Technologies, marchés et défis
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Technologies, marchés et défis
LETTRE DE VEILLE Technologies, marchés et défis #30 3 — Editorial SOMMAIR 4 — Enjeux L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE AU COEUR DES EFFORTS DE RECHERCHE Cadrage - Focus sur la robotique 6 — Robotique et intelligence artificielle Intelligence artificielle - Jean-Gabriel Ganascia, UPMC 9 — « Le monde contemporain est en partie forgé par cette discipline » Intelligence imitative - Charles Tijus, Lutin 12 — « Nos technologies cognitives numériques sont basées sur la connaissance de la cognition humaine » Décision - Alexis Tsoukias, Lamsade 15 — « L’intelligence artificielle permet d’augmenter la capacité décisionnelle des machines » Traitement automatique des langues - Claire Nédellec, INRA 17 — « Formaliser la connaissance va permettre de mieux exploiter les nombreuses données expérimentales » LES MISES EN APPLICATION DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE Cadrage - Applications de l’IA en entreprise 21 — Comment l’intelligence artificielle va-t-elle impacter l’entreprise ? Mobile - Rand Hindi, Snips 23 — « Notre vision à long terme est de faire disparaître la technologie » Deep Learning - Tony Pinville, Heuritech 26 — « Le deep learning est une nouvelle branche du machine learning » Simulation - Caroline Chopinaud et Yann Prudent, Masa Group 29 — « Nous venons de créer une filiale focalisée sur notre coeur de métier historique, l’intelligence artificielle » Traduction - Philippe Anel, Mediawen 32 — « L’automatisation croissante ne concernera pas toutes les langues avant longtemps » Transformation numérique - Axel Buendia, SpirOps 35 — « Notre activité principale est la recherche autour de l’intelligence artificielle décisionnelle » Agents virtuels - Pascal Arbault, Davi 37 — « Pour qu’une intelligence artificielle fonctionne correctement, il faut déjà qu’elle ait un objectif » Prédictif - Amine El Helou, Mathworks 40 — « Nous constatons une grande effervescence autour des objets connectés dans le domaine industriel » Crédit photo couverture : brewbooks, 200 pairs telephone cable model of corpus callosum __ 2 Les mises en application de l’IA Simulation - Caroline Chopinaud et Yann Prudent, Masa Group « Nous venons de créer une filiale focalisée sur notre coeur de métier historique, l’intelligence artificielle » Masa Group, créé en 1996, est un fournisseur de solutions technologiques pour modéliser et représenter les comportements humains, principalement dans le cadre de simulations pour l’entraînement, l’analyse et l’aide à la décision en situation de crises. La société a également développé une expertise en intelligence artificielle dans le jeu vidéo, démontrée dans le cadre de plusieurs projets de recherche. Caroline Chopinaud, directrice des partenariats, et Yann Prudent, directeur technique nous dévoilent leurs récentes actualités et leur dernier projet, craft.ai, qui vient de voir le jour. des services (pompiers, police…) pour la gestion de crise par exemple. Enfin, est né de ces deux premiers produits un troisième produit, LIFE. Il permet à des non-développeurs de créer des comportements autonomes pour des entités simulées à intégrer dans une simulation ou un environnement virtuel au sens large. Définition de l’intelligence artificielle Y. P : MASA Group est une PME éditrice de logiciels dans le domaine de la modélisation et de la simulation de comportements utilisant des technologies d’intelligence artificielle. La société, composée à ce jour d’une cinquantaine de personnes, propose ses solutions principalement pour l’entrainement et la formation dans les secteurs de la Défense et de la Sécurité Civile, avec des ouvertures sur le marché du jeu sérieux pour le secteur de l’industrie. A ce jour, des clients présents dans plus de 15 pays nous font déjà confiance. MASA propose trois produits. Notre premier produit, SWORD, est dédié à l’entrainement pour les hauts niveaux de commandement. Le principe est une simulation dans laquelle chaque entité est capable d’interpréter et d‘exécuter des ordres de haut niveau de façon autonome et avec une faible intervention d’opérateurs humains. Ralentir l’ennemi, escorter une personne, attaquer un objectif entre deux zones sont des exemples de « missions » que l’entité doit ensuite remplir seule dans la simulation en tenant compte de la situation courante et des interactions des autres entités sur le terrain. Ce type de simulation (à base d’agents) simplifie considérablement le déroulement d’exercice d’entrainement en évitant d’avoir à déployer des ressources humaines sur le terrain, car qui dit haut niveau dit beaucoup de personnes à commander. Ce sont des exercices en conditions réelles mais au lieu d’être exécutés par des hommes, c’est une simulation qui envoie les résultats pour évaluer les prises de décision. Ensuite, nous avons SYNERGY, un produit similaire mais destiné à la sécurité