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1 2 Arbitres, juges et officiel(le)s en Bourgogne Portraits, histoires, témoignages 3 AVERTISSEMENT Cet ouvrage s’appuie sur des témoignages et des portraits d’hommes et de femmes engagés dans les fonctions d’arbitres, juges ou officiel(le)s. Bien sur ce ne sont pas les seules personnes remarquables à s’investir pour le sport en Bourgogne, mais compte-tenu de leur nombre il n’était pas possible de toutes les citer, ni de représenter toutes les disciplines de la Région Bourgogne. A travers cet ouvrage nous souhaitions rendre hommage à ces hommes et ces femmes qui ne naissent pas arbitres mais qui par passion le deviennent ! Coordonné par Carine ERARD, Maître de Conférences à l’Université de Bourgogne. Ludivine JACQUINOT, Chargée de Mission au CROS de Bourgogne. Edité par La Faculté des Sciences du Sport de l’Université de Bourgogne, en partenariat avec le Conseil régional de Bourgogne et le Comité Régional Olympique et Sportif de Bourgogne. Date d’édition Octobre 2011. direction artistique / maquette Sportunit - Agence Sportive - [email protected]. impression ICO Imprimerie - 17, rue des Corroyeurs - 21000 DIJON. Crédits photos FF de Handball, FF de Gymnastique, FF de Lutte, FFF.fr, F. ROUSSEL, R. BURZA, T. HAZEBROUCK Focale.info, Sportissimo S. PILLAUD. 4 Préface de Chantal JOUANNO, Ministre des Sports - p. 7 Introduction de Safia OTOKORÉ, Vice-présidente du Conseil régional de Bourgogne - p. 9 Quand les joueurs inventèrent l’arbitre (T.CHAPRON) - p. 10 Arbitres, juges, officiel(le)s, commissaires : des appellations, rôles, fonctions et critères d’appréciation relativement variés selon les disciplines sportives (R.BIDET et C.ERARD) - p. 12 Arbitrer et officier bénévolement L’arbitre comme missionnaire de l’éthique (T.CHAPRON) - p. 15 ProfilS sociaux des arbitres de football de la ligue de Bourgogne (A.PERREAU-NIEL) - p. 16 Quelques chiffres sur les effectifs d’arbitres en Bourgogne (enquête CROS) - p. 18 Quand les femmes arbitres jugent ou officient La femme en noir, figure d’exception dans l’arbitrage du football français (N.PENIN et O.HIDRI NEYS) - p. 21 Interview de Gwenaëlle PRIN, Arbitre de rugby - p. 22 Interview de Julie BONAVENTURA, Arbitre internationale de handball - p. 24 Interview avec Corinne LAGRANGE, Contrôleur d’arbitres en football - p. 26 Former des arbitres ou officiels Portrait de Clément TURPIN, CTR en arbitrage en Bourgogne - p. 29 Interview avec Alexandre PERREAU-NIEL et Jean-Marc VATINET, Sport-études arbitrage - p. 30 UNSS, l’arbitrage et le jugement par des jeunes officiels (C.LEPETZ) - p. 34 Interview avec Fabien GUILLOT, Cadre technique sportif de rugby - p. 36 La colonie sportive ou la machine à arbitrer (P.LIOTARD) - p. 37 Arbitrer, juger ou officier à haut niveau Les arbitres et leurs émotions (S.LABORDE et F.DOSSEVILLE) - p. 39 L’erreur d’arbitrage (F.DOSSEVILLE) - p. 39 Portrait de Marianne ASSADI, Juge internationale de gymnastique - p. 40 Préparation physique et arbitres de haut niveau (M.LACROIX) - p. 42 Quelques chiffres sur les arbitres de football de ligues 1 et 2 (A.PERREAU-NIEL) - p. 44 De la théodicée à la télédicée (T.CHAPRON) - p. 45 Les arbitres : des outils marketing Le sport, un instrument stratégique pour les entreprises (N.GASMI) - p. 47 La Poste, partenaire des arbitres (D.LAJOINIE) - p. 48 Interview avec Sébastien MOREIRA, arbitre et postier - p. 50 L’arbitrage vu par les sportifs bourguignons en préparation pour les Jeux Olympiques de Londres - p. 52 Conclusions et remerciements de Jean-Pierre PAPET, Président du CROS de Bourgogne - p. 56 Quelques idées de lecture - p. 57 5 6 PRÉFACE Garants des règles du jeu, les arbitres sont la clé de voûte, discrète mais indispensable, du sport. Ce sont eux qui permettent aux sportifs de donner le meilleur d’eux-mêmes, eux qui permettent la tenue de millions de compétitions, chaque année, dans notre pays. Les arbitres exercent une mission difficile qui exige de la rigueur, de l’humilité et du dévouement. Cette mission est d’autant plus difficile qu’ils subissent des pressions croissantes et voient leurs décisions de plus en plus souvent contestées. Nous devons donc réaffirmer avec force le respect de la règle et du corps arbitral. Dans cette perspective, j’ai engagé plusieurs actions visant à redonner pleinement au sport sa dimension éthique, éducative et sociale. J’ai ainsi installé au cours du mois de mai un comité du supportérisme qui aura comme mission de rétablir un dialogue et un respect mutuel entre tous les acteurs présents dans les stades, joueurs, arbitres, supporters, dirigeants de clubs, etc. J’ai également décidé de conditionner une partie du soutien accordé par l’Etat aux clubs à l’adoption d’un projet éducatif, comprenant une charte éthique. Je suis en effet convaincue que nous avons tout intérêt à nous appuyer sur les associations sportives pour transmettre les valeurs du sport et enseigner les bons comportements à nos jeunes. La publication du CROS Bourgogne sur les « arbitres, juges et officiel(le)s du sport en Bourgogne » s’inscrit dans cette démarche globale de reconnaissance de l’engagement des arbitres. Je ne peux donc que l’en féliciter. Elle a également le mérite d’illustrer la diversité du monde arbitral, en évoquant notamment la féminisation de ce corps ou encore les enjeux liés à l’arbitrage du handisport. J’encourage donc un large public à en prendre connaissance. Chantal JOUANNO Ministre des Sports 7 8 INTRODUCTION Si le sport véhicule des valeurs positives et humanistes, il recèle des attitudes et des comportements déviants car il est aujourd’hui un fait sociétal reconnu. Codifiée et normée, la pratique sportive se veut équitable dès lors qu’elle se réfère à un ensemble de lois et règles respectées par chacun. Afin de permettre un déroulement harmonieux des compétitions, les arbitres sont donc indispensables et à ce titre doivent être respectés. Parce que la Région contribue au développement de l’ensemble des pratiques sportives, elle intègre dans ses priorités l’identification de mesures spécifiques inhérentes à la valorisation des arbitres et de leurs missions. Elle soutient toutes les actions initiées par les ligues régionales qui visent à promouvoir les initiatives favorisant le respect du corps arbitral, notamment le carton blanc au District de football de Côte-d’Or, la formation des jeunes arbitres à l’UNSS ou l’intégration des arbitres au même titre que les joueurs au pôle de rugby... Ainsi la réussite de Clément TURPIN plus jeune arbitre français au niveau international et qui continue dans le cadre de son activité professionnel d’assurer des formations au sein de la Ligue de football est une fierté pour la région et peut, je l’espère, susciter d’autres vocations. Le Conseil régional a en effet l’ambition, depuis longtemps déjà, de valoriser les exceptions, pour pouvoir susciter des rêves et des désirs chez nos jeunes. Je me félicite aujourd’hui de la parution de ce livre « Arbitres, juges et officiel(le)s du sport en Bourgogne » qui s’inscrit dans une continuité du précédent ouvrage « Sportives en Bourgogne » qui symbolise les liens qui nous unissent à l’Université de Bourgogne. La passion qui anime les arbitres doit être la même que celle de tout sportif. Safia otokoré Vice-présidente du Conseil régional de Bourgogne 9 QUAND LES JOUEURS INVENTERENT L’ ARBITRE qui fait référence pour la première fois au Referee, au chapitre 27 des règles du jeu de l’école. Il y est précisé « pour chaque match important, il devrait y avoir un umpire (chaque capitaine choisissant le sien) et un arbitre […]. Chaque point sur lequel les umpires ne parviendraient pas à se mettre d’accord sera décidé par l’arbitre »3. Mal nécessaire pour certains, panaris du football pour d’autres1, empêcheur de jouer en rond pour tous, l’arbitre attire toutes sortes d’expressions de rejet qui témoignent souvent d’une méconnaissance historique. L’arbitre n’existait pas lorsque le football a été inventé, il fait donc toujours figure d’intrus dans cet univers. Ainsi apparaît une haute autorité extérieure au jeu, celui auquel on se réfère (the referee) en cas de litige. Sa consultation restera exceptionnelle mais gage de neutralité (souvent un notable du village). Sa posture ressemble à celle du juge-arbitre au tennis et il est fréquent de voir the Referee sur une chaise à l’extérieur du terrain. Cette extériorité s’explique notamment par la rareté de ses interventions mais elle va devenir problématique à mesure que les matches revêtiront une importance croissante et que les enjeux dépasseront la simple suprématie locale. L’apparition de l’arbitre de football Comprendre la naissance de l’arbitre dans le football nous oblige à plonger dans un contexte socio-historique qui met en lumière un faisceau conjoncturel où se mêlent : constitution législative, intensification des transports, apparition du professionnalisme et enjeux symboliques et/ou financiers croissants. Dans la première moitié du 19ème siècle, on trouve une douzaine de codes concernant la pratique du football, ainsi peut-on citer les codes (règles) des grandes Public Schools (puisque c’est en leur sein que le sport se développe) : Eton, Harrow, Uppingham, Westminster, Shrewsberry, Winchester, Cheltenham, Rugby, etc. Le football est alors un sport d’école et il est difficile de pratiquer en dehors du cadre scolaire, comme il est difficile de pratiquer le football entre écoles. En effet, chaque Public School a élaboré un corpus de règles propres qui ne correspondent pas tout à fait aux règles de ses concurrentes. Ainsi lorsque les premiers matches sont organisés entre écoles, il appartient aux capitaines de définir au préalable quelles règles seront appliquées pour pouvoir débuter la rencontre. Si cela s’avère parfois délicat, l’instauration de règles fixes et communes va devenir indispensable avec l’essor des transports. Auparavant, les modalités de la pratique étaient relativement proches entre communes (écoles) voisines partageant un socle commun lié aux pratiques ancestrales entre villages. Mais l’apparition des chemins de fer et l’extension du réseau routier vont permettre des échanges plus nombreux et plus fréquents entre les villes et si la proximité géographique favorisait le partage de codes communs, l’ouverture vers des « contrées éloignées » va rendre ce partage plus incertain voire conflictuel. Pour limiter les sources d’affrontement lors des rencontres interscolaires, chaque capitaine va alors présenter un umpire2, lequel sera placé derrière chaque but. Ses attributions étaient relativement restreintes puisqu’il devait veiller à la validité des buts (le ballon avait-il franchi la ligne entre les montants ? Il n’y avait pas de filet pour stopper la course du ballon) et il n’intervenait qu’à la demande des capitaines en cas de désaccord sur l’application des règles préalablement définies. Cette adjonction provient donc d’une incapacité des protagonistes à autoréguler leur pratique. Le recours à une autorité exogène devient alors systématique. Mais cette nouvelle approche sera de courte durée car l’implication des umpires suscitait quelques suspicions dans la mesure où ils représentaient les équipes engagées. Leur jugement était donc soumis à caution et leur neutralité parfois remise en cause. C’est pourquoi, certaines écoles instituèrent, au cours des années 1840, un troisième personnage. Ce fut le cas notamment de Cheltenham 10 Car, après l’élaboration le 26 octobre 1863 d’un code commun à plusieurs clubs de la région de Londres4, la mise en pratique des règles devint une affaire sérieuse. Pour incarner cette nouvelle législation, il fallut mandater des représentants de la loi qui pouvaient dès lors s’appuyer sur un texte de 14 lois définies et acceptées par chacune des équipes ayant ratifiés le document initial5. Nul besoin de conciliabule ou de négociation avant les rencontres entre les deux capitaines, l’arbitre était là pour faire respecter les lois que les joueurs avaient eux-mêmes élaborées mais dont ils ne pouvaient garantir la « fair » application. La présence rassurante d’un référent législatif va permettre au football d’étendre sa pratique au-delà d’un cercle d’initiés. Dès lors, les règles sont intelligibles par tous et incarnées par un personnage neutre garant du respect des lois et de leur esprit, et surtout qui permettent de valider des résultats acquis puisque ceux-ci attestent du respect du même règlement sur tous les terrains. Si son recours était initialement destiné à trancher des litiges liés à l’appréciation d’une règle, son rôle devient plus interventionniste en 1885. On dote alors les arbitres d’un sifflet puis à partir de 1888, ils ont la possibilité d’accorder des pénalités et d’expulser les joueurs violents. L’arbitre quitte son rôle de référent pour devenir intervenant, même si ses décisions restent limitées aux seuls cas graves. Son implication va aller croissant notamment parce que le football va se développer très rapidement et dépasser le cadre scolaire et universitaire pour faire son entrée dans la société civile. En plus du dimanche, les ouvriers se voient « offrir » une demi-journée de congé le samedi après-midi, ce qui favorise le développement d’activités ludiques dont le football devient très vite la plus populaire. Si bien qu’une Ligue de football (League) voit le jour en 1888. Elle est chargée de mettre en place un championnat et d’organiser la professionnalisation du jeu. Une nouvelle ère s’ouvre où les enjeux vont vite devenir des enjeux économiques pour les joueurs, les équipes et leurs propriétaires. Dans ces conditions, le respect scrupuleux des règles devient indispensable et la place de l’arbitre incontournable à tel point que celui-ci va faire son entrée sur le terrain de jeu en 1891. Observateur privilégié à l’origine, référence législative, garant des lois puis acteur du jeu, son rôle se modifie au gré de l’essor du football et des enjeux économiques qui lui sont liés. Alors que les résultats relevaient de la victoire symbolique d’un village sur l’autre, d’une école sur l’autre, la professionnalisation du football induit une dimension économique qui ne peut supporter l’aléa ou pis le doute quant à l’honnêteté du résultat. La régulation endogène initiale n’a plus alors de légitimité puisqu’elle est sujette à contestation et tricheries diverses. Seule l’invention de l’arbitre par les joueurs eux-mêmes va permettre de poursuivre le développement du football, sa diffusion planétaire et la mise en place de championnats régulés et finalement son imprégnation économique. Pierre angulaire du sport le plus populaire, l’arbitre demeure pourtant aux yeux de tous (acteurs et spectateurs) comme l’intrus, celui qu’on aimerait voir « aux chiottes ! ». Au moment de tirer la chasse d’eau, ses contempteurs n’oublieront pas que le flot risque d’emporter à l’égout le football dans son ensemble… 1 Voir la chronique dans L’Equipe du février 2011. NOUMPERE forme ancienne signifiant impair. On voit ici que pour trancher un conflit, on se tourne vers une tierce personne. L’une des premières utilisations dans le domaine sportif date de 1861 dans le Times (12 juillet) à l’occasion d’une régate. 3 The History of the Football Association. The Naldrett Press. Londres. 1953, p.15. 4 Plusieurs capitaines de Londres et sa région se réunissent dans la Freemasons’ Tavern in Lincolns’ Inn Fields pour établir un corpus de règles qu’ils appliqueront au cours des rencontres les opposant. 5 On peut consulter ces règles in Stanley Rous et Donald Ford, A History of the Laws of Football Association, Publication de la FIFA, Zurich, Suisse, 1974, p.20. 