n° 16 - site ALAT
Transcription
n° 16 - site ALAT
ECPAD - Alban BATTESTINI Editorial RI.ALAT n° 16 - SOMMAIRE • Éditorial du général COMALAT 1 • Actualités ALAT 2 LA VIE DES UNITÉS • Le président de la République visite l’ALAT à l’EFA 6 9 • Mission de destruction • Le trafic de l’aéroport international d’Abidjan aux mains des contrôleurs du 6ème RHC 11 • De la liberté d’action d’un chef de patrouille 13 • Des Puma de l’armée de Terre 15 dans le ciel d’Indonésie 17 • Opération BERYX • 5ème RHC : 300 heures de vol et 1000 appontages 19 dans les deux hémisphères COUP DE PROJECTEUR • Le Détachement ALAT des opérations spéciales 21 LA VIE DES UNITÉS • L’EAAT a 10 ans 26 FORMATION • Les primo-formateurs de l’EFA s’approprient le Tigre • L’évolution de cursus ISPN 26 29 L’ALAT DANS LA NUMÉRISATION DE L’ESPACE DE BATAILLE • La numérisation ALAT • La transmission de données dans l’ALAT de demain • Le programme MARTHA • La NEB au sein de la BAM Au cours de l’année écoulée, en Côte d’Ivoire, Kosovo,Tchad, Gabon, Djibouti, Indonésie ; mais aussi sur les bâtiments Charles de Gaulle, Jeanne d’Arc ; mais encore en France sur les foyers d’incendie, d’inondation, de troubles de l’ordre public, du soutien au commandement, de la Mémoire ; pour ouvrir le feu, reconnaître, renseigner, manœuvrer, dissuader, soutenir, porter assistance, évacuer ; l’ALAT s’est multipliée sur tous les fronts et dans tous les types de mission. Elle s’est montrée l’un des acteurs de premier plan de l’armée de Terre d’emploi 1. Le Chef d’état-major de l’armée de Terre a souligné que, pour l’année à venir, l’aéromobilité serait l’une des priorités de l’armée de Terre 2. Et force est de constater que, même si les jours du 6ème RHC sont désormais comptés, ailleurs tous les efforts sont faits pour maintenir au mieux l’existant et préparer l’avenir 3. En effet, demain, l’aérocombat sera la dimension future des conflits et l’aéromobilité l’impératif de toute gestion de crise 4. La visite du président de la République à l’Ecole franco-allemande est aussi une façon de souligner cet effort pour l’ALAT. Elle est non seulement dotée d’un engin de combat remarquable, le Tigre, mais encore il lui est reconnu la capacité de conduire à bien le premier projet d’école multinationale en Europe. Nous voici donc encore et toujours devant d’exaltants défis. Nous saurons les relever. Pour cela, oeuvrons derrière le Chef d’état-major de l’armée de Terre en une équipe armée de Terre soudée. Apportons-y, nous, soldats de l’ALAT, conscients de notre devoir envers notre Patrie : • Notre sens de la responsabilité collective et de la confiance réciproque que nous développons entre équipages, mécaniciens, contrôleurs, personnel de sécurité et de soutien ; • Notre sens de la responsabilité individuelle et de la rigueur professionnelle indispensables au bon fonctionnement de la chaîne opérationnelle qui aboutit à la mission en vol ; • Notre dynamisme, notre sens de l’innovation, notre goût de la conquête d’espaces nouveaux qu’ils soient géographiques, stratégiques, tactiques, technologiques, aéronautiques. 31 33 35 37 ETRANGER • Les drones et l’Army aviation américaine 39 BULLETIN DE SÉCURITÉ DES VOLS • La sécurité des vols peut-elle être améliorée ? • Les brèves du médecin • La SV et le syndrome de la sanction • Points positifs et tableau d’honneur 44 45 46 48 HISTOIRE • A la recherche d’un pilote de chasse perdu ! 50 • Carnet d’adresses de l’ALAT 53 REVUE D'INFORMATION DE L'AVIATION LEGERE DE L’ARMEE DE TERRE Directeur de publication : colonel PERTUISEL Rédacteur en chef : chef d’escadron GOISNARD Il y a beaucoup à faire, tant mieux. Abordons l’avenir avec détermination et confiance et, dans nos actions quotidiennes, travaillons avec efficacité, efficience et en sécurité, garanties de la performance. Toute entreprise humaine a besoin de cohérence, c’est donc un besoin de l’ALAT comme de l’armée de Terre, suivez ces principes, travaillez dans la sérénité et elle sera au rendez vous. Je reconnais l’ampleur de vos efforts et la qualité de vos résultats. Poursuivons. Je souhaite à chacun d’entre vous une année professionnelle et familiale réussie. Composition : Point d'impression de l'EA ALAT Base école de Dax - Impression : PIAT.SM Tirage à 2000 exemplaires Le général Jean-Claude ALLARD commandant l’Aviation légère de l’armée de Terre Publication consultable sur le site intr@terre du COMALAT à l’adresse : www.comalat.terre.defense.gouv.fr Crédits photographiques : M. MICHELIN - ECPAD - EAALAT - EFA SIRPA Terre CCH CHATARD COMALAT Droits réservés Reproduction même partielle interdite ISSN : 1261 - 4904 1 2 3 4 - Définition de l’armée de Terre donnée par le CEMAT - 28 septembre 2005. - Grand rapport de l’armée de Terre - 28 septembre 2005. - Livraison Tigre, construction infrastructure, développement simulation. - “ Il faut des couvertures, des vivres, et des hélicoptères “ - Pervez Musharaf - Président du Pakistan. ACTU ALAT NOVEMBRE 2005 © D.R. ■ O R G A N I S AT I O N > De nouveaux chefs aux commandes de l’ALAT Le général Jean-Claude ALLARD commandant l’Aviation légère de l’armée de Terre. Le général Patrick TANGUY commandant l’Ecole d’application de l’Aviation légère de l’armée de Terre. Le général Marc d’ANSELME commandant la 4ème Brigade aéromobile. > Aménagements au sein de l’état-major du COMALAT L’organisation du COMALAT a subi quelques aménagements depuis le 1er septembre 2005. Afin de beaucoup mieux correspondre aux termes de l’IM 777 relative aux attributions du général COMALAT et de se conformer aux directives SMS (système de management de la sécurité), l’état-major est ainsi articulé : - Un bureau “ aéromobilité “ (fusionnant les ex BPMF, BFA et BLOG), chargé de veiller à la cohérence de l’aéromobilité par sa vision globale de la fonction ; - Un bureau “ activités “, en charge de la programmation de l’activité aérienne et de la régulation des moyens aériens d’aide au commandement ; - Un bureau “ circulation aérienne “ (anciennement section 3D du BSV), miroir de la Direction de la circulation aérienne militaire (DIRCAM) ; - Un bureau “ sécurité des vols “ responsable de la prévention et du traitement des incidents et accidents aériens. > Réorganisation de l’ALAT de combat Les travaux visant à réorganiser l’ALAT de combat sur trois plates-formes sont toujours en cours. Destinés à optimiser la ressource disponible, ils prennent en compte l’arrivée des appareils de nouvelle génération (Tigre et NH 90) et de la simulation associée, ainsi que la dissolution du 6ème RHC de Compiègne et le transfert en 2007 de ses escadrilles au sein des régiments de Pau (5ème RHC), Etain (3ème RHC) et Phalsbourg (1er RHC). > Changement d’appellation A compter du 1er janvier 2006, le Détachement ALAT de Djibouti prendra l’appellation de Bataillon ALAT de Djibouti, plus représentative du rôle réel de cette unité au sein des FFDJ. ■ DOCTRINE > Dimension aéromobile des opérations amphibies Le document préalable à l’élaboration d’une doctrine portant sur la dimension aéromobile des opérations amphibies est paru le 7 juillet 2005. Ce mandat consistait à lancer les travaux de doctrine qui tiennent compte de l’arrivée prochaine des deux bâtiments de projection et commandement (BPC) et des futures capacités aéromobiles Tigre et NH 90. L’étude porte sur un volume de 16 à 32 hélicoptères pour des missions d’évacuation de non-combattants, de raid aéromobile dans la profondeur et d’extraction de personnel. 2 Organisation - Doctrine - Emploi - Circulation aérienne… > Initiative Aéromobile Européenne (IAE) Initié par le général de Goësbriand et organisé par la 4ème Brigade aéromobile, le premier colloque de l’European airmobility initiative s’est tenu à Nancy du 16 au 17 février 2005. Cette réunion, qui a vu la participation des représentants de 10 pays (Allemagne, Belgique, Bulgarie, Espagne, Finlande, GrandeBretagne, Pays-Bas, Suède, Suisse et France), avait pour but d’initier une réflexion commune sur les nombreux challenges qui attendent les aéromobilités européennes (appareils de nouvelle génération, standards de formation, émergence des drones, numérisation de l’espace de bataille…). Devant le succès de cette rencontre, une prochaine réunion pourrait avoir lieu l’année prochaine dans un des pays participants. > Notice d’emploi appui feu ALAT des troupes au contact La notice d’emploi d’un module hélicoptère en appui air-sol d’un élément terrestre a été approuvée le 22 juillet 2005. Cette mission est désignée sous le vocable “ appui feu ALAT au contact “ pour éviter toute confusion avec l’appui feu rapproché effectué par l’armée de l’air. Articulé sous la forme de fiches de tâches destinées à tous les intervenants, allant du chef de l’élément appuyé jusqu’au PC de la grande unité en passant par le chef de patrouille et la préparation de mission, ce document clair et pratique rappelle quelques principes d’emploi simples mais essentiels. Cette notice vient compléter le corpus doctrinal de l’ALAT qui a vu depuis deux ans un nombre important de travaux de rédaction et de mise à jour tels que : - ALAT 101 : manuel d’emploi des formations de l’ALAT (2004) ; - ALAT 103 : manuel d’emploi des formations de l’ALAT en zone urbaine (2004) ; - ALAT 402/OPS : manuel d’emploi du DAOS (2005) ; - Dimension aéromobile des opérations amphibies (2005) ; - Etude sur l’intégration du Tigre dans la chaîne de contrôle direct ; - Etude sur la coopération drones-hélicoptères (en cours) ; - Etude sur la numérisation des PC au sein des GAM (2004). ■ C I R C U L AT I O N A E R I E N N E > A propos du système de management de la sécurité ATM (SMS 1) Les prescriptions réglementaires européennes redessinent les missions des autorités aéronautiques des différents pays communautaires autour de trois fonctions bien distinctes : l’élaboration des règles, la certification et la surveillance des opérateurs et des systèmes, la prestation de services. Dans ce cadre, la Défense s’est engagée dans un processus de mise en application d’un certain nombre d’exigences de sécurité (ESARR 2) dans le domaine ATM 3, conjointement avec l’aviation civile. Ces règlements ont été transcrits pour partie d’entre eux dans le droit national. L’ESARR 3 (arrêté du 28 octobre 2004) impose l’utilisation de systèmes de management de la sécurité par les prestataires de services de la gestion du trafic aérien (les objectifs de sécurité au niveau de chaque prestataire et les organisations à mettre en place pour y parvenir). Les principes sont similaires à ceux des démarches de qualité : respect des objectifs, engagement des personnels et du commandement, le retour d’expérience, les mesures préventives et correctives, le contrôle interne, la maîtrise documentaire et la traçabilité. Le COMALAT, prestataire de services pour l’armée de Terre, mène actuellement des audits internes prenant en compte ces exigences et visant à la certification pour le 1er janvier 2007 des organismes de la circulation placés sous son autorité. 1 - SMS : Safety management system 2 - ESARR : Eurocontrol safety regulation regulatory 3 - ATM : Air traffic management 3 Actualités ■ F O R M AT I O N > Centre de formation interarmées NH 90 ACTU ALAT NOVEMBRE 2005 Conduits par la Commission d’instruction NH 90 (COMINS) et par l’équipe de programme, les travaux portant sur la formation des équipages NH 90 ont amené les états-majors de l’armée de Terre et de la Marine nationale à proposer la mise sur pied d’un centre de formation interarmées. Destiné à former les pilotes et les mécaniciens de ce nouveau système, ce centre sera installé sur la base du Luc en Provence et disposera d’une antenne sur le site de la BAN de Hyères, plus particulièrement destinée à la navalisation des équipages des deux armées. Dès cette année, une structure conjointe est mise sur pied de façon à préparer l’arrivée des premiers NFH (Nato Frigate Helicopter) attendus au sein de la Marine à partir de 2007. > Les dernières décisions du Conseil du personnel © D.R. Actualités ALAT 4 navigant de l’aviation civile (CPN) Lors de la session du 29 septembre 2005, le CPN a émis un avis favorable sur deux modifications d’arrêtés : - Prise en compte du brevet de pilote avion de l’ALAT dans l’arrêté du 14 septembre 2001 qui fixe les conditions de maintien de la validité des titres civils et de la reconnaissance de l’expérience aéronautique acquise dans les armées ; - Elargissement du champ d’application de l’arrêté du 12 septembre 1997 aux pilotes de l’armée de Terre. Cet arrêté fixe les modalités de dispense de l’épreuve théorique de l’examen pour l’obtention des qualifications vol aux instruments avion et hélicoptère aux pilotes ayant suivi un stage de formation militaire. Ces deux avis du CPN marquent la reconnaissance de la qualité des qualifications détenues par les pilotes avion et hélicoptère de l’armée de Terre. Elle est le résultat d’une politique volontariste de l’armée de Terre qui a obtenu en 2003 un siège au sein de la représentation Défense au CPN. > Inauguration du Centre de simulation de l’EA ALAT Dax Le pôle de simulation de l’EA ALAT base général Navelet a été inauguré, le jeudi 20 octobre 2005 par le général Patrick Tanguy commandant l’Ecole d’application de l’aviation légère de l’armée de Terre, sous la présidence du général Jean-Claude Allard commandant l’ALAT. Cette cérémonie s’est déroulée en présence de monsieur l’ingénieur général de l’armement Genoux de la DGA, de monsieur Jacques Prud’homme, directeur des programmes air de Thales services Training & Simulation, d’ autorités militaires des trois armées et de la Gendarmerie nationale, et d’autorités civiles. Organisation - Doctrine Formation - Emploi - Equipements - Circulation- aérienne… Agenda… ■ EQUIPEMENTS > Montée en puissance Tigre En dépit des retards de livraison du Tigre, la montée en puissance de ce système d’armes suit son cours : l’EFA a démarré la formation du deuxième cercle d’instructeurs tandis que les six premiers moniteurs ont réalisé en moyenne plus d’une centaine d’heures de vol chacun. L’arrivée du troisième appareil mi-octobre et celle attendue du quatrième avant la fin de l’année, permettra de débuter la formation des premiers pilotes du 5ème RHC dès janvier prochain. Avec l’expérimentation tactique du module à 2 et 4 Tigre à compter de 2007, l’armée de Terre verra la mise en service opérationnelle du Tigre en 2008. > Evaluation technico-opérationnelle NH 90 Une évaluation opérationnelle du NH 90 s’est déroulée au Groupement aéromobilité de la STAT à Valence la deuxième quinzaine du mois de septembre. Elle a permis à l’équipe de marque NH 90 de mettre en œuvre le prototype n°4 au cours de scénarios représentatifs d’une mission opérationnelle complexe de nuit. Grâce à ses commandes de vol électriques, son pilote automatique 4 axes, son FLIR de pilotage couplé au casque du pilote et son système de mission, le NH 90 permettra à l’ALAT d’accroître ses capacités opérationnelles en environnement hostile à l’horizon 2011. > EVTO EC 725 Le 17 février 2004, le chef d’état major de l’armée de Terre a décidé de créer une équipe de marque pour la conduite du programme “ hélicoptères pour unités spécialisées ” (HUS). C’est tout naturellement au sein du Groupement aéromobilité de la Section technique de l’armée de Terre (STAT) que cette équipe s’est constituée dès l’été 2004. Le premier EC 725 HUS de série a été livré à l’armée de Terre au début du mois d’avril 2005. Il a rejoint la base de Valence où son évaluation technico-opérationnelle (EVTO) a débuté. Doté d’équipements de mission extrêmement modernes, l’aéronef se révèle déjà comme un hélicoptère performant et bien adapté au besoin opérationnel des forces spéciales. ■ AGENDA Actualités ALAT 24-25 janvier 2006 : concile ALAT 09 juin 2006 : messe de l’ALAT 5 Evénement Le président de la République visite l’ALAT à l’EFA SIRPA TERRE - CCH CHATARD Le 19 avril 2005, l’Ecole franco-allemande Tigre a été présentée à Monsieur Jacques Chirac, président de la République et chef des armées, accompagné de Madame AlliotMarie, ministre de la Défense français et de Monsieur Wagner, secrétaire d’état à la Défense allemand. A cette occasion, l’école a pu montrer la place originale qu’elle occupe dans le domaine de la construction de l’Europe de la défense et faire valoir son expertise pour ce qui concerne la formation des équipages Tigre. La mission de l’EFA La vie des unités 6 Compte-tenu du haut niveau de technicité du Tigre, de la complexité de ses systèmes d’armes et du coût élevé de l’heure de vol, la France et l’Allemagne ont décidé de relever ensemble le défi de la formation. C’est dans cette optique que l’Ecole franco-allemande de formation des équipages Tigre a été créée le 1er juillet 2003. Commandée alternativement par un chef de corps français et allemand et structurée autour d’une division formation et d’une division soutien, l’école a mis au point un concept d’instruction novateur et unique en son genre qui s’appuie sur l’utilisation intensive de moyens de simulation performants et complémentaires. Complété par des cours magistraux et des séances effectuées en vol, l’enseignement dispensé fournira aux forces, dans d’excellentes conditions, les équipages dont elles ont besoin. Dotée de ses premiers Tigre depuis la fin mars 2005, l’école devrait atteindre son régime de