing of then we must part. And oh, if we ever part, then that might break my heart. So if your mom’s from Macedonia and mine the Former Republic, I’ll go home to Macedonia, forget that pesky republic. For we know we need each other so we, Better call the calling off off, Let’s call the whole thing of lique au géorgien. Dans les deux cas, l’alphabet comme outil politique fait partie d’un branding national au même titre que l’héraldique. Dans le corporate design, certaines entreprises se contentent d’un logo, d’autres commandent leur propre typographie. C’est un parallèle superficiel à un enjeu indispensable: le pays choisit quels seront ses graphèmes, pas la forme qu’ils auront. Et typographes et linguistes ne se marcheront jamais sur les plate-bandes. Ces changements successifs d’alphabet représentent une énorme perte culturelle : Les livres sont brûlés, ils doivent être réédités à chaque fois, la culture cale à chaque changement et les générations sont séparées par une barrière culturelle, un lettré devient un illettré. Conséquence des changements d’alphabet (couplée presque systématiquement à une volonté politique) : les villes changent de nom. C’est un élément d’identité nationale, au même titre que l’héraldique et l’alphabet, mais contrairement à ces derniers, il n’est évidemment pas du ressort du graphiste. Cependant, je ne négligerais pas l’impact d’un changement de nom dans l’apparence d’une paranoïaque avéré, soupçonne en 1939 que l’alphabet latin ville, des routes et de la signalétique, ce qui prouve que même serait le biais par lequel ces pays fraterniseraient avec les puis- si cet élément n’est pas le fruit de décisions graphiques, il sances occidentales. Pour contrecarrer la potentielle menace influe tout autant sur le paysage et prend part à une identité d’une résistance organisée, il impose le cyrillique. Selon le vieil visuelle nationale. adage « diviser pour mieux régner », les pays sont pris au cas 60 61 Arrivée à Gori depuis Omalo, été 2013 Des mers et des montagnes À la fin des quatre jours, la descente se fait sans craintes, les On parle d’un design qui simplifie, qui réduit la complexité peurs sont maîtrisées. On arrive à Gori, ville de Staline. On vi- d’une donnée à un signe. On dit que c’est cela, communiquer. site les deux pièces de sa maison et les ruines d’un peuple qui a J’ai fais exprès de m’attaquer à une montagne, le sujet de ce construit sa ville au coeur de la pierre. Ils sont arrivés en 1000 mémoire en est est une à plusieurs titres. C’est une drôle de av. J-C, leur civilisation atteignant son apogée 400 ans plus chose de conclure par un échec : l’impossibilité de définir un tard. On marche sur des roches mille fois poncées, érodées, modèle de construction d’une identité qui n’est par essence tassées, nous reconnaissons parfois les chambres, le pressoir ni une formule, ni une combinaison d’attributs. Cette mon- à vin, le théâtre, la salle du trône, le cachot, le puits sacrificiel tagne est le lieu de la contradiction : la notion de peuple est dans une matière plus ou moins voûtée, sculptée, préservée. une construction humaine des plus hétérogènes et mouvantes, On imagine les marchés, les animaux sacrés (seuls à pouvoir on la raconte pourtant toujours par ce qu’elle a de plus criant, entrer dans la cité, l’architecture parfois complexe, la Route de le communément admis, l’apparent, l’évident, le gravé dans la Soie qui la traverse. Je mets tout à plat: la basilique ortho- le marbre, le cliché aussi. Sur la colline où se trouvaient les doxe érigée au sommet de la colline, les mots griffonnés par ruines troglodytes, j’étais témoin d’occurences simultanées, la des soldats Russes il y a 100 ans à même cette vieille pierre, Géorgienne aux traits typiques (typiques de quoi ?), les lieux et je pense aux balles qui criblent les façades de Gori depuis de culte payens, les traces aux murs d’un soir de cuite il y a 100 2008. à chaque fois la main de l’Homme et ce même geste ans, Saint-Georges. Je prône ici une forme de contemplation, une contem- qui efface la trace du prédécesseur. Aujourd’hui, des lézards rampent sur les mots cyrilliques et notre guide géorgienne plation de graphiste. Dans ma pratique, on me parle d’effica- interrompt