civile. Les cas d’usages sont de simuler des risques, comme une inondation par exemple. Il est le plus souvent utilisé pour travailler à la coordination Y.P : A MASA, on définit l’intelligence artificielle comme le fait de comprendre un ordre de haut niveau et l’appliquer de façon cohérente par rapport à la situation courante. Ce qui ne veut pas forcément dire apprendre et anticiper, mais être capable de s’adapter à l’environnement et aux ordres donnés tout au long de l’exercice. Nous ne sommes pas dans une optique de compenser les erreurs des utilisateurs à l’aide de l’IA mais plutôt de lui présenter l’impact de ses décisions sur la situation et sur le comportement des entités simulées. Nous nous basons pour cela sur plusieurs technologies : algorithmes et structures de données qui sont des arbres ou des graphes. On a par exemple une situation d’entrée avec un contexte, des motivations et des buts. En fonction de cela, les parcours dans le graphe vont donner les actions à effectuer. La notion de temps réel est ici primordiale. L’idée est que les comportements et les algorithmes que l’on utilise soient des algorithmes capables de prendre une décision en temps réel. Chaque entité réévalue continuellement la situation et les connaissances qu’elle a sur l’environnement, connaissance potentiellement partielle ou fausse, et qui lui permettent de prendre une décision cohérente par rapport à ce que l’entité imagine de la situation. Cela est primordial pour proposer des scénarios qui évoluent de façon réaliste et qui sont surtout en mesure de s’adapter aux conditions de l’exercice. En distribuant l’intelligence du scénario sur des entités distinctes, on réduit considérablement la complexité de mise en œuvre de scénario et leur richesse… rien n’est complètement scripté comme on peut le voir parfois dans les scénarios de jeux sérieux. Projets de R&D C.C : Nous sommes impliqués dans plusieurs projets de R&D, dont un labélisé par Cap Digital, le projet OCTAVIA. C’est un projet de R&D collaboratif qui se termine à la fin de __ 29 Les mises en application de l’IA l’année. Nous travaillons en consortium avec Black Sheep Studio, le CNAM et BSE Group. La problématique de ce projet était de proposer des solutions pour améliorer l’immersion proposée par des environnements virtuels, type ceux rencontrés dans les jeux vidéo, les simulations, les mondes virtuels… Pour cela nous proposions de développer un outil à destination des game-designers, permettant de créer simplement des « ambiances de vie » à l’aide de personnages non-joueurs, et de les coupler à une ambiance sonore réaliste. Ainsi, dans ce projet, nous avons développé un prototype d’outil intégré à Unity3D permettant de créer des « scènes de vie », c’est à dire des comportements collectifs joués par un groupe de personnages non-joueurs. Nous avons également développé un moteur à partir de nos technologies d’IA permettant de gérer de façon automatique le déroulement de la scène : affectation d’un rôle à un personnage, d’un comportement, synchronisation avec d’autres personnages…. L’idée était de simplifier le travail du game-designer en distribuant la complexité de création d’une ambiance sur des scènes, puis sur les personnages et en fournissant un moteur pour gérer automatiquement le déroulement de cette ambiance. « Nous avons une problématique majeure qui est d’avoir des technologies d’IA performantes et accessibles » D’autres techniques existent, comme par exemple la génération de foule dans l’environnement, mais ce qui nous intéressait principalement dans ce projet c’est de nous concentrer sur la simplification du processus de conception. En effet, à MASA nous avons une problématique majeure qui est d’avoir des technologies d’IA qui soient performantes mais aussi accessibles, pour des game designers par exemple, ou des modélisateurs. Nous nous sommes effectivement rendus compte qu’il y avait très peu d’outils à destination des designers pour leur permettre de créer les comportements des personnages non joueurs et de peupler les environnements virtuels facilement. A MASA nous sommes dans une logique où nous partons du designer/modélisateur pour aller jusqu’à l’application, alors que plus généralement l’approche est inversée : on part de l’application pour aller jusqu’au designer. Nous souhaitions donc prendre le problème à l’envers et le simplifier. Tout l’enjeu sur la fin de cette année est que les partenaires intègrent le concept : dans un prototype de jeu (Black Sheep), pour une évaluation par des étudiants de game design (CNAM-ENJMIN). Nous en saurons plus une fois les évaluations effectuées. C’est un projet qui a été présenté à Futur en Seine sur notre stand et nous avons eu des retours très positifs, aussi bien sur l’outil que sur le contenu de scènes produit. Nous avons même pu échanger sur les problématiques de rendre accessible aux game designers la conception d’IA ! C’était très enrichissant. Nous avons d’autres projets