croisière en 2008. Toutefois, sans attendre cette échéance, elle suscite l’intérêt des membres du club des utilisateurs Tigre, l’Australie et l’Espagne. Evénement Le Falcon 50 présidentiel se pose à 10h30 précises sur la piste de la base ALAT du Cannet des Maures. Le président de la République, accompagné de Madame Alliot-Marie, ministre de la Défense, est accueilli par le général d’armée Thorette, chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Bolz, COMALAT allemand et le général de Lassus, commandant l’EA ALAT. Après un court déplacement en véhicule, le chef de corps de l’école, le colonel Alain Salendre, accueille le chef des armées sur la toute nouvelle place d’armes afin que les honneurs lui soient rendus. Le détachement est ainsi composé de deux pelotons français en armes et de deux pelotons allemands, l’ensemble étant aux ordres de l’oberstleutnant (lcl) Specht, commandant en second de l’école. Après avoir solennellement salué les deux étendards au son des deux hymnes nationaux, le Président se dirige vers l’amphithéâtre où, après un entretien particulier avec le chef de corps, le hauptmann (cne) Von Fabeck présente les missions et l’organisation de l’école, ainsi qu’un bilan de la montée en puissance de la formation des équipages Tigre. La visite du Président est organisée autour des deux activités majeures qui vont rythmer le quotidien des équipages en formation Tigre : les séances de simulation et les vols. L’équipe chargée de l’expérimentation et de la mise en œuvre des simulateurs, aux ordres du capitaine Reynaud et du lieutenant Malphettes, présente ainsi au président de la République une séance d’instruction au Full mission simulator (FMS), à partir d’un scénario tactique simple d’évacuation de ressortissants. Monsieur Chirac peut ainsi se rendre compte de la visualisation très réaliste et des vastes capacités pédagogiques qui sont offertes par les simulateurs de dernière génération en se rendant dans le cockpit et en assistant au “ debriefing “ de l’équipage. L’ensemble de l’école attend ensuite la délégation présidentielle sur les parkings où sont disposés deux Tigre HAP français et un Tigre KHS allemand. Une présentation dynamique mettant en exergue les qualités d’agilité et de furtivité du Tigre est alors réalisée par le capitaine Chevalier, un des primo-formateurs de l’EFA totalisant une soixantaine d’heures de vol sur l’appareil et le chef de bataillon Lemanski, pilote d’essai au GAMSTAT. Le Président peut immédiatement après cette démonstration en vol recueillir les impressions des instructeurs en se faisant présenter les appareils par le lieutenant-colonel Fanchini et le hauptmann (cne) Strahlenbach. Le discours du chef de l’Etat clôture la présentation de l’école. Il est suivi par la signature du livre d’or. Particulièrement impressionné par la dimension humaine du projet EFA, le président de la République tient ensuite à rencontrer le personnel de l’école et de la base général Lejay. Il a également l’occasion de saluer et de s’entretenir avec la délégation australienne en formation à l’EFA, ce qui renforce encore le caractère multinational de l’école. SIRPA TERRE - CCH CHATARD La vie des unités 7 Evénement Extraits de l’allocution du Président “ ...Les présentations qui m’ont été faites ce matin témoignent de l’originalité de la structure et du fonctionnement de cette école franco-allemande. En tant que chef des armées, j’ai apprécié la volonté d’excellence qui caractérise le processus de formation, et en particulier le recours aux techniques de simulation les plus élaborées et les plus modernes... “ “ ...Outil de premier ordre, le Tigre est aussi une illustration de ce que les Européens peuvent accomplir ensemble lorsqu’ils savent joindre leurs efforts, pour atteindre à la perfection mondiale.... “ « …je constate la symbiose entre militaires allemands et militaires français pour la formation des pilotes de Tigre... » « ...L’hélicoptère Tigre, développé par l’Allemagne, l’Espagne et la France, est un bon exemple de ce que nous pouvons et de ce que nous devons faire. Un exemple d’excellence mondiale... » SIRPA TERRE - CCH CHATARD Message de remerciements à l’Ecole franco-allemande Tigre Mon colonel, La vie des unités Je tiens à vous féliciter pour la réussite parfaite de la visite que je viens d’effectuer à l’Ecole franco-allemande de pilotage de l’hélicoptère Tigre. Au-delà de la qualité technique de la formation qui y est dispensée et qui fait appel aux technologies les plus avancées, j’ai été frappé par la parfaite harmonie qui existe entre les militaires allemands et français engagés dans un projet commun. Votre école est l’exemple même de ce qu’il faudra développer dans le cadre de l’Europe de la défense. Je vous en félicite et vous prie de transmettre à tous vos cadres et stagiaires mon estime et ma reconnaissance. Je vous prie de croire, mon Colonel, à l’expression de mes sentiments les meilleurs. Bien cordialement, Jacques Chirac Au-delà de l’honneur ressenti par l’EFA de l’intérêt porté par le chef de l’Etat à ses activités, cette visite a été l’occasion de démontrer la pleine intégration de l’ALAT dans l’armée de Terre, de l’importance du Tigre pour la France et de prouver l’efficacité de la coopération franco-allemande en matière de défense européenne comme en témoigne le message du président de la République à l’Ecole franco-allemande Tigre. chef de bataillon Emmanuel WOLFF EFA - division Formation 8 BAM OPEX 6ème Régiment d’hélicoptères de combat Mission de destruction Sélection du missile extérieur droit, déverrouillage du bouton de tir, tir autorisé, mise à feu ; bitube ZU 23/2 détruit. 8 novembre 2004, la crise dure à Abidjan, sous un ciel bleu, une température caniculaire et 95% d’humidité. Les HM rythment les heures de leurs incessants “ va-etvient ”. L’ équipage d’alerte HA (capitaine Lantelme - maréchal des logis-chef Révolu) est prêt à..., sans trop y croire... (mission annulée à la dernière minute à Man, plus d’objectif aérien à détruire et très peu de matériel terrestre...). Les Gazelle sont desserrées un peu partout dans le BIMa, la nôtre repose telle une émeraude sur son écrin de tapis anti-sable déchiré. Casques, gilets et blindages au frais dans un “ Corimec ”; cartes, pilotbook et autres gri-gri de pilotes au chaud sous la bulle ; un faisceau de missiles HOT à portée de rampes ; tout est paré pour le branle-bas, dans l’attente... Midi, l’heure de savourer, en plein engagement, le luxe du BIMa : le mess à la Française (d’ailleurs, le pilote en profite déjà), le pilote chef de bord (PCB) s’apprête à sortir du BATALAT quand l’ordre tombe comme un couperet : “situation : le Puma Pirate essuie des tirs en zone lagunaire ; mission : détruire la pièce ASA1 !”. Passé l’effet de surprise, tout se déroule alors très vite, comme happé par un train en marche. Tentant de respecter les limitations de vitesse en vigueur sur le camp, la P42 file vers le mess emmenant le PCB qui pianote sur son téléphone portable. Pas la peine, on y est ! Le © D.R. pilote, installé avec vue sur le parking, comprend instantanément l’affaire à la sortie éclair du PCB de son véhicule. Puma “ pirate “ équipé d’un canon de 20 mm en sabord L’effervescence avant la mission 2 minutes plus tard en zone aéro, l’équipage s’active bon train : finalisation de la Gazelle OK, deux missiles sur rampe OK, casques, plaques de blindage OK, briefing équipage OK. La Gazelle est à l’embrayage. Le colonel Bohineust, chef de corps, arrive sur zone et confirme d’un geste la mission, éliminant de ce fait la sournoise incertitude qui aurait pu nous gagner. En avant, sabre au clair et en première butée vers la zone lagunaire. Tout d’abord, contacter le “ Pirate “ du capitaine Fugit sur la fréquence définie : RAS, la liaison est excellente dès le décollage. Il nous guidera du BIMa vers une position au sud de l’objectif. Ce dernier est maintenant bien localisé, il s’agirait d’un bitube de 14,5 monté sur plate-forme campant à l’intérieur d’une enceinte protégée, au milieu d’un parc arboré mais bien dégagé. Le “ Pirate “ nous a en visuel ; c’est parti pour le guidage sur position. Le pilote s’y colle pendant que le PCB effectue toutes les vérifications de son système d’arme 1 - ASA : Artillerie sol-air 2 - P4 :Véhicule léger La vie des unités 9 BAM OPEX 6ème Régiment d’hélicoptères de combat (le délai est court, moins de 5 minutes pour se mettre en place mais l’erreur de mise en œuvre est impossible ; stress positif, automatismes, concentration : tout se déroule sereinement). Nous voici sur position, à un peu plus de 3000 m de l’objectif, à une hauteur sol nous affranchissant d’éventuels tirs ALI3 ; l’objectif est visible sur la côte lagunaire plein nord. C’est le moment de passer en voie thermie avec la tête de visée VIVIANE. Le PCB lève le doute sur l’objectif avec l’aide du Puma Pirate, malheureusement, l’imagerie thermique subit l’humidité ambiante et ne permet pas une identification réelle de l’objectif. Une chose est sûre : il n’y a plus de personnel autour ou sur la pièce ASA. Sans hésiter, passage en voie directe optique : c’est meilleur, mais le grossissement est faible. Cependant, il s’agit bien d’un matériel militaire d’où semble pointer deux canons. Absence de servants, urgence de la mission, il faut se rapprocher : petit à petit le pilote rapproche la machine, le PCB rivé dans le bras porte oculaire. A 2500 m, c’est enfin clair ! Il s’agit d’un bitube ZU 23/2 monté sur affût et protégé de quelques sacs de terre. Compte-rendu vers le haut pour annoncer l’identification de la cible et la possibilité de détruire immédiatement. © D.R. Mise en ambiance garantie La vie des unités Quelques secondes plus tard, le “ vert ” d’autorisation de tir est donné. Etrange sensation de recevoir un ordre de destruction réel, mélange de joie, de tristesse et de peur de cet inconnu qu’est pour nous une véritable action de combat. Alors c’est parti : sélection du missile extérieur droit, déverrouillage du bouton de tir, tir autorisé, mise à feu ! Détonation, odeur de poudre, l’œil écarquillé dans le viseur, le PCB guide son HOT vers l’objectif. Il est plutôt petit, mais fixe et à 2500 m. 11 secondes plus tard, le ZU 23/2 éclate dans une grosse boule de feu… Mission accomplie ; nous sourions malgré nous dans la machine. Compte-rendu au PC et esquive vers le BIMa, négatif ! Une autre mission nous attend avec le potentiel restant : surveillance lagunaire. Quelques jours plus tard, nous verrons une photo du bilan dans un journal local : les deux morceaux du bitube distants d’une dizaine de mètres et un trou oblique d’environ 15 cm dans le sol dû à la poursuite du dard en fusion à l’intérieur du sol après avoir traversé le ZU 23/2 de part en part. capitaine LANTELME, 6ème RHC - chef de patrouille à l’Escadrille d’hélicoptères de reconnaissance 10 3 - ALI : Arme légère individuelle BAM OPEX 6ème Régiment d’hélicoptères de combat Le trafic de l’aéroport international d’Abidjan aux mains des contrôleurs du BATALAT Licorne Dimanche 07 novembre 2004, il est 12h30. Le capitaine Verdet arrive un peu essoufflé : “ Tu pars à l’aéroport (Félix Houphouët Boigny) à 12h45 avec un convoi du DetAIR ! “. Petite montée d’adrénaline et c’est parti pour cinq jours à cent à l’heure. Découverte des lieux 13h10, nous arrivons enfin sur l’aéroport. Le commandant de bord de l’avion Casa de l’armée de l’Air qui nous accompagne doit impérativement décoller avant 14h00. La piste est couverte d’objets divers et variés. Cela va des déchets de tirs de la prise de l’aéroport à la paire de tongues laissée par un ivoirien un peu pressé… Pendant que le déblayage de la piste est fait par l’adjudant-chef Allard, nous montons à la tour avec le maréchal des logis-chef Combaud. Arrivé là-haut, pas le temps de tergiverser : le commandant d’une compagnie du REP y a établi son PC. Après les présentations, début des investigations pour déterminer le matériel qui demeure opérationnel. Ils ne nous ont pas laissé grandchose, hormis la radio et la console de balisage qui semblent opérationnelles. Le reste a été coupé (moyens radionavigation et de météo). 13h50, la piste est nettoyée sur un tiers de sa longueur ; cela suffit pour que le Casa puisse décoller. Pendant que la piste continue d’être inspectée, les premiers contacts radio avec des hélicoptères civils et militaires en mission RESEVAC1 sont établis. Le téléphone portable ne cesse de sonner. A l’autre bout du fil, le PCIAT2 demande l’état de la piste, l’état des moyens de la plate-forme, … Les questions n’arrêtent pas. Dans le même temps, il faut gérer le départ d’un Boeing 737 de Kenian Airline qui est bloqué depuis 24 heures avec 157 passagers. Les premiers Airbus de l’Esterel sont annoncés pour 16h00. Les investigations continuent pour remettre en marche les moyens de radionavigation. Effervescence Après le poser du COTAM 1045, l’Airbus avec les premiers renforts, le trafic sur l’aéroport ne cesse d’augmenter. La nuit dans la tour de contrôle sera courte, le balai des hélicoptères ne s’est arrêté que quelques heures. Les premiers blessés ont été évacués vers la France très tard dans la nuit. Le lendemain matin, après l’inspection de piste, le manège reprend. Les avions d’Air Inter Ivoire commencent les premières 1 - RESEVAC : Evacuation de ressortissants 2 - PCIAT : Poste de commandement interarmes Terre © D.R. © D.R. La vie des unités 11 6ème Régiment d’hélicoptères de combat BAM OPEX © D.R. © D.R. évacuations de ressortissants vers le Ghana. La soirée restera bien animée grâce aux avions de transport tactique (ATT3) de l’armée de l’Air qui amènent des renforts et du fret et, aux trois Falcon dédiés aux évacuations sanitaires. Nous essayons tant bien que mal de nous reposer. Nous pensons aussi à nous ravitailler. Les horaires de repas sont complètement décalés. Nous mangeons quand nous avons le temps. Le 10 novembre, les premiers avions affrétés par le ministère des Affaires étrangères se posent et repartent avec les “ expat “ comme on les appelle. Les séquences de contrôle sont très denses. Le trafic est important (du sol au FL 380 4), les moyens de radionavigation sont quasiment inexistants (seul le DME 5 est opérationnel). Nous sommes trois simultanément en poste : un au micro, un qui remplit les STRIP 6 et le troisième qui répond au téléphone. Nous n’avons même plus le temps de nous parler. Heureusement dans l’aprèsmidi, l’adjudant Pineau de l’armée de l’Air arrive en renfort. Ouf ! c’est le bol d’air qu’il nous fallait.Toute la soirée le bal des aéronefs a continué. Une fois encore, la nuit a été courte. Le lendemain matin, les contrôleurs ivoiriens montent à la tour, prennent le poste vingt minutes avant de partir en réunion syndicale. Juste le temps pour nous laisser une situation conflictuelle entre un Airbus Allemand et un Boeing 777 d’Air France. Vers 11h30, ils remontent à la tour de contrôle et prennent officiellement les commandes. Mission terminée Pour moi, la mission se termine là. Je rassemble mes affaires et je repars vers le BIMa en laissant mes deux sous-officiers en détachement de liaison. Vers 12h30, je suis au mess, la pression redescend petit à petit. Les premiers bâillements arrivent. Trois jours seront nécessaires pour récupérer de cette aventure pendant laquelle nous avons contrôlé 184 mouvements aériens officiellement répertoriés, hors hélicoptères Licorne, répartis en 48 appareils de l’armée de l’Air (ATT, Airbus Esterel et Falcon), 93 aéronefs civils (B190, ATR42, B777, A330, B737) et 43 de l’ONUCI. © D.R. La vie des unités 12 lieutenant BELAYGUE 6ème RHC - Mandat 7 - officier 3D BATALAT 3 4 5 6 - ATT : Avion de transport terrestre - FL 380 : niveau de vol 38 000 pieds soit près de 13 000 mètres - DME : système donnant une distance oblique entre l’aéronef et le sol - STRIP : bande de suivi du vol BAM OPEX 1er Régiment d’hélicoptères de combat De la liberté d’action d’un chef de patrouille © D.R. Cinq heures du matin, sur l’ancien terrain de foot d’un village de la région des dixhuit collines, dans l’ouest de la Côte-d’Ivoire, les feux sont sur “ fixe “, et dans vingt secondes, plus personne ne dormira… Il y a là pourtant tout le PC du GTIA 2 1, réparti autour de la DZ 2 où la patrouille a sagement bivouaqué en attendant sa mission de reconnaissance, préambule matinal à la manœuvre des troupes du 3ème RIMa en zone de confiance. Cela fait déjà deux mois que nous sommes arrivés à Abidjan dans le cadre de l’opération Licorne, avant de débarquer sur le parking hélicoptère de l’emprise française du CNPS de Man où le détachement ALAT a élu domicile. Deux mois que les journées filent au rythme des vols et des semaines d’alerte montées en alternance avec d’autres détachements. L’accueil a été parfait ; le contact avec les marsouins s’est très bien passé, comme avec nos “ anges gardiens “ du 3ème Régiment de hussards. On s’est bien habitué, même au climat qui est assez clément dans cette région de moyenne montagne. Le paysage n’est pas sans rappeler les photos des calcaires vietnamiens, où la végétation grimpe à l’assaut de roches blanches et accidentées, comme celles qui m’avaient fait rêver, jadis, entre les pages d’Erwan Bergot ou du commandant Denoix de Saint-Marc. Comme celles aussi que j’avais affichées dans ma chambre du lycée militaire pour me donner