2 Tony Chapron Doctorant et Arbitre international en Ligue de football 11 Arbitres, juges, officiel(le)s, commissaires : Des appellations, rôles, fonctions et critères d’appréciation relativement variés selon les disciplines sportives Arbitres, juges, officiel(le)s et commissaires sont des personnages incontournables, au cœur du bon déroulement des rencontres sportives et pourtant, le plus souvent, ils restent dans l’ombre… Si tous présentent le point commun d’assurer l’application d’un règlement au cœur de l’éthique sportive, leur diversité est bien plus étendue qu’elle n’y paraît au premier coup d’œil. Selon les disciplines sportives, leurs rôles diffèrent, tout comme la place qu’ils occupent sur le « terrain » ; leurs critères de jugement sont de nature différente ; le code des couleurs assigné à la signification des « cartons » ou « drapeaux » est varié ; l’assistance à l’arbitrage est plus ou moins développée, etc. Arbitres, juges, officiel(le)s et commissaires occupent une place différente sur l’aire de confrontation sportive. Ils peuvent être « mélangés » aux sportifs et donc au cœur de l’action comme le sont les arbitres sur les terrains de handball et de basketball et l’arbitre central sur les tatamis de judo ou karaté ou sur le ring de boxe. Dans bien des cas, ces arbitres « au cœur de l’action » sont aidés dans leurs prises de décision par des assistants (football), des juges de touche (rugby), des juges de coin (judo), des juges de table (karaté), œuvrant à la périphérie immédiate de l’action. En volleyball ou en tennis, l’arbitre est situé à l’extérieur de l’aire de jeu, assis sur une chaise et surplombant les joueurs. En cyclisme sur route, des « commissaires de course » en voiture ou moto accompagnent les coureurs tout au long du circuit. De même, en marathon ou en marche athlétique, des commissaires sont placés tout au long du parcours. Sur les stades d’athlétisme, les « juges de virage » et « juges d’obstacle » jalonnent la piste. En lien avec cette diversité des places occupées, leurs rôles sont également relativement variés. En football, l’arbitre est épaulé par les « arbitres assistants chargés d’indiquer les sorties de terrain et les hors jeu. En tennis, les « arbitres de chaise » ont autorité sur des « juges de ligne » chargés d’indiquer si les balles sont bonnes ou « out » ; en gymnastique également, des « juges de lignes » vérifient les sorties de praticable. En natation, aux côtés des « juges de nage » vérifiant l’application des critères techniques de nage, les « officiels » ont la charge de chronométrer les temps de course. En athlétisme, les juges de « virage » ou « d’obstacle » sont postés tout au long de la piste pour contrôler le franchissement des couloirs et des haies tandis que les « chronométreurs » se chargent, à l’arrivée, de prendre les temps de course. En rollerskating (spécialité slalom vitesse), chaque « juge de parcours » suit un compétiteur sur une ligne de plots après avoir vérifié les faux départs (le départ étant donné par un « juge de départ ») ; en rampe, trois « juges de tables » évaluent chaque run en se répartissant les critères (techniques, style et gestion). En course automobile, les « commissaires » sportifs sont chargés de faire appliquer le règlement et de juger d’éventuelles réclamations. Les critères de jugement sont également divers : uniquement techniques pour les uns ; esthétiques pour d’autres ; les deux associés pour d’autres encore. En athlétisme, alors que les « juges » mesurent un « score » précis en temps ou distance, en gymnastique comme en gymnastique rythmique et sportive, ski acrobatique, roller-skating (slalom-figure, rampe), voltige ou dressage en équitation, il s’agit d’apprécier des critères techniques, esthétiques et parfois chorégraphiques. 12 Si tous utilisent une symbolique des gestes ou de notation pour communiquer leur jugement, la couleur des « cartons » ou des drapeaux varie et ils sont brandis à différents moments de la compétition. En marche athlétique, le commissaire peut adjuger, en cours de compétition, un carton si le marcheur ne respecte pas le règlement technique de la marche (seule épreuve d’athlétisme tributaire d’une appréciation technique). Selon les disciplines et la gravité de la faute commise, le carton est le plus souvent jaune ou rouge. En escrime, cependant, l’expulsion ou disqualification est signifiée par un carton noir (le carton jaune étant un simple avertissement et le carton rouge accordant une touche de pénalité à l’adversaire). En Judo, ce sont des drapeaux, rouge ou blanc, qui sont utilisés uniquement en fin de combat (c’est ce qu’on appelle le « hantei », décision des juges) pour désigner le vainqueur (la couleur du drapeau levé désignant le vainqueur, en accord avec la couleur de la ceinture des combattants). En water-polo, quatre couleurs de drapeau sont utilisées (blanc, bleu, rouge, jaune), en lien notamment avec la nécessité de distinguer les équipes en fonction de la couleur de leurs bonnets (bleu et blanc). En course automobile, un drapeau quadrillé en noir et blanc est agité devant les pilotes à l’arrivée ; en football, c’est un drapeau quadrillé de jaune et de rouge que l’arbitre assistant lève pour indiquer un hors-jeu. L’assistance à l’arbitrage peut prendre des formes diverses. En tennis, dans les tournois du circuit professionnel, les joueurs peuvent contester une décision de l’arbitre en faisant appel de manière ponctuelle (3 recours par Set) à un système informatique d’assistance vidéo : le « Hawk Eye » (œil de faucon) qui reconstitue la trajectoire de la balle en image de synthèse diffusée sur des écrans géants sur le court. Dans beaucoup de disciplines, l’arbitrage vidéo n’est effectivement officialisé qu’au plus haut-niveau, en raison de contraintes techniques notamment. En rugby par exemple, l’arbitrage vidéo, pour valider un essai, n’existe qu’en Top 14 ou lors des matches internationaux, c’est-àdire, lors des rencontres retransmises par la télévision qui fournit alors les images. « L’arbitre-vidéo », placé dans le quart-régie est désigné par les instances fédérales ou internationales, et il officie au même titre que l’arbitre principal (en Pro-D2, ce sont deux « juges d’enbut », appelés arbitres n°4 et 5, qui viennent remplacer l’arbitre « vidéo ». Dans d’autres activités, des résistances persistent, notamment parce que le recours à l’arbitrage vidéo n’est pas sans interroger la place et le rôle des juges et arbitres... En football par exemple, la mise en place d’arbitres complémentaires (5ème et 6ème arbitre) placés derrière les lignes de but est actuellement testée. En patinage artistique le jugement vidéo fait désormais partie intégrante de la règlementation à partir du niveau des championnats de France Junior et Elite. Les éléments techniques sont validés par un référent technique et appréciés par des juges qui disposent tous d’écrans de contrôle leur permettant d’enregistrer également les notes attribuées. En outre, les personnes et les lieux de ces prises de vue sont variables : en vol relatif, l’une des disciplines du parachutisme, le jugement se fait à partir du visionnage de prises de vue réalisées par l’un des membres de l’équipe, le vidéo-man, la qualité du film étant prise en compte dans la notation. En voile contact, autre discipline du parachutisme, les prises de vue permettant d’éclairer le jugement s’opèrent depuis le sol. Enfin, dans la majorité des cas, les arbitres, juges, officiel(le)s ou commissaires sont des tierces personnes « neutres », extérieures aux joueurs, le plus souvent désignées par les instances fédérales. De ce point de vue, le golf et la pétanque se distinguent : toutes les compétitions officielles sont placées sous la direction d’un arbitre qui est là pour veiller au bon déroulement du jeu et qui n’intervient qu’en cas de litige et pour valider les résultats, les parties jouées à l’intérieur de la compétition le sont le plus souvent en auto-arbitrage. Cette diversité, ici juste esquissée, des appellations, places, fonctions et rôles des arbitres, juges, officiel(le)s et commissaires, rend compte, à l’évidence, de l’extrême variété des compétences requises chez ces acteurs du monde sportif, battant en brèche l’idée reçue selon laquelle « n’importe qui peut s’improviser arbitre le dimanche »… Un certain nombre d’indicateurs plaident en ce sens. Tous doivent valider une formation théorique (connaissances des lois du jeu, du code de pointage, etc.) et pratique (retour de prestation à partir de la vidéo, évaluation in situ, en match, par des observateurs ou experts, tests physiques, etc.), avec parfois même, une période en tant que « stagiaire » (pé- riode de deux ans en golf). L’existence de Sport-études arbitrage au même titre que pour les joueurs montre qu’une formation approfondie des arbitres est désormais valorisée et nécessaire. Les deux places réservées aux arbitres au pôle espoir de rugby de Dijon, en offrant une structure d’accueil commune aux joueurs et aux arbitres, renvoie à cette même nécessité de formation des arbitres, juges, officiel(le)s ou commissaires, que des sportifs. Richard Bidet Chargé de Mission au CROS de Bourgogne Carine Erard Maître de Conférences à l’Université de Bourgogne 13 01 Arbitrer et officier bénévolement 14 L’arbitre comme missionnaire de l’éthique L’institution sportive trouve sa légitimité autour de deux fonctions : organiser les compétitions, élaborer et définir les règles de la pratique. Or, pour accomplir cette entreprise de régulation, les fédérations sportives ont recours à un personnage garant du respect des lois et de l’esprit civilisateur de celles-ci : l’arbitre. Les règles ont une vertu sociale, elles tendent à normaliser et pacifier les rapports humains ; les règles sportives constituent d’ailleurs des modèles universels de normalisation puisque les règles du football, du basket-ball, du volley-ball, et autres sont les mêmes sur toute la surface du globe. Le respect de ces règles, induit par la présence de l’arbitre, constitue une adhésion de facto au projet moral que le sport est censé porter, puisqu’il est conçu, dès le début du siècle par Pierre de Coubertin, comme « un agent de perfectionnement moral et social »1. Les valeurs2 que l’on associe traditionnellement au sport : méritocratie3, égalité des chances, équité, respect de l’adversaire, ne manquent pas de nous rappeler la fonction éthique de celui-ci. Or, ce missionnaire des temps modernes se trouve confronter à une crise morale qui n’épargne plus le domaine sportif tant celui-ci imprègne la société dans son ensemble. Les valeurs sans cesse reprises comme des psaumes sur tous les terrains du monde supportent mal d’être confrontées aux réalités sociales. Les atteintes répétées, tolérées et incorporées à la morale sportive (corruption, dopage, tricheries, violences) altèrent chaque jour un peu plus un discours institutionnel auquel les alouettes n’osent même plus croire. Dans ce contexte irrévérencieux, le message éthique que porte l’arbitre subit une distorsion telle, que sa mission prophétique rencontre au mieux des agnostiques au pis des hérétiques. Tony Chapron Doctorant et Arbitre international en Ligue de football 1 Pierre de Coubertin, Pédagogie sportive, réédition Vrin, Paris, 1972. p.7 On lira sur le sujet, sous la dir. de Michaël Attali, Le sport et ses valeurs, Paris, La Dispute, 2004. 3 Alain Ehrenberg, Le culte de la performance, Paris, Calmann-Lévy, 1991. 4 Code du sportif édicté par L’association française pour un sport sans violence et pour le fair-play. 5 Norbert Elias, « La genèse du sport en tant que problème sociologique » in Norbert Elias et Eric Dunning, Sport et civilisation, la violence maîtrisée, Paris, Arthème Fayard, 1994, p.196. 2 Dans cet univers, l’arbitre remplit deux missions : - il est chargé de transmettre les codes et règlements et de veiller à leur respect, il a alors un rôle de héraut législatif ; - il participe à l’intériorisation des comportements codifiés, dont l’objet est de normaliser et de moraliser les relations interindividuelles. C’est ce point précis qui fait de l’arbitre le missionnaire de l’éthique sportive. En effet, il est mandaté par l’institution pour promouvoir des valeurs morales que l’on peut reprendre sous le terme d’éthique car il s’agit d’une véritable philosophie comportementale. Il incarne doublement cette éthique puisqu’il représente la justice dans ses dimensions de neutralité, d’intégrité et d’équité et, dans le même temps, il œuvre à la transmission des valeurs morales et civilisatrices que sont « l’effort […], la loyauté […], le respect […], la fête […], la fraternité […], la solidarité […] »4. Porteur institutionnel de ce projet de civilisation sportive, l’arbitre s’inscrit dans une logique de diffusion d’une culture morale qui doit transcender les particularismes géographiques, sociaux et/ou religieux. Car le terrain de sport constitue un lieu d’expérimentation et de confrontation permanente à la règle et donc à l’éthique. Il est à ce titre, un espace social universel, où l’acculturation à une forme d’éthique est obligatoire sous peine d’être exclu du jeu. Les règles sportives ont pour objectif la normalisation des comportements sociaux autour de valeurs morales qui dépassent le simple cadre de la pratique, car, ce qu’elles nous donnent à comprendre, intégrer et diffuser, c’est une vision d’un monde pacifié, civilisé et normé. C’est ce qu’explique Norbert Elias lorsqu’il écrit que « le niveau de civilisation des jeux de compétition et ses variations restent incompréhensibles si on ne les rapproche pas au moins du niveau général de violence socialement autorisé, de l’organisation du contrôle de la violence et, corrélativement, de la formation de la conscience dans les sociétés données »5. On comprend ici quel rôle assure l’arbitre au sein de l’institution : former les consciences à partir de valeurs morales. 15 Profils sociaux des arbitres de football de la ligue de Bourgogne L’enquête réalisée auprès de 41 arbitres bourguignons nous permet de présenter quelques traits remarquables de cette population (origine sociale, passé sportif, niveau de diplôme, profession). En très grande majorité des hommes, ils sont globalement issus de familles des classes populaires et moyennes, avec un recrutement majoritaire parmi les familles d’employés/ouvriers (45%). Les arbitres ont des pères sportifs dans 51% des cas, avec, dans 15% des cas, un père qui a été arbitre lui-même (officiant dans 67% des cas dans l’activité football). Dans un grand nombre de cas, c’est par conséquent un père « sportif » qui a contribué à transmettre le goût de la pratique arbitrale et la culture correspondante. Un arbitre interrogé souligne dans ce sens que « depuis toujours mon père est dans le foot et, en l’accompagnant, j’ai arbitré mes premiers matches ». Anciens footballeurs le plus souvent (dans 88% des cas), leur venue à l’arbitrage a succédé à leur pratique du football en tant que joueurs (conduisant à un recrutement « endogène » du corps arbitral). Les arbitres officiant en Bourgogne sont souvent jeunes, de 18 à 23 ans, encore étudiants et peu nombreux à être entrés dans la vie active. Cette forte présence de jeunes adultes s’est accentuée ces dernières années avec la politique de jeunesse mise en place par le Comité Régional d’Arbitrage de la Ligue de Bourgogne. 