Médias étudiants

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Médias étudiants
Médias Samedi
Médias étudiants : une autre école du journalisme ?
Occasion de faire ses premières armes, terrain d!apprentissage pour étudiants
en journalisme ou en communication, les médias étudiants sont souvent
perçus comme de véritables champs d!expérimentation permettant des essais
éditoriaux et des formats originaux. Pour autant, les compétences qu!on y
développe sont-elles reconnues par les médias institués ? Peut-on parler de
véritable formation acquise dans ce cadre ?
Intervenants :
- Vincent Glad, journaliste à 20 minutes
- Thomas Harms, ancien Rédacteur en chef de Radio Campus Paris
- Alexandre Hervaud, journaliste à Ecrans.fr (Libération)
C!est Thomas Harms, que l!animateur, Emmanuel Frochot, invite à réagir en premier
à la question posée. Du fait de son passif comme rédacteur en chef de Radio
Campus Paris, la réponse de Thomas pouvait être prévisible. Elle fut pourtant
nuancée":
«! Pour ma part, j"ai fait une école de journalisme, ce qui était également vrai pour
tous les «!campusiens!» qui étaient actifs à la radio quand j"y étais rédacteur en chef.
Il est évident que cette expérience à Radio Campus Paris a été un centre de
formation indéniable, un tremplin, une plus-value dans le cursus de formation, mais
je ne pense pas que l"on puisse dire qu"elle constitue à elle seule une vraie école.
Elle doit être complétée. La seule fille que je connaisse à Radio Campus Paris qui a
finalement intégré le monde des médias est aujourd"hui animatrice à France 24 mais
elle a dû batailler. Dans son cas, la lettre que je lui avais faite en tant que rédacteur
en chef de Radio Campus Paris a été un élément supplémentaire dans son
dossier.!»
L!expérience dans un média étudiant est reconnue par tous les intervenants comme
un terrain d!expérimentation et d!apprentissage précieux. Elle permet une liberté de
ton, la diffusion de musiques alternatives, et elle offre la possibilité de creuser des
sujets parfois négligés par les médias classiques. En effet, les médias institués
obligent– et les écoles de journalisme y préparent– à «" formater" » les papiers, à
traiter rapidement l!information et conduit parfois à une «" uniformité" » du type
d!information traité. Les médias des étudiants permettent une liberté de traitement
intéressante et stimulante souvent bien plus intéressante. Mais si les premiers ont un
lectorat de base établi, les deuxièmes luttent pour fidéliser le leur et se battent
souvent pour survivre" ! «! Je vous invite à considérer vos médias alternatifs,
étudiants, associatifs comme des médias à part entière. C"est à vous de les décrire
comme tels, à ne pas les sous-estimer ou à les marginaliser d"emblée" » a exhorté
Thomas.
Si Radio Campus Paris, avec ses 2 salariés, ses 2 volontaires et ses 150 bénévoles
fait office de média établi parmi les associations présentes, le témoignage de Radio
Campus Angers invite à repenser la problématique de la formation": «!Cette année,
nous avons enregistré une forte augmentation du nombre de reporters journalistes
bénévoles (multiplié par cinq), explique Christophe. Parce que la radio représente
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pour tous un moyen de faire ses armes, il est vite apparu que ces bénévoles ont
également besoin d"avoir un référent, d"être managés. Avec plus de 60 stagiaires
accueillis, Radio Campus Angers fait figure de véritable centre de formation, et nous
communiquons largement sur ce chiffre, il nous donne une assise. L"association a
ainsi mis en place un rôle de journaliste en titre, élu par les autres bénévoles, qui
nous légitime. pour coordonner les activités sur un an. Il assure ensuite le tuilage
avec son successeur. De plus, cette expérience de management et de responsabilité
constitue pour ce «!journaliste élu!» une véritable expérience professionnelle!! Cette
année, c"est un étudiant ingénieur qui s"est révélé dans cette prise de responsabilité
et pense même à se réorienter!!!»
Des 3 intervenants invités à témoigner, Vincent Glad, journaliste à 20 minutes.fr
semble être celui qui est le moins convaincu par l!expérience dans un média
alternatif / associatif / étudiant (la dénomination a fait débat durant toute la durée de
l!échange" !). Issu de l!Ecole Supérieure de Journalisme de Lille, il a seulement
participé «! vaguement! » à un journal périodique à la fac pendant 2 ans. «! Il faut
d"abord prendre conscience que de plus en plus d"écoles de journalisme sont
reconnues par le métier (de 7 il y a seulement quelques années, elles sont passées
à 12) Or, du fait de la crise des médias actuellement, le nombre de diplômés à la
sortie est supérieur aux besoins. De même, les médias associatifs sont largement
méconnus! : si les médias (presse écrite, TV et radio) se lisent et s"écoutent entre
eux, ils ne prêtent pas attention aux médias alternatifs. Au mieux, il faut donc
considérer l"expérience dans un média étudiant comme un terrain d"initiation, un
temps de pré-formation où l"on apprend à écrire, à formater, à être polyvalent, autant
de compétences déjà acquises qui font parfois la différence lors du concours
d"entrée à une grande école de journalisme. École où tu apprendras à encore mieux
écrire, à encore mieux appréhender l"information etc. Et puis surtout, l"école te dotera
d"un réseau de contacts dans le milieu, et les intervenants professionnels te mettront
sur les rails pour le premier CDD. Finalement, pour «!vendre!» son expérience dans
un média étudiant, il est préférable de le désigner comme une sorte de stage qui
aurait duré 2, 3 ans selon les degrés d"implication.!»