du cœur à l’ouvrage ! On a rougi depuis, grâce au soleil et à la latérite omniprésente qui trace des saignées de village en village. Les trajets réguliers en P4 pour me rendre à l’aéroport de Man au poser du Transall, ou de temps en temps, au briefing quotidien au PC du GTIA, nous font prendre la couleur du pays. La vie des unités Mais pour l’heure, la mise en route est terminée et la patrouille de deux Gazelle s’extrait bruyamment de la clairière où les malheureux fantassins viennent d’achever leur sommeil un peu violemment. Il fait frais en cette période où domine l’harmattan, 1 - GTIA : Groupement tactique interarmes 2 - DZ : Zone d’atterrissage 13 BAM OPEX 1er Régiment d’hélicoptères de combat vent sec chargé de sable du Sahara. La nuit est très sombre, même sous jumelles de vision nocturne, et les GPS sont bien utiles pour identifier avec certitude les petites agglomérations que l’on croise de minute en minute. A 300 mètres/sol, de nuit, le long de la large plaine du Bandama, il est bien difficile de naviguer à la courbe de niveau. Tout est très calme, toute la jungle dort, il n’y a pas un seul mouvement de véhicule ou de piéton, pas une maison éclairée, rien. C’est grisant de voir les premières lueurs de l’aube dans cette ambiance, de se dire égoïstement que l’on est probablement le seul à en profiter ! C’est à ce moment que l’on se dit que l’on fait le plus beau métier du monde, assurément. Après ces deux premiers mois de séjour dans l’ouest du pays, je vais redescendre en transit au BATALAT à Abidjan avant de remonter pour la fin de notre mandat à Bouaké. Je ne suis pas sûr de vouloir quitter mon détachement où tout se passe à merveille, et où les missions semblent être les plus intéressantes. On goûte là à la vraie liberté d’action, on profite d’une vraie autonomie. Au moins aurai-je la chance de découvrir la quasi-intégralité du territoire ivoirien au long de mes pérégrinations. La lagune aussi semble offrir de jolis spectacles, à défaut de proposer une zone de manœuvre aussi riche en possibilités de travail interarmes ou en appui des forces bangladeshi de l’ONU que celle du GTIA 2. A présent le jour est levé, et nous n’avons pas trouvé ceux que nous cherchions : il semblerait qu’eux ne soient pas aussi matinaux que ma patrouille, et c’est tant mieux pour les villageois que l’on voit s’agiter maintenant au passage de nos hélicoptères, la plupart pour nous saluer, d’autres malheureusement pour fuir en direction de la forêt. Certains ont déjà eu à subir la puissance des hélicoptères MI-24 et la confusion est parfois grande. Les pauvres doivent régulièrement s’acquitter de “ frais de péage “ conséquents, et certains placent les troupes de la force Licorne sur le même rang que celles qu’elles côtoient au quotidien. Quel dommage… Le © D.R. jaugeur nous rappelle maintenant qu’il va être temps de rentrer ravitailler et rendre compte à notre chef de détachement. Nous prenons congé des TROSOL3, mettons le cap sur notre DZ de circonstance et remisons nos JVN 4. Après la mise en route de la motopompe et le ravitaillement sur le bac souple déposé hier par le Puma, nous pourrons reprendre le chemin de Man pour prendre notre tour d’alerte comme force de réaction rapide, pendant que le capitaine se fait raccompagner par un élément de reconnaissance en VBL5. Il nous restera à préparer sereinement les cours du stage orienteur marqueur baliseur (OMB) que nous allons dispenser pendant une semaine aux chefs de section avec qui nous travaillons régulièrement. La vie des unités Déjà deux mois ! Pourvu que les deux autres soient aussi rapides ! Mais la bascule a eu lieu et c’est maintenant à notre tour d’accueillir les soldats de la Brigade alpine qui commencent à arriver. Pas de temps morts pour mon premier séjour en Afrique avec le “ Primus Primorum “ ! capitaine PIALARD 1er RHC - EHAP 14 3 - TROSOL :Troupes au sol 4 - JVN : Jumelles de vision nocturne 5 - VBL :Véhicule blindé léger BAM OPEX 3ème Régiment d’hélicoptères de combat Des Puma de l’armée de Terre dans le ciel d’Indonésie L’année 2005 a démarré sur les chapeaux de roues pour l’Aviation légère de l’armée de Terre qui célébrait quelques mois auparavant son cinquantième anniversaire. Du 11 janvier au 24 février 2005, le 3ème Régiment d’hélicoptères de combat (en alerte depuis le 5 janvier) renforcé de personnel en provenance notamment de l’état-major de la 4ème Brigade aéromobile, participait en effet à la vaste opération humanitaire déclenchée au lendemain du tremblement de terre et du raz-de-marée survenus en Asie du Sud-Est. Sa mission : participer aux opérations de distribution de l’aide humanitaire et aux opérations d’action sanitaire, en conformité avec les orientations de l’ONU et les directives des autorités indonésiennes. Depuis l’annonce de son engagement jusqu’à son arrivée sur le territoire indonésien, la 4ème Brigade aéromobile, présente sur l’ensemble du globe tout au long de l’année, n’a pas failli à sa réputation : réactive, polyvalente et souple d’emploi. Sollicitée pour intervenir au profit des populations sinistrées, des organisations internationales et des organisations non gouvernementales, la BAM a mobilisé, dans un très court délai, deux cents hommes et cinq hélicoptères Puma pour constituer sur le terrain, renforcés par deux Puma des Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDJ), un BATALAT : Bataillon de l’Aviation légère de l’armée de Terre. Projeté par voie aérienne (un Airbus militaire pour le personnel, quatre Antonov et deux Ilyouchine pour le matériel dont les hélicoptères), le BATALAT a été opérationnel dès le 13 janvier en intervenant notamment dans la région de Meulaboh (côte ouest), là où le tsunami a le plus généré de victimes et de dégâts. La tâche ne fut pas aisée en raison des distances à parcourir, les premiers acheminements de fret étant effectués à partir de l’aéroport de Medan (Nord-Est de Sumatra) où le camp français fut installé provisoirement et sommairement pendant plus d’une semaine, à sept cents kilomètres de la zone d’action. Ce n’est qu’à partir du 21 janvier que le BATALAT rejoignit Sabang pour y implanter, dans un souci de commodité opérationnelle, sa base définitive. Située sur l’île de Weh, à 20 kilomètres au nord de Sumatra et à quelques nautiques des zones à secourir, Sabang a, sans conteste, offert aux équipages de l’Aviation légère de l’armée de Terre une position particulièrement favorable. Mais quelle que soit la position géographique occupée par le BATALAT, ses hélicoptères ont su parfaitement s’affranchir des difficultés du terrain et leur souplesse d’emploi a été d’un grand secours dans une région où toutes les infrastructures routières et portuaires étaient dévastées. Au rythme des rotations programmées plusieurs fois par jour dans des conditions climatiques extrêmes (chaleur et humidité), les équipages français, comme leurs homologues étrangers, ont acheminé vivres et eau potable dans des villages totalement isolés depuis le 26 décembre. Ils ont facilité l’arrivée, dans ces mêmes villages, de médecins pour prodiguer les premiers soins et mettre en place une vaste campagne © D.R. La vie des unités 15 BAM OPEX 3ème Régiment d’hélicoptères de combat de vaccination contre la rougeole. De plus, ils ont réalisé des évacuations sanitaires au profit de la population locale, des ONG et des militaires et transporté des personnels appartenant aux différentes organisations humanitaires. Autant de savoir-faire qui ont été remarqués par la multitude de journalistes présents sur le terrain dans les toutes premières semaines suivant la catastrophe. Ces derniers ont d’ailleurs trouvé avantage à la souplesse d’utilisation des hélicoptères français ! Les missions de soutien humanitaire et sanitaire, exécutées toujours conformément aux priorités fixées par les représentants de l’ONU et les autorités indonésiennes, tout comme les actions menées au profit des forces et des médias ont constitué, pendant deux mois, l’essentiel de l’activité quotidienne du BATALAT. Les équipages ont ainsi mis au service des populations des capacités techniques et des savoir-faire spécifiques aptes à entretenir un flux quotidien de ravitaillement. Si de prime abord, les missions imparties à l’ALAT paraissent très simples, la complexité du contexte a exigé une gestion habile des vols. Effectués uniquement de jour - aucune opération de nuit n’ayant été autorisée sauf exception et accord des autorités locales – ils ont été programmés en étroite collaboration avec les autres forces armées stationnées sur la zone, démontrant que l’Aviation légère de l’armée de Terre savait parfaitement s’intégrer dans un dispositif interallié complexe compte tenu de la multiplicité des intervenants. Le BATALAT a notamment travaillé en étroite collaboration avec l’armée suisse dont il a soutenu quelques éléments à Sabang. Néanmoins, bien que le caractère international de l’opération ait prévalu dans la majorité des missions dévolues © D.R. aux Puma de la BAM et des FFDJ pendant toute la durée du mandat, le BATALAT a aussi œuvré dans un cadre interarmes et interarmées auquel il est parfaitement habitué et pour lequel il est entraîné. Il a ainsi permis la mise en place puis la relève, sur le terrain, des différents acteurs militaires français engagés (détachement génie de la Légion étrangère, marins du porte-hélicoptères Jeanne d’Arc et du BRC1 La Marne, pompiers de la sécurité civile, groupement interarmées des actions civilo-militaires) et travaillé conjointement avec l’armée de l’Air dont les deux Transall C160 étaient stationnés à Medan. La vie des unités Les hélicoptères Puma en provenance du 3ème Régiment d’hélicoptères de combat d’Etain et du détachement de l’Aviation légère de l’armée de Terre stationné à Djibouti, ont effectué plus de cinq cents heures de vol dédiées à l’acheminement de l’assistance humanitaire en Indonésie entre le 13 janvier et le 19 février, date de fin des vols opérationnels. Plus de quatre-vingt dix tonnes de fret ont été transportées par le 3ème RHC au profit du soutien humanitaire et de la force. Sept cents personnes appartenant aux forces françaises et à une quarantaine d’organisations non gouvernementales ont été héliportées par le régiment meusien pour faciliter le retour à la vie normale des populations sinistrées. lieutenant Laetitia MARIE officier communication du BATALAT Opération BERYX 16 1 - BRC : Bâtiment de commandement ALINDIEN BAM OPEX 3ème Régiment d’hélicoptères de combat Opération BERYX Témoignage d’un pilote commandant de bord Puma du 3ème RHC engagé au sein du BATALAT en Indonésie. © D.R. Une mission humanitaire parmi d’autres… Il est 8 heures du matin sur l’île de Sabang ; les deux turbines du Puma tournent à plein régime. Après le “ vert méca ” donné par le mécanicien navigant, l’hélicoptère décolle en direction de l’aéroport de Banda Aceh, qui est à peine à 15 minutes de vol. L’endroit est la plaque tournante de tout le fret humanitaire provenant du monde entier. C’est une véritable ruche, de laquelle partent des hélicoptères de toutes les nations, avec, dans leurs soutes ce que les avions ont déchargé : vivres, vêtements, matériel médical, etc. Aujourd’hui, nous devons charger en soute de la nourriture à destination de Teunom pour Action contre la faim (ACF) et transporter six personnes. Encore des journalistes ? Peut être… Le mécanicien navigant fait rapidement ses calculs et, par habitude, nous transformons le poids que pèsent ces gens en autant de fret humanitaire que nous pourrions emporter. Un militaire indonésien me désigne les personnes à embarquer. Je me retrouve alors devant une vieille dame, avec pour seul bagage son sac à main qu’elle protège de la pluie comme elle peut. A ses côtés, un homme portant une valise, peut-être son mari. Son regard croise le mien. Aucun sourire ne vient : la tristesse que l’on peut lire dans son regard est si profonde… Ces personnes sont les uniques survivants d’une famille nombreuse que l’on doit ramener près de Calang, un des sites côtiers les plus dévastés de l’île : sur une population de 20 000 habitants, seulement 800 ont survécu. Sans un mot, les six membres de la famille s’installent à bord, aidés par notre chef La vie des unités 17 BAM OPEX 3ème Régiment d’hélicoptères de combat de soute. Dehors, la pluie continue de tomber. Le pilote termine de remplir les formes, le “ mec nav ” s’assure une dernière fois du bon ordre de la soute. Un hélicoptère russe des Nations unies décolle juste à côté de nous, faisant bouger la cellule du Puma et, dans le regard de la vieille dame, je peux y lire toute son inquiétude. J’esquisse un sourire qui la rassure peut être un peu… Nous sommes prêts à décoller. Partout se trouvent des hélicoptères aux rotors tournants, la radio du contrôleur australien est saturée par les demandes de décollage, d’atterrissage.Au bout de quelques minutes, notre Puma est sur sa route, longeant les côtes dévastées par le tsunami, en direction de notre première étape, Calang. Au bout de vingt-cinq minutes de vol, nous y arrivons. L’endroit est à la mesure de la catastrophe. Rotor tournant, le chef de soute fait descendre nos six passagers qui ne comprennent pas tout de suite où ils se trouvent ; apparemment ils ne reconnaissent pas l’endroit. Le vieil homme se tourne vers moi. J’ai l’impression de l’entendre me dire : “ Mais où nous as-tu emmené, mon garçon ? ” puis reprend sa route, mais pour aller où ?... Nous décollons de Calang afin de poursuivre notre mission. Là bas, des jeunes gens, souvent encore étudiants et faisant partie d’organisations telles qu’ACF attendent leur raison d’être par la seule voie pratiquable : les airs. Sur le trajet, j’ai du mal à me défaire du regard de ces personnes que nous avons transporté et qui s’étonnent peut être d’être encore en vie. En France, il est 04h00 du matin et nous espérons que nos proches que nous chérissons encore plus lors de ce genre de missions, dorment sans inquiétude. sous-lieutenant LEONARD 3ème RHC - chef de bord HM La vie des unités © D.R. 18 BAM OPEX 5ème Régiment d’hélicoptères de combat 5ème RHC : 300 heures de vol et 1000 appontages dans les deux hémisphères “ GEAOM ” : une mission de coopération ALAT-Marine pas comme les autres. Comment résumer en quelques lignes la campagne au profit du Groupe école d’application des officiers de marine (GEAOM) que vient d’effectuer le DETALAT du 5ème RHC ? L’exercice est difficile car le soldat est plus rôdé à la pratique du compte-rendu qu’à celle de la narration, même dans le cadre d’une publication aussi familière que la Revue d’information de l’ALAT. L’exercice paraît même impossible tant il est vrai que les cinq mois et demi passés sur le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc et la frégate de lutte anti sous-marine ont été particulièrement riches. Le premier contact “ marin ” des 20 personnels du détachement fut plutôt frais et suscita quelques nausées aux cœurs les moins accrochés car lors de la quinzaine de jours de mer de mise en condition opérationnelle, l’océan Atlantique fut aussi accueillant qu’il est possible de se l’imaginer au mois de novembre au large de Brest. L’appareillage effectué le 8 décembre 2004 et la première traversée vers la Tunisie furent plutôt sans surprise, la proximité des côtes espagnoles et marocaines rappelant régulièrement la proximité de la métropole. L’escale à Tunis et le premier cocktail à bord furent les premiers évènements à rappeler qu’une campagne GEAOM n’est pas une mission de coopération ALAT-Marine comme les autres. Les fêtes de fin d’année, toutes deux passées “à la mer” permirent d’apprécier l’étendue des savoir-faire festifs des marins et achevèrent l’intégration du personnel de l’ALAT à l’équipage. Une escale pour renforcer le soutien aux populations victimes du tsunami… Dès le 27 décembre et le franchissement du canal de Suez, l’équipage comprit que le tsunami qui avait frappé l’Asie du Sud-Est la veille, allait grandement influencer sa campagne 2005. L’escale à Djibouti fut mise à profit pour embarquer un détachement de soixante légionnaires ainsi que quinze officiers, sous-officiers et militaires du rang du DETALAT de Djibouti, et deux Puma pour augmenter la capacité du groupe aérien embarqué. Renforcé en personnel, en matériel et en fret, le GEAOM navigua vers la zone du sinistre, apprenant au fur et à mesure des jours de mer, le lieu et la nature des actions à mener. Le large de Meulaboh, ville la plus proche de l’épicentre du séisme à l’origine du tsunami sur la côte occidentale de Sumatra fut l’option retenue pour mener les héliportages et les diverses opérations de soutien aux populations (soutien sanitaire, aide au déblaiement…) à partir des navires du Groupe. Un mois d’activités interarmées et interalliés intenses, de fourmillement de journalistes de tous horizons, de personnalités et d’autorités civiles et militaires, de français et d’étrangers et une activité aéronautique atteignant parfois les cinquante mouvements quotidiens caractérisèrent l’opération BERYX pour le personnel du DETALAT. Les contacts humains furent insolites et nombreux aussi bien avec la population indonésienne, les forces armées ou les © D.R. Scène de pont d’envol La vie des unités 19 5ème Régiment d’hélicoptères de combat BAM OPEX © D.R. membres des ONG de