n° 16 - site ALAT

Transcription

n° 16 - site ALAT
ECPAD - Alban BATTESTINI
Editorial
RI.ALAT n° 16 - SOMMAIRE
• Éditorial du général COMALAT
1
• Actualités ALAT
2
LA VIE DES UNITÉS
• Le président de la République
visite l’ALAT à l’EFA
6
9
• Mission de destruction
• Le trafic de l’aéroport international
d’Abidjan aux mains des contrôleurs
du 6ème RHC
11
• De la liberté d’action d’un chef de patrouille 13
• Des Puma de l’armée de Terre
15
dans le ciel d’Indonésie
17
• Opération BERYX
• 5ème RHC : 300 heures de vol
et 1000 appontages
19
dans les deux hémisphères
COUP DE PROJECTEUR
• Le Détachement ALAT
des opérations spéciales
21
LA VIE DES UNITÉS
• L’EAAT a 10 ans
26
FORMATION
• Les primo-formateurs de l’EFA
s’approprient le Tigre
• L’évolution de cursus ISPN
26
29
L’ALAT DANS LA NUMÉRISATION
DE L’ESPACE DE BATAILLE
• La numérisation ALAT
• La transmission de données
dans l’ALAT de demain
• Le programme MARTHA
• La NEB au sein de la BAM
Au cours de l’année écoulée, en Côte d’Ivoire,
Kosovo,Tchad, Gabon, Djibouti, Indonésie ; mais aussi sur
les bâtiments Charles de Gaulle, Jeanne d’Arc ; mais
encore en France sur les foyers d’incendie, d’inondation, de troubles de l’ordre public, du soutien au
commandement, de la Mémoire ; pour ouvrir le feu,
reconnaître, renseigner, manœuvrer, dissuader,
soutenir, porter assistance, évacuer ; l’ALAT s’est multipliée sur tous les
fronts et dans tous les types de mission. Elle s’est montrée l’un des acteurs de
premier plan de l’armée de Terre d’emploi 1.
Le Chef d’état-major de l’armée de Terre a souligné que, pour l’année à
venir, l’aéromobilité serait l’une des priorités de l’armée de Terre 2. Et force est
de constater que, même si les jours du 6ème RHC sont désormais comptés,
ailleurs tous les efforts sont faits pour maintenir au mieux l’existant et préparer l’avenir 3. En effet, demain, l’aérocombat sera la dimension future des conflits
et l’aéromobilité l’impératif de toute gestion de crise 4.
La visite du président de la République à l’Ecole franco-allemande est aussi
une façon de souligner cet effort pour l’ALAT. Elle est non seulement dotée
d’un engin de combat remarquable, le Tigre, mais encore il lui est reconnu la
capacité de conduire à bien le premier projet d’école multinationale en Europe.
Nous voici donc encore et toujours devant d’exaltants défis. Nous saurons
les relever. Pour cela, oeuvrons derrière le Chef d’état-major de l’armée de
Terre en une équipe armée de Terre soudée. Apportons-y, nous, soldats de
l’ALAT, conscients de notre devoir envers notre Patrie :
• Notre sens de la responsabilité collective et de la confiance réciproque
que nous développons entre équipages, mécaniciens, contrôleurs, personnel
de sécurité et de soutien ;
• Notre sens de la responsabilité individuelle et de la rigueur professionnelle indispensables au bon fonctionnement de la chaîne opérationnelle qui
aboutit à la mission en vol ;
• Notre dynamisme, notre sens de l’innovation, notre goût de la conquête
d’espaces nouveaux qu’ils soient géographiques, stratégiques, tactiques,
technologiques, aéronautiques.
31
33
35
37
ETRANGER
• Les drones et l’Army aviation américaine 39
BULLETIN DE SÉCURITÉ DES VOLS
• La sécurité des vols
peut-elle être améliorée ?
• Les brèves du médecin
• La SV et le syndrome de la sanction
• Points positifs et tableau d’honneur
44
45
46
48
HISTOIRE
• A la recherche d’un pilote de chasse perdu ! 50
• Carnet d’adresses de l’ALAT
53
REVUE D'INFORMATION DE L'AVIATION
LEGERE DE L’ARMEE DE TERRE
Directeur de publication :
colonel PERTUISEL
Rédacteur en chef :
chef d’escadron GOISNARD
Il y a beaucoup à faire, tant mieux. Abordons l’avenir avec détermination et
confiance et, dans nos actions quotidiennes, travaillons avec efficacité, efficience et en sécurité, garanties de la performance.
Toute entreprise humaine a besoin de cohérence, c’est donc un besoin de
l’ALAT comme de l’armée de Terre, suivez ces principes, travaillez dans la sérénité et elle sera au rendez vous.
Je reconnais l’ampleur de vos efforts et la qualité de vos résultats.
Poursuivons.
Je souhaite à chacun d’entre vous une année professionnelle et familiale
réussie.
Composition : Point d'impression de l'EA ALAT
Base école de Dax - Impression : PIAT.SM
Tirage à 2000 exemplaires
Le général Jean-Claude ALLARD
commandant l’Aviation légère de l’armée de Terre
Publication consultable sur le site
intr@terre du COMALAT à l’adresse :
www.comalat.terre.defense.gouv.fr
Crédits photographiques :
M. MICHELIN - ECPAD - EAALAT - EFA
SIRPA Terre CCH CHATARD
COMALAT Droits réservés
Reproduction même partielle interdite
ISSN : 1261 - 4904
1
2
3
4
- Définition de l’armée de Terre donnée par le CEMAT - 28 septembre 2005.
- Grand rapport de l’armée de Terre - 28 septembre 2005.
- Livraison Tigre, construction infrastructure, développement simulation.
- “ Il faut des couvertures, des vivres, et des hélicoptères “ - Pervez Musharaf - Président du Pakistan.
ACTU ALAT
NOVEMBRE 2005
© D.R.
■ O R G A N I S AT I O N
> De nouveaux chefs aux commandes de l’ALAT
Le général Jean-Claude ALLARD commandant l’Aviation légère de l’armée de Terre.
Le général Patrick TANGUY commandant l’Ecole d’application de l’Aviation légère de l’armée de Terre.
Le général Marc d’ANSELME commandant la 4ème Brigade aéromobile.
> Aménagements au sein de l’état-major du COMALAT
L’organisation du COMALAT a subi quelques aménagements depuis le 1er septembre 2005.
Afin de beaucoup mieux correspondre aux termes de l’IM 777 relative aux attributions du général COMALAT
et de se conformer aux directives SMS (système de management de la sécurité), l’état-major est ainsi
articulé :
- Un bureau “ aéromobilité “ (fusionnant les ex BPMF, BFA et BLOG), chargé de veiller à la cohérence de l’aéromobilité par sa vision globale de la fonction ;
- Un bureau “ activités “, en charge de la programmation de l’activité aérienne et de la régulation
des moyens aériens d’aide au commandement ;
- Un bureau “ circulation aérienne “ (anciennement section 3D du BSV), miroir de la Direction de la
circulation aérienne militaire (DIRCAM) ;
- Un bureau “ sécurité des vols “ responsable de la prévention et du traitement des incidents et
accidents aériens.
> Réorganisation de l’ALAT de combat
Les travaux visant à réorganiser l’ALAT de combat sur trois plates-formes sont toujours en cours.