26% des arbitres ont un CAP/BEP ; 36% des arbitres bourguignons ont obtenu un diplôme inférieur ou égal au baccalauréat ; 18% ont un diplôme universitaire. Parmi les 70% d’arbitres exerçant une activité professionnelle, 32%, la majorité, sont des employés ; 20% de professions intermédiaires, 5% de professions intellectuelles, 5% artisans ou commerçants, 3% agriculteurs, 5% d’autres professions. Enfin, 12% sont étudiants (18% sans réponse). Ils doivent alors concilier leur métier ou leur scolarité, avec l’arbitrage et leur famille. Par conséquent, même si les contraintes sont moins importantes que pour un arbitre de haut-niveau, les arbitres bourguignons doivent être capables de « jongler » avec différentes activités. De plus, ils ont des responsabilités au sein des instances du football. En effet, les arbitres bourguignons sont investis (44%) au sein des différents districts de la Ligue, que ce soit dans des rôles de formateur, d’observateur ou de président de commission. Cette activité montre la dynamique de la Ligue Bourgogne et de ses arbitres. L’arbitre bourguignon n’est donc pas « seulement » actif sur le terrain, mais également en dehors et il favorise ainsi le développement de l’arbitrage dans sa région. Niveau de diplôme des arbitres de la Ligue de Bourgogne de football (Saison 2008-2009) 30% 25% 20% 15% 10% 5% 16 sa ns r sa épo ns ns dip e lôm e Br ev CE et co P llè CA ge P/ BE Ba P Ba c Pr cg o én é DU ral T/ BT S DE U Lic G en M ce aît ris e CA Ag PE S r DE égat A/ ion Do cto ra t Au tre s 0% La profession des arbitres de la Ligue de Bourgogne de football (Saison 2008-2009) 40% 30% 20% 10% Sa t ud de Et ré po ns ian e tre Au Pa s ns pr of es ell sio n es r ctu te In of Pr dr es lle up éd Ca rm te in of Pr ér iai ieu re é oy pl nt Em ça er mm Ar tis an co Ag ric ult eu r 0% Le passé de footballeur des arbitres de la Ligue de Bourgogne de football (Saison 2008-2009) 25% 25% 35% 07% 08% Gardien de but Défenseur Attaquant Milieu Sans réponse 17 quelques chiffres sur les effectifs d’arbitres en bourgogne (enquête cros) Gymnastique* 959 International : 3 National : 41 Régional : 479 Autre : 436 Football Tennis de table Athlétisme National : 10 Régional : 160 Autre : 452 International : 3 National : 11 Régional : 529 Autre : 79 National : 60 Régional : 237 Autre : 68 622 622 365 ESCRIME VollEy-ball International : 5 National : 14 Régional : 61 Autre : 91 Régional : 7 Autre : 156 171 163 PHOTOS JUDO BASKET International : 1 National : 5 Régional : 31 Autre : 84 National : 39 Régional : 58 121 97 RUGBY TIR A L’ARC National : 14 Régional : 42 International : 1 National : 44 56 45 FFME HALtérophillie National : 2 Régional : 8 Autre : 22 National : 4 Régional : 20 32 24 PHOTOS triathlon Course d’orentation National : 1 Régional : 22 National : 4 Régional : 15 BOXE FSCF 23 4 International : 1 Régional : 3 18 19 2 National : 2 LUTTE AVIRON VOL à voile golf International : 2 National : 4 Régional : 3 Autre : 10 International : 4 National : 7 Régional : 1 Autre : 8 National : 1 Régional : 6 19 11 9 7 * Guide de lecture En Bourgogne, on compte 959 arbitres en gymnastique, dont 3 sont au niveau international, 41 au niveau national, 479 au niveau régional et 436 d’autres niveaux. 19 © Focale.info - T. Hazebrouck 02 Quand les femmes arbitrent, jugent ou officient 20 La femme en noir, figure d’exception dans l’arbitrage du football français Si l’on considère la dimension fédérale de la pratique sportive, le football est en France la discipline la plus populaire. Elle rassemble plus de deux millions de licenciés1. Ainsi se jouent sur les terrains du week-end, plus d’un million de rencontres par saison. La Fédération Française de Football est aussi l’une de celles parmi lesquelles les femmes sont les moins présentes : 2,6% des licenciés étaient des femmes lors de la saison 2009/2010 (soit 55605 joueuses). A ce titre, il est possible de dire du football qu’il est un sport « masculin ». Mais qu’en est-il des arbitres ? L’ambition de cette contribution est de présenter quelques données de cadrage qui doivent permettre au lecteur de s’approcher de la figure méconnue de la femme arbitre de football. Cette entreprise ne peut faire l’économie d’une présentation synthétique des « filières » de l’arbitrage. Pour accéder au plus haut niveau français, le parcours d’un arbitre est jalonné d’étapes identifiées : une entrée dans la carrière en District (niveau départemental) ; une accession, pour les meilleurs d’entre eux, au niveau Ligue pour diriger des compétitions régionales et enfin, pour quelques centaines, une carrière aux échelons fédéraux (niveau national). A l’instar de l’organisation du football, l’élite de l’arbitrage est produite à partir d’une base nombreuse. Depuis quelques années, compte tenu de la baisse constante du nombre d’arbitres dans le football amateur (de l’ordre de 2% par an depuis la saison 2004/2005), le recrutement et la fidélisation des arbitres configurent un des enjeux majeurs de l’arbitrage. Dès lors, on peut penser que l’institution aurait intérêt à diversifier son recrutement en l’orientant notamment vers les femmes qui jusqu’ici empruntent très peu cette voie2. En effet, sur les 25330 arbitres licenciés à la FFF lors de la saison 2009/2010, 684 étaient des femmes, soit 2,7% du contingent. La part des femmes dans l’arbitrage est donc aussi faible que celle qui est la leur parmi les joueurs. Qu’ils soient homme ou femme, les candidats arbitres entrent dans l’arbitrage par une formation théorique élémentaire (découverte des lois du jeu) validée par un contrôle des connaissances. Ils suivent ensuite une formation pratique (mises en situation sur le terrain), avant d’arbitrer des rencontres pour lesquelles ils bénéficient d’un accompagnement (dans la mesure des ressources dont disposent les instances de formation). L’arbitre voit ensuite ses prestations évaluées par des observateurs lors de rencontres officielles, à l’aune de différents paramètres physiques, techniques, administratifs et psychologiques. Les critères d’évaluation sont, à ce stade, indifférenciés selon le sexe de l’arbitre. Ils le restent d’ailleurs pour l’arbitrage dans les catégories masculines. Car les femmes ne sont pas systématiquement assignées aux compétitions féminines, pas plus d’ailleurs que les hommes n’en sont formellement exclus. Pour autant, les faits donnent à voir une distribution sexuelle des arbitres. La grande majorité des rencontres de football féminin est arbitrée par des femmes3. Au contraire, les plus hauts niveaux de la hiérarchie du football masculin sont hermétiques à la féminisation des effectifs : en 2009/2010, aucune femme n’arbitrait, au centre ou à la touche, dans les trois premiers niveaux (Ligue 1, Ligue 2 et National)4. Par ailleurs, tandis que les arbitres officiant au niveau ligue masculin peuvent à l’occasion arbitrer des rencontres fédérales féminines, le grade d’arbitre « fédéral féminines » ne donne absolument pas le droit de diriger une rencontre fédérale masculine. Ainsi, les femmes se concentrent essentiellement dans les compétitions de district, c’est le cas de 83,3% d’entre elles. Ce constat n’est pas étonnant, compte tenu de l’organisation pyramidale du football. Elles sont moins d’une centaine à exercer en Ligue (96) et moins de 20 au niveau fédéral (18). La présence relative des femmes au niveau fédéral est donc non négligeable, puisque 6,6% des arbitres fédéraux sont des femmes (18 sur 271 arbitres fédéraux). Cette surreprésentation (par rapport à la part qu’elles occupent parmi les arbitres) s’explique notamment par le fait que tous les arbitres « fédéral féminines » sont des femmes (11). Elles ne sont donc que 7 à fouler régulièrement les pelouses du niveau fédéral masculin et sont concentrées dans les deux niveaux les plus bas. C’est là que se trouve actuellement le « plafond de verre » pour les femmes dans l’arbitrage. Elles restent ainsi bien loin des enjeux contemporains liés à la professionnalisation de l’arbitrage d’élite qu’elles ne connaissent que pour les compétitions féminines. Ainsi, la neutralité apparente de l’organisation de l’arbitrage français se conjugue en fait sur le mode du « masculin neutre ». Les femmes sont assimilées dans un système qu’elles ont tardivement intégré et dans lequel elles restent extrêmement minoritaires. Leur position semble s’inscrire dans une logique de bicatégorisation et de hiérarchisation des sexes. C’est aussi ce que laissent entendre les entretiens que nous avons déjà menés avec arbitres et dirigeants : ils dépeignent le football féminin comme un espace de relégation de l’arbitrage5. Comment les femmes peuvent-elles alors devenir arbitre de football ? C’est par l’étude des carrières des femmes arbitres que nous poursuivons l’enquête : comment et pourquoi entrent-elles dans l’arbitrage ? Leurs parcours présentent-ils des spécificités en matière de formation, ou d’évaluation ? Quelles sont les conditions favorables à leur progression, les soutiens ou les résistances à leur engagement ? Autant de questions qui configurent déjà et pour l’année à venir notre programme de recherche. Nicolas PENIN et Oumaya HIDRI NEYS Sociologues, MCU, Atelier SHERPAS, Université d’Artois 1 Plus précisément, la FFF (Fédération Française de Football) recensait 2107924 licenciés lors de la saison 2009/2010 (Source FFF). 2 Cela étant, elles sont encore plus touchées que les hommes par les abandons. A la fin de la saison 2009/2010, 15% des femmes arbitres n’ont pas renouvelé leur licence. Nous en profitons pour adresser nos remerciements à Monsieur Lavis et à la Direction Nationale de l’Arbitrage (DNA) qui ont fourni ces informations. 3 A titre d’exemple, lors des 16 premières journées de championnat de D1 féminine de la saison 2010/2011, les 96 rencontres ont été arbitrées à 93 reprises par une femme (au centre). 4 Pour la saison 2010/2011, une femme a été promue Fédérale 3 (pour arbitrer au troisième niveau). 5 Cette relégation du football féminin s’observe également à d’autres niveaux de l’organisation du football (Penin, Terfous, Hidri, à paraître). 21 Gwenaëlle PRIN, une jeune femme arbitre de rugby Jeune dijonnaise de presque 17 ans, en classe de seconde, Gwenaëlle se consacre aujourd’hui à l’arbitrage après avoir été joueuse de rugby. Depuis quand et pourquoi as-tu choisi l’arbitrage ? J’ai toujours baigné dans le monde du rugby et j’adore l’ambiance et l’esprit de ce sport. Plus jeune, je jouais dans une équipe mixte. C’est à partir du moment où je me suis retrouvée dans une équipe strictement féminine que j’ai décidé d’arrêter de jouer. Par contre, je ne voulais pas quitter le monde du rugby. C’est pourquoi, je me suis essayée à l’arbitrage et j’ai tout de suite accroché. J’arbitre depuis un an environ et pour rien au monde je ne ferais machine arrière ! Arbitres-tu aussi bien des filles que des garçons ? Qu’est ce que tu préfères ? As-tu connu des moments difficiles sur le terrain ? J’arbitre plus souvent des garçons que des filles et je préfère arbitrer des garçons. Le jeu est plus percutant, plus rapide. C’est vrai qu’il est rare de voir une femme arbitre sur un terrain de rugby, mais je suis toujours très bien accueillie par les entraîneurs et les joueurs ! Je sais aussi me faire respecter. Je n’ai pas encore rencontré de problème particulier. Je pense que, contrairement au foot, le respect de l’arbitre est un aspect important dans la culture au rugby : c’est aussi pour cela que je ne rencontre pas forcément de difficultés ! Suis-tu une formation jeune arbitre ? Je suis une formation d’une heure trente tous les quinze jours. C’est très important pour pouvoir progresser et cela ne m’empêche pas de suivre une scolarité tout à fait normalement. Quel plaisir trouves-tu dans l’arbitrage ? Tout d’abord, j’aime retrouver la convivialité qui existe sur et autour des terrains de rugby ; j’aime sentir que j’ai une responsabilité très importante sur le bon déroulement de la rencontre. L’interprétation du jeu, les connaissances du règlement sont fondamentales. Sans arbitre, il n’y a pas de match et finalement on est presque plus important que les joueurs ! (Rires) Quelles sont tes ambitions d’arbitre ? Mon but est d’arbitrer au plus haut niveau et pourquoi pas de participer aux Jeux Olympiques de Rio. Cela me motive ! Y a-t-il un point particulier que tu souhaiterais souligner ? L’arbitre est humain : il peut se tromper, tout en sachant que sans arbitre, il n’y a pas de match ! Interview réalisée par Ludivine Jacquinot, Chargée de Mission au CROS de Bourgogne 22 23 Julie BONAVENTURA, une femme arbitre internationale ! Julie BONAVENTURA est arbitre internationale de handball en binôme avec sa sœur jumelle, elles font leur premier match en LFH en 2003. 75 matches internationaux, dont 29 matches en championnats d’Europe (CE jeunes, juniors, séniors et matches de qualification) et 6 matches en championnats du monde. Est-ce que vous pouvez nous raconter un peu votre parcours, quand, comment et pourquoi vous vous êtes lancée dans l’arbitrage ? J’ai commencé à siffler en catégorie jeunes un peu par obligation j’avoue ! Ça paraissait évident à notre entraîneur et nos camarades que ce soit nous puisque nous étions deux ! Donc débute la formation jeune arbitre et le binôme en 1996. Par la suite on a pris le sifflet sans contrainte et avec plaisir. On a suivi nos conseillers au niveau départemental et régional qui nous faisaient les stages de formation le week-end. Progressivement ils nous ont désignés sur des matches de plus en plus importants. Nous avons pu concilier notre rôle d’arbitre avec celui de joueuse jusqu’à 23 ans, ensuite nous avons dû choisir ! Le choix du sifflet s’est fait de façon naturelle. Quel plaisir trouvez-vous en tant qu’arbitre ? On prend du plaisir comme une joueuse, on cherche par notre arbitrage à favoriser le beau jeu. C’est vrai qu’arbitrer à notre niveau engendre énormément de contraintes, pas de vacances, des déplacements lourds comme les joueuses en fait ! Je pense qu’on devient arbitre par passion ! Pouvez-vous vivre de l’arbitrage ? Non, on ne peut pas en vivre, on gagne en effet un peu d’argent mais on travaille à côté. De plus, nous n’avons pas un statut particulier, même en tant qu’arbitre international, qui nous permettrait d’avoir des contrats avec nos entreprises plus libres ou adaptables. Si l’on doit partir arbitrer à l’étranger pour une plus longue période on doit prendre des vacances ! Contrairement aux joueurs ou joueuses de haut niveau ! Pensez-vous pouvoir concilier vie privée et arbitrage ? Pour l’instant j’arrive encore à le gérer, mais c’est vrai que c’est toute une organisation. Je pense que le jour où je serai maman la question se posera plus sérieusement ! Qu’est ce qui est le plus dur à vivre pour vous en tant qu’arbitre ? Ce qui est difficile à vivre c’est la mauvaise foi des joueurs ou des managers. Pour certains, quand leur équipe perd, c’est toujours de la faute de l’arbitre ! On fait abstraction des insultes des spectateurs. On se dit qu’ils viennent voir un spectacle qu’ils viennent se défouler, ils insultent aussi bien les joueurs que les arbitres, c’est parce qu’ils ne connaissent rien au handball qu’ils réagissent comme ça. 24 Vous arbitrez aussi bien des filles que des garçons, qu’est ce que vous préférez et pourquoi ? Que ce soit des filles ou des garçons, on arbitre de la même façon. Par contre, je pense en effet que les garçons sont plus sur la retenue quand ce sont deux filles qui les arbitrent, un peu plus de respect du fait qu’on soit des filles. Avez-vous déjà été victime d’agression verbale ou physique ? Les clubs de division 1 sont assez structurés pour protéger les arbitres. Une seule fois nous avons été confrontées à une situation délicate mais ça s’est plutôt bien terminé. Il est vrai qu’au niveau régional et en bas de niveau national c’est plus difficile et les agressions verbales sont plus récurrentes ! Quelles qualités doit-on avoir pour devenir un arbitre de haut niveau comme vous ? Il faut avoir une bonne compréhension et une bonne lecture du jeu. Il faut avoir du caractère, ne pas se laisser intimider et ne pas baisser les bras. Prendre en compte toutes les remarques des suiveurs. C’est comme dans la vie, d’ailleurs l’arbitrage est une bonne école de la vie. Il faut faire preuve de qualités humaines, d’intelligence et de souplesse mais aussi de fermeté sur l’application des règles ! Qu’est-ce que vous pourriez dire aux jeunes pour leur donner envie de devenir arbitre ? On rencontre souvent de jeunes arbitres dans les écoles d’arbitrage et le constat qu’on a pu faire, c’est que c’est difficile pour eux de concilier études et arbitrage. Les binômes sont parfois séparés parce qu’ils ne suivent pas le même cursus universitaire. De plus, ce sont énormément de contraintes pour les jeunes. Il faudrait qu’ils gardent en tête que l’arbitrage de haut niveau est une possibilité mais pas une fin, et que l’essentiel c’est de se faire plaisir ! Est-ce que par la suite vous aimeriez former les jeunes arbitres ? Aujourd’hui, je n’ai pas réellement le temps, et je ne pense pas avoir les compétences pédagogiques pour être une bonne formatrice. Par contre, on rencontre volontiers les jeunes pour leur faire part de nos expériences. On verra plus tard ! Le