tous les pays venus apporter leur aide, qu’avec les médecins ou les pompiers détachés de l’UIISC 7 de Brignoles et un peu plus tard avec le détachement du 3ème RHC opérant depuis le nord-ouest de l’île de Sumatra. Les 38 jours de mer consécutifs, passés en collecte de renseignement, en liaisons, en livraisons de fret ou en participations aux opérations de déblaiement à terre, furent l’occasion pour le personnel de profiter de la chance assez rare pour un détachement de Gazelle de participer à une opération humanitaire d’envergure. De l’équateur à Brest en passant par Mayotte et la Jordanie : des heures de vol par centaine… Les deux escales à Kuala Lumpur puis à Singapour permirent à tous de reprendre des forces pour la traversée de l’océan indien et le passage de l’équateur, synonyme pour les Néophytes de cérémonies un peu éprouvantes mais ô combien gratifiantes. Un détachement renouvelé des trois-quarts de son personnel quitta le port de Saint-Denis de la Réunion. Il faut à nouveau qualifier les pilotes à l’appontage, entraîner le détachement, tisser de nouveaux liens à l’occasion des vols en patrouilles mixtes avec les Alouette III du détachement de la flottille 22S ou des campagnes de tirs HOT organisées de concert avec les tirs au canon de 100 mm du service armes du bord. La Réunion, Mayotte, Madagascar, Aqaba en Jordanie furent autant d’occasions de missions inhabituelles, de rencontres parfois prestigieuses, souvent insolites mais toujours inoubliables. Contrastant avec le calme de la mer d’huile dont nous bénéficiâmes durant toute la navigation dans l’océan indien, naquit le grondement sourd précédant la guerre des officiers-élèves, l’exercice de synthèse en Méditerranée qui clôt la formation des officiers de marine. Les exercices de luttes anti-navires, anti-aérienne et anti-sousmarine se succédèrent sans relâche égaillant la traversée entre le port du Pirée et Casablanca, lieu de la dernière escale. Des vols de qualification au sein du DETALAT s’effectuaient encore alors que se profilaient déjà à l’horizon la pointe du Raz, le goulet de Brest et la fin de campagne le 13 mai 2005. Cette campagne DETALAT GEAOM avec 300 heures de vol et près de 1000 appontages dans les deux hémisphères ne peut être résumée en quelques lignes. De cette expérience d’une diversité et d’une richesse exceptionnelles, chaque participant gardera sans doute pour lui le sourire sur un visage d’enfant indonésien, le survol d’une plage tropicale ou l’amitié d’un “ chien jaune ” sur un pont d’envol… Un goût un peu salé, exotique et unique… Peut-être est-ce cela le goût d’une envie d’encore ? capitaine Bertrand GUTTER 5ème RHC - chef du DETALAT GEAOM 2004-2005 La vie des unités © D.R. 20 Le port d’Aqaba Le Détachement ALAT des opérations spéciales Le DAOS : éclairage sur une unité spéciale Le Détachement ALAT des opérations spéciales (DAOS) est la plus jeune unité de combat de l’ALAT. Unité méconnue, elle est l’objet de nombreuses interrogations, parfois d’incompréhensions, et souvent de solides a priori. Son appartenance aux forces spéciales en est la cause première, cette subordination opérationnelle la plaçant un peu en marge de la 4ème BAM où sont regroupés tous les RHC de l’ALAT. A partir de ce constat, quelques éléments d’information et de réflexion sur le DAOS me paraissent nécessaires à diffuser à notre communauté. Alors que se prépare une réorganisation majeure de l’ALAT de combat, je souhaite rappeler que, même si les moyens et les méthodes diffèrent parfois, nous appartenons à la même arme au béret bleu. © D.R. Tireur embarqué en appui sur Gazelle Opérations spéciales et forces spéciales : quelques notions à connaître1 Les opérations spéciales (OS) sont des opérations militaires ouvertes ou couvertes, mais non clandestines, menées par le commandement des opérations spéciales (COS). Celui-ci emploie des unités des forces armées spécialement désignées, organisées, entraînées et équipées, appelées forces spéciales (FS), pour atteindre des objectifs militaires ou d’intérêt militaire présentant un caractère stratégique. Elles nécessitent l’acceptation d’un risque (physique, militaire, ou politique) généralement plus élevé que dans une opération conventionnelle. Menées par des modules à faibles effectifs et dans un environnement hostile, un très haut degré de confidentialité, notamment vis-à-vis de l’identité de ses membres, doit être garanti : c’est la sécurité des opérations (SECOPS). Elles requièrent donc un engagement politique, un contrôle politico-militaire étroit et permanent de l’opération, ainsi que l’intégration très en amont de la fonction OS dans le processus décisionnel. Les OS sont commandées par le CEMA, qui délègue le plus souvent le contrôle opérationnel au général commandant le COS (GCOS). Elles sont employées dans les cas où les forces conventionnelles n’apportent pas de réponse appropriée, et s’en distinguent par un cadre espace-temps différent, la nature et la sensibilité de leurs objectifs, des modes opératoires particuliers et la discrétion qui entoure leur préparation et leur exécution. Les unités des forces spéciales sont, quant à elles, des formations organiques des forces armées désignées par le CEMA pour développer et fournir les capacités particulières nécessaires à la conduite des opérations spéciales. Disposant d’équipements spécifiques et bénéficiant d’un entraînement de haut niveau, elles requièrent un personnel volontaire et sélectionné selon des critères stricts (techniques, physiques, psychologiques). 1 - Concept des opérations spéciales n° 905/DEF/EMA/EMP.I/NP du 2 décembre 2002. La vie des unités 21 Le Détachement ALAT des opérations spéciales Le COS et les FS peuvent aussi apporter leur concours et leur expertise pour des missions particulières pour lesquelles leurs capacités et leurs modes d’action spécifiques peuvent être exploités : extraction de ressortissants, recherche et sauvetage au combat, action en zone urbanisée, etc. Lorsqu’elles sont déployées sur un théâtre, ces unités sont intégrées au sein d’un groupement de forces spéciales (GFS) et directement rattachées au commandant de la force ou de l’opération. Bref historique Soyons clair, des unités “ spéciales ” ont toujours existé avec des finalités et sous des appellations différentes : corps francs de la guerre 1914-1918, SAS, “ commandos marine ” de la guerre 1939-1945, etc. La nouveauté réside dans le fait que le COS est aujourd’hui identifié au sein d’une structure définie et pris en compte au plus haut niveau politico-militaire. © D.R. En France c’est en 1992, que, tirant les enseignements de la guerre du Golfe, le Assaut vertical en zone urbaine COS fut créé. Toutes les forces armées y sont aujourd’hui représentées. La Marine, avec les 5 commandos de fusiliers marins, et l’armée de l’Air avec le Commando parachutiste de l’air n° 10, la Division des opérations spéciales (DOS), qui regroupe des équipages Transall et Hercules dévolus aux FS, et l’Escadron spécial hélicoptères (ESH) à Cazaux avec 3 équipages. L’armée de Terre avait initialement dédié un petit étatmajor, le 1er RPIMa et une escadrille de l’ALAT. En 2002, après de nombreuses évolutions, elle a décidé de créer la Brigade des forces spéciales terre (BFST), intégrant en sus le 13ème RDP et une CCT en cours de mise en place. L’armée de Terre représente donc aujourd’hui une composante majeure du © D.R. COS, avec un état-major capable de commander un GFS et Evacuation de ressortissants opération Providence disposant en permanence des capacités offertes par ses trois unités : renseignement, aéromobilité et action. Coup de projecteur Le DAOS a été créé en tant que corps en 1997 à partir du 2ème BHM du 4ème RHCM, dont une escadrille HM était dévolue aux opérations spéciales depuis 1993, et d’un état-major tactique. En 1998, une escadrille mixte d’hélicoptères légers, comptant tous les types de Gazelle systèmes d’armes de l’ALAT, lui a été rattachée, et, depuis 2002, il est inséré dans la BFST. Il poursuit sa montée en puissance, ayant créé en 2005 une troisième escadrille équipée d’hélicoptères de manoeuvre EC 725, et se prépare à l’arrivée du Tigre au sein d’une quatrième escadrille en 2008. Parallèlement, devenu temps de commandement de premier niveau et organisme d’administration, un renforcement de ses moyens d’encadrement et de soutien est à l’étude dans le cadre de la réorganisation de l’ALAT de combat. Quelle est la pertinence d’une unité d’hélicoptères dédiée aux OS ? La montée en puissance du DAOS est intimement liée à celle des forces spéciales en France, et nos principaux alliés sont dans la même logique. Les Britanniques disposent d’un équivalent du DAOS, bien que moins important, les Italiens viennent de le créer et les Allemands étudient sérieusement cette possibilité. Les Etats-Unis ont, quant à eux, créé un régiment d’hélicoptères dédié aux FS 2 en 1981. Ils tiraient ainsi 22 2 - 160 SOAR : Special operations aviation regiment Le Détachement ALAT des opérations spéciales les enseignements de l’échec tragique de la tentative de libération des otages de leur ambassade à Téhéran, en avril 1980, qui coûta la vie à 8 Américains et provoqua la perte de plusieurs appareils lors d’un ravitaillement tactique dans le désert. On peut logiquement se poser la question de la pertinence de cette tendance. Quelle est la différence entre un RHC et le DAOS par exemple ? Les définitions du concept des OS, rappelées ci-dessus, répondent en grande partie à la question. Mais pour atteindre l’efficacité opérationnelle exigée, 4 principes doivent être respectés : un personnel rigoureusement sélectionné, un entraînement poussé et permanent, des équipements particuliers et des procédures communes et spécifiques. Le personnel désirant être affecté au DAOS au sein des unités de combat doit avoir fait acte de volontariat, répondant à un message annuel de la DPMAT, et avoir déjà une expérience dans son coeur de métier3. Il subit ensuite des tests psychologiques à la DPMAT, puis une semaine d’évaluation au sein de l’unité. © D.R. Dépose par corde lisse sous JVN sur étraco Ces qualités seront ensuite développées par un entraînement poussé et spécifique mené en étroite collaboration avec les unités du COS. Le DAOS bénéficie pour cela de 220 heures de vol annuelles par pilote. Près de 50% de ces heures sont réalisées au profit du COS, 35% des heures sont effectuées de nuit. L’entraînement mixte HL et HM est privilégié, les procédés tactiques utilisés mettant en œuvre tous les moyens aériens du DAOS. En plus de ces savoir-faire tactiques, les équipages reçoivent une instruction spécialisée de 4 semaines à leur affectation, et suivent ensuite de nombreux stages de formation (RESCO, CNAM, ESHE, jungle, grand froid, désert, anglais, …). Un effort tout particulier est porté sur l’action spéciale en milieu urbain, et, alors que le concept des forces avancées se met en place dans les RHC, avec parmi leurs missions la collaboration avec les FS, des exercices conjoints pourraient avantageusement être organisés. © D.R. Dépose par corde lisse sur étraco © D.R. Enlevé de commandos sous JVN Enfin, dans toutes les activités, qu’elles soient tactiques, sportives ou de cohésion, l’accent est mis sur le nécessaire état d’esprit collectif et de recherche d’excellence que doivent avoir les équipages. En ce qui concerne les équipements, le Cougar, le Puma et la Gazelle, bientôt complétés par l’EC 725, spécialement commandé pour les FS, forment le corps de bataille du DAOS. Hormis l’EC 725, il s’agit donc des mêmes aéronefs que le reste de l’ALAT. Cependant, par le biais du plan d’équipement des unités spécifiques, octroyé par l’EMAT, ainsi que par celui du COS, qui dispose d’une cellule chargée des études et de l’innovation, de nombreux autres équipements d’environnement permettent une préparation opérationnelle adaptée (GPS, habillement, armement individuel, JVN/ITT,…). Coup de projecteur Enfin, ce qui apporte une plus value majeure est l’existence de procédures communes et spécifiques, les POPS4, connues et appliquées par toutes les unités du COS. Complété par une connaissance mutuelle et personnelle des commandos et des équipages du DAOS, grâce à leur appartenance organique à la BFST, ce socle réglementaire commun entraîne des automatismes et une confiance réciproque dans les moments critiques qui contribuent directement au succès de l’action. 3 - Il y a cependant aujourd’hui 2 jeunes pilotes sortis d’école affectés au DAOS. 4 - “ Procédures opérationnelles spéciales ” 23 Le Détachement ALAT des opérations spéciales De surcroît, grâce à un paragraphe particulier de l’IM 3400, le DAOS est autorisé à développer des procédures spéciales, ce qui lui a permis de mettre au point des procédés tactiques tels que la dépose de binôme et le largage plongeur en HL, l’appui feu avec tireur embarqué (HM et HL) ou à partir des mitrailleuses de bord sur HM servies par des MEOS5. © D.R. Evacuation de ressortissants sous appui Gazelle Ainsi, que ce soit pour les équipements ou pour les procédés tactiques, le DAOS est un laboratoire pour l’ALAT dont les avancées, contrairement à une idée reçue, ne sont pas secrètes (seules les procédures sont confidentielles), mais disponibles auprès du DAOS, du COMALAT ou de la DEP. Le DAOS trouve donc sa pertinence dans son intégration dans une brigade interarmes, elle-même sous commandement opérationnel du COS, qui en organisation, regroupe toutes les capacités nécessaires aux OS : action-renseignementaéromobilité. Cette intégration répond à une logique d’efficacité et permet véritablement aux FS d’apporter la plus-value opérationnelle qui lui est demandée. © D.R. Infiltration sous JVN d’un module Conclusion Organisé dans un très proche avenir en quatre unités de combat dotées des appareils les plus nouveaux de l’ALAT, et, je l’espère, d’une unité de soutien, le DAOS atteindra ainsi une taille critique. La dénomination de détachement, qui était pertinente alors qu’il ne comptait qu’une, puis deux unités élémentaires, ne traduit plus aujourd’hui sa réalité organique et opérationnelle : l’appellation de “ bataillon d’hélicoptères des opérations spéciales ” serait plus appropriée. © D.R. Infiltration tactique d’un module Encore éclairé dans le prochain numéro de la revue de l’ALAT par des encarts sur les trois escadrilles de combat, cet article a pour but d’informer sur la réalité du DAOS, qui, même s’il bénéficie d’un microclimat particulier, porte toujours le béret bleu. Fier de faire partie des forces spéciales, le personnel du DAOS est avant tout fier d’appartenir à l’ALAT. colonel Patrick BRETHOUS chef de corps du DAOS Coup de projecteur 24 5 - “ Membre d’équipage opération spéciale ” : 4ème homme sur HM ayant suivi une formation spécifique (aérocordage, tir ANF1,…) Aide au commandement L’Escadrille avions de l’armée de Terre a 10 ans ! © D.R. © D.R. © D.R. L’Escadrille avions de l’armée de Terre, dotée d’une flotte composée de 8 TBM 700 et 2 Cessna F406 a fêté le 10ème anniversaire de sa création, sur l’aéroport de Rennes Saint-Jacques, le 8 septembre 2005. Créée le 1er juillet 1995, cette unité a succédé au peloton avion F406 mis en place en 1987. Elle effectue, chaque année, 4800 heures de vol dans le cadre de missions d’aide au commandement au profit des hautes autorités militaires de l’armée de Terre principalement en France et en Europe. Commandée par le capitaine Boltoukhine, l’escadrille compte un effectif de soixante-deux personnes : vingt-deux pilotes, quinze mécaniciens et le personnel d’environnement (aide mécanicien, préparateur mission, secrétaire, etc.) indispensable au bon fonctionnement quotidien de l’unité. Héritier du savoir-faire et du savoir-être de l’escadrille, son personnel met tout en œuvre pour faire vivre et améliorer l’outil qui leur a été légué. Depuis sa création, l’EAAT a totalisé 50 000 heures de vol et a transporté 30 000 passagers. Chaque pilote effectue en moyenne 450 heures de vol par an. Les deux F406 ont franchi chacun le seuil des 10 000 heures de vol. L’escadrille est également fière de mettre en œuvre le TBM 700 FMABP – exemplaire n°100 - qui détient le record mondial d’heures de vol effectuées par un avion de ce type avec plus de 6000 heures. Au cours des nombreuses missions réalisées depuis dix ans, les avions de l’escadrille ont eu l’opportunité de poser leurs roues : - en Russie (Moscou, SaintPétersbourg), en Ukraine, au Proche-Orient (Ankara, Beyrouth), en Afrique (Abidjan, Djibouti, Cap-Vert), en Amérique du Nord (Santa Fé, Washington) ainsi qu’au Groenland. © D.R. La vie des unités Et ce n’est pas terminé… adjudant Ludovic BOUILLARD EAAT - responsable communication 25 Ecole franco-allemande Les primo-formateurs de l’EFA s’approprient le Tigre Le capitaine Barbarat signe le cahier des vols. Comment s’approprier un appareil tel que le Tigre sinon en analysant son comportement,ses spécificités,en bref son caractère ? Tel le dompteur face à son animal, l’approche doit être prudente, réfléchie et volontaire. Cet état d’esprit anime les primo-formateurs de l’EFA depuis leur premier contact avec la “Bête”. Aujourd’hui, il s’agit de le transmettre avec la même passion aux futurs moniteurs Tigre afin d’être en mesure de délivrer la meilleure instruction possible aux équipages de la première escadrille Tigre du 5ème RHC de Pau, chargée de l’évaluation tactique de l’appareil dès 2007. Pour en arriver là, nous avons dû passer par la compréhension des systèmes qui composent cet appareil très complexe en suivant de nombreux stages théoriques chez les industriels en 2001 et 2002. Après cela, il ne restait plus qu’à passer à la phase pratique ! La première partie, dédiée à l’hélicoptère de base, s’est déroulée sur le prototype PT2R sur la piste d’essais d’Eurocopter à Marignane. Dans cet endroit à la fois mythique et secret, nous avons effectué notre formation de base sous l’autorité des Décollage, c’est parti pour 1h30 de vol. (Crédits : EFA / adc Nidaque) pilotes en charge du développement de l’hélicoptère, dont le pilote démonstrateur en vol qui totalise plus de mille heures sur Tigre. Grâce à eux, nous avons pu explorer tout le domaine de vol de l’appareil, en mesurer les qualités dynamiques au travers de son rotor rigide, de son pilote automatique 4 axes, de ses moteurs à la régulation étonnante de réactivité. Dès le début du stage, nous savions que cet appareil était très différent de ceux que nous connaissions jusqu’alors ; pourtant, 10 heures de vol plus tard, il ne nous restait qu’un mot à la bouche : bluffant ! Formation Cette réaction, certes enfantine mais néanmoins humaine pour tout pilote passionné par son métier, ne nous a pas fait oublier que certaines particularités du Tigre 1 changeraient radicalement la façon de gérer une mission, et donc la manière de mener l’instruction. Ce constat s’est confirmé fin 2003 lors du stage systèmes d’armes. En effet, derrière l’apparente facilité à mettre en œuvre ces systèmes se cachent bien des pièges, déjà connus en vol tactique et en vol de nuit sous JVN avec l’utilisation d’une caméra thermique, dont le niveau de dangerosité ne peut que s’amplifier dans un poste de pilotage en tandem. Ces pièges sont essentiellement liés à la communication au sein de l’équipage et au partage des tâches durant la mission, domaine qui fait notamment l’objet de nombreux RETEX de la part de l’US Army suite aux accidents fréquents survenus sur Apache au cours de missions en opération. 