Destinés à optimiser la ressource disponible, ils prennent en compte l’arrivée des appareils de nouvelle
génération (Tigre et NH 90) et de la simulation associée, ainsi que la dissolution du 6ème RHC
de Compiègne et le transfert en 2007 de ses escadrilles au sein des régiments de Pau (5ème RHC), Etain
(3ème RHC) et Phalsbourg (1er RHC).
> Changement d’appellation
A compter du 1er janvier 2006, le Détachement ALAT de Djibouti prendra l’appellation de Bataillon ALAT
de Djibouti, plus représentative du rôle réel de cette unité au sein des FFDJ.
■ DOCTRINE
> Dimension aéromobile des opérations amphibies
Le document préalable à l’élaboration d’une doctrine portant sur la dimension aéromobile des opérations
amphibies est paru le 7 juillet 2005.
Ce mandat consistait à lancer les travaux de doctrine qui tiennent compte de l’arrivée prochaine des deux
bâtiments de projection et commandement (BPC) et des futures capacités aéromobiles Tigre et NH 90.
L’étude porte sur un volume de 16 à 32 hélicoptères pour des missions d’évacuation de non-combattants,
de raid aéromobile dans la profondeur et d’extraction de personnel.
2
Organisation - Doctrine - Emploi - Circulation aérienne…
> Initiative Aéromobile Européenne (IAE)
Initié par le général de Goësbriand et organisé par la 4ème Brigade aéromobile, le premier colloque de
l’European airmobility initiative s’est tenu à Nancy du 16 au 17 février 2005. Cette réunion, qui a vu la participation des représentants de 10 pays (Allemagne, Belgique, Bulgarie, Espagne, Finlande, GrandeBretagne, Pays-Bas, Suède, Suisse et France), avait pour but d’initier une réflexion commune sur les
nombreux challenges qui attendent les aéromobilités européennes (appareils de nouvelle génération,
standards de formation, émergence des drones, numérisation de l’espace de bataille…).
Devant le succès de cette rencontre, une prochaine réunion pourrait avoir lieu l’année prochaine dans un
des pays participants.
> Notice d’emploi appui feu ALAT des troupes au contact
La notice d’emploi d’un module hélicoptère en appui air-sol d’un élément terrestre a été approuvée
le 22 juillet 2005.
Cette mission est désignée sous le vocable “ appui feu ALAT au contact “ pour éviter toute confusion avec
l’appui feu rapproché effectué par l’armée de l’air.
Articulé sous la forme de fiches de tâches destinées à tous les intervenants, allant du chef de l’élément
appuyé jusqu’au PC de la grande unité en passant par le chef de patrouille et la préparation de mission,
ce document clair et pratique rappelle quelques principes d’emploi simples mais essentiels.
Cette notice vient compléter le corpus doctrinal de l’ALAT qui a vu depuis deux ans un nombre important
de travaux de rédaction et de mise à jour tels que :
- ALAT 101 : manuel d’emploi des formations de l’ALAT (2004) ;
- ALAT 103 : manuel d’emploi des formations de l’ALAT en zone urbaine (2004) ;
- ALAT 402/OPS : manuel d’emploi du DAOS (2005) ;
- Dimension aéromobile des opérations amphibies (2005) ;
- Etude sur l’intégration du Tigre dans la chaîne de contrôle direct ;
- Etude sur la coopération drones-hélicoptères (en cours) ;
- Etude sur la numérisation des PC au sein des GAM (2004).
■ C I R C U L AT I O N A E R I E N N E
> A propos du système de management de la sécurité ATM (SMS 1)
Les prescriptions réglementaires européennes redessinent les missions des autorités aéronautiques des
différents pays communautaires autour de trois fonctions bien distinctes : l’élaboration des règles, la certification et la surveillance des opérateurs et des systèmes, la prestation de services. Dans ce cadre, la
Défense s’est engagée dans un processus de mise en application d’un certain nombre d’exigences de
sécurité (ESARR 2) dans le domaine ATM 3, conjointement avec l’aviation civile. Ces règlements ont été
transcrits pour partie d’entre eux dans le droit national. L’ESARR 3 (arrêté du 28 octobre 2004) impose
l’utilisation de systèmes de management de la sécurité par les prestataires de services de la gestion du
trafic aérien (les objectifs de sécurité au niveau de chaque prestataire et les organisations à mettre en
place pour y parvenir). Les principes sont similaires à ceux des démarches de qualité : respect des objectifs, engagement des personnels et du commandement, le retour d’expérience, les mesures préventives
et correctives, le contrôle interne, la maîtrise documentaire et la traçabilité. Le COMALAT, prestataire
de services pour l’armée de Terre, mène actuellement des audits internes prenant en compte ces exigences et visant à la certification pour le 1er janvier 2007 des organismes de la circulation placés sous
son autorité.
1 - SMS : Safety management system
2 - ESARR : Eurocontrol safety regulation regulatory
3 - ATM : Air traffic management
3
Actualités
■ F O R M AT I O N
> Centre de formation interarmées NH 90
ACTU ALAT
NOVEMBRE 2005
Conduits par la Commission d’instruction NH 90 (COMINS) et par l’équipe de
programme, les travaux portant sur la formation des équipages NH 90 ont
amené les états-majors de l’armée de Terre et de la Marine nationale à proposer la mise sur pied d’un centre de formation interarmées. Destiné à former les
pilotes et les mécaniciens de ce nouveau système, ce centre sera installé sur
la base du Luc en Provence et disposera d’une antenne sur le site de la BAN
de Hyères, plus particulièrement destinée à la navalisation des équipages des
deux armées.
Dès cette année, une structure conjointe est mise sur pied de façon à préparer l’arrivée des premiers NFH (Nato Frigate Helicopter) attendus au sein de la
Marine à partir de 2007.
> Les dernières décisions du Conseil du personnel
© D.R.
Actualités
ALAT
4
navigant de l’aviation civile (CPN)
Lors de la session du 29 septembre 2005, le CPN a émis un avis favorable sur
deux modifications d’arrêtés :
- Prise en compte du brevet de pilote avion de l’ALAT dans l’arrêté du 14
septembre 2001 qui fixe les conditions de maintien de la validité des titres
civils et de la reconnaissance de l’expérience aéronautique acquise dans
les armées ;
- Elargissement du champ d’application de l’arrêté du 12 septembre 1997
aux pilotes de l’armée de Terre. Cet arrêté fixe les modalités de dispense de
l’épreuve théorique de l’examen pour l’obtention des qualifications vol aux
instruments avion et hélicoptère aux pilotes ayant suivi un stage de formation militaire.
Ces deux avis du CPN marquent la reconnaissance de la qualité des qualifications détenues par les pilotes avion et hélicoptère de l’armée de Terre. Elle
est le résultat d’une politique volontariste de l’armée de Terre qui a obtenu en
2003 un siège au sein de la représentation Défense au CPN.
> Inauguration du Centre de simulation de l’EA ALAT Dax
Le pôle de simulation de l’EA ALAT base général Navelet a été inauguré,
le jeudi 20 octobre 2005 par le général Patrick Tanguy commandant l’Ecole
d’application de l’aviation légère de l’armée de Terre, sous la présidence du
général Jean-Claude Allard commandant l’ALAT.
Cette cérémonie s’est déroulée en présence de monsieur l’ingénieur général
de l’armement Genoux de la DGA, de monsieur Jacques Prud’homme,
directeur des programmes air de Thales services Training & Simulation, d’ autorités militaires des trois armées et de la Gendarmerie nationale, et d’autorités
civiles.