mot de la fin ? L’arbitre est le garant du respect des règles sans être le roi sur le terrain, il faut respecter les autres, savoir être psychologue et garder le dialogue ouvert. Interview réalisée par Ludivine Jacquinot, Chargée de Mission au CROS de Bourgogne 25 © Sportissimo - S. Pillaud Corinne LAGRANGE Corinne LAGRANGE, ancienne arbitre de la Ligue 1 (masculine) de football1, a intégré le pôle des contrôleurs : elle s’occupe principalement des arbitres centraux féminines et des arbitres assistants de la Fédération Française de Football. Comment peut-on devenir arbitre ? Pouvez-vous nous expliquer ? Il existe deux filières : une féminine (pour arbitrer les filles uniquement) et une masculine (pour arbitrer les garçons). Il y a un travail théorique à fournir (avec des formations tous les mois pour jeunes arbitres) et un travail physique pour être au plus près des actions (c’est un travail personnel). Au cours de ces formations, un test physique est demandé : dans la filière masculine, les barèmes sont les mêmes pour les filles et les garçons alors que dans la filière féminine, les barèmes sont moins élevés pour les filles. Il n’y a pas beaucoup de femmes arbitres dans la filière masculine et il y en aura encore moins car le niveau des tests physiques ne cesse d’augmenter ! Par contre, la filière féminine permet aux femmes d’accéder aux compétitions internationales et c’est très positif. On commence par arbitrer en district, puis en ligue pour ensuite pouvoir arbitrer au plus haut niveau français. Quels sont les critères d’évaluation des jeunes arbitres ? Nous avons une grille d’évaluation préétablie où nous notons : la condition physique (les différentes courses utilisées, la vitesse, la position sur le terrain), la capacité à déceler les fautes correctement, les gestes et l’arbitre dans le match (sa gestion du match, son courage, son autorité). On fait un bilan général à la fin du match avec les jeunes arbitres : on aborde le positif comme le négatif pour qu’ils sachent où ils se situent et où ils doivent travailler et progresser. Les jeunes arbitres sont évalués par une note. Peut-on vivre de l’arbitrage ? Tout dépend du niveau ! A vrai dire, pour les arbitres de la filière féminine, ce n’est pas possible. Par contre, les arbitres de ligue masculine (de Ligue 1 ou 2) sont très bien rémunérés ! Il faut savoir aussi que l’âge limite des arbitres est 45 ans ; qu’en cas de blessure, ils ne peuvent plus arbitrer ; qu’ils peuvent être rétrogradés… C’est très aléatoire et c’est pourquoi je pense qu’il ne faut pas se contenter d’être arbitre : il faut prévoir l’avenir ! Y a-t-il une crise de vocation de l’arbitrage ? Non ! Les jeunes se lancent assez facilement dans l’arbitrage. Mais il est vrai qu’il faut que ce soit un plaisir et une passion parce que ce n’est pas facile. Il faut aimer le jeu ; aimer gérer le match ; savoir se faire respecter ; être honnête, à l’écoute des joueurs ; savoir accepter et reconnaitre ses erreurs. Un bon arbitre est un arbitre qu’on ne voit pas sur le terrain, qui est discret. Si on parle de l’arbitre pendant tout le match, c’est qu’il n’a pas été bon. Il doit savoir respecter tout le monde. Il est vrai que le passage le plus difficile pour ces jeunes, c’est l’arbitrage en district parce que, à ce niveau, ils sont seuls sur le terrain. Il existe un manque de soutien à ce niveau-là. Le conseil que je pourrais leur donner : vite se former pour arbitrer en ligue et ainsi avoir des assistants avec eux. Ils se 26 retrouveront alors à trois sur le terrain, ce qui est plus simple. Et puis, jusqu’à l’âge de 21 ans, les jeunes peuvent jouer et arbitrer en même temps... Etait-ce une évidence pour vous de devenir contrôleur ? En général, c’est une direction que prennent beaucoup d’arbitres. Pour moi, c’était l’occasion de me rapprocher du foot féminin. J’aime beaucoup le football féminin. C’était donc un cheminement très intéressant et plaisant. Aujourd’hui l’arbitre est souvent remis en question, qu’en pensez-vous ? L’arbitre fait partie du jeu, il est humain et il peut se tromper. Comme un joueur, il peut passer au travers d’un match. Mais comme l’arbitre est extérieur à l’équipe, les joueurs, les coachs ou les spectateurs ont du mal à accepter leurs erreurs. On fait trop de polémiques sur les erreurs d’arbitrages et surtout chez les professionnels. A la télévision, les journalistes poussent à la critique : ils ne commentent plus seulement le match mais aussi et surtout l’arbitre ! Or, c’est facile quand on a le ralenti ! L’arbitre lui, il a une décision à prendre et à appliquer dans un temps record… Aujourd’hui, il existe des rencontres entre arbitres et coachs qui permettent de dialoguer et d’ouvrir les discussions sur les nouvelles règles et les difficultés de chacun… Ceci nous permet aussi de connaître les gens et on respecte mieux un « coup de gueule » ou une erreur de quelqu’un qu’on connaît. Pour conclure, qu’aimeriez-vous souligner ? J’ai arbitré pendant 25 ans et cela a été 25 ans de plaisir ! Il faut que l’arbitrage reste un plaisir, celui de gérer le match, d’être en contact avec les joueurs et les coachs, de faire en sorte que les joueurs respectent les règles du football. Interview réalisée par Ludivine Jacquinot, Chargée de Mission au CROS de Bourgogne 1 Pour plus de détails sur son parcours et son vécu d’arbitre de haut-niveau en football, se reporter à Jacquinot, L & Erard, C. (2010) Sportives en Bourgogne. Portraits, histoires et témoignages, Ed Conseil Régional de Bourgogne. 27 03 Former des arbitres ou officiels 28 Clément Turpin Arbitre international et Conseiller Technique Régional en Arbitrage pour la Ligue de Bourgogne de football. Clément Turpin « prend le sifflet » pour la première fois lorsqu’il est jeune éducateur en charge des poussins débutants au club de football de Montceau-les-Mines. A 16 ans, il est sollicité par un dirigeant du club qui l’inscrit au concours d’arbitre : il obtient son premier titre d’arbitre officiel. Pendant 3 ans, il arbitre le samedi après midi et le dimanche matin, il joue, défenseur central à un niveau régional. En 2001, ayant obtenu l’examen de « jeune arbitre de la Fédération » (examen qui comporte une partie théorique et pratique), il officie comme « jeune arbitre ». En point d’orgue de cette fonction assurée durant trois ans, il arbitre la finale de la Coupe Gambaderla (Coupe de France des Jeunes) qui se déroule, au Stade de France, en lever de rideau de la finale de Coupe de France senior opposant le Paris SaintGermain à Châteauroux. Ses débuts sont prometteurs… En 2000, le baccalauréat en poche et étudiant à l’UFR STAPS, au Creusot, il poursuit son parcours d’arbitre : « arbitre régional senior » pendant 4 ans, il réussit l’examen fédéral senior en 2005 et gravit chaque année un échelon dans la hiérarchie de l’arbitrage fédéral senior : un samedi d’août 2008, il arbitre son premier match à Caen en tant qu’arbitre Fédéral 1. Cette ascension jusqu’au plus haut-niveau ne lui a pas fait oublier ses études, ni son insertion professionnelle : ayant obtenu une licence puis un Master Entraînement et Management du sport, ainsi que les deux Diplômes Universitaires (de préparation physique et de coaching) proposés par l’UFR STAPS de Dijon, il est nommé en 2007 Conseiller Technique Régional en Arbitrage (CTRA) à la Ligue de Bourgogne de Football. Comme la très grande majorité des arbitres de football français de hautniveau, il doit concilier ses fonctions arbitrales avec une activité professionnelle. En effet, alors que les arbitres fédéraux officient dans un monde hautement professionnel et que leur préparation physique et mentale est particulièrement exigeante, ils ne sont pas professionnels statutairement. Dans ces fonctions de CTRA, Clément Turpin travaille quatre domaines : la détection et le recrutement, la formation, la fidélisation et la promotion des arbitres. Depuis sa nomination, il a tout particulièrement porté son attention à l’uniformisation des formations d’arbitres en Bourgogne, à la professionnalisation des formations de jeunes de niveau régional : en accord avec la politique de la Direction Nationale de l’Arbitrage, il met l’accent sur le développement des qualités physiques, l’uniformisation des décisions et la protection du jeu et des joueurs. En outre, il a mis en place un pôle féminin d’arbitrage : depuis cette année et pour la première fois, il organise un stage pour les arbitres femmes en leur proposant des contenus formation spécifiques qui puissent assurer leur promotion. En Bourgogne, seules 20 femmes officient en football (de la catégorie jeune à sénior et du niveau D à Sénior) pour 580 hommes… Plus globalement, « convaincu que les arbitres de demain sont dans les clubs d’aujourd’hui », il concentre toute son attention sur un travail de proximité avec les clubs. Si Clément Turpin n’a de cesse d’animer et de perfectionner le dispositif de formation et d’encadrement des arbitres à partir des clubs, le Sport-études arbitrage du Lycée Fourrier d’Auxerre constitue un maillon essentiel de son action. Il y intervient pour faire le lien entre cette structure scolaire, la Fédération Française de Football et la Ligue Régionale de Bourgogne mais aussi pour y propo- ser des contenus pédagogiques sur la gestion de conflits, des moments clés et des phases de tension durant les matches. Régulièrement, il vient observer ces apprentis-arbitres. Travaillant en étroite collaboration avec Alexandre Perreau-Niel, le responsable de cette section Sport-études, il peut s’appuyer sur un dispositif clé dont seules cinq régions disposent. Le Sport-études d’Auxerre est l’une des deux premières sections mises en place (avec celle d’Avranches en Basse-Normandie) et l’une des six structures actuellement en fonctionnement, avec Avranches, Canet en Roussillon, Rennes, Villeurbanne et Laval. Ce travail de conseiller technique est nourri par son expérience arbitrale qu’il poursuit avec succès : depuis le 1er janvier 2010, il est arbitre international, avec à son actif, une vingtaine de désignations dont six en tant qu’arbitre central. A sa fonction d’arbitre de Ligue 1 s’ajoute donc désormais celle d’un arbitre international. Par toutes ces expériences, il sait qu’être un « bon arbitre », c’est avoir « un sens du jeu couplé à des qualités physiques ; une capacité à prendre des responsabilités ; un sens du courage et un sourire qui exprime le plaisir d’être sur le terrain ». Il sait aussi qu’il faut être « courageux », surtout lorsqu’il faut exclure un joueur ou siffler une pénalité à 5 minutes de la fin d’un match dont le score est à parité. « Etre capable de prendre la décision forcément impopulaire mais juste ». Passionné, il est aussi en colère : alors que les actions de promotion de l’activité arbitrale séduisent, la réalité vécue est souvent décourageante pour celle(s) et ceux qui se lancent : les spectateurs, parfois parents et/ou dirigeants, sont très volubiles en critiques et quolibets, « comme si les barrières de politesse étaient plus facilement franchies en football ». Ainsi, paradoxalement, alors que les relations entre joueurs, arbitres et entraîneurs sont de plus en plus nombreuses, que l’arbitrage est progressivement reconnu par les médias et que l’arbitre occupe une place accrue dans la sphère du football, le recrutement de nouveaux arbitres reste délicat (un important problème de recrutement d’arbitres persiste). Mais ces paradoxes ne désarment pas Clément TURPIN, ni dans sa fonction d’arbitre, ni dans celle de conseiller technique régional en arbitrage… Portrait réalisé par Carine Erard, Maître de Conférences à l’Université de Bourgogne 29 Alexandre PERREAU-NIEL Responsable pédagogique de la section Sport-études arbitrage en football du Lycée Fourrier d’Auxerre. Depuis quand existe cette section Sport-études arbitrage à Auxerre et dans quel contexte a-t-elle été créée ? Cette section Sport-études arbitrage a été créée en 2006. Nous sommes donc à la 5ème année de fonctionnement. C’est une initiative, lancée par la Direction Technique Nationale (DTN) et Direction Nationale de l’arbitrage (DNA), qui entend faire en sorte que chaque section sportive en lycée ait une option arbitrage en son sein. Les deux expériences initiales menées à Auxerre et Avranches (en Basse-Normandie) ayant été concluantes, ces sections ont été développées dans un souci de recrutement, de formation et de fidélisation d’arbitres de meilleur niveau. L’objectif est de contribuer à la structuration de l’arbitrage pour qu’il devienne plus professionnel, au même titre que les joueurs. En quoi consiste cette section sportive arbitrage ? Nous poursuivons trois ambitions principales : faire en sorte que les élèves de cette section réussissent leur scolarité en obtenant leur baccalauréat dans un cursus scolaire « normal » (Bac S, ES ou STG) ; permettre, au terme des 2 à 3 années de formation, d’atteindre le plus haut niveau régional de la catégorie « jeune » et prétendre éventuellement au concours de : « jeune arbitre de la Fédération1 » ; faire vivre les joueurs et les arbitres ensemble sur le terrain, à l’internat, dans les cours pour que chacun apprenne à mieux se connaître et fasse tomber ses préjugés. C’est pourquoi, arbitres et joueurs de la section foot ont une partie de leur formation en commun : la préparation athlétique et l’arbitrage des joueurs de la section foot par les arbitres. Les apprentis arbitre bénéficient donc d’un emploi du temps scolaire aménagé… Oui, sur le principe des Sports-études en général : soit les cours sont arrêtés à 15h30, soit les cours reprennent plus tard dans l’après-midi, après une séance d’entraînement le midi. Les élèves ne sont dispensés d’aucune matière mais ils bénéficient d’un suivi personnel, suivi que je réalise en tant que responsable pédagogique. En matière de recrutement, les élèves sont « sélectionnés » lors d’une journée de « Détection ». Quelles sont les épreuves ? Les candidats sont soumis à quatre épreuves : des tests Physiques (le VAMEVAL - Vitesse) ; un arbitrage en situation de match ; un test théorique (sur les lois du jeu) et un entretien individuel de 30 minutes (sur les résultats scolaires, la motivation à l’arbitrage, les valeurs du candidat). Le dossier scolaire est-il pris en compte et quel poids prendil dans le choix des candidat(e)s ? Les résultats scolaires constituent le filtre essentiel de la sélection, en sachant que c’est une commission pédagogique présidée par le chef d’établissement et constituée par un panel d’enseignants qui valide l’entrée dans la section (une fois les tests de sélection réalisés). 