1 - Cockpit en tandem, effet stéréoscopique des JVN intégrées au casque, la quantité d’informations disponibles dans chaque cockpit, la possibilité d’utiliser les trois systèmes d’armes depuis la place avant et la place arrière… 26 Ecole franco-allemande Forts de ces enseignements, c’est dans un état d’esprit tourné vers la CRM (Cockpit ressources management) que nous avons débuté fin 2004 le stage instructeur Tigre au Luc en Provence, sous la responsabilité d’un pilote d’essais et instructeur d’Eurocopter sur le Tigre HAP 2004 (appareil de série mais non recetté). Durant ce stage, toutes les procédures d’urgences, le vol tactique avec utilisation du système d’armes,le vol de nuit sous jumelles de vision nocturne assisté du viseur STRYX ont été abordées afin d’acquérir la maîtrise de l’appareil dans son ensemble ainsi que de la conduite d’une séance d’instruction depuis les places avant et arrière. De cette formation, nous avons pu constater, d’une part, qu’il est impératif de connaître parfaitement les deux cockpits et leurs fonctionnalités, d’autre part, les repères (de trajectoire, d’approche, etc.) étant totalement différents suivant la place occupée, qu’il faudrait en tenir compte dans les futurs stages de formation pilote, chef de bord, chef de patrouille et moniteur.A l’issue de ce stage, nous étions enfin autorisés à voler en autonome après 40 heures de vol réparties sur plus de deux ans. C’est ainsi que le 18 mars 2005, après la cérémonie officielle de remise des “clefs” du HAP 2001 à Marignane, le lieutenantcolonel Fanchini et le capitaine Chevalier s’envolaient en direction du Luc où leurs camarades de l’EFA les attendaient champagne à la main sur les parkings Tigre récemment livrés. Les festivités terminées, les vols entre primo-formateurs se sont succédés afin de préparer les futures séances d’instruction en vol adaptées aux zones d’entraînement disponibles, mais aussi affermir nos connaissances sur cet appareil afin de standardiser les procédures d’instruction. La première campagne de tir, réalisée avec un Tigre de série, a été organisée au profit de l’EFA dans cet esprit, sous la responsabilité du GAMSTAT, à Canjuers les 25 et 26 avril 2005. Mise en œuvre du Tigre effectuée par le capitaine Barbarat Nous avons tiré à la roquette et au canon, de jour et de nuit, en avec l’aide du mécanicien. (crédit : EFA / adc Nidaque) stationnaire et en dynamique sans aucun incident. Imaginez notre excitation avant de tirer nos salves de roquettes (les derniers appareils de l’ALAT équipés de roquettes étaient les “bananes”), puis de nuit avec un canon de 30 mm asservi au viseur STRYX ou au viseur de casque ! Formation Campagne de tir à Canjuers. (Crédit : EA ALAT / M. Siva) 27 Ecole franco-allemande Puis, tout s’est enchaîné très vite : la prise en compte du HAP 2 2002 le 28 avril et de ce fait, deux Tigre à mettre en vol avec cinq pilotes qualifiés. Les portes ouvertes de l’EA ALAT avec pour la première fois un équipage EFA aux commandes d’un Tigre pour effectuer une démonstration type BO 133 adaptée à l’appareil. Pour réaliser cette démonstration en toute sécurité, l’équipage, composé des capitaines Chevalier et Barbarat, s’est entraîné en vol mais aussi dans les simulateurs FMS 3 (en fin de développement) afin de parer à toute éventualité. Début juin, enfin, après avoir franchi la barre imposée de 80 heures de vol sur Tigre, nous avons pu débuter l’instruction en vol au profit du deuxième cercle de moniteurs, et c’est l’adjudant-chef Cantié qui a servi de cobaye pour cette première. De nombreuses indisponibilités machine (défauts de jeunesse !) ont entaché cette période et ont retardé le rythme de l’instruction. Néanmoins, les deux appareils étaient fin prêts pour leur premier grand déplacement vers Paris à l’occasion du défilé du 14 juillet.Cette mission nous a permis d’évaluer le système de navigation (qui s’est révélé très performant) et les difficultés à déplacer et à soutenir ce type d’appareil loin de sa base arrière. Les appareils ont passé une nuit à la belle étoile équipés de leur lot de bâchage. Ils ont démarré le lendemain sur batterie sans aucun souci. Aujourd’hui, la formation du deuxième cercle se poursuit et notre objectif est de disposer de 11 moniteurs aptes à instruire en vol dès le début de l’année prochaine, ce qui semble possible avec l’arrivée du HAP 2003 prévue en octobre. Conscients de la chance que nous avons, c’est avec fierté et enthousiasme que nous allons continuer à traCampagne de tir à Canjuers en avril 2005. (Crédit : EA ALAT / M. Siva) vailler d’arrache-pied pour délivrer une instruction de qualité, avec des moyens pédagogiques performants aux premiers équipages Tigre des forces qui sont attendus à l’EFA au début de l’année 2006. capitaine BARBARAT EFA - moniteur à la division Formation Formation 28 2 - FMS : Full mission simulator 3 - HAP : Hélicoptère d’appui protection Instruction sol du personnel navigant L’évolution du cursus ISPN La simulation devient un élément incontournable et essentiel dans la formation et la préparation opérationnelle des équipages de l’ALAT sur des hélicoptères systèmes d’armes toujours plus complexes et employés dans un contexte évolutif et difficile à maîtriser. Son développement intégrant de nouveaux simulateurs et entraîneurs a nécessité la création d’une filière de spécialité Instructeur sol du personnel navigant (ISPN) en remplacement de la filière Instructeur simulateur de vol (ISV). La mise en place effective d’actions de formation de cursus et d’adaptation aux nouveaux systèmes de simulation permettra de réaliser un tuilage entre le niveau de la mise en œuvre et celui de la conception. Elle contribuera à achever la définition du parcours professionnel décrit dans cet article. Le cursus ISPN est aujourd’hui articulé autour de 3 niveaux d’emploi accessibles dans le déroulement d’une carrière. Un quatrième niveau, présenté en fin d’article, demande encore à être confirmé par la création de centre de simulation faisant temps de commandement d’unité élémentaire. 1er niveau d’emploi : moniteur simulateur (sous-officier avant BSTAT) Instructeur spécialisé, ce jeune sous-officier ISPN assure la formation dans les matières techniques qu’il maîtrise sous le contrôle d’un instructeur PN habilité. Animateur tactique et pédagogique des moyens de simulation, il doit prendre, en fonction des objectifs pédagogiques fixés, toutes les mesures nécessaires pour que la simulation soit relativement transparente pour les moniteurs. De plus, il assure la mise en œuvre d’un système de simulation sous la direction d’un chef de centre.A ce titre, il effectue l’entretien du niveau 1er échelon en fonction du maintien en condition opérationnelle (MCO) industriel prévu par type de simulateur. Il peut par ailleurs enseigner sur simulateur des parties spécifiques de la formation selon les conditions fixées par le commandement ou bien permettre la répétition d’exercices déjà enseignés. Pour atteindre ce niveau, il suit une formation de cursus FS1 ISPN complétée par une formation d’adaptation (FA) dispensée sur le premier simulateur servi. 2ème niveau d’emploi : chef moniteur simulateur (sous-officier après BSTAT à adjudant-chef) © D.R. Formation Instructeur pour les systèmes de C3I, il veille à la formation des jeunes ISPN dans le domaine des techniques de simulation. Il est aussi un animateur tacticien et administrateur des bases de données et des scénarios. Aux ordres d’un chef de centre ou d’un officier responsable de système de formation par simulation, il dirige une équipe d’instructeurs sol et anime le travail des opérateurs. Gérant le maintien en condition des simulateurs placés sous sa responsabilité, il remédie directement aux pannes simples du système consécutives aux erreurs de mise en œuvre. Conseiller du chef de centre en matière d’utilisation des simulateurs, il propose des améliorations sur l’emploi de la simulation. Il peut également enseigner sur simulateur. Ce niveau est atteint après les formations FS2 et (FA) ISPN. 29 Instruction sol du personnel navigant 3ème niveau d’emploi : chef de site simulation (adjudant-chef à capitaine avant temps de commandement) En tant qu’adjoint du chef de centre de simulation, le chef de site a pour mission de gérer tous les systèmes du centre. Particulièrement compétent dans la simulation distribuée, l’adjoint du chef du centre de simulation veille à l’interopérabilité des bases de données du réseau, anticipe et planifie leurs évolutions. Il entretient des relations privilégiées avec les experts simulation qu’il conseille quant à l’évolution des systèmes. Placé sous les ordres de l’officier de marque d’un programme de simulation, il peut être appelé à exécuter des essais technico-opérationnels. Il pourra également conseiller, à titre d’expertise, sur demande de la STAT et après acceptation de l’école, les ingénieurs et techniciens de la STAT ou de la DGA sur l’utilisation des versions ultérieures des simulateurs qu’il maîtrise. Il peut enseigner sur simulateur sous réserve de remplir les conditions fixées par le commandement. Ce niveau de qualification est obtenu par validation d’expérience après avoir tenu pendant trois ans un poste de deuxième niveau. 4ème niveau d’emploi : chef de centre simulation (capitaine en temps de commandement) Ce dernier emploi doit être encore validé par la création de centres de simulation de niveau suffisant, regroupant les moyens de simulation et les moyens en instructeur ISPN et PN. Le chef du centre de simulation en régiment ou en école commande tous les ISPN de sa formation et dirige l’emploi des moyens de simulation. Capitaine commandant et correspondant direct de l’officier expert simulation de la fonction aéromobile, il met en œuvre les évolutions de ses simulateurs et propose des © D.R. améliorations. Responsable des échanges de bases de données et des scénarios avec les autres centres, il gère au niveau local les relations avec les personnels civils représentant les industriels fournissant des matériels de simulation. Il assure également en liaison avec ces derniers la programmation des moyens de simulations sous les ordres du chef de corps et comme correspondant particulier du chef de BOI ou de division formation en école. Pour atteindre ce niveau, il doit avoir suivi un cursus d’officier, occupé le poste d’adjoint du chef de centre pendant 4 ans et effectué le stage tronc commun de formation du CFCU 1 de la fonction aéromobilité. Formation Après cette étape, le capitaine pourra postuler à l’enseignement militaire supérieur suivant les conditions propres à son statut. lieutenant-colonel Eric MERCK EA ALAT/DEP/Bureau études spécialisées 30 1 - CFCU : Cours des futurs commandants d’unité La NUMALAT La numérisation ALAT Une des conditions déterminantes du succès de l’action des forces terrestres réside dans leur maîtrise du processus décisionnel qui passe par une acquisition et une exploitation rapides de la connaissance de la situation opérationnelle. La numérisation de l’espace de bataille (NEB) constitue un des éléments de la supériorité pour la maîtrise de l’information. C’est dans ce contexte que se construit la numérisation de l’ALAT aussi appelée NUMALAT. Cette numérisation, qui ne remet pas en cause les concepts d’emploi de notre arme risque cependant de modifier les façons de faire du personnel chargé de concevoir la manœuvre. Le fondement de la numérisation de l’ALAT est de créer les conditions d’une cohérence nécessaire avec le système d’informations opérationnelles (SIO) de l’armée de Terre pour réussir parfaitement l’intégration dans la NEB. Le schéma ci-dessous montre les trois étages de systèmes d’informations qui constituent les maillons de la chaîne de commandement d’une brigade. La communication entre ces différents systèmes est assurée par transmission de données en s’appuyant sur la gamme actuelle des moyens radios. Des difficultés de jeunesse issues des conduites de projets distincts et propriétaires ont été rencontrées dans ce domaine. Toutefois, nous pouvons être confiants dans l’avenir car la technique est au rendez-vous. L’ALAT dans la NEB © D.R. Une des particularités de l’ALAT réside dans la dualité de sa chaîne de commandement. En effet, les missions sont préparées au sol et exécutées en vol. Ce mode opératoire pose des problèmes d’élongation et peut nuire à la circulation des informations en transmission de données. La revalorisation du HM PC et les études menées sur la conception d’un hélicoptère de commandement et de contrôle (HC2) s’inscrivent en partie dans cette problématique. 