Organisation - Doctrine
Formation
- Emploi
- Equipements
- Circulation- aérienne…
Agenda…
■ EQUIPEMENTS
> Montée en puissance Tigre
En dépit des retards de livraison du Tigre, la montée en puissance de ce système d’armes suit son cours : l’EFA a démarré la formation du deuxième cercle
d’instructeurs tandis que les six premiers moniteurs ont réalisé en moyenne
plus d’une centaine d’heures de vol chacun.
L’arrivée du troisième appareil mi-octobre et celle attendue du quatrième avant
la fin de l’année, permettra de débuter la formation des premiers pilotes du
5ème RHC dès janvier prochain. Avec l’expérimentation tactique du module à 2
et 4 Tigre à compter de 2007, l’armée de Terre verra la mise en service opérationnelle du Tigre en 2008.
> Evaluation technico-opérationnelle NH 90
Une évaluation opérationnelle du NH 90 s’est déroulée au Groupement aéromobilité de la STAT à Valence la deuxième quinzaine du mois de septembre.
Elle a permis à l’équipe de marque NH 90 de mettre en œuvre le prototype n°4
au cours de scénarios représentatifs d’une mission opérationnelle complexe de
nuit. Grâce à ses commandes de vol électriques, son pilote automatique 4
axes, son FLIR de pilotage couplé au casque du pilote et son système de mission, le NH 90 permettra à l’ALAT d’accroître ses capacités opérationnelles en
environnement hostile à l’horizon 2011.
> EVTO EC 725
Le 17 février 2004, le chef d’état major de l’armée de Terre a décidé de créer
une équipe de marque pour la conduite du programme “ hélicoptères pour unités spécialisées ” (HUS). C’est tout naturellement au sein du Groupement
aéromobilité de la Section technique de l’armée de Terre (STAT) que cette
équipe s’est constituée dès l’été 2004. Le premier EC 725 HUS de série a été
livré à l’armée de Terre au début du mois d’avril 2005. Il a rejoint la base de
Valence où son évaluation technico-opérationnelle (EVTO) a débuté.
Doté d’équipements de mission extrêmement modernes, l’aéronef se révèle
déjà comme un hélicoptère performant et bien adapté au besoin opérationnel
des forces spéciales.
■ AGENDA
Actualités
ALAT
24-25 janvier 2006 : concile ALAT
09 juin 2006 : messe de l’ALAT
5
Evénement
Le président de la République
visite l’ALAT à l’EFA
SIRPA TERRE - CCH CHATARD
Le 19 avril 2005, l’Ecole franco-allemande Tigre a été présentée à Monsieur Jacques
Chirac, président de la République et chef des armées, accompagné de Madame AlliotMarie, ministre de la Défense français et de Monsieur Wagner, secrétaire d’état à la
Défense allemand. A cette occasion, l’école a pu montrer la place originale qu’elle
occupe dans le domaine de la construction de l’Europe de la défense et faire valoir
son expertise pour ce qui concerne la formation des équipages Tigre.
La mission de l’EFA
La vie
des
unités
6
Compte-tenu du haut niveau de technicité du Tigre, de la complexité de ses
systèmes d’armes et du coût élevé de l’heure de vol, la France et l’Allemagne
ont décidé de relever ensemble le défi de la formation. C’est dans cette optique
que l’Ecole franco-allemande de formation des équipages Tigre a été créée le
1er juillet 2003.
Commandée alternativement par un chef de corps français et allemand et
structurée autour d’une division formation et d’une division soutien, l’école a
mis au point un concept d’instruction novateur et unique en son genre qui s’appuie sur l’utilisation intensive de moyens de simulation performants et complémentaires. Complété par des cours magistraux et des séances effectuées en vol,
l’enseignement dispensé fournira aux forces, dans d’excellentes conditions, les
équipages dont elles ont besoin.
Dotée de ses premiers Tigre depuis la fin mars 2005, l’école devrait atteindre
son régime de croisière en 2008. Toutefois, sans attendre cette échéance, elle
suscite l’intérêt des membres du club des utilisateurs Tigre, l’Australie et
l’Espagne.
Evénement
Le Falcon 50 présidentiel se pose à 10h30 précises sur la piste de la base ALAT
du Cannet des Maures. Le président de la République, accompagné de Madame
Alliot-Marie, ministre de la Défense, est accueilli par le général d’armée Thorette, chef
d’état-major de l’armée de Terre, le général Bolz, COMALAT allemand et le général de
Lassus, commandant l’EA ALAT.
Après un court déplacement en véhicule, le chef de corps de l’école, le colonel
Alain Salendre, accueille le chef des armées sur la toute nouvelle place d’armes afin
que les honneurs lui soient rendus. Le détachement est ainsi composé de deux pelotons français en armes et de deux pelotons allemands, l’ensemble étant aux ordres de
l’oberstleutnant (lcl) Specht, commandant en second de l’école.
Après avoir solennellement salué les deux étendards au son des deux hymnes
nationaux, le Président se dirige vers l’amphithéâtre où, après un entretien particulier
avec le chef de corps, le hauptmann (cne) Von Fabeck présente les missions et l’organisation de l’école, ainsi qu’un bilan de la montée en puissance de la formation des
équipages Tigre.
La visite du Président est organisée autour des deux activités
majeures qui vont rythmer le quotidien des équipages en formation
Tigre : les séances de simulation et
les vols.
L’équipe chargée de l’expérimentation et de la mise en œuvre des
simulateurs, aux ordres du capitaine
Reynaud et du lieutenant Malphettes,
présente ainsi au président de la
République une séance d’instruction
au Full mission simulator (FMS), à
partir d’un scénario tactique simple
d’évacuation de ressortissants.
Monsieur Chirac peut ainsi se
rendre compte de la visualisation très réaliste et des vastes capacités pédagogiques qui
sont offertes par les simulateurs de dernière génération en se rendant dans le cockpit et en assistant au “ debriefing “ de l’équipage.
L’ensemble de l’école attend ensuite la délégation présidentielle sur les parkings où
sont disposés deux Tigre HAP français et un Tigre KHS allemand. Une présentation
dynamique mettant en exergue les qualités d’agilité et de furtivité du Tigre est alors
réalisée par le capitaine Chevalier, un des primo-formateurs de l’EFA totalisant une
soixantaine d’heures de vol sur l’appareil et le chef de bataillon Lemanski, pilote d’essai au GAMSTAT. Le Président peut immédiatement après cette démonstration en vol
recueillir les impressions des instructeurs en se faisant présenter les appareils par le
lieutenant-colonel Fanchini et le hauptmann (cne) Strahlenbach.
Le discours du chef de l’Etat clôture la présentation de l’école. Il est suivi par la
signature du livre d’or.
Particulièrement impressionné par la dimension humaine du projet EFA, le
président de la République tient ensuite à rencontrer le personnel de l’école et de la
base général Lejay. Il a également l’occasion de saluer et de s’entretenir avec la délégation australienne en formation à l’EFA, ce qui renforce encore le caractère multinational de l’école.