sa visite pour s’agenouiller devant St-Georges. cité et de résolution de problèmes, d’une démarche pro-active, même quand ça brasse de l’air. Tout va tant que c’est fréné- Panneau d’interdiction d’entrer dans une zone sacrée en Touchétie tique. Pourtant, face au problème, au mandat fictif à réaliser, c’est l’observation seule qui déploie son sujet. Les choses se racontent quand je suis là pour les regarder. La surprise est que si le branding national existe bel et bien, c’est un domaine dont le design ne s’est pas approprié, mais plutôt le marketing et la communication. Je distinguais à l’introduction l’approche du graphisme pour une entre 62 63 prise et d’une nation, et je constate une chose très nouvelles connaissances, songe à une application pratique simple : les nations établies tendent de plus en plus vers une de mes recherches, à une suite au travail amorcé par Metaha- Metahaven, Uncorporate Design communication corporate (à ce titre, j’aurais encore aimé ven sur Sealand. De leur mer dont ils sortent une nation sans évoquer l’Union Européenne), les non-reconnues bran- passé, je voudrais retourner à mes montagnes Caucasiennes dissent un assortiment de symboles et leurs histoires tordues, expérimenter comment, par mes traditionnels. Metahaven, en admettant The cartoonist instead of the autor, the salesperson instead of the researcher. moyens de graphiste et par des voies expériementales, je peux que le designer n’a sa place dans aucune des deux dé- raconter ce lieu. marches, propose ce qui constitue ma première découverte pour une nouvelle approche de l’identité nationale, entreprise cette fois par le domaine du design. Cette approche est autant éloignée de l’encrage traditionnel, presque nostalgique des symboles nationaux que des domaines du graphisme : dessin de logo, identité visuelle, recheche de formes, etc. Et finalement, ce n’est pas tant la création d’imagerie nationale telle qu’elle est pratiquée qu’ils remettent en question, mais bien les moyens qu’a le graphiste pour renouveller cette pratique. Ceci passe par la capacité du graphiste à réaliser que le champ qu’il couvre va au-delà du nom des cours dispensés en école d’arts appliqués. J’ai voulu présenter les nations non-reconnues du Nord du Caucase comme des cas d’école d’un décalage fréquent entre la nation et ce qu’elle projette. Sur le drapeau, le premier degré de projection gagne toujours (oui, les Ossétiens ne sont qu’une république, oui le Haut Karabagh est une enclave arménienne, oui les Transnistriens sont en fait slaves et oui, Dieu le Père a donné la Tchétchénie aux Tchétchènes). Slavs & Tatars leur tend un miroir en perspective, en mouvement et possibilité de zoom sur les détails inclus. Forte de ces 64 65 Figures Imposées Travail de mémoire dans le cadre du Bachelor en design graphique Melina Wilson Supervision d’Alexandru Balgiu et Deodaat Tevaearai Спасибо большое Боря Année académique 2013 – 2014 ECAL / Ecole cantonale d’art de Lausanne Bibliographie Sur la notion d’identité Sur l’Abkhazie CHEVALIER Denis, MOREL Alain Identité culturelle et appartenance régionale : quelques orientations de recherche DELORCA Frédéric Abkhazie : à la découverte d’une « République » de survivants Collection Frontières Paris : Éditions du Cygne, 2010 In : Terrain: revue d’ethnologie de l’Europe octobre 1985, n°5 http://terrain.revues.org/2878 HALL Stuart Identités et culture 2 : politiques des différences Paris : Éditions Amsterdam, 2013 GENTÉ Régis Voyage au pays des Abkhazes. Collection Voyage au pays des... Paris : Éditions Cartouche, 2012 Iconographie MICHAUD Guy et al. Identités collectives et relations inter-culturelles Collection L’Autre et l’ailleurs Bruxelles : Éditions Complexe, 1978 PELLEGRINO Pierre (éd.) et al. Espaces et culture Collection Thème Saint-Saphorin : Éditions Georgi, 1983 SAID Edward W. L’Orientalisme : L’Orient créé par l’Occident Collection La Couleur des idées Paris : Seuil, 2005 Sur la linguistique SIMONATO Elena. Choisir un alphabet, une question linguistique ? Discussions sur le choix des système d’écriture en URSS (1926-1930). In : Cahiers de l’ILSL, n°14, pp. 193 – 208, 2003 SIMONATO Elena. Alphabet « chauvin » ou alphabet « nationaliste » ? In : Cahiers