31 La numérisation ALAT © D.R. © D.R. Installation de console SIR dans le HM PC © D.R. Le système d’information terminal (SIT ) doit apporter une aide à la conduite de la mission pour les équipages grâce à la mise en œuvre des systèmes de navigation, de surveillance de l’état du système d’armes et de présentation d’informations tactiques. L’initialisation du SIT se fera à partir du module de préparation de mission équipage (MPME) qui puise ses données directement dans le système d’information régimentaire (SIR). Exemple de présentation d’information du SIT Certains outils sont déjà en service et poursuivent leur évolution. C’est le cas du système d’information et de commandement des forces (SICF ) et du SIR . Les autres éléments de la chaîne de commandement numérique sont en cours de réalisation avec pour objectif un déploiement dans les forces en 2006-2007. Comme pour tous les nouveaux systèmes, leur mise en œuvre nécessite de les connaître et de se les approprier. L’EA ALAT assurera l’ensemble des formations sur les matériels en dotation ; à charge ensuite de chacun de développer les savoir-faire acquis par un entraînement en unité. chef de bataillon Christian ELSLANDER EA ALAT/DEP/BES/C3I © D.R. L’ALAT dans la NEB 1 Organisation de la zone préparation de mission d’une escadrille 32 1 - ATM SIR : Station SIR sur véhicule La TD ALAT La transmission de données dans l’ALAT de demain L’ALAT participe à la numérisation de l’espace de bataille Le chantier de la numérisation de l’espace de bataille (NEB) est maintenant bien engagé. Certaines brigades évaluent en ce moment le système d’information régimentaire (SIR). Cette montée en puissance des systèmes d’information trouvera son aboutissement dans l’ALAT avec l’arrivée, dans un futur proche, des systèmes d’information terminaux (SIT) sur le Tigre, le NH90 (EUROGRID) et sur les aéronefs du parc actuel (SIT ALAT). La chaîne numérisée sera alors complète et nécessitera, de la part de tous, une nouvelle approche du commandement. La montée en puissance des transmissions de données Certes, le chef souhaitera toujours donner ses ordres à la voix. Cependant, les possibilités d’échange d’informations entre les futurs systèmes doivent lui permettre de limiter ses interventions en assurant la diffusion des ordres et des comptes-rendus. L’ALAT, comme les autres armes, s’appuie sur les postes radio de nouvelle génération et en particulier sur le PR4G pour assurer le transfert de ces informations jusqu’aux plus bas niveaux. Elle utilise donc les mêmes moyens que les autres armes pour le transfert de ses données mais cherche à les optimiser pour une utilisation dans la troisième dimension. La transmission de données du Tigre Ainsi, la transmission de données (TD) entre le SIR et le Tigre (TD SIRTigre) s’effectuera dans un profil d’échange utilisé par le SIR (profil mixte). Ce profil permettra également des communications non prioritaires en phonie. La TD assurera la diffusion des ordres et comptes-rendus entre le SIR et les systèmes EUROGRID embarqués sur le Tigre. Mais, dans ce mode, la phonie n’est pas prioritaire. Le deuxième PR4G de l’hélicoptère sera utilisé pour sa part dans un mode de transmission de données sans phonie permettant d’échanger automatiquement les positions entre les hélicoptères d’un même module. Ainsi, aidé dans ses choix de commandement par une connaissance instantanée de la position de ses subordonnés, le chef travaillera avec une meilleure appréhension de la situation compte tenu de la réactualisation de son système tactique. L’aide ainsi apportée par le système d’information contribuera à l’adaptation du commandement au rythme d’emploi des hélicoptères armés de nouvelle génération. Évolutions attendues à court terme Compte tenu des limitations, en particulier en phonie, des modes de transmissions de données utilisés par le Tigre et de l’équipement réduit à un seul PR4G des hélicoptères du parc actuel, l’ALAT a demandé à la DGA de développer un nouveau profil d’échange. Sur ce dernier les communications en phonie sont prioritaires et toutes les ressources du poste sont utilisées en transmission de données. Ce nouveau profil en cours d’évaluation (TDMA Isochrone), a pour principe un découpage temporel de la bande passante avec une référence horaire basée sur l’heure GPS. Chaque intervenant disposera ainsi d’un temps identique pour transmettre ses données. De plus, cette évolution logicielle ne nécessitera pas le développement d’un nouveau PR4G/Aéro et sera également intégrée dans la version sol. L’ALAT dans la NEB 33 La TD ALAT Les attendus du futur L’utilisation des moyens permettant la transmission de données devient donc incontournable pour assurer le partage de l’information à tous les niveaux. Les limites du poste PR4G et de ses différents modes d’utilisation semblent désormais atteintes mais de nouvelles voies restent à explorer. En effet, pour assurer ces transmissions sur de grandes élongations avec des débits et une sécurité accrus, dans un souci d’interopérabilité avec l’OTAN, une solution commune doit être recherchée. Une piste prometteuse mais partielle, à base de terminal MIDS (Multifunctional Information Distribution System), a été retenue par l’artillerie sol-air pour le système MARTHA et par les membres de l’OTAN. Ele assurera la diffusion en temps réel des informations de contrôle dans la troisième dimension. Conclusion Certes, les systèmes d’information sont devenus prépondérants pour les chefs et leurs subordonnés. Cependant, ces derniers sont liés aux capacités techniques des supports radio utilisés. Maintenant le défi à relever consiste à optimiser l’emploi du spectre électromagnétique par son utilisation sur de larges bandes ainsi qu’à développer des profils de communications optimisés pour le combat aéromobile. Dans le futur, les armées devront se doter de moyens nouveaux leur permettant de mieux s’intégrer dans le nouvel environnement issu de la numérisation de l’espace de bataille. Ces derniers devront satisfaire aux nouvelles exigences d’accès, de rapidité, de partage et de traitement de l’information dans un contexte national ou de coalition. lieutenant-colonel Michel MARTIN GAMSTAT/C3I L’ALAT dans la NEB © D.R. 34 Le programme MARTHA MAillage des Radars Tactiques pour la lutte contre les Hélicoptères et les Aéronefs à voilure fixe © D.R. La coordination dans la troisième dimension est absolument nécessaire dans un environnement de plus en plus complexe. En effet, d’une part les utilisateurs de l’espace aérien sont de plus en plus nombreux, d’autre part dans les conflits de type maîtrise de la violence, les activités aériennes civiles et militaires cohabitent imposant une réactivité plus grande. Enfin, la manœuvre voit son rythme s’accélérer et en conséquence les délais de planification se raccourcir. Aussi, l’armée de Terre poursuit-elle le programme MARTHA, adapté à son nouveau rythme et à ses impératifs de complexité et de réactivité. Grâce à la mise en place d’un réseau de radars qui permettra de connaître en temps réel la position de tous les mobiles en vol au dessus de la zone d’action des forces terrestres, MARTHA déploiera dans le même temps un réseau de commandement permettant d’identifier les actions en cours dans l’espace aérien et d’intervenir de façon instantanée si besoin. Rôle opérationnel Système de commandement, de contrôle, de communication et d’information 1, MARTHA est un réseau maillé et hiérarchisé constitué de centres niveau de coordination, de matériels informatiques et de moyens de communication.Outil de coordination en temps réel des actions de l’armée de Terre, MARTHA accroît l’efficacité des systèmes d’armes sol-air et ALAT par l’échange d’informations relatives à la situation aérienne. MARTHA pourra donc en temps réel suivre l’enchaînement des actions planifiées et permettre leur conduite. Le système MARTHA présente un intérêt tout particulier pour l’ALAT. Car il permettra : de vérifier et de faire appliquer les mesures de contrôles aux procédures, d’assouplir ces mesures le cas échéant par une gestion en temps réel des conflits éventuels entre nos aéronefs et les autres intervenants, d’assurer leur sécurité face aux tirs anti-aériens amis, de coordonner et de conduire les tirs AATCP en liaison avec les autres moyens antiaériens et enfin, de guider les appareils sur leur objectif. L’exercice d’un contrôle direct efficace impose de connaître en permanence la position des appareils en vol. Leur détection par les senseurs MARTHA ne pourra être assurée de façon continue. Dans ce cas, une liaison avec le PC de la formation en vol devra être établie. L’ALAT dans la NEB 1 - C3I : Command, control, communication and information 35 Le programme MARTHA Description générale Constituée de centres hauts 2 et de centres bas 3, la chaîne de coordination troisième dimension (3D) permettra d’échanger en temps réel, les informations nécessaires à la conduite des actions de l’armée de Terre en coordination avec les autres armées, en particulier l’armée de l’Air. MARTHA comprend trois niveaux de coordination et deux types de centres. • Les centres de niveau 1 (NC1) sont spécialisés par systèmes d’armes sol-air : SAMP/T, Roland, Mistral. Ce premier niveau de coordination est matérialisé par le senseur et le moyen de commandement de la section de défense sol-air. Il assure l’alerte et la coordination des feux au sein de celle-ci. Il diffuse vers les centres hauts de MARTHA les informations de situation aérienne élaborées par son capteur radar. • Les centres de niveau haut MARTHA (CNHM) sont chargés d’assurer l’interopérabilité entre les armes, les armées et les alliés. Dans leur fonction NC2, ils assurent une responsabilité zonale. C’est le niveau de connexion des intervenants 3D de l’armée de Terre. Ces centres fusionnent la situation aérienne provenant de l’armée de l’Air et des détections des NC1 avant de la rediffuser aux utilisateurs de l’armée de Terre. Coordonnant les interventions des NC1, ils transmettent des ordres de conduite aux différents intervenants. • Dans leur fonction NC3, les CNHM coordonnent plusieurs NC2 et veillent à l’interopérabilité avec les centres Air, Marine et alliés, chargés de la gestion de l’espace aérien et du contrôle tactique. Pour une opération nécessitant peu de moyens, le CNHM regroupe les fonctions de niveaux 2 et 3. Point de situation Le programme MARTHA a été scindé en deux étapes : • L’étape 1, achevée depuis 2002, concerne la coordination des systèmes d’armes des sections sol-air niveau de coordination 1- ; • L’étape 2 traite de la réalisation des niveaux de coordination haut et de la prise en compte du NC1 SAMP/T 4. Cette étape est en cours et se concrétisera par la livraison des premiers CNHM en 2007. En parallèle, la mise en place d’une plate-forme d’instruction, destinée à dispenser la formation opérationnelle des opérateurs MARTHA, sera implantée à l’Ecole d’application d’artillerie. Dans ce domaine, le principe retenu est de soumettre les opérateurs à une simulation dans un environnement proche du réel en reliant physiquement les NC1 et NC2 par fibre optique. Cette plate-forme sera également reliée aux organismes de contrôle air, au centre JANUS, à la plate-forme ATLAS 5 ainsi qu’à la PFI MIDS / terre 6. Les opérateurs ALAT CNHM seront des officiers et sous-officiers contrôleurs. © D.R. MARTHA s’inscrit, au même titre que les systèmes de communication et d’information opérationnels, comme un moyen de gestion interopérable des systèmes d’armes dans le cadre de la numérisation de l’espace de bataille. Ce système participera à l’élaboration de la situation opérationnelle commune. Il facilitera la décision et la conduite des opérations contribuant ainsi à l’augmentation significative de l’efficacité des forces. capitaine BARBEAU EAA/DSA/C3D 2 - CNHM : Centre de niveau haut MARTHA. 3 - NC1 : Centre de niveau / Niveau de coordination 1. 4 - SAMP/T : Sol-air moyenne portée / Terre. 5 - ATLAS : Automatisation des tirs et liaisons de l’artillerie sol-sol / système d’information, de commandement et de gestion des feux de l’artillerie sol-sol. 6 - MIDS/Terre : Multifunctional Information Distribution System / Système de répartition diversifiée d’information. Composante transmission de la chaîne temps réel de MARTHA et utilisant le support de la liaison 16, il permet d’assurer les communications et le contrôle direct. 36 La Numérisation de l’espace de bataille au sein de la BAM Priorité du général COMBAM inscrite dans la directive annuelle particulière de préparation opérationnelle, la numérisation de l’espace de bataille est une réalité pour la brigade aéromobile, qu’il s’agisse de son centre opérationnel (CO) ou de ceux de deux de ses groupements aéromobiles (GAM). Elle s’est engagée volontairement, non sans difficultés, dans l’expérimentation menée par l’EMAT et entrevoit déjà tous les avantages à en attendre notamment en terme d’emploi sans en ignorer les différentes contraintes. Un engagement total dans la NEB Comme toutes les brigades, la BAM dispose d’outils de numérisation depuis plusieurs années. Equipée du SICF, ses échanges vers les niveaux supérieurs s’effectuent au travers d’un réseau clairement défini et qui a fait ses preuves. Pour autant, si les fonctionnalités présentes au sein de son CO n’ont pas été remises en cause, l’état-major a mené une réflexion pour adapter l’organisation et le fonctionnement du CO à l’instar des documents réalisés par le système d’information et de commandement des forces (CDEF) en 2004 et des études en cours au sein de la force d’action terreste (FAT). En effet, même si la chaîne de numérisation de l’espace de bataille n’est pas encore totalement réalisée – le système d’information régimentaire (SIR) est en cours de déploiement et le système © D.R. d’information terminal (SIT) ne le sera qu’à partir de l’année prochaine – les habitudes de travail doivent évoluer pour appréhender au mieux l’arrivée de ces nouveaux équipements. Le maître mot est de développer le travail coopératif au sein du CO afin de gagner en réactivité et de faire face à des cadres d’engagement de plus en plus mouvants et incertains. C’est l’objectif recherché par l’articulation du CO en une cellule “ manœuvre en cours ” et une cellule “ manœuvre future ”. © D.R. Depuis un an, différentes configurations du CO sont expérimentées et des procédures de travail sont développées qui tentent, modestement, de préfigurer celles qui seront mises en œuvre avec la NEB. Dans ce cadre, les réflexions portent notamment sur l’optimisation du processus décisionnel en interne comme en externe au CO. L’objectif est de le raccourcir en facilitant les échanges pendant la phase de réflexion et d’élaboration de la décision. A cette fin, les travaux réalisés par la cellule “ manœuvre future ” doivent pouvoir circuler entre les différents intervenants de la brigade. Le but est non seulement de rédiger, in fine, l’ordre le mieux adapté à la mission reçue en fonction des moyens disponibles L’ALAT dans la NEB 37 La NEB au sein de la BAM mais aussi de permettre aux GAM d’anticiper leurs actions le plus en amont possible au profit du temps de préparation à l’engagement. Une synergie des efforts à tous les niveaux © D.R. Le plan d’équipement de la brigade en système d’information régimentaire (SIR) prévoit d’équiper deux régiments. L’équipement du 5ème RHC, régiment appartenant à la force expérimentale (FOREX) NEB, est terminé tandis que celui du 3ème RHC est en cours. Cela ne va pas d’ailleurs sans susciter certaines interrogations. La 2ème Brigade blindée et la 6ème Brigade légère blindée ont été désignées pour expérimenter la numérisation de l’espace de bataille en bénéficiant de l’ensemble de l’environnement interarmes dont l’ALAT. Pour autant, un seul RHC ne peut assurer en permanence cette responsabilité ne serait-ce qu’en raison de la projection d’une grande partie du régiment, au moins quatre mois tous les seize mois. Cependant, l’intégration de la brigade aux différents exercices numérisés lui a permis de bénéficier de l’expérience engrangée par les unités des deux brigades numérisées et au personnel du 5ème RHC de suivre la formation idoine. Dans le cadre d’une démarche particulièrement volontariste, la brigade a alors tout mis en œuvre pour que les savoir-faire de l’un soient transmis à l’autre. Des exercices ont donc été prévu pour que les deux régiments travaillent de concert. Le point d’orgue eu lieu lors de l’exercice FATEXTEL durant lequel le 3ème RHC, renforcé des spécialistes du 5ème RHC, a effectué une expérimentation NEB avec la 2ème BB. Une réactivité accrue malgré des contraintes encore lourdes © D.R. L’ALAT dans la NEB Sans minorer le défi majeur que constitue la maîtrise d’un flux permanent d’informations de tous ordres, les avantages attendus et entrevus de la NEB poussent la brigade à poursuivre son effort. En effet, les quelques modestes échanges qui ont eu lieu entre la brigade et le GAM tendent à prouver que le processus décisionnel à tous les niveaux, ainsi qu’entre les différents CO, sera grandement accéléré au profit de la préparation de la mission elle-même. En conséquence, l’aéromobilité, arme de la réaction par excellence, ne peut qu’espérer beaucoup de ces nouveaux équipements. Pour autant, la meilleure volonté du monde ne peut être qu’un pis aller dans un domaine aussi complexe. Il est en conséquence urgent que le 3ème RHC intègre la FOREX non seulement pour accéder aux stages de formation indispensables mais aussi pour garantir la permanence de l’aéromobilité, en complément du 5ème RHC, dans les expérimentations en cours. Au même titre, le personnel de l’état-major n’est pas formé au langage SICF / SIR “ MELISSA ”. Ce n’est qu’au prix d’un travail laborieux que des messages numérisés sont échangés entre les GAM et la BAM. Conclusion La numérisation de l’espace de bataille constitue un défi majeur pour l’armée de Terre. Toutefois, au-delà des contraintes techniques, la plus-value tactique espérée est telle qu’il serait parfaitement inopportun voire inconscient de ne pas le relever. La 4ème Brigade aéromobile, culturellement tournée résolument vers l’avenir, s’y emploie volontairement non sans résultats, même si, pour le moment, le manque de formation de son personnel en limite inévitablement l’efficience. lieutenant-colonel AURIAULT chef du Bureau emploi planification à l’état-major de la 4ème Brigade aéromobile 38 Les drones et l’Army aviation américaine Les drones et l’Army aviation Les drones (CL 289, SDTI, DRAC, ...) prennent une place de plus en plus importante au sein de l'armée de Terre. Cet article, paru dans le mensuel du Détachement de liaison Terre aux Etats-Unis, a été écrit par le lieutenant-colonel Dupont de Dinechin, dernier officier de liaison ALAT à Fort Rucker. Il présente la situation des drones au sein de l'Army. Les appareils sans pilote, appelés drones ont envahi les théâtres d’opération afghan et irakien depuis bientôt quatre années. L’évolution de la nature de la menace (plus diffuse, multiforme) a fait apparaître un réel besoin de capteurs de renseignement supplémentaires. C’est ainsi que l’armée de Terre américaine s’est rapidement dotée de ces plates-formes aériennes. A cette approche capacitaire a succédé une approche plus rationnelle, destinée à coordonner “ l’explosion “ de ce secteur de la Défense. A cet effet, le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Schoomaker a mandaté l’Aviation légère de l’armée de Terre, en fin d’année 2003, pour réaliser cette coordination au sein de l’Army. Celle-ci visait à : • Assurer la mise en œuvre des drones en service ; • Définir les drones des 4 classes au sein du Futur combat system (FCS) ; • Définir les besoins futurs ; • Rationaliser la formation et l’entraînement des pilotes, dans un contexte de sécurité des vols amélioré. Près de deux années plus tard, on peut