SIRPA TERRE - CCH CHATARD
La vie
des
unités
7
Evénement
Extraits de l’allocution du Président
“ ...Les présentations qui m’ont été faites ce matin témoignent de l’originalité de la structure et du fonctionnement de cette école franco-allemande. En tant que chef des armées, j’ai
apprécié la volonté d’excellence qui caractérise le processus de formation, et en particulier le
recours aux techniques de simulation les plus élaborées et les plus modernes... “
“ ...Outil de premier ordre, le Tigre est aussi une illustration de ce que les Européens peuvent accomplir ensemble lorsqu’ils savent joindre leurs efforts, pour atteindre à la perfection
mondiale.... “
« …je constate la symbiose entre militaires allemands et militaires français pour la formation des pilotes de Tigre... »
« ...L’hélicoptère Tigre, développé par l’Allemagne, l’Espagne et la France, est un bon
exemple de ce que nous pouvons et de ce que nous devons faire. Un exemple d’excellence
mondiale... »
SIRPA TERRE - CCH CHATARD
Message de remerciements à l’Ecole franco-allemande Tigre
Mon colonel,
La vie
des
unités
Je tiens à vous féliciter pour la réussite parfaite de la visite que je viens d’effectuer à l’Ecole franco-allemande de pilotage de l’hélicoptère Tigre.
Au-delà de la qualité technique de la formation qui y est dispensée et qui fait
appel aux technologies les plus avancées, j’ai été frappé par la parfaite harmonie qui existe entre les militaires allemands et français engagés dans un projet
commun.
Votre école est l’exemple même de ce qu’il faudra développer dans le cadre
de l’Europe de la défense.
Je vous en félicite et vous prie de transmettre à tous vos cadres et stagiaires
mon estime et ma reconnaissance.
Je vous prie de croire, mon Colonel, à l’expression de mes sentiments les
meilleurs.
Bien cordialement,
Jacques Chirac
Au-delà de l’honneur ressenti par l’EFA de l’intérêt porté par le chef de l’Etat à ses
activités, cette visite a été l’occasion de démontrer la pleine intégration de l’ALAT
dans l’armée de Terre, de l’importance du Tigre pour la France et de prouver l’efficacité de la coopération franco-allemande en matière de défense européenne comme en
témoigne le message du président de la République à l’Ecole franco-allemande Tigre.
chef de bataillon Emmanuel WOLFF
EFA - division Formation
8
BAM OPEX
6ème Régiment d’hélicoptères de combat
Mission de destruction
Sélection du missile extérieur droit, déverrouillage du bouton de tir, tir autorisé, mise à feu ; bitube ZU 23/2 détruit.
8 novembre 2004, la crise dure à Abidjan, sous un ciel bleu, une température caniculaire et 95% d’humidité. Les HM rythment les heures de leurs incessants “ va-etvient ”. L’ équipage d’alerte HA (capitaine Lantelme - maréchal des logis-chef Révolu)
est prêt à..., sans trop y croire... (mission annulée à la dernière minute à Man, plus
d’objectif aérien à détruire et très peu de matériel terrestre...).
Les Gazelle sont desserrées un peu partout dans le BIMa, la nôtre repose telle une
émeraude sur son écrin de tapis anti-sable déchiré. Casques, gilets et blindages au
frais dans un “ Corimec ”; cartes, pilotbook et autres gri-gri de pilotes au chaud sous
la bulle ; un faisceau de missiles HOT à portée de rampes ; tout est paré pour le branle-bas, dans l’attente...
Midi, l’heure de savourer, en plein engagement, le luxe du
BIMa : le mess à la Française (d’ailleurs, le pilote en profite
déjà), le pilote chef de bord (PCB) s’apprête à sortir du BATALAT quand l’ordre tombe comme un couperet : “situation : le
Puma Pirate essuie des tirs en zone lagunaire ; mission : détruire la
pièce ASA1 !”.
Passé l’effet de surprise, tout se déroule alors très vite,
comme happé par un train en marche.
Tentant de respecter les limitations de vitesse en vigueur
sur le camp, la P42 file vers le mess emmenant le PCB qui pianote sur son téléphone portable. Pas la peine, on y est ! Le
© D.R.
pilote, installé avec vue sur le parking, comprend instantanément l’affaire à la sortie éclair du PCB de son véhicule.
Puma “ pirate “ équipé d’un canon de 20 mm en sabord
L’effervescence avant la mission
2 minutes plus tard en zone aéro, l’équipage s’active bon train : finalisation de la
Gazelle OK, deux missiles sur rampe OK, casques, plaques de blindage OK, briefing
équipage OK.
La Gazelle est à l’embrayage. Le colonel Bohineust, chef de corps, arrive sur zone
et confirme d’un geste la mission, éliminant de ce fait la sournoise incertitude qui
aurait pu nous gagner.
En avant, sabre au clair et en première butée vers la zone lagunaire.
Tout d’abord, contacter le “ Pirate “ du capitaine Fugit sur la fréquence définie : RAS,
la liaison est excellente dès le décollage. Il nous guidera du BIMa vers une position au
sud de l’objectif.
Ce dernier est maintenant bien localisé, il s’agirait d’un bitube de 14,5 monté sur
plate-forme campant à l’intérieur d’une enceinte protégée, au milieu d’un parc arboré
mais bien dégagé.
Le “ Pirate “ nous a en visuel ; c’est parti pour le guidage sur position. Le pilote s’y
colle pendant que le PCB effectue toutes les vérifications de son système d’arme
1 - ASA : Artillerie sol-air
2 - P4 :Véhicule léger
La vie
des
unités
9
BAM OPEX
6ème Régiment d’hélicoptères de combat
(le délai est court, moins de 5 minutes pour se mettre en place mais l’erreur de mise
en œuvre est impossible ; stress positif, automatismes, concentration : tout se déroule sereinement).
Nous voici sur position, à un peu plus de 3000 m de l’objectif, à une hauteur sol nous
affranchissant d’éventuels tirs ALI3 ; l’objectif est visible sur la côte lagunaire plein nord.
C’est le moment de passer en voie thermie avec la tête de visée VIVIANE. Le PCB
lève le doute sur l’objectif avec l’aide du Puma Pirate, malheureusement, l’imagerie thermique subit l’humidité ambiante et ne permet pas une identification réelle de l’objectif. Une chose est sûre : il n’y a plus de personnel autour ou sur la pièce ASA. Sans hésiter, passage en voie directe optique : c’est meilleur, mais le grossissement est faible.
Cependant, il s’agit bien d’un matériel militaire d’où semble pointer deux canons.
Absence de servants, urgence de la mission, il faut se rapprocher : petit à petit le
pilote rapproche la machine, le PCB rivé dans le bras porte oculaire. A 2500 m, c’est
enfin clair ! Il s’agit d’un bitube ZU 23/2 monté sur affût et protégé de quelques sacs
de terre.
Compte-rendu vers le haut pour annoncer l’identification de la cible et la possibilité de détruire immédiatement.
© D.R.
Mise en ambiance garantie
La vie
des
unités
Quelques secondes plus tard, le “ vert ” d’autorisation de tir est donné.
Etrange sensation de recevoir un ordre de destruction réel, mélange de joie, de
tristesse et de peur de cet inconnu qu’est pour nous une véritable action de combat.
Alors c’est parti : sélection du missile extérieur droit, déverrouillage du bouton de
tir, tir autorisé, mise à feu !
Détonation, odeur de poudre, l’œil écarquillé dans le viseur, le PCB guide son HOT
vers l’objectif. Il est plutôt petit, mais fixe et à 2500 m. 11 secondes plus tard, le ZU
23/2 éclate dans une grosse boule de feu…
Mission accomplie ; nous sourions malgré nous dans la machine. Compte-rendu au
PC et esquive vers le BIMa, négatif ! Une autre mission nous attend avec le potentiel
restant : surveillance lagunaire.