30 Combien chaque promotion comprend-elle d’élèves ? Existe-t-il un quota ? Y a-t-il des filles ? Un quota de 10 est fixé par la DTN et la DNA. En fonction du nombre d’élèves par niveau de classe, nous commençons l’année à 9 ou 10 élèves. Jusqu’à présent, aucune fille n’a intégré cette section : les quelques filles sélectionnées n’ont pas eu leurs candidatures validées par la commission pédagogique. Souvent, les filles s’orientent vers Villeurbanne où il existe une section féminine. En quoi consiste leur formation à l’arbitrage ? La formation s’articule autour de cinq unités d’enseignement : une U.E 1 de Préparation Physique (4h30/semaine) ; une U.E 2 de Préparation Théorique (6h/semaine consacrées aux lois du jeu et à des thèmes généraux comme la gestion des conflits, la violence, la communication) ; une U.E 3 de préparation Technique & Pratique en situation de match (6h/semaine) en lien avec l’AJA qui est le club support ; une U.E 4 d’analyse de la prestation (2h/semaine) qui consiste en des échanges sur des débriefings de matches, en analyse vidéo) ; une U.E 5 (1h/semaine) concernant la culture du Football et de l’Arbitrage (sur le milieu du foot, ses instances, ce qu’est un éducateur…). L’objectif est de réussir le concours de « Jeune arbitre de la Fédération ». Qui encadre et intervient dans cette formation ? Professeur d’EPS au lycée et Arbitre Fédéral 3, j’encadre la formation avec Clément TURPIN (Conseiller Technique Régional en Arbitrage en football, Arbitre Fédéral 1 et FIFA), Bernard TURPIN (Professeur d’EPS, Brevet d’Etat 2ème degré, certificat de formateur, D.U. de préparateur physique), Attila Farkas (Entraîneur mis à disposition par l’AJA), ainsi que les « Initiateurs » en Arbitrage bénévoles diplômés de la Ligue de Bourgogne de Football. Nous travaillons sous la coupe du Président du Comité Régional de l’Arbitrage, Thierry Waniart (il est également membre de la commission jeune de la DNA). Quels liens entretenez-vous avec l’AJA ? La section n’est pas associée au centre de formation de l’AJA (leurs structures sont distinctes) mais l’AJA joue un rôle très important. C’est le club support qui permet aux arbitres d’officier : tous les matches d’entraînement de la section jeunes de l’AJA sont arbitrés par les apprentis arbitre de la section ; Attila Farkas, entraîneur à l’AJA, est mis à la disposition de la section, tout comme la structure médicale et les installations sportives. Si la section fonctionne aussi bien, c’est parce que l’AJA joue un rôle primordial par les moyens mis à disposition, mais aussi par l’image qu’il véhicule et les valeurs qu’il incarne. Tous ces éléments attirent de jeunes arbitres et rassurent les parents. Quelle « philosophie » de formation développez-vous dans cette section ? Nous considérons que la réussite scolaire est primordiale, notamment parce que très peu d’arbitres peuvent vivre en « professionnels » de leur activité arbitrale. Finalement, ce qui nous importe est de former « des hommes », avec le goût de l’effort, du courage, du travail, des hommes qui savent se remettre en cause, écouter, s’entraider. Nous insistons beaucoup sur les « valeurs » qu’un arbitre doit avoir et incarner. Un arbitre, tout comme un enseignant, joue un rôle d’éducateur, de justice et d’éthique. Quelles qualités vous semblent primordiales dans la formation des arbitres ? Un arbitre doit avoir des qualités d’écoute, accepter les critiques et savoir se remettre en cause ; il doit travailler ses points négatifs, savoir communiquer et faire accepter ses décisions par tous. Interview réalisée par Carine Erard, Maître de Conférences à l’Université de Bourgogne 1 En 4 ans, cinq élèves ont obtenu le concours de « jeune arbitre de la Fédération ». Il faut savoir que la section à un quota de deux candidats et que les candidats ont toujours terminé dans les cinq premiers sur une vingtaine. 31 Le regard de Jean-Marc Vatinet Proviseur du Lycée Fourrier d’Auxerre Quels sont les intérêts d’une section sportive arbitrage pour votre établissement ? Les intérêts sont nombreux. En premier lieu, cette section est compatible, et même complémentaire avec la section sportive des joueurs : les joueurs et les arbitres coexistent dans les mêmes classes. La mixité des publics (joueurs et arbitres), également créée lors des entraînements, permet une complicité positive entre joueurs et arbitres : les contestations d’arbitrage sont moins fréquentes et les problématiques de jeu mieux appréhendées par les arbitres. Ensuite, cette section arbitrage permet de décloisonner l’établissement vers de nouveaux centres d’intérêts (au même titre d’ailleurs que les autres sections, EPS ou Arts) et d’ouvrir le champ périmétrique de l’établissement vers d’autres intervenants et d’autres secteurs, en dehors des compétences traditionnelles de l’Education Nationale. Ce dispositif nécessite de prendre en compte, lors de la prise en charge des élèves, des éléments spécifiques, tels que l’éloignement de la cellule familiale, l’hébergement dans des familles d’accueil la fin de semaine, des charges de travail plus importantes qui produisent parfois des baisses de rythme, de niveau et de moral. Les enseignants s’adaptent encore plus à l’évolution physiologique et psychologique des élèves. Par ailleurs, bien que cette section soit jeune (5 ans d’existence), elle a permis de donner une image plus valorisante des sections sportives, trop souvent représentées comme des alternatives à la réussite scolaire, pour des joueurs ayant peu d’intérêt pour la chose scolaire et se destinant au professionnalisme. L’image était donc brouillée. L’arrivée des arbitres a fait évoluer cette image parce que leur profil est différent. En effet, leur recrutement est moins axé sur leurs capacités physiques que sur leurs capacités d’analyse et leur stabilité émotionnelle, autant de qualités reconnues au plan pédagogique. Leur niveau scolaire est supérieur à la moyenne des élèves des autres sections sportives. La section arbitrage tire donc vers le haut les résultats des joueurs tout en valorisant leur image : elle apporte une image studieuse et des modèles de comportements qui dépassent la réussite scolaire. Notons par exemple que les arbitres sont très souvent investis dans le fonctionnement du lycée (dans le conseil de la vie lycée lycéenne, comme délégués de classe, représentant au Conseil d’Administration, etc.). Enfin, cette section contribue à une ouverture et à une prise en considération de réussites, à la fois parallèles et complémentaires à celle de la réussite scolaire. Y a-t-il des inconvénients ? Les intérêts sont beaucoup plus nombreux que les inconvénients ! Lorsque des sections sportives sont mises en place, c’est que les « contraintes » ont été levées, et notamment celles liées à leur organisation matérielle. Le seul inconvénient qui subsiste concerne les stratégies d’orientation puisque toutes les séries du baccalauréat ne peuvent être offertes aux élèves, en raison du volume horaire de certains parcours et de contraintes liées à l’utilisation de plateaux techniques industriels : leur choix de filière est contraint. 32 Dans quelle mesure la communauté éducative est-elle partie prenante de cette section ? La section football et arbitrage fait partie intégrante du projet d’établissement. Elle met l’accent sur la mixité des publics (arbitres/joueurs), l’organisation matérielle (gestion des horaires, emplois du temps acceptés par les enseignants, accès décalé des élèves à la demi-pension accepté par l’intendance et les agents de service), l’adaptation de la règle commune à l’internat par la prise en compte des horaires décalés liés aux entraînements et aux compétitions (le veilleur de nuit acceptant, par exemple, des retours tardifs de compétition). La prise en charge des jeunes est également individualisée et le système de tutorat par un adulte référent encouragé en cas de besoin. Avez-vous un point à souligner parce qu’il vous tient particulièrement à cœur ? Ce que je voudrais souligner, c’est que les statuts de l’UNSS font, à plusieurs reprises, référence à l’éthique du sport. J’incite vraiment tous les établissements scolaires à développer des sections sportives arbitrage en parallèle de leurs sections sportives. Nous sommes au cœur de la philosophie et de l’éthique du sport. Ouvrir une section arbitrage, c’est s’assurer que l’éthique du sport va accompagner en permanence la pratique du sport. Que rêver de plus ? Interview réalisée par Carine Erard, Maître de Conférences à l’Université de Bourgogne 33 UNSS, L’arbitrage et le jugement par des jeunes officiels Dès les années 80, l’UNSS a inclus parmi ses objectifs la sensibilisation des jeunes scolaires aux fonctions d’encadrement et développe la formation d’officiels, juges et arbitres. Après la publication des nouveaux statuts UNSS (1980), nous pouvions déjà lire dans la revue UNSS consacrée au sport scolaire, que « tout joueur est un arbitre en puissance ». Arbitre scolaire était le titre et le diplôme accordés au jeune scolaire après avoir été l’objet d’un tutorat en arbitrage, sur un match ou une compétition. Il recevait alors, une carte et un petit fascicule « lois du jeu et arbitrage ». Durant ces années, des conventions ont été signées entre les fédérations de sports collectifs et l’UNSS. Leurs objectifs étaient d’encourager les jeunes à arbitrer leurs camarades dans les rencontres de championnats et de développer la responsabilité des joueurs. Des formations académiques sont organisées avec pour contenus des informations théoriques du code d’arbitrage, une étude pratique des gestes de l’arbitrage, une épreuve écrite et une évaluation en arbitrage. On trouve même, en 1985, une action nationale appelée « Sport-Co 85 » dont le principe était de mettre en place des projets académiques «négociés dans le sens d’un affaiblissement des pouvoirs de l’institution et d’un renforcement de ceux des pratiquants ». En 1988, on comptait déjà près de 10 000 jeunes arbitres. La généralisation du jugement ou de l’arbitrage dans tous les sports se met alors en place. Cependant, les réticences demeurent parfois du côté des professeurs d’EPS, soucieux pour certains de garder la main sur l’arbitrage et pour d’autres par manque de confiance dans l’arbitrage par des jeunes. Petit à petit, l’arbitrage et le jugement par des jeunes officiels du même âge que les compétiteurs se sont imposés comme nécessité de jeu. Aujourd’hui, la notion d’équipe en UNSS impose la prise en compte systématique d’un « JO ». (Jeune Officiel). Il assiste obligatoirement à une ou plusieurs journées de formation dans le sport concerné. A chaque niveau de validation, le JO doit avoir acquis des compétences et savoir-faire préalablement définis. A ce jour, Le nombre de jeunes officiels est nationalement de 58 000. La répartition de 42% de filles et de 58% de garçons est pratiquement constante d’une année sur l’autre. Dans l’académie de Dijon la répartition filles - garçons est proche du chiffre national (41% de filles et 59% de garçons entrent en formation). 34 Sur l’ensemble des jeunes formés durant ces dernières années : 50% ne dépassent pas le niveau départemental 38% filles / 62% garçons 35% obtiennent la validation départementale 40% filles / 60% garçons 13.5% deviennent JO académique 45% filles / 55% garçons 1.5% seront validés national 60% filles / 40% garçons Un livret « Je suis Jeune Officiel en… » existe dans toutes les disciplines sportives développées à l’UNSS. Ce document de référence, actualisé chaque fois que nécessaire, permet au jeune de compléter sa formation pratique. Les élèves accèdent désormais de plus en plus à la prise de responsabilité dans leur association sportive par le biais de l’organisation, du reportage ou de la gestion d’une compétition. Catherine LEPETZ Directrice de l’UNSS de Bourgogne 35 Fabien GUILLOT Fabien GUILLOT, Cadre technique sportif de rugby. Intégration des arbitres au même titre que les joueurs au sein du Pôle Espoirs de rugby. Qu’est-ce qui a prévalu à la FFR pour mettre en place des arbitres dans les Pôles avec les joueurs ? C’est une idée de la direction nationale des arbitres qui a proposé ce projet à la DTN dans l’optique de former des arbitres, qu’ils soient professionnels ou pas, au même titre que les joueurs qui sont dans les Pôles. L’objectif est donc d’amener ces arbitres à leur meilleur niveau possible en leur procurant une formation digne de ce nom et de combler le manque d’effectif au niveau de la Fédération. Avez-vous un réel manque d’arbitres ? Les arbitres se font de plus en plus rares et donc pour anticiper ce déficit, il a été décidé de laisser des places dans les Pôle Espoirs, autant pour les former physiquement que théoriquement sur les règles de l’arbitrage. Ils sont détectés sur des tournois de jeunes. Il y a aussi des écoles d’arbitrage qui existent au niveau territorial et à partir de là les jeunes sont proposés en fonction de leurs compétences pour intégrer les structures. Est-ce les jeunes arbitres qui posent leur candidature pour entrer au Pôle ou existe-t-il une politique de détection ? C’est la commission territoriale des arbitres qui propose des jeunes. La plupart du temps, ce sont des joueurs qui arbitrent aussi et qui sont connus. Cela se fait en cohérence avec le sportif et ça ne vient pas des joueurs eux-mêmes. C’est vraiment une détection qui vient des compétences techniques et de la politique arbitrale du comité. Très concrètement, les candidatures pour le Pôle de Dijon sont elles nombreuses ? Non, on ne peut pas dire qu’il y a beaucoup de monde… il y a des places réservées pour les arbitres. En fonction des Pôles, il peut y avoir jusqu’à 4 places. A Dijon, il y a toujours eu de 2 à 3 arbitres intégrés à l’effectif. Qui décide du nombre de places réservées ? C’est la Fédération qui décide. Il y a en moyenne 2 à 3 places par Pôle. D’où viennent les arbitres formés au Pôle Espoirs de Dijon ? Au même titre que les joueurs, les arbitres sont recrutés sur le secteur géographique du grand Est de la France (Alsace, Lorraine, Franche-Comté et Bourgogne) Pour entrer un peu plus dans le détail du fonctionnement du Pôle, les arbitres ont-ils les mêmes conditions de préparation que les joueurs, les mêmes horaires aménagés, les mêmes entraînements physiques, la même préparation technique ? Actuellement, au pôle de Dijon, il y a trois arbitres bourguignons : Damien DAUVISSAT, Maxime RUPIN et Benjamin OUDIN. Ils ont le même fonctionnement que les joueurs. Ils s’entraînent notamment sur tous les créneaux consacrés à la préparation physique et au jeu sans contact, parce qu’ils n’ont pas forcement le même potentiel physique et les mêmes « qualités rugby » que les joueurs, mais ils participent au jeu et ils vivent avec le groupe. Ensuite, au titre de leur formation d’arbitre, on leur demande d’arbitrer toutes les séquences de 36 jeu avec contact ou séquences d’opposition. C’est donc eux qui arbitrent leurs camarades d’entraînement durant tous les entraînements. Ils vivent vraiment avec les autres, ils font partie du groupe. D’ailleurs quelqu’un qui n’est pas spécialiste et qui observe un entraînement du Pôle ne voit pas la différence. Il voit des rugbymen s’entraîner, c’est tout. Ils ont peut-être moins de gabarit que les autres mais ils sont vraiment dans le groupe. Ils ont une séance par semaine de formation théorique à l’arbitrage tous les jeudis de 18h à 19h30 en période scolaire. Ils sont pris en charge par 2 arbitres, le responsable de la formation des arbitres au niveau du comité régional et par un arbitre fédéral. Les thèmes traités sont : la connaissance du règlement, les litiges, comment remplir une feuille de match, comment appréhender, d’un point de vue psychologique, les joueurs avant la rencontre, bref tout ce qui concerne l’arbitrage en général. L’objectif est de les préparer à l’examen fédéral pour qu’ils puissent arbitrer au plus vite les compétitions régionales puis très rapidement les compétitions fédérales. Quand ils ont l’examen d’arbitre fédéral, 2 ans après, ils ont la possibilité d’arbitrer des compétitions de fédérale 3. On peut dire que leur formation est en alternance : sur le pôle en semaine, avec la formation théorique et le week-end en mise en situation pratique, par l’arbitrage de matches de jeunes durant lesquels ils sont suivis par des arbitres officiels. Quel âge ont-ils ? Ils ont de 16 à 18 ans. Ce sont les mêmes catégories d’âges que pour les joueurs. Sachant que pour être arbitre en rugby, il faut avoir au minimum 15 ans. A cet âge, ils peuvent arbitrer des matches de leur catégorie d’âge puis après la formation et le passage de l’examen d’arbitre Fédéral, ils ont donc théoriquement la possibilité d’arbitrer des équipes séniors à partir de 17 ans, tout en étant encore supervisés. Les arbitres qui se forment et s’entraînent au Pôle sont-ils encore joueurs ? Certains le sont encore, mais ils doivent très vite faire un choix car les deux activités sont très vite incompatibles. Ont-ils la possibilité en sortant du pôle et avec la formation théorique et pratique reçue, la possibilité d’en faire leur métier ? A ce jour et compte tenu du peu de recul que l’on a, l’intégration des arbitres au sein du Pôle date de 2005, nous n’avons pas encore d’arbitre évoluant en TOP 14 qui soit sortis d’un Pôle. Pour l’instant, je connais un arbitre qui est passé par le Pôle et qui montre déjà toutes les qualités pour évoluer très rapidement en Fédérale 1. Il est cependant très difficile de dire si certains d’entre eux seront des arbitres de haut niveau. C’est comme pour les joueurs, sur la quantité de joueurs formés au Pôle, peut-être