de l’ILSL, n°17, pp. 261 – 275, 2004 SIMONATO Elena Aux origines de la politique soviétique dans le Caucase In : Cahiers de l’ILSL, n° 27, pp. 75-87, 2007 SÉRIOT Patrick L’Alphabet analytique abkhaze de N.Marr : une pasigraphie génétique ? In : Cahiers de l’ILSL, n° 235, pp. 09-28, 2009 SIMONATO Elena. Le Caucase comme laboratoire linguistique soviétique des années 1920. In : Slovo, n° 36, pp. 86 – 97, 2010 66 67 DZHEMAL Gamakhariia et al. Абхазия с древнейших времен до наших дней : очерки из истории Грузии = L’Abkhazie des temps anciens à nos jours : essais sur l’Histoire de la Géorgie Tbilissi : Izdatvo Intelekti, 2009 FLAGS OF THE WORLD https://flagspot.net/ FRÜTIGER Adrian L’Homme et ses signes : signes, symboles, signaux (Édition orignale en allemand : 1978) Méolans-Revel : Atelier Perrousseaux éditeur, 2004 LUKNITSKY Pavel Soviet Tadjikistan Moscou : Foreign languages publishing house, 1954 METAHAVEN. Uncorporate Identity Baden : Lars Müller Publishers, 2010 THE PRINCIPALTY OF SEALAND http://sealandgov.org ERIC BAUDELAIRE. The Secession Sessions Paris, 2014 SLAVS & TATARS. Kidnapping Mountains, Dig the Booty, AaaaaaahhhhZERI !!!,Idź na Wschód! Go East!, Long Legged Linguistics, Kidnap over here, Molla Nasreddin, Mountain of wit, To mountain minorities, Hymns of non resistance, Romancing the Peak of Polyglots. 2009 – 2013 http://www.slavsandtatars.com Souvenirs de voyage en Géorgie, 2013 UNRECOGNIZED STATES NUMISMATIC SOCIETY http://www.usns.info 68 69 1 2 3 4 5 6 7 8 Drapeau de Transnistrie Rouble de Transnistrie Drapeau de Sealand Famille princière de Sealand Monnaie de Sealand sans valeur marchande Blason de Sealand Timbre de Sealand aux postes belges Sealand 3 4 5 1 7 2 6 70 71 8 72 73 1 2 3 4 5 Enseigne du restaurant Eurasia Plusieurs gouvernements (les loups) se partagent le Caucase comme un Shashlik (barbecue slave) – Nous avons déjà notre langue. Laissez-nous l’étudier un peu. – Je dois mettre cette langue dans vos bouches. Enfants caucasiens forcés de parler russe Chers frères, j’ai déjà une langue. Pourquoi essayez-vous d’en mettre d’autres dans ma bouche ? Protestation des Azéris contre le russe, l’arabe et le farsi Deux représentants de la Douma coupent la langue d’un Azéri et lui cousent une langue russe 1 3 4 2 74 75 5 76 77 Index des cartes 44 Fragment de la carte de Pomponia Meli (années 15 — 66) : élaborée selon les recherches de l’auteur ou recopiée au 15ème siècle. D’après la carte, le Kolkos, au nord-ouest, est voisin de la mer d’Azov. Par conséquent, les territoires de l’Abkhazie contemporaine et Jiquetiez historique sont partie prenante de de cet état moyenâgeux Géorgien. La carte est conservée au Vatican. 45 Fragment d’une carte de Pline l’Ancien (année 23 — 79), selon l’auteur du texte de 1842, créée par Frédéric Dubois de Monpère. Pline considère les Absilov comme une population mingrélienne, issus du peuple Apsua (Abhkaze) fixés au nord de la mer caspienne à côté d’Astrakan. 46 Fragment de la carte de Ptolémée créée ou recopiée au 15ème siècle. D’après la carte, le royaume de Colchide s’étend jusqu’à la mer d’Azov. 47 Fragment d’une carte de la mer noire, créée en 1321 par Martino Sanudo. Au-dessus de Sokhoumi (alors Sebastopol), s’étend le drapeau à cinq croix de la Géorgie (quatre croix représentées sous formes de pastilles). Une carte analogue a été dessinée par Petrus Beskonte (1320 — 1321). 48 Fragment d’une carte d’Angelo Dulcert, dessinée en 1339. Au dessus de la ville de Sokumi (Sebastopol) s’étend le drapeau à cinq croix sur fond blanc de la Géorgie. Sur la carte de G.Soleri (1385), au dessus de Sokhoumi, s’étend un drapeau avec la représentation d’une paume. Sur la base de ce drapeau, les séparatistes créèrent leur drapeau actuel. La paume est un symbole typiquement géorgien du pouvoir. On conserva de nombreuses stèles de tsar du Moyen-Âge, avec une représentation de la paume. Elles servaient d’actes juridiques, attestant du droit attribué aux tsars d’avoir le pouvoir sur telle ou telle terre. Jusqu’au et après l’année 1385, Sokhoumi appartenait aux Mengréliens, par conséquent, le symbole de la paume sur la carte de symbolise le pouvoir des maîtres de Mingrèles et, de ce fait, n’a aucun lien avec les séparatistes actuels. 