Quelques jours plus tard, nous verrons une photo du bilan dans un journal local :
les deux morceaux du bitube distants d’une dizaine de mètres et un trou oblique
d’environ 15 cm dans le sol dû à la poursuite du dard en fusion à l’intérieur du sol
après avoir traversé le ZU 23/2 de part en part.
capitaine LANTELME,
6ème RHC - chef de patrouille
à l’Escadrille d’hélicoptères de reconnaissance
10
3 - ALI : Arme légère individuelle
BAM OPEX
6ème Régiment d’hélicoptères de combat
Le trafic de l’aéroport international
d’Abidjan aux mains des contrôleurs
du BATALAT Licorne
Dimanche 07 novembre 2004, il est 12h30. Le capitaine Verdet arrive un peu
essoufflé : “ Tu pars à l’aéroport (Félix Houphouët Boigny) à 12h45 avec un convoi du
DetAIR ! “. Petite montée d’adrénaline et c’est parti pour cinq jours à cent à l’heure.
Découverte des lieux
13h10, nous arrivons enfin sur l’aéroport. Le commandant de bord de l’avion Casa
de l’armée de l’Air qui nous accompagne doit impérativement décoller avant 14h00.
La piste est couverte d’objets divers et variés. Cela va des déchets de tirs de la prise
de l’aéroport à la paire de tongues laissée par un
ivoirien un peu pressé… Pendant que le déblayage de la piste est fait par l’adjudant-chef Allard,
nous montons à la tour avec le maréchal des
logis-chef Combaud. Arrivé là-haut, pas le temps
de tergiverser : le commandant d’une compagnie
du REP y a établi son PC.
Après les présentations, début des investigations pour déterminer le matériel qui demeure
opérationnel. Ils ne nous ont pas laissé grandchose, hormis la radio et la console de balisage
qui semblent opérationnelles. Le reste a été
coupé (moyens radionavigation et de météo).
13h50, la piste est nettoyée sur un tiers de sa
longueur ; cela suffit pour que le Casa puisse
décoller. Pendant que la piste continue d’être inspectée, les premiers contacts radio
avec des hélicoptères civils et militaires en mission RESEVAC1 sont établis. Le téléphone portable ne cesse de sonner. A l’autre bout du fil, le PCIAT2 demande l’état de
la piste, l’état des moyens de la plate-forme, … Les questions n’arrêtent pas.
Dans le même temps, il faut gérer le départ d’un Boeing 737 de Kenian Airline qui
est bloqué depuis 24 heures avec 157 passagers. Les premiers Airbus de l’Esterel sont
annoncés pour 16h00. Les investigations continuent pour remettre en marche les
moyens de radionavigation.
Effervescence
Après le poser du COTAM 1045, l’Airbus avec les premiers renforts, le trafic sur
l’aéroport ne cesse d’augmenter. La nuit dans la tour de contrôle sera courte, le balai
des hélicoptères ne s’est arrêté que quelques heures. Les premiers blessés ont été
évacués vers la France très tard dans la nuit. Le lendemain matin, après l’inspection de
piste, le manège reprend. Les avions d’Air Inter Ivoire commencent les premières
1 - RESEVAC : Evacuation de ressortissants
2 - PCIAT : Poste de commandement interarmes Terre
© D.R.
© D.R.
La vie
des
unités
11
6ème Régiment d’hélicoptères de combat
BAM OPEX
© D.R.
© D.R.
évacuations de ressortissants vers le Ghana. La soirée restera bien
animée grâce aux avions de transport tactique (ATT3) de l’armée de
l’Air qui amènent des renforts et du fret et, aux trois Falcon dédiés
aux évacuations sanitaires. Nous essayons tant bien que mal de nous
reposer. Nous pensons aussi à nous ravitailler. Les horaires de repas
sont complètement décalés. Nous mangeons quand nous avons le
temps.
Le 10 novembre, les premiers avions affrétés par le ministère des
Affaires étrangères se posent et repartent avec les “ expat “ comme
on les appelle. Les séquences de contrôle sont très denses. Le trafic
est important (du sol au FL 380 4), les moyens de radionavigation
sont quasiment inexistants (seul le DME 5 est opérationnel). Nous
sommes trois simultanément en poste : un au micro, un qui remplit
les STRIP 6 et le troisième qui répond au téléphone. Nous n’avons
même plus le temps de nous parler. Heureusement dans l’aprèsmidi, l’adjudant Pineau de l’armée de l’Air arrive en renfort. Ouf !
c’est le bol d’air qu’il nous fallait.Toute la soirée le bal des aéronefs
a continué.
Une fois encore, la nuit a été courte. Le lendemain matin, les
contrôleurs ivoiriens montent à la tour, prennent le poste vingt
minutes avant de partir en réunion syndicale. Juste le temps pour
nous laisser une situation conflictuelle entre un Airbus Allemand et
un Boeing 777 d’Air France. Vers 11h30, ils remontent à la tour de
contrôle et prennent officiellement les commandes.
Mission terminée
Pour moi, la mission se termine là. Je rassemble mes affaires et je
repars vers le BIMa en laissant mes deux sous-officiers en détachement de liaison. Vers 12h30, je suis au mess, la pression redescend petit à petit. Les
premiers bâillements arrivent. Trois jours seront nécessaires pour récupérer de
cette aventure pendant laquelle nous avons contrôlé 184 mouvements aériens
officiellement répertoriés, hors hélicoptères Licorne, répartis en 48 appareils de
l’armée de l’Air (ATT, Airbus Esterel et Falcon), 93 aéronefs civils (B190, ATR42, B777,
A330, B737) et 43 de l’ONUCI.
© D.R.
La vie
des
unités
12
lieutenant BELAYGUE
6ème RHC - Mandat 7 - officier 3D BATALAT
3
4
5
6
- ATT : Avion de transport terrestre
- FL 380 : niveau de vol 38 000 pieds soit près de 13 000 mètres
- DME : système donnant une distance oblique entre l’aéronef et le sol
- STRIP : bande de suivi du vol
BAM OPEX
1er Régiment d’hélicoptères de combat
De la liberté d’action
d’un chef de patrouille
© D.R.
Cinq heures du matin, sur l’ancien terrain de foot d’un village de la région des dixhuit collines, dans l’ouest de la Côte-d’Ivoire, les feux sont sur “ fixe “, et dans vingt
secondes, plus personne ne dormira… Il y a là pourtant tout le PC du GTIA 2 1, réparti autour de la DZ 2 où la patrouille a sagement bivouaqué en attendant sa mission de
reconnaissance, préambule matinal à la manœuvre des troupes du 3ème RIMa en zone
de confiance.
Cela fait déjà deux mois que nous sommes arrivés à Abidjan dans le cadre de l’opération Licorne, avant de débarquer sur le parking hélicoptère de l’emprise française du
CNPS de Man où le détachement ALAT a élu domicile. Deux mois que les journées
filent au rythme des vols et des semaines d’alerte montées en alternance avec d’autres
détachements. L’accueil a été parfait ; le contact avec les marsouins s’est très bien
passé, comme avec nos “ anges gardiens “ du 3ème Régiment de hussards. On s’est bien
habitué, même au climat qui est assez clément dans cette région de moyenne montagne. Le paysage n’est pas sans rappeler les photos des calcaires vietnamiens, où la
végétation grimpe à l’assaut de roches blanches et accidentées, comme celles qui
m’avaient fait rêver, jadis, entre les pages d’Erwan Bergot ou du commandant Denoix
de Saint-Marc. Comme celles aussi que j’avais affichées dans ma chambre du lycée militaire pour me donner du cœur à l’ouvrage ! On a rougi depuis, grâce au soleil et à la
latérite omniprésente qui trace des saignées de village en village. Les trajets réguliers
en P4 pour me rendre à l’aéroport de Man au poser du Transall, ou de temps en temps,
au briefing quotidien au PC du GTIA, nous font prendre la couleur du pays.