en lien avec l’IA comme IMOSHION, qui avait lui aussi été présenté à Futur en Seine en 2012. C’est un projet européen (FP7) qui avait pour objectif de proposer des solutions pour sensibiliser et former aux consignes de sécurité dans les entreprises du secteur industriel en cas d’évacuation suite à des départs de feu, des fuites de produits toxiques… (projet terminé en avril 2014). Nous avons développé une simulation utilisant une approche à base d’agents qui vise à compléter les exercices d’évacuation en condition réelle. L’objectif était d’y intégrer des personnages non-joueurs aux comportements autonomes suivant certains types de comportements : bons ou mauvais comportements des employés, des visiteurs et des serre-files et de rendre accessibles ces problématiques dans le cadre de formations. L’idée était aussi de sensibiliser, dans des contextes différents, en créant des situations dangereuses… A la fin du jeu, nous proposons, avec un expert, un retour complet pour permettre de mesurer l’impact de comportements sur une situation donnée. Ce projet est un bon exemple de l’utilité de l’IA sur personnages non-joueurs et des comportements adaptatifs. Nous présentons régulièrement ce prototype lors de conférences et d’événements spécialisés, ce qui fait émerger d’autres cas d’utilisation possibles : évacuation de bâtiments et de bateaux, plateformes pétrolières… Travaux présentés à PFIA C.C : PFIA est une plateforme organisée par l’association française d’intelligence artificielle (AFIA). L’idée est de réunir plusieurs conférences et séminaires sur une même semaine pour rassembler la communauté scientifique française sur des problématiques d’intelligence artificielle. Nous intervenions sur trois conférences et ateliers : les rencontres des jeunes chercheurs (RJCIA) où notre doctorante en CIFRE avec l’UTC y a présenté ses travaux sur la modélisation des comportements stratégiques dans les Jeux vidéo (type RTS ou 4X) ; Applications d’intelligence artificielle (APIA) où nous avons présenté nos travaux sur OCTAVIA ; Atelier IA&Jeux Vidéo où nous avons présenté nos activités sur l’IA dans le domaine des jeux et participé à une table ronde sur l’organisation d’une compétition d’IA. L’objectif de cette future compétition serait de regrouper les scientifiques autour de problématiques et de challenges d’IA proposés par des industriels et de créer une communauté française sur le domaine de l’IA. La compétition s’appliquerait sur un jeu vidéo, comme il en existe actuellement à l’international. Pendant cette semaine, des interventions ont été marquantes comme celle de Rodney Brooks qui a présenté des problématiques d’intelligence artificielle en robotique. Lors de l’atelier IA&Jeux, nous avons été interpellés par des interventions ayant trait à la conception d’IA de support et d’IA antagonistes (adversaires) dans les jeux de stratégies. Elles mettaient en avant cette idée que beaucoup d’IA de jeux sont conçues dans le but de « gagner ». Or le problème n’est pas de « gagner », mais de proposer des IA qui soient « fun à jouer » et surtout malignes ! Quand un joueur veut se battre contre le jeu et non contre des adversaires humains, en multijoueur par exemple, ce n’est pas toujours évident de s’opposer à une IA qui soit intéressante à jouer, c’est un vrai challenge pour les studios de jeu actuellement. Ce qui va dans le sens des travaux de notre doctorante, qui __ 30 Les mises en application de l’IA visent à simplifier la modélisation des stratégies pour créer des intelligences artificielles malignes et intéressantes à jouer. Dans le domaine de l’armement, on souhaite des intelligences artificielles crédibles et réalistes, mais dans le jeu vidéo, c’est une toute autre histoire, il faut en plus qu’elles soient agréables à jouer ! Quelles applications ? Y.P : Aujourd’hui, on fait de l’entrainement, de la formation mais aussi de l’analyse de procédure et d’équipement. Par exemple, nous avons un cas avec un projet de recherche (CASAVA), où nous intégrons dans notre simulation SWORD les résultats de recherche de nos partenaires pour évaluer les mesures d’évacuation lors d’une éruption volcanique en Guadeloupe et son impact sur la population et les forces de sécurité. Nous avons modélisé toutes les procédures officielles mises en place, lancé la simulation, et nous sommes rendu compte que le véhicule en charge de la coordination de toute l’évacuation était pris d’office dans le nuage de cendre et donc que la procédure était caduque… Cela nous sert à voir les gros défauts sur les procédures et doctrines ! Et de faire des variations de ces doctrines. Une des applications vers laquelle nous souhaitons tendre à l’avenir est l’aide à la décision en temps réel. Ou reproduire la situation telle qu’elle est sur le terrain pendant une opération. Et que l’on peut jouer en accéléré pour voir si les décisions vont être optimales sur le terrain. Nous voulons simplifier l’utilisation, la mise en place. Plus