mesurer le chemin parcouru par l’Army aviation. De la sécurité des vols à l’instruction, en passant par l’évolution des platesformes, les drones font l’objet d’une attention toute particulière. Cet article d’information générale est destiné à préciser les contours de ce vaste domaine des appareils sans pilote au sein de l’Army aviation, en juin 2005. Après un inventaire des drones au sein de l’Army, le rédacteur précisera les besoins du Futur combat system en cours et les perspectives de ce vecteur spécifique. Inventaire des drones au sein de l’Army aviation Les drones du bataillon au corps d’armée Le Raven est un drone portatif à l’usage du bataillon et des niveaux inférieurs. D’une portée de 8 à 12 km, d’une autonomie moyenne de 1 heure 30 évoluant à 60 km/h et mis en œuvre de jour comme de nuit par deux servants ; il peut conduire des missions de reconnaissance, d’acquisition d’objectifs et d’évaluation des dommages. Le Shadow 200 a une portée de 125 km, une autonomie de 4 heures, une vitesse moyenne de 110 km/h et est exploité à une altitude d’environ 3 000 m. Une section de Shadow comprend 4 appareils mis en œuvre par 22 servants. Il remplit des missions identiques à celles du Raven au niveau de la brigade. Le Hunter a une portée supérieure à 200 km, une autonomie de 8 à 12 heures, et une vitesse de 150 km/h. Il est exploité à une altitude moyenne de 4 500 m. Il remplit des missions identiques à celles du Raven mais à l’échelon de la division et du corps d’armée. L’I-GNAT est un drone du niveau tactique opératif. Capable de voler pendant plus de 40 heures, à une altitude de 7 500 m, cet appareil est plutôt un “ ban d’essai volant “ pour l’Army. Il peut emporter près de 200 kg de charge utile. Il serait capable de tirer des missiles Hellfire. Etranger 39 Les drones et l’Army aviation américaine Le schéma ci-dessous décrit les 4 types de drones actuellement en service. © D.R. L’explosion du nombre des drones depuis 2002 La prolifération des drones provient des besoins opérationnels des théâtres afghan et irakien depuis 2001-2003. Cette première approche capacitaire est actuellement accompagnée d’une approche plus rationnelle destinée à faire correspondre les besoins et les équipements disponibles. Le schéma ci-après trace l’historique des besoins opérationnels depuis 2002. Il semble que la courbe poursuivra son tracé exponentiel à l’horizon 2006. Etranger © D.R. Les drones occupent désormais une place au sein de l’Aviation légère américaine En effet, le plan de modernisation des matériels inclut désormais une place pour les drones. La structure de la Brigade ALAT multifonctions comprend elle aussi, une unité de drones. 40 Les drones et l’Army aviation américaine Les différents moyens dédiés à l’Aviation légère américaine de 2005 à 2020 sont présentés ci-dessous. © D.R. La brigade Alat multifonctions Unit of Action (UA) est en cours de mise en place. Sa description sommaire figure dans les planches suivantes. © D.R. On parle ici, de drones CL IV (classe 4) ; il s’agit en fait de drones à l’usage de la brigade. La réorganisation des structures de l’ALAT américaine est imprégnée des enseignements des opérations en Afghanistan et en Irak. La cohérence de ces brigades est assurée par la mise en place au niveau de cette grande unité de tous les moyens aéromobiles existants (reco/attaque, assaut/air et transport tactique moyen et lourd). La composante drone devrait elle aussi s’intégrer dans cette nouvelle structure multifonctions. Etranger L’Army aviation conduit actuellement la transformation de ses structures, de ses équipements, de sa formation ainsi que de son entraînement. Elle prévoit également l’avenir avec la mise en place d’une partie de ses moyens au sein du Futur combat system (FCS). 41 Les drones et l’Army aviation américaine Cette révolution organisationnelle passe actuellement au second plan, du fait du rythme des engagements opérationnels en cours. Dans ce système de forces imaginé par l’Army, l’Aviation légère américaine prévoit de mettre en place des structures comprenant des hélicoptères et des drones. Le paragraphe suivant donne les contours de ces projets pour le domaine des drones. Les drones au sein du Futur Combat System (FCS) Les drones du FCS Les drones du Futur combat system se déclinent aujourd’hui en quatre classes (de I à IV), du niveau section au niveau brigade. Le schéma ci-dessous liste les pré-requis pour ces 4 classes d’appareils sans pilote. © D.R. Les perspectives de ce vecteur spécifique au regard des leçons apprises Etranger 42 L’Aviation légère américaine a lancé au début des années 2000, un programme d’expérimentation de reconnaissance d’objectifs avec appareil piloté et appareil non piloté, appelé MUM (Manned Unmanned). Les expérimentations en cours semblent privilégier les drones-hélicoptères. En 2005, les industriels préparent le block 3 de l’AH 64 Apache qui donnera à cet hélicoptère la capacité de contrôler le drone à partir de son cockpit. La souplesse d’emploi opérationnelle des drones est un de leurs atouts majeurs, notamment dans le contexte actuel des opérations en zones urbaine et désertique. Depuis les engagements en Afghanistan et en Irak, les drones connaissent un emploi exponentiel. Pour les missions réalisées actuellement sur les théâtres d’opération, par les hélicoptères et les drones, on peut parler de missions coordonnées. En effet, les drones peuvent identifier les objectifs, les “ illuminer laser “, pour permettre leur destruction par les hélicoptères grâce à l’aide d’une station de guidage. Il existe donc toujours un “ intervenant “ entre le drone et l’hélicoptère : la station de guidage au sol du drone. Les drones et l’Army aviation américaine La vision du concept MUM est de permettre la suppression de cet “ intermédiaire “. Les avantages seraient entre autres : gain de temps, connaissance du champ de bataille en temps réel, réactivité accrue. Lorsque la station de guidage disparaîtra, on pourra dès lors parler de “ teaming “ (binôme) drone-hélicoptère. Conclusion La contribution des drones dans les engagements en Afghanistan et en Irak depuis bientôt quatre années a sans doute favorisé leur expansion au sein de l’Army. A suivre les expérimentations en cours, il semble que les applications de ces appareils sans pilote soient sans fin. A l’image de l’avion au début du XXème siècle, le drone offre des perspectives qui auront vraisemblablement des répercussions sur les concepts d’emploi futur. L’Aviation légère américaine a hérité de ce dossier passionnant. Depuis deux ans, elle se consacre à la sécurité des vols de ces appareils, à l’apprentissage des savoir-faire nécessaires à leur mise en œuvre, à l’évolution des plates-formes (avec un officier de programme à Fort Rucker) et à l’amélioration de la coordination drone-hélicoptère. Le concept MUM, cité plus haut fait bien partie des objectifs fixés pour la composante attaque-reconnaissance de l’ALAT américaine. D’ici 2010, l’AH 64 Apache devrait être capable de guider des drones à partir de son cockpit. L’Army aviation est une fonction opérationnelle jeune, qui s’investit pleinement dans ces défis actuels. Son action au profit des forces terrestres en Irak et en Afghanistan est non seulement appréciée mais unanimement reconnue. Etranger 43 Sommaire 2005 • Mot du chef du BSV • Les brèves du médecin • La sécurité des vols et le syndrome de la sanction © D.R. • Points positifs et tableau d’honneur de la sécurité des vols La sécurité des vols peut-elle être améliorée ? Combien de nos incidents et de nos accidents sont véritablement évitables ? Peut-on diminuer l’implication des personnels dans les événements aériens ? Ces questions concernent tous les personnels navigants et tous ceux qui concourent à la mise en œuvre des aéronefs ou à leur exploitation.Après avoir passé plusieurs années dans l’environnement de la sécurité des vols, il me paraît évident qu’un certain nombre d’incidents ou d’accidents peuvent être évités, en particulier ceux qui incombent à “ l’homme “. Alors, a t-on mis en place les structures, les règles et surtout les moyens qui permettent d’optimiser notre sécurité des vols ? Les statistiques de l’ALAT montrent une amélioration exponentielle en matière d’accidents aériens, puisqu’en cinquante ans le nombre des accidents a été divisé par dix. Concernant les incidents aériens, leur nombre a baissé mais pas en proportion des accidents. On peut aussi remarquer que le nombre d’incidents d’origine humaine est en augmentation ces dernières années. Le rajeunissement des pilotes et des mécaniciens, la diminution des heures de vol et le vieillissement du parc en ligne sont des explications possibles à cette remontée des incidents aériens. Mais de l’autre côté de la balance on note une formation initiale améliorée, la mise en place d’un plan de formation facteurs humains et l’augmentation du nombre de personnels autour de l’officier sécurité des vols (OSV). On pourra toujours améliorer les structures, les moyens mais l’amélioration notoire de la sécurité des vols passera par une meilleure prise de conscience de chacun dans ce domaine. Répondez à ces questions et vous aurez vous-même la réponse. • Prenez-vous la SV au sérieux ? • Vous impliquez-vous dans la sécurité des vols au quotidien ? • Faites-vous bénéficier les plus jeunes de vos expériences ? • Connaissez-vous les textes, règlements et autres directives en matière de SV ? • Avez-vous une hygiène de vie en cohérence avec votre fonction ? • Avez vous lu, le dernier BISV, AEREX ? L’être humain est un ordinateur biologique qui collecte les informations au moyen de ses sens. Il les traite pour un usage immédiat ou les stocke dans sa mémoire pour le futur. La conception des aéronefs modernes vise, entre autre, à réduire la probabilité de l’erreur humaine. Le pilote est le dernier rempart, son habilité, sa compétence et son expérience permettront de diminuer « la fréquence des erreurs » et, par là même, de réduire les événements aériens. Plus faible sera le temps qui s’écoule entre une erreur et sa détection, donc sa correction, plus on augmentera la sécurité des vols. Oui, on peut améliorer la sécurité des vols par la mise en place d’une chaîne sécuritaire plus développée, par des moyens plus conséquents à la disposition des pilotes, par des procédures et des instruments qui travaillent à la place du pilote mais en dernier recours l’homme sera celui qui choisit, qui tranche et qui agit. Aussi faut-il qu’il soit parfaitement formé, en pleine possession de ses moyens, conscient de ses limites et qu’il reste dans le cadre strict de sa mission. La prise de conscience de chacun de l’importance de la sécurité des vols doit être la prochaine étape qui nous permettra d’améliorer encore notre sécurité des vols. lieutenant-colonel CLARIS-SAUVAGE chef du bureau sécurité des vols 44 Les brèves du médecin Normes JAR – FCL 3 Publiées au journal officiel en mars 2005, les normes JAR – FCL 31 concernent l’aptitude physique et mentale de l’ensemble du personnel navigant technique de l’aéronautique civile (pilotes, ingénieurs, mécaniciens navigants et parachutistes professionnels). Ces normes sont appliquées depuis le 15 juin 2005 par les centres d’expertise médicale du personnel navigant (CEMPN) et s’adressent uniquement aux personnes postulant à une licence professionnelle, laquelle nécessite un certificat médical classe 1. Elles ne remettent pas en cause les normes médicales militaires définies dans l’IM 3300.Toutefois, celles-ci devront évoluer à plus à moins long terme. Morphologie du Pilote Tigre Avec l’arrivée du Tigre à l’Ecole franco-allemande, il apparaît que les normes concernant la taille des pilotes d’hélicoptères décrites dans l’IM 3300 ne sont pas adaptées à son habitacle beaucoup plus contraint.Actuellement, la taille du pilote doit être comprise entre 1,60 m et 1, 96 m. Compte tenu des mesures effectuées in situ et des données constructeurs, il sera indispensable d’ajouter des mesures segmentaires, la plus limitante étant la “ taille assis-redressé ” ; c’est à dire la distance “ fesse - sommet de tête ”. © D.R. Etudes en cours • L’Institut de médecine aérospatiale du service de santé des armées (IMASSA) implanté à Brétigny sur orge (91) a entrepris, à la demande du COMALAT, une étude sur les conséquences en terme de sécurité des vols du sur-écartement des tubes JVN du casque Topowl utilisé par les équipages Tigre. • Avec l’arrivée des nouveaux simulateurs à l’EFA et à la base école de Dax, en particulier l’entraîneur de formation initiale (EFI), il a été demandé une étude sur le mal des simulateurs, avec pour conséquence les précautions à prendre après une séance de simulation (délai de reprise des vols réels). Elle est conduite par le Centre de recherche du service de santé des Armées (CRSSA) de Grenoble conjointement avec le département science cognitive de l’IMASSA. • L’enquête en cours au CPEMPN sur la prophylaxie du paludisme chez le personnel navigant militaire devrait aboutir courant 2006. Sécurité des vols Les résultats de ces 3 études vous seront présentés dès que possible. médecin-chef WELSCH conseiller santé 1 - Ne pas confondre les normes JAR-FCL 3 avec les JAR-FCL 2 qui sont des normes d’exploitation des hélicoptères dans le cadre commercial (entrée en vigueur prévue à compter du 1er janvier 2006). Les normes JAR-FCL 4, en application depuis janvier 2003, concernent les mécaniciens navigants civils. 45 La sécurité des vols et le syndrome de la sanction “Errare humanum est, perseverare diabolicum”. Se tromper a, de tout temps, été considéré comme étant le propre de l’homme. La politique de sécurité des vols que mène le commandement de l’ALAT depuis près de quarante ans, visant à améliorer la fiabilité des appareils et à réglementer les activités, a eu pour effet, tout en recherchant une diminution du risque aérien, à diaboliser les défaillances des acteurs de première ligne : pilote, contrôleur, mécanicien. Les actes non conformes à la réglementation font donc l’objet de sanctions. Mais cette notion de sanction ne va pas de soi à notre époque ! La sanction doit avoir valeur d’exemple. Il est indispensable qu’elle soit comprise et juste. Elle doit avoir un sens ! Cet article veut montrer que la sanction est un mal nécessaire, qu’il n’y a pas opposition entre sanction et facteur humain : l’une voulant châtier le coupable, l’autre pouvant chercher plutôt à diluer les responsabilités. L’erreur est humaine L’erreur fait partie intégrante du comportement humain. On parle en général d’erreur humaine pour qualifier le comportement inadapté de l’équipage ou du personnel d’environnement (contrôle, maintenance). La survenue d’une erreur est favorisée par un certain nombre de facteurs propres à l’homme, qui limitent ses capacités mentales mais aussi sa capacité à bien gérer ses ressources attentionnelles. Nous pouvons en déterminer trois sortes : Les erreurs individuelles reposent sur les capacités et les limites individuelles. Les plus fréquentes sont les erreurs de représentation qui se traduisent par des erreurs de compréhension, d’intention ou de procédures. Un deuxième type d’erreur est représenté par des erreurs de connaissances : le personnel ne manque pas de connaissances, mais ne les utilisent pas à bon escient. Les erreurs collectives résultent d’une mauvaise synergie entre les membres d’équipage : non-élaboration d’une représentation commune de la situation, prise collective de mauvaises décisions ou mauvais partage des tâches. Sécurité des vols 46 Les indisciplines ; c’est-à-dire la transgression volontaire de consignes, de règlements ou de réglementation dans la perspective d’assouvir une satisfaction personnelle sans rapport avec la tâche. Ces indisciplines sont à distinguer des écarts au règlement ou des violations où il y a franchissement de certaines règles pour assouvir une satisfaction personnelle dans un but d’optimisation de l’activité afin d’obtenir une meilleure performance. L’erreur peut survenir, c’est inévitable. L’important n’est plus simplement de ne pas commettre des erreurs, mais de savoir les détecter, de les récupérer ou d’atténuer leurs effets et ainsi de prévenir leur survenue ultérieure non contrôlée. Le plus grave étant de persévérer dans l’erreur. La sanction : un mal nécessaire Si l’on envisage de sanctionner une erreur, c’est parce que, d’une certaine manière, elle représente un “ mal ”, donc un danger pour la sécurité. La sanction doit avoir un sens pour être comprise : La sanction vise d’abord à rappeler la règle. La réglementation est une norme établie par le commandement dans le but de prévenir les évènements, de préserver le potentiel humain et matériel et, en final, de maintenir la capacité opérationnelle des unités. La sanction est avant tout une réponse individuelle à l’erreur. La sanction vise ensuite à dissuader les autres d’agir de même. La sanction a une vertu d’exemplarité pour la collectivité des acteurs de la sécurité des vols.Afin que chacun ne découvre pas à ses dépens les aventures malheureuses vécues par des camarades impliqués dans des événements aériens et parce que les mêmes causes produisent les mêmes effets, il est nécessaire de mettre en exergue ces événements et leur sanction. La sanction doit enfin avoir une valeur éducative et inciter le