La vie
des
unités
Mais pour l’heure, la mise en route est terminée et la patrouille de deux Gazelle
s’extrait bruyamment de la clairière où les malheureux fantassins viennent d’achever
leur sommeil un peu violemment. Il fait frais en cette période où domine l’harmattan,
1 - GTIA : Groupement tactique interarmes
2 - DZ : Zone d’atterrissage
13
BAM OPEX
1er Régiment d’hélicoptères de combat
vent sec chargé de sable du Sahara. La nuit est très sombre, même sous jumelles de
vision nocturne, et les GPS sont bien utiles pour identifier avec certitude les petites
agglomérations que l’on croise de minute en minute. A 300 mètres/sol, de nuit, le long
de la large plaine du Bandama, il est bien difficile de naviguer à la courbe de niveau.
Tout est très calme, toute la jungle dort, il n’y a pas un seul mouvement de véhicule
ou de piéton, pas une maison éclairée, rien. C’est grisant de voir les premières lueurs
de l’aube dans cette ambiance, de se dire égoïstement que l’on est probablement le
seul à en profiter ! C’est à ce moment que l’on se dit que l’on fait le plus beau métier
du monde, assurément.
Après ces deux premiers mois de séjour dans l’ouest du pays, je vais redescendre
en transit au BATALAT à Abidjan avant de remonter pour la fin de notre mandat à
Bouaké. Je ne suis pas sûr de vouloir quitter mon détachement où tout se passe à merveille, et où les missions semblent être les plus intéressantes. On goûte là à la vraie
liberté d’action, on profite d’une vraie autonomie. Au moins aurai-je la chance de
découvrir la quasi-intégralité du territoire ivoirien au long de mes pérégrinations. La
lagune aussi semble offrir de jolis spectacles, à défaut de proposer une zone de
manœuvre aussi riche en possibilités de travail interarmes ou en appui des forces bangladeshi de l’ONU que celle du GTIA 2.
A présent le jour est levé, et nous n’avons pas trouvé ceux que
nous cherchions : il semblerait qu’eux ne soient pas aussi matinaux
que ma patrouille, et c’est tant mieux pour les villageois que l’on
voit s’agiter maintenant au passage de nos hélicoptères, la plupart
pour nous saluer, d’autres malheureusement pour fuir en direction
de la forêt. Certains ont déjà eu à subir la puissance des hélicoptères MI-24 et la confusion est parfois grande. Les pauvres doivent régulièrement s’acquitter de “ frais de péage “ conséquents,
et certains placent les troupes de la force Licorne sur le même
rang que celles qu’elles côtoient au quotidien. Quel dommage… Le
© D.R.
jaugeur nous rappelle maintenant qu’il va être temps de rentrer
ravitailler et rendre compte à notre chef de détachement. Nous prenons congé des
TROSOL3, mettons le cap sur notre DZ de circonstance et remisons nos JVN 4. Après
la mise en route de la motopompe et le ravitaillement sur le bac souple déposé hier
par le Puma, nous pourrons reprendre le chemin de Man pour prendre notre tour
d’alerte comme force de réaction rapide, pendant que le capitaine se fait raccompagner par un élément de reconnaissance en VBL5. Il nous restera à préparer sereinement les cours du stage orienteur marqueur baliseur (OMB) que nous allons dispenser pendant une semaine aux chefs de section avec qui nous travaillons régulièrement.
La vie
des
unités
Déjà deux mois ! Pourvu que les deux autres soient aussi rapides ! Mais la bascule a
eu lieu et c’est maintenant à notre tour d’accueillir les soldats de la Brigade alpine qui
commencent à arriver. Pas de temps morts pour mon premier séjour en Afrique avec
le “ Primus Primorum “ !
capitaine PIALARD
1er RHC - EHAP
14
3 - TROSOL :Troupes au sol
4 - JVN : Jumelles de vision nocturne
5 - VBL :Véhicule blindé léger
BAM OPEX
3ème Régiment d’hélicoptères de combat
Des Puma de l’armée de Terre
dans le ciel d’Indonésie
L’année 2005 a démarré sur les chapeaux de roues pour l’Aviation légère de l’armée de Terre qui célébrait quelques mois auparavant son cinquantième anniversaire.
Du 11 janvier au 24 février 2005, le 3ème Régiment d’hélicoptères de combat (en alerte
depuis le 5 janvier) renforcé de personnel en provenance notamment de l’état-major
de la 4ème Brigade aéromobile, participait en effet à la vaste opération humanitaire
déclenchée au lendemain du tremblement de terre et du raz-de-marée survenus en
Asie du Sud-Est. Sa mission : participer aux opérations de distribution de l’aide humanitaire et aux opérations d’action sanitaire, en conformité avec les orientations de
l’ONU et les directives des autorités indonésiennes.
Depuis l’annonce de son engagement jusqu’à son arrivée sur
le territoire indonésien, la 4ème Brigade aéromobile, présente sur
l’ensemble du globe tout au long de l’année, n’a pas failli à sa réputation : réactive, polyvalente et souple d’emploi.
Sollicitée pour intervenir au profit des populations sinistrées,
des organisations internationales et des organisations non gouvernementales, la BAM a mobilisé, dans un très court délai, deux
cents hommes et cinq hélicoptères Puma pour constituer sur le
terrain, renforcés par deux Puma des Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDJ), un BATALAT : Bataillon de l’Aviation légère de l’armée de Terre.
Projeté par voie aérienne (un Airbus militaire pour le personnel, quatre Antonov et
deux Ilyouchine pour le matériel dont les hélicoptères), le BATALAT a été opérationnel dès le 13 janvier en intervenant notamment dans la région de Meulaboh (côte
ouest), là où le tsunami a le plus généré de victimes et de dégâts. La tâche ne fut pas
aisée en raison des distances à parcourir, les premiers acheminements de fret étant
effectués à partir de l’aéroport de Medan (Nord-Est de Sumatra) où le camp français
fut installé provisoirement et sommairement pendant plus d’une semaine, à sept cents
kilomètres de la zone d’action. Ce n’est qu’à partir du 21 janvier que le BATALAT
rejoignit Sabang pour y implanter, dans un souci de commodité opérationnelle, sa base
définitive.
Située sur l’île de Weh, à 20 kilomètres au nord de Sumatra et à quelques nautiques
des zones à secourir, Sabang a, sans conteste, offert aux équipages de l’Aviation légère de l’armée de Terre une position particulièrement favorable. Mais quelle que soit la
position géographique occupée par le BATALAT, ses hélicoptères ont su parfaitement
s’affranchir des difficultés du terrain et leur souplesse d’emploi a été d’un grand
secours dans une région où toutes les infrastructures routières et portuaires étaient
dévastées.
Au rythme des rotations programmées plusieurs fois par jour dans des conditions
climatiques extrêmes (chaleur et humidité), les équipages français, comme leurs homologues étrangers, ont acheminé vivres et eau potable dans des villages totalement
isolés depuis le 26 décembre. Ils ont facilité l’arrivée, dans ces mêmes villages, de
médecins pour prodiguer les premiers soins et mettre en place une vaste campagne
© D.R.