seulement 1 ou 2 seront internationaux. Pour les arbitres c’est pareil, quand on prend en charge la formation d’un sportif, qu’il soit joueur ou arbitre, on fait quelque part un pari sur l’avenir, et son devenir n’est que très rarement le plus haut niveau. Les jeunes qui intègrent le pôle en arbitrage, le font-ils car ils n’ont pas pu l’intégrer en tant que joueur ? C’est certainement le cas bien souvent, mais ils ne le disent pas comme ça… Ce sont le plus souvent des jeunes passionnés par le rugby, qui ont eu l’occasion de « toucher » à l’arbitrage et qui y ont finalement pris goût. C’est pour eux un moyen, s’ils n’ont pas les qualités techniques et physiques pour faire de grands joueurs, de rester au contact d’un haut niveau de pratique. Maintenant la mise en place des formations d’arbitres dans les pôles, c’est davantage pour donner le goût de l’arbitrage aux jeunes que de vouloir en faire absolument des arbitres de haut niveau. La colonie sportive ou la machine à arbitrer Or, cet imaginaire est au moins de deux ordres : D’une part il porte sur la perception. La machine à arbitrer percevrait tout, enregistrerait tout, mesurerait tout, avec la plus grande fiabilité. Rien ne lui échapperait. Cette machine à arbitrer préfigure une société de surveillance totale dans laquelle rien n’échapperait au pouvoir. Dans La colonie pénitentiaire, Kafka invente une machine à punir qui inscrit la loi dans la chair des suppliciés. Cette machine est d’une cruauté absolue. Elle apparaît pourtant au bourreau qui la manipule avec fierté comme la marque du génie. Dans son texte, Kafka dénonce l’absurdité et l’inhumanité où conduit une application mécanique de la loi. Si Kafka avait vécu à notre époque, il aurait pu s’inspirer du spectacle sportif, activité totalement futile et hautement symbolique. A sa manière, il aurait pu interroger la logique sportive, comme l’a fait Georges Pérec dans W ou le souvenir d’enfance. Plus précisément, la question de l’arbitrage sportif lui aurait donné, à n’en pas douter, de quoi alimenter son imagination. Car la colonie sportive, comme la colonie pénitentiaire, produit ses propres règles, organise ses propres systèmes de sanction, désigne ses propres juges, bref, produit sa propre loi. Or, les arbitres ont été inventés pour faire appliquer l’arbitraire sportif. Ils sont toutefois régulièrement mis en accusation, accusés notamment de ne pas être à la hauteur du spectacle produit par les nouvelles technologies de l’image. Interview réalisée par Richard BIDET, Chargé de Mission au CROS de Bourgogne Par ailleurs, il renvoie au jugement, ce qui n’est pas du tout la même chose. Là où la machine à arbitrer sanctionne les fautes à la lettre, l’humain juge selon l’esprit. C’est là toute la différence entre une machine à enregistrer et à sanctionner (le radar automatique ou la machine à punir de Kafka) et la capacité à produire un jugement éclairé, qui tient compte non seulement des faits, mais des circonstances qui les entourent. Les deux options sont possibles. Elles traduisent chacune une vision du monde bien différente. Philippe Liotard Maître de Conférences à l’Université Lyon 1 L’humanité et le discernement qu’ils peuvent apporter est mis en question au nom d’un idéal qui n’accorde aucune place à l’erreur. Eux qui sont là pour que le jeu puisse se dérouler sont critiqués par ceux qui, précisément, ne pourraient plus s’en passer. Peut-on, en effet, imaginer un match de haut-niveau sans arbitre ? Peut-on concevoir une autorégulation dans l’affrontement sportif alors que joueurs, entraîneurs, dirigeants, médias, et spectateurs sont orientés par une valeur dominante, celle du résultat victorieux ? Avec la mise en question du modèle arbitral, le modèle de l’humain cède la place au modèle machinal. Le « bluff technologique » dont parlait Jacques Ellul alimente un imaginaire de la perfection. 37 04 04 Arbitrer, juger ou officier à haut niveau Arbitrer, juger ou officier à haut niveau 38 Les arbitres et leurs émotions Sur le terrain, l’enjeu du match, l’évolution du score, ainsi que les différentes situations de jeu vont provoquer des émotions chez les joueurs. Mais les joueurs sont-ils les seuls concernés ? L’arbitre, souvent confronté à l’agressivité de ces derniers, n’éprouve-t-il aucune émotion en retour ? Pour être un bon arbitre et prendre toujours les décisions les plus appropriées, faut-il ne jamais ressentir d’émotions ? Les dernières études scientifiques sur la question ont montré que les états affectifs sont une composante indissociable de l’arbitrage, et que plutôt que de refouler ces états affectifs, l’arbitre aura tout intérêt à en être à l’écoute, afin de pouvoir mieux les appréhender. De manière récurrente, l’arbitre va être confronté à des éléments stressants, tels que les insultes du public ou les vociférations d’un entraîneur qui s’est senti lésé par une décision arbitrale. Ces éléments stressants vont avoir une influence sur ses émotions, et éventuellement sur sa manière d’arbitrer. Ainsi, une étude réalisée chez des arbitres de football en Angleterre a montré que les clameurs de la foule avaient tendance à augmenter l’anxiété chez les arbitres, ce qui provoquait en retour des prises de décision de moindre qualité. La question de gérer cette anxiété va alors se poser, et il semble évident que sortir un carton n’est peut-être pas toujours la meilleure solution quand l’arbitre se sent stressé, car cela contribue en retour à augmenter la tension sur le terrain avec les joueurs et les entraîneurs. L’erreur d’arbitrage Le jugement des athlètes et de leurs actions reste sans aucun doute l’activité principale des arbitres et des juges des pratiques sportives. Ces officiels perçoivent, catégorisent, stockent et récupèrent de multiples connaissances en mémoire puis intègrent les informations pour juger et enfin prendre une décision. Toutefois, une multitude de facteurs peut intervenir dans ce processus décisionnel arbitral et conduire à des biais ou plus simplement à des erreurs d’arbitrage. L’erreur existe-t-elle ? La multiplicité des variables intervenant dans les processus décisionnels nous invite nécessairement à discuter de la justesse des décisions prises par l’arbitre. Quel critère retenir pour attester que telle décision est bonne et telle autre correspond à une erreur d’arbitrage ? Est-ce une question de consensus et d’adhésion d’une majorité des acteurs et témoins ? Est-ce une question de justesse ou de justice, d’exactitude, de conformité au règlement ou de cohérence avec les décisions et jugements antérieurs ? Bonne ou mauvaise décision ? Pour le savoir, il faudrait connaître toutes les conséquences immédiates de cette décision mais aussi ses conséquences à plus long terme. En effet, chaque décision arbitrale possède, au delà de son efficacité immédiate, une valeur de message adressé à l’ensemble des acteurs pour la suite de la rencontre. Lorsque l’on demande aux arbitres internationaux comment ils en sont arrivés à maîtriser leur stress et leurs émotions, tous répondent de manière quasi-unanime : grâce à l’expérience. Y aurait-t-il donc une sorte de fatalité concernant ce thème, faudrait-il attendre sagement que le temps passé à arbitrer fasse son effet ? Non. Il est possible d’intervenir directement au niveau de la formation des arbitres, comme j’ai pu en avoir l’occasion par exemple avec la Fédération Française de Handball. Par l’intermédiaire notamment de jeux de rôles et de grilles de débriefing d’après-match, il est possible d’aider les arbitres à prendre conscience de leurs émotions et des facteurs de stress qu’ils rencontrent. Mettre des mots sur les difficultés qui peuvent surgir des tensions, permet de désamorcer les effets négatifs d’un stress mal géré. Finalement, le secret pour l’arbitre sera d’être actif en ce qui concerne le thème crucial qu’est la gestion de son stress et de ses émotions. Pour cela, il pourra pratiquer en amont certaines techniques telles que la relaxation, qu’il est possible de coupler avec des outils de biofeedback (gestion du stress assistée par ordinateur) afin d’en maximiser l’efficacité. Ceci permettra à l’arbitre d’aborder avec une sérénité accrue les rencontres qu’il se prépare à arbitrer. Sylvain Laborde, Psychologue et ATER, et Fabrice Dosseville, MCU HDR, Université de Caen Basse-Normandie Il faudrait également déterminer s’il existe une décision optimale pour toute situation sportive ; et le cas échéant si cette décision optimale est cognitivement accessible en temps réel. La qualité d’une décision est bien souvent relative à de nombreux événements antérieurs et postérieurs à l’action. Qui est le bénéficiaire des décisions de l’arbitre ? Comme dans toute activité de jugement, le décideur n’est pas le bénéficiaire direct de la qualité de ses jugements et de ses choix. Ce qui est bon pour les uns ne l’est pas nécessairement pour les autres. Il serait illusoire de négliger cette dimension car elle joue un rôle déterminant dans l’évolution du contexte au cours de la rencontre sportive. Comment s’enchaînent les décisions arbitrales ? Il s’avère difficile de juger de la qualité et de la pertinence d’une décision considérée isolément ; le sens et la signification d’une action de jeu dépendent en effet de son contexte de production. La cohérence de l’arbitrage nécessite la prise en compte de cette évolution, qui, paradoxalement, induit des différences de jugements en fonction de variables contextuelles. Il devient de plus en plus difficile de distinguer l’erreur (le biais ?) de la prise en compte de la complexité de la situation. Fabrice Dosseville, MCU HDR, et Catherine Garncarzyk, MCU Université de Caen Basse-Normandie 39 Marianne Assadi, Juge internationale de gymnastique depuis 1993 Marianne Assadi est juge internationale en gymnastique artistique et sportive depuis 1993, et intervient à ce titre lors des concours féminins, sur tous les agrès. Aujourd’hui, elle a officié sur près de 80 matches internationaux, parmi lesquels nous citerons les Jeux Olympiques de la Jeunesse Européenne (JOJE) au Danemark en 1999 et en Espagne 2001, les Jeux Africains au Sénégal en 2004 avec le titre de juge expert et en Algérie en 2007, les Championnats du monde à Londres en 2009, les Jeux Méditerranéens en 2009, les Championnats d’Europe de Birmingham en 2010… En 2011, plusieurs grandes échéances lui auront permis d’exercer sa passion de juge : le tour de coupe du Monde à Bercy en mars, les championnats d’Europe à Berlin en avril et certainement (à confirmer) les championnats du Monde à Tokyo en octobre qui seront qualificatifs pour les JO. Marianne a gravi tous les échelons. En 1980, elle débute comme juge nationale : elle est alors étudiante à l’UEREPS de Dijon (option « gymnastique ») et licenciée en Nationale 2 avec le Club de Châlons-en-Champagne. Après avoir combiné sa pratique gymnique avec une fonction de juge dans la filière féminine, elle passe, en 1990 le diplôme de « Conseiller Technique Scientifique », un examen établi au moment de la mise en place de la « symbolique » en gymnastique (il s’agit désormais de coder les difficultés sous forme de symboles). Arrivée première au niveau national, la Fédération lui propose de préparer le concours international. Ainsi, après deux ans de formation avec d’anciennes juges internationales, elle se présente au concours international qu’elle réussit. Il faut dire que depuis sa prime enfance, elle baigne dans le milieu de la gymnastique. Ses parents enseignants d’éducation physique encadrent le club de gymnastique de Châlons-en-Champagne. Et la gymnastique a eu raison de sa pratique du piano en fin de classe de 3ème, à l’inverse de sa sœur… Etre juge internationale implique plusieurs activités. C’est d’abord officier sur les compétitions, en tant que « jury D » pour noter les difficultés et /ou « jury E », pour évaluer l’exécution (le jury D pouvant intervenir sur les jurys E pour la décision finale), tout en étant disponible pour la Fédération et l’équipe de France d’une part et la Fédération internationale d’autre part. Sur les compétitions Nationales, Marianne assure les deux rôles en tant que juge D1et E1. Sur les compétitions internationales, ces deux rôles sont dissociés. Etre juge, c’est ensuite participer à la formation nationale des juges en gymnastique. Cela signifie s’investir dans un groupe de travail pour construire des outils de formation et les examens de juges, participer aux examens et jurys de juges nationaux, réfléchir aux lignes de jugement national, travailler en liaison avec les entraîneurs nationaux pour que les prestations des gymnastes françaises soient, en fonction de l’évolution du code de pointage, les plus judicieusement mises en valeur lors des compétitions internationales. C’est enfin réaliser un bilan des compétitions internationales sous forme d’articles pour « Gym Technic » et ainsi rendre compte du travail d’observation réalisé… Un article rédigé entre autre grâce à ses observations et relatif aux derniers championnats du Monde va paraître dans cette revue. De plus, Marianne a pris la responsabilité du secteur de la formation nationale des juges depuis deux ans. Pour être présenté(e) au concours de « juge international(e) », la FFG retient cinq critères principaux : les compétences dans le jugement, la disponibilité, la maîtrise de l’anglais, une certaine expérience dans le jugement et des capacités relationnelles. 40 Comme tous les juges internationaux qui souhaitent le rester, elle doit, tous les 4 ans, se présenter aux épreuves du concours de « juge international(e) » qui a lieu après chaque olympiade et chaque changement de code de pointage, sur proposition de « la Fédération Française de gymnastique. Ce concours comporte une épreuve théorique sous forme de questionnaires à choix multiples et une épreuve pratique qui concerne le jugement vidéo sur les 4 agrès féminins. Les juges internationales en gymnastique (au nombre de 14 en France) sont en majorité des enseignant(e)s d’éducation physique ou des cadres d’Etat (Conseillers Techniques Régionaux ou Zones, ou entraîneur(e)s de clubs). Marianne, elle, a toujours mené de front ses activités de juge parallèlement à celles d’enseignante d’Education Physique à Châlons-enChampagne jusqu’en 1999 (en ZEP pendant 12 ans et dans divers établissements) puis à Dijon et enfin à l’UFR STAPS de cette même ville depuis 2001. Toutes ses activités autour du jugement reposent sur du bénévolat, contrairement aux arbitres des sports collectifs du même niveau, pour ne prendre que cet exemple. Lorsqu’un(e) juge passe l’examen international, il / elle signe un engagement « moral » auprès de la FFG en terme d’investissement bénévole. Ainsi Marianne, avec en plus sa responsabilité au niveau de la formation Nationale des juges, est prise en moyenne 1 week-end sur deux au minimum (week-end qui démarre très souvent le vendredi) pour des réunions et colloques divers, des jugements lors des compétitions nationales et internationales, des tests des équipes de France, des examens de juges. Actuellement juge internationale de Niveau 5 catégorie 2 (catégorie maximale atteinte lors de l’examen international avec plus de 92% de réussite à l’examen), Marianne espère être proposée par la Fédération en 2013 pour passer le « concours intercontinental » et ainsi avoir la possibilité d’intégrer la plus haute catégorie dans ce niveau V (catégorie 1)1. Elle pourrait alors être choisie comme « jury expert » par la Fédération internationale. Actuellement une seule juge française a obtenu la catégorie 1 (correspondant à un pourcentage de réussite élevé lors de l’examen). A son avis, les qualités d’un bon juge dépassent largement celles d’un technicien qui a l’œil… Il faut un certain charisme lorsqu’il s’agit de jouer le rôle d’expert et gérer l’équipe de juges pour prendre une décision et tenir une ligne de jugement. Au-delà de la nécessité de rester neutre, le « bon » juge sait aussi « qu’il n’y a pas de vérité dans le jugement » et qu’il peut commettre et reconnaître des erreurs. Le « bon » juge doit aussi faire preuve de qualités relationnelles, notamment