Dōjō Zen de Vernon – Saint-Pierre-d`Autils

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Dōjō Zen de Vernon – Saint-Pierre-d`Autils
– Dōjō Zen de Vernon – Saint-Pierre-d’Autils –
– Gōdō : Luc Sōjō Bordes
Dimanche 2 mars 2014
Kusen 1
Dans la posture, grâce à la bascule naturelle du bassin, la colonne vertébrale s’étire
naturellement, la hauteur du zafu permet cette position naturelle entre ciel et terre,
énergique et élégante, ferme et souple comme un roseau.
Quand vous vous rendez compte que des tensions inutiles s’installent, relâchez-les
délicatement. Parfois il suffit de détendre la posture du dos, et la posture se redresse sans
effort, pas besoin de forcer les lombaires.
Rentrez légèrement le menton pour pouvoir pousser le ciel avec la tête. La posture est
bien plantée, mais capable de s’adapter à l’air du temps, instant après instant. Libérez
l’abdomen de façon à laisser l’expiration s’allonger elle-même. Ainsi toute la région de
l’abdomen, là où rejoignent les mains, devient chaude. Et la tête devient froide.
Cette journée est l’occasion de nous mettre en vacance du mental. D’ailleurs vacance a la
même racine étymologique que vacuité. Pendant zazen, laissez ce mental singe à lui-même.
S’il s’agite, il s’agite. S’il se pose un moment, il se pose. Ainsi, il se retrouve en mode veille,
comme les bulles de Windows sur l’écran d’ordinateur, qui peuvent s’agiter dans tous les sens
sans modifier le fond d’écran.
L’important est de garder un esprit de non-sélection. Il n’y a pas de petites choses et de
grandes choses pendant une sesshin. On se concentre soigneusement et délicatement, sans
stress, sur zazen, kinhin, les déplacements les cérémonies, le repas, le samu. Même dans Star
Wars épisode 1, il y a un maître Jedi qui dit : « Ta réalité est fonction de ta réalisation ». Peutêtre que le réalisateur ne croyait pas si bien dire.
Si nous nous laissons piéger par nos fabrications pendant que nous sommes en train
d’agir, nous ne sommes plus tout à fait réels, un peu fantomatiques. Si nous sommes
présents, nous pouvons véritablement jouir de chaque instant, apprécier la danse des
choses.
Kusen 2
Régis par la loi d’interdépendance, toutes les portes et tous leurs objets s’interpénètrent
ensemble et non-ensemble.
Les deux peuvent se rejoindre harmonieusement.
Si cette rencontre harmonieuse ne se fait pas, les deux restent sur leurs positions.
Les portes dont parle maître Seikito ce sont les six entrées du corps : les yeux, les oreilles,
le nez, la bouche, la peau, ainsi que le mental, qui permettent les six sens. Le sixième, ça
n’est pas ce qu’on appelle le sixième sens en Occident. Dans le Bouddhisme, c’est la pensée
discursive, conscience mentale, manas en sanscrit.
Pendant zazen, le regard est posé devant nous et n’observe rien. Les oreilles entendent les
tourterelles, le kusen, mais n’écoutent rien consciemment. Le nez respire le parfum de
l’encens, mais n’hume rien. La langue peut percevoir une saveur sans la goûter. La peau peut
recevoir différentes sensations sans que l’on s’y attache. Toutes sortes d’idées, de pensées
peuvent se présenter. Mais on n’y pense pas. On laisse les bulles s’élever et éclater. Elles
entrent et sortent, c’est tout. C’est-à-dire que dans cette pratique, l’Esprit inclut tout. Rien ne
sépare. Il y a interpénétration totale entre les portes et les objets. À condition qu’il n’y ait pas
de mot qui se prononce intérieurement sur ces objets, à condition qu’il n’y ait pas
d’attraction ni de répulsion, de saisie ni de rejet. « Ah la cloche de l’église n’est pas à l’heure,
Jésus et Bouddha ne s’harmonisent pas », « Je ne suis pas d’accord avec ce que dit le godo »,
« Oh, mon zazen est génial ! » : on est simplement assis au milieu du monde.
Dans Le grand livre du bouddhisme, l’auteur Alain Grosrey exprime très bien ces
conditions de zazen :
La suspension des jugements, dit-il, libère l’esprit de la saisie d’un objet et d’un sujet,
rendant possible l’expérience à laquelle rien ne manque, présence pure et nue à ce qui est
simplement ainsi.
C’est la réalisation de « seulement cela ». « Les choses comme c’est » disait Shunryu Suzuki
dans son commentaire.
« Tout est là dans l’instant » nous dit Gérard Chinrei.
Kusen 3
Régis par la loi d’interdépendance, toutes les portes et tous leurs objets s’interpénètrent
ensemble et non-ensemble.
Les deux peuvent se rejoindre harmonieusement.
Si cette rencontre harmonieuse ne se fait pas, les deux restent sur leurs positions.
Comme toujours dans la Voie du Milieu, nous ne devons pas voir les choses d’un seul côté.
En effet, il n’y a pas seulement interdépendance comme nous avons vu ce matin, mais aussi,
indépendance originelle : « Toutes les portes et tous leurs objets s’interpénètrent ensemble et
non-ensemble. »
Ensemble et non-ensemble : par exemple les couleurs et les formes ou les sons existent
par nos yeux, nos oreilles et notre peau, mais existent aussi indépendamment de nous. De
plus, notre nez n’est pas nos oreilles qui ne sont pas nos yeux. Chaque organe est totalement
indépendant mais participe complétement à la solidarité de ce corps-esprit. Et ce corps-esprit
à la solidarité avec tous les êtres.
Chacun d’entre nous, dans ce dojo est complétement unique, indépendant. Cependant,
chacun d’entre nous est aussi le fruit de multiples conditions, d’infinies conditions qui ne
remontent pas seulement à notre naissance mais au fond des âges. Et de plus, il n’y a pas de
sujet fixe qui soit le fruit de conditions. Tout se réalise d’instant en instant. Comme un logiciel
ou un système d’exploitation d’ordinateur qui s’actualisera en permanence. C’est ce qu’on
appelle dans le bouddhisme, la coproduction conditionnée. Au-delà du terme philosophique,
vous pouvez le vivre complétement en votre corps ici et maintenant.
Nous pouvons en rendre grâce aux ancêtres, au soleil, aux plantes, aux étoiles. De plus, si
chacun d’entre nous pratique complétement zazen, le zazen de ce dojo devient très fort et
influence naturellement le cosmos.
Considérer chacun d’entre nous dans ce dojo, c’est san. Et l’atmosphère générale du dojo,
c’est do. Et quand il n’y a plus « je » fais zazen, c’est Sandokai, l’union de l’un et du multiple.
Et pourtant, nous ne sommes pas nos voisins.
Si nous avons conscience de l’un et du multiple, si nous pratiquons sans nous limiter aux
murs du dojo, nous ne verrons plus de la même manière le mendiant sur le trottoir ou
l’automobiliste qui nous agresse, notre ennemi, notre ami, notre compagnon ou compagne.
C’est le sens du poème célèbre du grand William Blake :
Voir un monde dans un grain de sable,
Un ciel dans une fleur sauvage,
Tenir l’infini dans la paume de la main,
Et l’éternité dans une heure.

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