personnel à s’améliorer. La sécurité des vols est un système d’échanges basé sur la confiance, l’honnêteté ou la franchise. Il est donc naturel que la sanction soit utilisée pour modifier les comportements déviants. La sanction doit donc être comprise pour être acceptée et doit surtout permettre d’atteindre le résultat espéré, une plus grande sécurité. Elle est en quelque sorte un garde-fou pour que les dérives ne s’installent et les incidents ne se reproduisent. C’est tout l’enjeu de la sécurité des vols ! L’ALAT met en œuvre une politique de sécurité des vols dont l’objectif est la prévention des accidents. Certes, il est prévu de sanctionner les actes qui sont non conformes à la réglementation, mais la fonction principale de la sanction, au-delà de punir purement et simplement, est bien de responsabiliser l’auteur de la faute et de créer ainsi les conditions pour qu’une modification des comportements puisse se réaliser. Sécurité des vols colonel Patrick COLIN président du CPSA-T 47 Points positifs et tableau d’honneur de la sécurité des vols Le major CHAUVIERE Michel, pilote commandant de bord, se voit attribuer 15 points de contrôle positifs. Par ailleurs, il est inscrit au tableau d’honneur de l’ALAT ainsi que le maréchal des logis BELEGEAU Christophe, pilote et le maréchal des logis COTE Yvon, membre d’équipage. Le 7 novembre 1998, à l’issue d’une séance d’appontages, l’équipage de la Gazelle SA 341 rejoint sa base sur l’aéroport d’Amboli à Djibouti. Quelques instants après le décollage, l’équipage perçoit l’allumage du voyant " GENE ". Le commandant de bord applique la procédure de panne et poursuit vers l’île de Mousha, point d’entrée du terrain. Un ronronnement sourd et puissant est alors entendu par intermittence. Le commandant de bord décide de poser sur l’île. En finale, l’équipage perçoit l’allumage des voyants " ALTER " et " NAV ".Après l’atterrissage, le commandant de bord constate la présence de flammes côté gauche du GTM. Le feu est éteint au moyen de l’extincteur de bord. DCE n ° 2016 du 20/07/2004 Le maréchal des logis-chef BIGEL, mécanicien de piste au DAOS est inscrit au tableau d’honneur de l’ALAT pour avoir fait preuve de professionnalisme en détectant une anomalie qui avait échappé à plusieurs contrôles antérieurs. Lors d’une visite avant vol d’une Gazelle SA 342, son regard est attiré par le décollement du mastic d’étanchéité à la base du manchon du thermomètre. Il constate alors une crique au niveau de la soudure de la plaque de fixation du thermomètre survenue probablement à la suite d’un heurt de volatile ayant eu lieu 13 jours auparavant. DCE n°331 du 03/02/2005 L’adjudant HUMBERT Noël, moniteur, est inscrit au tableau d’honneur de l’ALAT Pendant une phase de décollage, lors d’un vol d’instruction sur Fennec, le moniteur simule une perte de puissance sur le moteur gauche en positionnant l’inverseur de démarrage sur le cran " école ". Quelques instants plus tard l’équipage remarque que le moteur gauche s’est éteint. Le moniteur décide de poursuivre le décollage, tente vainement de remettre le moteur en route et se pose monomoteur sur la bande autorotation du terrain. DCE n° 1603 du 08/06/2005 Pour la vigilance et la conscience professionnelle dont il a fait preuve, le maréchal des logis-chef LUSBEC Evariste, mécanicien, se voit attribuer 10 points de contrôle positifs. A l’issue d’une opération mécanique, le maréchal des logis-chef Lubsec, chef d’équipe cellule et moteur, remet en place les capots BTP et s’aperçoit qu’une grenouillère de fixation manque d’efficacité. Il décide de retirer le mastic de protection et décape la peinture de la cornière support grenouillère du cadre. Il constate alors une crique d’environ 10 centimètres de long. DCE n°2000 du 19/07/2005 48 L’adjudant REY Fabrice, pilote commandant de bord, et l’adjudant GUERIN Fabrice, mécanicien navigant, se voient respectivement récompenser de 10 points et de 5 points de contrôle positifs. Le 2 juin 2004, lors d’une séance d’entraînement au pilotage tactique à bord d’un Cougar, dans la région de Libreville, l’équipage perçoit l’allumage des voyants " AVERT " et " TH BTP ", l’indicateur d’huile BTP indique 135°C. Bien que située dans la plage de fonctionnement normal, cette valeur est supérieure à celle habituellement lue dans ces conditions de vol. Le commandant de bord décide d’interrompre la séance et de rejoindre l’aéroport de Libreville. Le mécanicien navigant lit alors à tout l’équipage la procédure à appliquer en pareil cas. Lors du trajet, la température d’huile BTP continue de monter pour atteindre 145°C puis 200°C, tandis que la pression reste stable. Après un contact radio avec l’aéroport, le commandant de bord obtient une prise de cap directe ainsi qu’une autorisation d’approche à contre QFU et active la mise en alerte de la SSIS auprès du DETALAT. L’appareil se pose sans marquer de stationnaire, la piste est dégagée et les moteurs coupés sans minute de ralenti. Après ouverture des capotages, le mécanicien navigant constate que l’arbre du palier ventilateur est sectionné au niveau de sa partie fusible. DCE n°2001 du 19/07/2005 L’adjudant TRESARIEU Bruno, pilote commandant de bord et le maréchal des logis-chef RINAUDO Serge, pilote, se voient respectivement attribuer 10 points et 5 points de contrôle positifs. Lors d’une phase de décélération sur TBM 700, le pilote aperçoit deux cervidés traversant la piste de la droite vers la gauche. Il alerte le commandant de bord qui applique aussitôt un freinage d’urgence. Un troisième cervidé surgit alors dans la même direction. Il ne peut être évité et passe sous l’avion. L’équipage ressent un léger choc. L’inspection de l’aéronef montre un endommagement de l’antenne VHF. Le mécanicien contrôleur autorise le démontage de cette antenne en donnant ses directives par téléphone. L’équipage se fait aider du mécanicien de l’escale aérienne qui fournit l’outillage nécessaire à l’opération. L’aéronef rejoint sa base à l’issue. DCE n°2002 du 19/07/2005 Pour leur bonne réaction, il est attribué 5 points de contrôle positifs à l’adjudant TRESARIEU Bruno, commandant de bord et à l’adjudant BOUILLARD Ludovic, pilote. Le 15 juillet 2004, un F406 en provenance de Rennes atterrit à Fairford (GB) dans le cadre du meeting international Air Tatoo. En fin de décélération, l’adjudant Bouillard, pilote aux commandes, ressent des vibrations et constate une perte de contrôle en lacet de l’aéronef, l’avion s’arrête une dizaine de mètres plus loin. L’adjudant Trésarieu fait stopper les moteurs et prévient le contrôle aérien. Le mécanicien descend de l’aéronef et annonce à l’équipage que le pneumatique de la roulette de nez a déjanté. DCE n°2003 du 19/07/2005 49 Vol sans visibilité A la recherche d’un pilote de chasse perdu ! Texte publié dans le numéro 102 de la revue Béret Bleu Magazine et reproduit avec l’aimable autorisation de son rédacteur en chef. C’est un Westland de l’ALAT qui a réussi en France la première percée GCA 1 réalisée en hélico, en régime IFR. C’était le 1er octobre 1956. Mais d’abord, voyons l’ambiance du moment, en 1955, au sujet du vol sans visibilité des hélicoptères. Au Centre d’éssai en vol de Brétigny, dans l’armée de l’Air, et bien entendu dans l’ALAT naissante, tous les grands spécialistes affirmaient alors, d’une manière péremptoire, que les vols aux instruments étaient impossibles pour les voilures tournantes ! Un jeune capitaine de l’ALOA 2, moniteur pilote sur Sikorsky H-19 et Westland-Wirlwind, commandant une escadrille d’instruction à Buc près de Versailles, n’était pas de cet avis. Après avoir vu les équipements des NC 856 à l’ESALOA de Mayence, permettant les entraînements aux vols sans visibilité (plexiglas orange et lunette bleue), il présente une demande réglementaire pour percevoir ces accessoires afin de les adapter sur ses appareils d’instruction. Il ne reçoit que des sourires apitoyés en guise de réponse ! Voler en IFR en hélico ? Allons, allons, soyons sérieux ! Mais, entêtés, les capitaines Clause et Lefort achètent sur leurs deniers personnels quelques plaques de plexi et une paire de lunettes à la Société Rod, en banlieue nord de Paris. Les mécanos bricolent une adaptation sur un Westland et nous voilà partis pour nous mesurer à nos idées. Sans aucune expérience dans ce domaine particulier, nous essayons des vols stationnaires sous capote. C’est la grande valse ! L’appareil est incontrôlable ! Nous n’avons aucun instrument pour indiquer notre altitude dans cette configuration de vol. Par contre, en translation, nous arrivons rapidement à maîtriser le pilotage. Nous réalisons, à force d’entraînement et de persévérance, à suivre les © D.R. “patrons” NATO proposés en link-trainer. Nous avons résolu le problème du stationnaire en adoptant les décollages et atterrissages roulés. Les cinq moniteurs de l’escadrille passent sous capote, et tous réussissent leurs vols aux instruments. Le capitaine commandant boit du petit lait en voyant ses idées démontrées pratiquement. Il décide de frapper un grand coup. Il demande au commandant Razy, chef de corps du GH n°1, lui aussi pilote hélicoptère, de venir constater les progrès réalisés à Buc. Il le fait monter dans un Westland en place gauche, lui demandant d’assurer la sécurité en vol à vue. Le capitaine monte en place droite, coiffe les lunettes bleues. Dans l’interphone, il annonce au commandant qu’il va décoller de Buc pour aller atterrir à Villacoublay en restant de bout en bout en vol aux instruments. Le contrôle d’approche les amènera au sol en percée dirigée au radiogoniomètre. Après un court éloignement, Villa-Approche “tire” l’appareil, le fait descendre sur un plan régulier, rectifie les caps et le taux de descente afin de le garder sur l’axe de percée, et, à quelques mètres d’altitude, sur la piste en service, les lunettes sont enlevées. Le Westland va se poser près de la “cabane” de Villa-Approche. Nous allons rendre visite aux “gonioteurs” pour les remercier. Ils sont très heureux de ce travail, insolite pour eux, habitués qu’ils sont à faire percer des avions rapides. (Le Westland perce à 60 kts !!!) . Histoire 50 1 - GCA : Ground control approach - Atterrissage radar de précision 2 - ALOA : Aviation légère d’observation d’artillerie A la recherche d’un pilote… Le commandant n’en revient pas. Le capitaine profite de son impression favorable pour expliquer à son chef de corps que, maintenant, lui et ses subordonnés, sont arrivés au bout de ce qu’ils peuvent faire seuls. Il serait de la plus grande efficacité pour l’ALOA d’envoyer quelques pilotes, triés sur le volet, en stage VSV dans l’armée de l’Air. Ils seraient ainsi les premiers moniteurs pour les futurs pilotes qualifiés aux vols aux instruments. Aux échelons “capitaines”, des contacts très encourageants avaient été pris avec la base d’Avord, là où les aviateurs entraînaient leurs pilotes sur Dassault 315 et 312. Ces aviateurs n’avaient aucun problème pour recevoir quelques-uns des nôtres. Malheureusement, cette idée n’eut aucune suite. Des pilotes avion de l’ALOA furent envoyés à Marrakech passer leur carte verte sur avion (T 6)! Un seul pilote hélico, le capitaine Duboureau a été envoyé à Saint-Yan pour un stage VSV sur... Stampe SV4 ! Mais notre affaire ne s’arrête pas là… Le 1er octobre 1956, à une heure du matin, le téléphone sonne chez moi, dans le XVème : - Allo, ici le commandant Razy… - Mes respects mon commandant… - Lefort, pouvez-vous vous mettre en place immédiatement sur la base de Dijon-Longvic avec un de vos taxis ? Un pilote de SM B2 s’est éjecté. On ne le retrouve pas. Il faudrait qu’au lever du jour vous puissiez commencer des recherches… Cette mission vous est-elle possible en toute sécurité ? - Pas de problème mon commandant, si ce n’est que nous n’avons pas de quartz radios pour contacter Paris-Contrôle. - L’armée de l’Air a obtenu l’accord des contrôleurs pour les contacter sur 121,5 fréquence de détresse… - Alors, nous sommes partants… - Merci, Lefort. Soyez prudent et good luck…À vous de jouer … Et me voilà avec cette mission très particulière sur les bras ! Je pense de suite à former un équipage confirmé. Le lieutenant Lepape, mon adjoint, moniteur pilote excellent, fera un très bon co-pilote. Mécanicien, mon chef de piste, le sergent-chef major Auger (un grade alors en vigueur). Mais comment les contacter en pleine nuit ? Lepape habite à Aulnay-sous-Bois, à l’autre bout de Paris. Il n’a pas de téléphone... alors ? Si je vais le chercher avec ma voiture, nous perdons au moins deux heures, donc pas question. Sans me démonter, j’appelle le commissariat de police Le commandant RAZY - “ Roméo Zoulou “ © D.R. d’Aulnay. J’explique mon problème : Allez le plus vite possible réveiller le lieutenant Lepape, demeurant dans votre secteur, et transmettez-lui l’ordre de se rendre immédiatement à Buc dans son escadrille. Et je croise les doigts pour que ça marche ! Pour Auger, c’est plus facile. Il habite à Satory. Je contacte l’officier de permanence et le charge de convoquer le sous-officier. Et en route, sur les chapeaux de roue pour Buc ! J’y retrouve Auger qui a déjà sorti le Westland BAA, pleins faits depuis la veille. J’attends Lepape... Il arrive une demi-heure après ! Ouf, la police d’Aulnay a fait du bon boulot ! J’explique la mission. Nous décollons à 3 heures du matin. Il nous a fallu deux heures pour tout mettre en place. Dès le décollage, nous contactons Paris-Contrôle qui nous prend au radar, nous donne le niveau 50, et nous demande de le contacter à nouveau à 10 minutes de notre HEA. “Tout baigne”. Nuit claire, nous avons du pot ! Mais arrivés sur Langres, nous sommes au-dessus d’une belle couche de brouillard. Je demande à Lepape : - Qu’est-ce que tu en penses ? Il me répond : Bof… Histoire 51 A la recherche d’un pilote… On contacte alors Longvic-Approche pour demander la météo… - Stratus bas, plafond 300 pieds, visi 500 pieds. QGO (vol à vue impossible). Nom d’une pipe ! Nous allons faire voir aux aviateurs que l’ALOA est un peu là ! Nous expliquons notre mission à Longvic-Approche qui, finalement, accepte de nous prendre en GCA. À 10 minutes, il nous voit sur les écrans radars, nous amène au point initial et nous demande nos paramètres de vol pour la percée : 60 kts et 500 pieds/minute ! Les contrôleurs nous font répéter trois fois. Ils ont l’habitude de vitesses et de taux de descente de réacteurs. Pour eux, nous sommes de véritables escargots ! Puis, c’est la procédure classique : “ À partir de maintenant, ne répondez plus à mes instructions “. Dans notre cockpit, petit pincement au cœur, nous entrons dans la couche. Nous sommes polarisés sur nos instruments. De temps en temps, un coup d’œil à l’altimètre qui descend, qui descend … Puis, enfin, la piste bien éclairée. Hourra ! nous avons réussi notre première percée GCA réelle en régime IFR. Nous venons nous poser au pied de la tour de contrôle. Il est 4 heures 45. Au PC, les aviateurs nous donnent les détails de notre mission de recherche que nous entamerons quand le brouillard sera levé, ce que prévoit le service météo. En attendant, ils nous invitent au mess pour prendre le petit déjeuner. Alors gag ! Devant un breakfast très british, il n’y a que des jus de fruit ou de l’eau minérale à boire. Auger n’en revient pas et demande du Beaujolais au serveur! Horreur ! Nous sommes dans le saint des saints de la Chasse. Enfin, la boutade est prise avec humour. À 8 heures, le colonel commandant la base vient nous voir et nous félicite. Il est très curieux de visiter notre “machine volante”. Nous lui faisons les honneurs de notre BAA, amphi cabine détaillé ! Il retrouve certains instruments qu’il avait sur son Spitfire pendant la bataille d’Angleterre. À 10 heures, le plafond devenu acceptable, nous décollons pour la zone de recherche. Après une demi-heure de vol infructueux, Longvic-Airport nous rappelle, le pilote perdu a été retrouvé par des cultivateurs. Lors de son éjection, la séquence de séparation de son siège n’a pas fonctionné. Il a percuté le sol toujours attaché. Son corps est enfoncé de deux mètres dans le sol. Peu après notre retour, les pleins d’essence faits, nous remettons le cap sur Buc, cette fois-ci en vol à vue. Dès notre arrivée, je rends compte au commandant Razy, déjà remercié par le chef d’état-major de l’Air. Cette performance, modeste, mais performance réelle, n’eut aucune suite tangible. Les officiers pilotes qui l’avaient réussie espéraient une mention dans leur dossier. Mais rien ! Grandeur et servitude militaires ! Il est évident qu’il venait d’être prouvé que l’hélicoptère pouvait faire des vols en nuages, bien entendu dans certaines conditions, notamment hors givrage pales et entrées turbine ou moteur, problèmes qui n’étaient pas encore résolus. Cette possibilité nouvelle donnait aux voilures tournantes une extension non négligeable de leurs missions. Ainsi, en Algérie, de nombreux blessés ont pu être sauvés, grâce à des vols de nuit effectués aux instruments. Pour les “Chibani” comme nous, c’est une grande fierté personnelle d’avoir réussi de tels vols. Heureusement, en ce début de XXIème siècle, personne ne conteste plus cette évidence et toutes les Ecoles ont mis au point des stages pour apprendre aux pilotes à effectuer ces genres de vols. Histoire lieutenant-colonel (er)Pierre LEFORT © D.R. 52