lorsqu’il officie comme expert. Il doit tenir compte de l’avis des autres juges et ne pas considérer qu’à lui seul, il détiendrait « une vérité » qui n’existe pas. Au plus haut-niveau, maîtriser l’anglais est indispensable, mais pas seulement ; bien connaître et s’intégrer à la dynamique relationnelle entre juges internationaux est indispensable surtout lorsque les enjeux des compétitions peuvent exacerber les pressions éventuellement exercées et subies... Mais quel que soit le niveau, et comme le souligne Marianne ASSADI, le juge doit toujours « respecter le travail de la gymnaste ». Portrait réalisé par Carine Erard, Maître de Conférences à l’Université de Bourgogne Rappelons que la Fédération Internationale de Gymnastique accepte pour la première fois de son histoire qu’un homme soit juge de niveau 5 et il faut attendre 2009 pour qu’en France, un jeune homme intègre ce plus haut-niveau de jugement 1 41 Préparation physique et arbitres de haut niveau Introduction De nos jours, les méthodes d’entraînement pour les sportifs se veulent de plus en plus pointues. A haut niveau, l’objectif est la performance : être toujours plus fort, plus vite et plus efficace dans l’activité sportive. De ce fait, la recherche s’est intéressée aux méthodes d’entraînement et de préparation physique pour rentabiliser au maximum l’outil de travail du sportif de haut niveau, son corps. L’arbitre de haut niveau ne va pas échapper à la règle. Il est partie prenante de ce spectacle sportif et un acteur fondamental dans le bon déroulement du match. La médiatisation et les enjeux sans cesse croissants dans le monde du football par exemple, donnent une importance fondamentale à sa prestation. Dans un premier temps, la recherche a quelque peu « boudé » les arbitres pourtant au centre du match. Mais depuis une dizaine d’années, on trouve de plus en plus d’intérêt à étudier l’arbitre, ses déplacements et ses besoins physiologiques (sa fréquence cardiaque durant un match etc.) de la même manière qu’un sportif de haut niveau. « L’homme en noir » est le garant des lois du jeu et de ses applications. Son objectif est d’être au plus proche de l’action et de suivre l’évolution du jeu sur le terrain. La fatigue est son ennemi (au même titre qu’un joueur) car elle engendrerait diminution de l’activité (distance parcourue) et perte de lucidité (prise de décisions). Typologie et nature des efforts Les rares études réalisées dans les années 90 montrent qu’un arbitre de football parcourt entre 9 et 10Km par match (Asami et al. (1988) : 9736m ; Catterall et al. (1993) : 9438m). Mais depuis le jeu s’est accéléré, les profils physiques des joueurs ont évolué vers plus d’explosivité, de puissance et de vitesse. Les études les plus récentes tendent à montrer que l’activité des arbitres durant les 90 minutes du temps réglementaire a encore évolué vers plus de distance réalisée. Un arbitre parcourt aujourd’hui entre 10 et 13Km lors du match (Krustrup et Bangsbo (2001) :10070m ; D’ottavio et Castagna (2001) : 11376 ; Castagna et al. (2004) : 12956). Ces valeurs sont similaires à celles des joueurs. D’ottavio et Castagna (2001) se sont intéressés au découpage de la distance totale parcourue : 57% à intensité faible, 28,8% à intensité moyenne 14,1% à haute intensité sans différences significatives entre la première et la deuxième mi-temps. Ils notent également une période d’inactivité, de l’ordre de 10% de la durée du match, qui s’intercale entre les différents efforts. On voit clairement le caractère intermittent du match de football. L’enjeu est d’être capable de courir à de hautes intensités pendant un temps plus ou moins long dans le but d’être le plus près possible des actions et donc de suivre l’évolution (rapide) des joueurs sur le terrain. La plupart des études montrent qu’en moyenne la fréquence cardiaque de l’arbitre se trouve entre 85 et 95% de leur FC maximum ( Krustrup et Bangsbo (2001) ; D’ottavio et Castagna (2001)). Le travail aérobie (endurance) est donc une dominante importante pour l’arbitre. Il doit subir un entraînement lui permettant de courir beaucoup, à différentes allures en sollicitant un haut pourcentage de sa fréquence cardiaque maximale. Préparation physique La première étape de son entraînement est de développer un socle « aérobie » (endurance fondamentale), pour être capable de courir longtemps en situation « d’aisance respiratoire ». Ce type de séance est nécessaire en début de préparation d’avant saison et peut être reproduite ponctuellement dans la saison 42 dans un but « plaisir ». Ensuite, il faut développer « la qualité » endurance représentée par un indice appelé VMA (Vitesse Maximale aérobie), c’est une vitesse maximale obtenue lors d’un test d’intensité croissante. Elle représente le potentiel d’un sujet et doit être améliorée par un travail intermittent du type « 30-30 » (30sec course-30sec repos). Cette progression permettra de solliciter l’arbitre dans de hautes intensités et de développer son niveau d’endurance. A l’opposé du joueur qui n’est pas concerné tout le temps par le ballon, l’arbitre suit le jeu et peut se retrouver dans des séquences continues, à allure variable, sans récupération. Il est important qu’il soit préparé pour ce genre de situation. L’entraînement pourra donc intégrer des séquences de travail continues sur des courses à allure sous maximale (80 à 90% VMA) sur des temps (ou distances) plus longs : 200 à 800m répétés plusieurs fois. Enfin, dans l’optique d’améliorer l’enchaînement d’efforts courts et intenses, un travail intermittent plus court, et à haute intensité, est souhaitable (15sec course-15sec repos / 10sec-20sec etc.). Ce type de situation se rapproche des efforts spécifiques observés en match. Les aspects coordination et motricité semblent également très présents lors de l’analyse des déplacements. Krustrup et Bangsbo (2001) montrent un grand nombre de changement d’actions (1270) lors du match. Ceci montre l’enchaînement de différentes typologies d’effort et de motricité (courses arrières et latérales, appuis variés…). Le fait d’être à l’aise dans ces enchaînements de tâches peut apporter à l’arbitre relâchement et économie d’énergie. L’arbitre se doit de pouvoir exploiter des qualités de vitesse minimum qui lui permettront de se rendre dans un délai de temps très court à l’endroit le plus adéquat pour prendre la bonne décision. A l’opposé du joueur, ce n’est pas cette qualité de vitesse qui fera la différence dans le match, l’arbitre est moins « en rupture » que le joueur de football. Le travail de vitesse sera donc de type simple avec un entraînement basé sur le sprint de 5 à 40m et sur la vitesse de réaction en situation spécifique. La musculation pourra être envisagée dans un but de prévention des blessures, d’un simple renforcement musculaire local ou d’amélioration d’une allure physique qui est la première image de son autorité. Conclusion L’arbitre de football de haut niveau est donc aujourd’hui considéré et suivi avec une précision semblable à un joueur professionnel. Son entraînement est varié, planifié (4 à 5 entraînements hebdomadaires) et évalué régulièrement par les instances fédérales. Les contenus sont donc individualisés en fonction des exigences de son rôle que l’on connaît de mieux en mieux. Manuel Lacroix Préparateur physique, Centre d’Expertise de la Performance « Gilles Cometti » Bibliographie Asami T, Togari H, Obashi J. (1988) « Analysis of movement patterns of referees during soccer matches », in T.Reilly, A. Lees, K. Davids & W.J.Murphy Science and football, London : E & FN spon. Catterall C., Reilly T., Atkinson G., Coldwells A. (1993) « Analysis of the work rates and heart rates of association football referees », in Br. J. Sports Med 1993, 27 :193-196. Krustrup P, Bangsbo J. « physiological demands of top-class soccer refereeing in relation to physical capacity : effect of intense intermittent exercise training », in J. Sports Sci. 2001, 19 :881-891 D’Ottavio S., Castagna C. « Analysis of match activities in elite soccer referees during actual match play », in J. Strenght Cond. Res. 2001, 15 :167-171 Castagna C., Abt G, D’Ottavio S., « Activity profile of international level soccer referees during competitive matches », in J. Strenght Cond. Res., 2004, 18 :486-490 43 quelques chiffres sur les arbitres de football de ligues 1 et 2 Les pères des arbitres de Ligue 1 et 2 et leur pratique de l’arbitrage 100 Pères arbitres Pères arbitres en football 50 Pères arbitres aux niveaux national et international 0 Diplômes obtenus par les arbitres de Ligue 1 et 2 de football SANS DIPLôme CAP/BEP BAC Pro BAC Général DUT/BTS DEUG 01.8% 01.8% 10.5% 05.3% 19.3% 10.5% LICENCE MAÎtrise CAPES DEA/DOCTORAT AUTRE 07% 17.5% 03.5% 08.8% 14.0% Diplômes obtenus par les arbitres de Ligue 1 et 2 de football AGRICULTEUR 0% ARTISAn/COMMERçant 0% SANS PROFESSION EMPLoyé PROF. INTERMEDIAIRE AUTRE SANS réponse CADRE SUPérieur prof. intellectuelle 24.1% 39.7% 13.8% 15.5% étudiant 07% 17.5% 03.5% 08.8% 8% 7% 25% POSTES OCCUPÉS EN TANT QUE JOUEUR Gardien de but Défenseur Milieu Attaquant Sans réponse Formateur Observateur Membre commission Président CTRA responsabilités au sein des districts et ligues 35% 25% 44 Source : A. PERREAU NIEL (2010) «Les dispositions sociologiques et psychologiques à l’arbitrage en football», Mémoire de Master 2 STAPS, Université de Bourgogne De la théodicée à la télédicée. La télévision comme justice divine. Lorsqu’en 1710, Leibniz publie « Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l’homme et l’origine du mal1», le philosophe postule que l’œuvre divine porte le sceau de la Justice. Tout ce qui se produit est donc juste et bon au seul motif que tout dépend de l’œuvre de Dieu. Trois siècles plus tard, la justice des hommes ne porte plus le sceau divin et se trouve au cœur des débats sociaux et devient un outil de contrôle du degré de civilisation. Loin d’être infaillible, la justice prête le flanc aux critiques les plus violentes parce qu’elle est indispensable à la vie en société, elle en constitue le socle, le bien commun. Sans elle, toute forme d’interaction entre les individus est impossible. Or, cet absolu social se heurte tantôt aux erreurs, tantôt aux incompréhensions, aux dévoiements voire à la corruption. Dans une société qui doute de ses propres compétences à juger et de ses juges, il est un espace qui constitue une modélisation, un but à atteindre : le sport. Parce qu’il porte les valeurs de justice2 comme un étendard immaculé, il se trouve propulsé au rang d’idéal social. Modèle de justice parce que seul le meilleur gagne, parce que le sportif est récompensé de ses propres efforts, le sport incarne une société juste, méritocratique. Toutefois, cet idéal ne supporte guère l’analyse approfondie de ces vertus supposées mais surtout, la justice qui y est rendue n’est en rien parfaite. Tel Candide3 qui traverse la vie et découvre ses horreurs et ses injustices, le spectateur perçoit dans le sport les limites d’un monde social humain. La justice divine - théodicée - laisse place à une nouvelle forme de justice : la télédicée. Nul ne peut contester ce que nous laisse voir la télévision, quand bien même comme le rappelle Guy Debord : « Le spectacle, comme tendance à faire voir par différentes médiations spécialisées le monde qui n’est plus directement saisissable, trouve normalement dans la vue le sens humain privilégié qui fut à d’autres époques le toucher ; le sens le plus abstrait, et le plus mystifiable, correspondant à l’abstraction généralisée de la société actuelle »6. Vouloir instaurer la vidéo dans l’arbitrage des rencontres de football, c’est confier la justice à une nouvelle divinité (la télévision) sans nous interroger sur notre rapport (apprentissage, incorporation, légitimisation, etc.) à la loi comme socle de nos sociétés. Tony Chapron Doctorant et Arbitre international en Ligue de football 1 Gottfried Wilhelm Leibniz, Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l’homme et l’origine du mal, Amsterdam : D. Mortier, 1720 2 Voir le chapitre Un modèle de justice construit autour de la règle et de l’arbitre, Tony Chapron in Le sport et ses valeurs, sous la dir. Michaël Attali, La Dispute, Paris, 2004. 3 Voltaire, Candide ou l’Optimisme, R. Pomeau éd., Nizet, Paris, 1959 4 Johann Huizinga, Homo ludens, essai sur la fonction sociale du jeu, Paris, Gallimard, 1951, p.135 5 Voir sur la notion de ralenti, Jacques Blociszewski, Le match de football télévisé, Editions Apogée, Paris, 2007, p.113 6 Guy Debord, La société du spectacle, Paris, Gallimard, 1992, p.23 L’exemple du football, nous offre une approche symbolique de cette incapacité des hommes à concevoir une justice faillible. Comme le souligne Huizinga « plus une société se «juridise» moins elle supporte la notion de hasard4 », et dans cette société l’interprétation des juges (des arbitres) peut être considérée comme un paramètre d’incertitude, un aléa. Si, auparavant, l’erreur d’arbitrage pouvait s’entendre c’est, d’une part, parce que les enjeux économiques étaient moindres et, d’autre part, parce que l’erreur d’arbitrage ne dépassait pas le cercle restreint des spectateurs et des acteurs du jeu et ne concernait, par conséquent, que l’espace sportif. L’apparition de la télévision a bouleversé cette vision de la justice, en effet, la télévision donne à voir et à revoir5 tout et rien et surtout les erreurs d’arbitrage comme une abomination intolérable dans une société civilisée. C’est la notion même de justice que la télévision redéfinit puisqu’elle place tous les téléspectateurs devant le spectacle de la justice et transforment ceux-ci en procureurs ou juges patentés, sans plus de connaissances législatives. La preuve de la télévision se suffit à elle-même sans tenir compte des règles précises, du contexte et du ressenti du réel par les juges. Les sociétés disciplinaires telles que décrites par Foucault dans « Surveiller te punir » sont en crise et le succès de la télévision tient à l’instauration d’un autre rapport à l’autorité sportive, elle propose non plus de fonctionner sur un mode disciplinaire mais d’introduire un contrôle total. L’arbitre se retrouve alors non plus en acteur du monde social régi par des lois mais comme exécutant d’une justice télévisée suprême. 45 05 Les arbitres des outils marketing 46 Le sport, un instrument stratégique pour les entreprises A la fin de du XIXe siècle et au début du XXe siècle, le sport est avant tout une activité de loisir totalement désintéressée, qui se pratique dans un cadre associatif1. Depuis, le sport joue un rôle multiple : une activité professionnelle (joueurs ou athlètes professionnels), une activité physique au service du bien-être des individus (santé morale et physique), une activité sociale (un instrument d’intégration, de cohésion et de réseau social), un support de loisir (assister à des événements sportifs), un instrument politique (atténuer les tensions sociales, légitimer un régime politique, etc.) et enfin un instrument stratégique pour les entreprises. L’instrumentalisation du sport par les entreprises est structurée autour de deux axes stratégiques. Dans le premier, le sport constitue pour l’entreprise un moyen de régulation interne : renforcer la motivation et la cohésion des salariés. Cette régulation se fait sous différentes formes : faire participer les salariés à des événements sportifs, développer des techniques de coaching2 inspirées de celles mises en places dans les clubs ou les équipes sportives, organiser des séminaires avec des activités sportives (sauts à l’élastique, randonnée, etc.), aménager des espaces de remise en forme, etc. L’entreprise utilise aussi la métaphore sportive de manière verbale pour donner une signification à la nature de fonctionnement de l’entreprise : « construire une équipe » (« Team Building »), « savoir prendre les bons vents et tirer les bords habilement pour tirer profit des opportunités du marché », etc. tunité pour développer ou améliorer la notoriété de l’entreprise sponsor et celle de sa marque. Sponsoriser une entité sportive permet aussi à l’entreprise sponsor d’améliorer son image institutionnelle et celle de la marque en s’appropriant les valeurs de l’activité sportive. Dans une opération de sponsoring, le sponsor apporte des ressources financières ou/et matérielles à l’entité sportive. Ces apports contribuent au développement de l’entité sportive et à l’amélioration de son fonctionnement. Cette contribution donne à l’entreprise sponsor une image citoyenne et permet ainsi « d’atténuer » son image « utilitariste ». Le sport et l’entreprise sont devenus des frères jumeaux « condamnés » à vivre ensemble, car leurs intérêts sont interdépendants. Nacer GASMI Maître de Conférences en Sciences de Gestion à l’Université de Bourgogne 1 Barbusse B. (2009), « Entre sport et entreprise, une attirance réciproque », L’Expansion Management Review, N° 134, p. 10-19. 