La vie
des
unités
15
BAM OPEX
3ème Régiment d’hélicoptères de combat
de vaccination contre la rougeole. De plus, ils ont réalisé des évacuations sanitaires au
profit de la population locale, des ONG et des militaires et transporté des personnels
appartenant aux différentes organisations humanitaires. Autant de savoir-faire qui ont
été remarqués par la multitude de journalistes présents sur le terrain dans les toutes
premières semaines suivant la catastrophe. Ces derniers ont d’ailleurs trouvé avantage à la souplesse d’utilisation des hélicoptères français !
Les missions de soutien humanitaire et sanitaire, exécutées toujours conformément aux priorités fixées par les représentants de l’ONU et les autorités indonésiennes, tout comme les actions menées au profit des forces et des médias ont constitué, pendant deux mois, l’essentiel de l’activité quotidienne du BATALAT. Les équipages
ont ainsi mis au service des populations des capacités techniques et des savoir-faire
spécifiques aptes à entretenir un flux quotidien de ravitaillement.
Si de prime abord, les missions imparties à l’ALAT paraissent très simples, la complexité du contexte a exigé une gestion habile des vols. Effectués uniquement de jour - aucune
opération de nuit n’ayant été autorisée sauf exception et
accord des autorités locales – ils ont été programmés en
étroite collaboration avec les autres forces armées stationnées sur la zone, démontrant que l’Aviation légère de l’armée
de Terre savait parfaitement s’intégrer dans un dispositif interallié complexe compte tenu de la multiplicité des intervenants.
Le BATALAT a notamment travaillé en étroite collaboration
avec l’armée suisse dont il a soutenu quelques éléments à
Sabang. Néanmoins, bien que le caractère international de
l’opération ait prévalu dans la majorité des missions dévolues
© D.R.
aux Puma de la BAM et des FFDJ pendant toute la durée du
mandat, le BATALAT a aussi œuvré dans un cadre interarmes et interarmées auquel il
est parfaitement habitué et pour lequel il est entraîné. Il a ainsi permis la mise en place
puis la relève, sur le terrain, des différents acteurs militaires français engagés (détachement génie de la Légion étrangère, marins du porte-hélicoptères Jeanne d’Arc et
du BRC1 La Marne, pompiers de la sécurité civile, groupement interarmées des actions
civilo-militaires) et travaillé conjointement avec l’armée de l’Air dont les deux Transall
C160 étaient stationnés à Medan.
La vie
des
unités
Les hélicoptères Puma en provenance du 3ème Régiment d’hélicoptères de combat
d’Etain et du détachement de l’Aviation légère de l’armée de Terre stationné à
Djibouti, ont effectué plus de cinq cents heures de vol dédiées à l’acheminement de
l’assistance humanitaire en Indonésie entre le 13 janvier et le 19 février, date de fin des
vols opérationnels. Plus de quatre-vingt dix tonnes de fret ont été transportées par
le 3ème RHC au profit du soutien humanitaire et de la force. Sept cents personnes
appartenant aux forces françaises et à une quarantaine d’organisations non gouvernementales ont été héliportées par le régiment meusien pour faciliter le retour à la vie
normale des populations sinistrées.
lieutenant Laetitia MARIE
officier communication du BATALAT
Opération BERYX
16
1 - BRC : Bâtiment de commandement ALINDIEN
BAM OPEX
3ème Régiment d’hélicoptères de combat
Opération BERYX
Témoignage d’un pilote commandant de bord Puma du 3ème RHC
engagé au sein du BATALAT en Indonésie.
© D.R.
Une mission humanitaire parmi d’autres…
Il est 8 heures du matin sur l’île de Sabang ; les deux turbines du Puma tournent à
plein régime. Après le “ vert méca ” donné par le mécanicien navigant, l’hélicoptère
décolle en direction de l’aéroport de Banda Aceh, qui est à peine à 15 minutes de vol.
L’endroit est la plaque tournante de tout le fret humanitaire provenant du monde
entier. C’est une véritable ruche, de laquelle partent des hélicoptères de toutes les
nations, avec, dans leurs soutes ce que les avions ont déchargé : vivres, vêtements,
matériel médical, etc.
Aujourd’hui, nous devons charger en soute de la nourriture à destination de
Teunom pour Action contre la faim (ACF) et transporter six personnes. Encore des
journalistes ? Peut être…
Le mécanicien navigant fait rapidement ses calculs et, par habitude, nous transformons le poids que pèsent ces gens en autant de fret humanitaire que nous pourrions
emporter.
Un militaire indonésien me désigne les personnes à embarquer. Je me retrouve
alors devant une vieille dame, avec pour seul bagage son sac à main qu’elle protège de
la pluie comme elle peut. A ses côtés, un homme portant une valise, peut-être son
mari. Son regard croise le mien. Aucun sourire ne vient : la tristesse que l’on peut lire
dans son regard est si profonde… Ces personnes sont les uniques survivants d’une
famille nombreuse que l’on doit ramener près de Calang, un des sites côtiers les plus
dévastés de l’île : sur une population de 20 000 habitants, seulement 800 ont survécu.
Sans un mot, les six membres de la famille s’installent à bord, aidés par notre chef
La vie
des
unités
17
BAM OPEX
3ème Régiment d’hélicoptères de combat
de soute. Dehors, la pluie continue de tomber. Le pilote termine de remplir les formes,
le “ mec nav ” s’assure une dernière fois du bon ordre de la soute. Un hélicoptère russe
des Nations unies décolle juste à côté de nous, faisant bouger la cellule du Puma et,
dans le regard de la vieille dame, je peux y lire toute son inquiétude. J’esquisse un sourire qui la rassure peut être un peu…
Nous sommes prêts à décoller. Partout se trouvent des hélicoptères aux rotors
tournants, la radio du contrôleur australien est saturée par les demandes de décollage, d’atterrissage.Au bout de quelques minutes, notre Puma est sur sa route, longeant
les côtes dévastées par le tsunami, en direction de notre première étape, Calang.
Au bout de vingt-cinq minutes de vol, nous y arrivons. L’endroit est à la mesure de
la catastrophe. Rotor tournant, le chef de soute fait descendre nos six passagers qui
ne comprennent pas tout de suite où ils se trouvent ; apparemment ils ne reconnaissent pas l’endroit. Le vieil homme se tourne vers moi. J’ai l’impression de l’entendre
me dire : “ Mais où nous as-tu emmené, mon garçon ? ” puis reprend sa route, mais
pour aller où ?...
Nous décollons de Calang afin de poursuivre notre mission. Là bas, des jeunes gens,
souvent encore étudiants et faisant partie d’organisations telles qu’ACF attendent leur
raison d’être par la seule voie pratiquable : les airs. Sur le trajet, j’ai du mal à me défaire du regard de ces personnes que nous avons transporté et qui s’étonnent peut être
d’être encore en vie. En France, il est 04h00 du matin et nous espérons que nos
proches que nous chérissons encore plus lors de ce genre de missions, dorment sans
inquiétude.
sous-lieutenant LEONARD
3ème RHC - chef de bord HM
La vie
des
unités
© D.R.
18
BAM OPEX
5ème Régiment d’hélicoptères de combat
5ème RHC : 300 heures de vol
et 1000 appontages
dans les deux hémisphères
“ GEAOM ” : une mission de coopération ALAT-Marine
pas comme les autres.