49 Sur la carte du cartographe Vénitien Baptista Agnese, datant de 1542, la Mingrélie est montrée dans ses frontières historiques, jusqu’à la mer d’Azov. La carte est conservée dans les archives du Vatican. 50 Fragment de la carte du cartographe royal portugais Diego Homem, créée en 1559. Pas loin de la mère d’Azov, s’étend un drapeau avec une représentation d’une croix rouge. Sous le drapeau se trouve l’inscription « Mingrélie ». Sur la carte de Homem, l’Abhkazie n’est pas indiquée comme une unité politique indépendante, elle est partie prenante de la Mingrélie. 51 Fragment de la carte de « L’Atlantique et la mer entre deux terres » créée par Giacommo Madjalo. Au début des montagnes du Caucase, par exemple, dans la région de Chost (Russie) est indiquée la Mengrélie, au nord de Chost dans les montagnes Abkhazes. 52 Fragment d’une carte de l’Asie, créée par le cartographe royal G. Samson en 1674. D’après la carte, la Géorgie, dont la frontière nord-ouest est fixée à la mer d’Azov, inclut les régions suivantes : Abassa (Abkhazie), Odishi, Goriel, Imereti, Samtzche-Djavachetiu ou Baratralu, Carduel, Cachétie. Dans ce qui constitue la Géorgie sont aussi indiqués les pays-vassaux : Chirvan, Arménie, Rani et Karabagh. 78 79 53 Fragment d’un globe fait en 1693. D’après le globe, l’Abkhazie (occupe les territoires nord-ouest des rivières de Marmaridskari et Kodori), La Mingrélie, l’Iméretie, l’Ingourie, la Kartélie et la Cachétie, sont des provinces Géorgiennes (l’Abkhazie est mélangée à la Géorgie). 54 Fragment de la carte du nouvel Empire russe, créée sous l’époque de Pierre le Grand, entre 1721 et1725 en Hollande, par Yohan Kovensom, Cornelius Morter et avec le soutien d’Everaldo Isbrant Idessa. Sur la carte, la Russie a des frontières directes avec la Géorgie, la frontière nord ouest va jusqu’à la mer d’Azov. Elle inclut les régions suivantes : Abkhazie, Mingréli, Iméretie et Cachétie. 55 Fragment de la carte du grand érudit géorgien, le tsarévitch Barouschti Bagrationi (1696 — 1757) créée en 1735. 56 — 57 Fragment d’une carte du tsarisme impérial, appartenant à l’empereur Alexandre V (1721 — 1753). Créée en Géorgien en en 1737 et envoyée à St-Pétersbourg. L’ambassadeur d’Alexandre Vremit la carte à l’impératrice Anna Ivanovna. L’original est conservé à Moscou dans le centre d’archives militaro-historiques. Sur la carte, l’empire tsariste inclut le territoire contemporain de l’Abkhazie. Sur elles sont indiqués : Bedia, Ilori, la forteresse indépendante de Tschumi (Sokhoumi), construite par les Turcs, encore une autre forteresse turque et le port d’anakopie. 58 Fragment de la carte de Giacoppo Castaldi (1561), au nord du Caucase. Il est certain que les Abkhazes actuels vivaient au nord du Caucase à cette époque. Sur cette même carte, La Mingrélie englobe tout le territoire de l’Abhkazie. 59 Fragment de la carte du missionnaire italien Archandgelo Lamberti, séjournant en Mergelie entre 1633 et 1649. La première version fut éditée par l’auteur en 1654. Selon la carte, une muraille longue de 60'000 pas est érigée afin de délimiter les frontières de l’Abkhazie. Sur la carte sont indiqués une cinquantaine de toponymes géorgiens. 60 Sur la carte de Henselius de 1710, « l’Asie polyglotte » presque tout le Caucase, l’Abkhazie incluse, est indiqué sous le nom de Yberi – Georgica. Sur tout ce territoire s’étend l’écriture géorgienne, la langue géorgienne, l’évangile géorgien, confirmant ainsi l’inscription sur la carte d’une prière géorgienne. 61 Le nom des provinces, villages et villes sont dans la plupart des cas en géorgiens avec des transcriptions latines, ils ont été mis en place par le slaviste allemand, professeur au collège du ministère des affaires extérieures de la Russie, G.Kerr (1692 — 1740). 62 Fragment de la « carte historique de l’Empire russe ». Sur la carte, la frontière nord-ouest de la Géorgie, selon une tradition historique, est fixée à coté de la mer d’Azov. Sur la carte sont indiquées les provinces de la Géorgie : la Cachétie, l’Iméretie, la Mengreélie. L’Abhkazie n’est pas indiquée sur la carte, et selon une tradition historique, est comprise dans la province de Mengrélie. 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100