on sera en mesure de simplifier, plus la mise en place en temps réel sera efficace. Dernières actualités du groupe C.C : Nous venons de créer une filiale, craft ai, focalisée sur le cœur de métier historique de MASA qu’est l’intelligence artificielle. Notre idée est d’amener nos technologies d’intelligence artificielle dans d’autres marchés que le militaire, la sécurité civile et la simulation. Nous proposons donc un moteur d’intelligence artificielle et une API qui vont permettre « d’automatiser intelligemment » des objets connectés, des applications web, mobiles, des robots... Nous voulons nous recentrer sur les problématiques d’algorithmes d’intelligence artificielle, et comment les rendre accessibles à des développeurs pour leur permettre d’améliorer leurs applications. Nous sommes partis du constat que, dans les objets connectés par exemple, on est soumis à une masse de données de plus en plus importante mais qu’il n’existe pas encore de solutions pour proposer des services pertinents à partir de ces données. Pour résumer, les objets sont là, les données aussi… mais on en fait quoi ? L’idée de craft ai est de permettre aux développeurs d’utiliser des mécanismes d’IA pour fournir la bonne interaction utilisateur qui soit contextualisée et qui tienne compte du profil utilisateur et de ses interactions, et ceci à partir de sources de données hétérogènes collectées via différents services et objets. On imagine ainsi facilement de faire communiquer les objets entre eux pour créer des applications toujours plus intelligentes et riches ! Un bon exemple en ce moment : les assistants personnels qui se veulent toujours plus proactifs et capables de vous simplifier la vie dans le quotidien… gérer vos rendez-vous, vous rappeler quand vous êtes en retard à une réunion ou si les transports vont vous faire défaut… Finalement, craft ai peut être vu comme un langage de programmation graphique pour de l’IA permettant de concevoir de la décision, de l’automatisation.... Nous sommes partis de notre expertise issue de la conception d’agents intelligents et nous souhaitons permettre maintenant à tout développeur qui en ressentirait le besoin d’embarquer cette intelligence dans des applications, des services IoT… Sans avoir le côté « black box » de certaines IA. Nous voulons que le développeur ait le contrôle de ce qui se passe et qu’il soit en mesure de comprendre l’automatisation de cette intelligence. Avec la création de cette filiale nous ouvrons largement le champ des possibles en nous permettant de toucher des développeurs de multiples domaines. Et bonne nouvelle la version beta de craft ai est accessible aux partenaires qui en feraient la demande à compter de cette semaine ! En attendant d’avoir accès à la version officielle, contactez-moi ! « Craft ai peut être vu comme un langage de programmation graphique pour de l’IA » En termes de perspectives, une fois la première version officielle sortie nous souhaitons travailler plus profondément sur la partie apprentissage (machine learning). Ainsi, dans un avenir proche nous pourrons proposer une version de craft ai qui fournit aux développeurs les moyens de créer des applications ou objets qui apprennent de l’utilisateur et de l’usage qu’il fait du service qui lui est proposé. Actuellement, il est déjà possible avec craft ai de stocker dans une base de connaissance l’historique d’utilisation d’une application et de prendre des décisions en fonction de cet historique. Cela permet de proposer des applications personnalisées à l’utilisateur, mais nous pensons pouvoir aller encore plus loin en intégrant des notions et algorithmes d’apprentissage. La problématique de ces technologies est que ce sont souvent des boites noires, donc on doit travailler au couplage d’un bon algorithme d’apprentissage avec une technologie qui se veut « white box ». C’est un chantier important pour nous, ainsi que le fait de faciliter l’utilisation des outils par ce que l’on appelle le « power user », une personne qui sans être spécialiste est curieuse des apports de l’intelligence artificielle pour la customisation d’un produit ou d’un objet… C’est une demande forte en particulier dans le domaine de la maison connectée pour scénariser et automatiser l’intelligence de la maison et permettre de la customiser à l’infini. __ 31 Equipe éditoriale : Directeur de la publication: Patrick Cocquet Responsable éditoriale: Johanna Castel Avec la participation de : Equipe Stratégie et Communautés Françoise Colaïtis, Johanna Castel, Stéphane Delouche, Karim El Bouazizi, Cyril Labordrie , Romain Melet, Elisabeth Racine, Muriel Brunet, Servane Danzin, Antoine Granjon, Lola Kahn Equipe R&D : Philippe Roy, Christelle Ayache, Aylin de Villechenous, Camille Coste Plus d’informations : [email protected] www.capdigital.com/publications Cap Digital Paris Region 14, rue Alexandre Parodi 75 010 Paris www.capdigital.com Twitter: @Cap_Digital Facebook: capdigitalparisregion Document # 15-167