2 Les entraîneurs et joueurs de renom tels que Aimé Jacquet, Yannick Noah, Michel Hidalgo, Daniel Constantini, etc. interviennent souvent dans des séminaires de management. Dans le deuxième axe, le sport est exploité par l’entreprise comme un support de communication envers ses publics externes (consommateurs) pour se différencier de la concurrence, en sponsorisant des entités sportives (clubs sportifs, etc.). Les racines du sponsoring remontent au temps de la Grèce et de la Rome Antique. Les Jeux Romains et leur exploitation comme outil de commerce existaient, alors que la plupart des spectateurs ne savaient ni lire ni écrire. C’est durant la seconde moitié du XIXe siècle, quand le sport moderne apparaît, que les entreprises ont commencé à professionnaliser leur relation avec les entités sportives. Ainsi, certaines opérations de sponsoring marquantes ont vu le jour. Par exemple, en 1861, l’entreprise britannique de restauration Spiers and Pond a sponsorisé la première tournée de l’équipe britannique de cricket en Australie. En 1887, l’entreprise française Michelin, a commencé à sponsoriser les coureurs cyclistes, etc. Depuis les années 1980 et surtout 1990 où les médias ont pris une place importante dans la société, le marché de sponsoring sportif est en forte croissance : la demande concerne des entreprises venant des secteurs très divers et l’offre des entités appartenant à diverses activités sportives. Le recours au sponsoring sportif est devenu un support majeur dans la stratégie de communication externe des entreprises. Le sponsoring apporte deux avantages majeurs en termes d’avantage concurrentiel : développer la notoriété et surtout l’image de l’entreprise en tant qu’institution et celles de sa marque. En effet, un événement sportif est un spectacle qui a une capacité à mobiliser fortement des audiences directes et indirectes qui vont voir le nom ou la marque de l’entreprise sponsor sur les différents supports. Ceci constitue une oppor47 La poste, partenaire des arbitres Sur tous les terrains de sport, ils sont plus de 58 000 hommes et femmes à officier au service du jeu et des joueurs. Chaque année, ce sont trois millions de matches qui sont ainsi sous leur responsabilité. Les arbitres portent des valeurs d’équité et de respect, de confiance et de performance. Et ils sont toujours là le week-end auprès des sportifs comme les postiers le sont tous les jours auprès des Français sur tout le territoire. Ces acteurs essentiels de la vie sportive, en même temps qu’ils conjuguent performance et sens des responsabilités, agissent au service de tous et incarnent des valeurs structurantes de la vie en collectivité. A cet égard, si La Poste a choisi depuis 2007 de soutenir les arbitres, elle ne l’a pas fait par hasard. Au-delà des valeurs communes partagées, c’est parce que nous sommes, nous aussi, soucieux de l’intérêt général et que nous cultivons l’esprit de service, qu’il nous a semblé légitime de militer en faveur de la cause arbitrale. Chaque année, au mois d’octobre, La Poste avec les fédérations et ligues professionnelles de football, rugby, handball et basket, met à l’honneur les arbitres en organisant les Journées de l’arbitrage. Objectif : mener des actions d’envergure pour sensibiliser le grand public au rôle indispensable de l’arbitre, dans le monde professionnel comme chez les amateurs. Pour La Poste, cette manifestation est la vitrine d’un engagement en profondeur depuis quatre ans qui se concrétise par un accompagnement constant des arbitres. Tout au long de l’année, La Poste met en effet en place différentes actions en faveur de l’arbitrage. Elle organise notamment des « TOUS ARBITRES », LE LIVRE RéFéRENCE La Poste et les éditions Chronique ont souhaité éditer un ouvrage de référence sur l’arbitrage. Richement illustré, « Tous arbitres » ne se veut ni polémique, ni complaisant. Il entend simplement apporter un éclairage didactique et humain sur la fonction d’arbitre, sa complexité, son histoire et les enjeux qui en sous-tendent l’exercice. Ce livre est composé d’une histoire de l’arbitrage et d’une vision de l’activité. De nombreux témoignages illustrent les problématiques auxquelles sont confrontés les arbitres (pressions, incivilités, violences, évolution des règles, médias, politiques…). Il est ouvert par une contribution exceptionnelle du philosophe Michel Serres sous le titre « Les arbitres ne font pas d’erreur ». Tous arbitres, Editions Chronique, 128 pages, 21 € 48 cérémonies de remise de maillots officiels pour récompenser les jeunes arbitres dans les régions (155 maillots ont ainsi été offerts par La Poste aux jeunes arbitres de Bourgogne), elle anime un site internet dédié à l’arbitrage www.tousarbitres.fr et elle soutient les cursus de formation universitaire et les filières arbitrage des fédérations. En Bourgogne, trois stages de sensibilisation et de formation ont eu lieu à Auxerre, Chenôve et Vitry-en-Charolais. L’organisation et la mise en œuvre de ces actions marque la volonté de La Poste de poursuivre son effort de valorisation de la fonction arbitrale et nous rappelle, si besoin était, combien le rôle de l’arbitre est indispensable à la préservation de l’esprit sportif. Il tend à replacer l’idée de respect au cœur du débat sportif et nous sensibilise à la nécessité de promouvoir l’écoute et le dialogue. En nous efforçant chaque année d’imaginer de nouvelles actions d’accompagnement et de valorisation du corps arbitral, nous souhaitons réaffirmer notre soutien sans faille à ceux dont nous pensons qu’ils incarnent au mieux l’esprit sportif. Nous entendons, ce faisant, encourager l’échange et restaurer la confiance entre tous les acteurs du jeu. Mais nous voulons surtout rappeler, comme nous le faisons depuis déjà quatre ans, que le respect conditionne, en toute circonstance, la qualité du lien social… Et le lien social à La Poste nous ne faisons pas qu’en parler… C’est chaque jour que nous le concrétisons ! Didier Lajoinie Délégué Régional du Groupe La Poste en Bourgogne 49 © Focale.info - T. Hazebrouck Sébastien Moreira, arbitre et postier La Poste a choisi de soutenir les arbitres (en football, handball, rugby et basket) depuis 2007. Vous êtes arbitre de football pour la Ligue de Franche-Comté et vous travaillez aussi à La Poste à Dijon. Vous êtes donc arbitre et postier. Comment ce partenariat se concrétise-t-il dans votre métier et dans votre pratique d’arbitre ? A la base, il existe des valeurs similaires entre La Poste et l’arbitre. On y retrouve des valeurs comme la proximité, l’équité, l’impartialité. Etant arbitre avant d’être postier, je connaissais toutes ces valeurs même si je me suis rendu compte progressivement à quel point les similitudes sont nombreuses. Depuis quand arbitrez-vous et à quel niveau arbitrez-vous désormais ? Je suis arbitre en Ligue 1, en football, depuis 2 ans. J’ai commencé à arbitrer à 15 ans alors que je jouais dans un club présidé par mon père, à Belfort. J’ai ensuite gravi tous les échelons jusqu’à intégrer la Ligue 1 en juin 2009. Depuis quand travaillez-vous à La Poste et quelle fonction y occupez-vous actuellement ? Je travaille à La Poste depuis 2009. Auparavant, je travaillais dans le privé avec des difficultés pour concilier la pratique arbitrale et ma vie professionnelle. En effet, lorsqu’on est arbitre, on a un statut de travailleur indépendant avec un fixe pour la saison et une rémunération par prestation. Nous ne sommes donc pas des « professionnels » dans le sens où nous n’avons pas de contrat et aucune situation pérenne. En deux ans, suite à une blessure ou à un déclassement, nous pouvons tout perdre alors même que le plus souvent, les arbitres de Ligue 1 ont dû mettre entre parenthèses leur carrière professionnelle. La Poste me permet de concilier les deux activités : je travaille à mi-temps sur le projet « Cap Qualité Courrier » qui est un projet de modernisation et de centralisation du courrier sur une plateforme industrielle et peux donc être libéré pour arbitrer les matches, participer aux stages et aux activités des arbitres de Ligue 1. Ayant des compétences administratives avant d’entrer à la Poste, je n’ai pas eu à m’adapter au travail en lui-même mais plutôt au milieu postier. C’est une grande famille, avec sa culture mais elle m’a très bien intégré. Pourquoi, selon vous, La Poste de Bourgogne-FrancheComté, vous a-t-elle choisi comme figure référente de son partenariat ? Lors d’une rencontre dans le cadre du partenariat avec La Poste, Michel Brey, Directeur du courrier de Bourgogne, m’a proposé de devenir postier. C’est avant tout une question de rapports humains, notamment pour que puisse s’instaurer une relation de confiance réciproque : j’apporte ma petite «notoriété» d’arbitre de Ligue 1 pour prôner les valeurs communes de l’arbitrage et de La Poste et elle, en échange, me permet de m’épanouir sur les deux domaines : professionnel et sportif. 50 Quelle(s) valeur(s) La Poste trouve-t-elle dans l’arbitrage et en quoi l’arbitrage peut-il, d’après-vous valoriser son image ? Quelles sont les valeurs partagées par La Poste et le corps arbitral ? Il y a entre les deux, de nombreuses valeurs communes. La proximité : à La Poste, elle existe par rapport aux clients avec des bureaux de poste et des boîtes à lettres présents sur tout le territoire. Et en tant qu’arbitres, nous sommes proches des joueurs. L’écoute : à La Poste comme en arbitrage, on essaie de comprendre avant de prendre une décision. Autre valeur en commun : l’équité. Dans l’arbitrage, nous n’avons pas à favoriser une équipe plus qu’une autre ; à La Poste, en interne, il y a une considération équivalente pour chaque postier ; en externe, La Poste ne fait pas de différence entre ses clients. La notion du travail d’équipe est également présente dans mes deux activités. Sur un terrain de foot, j’ai deux assistants plus un quatrième arbitre et en tant qu’arbitre central, je suis chargé de diriger cette équipe. Dans le traitement du courrier, on retrouve cette notion de travail collectif avec des managers pour coordonner le travail et motiver les troupes. Le respect est un autre des points communs. Sur le terrain, je suis juge-arbitre et là pour faire respecter les règles, en aimant que les décisions soient respectées et avec comme principe de ne jamais critiquer un joueur ou un dirigeant. Au sein de La Poste, là aussi, le respect est primordial : un facteur en est le garant dans le respect de son serment qu’il prête pour préserver les secrets de la correspondance et prendre en compte les besoins de ses clients. Enfin, dans l’arbitrage comme à La Poste, nous sommes soucieux de l’intérêt général et nous cultivons l’esprit de service. Rappelons que l’arbitrage est reconnu comme une mission de service public depuis 2007… Interview réalisée par Carine Erard, Maître de Conférences à l’Université de Bourgogne Avec l’aimable collaboration de Sébastien Moreira et de Kildine Bataille, Directrice de projets au sein de l’Agence de la Direction de la communication du Groupe La Poste en Bourgogne et Franche-Comté 51 Charles ROZOY Natation « Les arbitres et juges en natation sont des bénévoles passionnés qui donnent énormément de leur temps, j’ai beaucoup de respect pour eux ! » 52 © Focale.info - T. Hazebrouck Hélène RECEVEAUX Judo Barthélémy AGOSTINI Aviron « Les arbitres ont un rôle primordial, mais perdre un combat sur une erreur d’arbitrage c’est frustrant, même si l’on sait que l’erreur est humaine ! » « Sans arbitre il n’y a pas de compétitions. » Apithy BOLADE Escrime Sophia SERSERI Gymnastique « L’arbitre fait partie du match, il faut savoir jouer avec. En effet suivant leur pays d’origine et leur formation leur décision peut être différente !! » « Les juges sont de plus en plus sévères et à chaque compétition il faut les impressionner davantage. Jamais on ne remet en cause une note. » © FF Gymnastique - G. Bidault LOCKMAN KAPLANBABA Lutte « Aujourd’hui les arbitres sont mieux formés et certains changements de règlement font qu’il y a moins de litiges. Notre carrière tient parfois à une décision arbitrale. » 53 54 55 Conclusion et remerciements Dans le sport, les jeux ont leurs règles de la même façon que les peuples ont leurs lois. Il n’est pas pensable que les individus puissent vivre ensemble ou jouer ensemble sans définir les limites au delà desquelles le respect mutuel n’est qu’un vain mot. Mais une règle comme une loi, aussi parfaites soient-elles, ne seront efficaces s’il n’y a pas une autorité pour les faire respecter. C’est ainsi que dans le sport, les jeux sont supervisés par des arbitres, des juges, des commissaires, des officiels etc. appellations souvent très différentes selon les disciplines mais dont les fonctions répondent aux mêmes objectifs : garantir des confrontations dans le respect des règles. Ces arbitres, juges, commissaires, officiels, accomplissent une fonction indispensable, souvent discrète, peu connue et reconnue, notamment par rapport aux sportifs de la manifestation sportive dont ils ont la charge. Et pourtant, peut-on imaginer un rencontre de football sans arbitre ? Ou encore une rencontre d’athlétisme sans chronométreur officiel ? Certainement pas à notre époque où la contestation devient une pratique quotidienne. Il est nécessaire que ces arbitres juges et officiel(le)s soient bien formés pour qu’ils puissent assumer pleinement et sereinement leur fonction. Pour l’ensemble des disciplines la formation des arbitres est une priorité. L’UNSS permet, quant à elle, aux jeunes de commencer à se former très tôt. Cette brochure a le mérite de valoriser ces fonctions et de communiquer sur les réussites des bourguignons dans ce domaine. Un grand merci à Carine Erard, Ludivine Jacquinot et à toutes celles et ceux qui ont contribué de prés ou de loin à la réalisation de cette publication sur les arbitres. Jean-Pierre PAPET Président du CROS de BOURGOGNE 56 quelques idées de lecture ... A lire ! Chapron, T. (2005). « L’arbitre et ses fonctions éthiques », Ethique publique, vol. 7, n°2, 125- 130. Charrier, P. (2006). « Les modes d’accès féminins à l’arbitrage du football en France », CNRS/université Lyon 2. Denis, D. (1978). « Aux chiottes l’arbitre », Supplément à Politique Aujourd’hui, n° 5. Dosseville, F. & Laborde, S. (2011) « Les facettes de l’arbitrage : Recherches et problématiques actuelles », Editions Publibook collection Université. Dosseville, F. & Garncarzyk, C. (2008). « Rapport sur l’Enquête Nationale sur l’Arbitrage et le Jugement dans les pratiques Sportives ». Dosseville, F. & Garncarzyk, C. (2007) « L’arbitrage des pratiques sportives : jugement et décision, Bulletin de psychologie », Tome 60 (3), n°489, p. 225-237. « Tous arbitres ! » (2010), Edité par la Poste et les Editions Chroniques (ouvrage préfacé par Michel Serres) Rix, G. (2007). « Le 31e homme : un garant de la culture du rugby à XV », In J-Y. Guillain, P. Porte, La planète est rugby. Regards croisés sur l’ovalie (pp331-350). Paris : Musée national du Sport et Atlantica. Et aussi… Derrien, B & Raymond, R. (2009) « A bas l’arbitre ! », ed Rocher Lesay, J-D & Annese, F. (2007) « A mort l’arbitre ? », ed Calmann-Lévy A voir ! « À mort l’arbitre », film de Jean-Pierre Mocky, réalisé en 1983. « Les Arbitres » (kill the referee !) Documentaire, 2009. 57 58 59 60