«!C"est dommage de le cantonner à un simple moyen de parvenir à ses fins!…, lui
répond Thomas".! A Radio Campus Paris, on avait réussi à imposer notre style, on
est même passé du bricolage sur le web à la bande FM!! On peut se vanter d"avoir
réussi à interviewer des pointures politiques, ce qui n"est jamais aisé quand on est un
média alternatif, avec peu d"audimat à mettre en avant…!»
Le troisième témoin, Alexandre Hervaud, a été récemment embauché à Ecrans.fr (lié
au site Libération.fr) Issu d!un Master Information-Communication spécialité
Multimédia de l!université de Nantes, il a fait ses premières armes à Presse-Océan et
Ouest France pour quelques piges, mais c!est surtout ses articles socio-culturels
dans le webzine FRAGIL et ses implications dans des associations culturelles qui lui
ont permis de se distinguer pour cette embauche, et surtout de se spécialiser, de se
donner une couleur, une spécificité. «!Mon rythme universitaire – 17h par semaine –
permettait ces implications parallèles pour se spécialiser professionnellement. Il m"a
permis de creuser dans certaines directions, d"expérimenter, de proposer autre
chose!»
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Certains de ces amis de promotion évoluent aujourd!hui dans différents supports, du
magazine municipal aux médias d!entreprises en passant par les petits médias
locaux (Télé locale, presse écrite…) qui sont, à en croire de récentes études, les
médias qui progressent le plus en ces temps de crise de la presse écrite. «! Et par
définition, les médias étudiants / alternatifs / associatifs, sont dans ce créneau!!!!!! Ils
ont donc leur carte à jouer pour être reconnus localement!» constate Alexandre.
De la carte d!étudiant à la carte de presse
À plusieurs reprises, la carte de presse, sésame des journalistes, symbole de la
déontologie journalistique, certificat professionnel pour accéder aux événementiels,
est apparue comme la pièce manquante aux médias associatifs pour gagner leur
légitimité et enfin entrer dans «! la cour des grands! »" ; celle de ceux qui sont
reconnus. Mais le hiatus de la formation conventionnelle a refait son apparition dans
le débat. Comment l!obtenir sans être issu d!une école de journalisme" ? Des
associatifs informés avancent pourtant que seules 12% des 30 000 cartes en
circulation sont délivrés à des journalistes issus des écoles reconnues….En
Allemagne, moins conservatrice que la France en la matière, les médias étudiants
mieux reconnus, ont la possibilité d!obtenir la carte de presse au même titre que les
médias classiques. En France, depuis 1991, Jets d!encre en France permet toutefois
aux jeunes journalistes d!obtenir la Carte de presse jeune, un gage de crédibilité
supplémentaire pour ses détenteurs.
Loin de larmoyer sur ce manque de reconnaissance, certains associatifs plaident
pour affirmer leur originalité" : «! Plutôt que d"être dans la réclamation, militons pour
faire reconnaître nos médias jeunes, alternatifs comme médias à part entière!! Notre
chance, notre niche c"est notre regard original, l"alternative que l"on propose. Parce
qu"on fait peut-être d"abord un autre journalisme, parce qu"on oscille souvent, nous,
jeunes investis dans un média, entre notre avenir personnel et celui de notre média,
on questionne sans cesse!»
Alexandre et Thomas abondent dans ce sens «!Etre spécialiste, c"est LA clef!» selon
Thomas""; «!Ne surtout pas chercher à singer les médias traditionnels, c"est la porte
ouverte aux copies fades et sans intérêt, alors que les médias alternatifs peuvent
être de vrais espaces d"expérimentation!» confirme Alexandre.
D!autres invitent à penser à d!autres formes de reconnaissance": «!Il faut penser au
passeport bénévole de France Bénévolat, ou intégrer un club de presse locale, sinon
on s"expose à être toujours à la marge, en retrait, de côté, et on ne sera jamais
reconnu comme des partenaires à part entière…!»
Vincent évoque le cas des nouveaux médias sur Internet (Médiapart, Rue89, …)" :
«! Bizarrement, tous ont pourtant été créés par des journalistes confirmés. Or,
Internet est par définition un espace jeune!! Les jeunes, hors des sentiers battus des
grandes Ecoles reconnues, se doivent de l"investir! ! C"est un énorme espace de
création. Nous sommes jeunes, polyvalents, touche-à-tout, et on maîtrise mieux ces
nouvelles technologies que nos aînés.!»
Comment créer quelque chose de différent"?
Seuls 5% des événements sont retranscrits dans la presse. Les médias alternatifs
ont leur carte de proximité à jouer. «!Les médias institués peinent toujours à parler à
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un public jeune, constate Vincent. Les médias jeunes, alternatifs, étudiants,
associatifs, ont leur carte à jouer!!!»
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