Comment résumer en quelques lignes la campagne au profit du Groupe école
d’application des officiers de marine (GEAOM) que vient d’effectuer le DETALAT du
5ème RHC ?
L’exercice est difficile car le soldat est plus rôdé à la pratique du compte-rendu qu’à
celle de la narration, même dans le cadre d’une publication aussi familière que la Revue
d’information de l’ALAT. L’exercice paraît même impossible tant il est vrai que les cinq
mois et demi passés sur le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc et la frégate de lutte anti
sous-marine ont été particulièrement riches.
Le premier contact “ marin ” des 20 personnels du détachement fut plutôt frais et
suscita quelques nausées aux cœurs les moins accrochés car lors de la quinzaine de
jours de mer de mise en condition opérationnelle, l’océan Atlantique fut aussi
accueillant qu’il est possible de se l’imaginer au mois de novembre au large de Brest.
L’appareillage effectué le 8 décembre 2004 et la première traversée vers la Tunisie
furent plutôt sans surprise, la proximité des côtes espagnoles et marocaines rappelant
régulièrement la proximité de la métropole.
L’escale à Tunis et le premier cocktail à bord furent les premiers évènements à rappeler qu’une campagne GEAOM n’est pas une mission de coopération ALAT-Marine
comme les autres.
Les fêtes de fin d’année, toutes deux passées “à la mer” permirent d’apprécier
l’étendue des savoir-faire festifs des marins et achevèrent l’intégration du personnel de
l’ALAT à l’équipage.
Une escale pour renforcer le soutien aux populations victimes du tsunami…
Dès le 27 décembre et le franchissement du canal de Suez, l’équipage comprit que
le tsunami qui avait frappé l’Asie du Sud-Est la veille, allait grandement influencer sa
campagne 2005. L’escale à Djibouti fut mise à profit pour embarquer un détachement
de soixante légionnaires ainsi que quinze officiers, sous-officiers et militaires du rang
du DETALAT de Djibouti, et deux Puma pour augmenter la capacité du groupe aérien
embarqué. Renforcé en personnel, en matériel et en fret, le GEAOM navigua vers la
zone du sinistre, apprenant au fur et à mesure des jours de mer, le lieu et la nature des
actions à mener.
Le large de Meulaboh, ville la plus proche de l’épicentre du séisme à l’origine du
tsunami sur la côte occidentale de Sumatra fut l’option retenue pour mener les héliportages et les diverses opérations de soutien aux populations (soutien sanitaire, aide
au déblaiement…) à partir des navires du Groupe. Un mois d’activités interarmées et
interalliés intenses, de fourmillement de journalistes de tous horizons, de personnalités et d’autorités civiles et militaires, de français et d’étrangers et une activité aéronautique atteignant parfois les cinquante mouvements quotidiens caractérisèrent
l’opération BERYX pour le personnel du DETALAT. Les contacts humains furent insolites et nombreux aussi bien avec la population indonésienne, les forces armées ou les
© D.R.
Scène de pont d’envol
La vie
des
unités
19
5ème Régiment d’hélicoptères de combat
BAM OPEX
© D.R.
membres des ONG de tous les pays venus apporter leur aide, qu’avec les médecins
ou les pompiers détachés de l’UIISC 7 de Brignoles et un peu plus tard avec le détachement du 3ème RHC opérant depuis le nord-ouest de l’île de Sumatra.
Les 38 jours de mer consécutifs, passés en collecte de renseignement, en liaisons,
en livraisons de fret ou en participations aux opérations de déblaiement à terre, furent
l’occasion pour le personnel de profiter de la chance assez rare pour un détachement
de Gazelle de participer à une opération humanitaire d’envergure.
De l’équateur à Brest en passant par Mayotte et la Jordanie : des heures de vol par
centaine…
Les deux escales à Kuala Lumpur puis à Singapour permirent à tous de reprendre
des forces pour la traversée de l’océan indien et le passage de l’équateur, synonyme
pour les Néophytes de cérémonies un peu éprouvantes mais ô combien gratifiantes.
Un détachement renouvelé des trois-quarts de son personnel quitta le port de
Saint-Denis de la Réunion. Il faut à nouveau qualifier les pilotes à l’appontage, entraîner le détachement, tisser de nouveaux liens à l’occasion des vols en patrouilles mixtes
avec les Alouette III du détachement de la flottille 22S ou des campagnes de tirs HOT
organisées de concert avec les tirs au canon de 100 mm du service armes du bord.
La Réunion, Mayotte, Madagascar, Aqaba en Jordanie furent autant d’occasions
de missions inhabituelles, de rencontres parfois prestigieuses, souvent insolites mais
toujours inoubliables.
Contrastant avec le calme de la mer d’huile dont nous bénéficiâmes durant toute
la navigation dans l’océan indien, naquit le grondement sourd précédant la guerre des
officiers-élèves, l’exercice de synthèse en Méditerranée qui clôt la formation des
officiers de marine. Les exercices de luttes anti-navires, anti-aérienne et anti-sousmarine se succédèrent sans relâche égaillant la traversée entre le port du Pirée et
Casablanca, lieu de la dernière escale. Des vols de qualification au sein du DETALAT
s’effectuaient encore alors que se profilaient déjà à l’horizon la pointe du Raz, le goulet de Brest et la fin de campagne le 13 mai 2005.
Cette campagne DETALAT GEAOM avec 300 heures de vol et près de 1000
appontages dans les deux hémisphères ne peut être résumée en quelques lignes.
De cette expérience d’une diversité et d’une richesse exceptionnelles, chaque participant gardera sans doute pour lui le sourire sur un visage d’enfant indonésien, le survol d’une plage tropicale ou l’amitié d’un “ chien jaune ” sur un pont d’envol…
Un goût un peu salé, exotique et unique… Peut-être est-ce cela le goût d’une envie
d’encore ?
capitaine Bertrand GUTTER
5ème RHC - chef du DETALAT GEAOM 2004-2005
La vie
des
unités
© D.R.
20
Le port d’Aqaba
Le Détachement ALAT des opérations spéciales
Le DAOS :
éclairage sur une unité spéciale
Le Détachement ALAT des opérations spéciales
(DAOS) est la plus jeune unité de combat de l’ALAT. Unité
méconnue, elle est l’objet de nombreuses interrogations,
parfois d’incompréhensions, et souvent de solides a priori.
Son appartenance aux forces spéciales en est la cause première, cette subordination opérationnelle la plaçant un peu
en marge de la 4ème BAM où sont regroupés tous les RHC
de l’ALAT.
A partir de ce constat, quelques éléments d’information
et de réflexion sur le DAOS me paraissent nécessaires à
diffuser à notre communauté. Alors que se prépare une
réorganisation majeure de l’ALAT de combat, je souhaite
rappeler que, même si les moyens et les méthodes diffèrent parfois, nous appartenons à la même arme au béret
bleu.
© D.R.
Tireur embarqué en appui sur Gazelle
Opérations spéciales et forces spéciales : quelques notions à connaître1
Les opérations spéciales (OS) sont des opérations militaires ouvertes ou couvertes,
mais non clandestines, menées par le commandement des opérations spéciales (COS).
Celui-ci emploie des unités des forces armées spécialement désignées, organisées,
entraînées et équipées, appelées forces spéciales (FS), pour atteindre des objectifs militaires ou d’intérêt militaire présentant un caractère stratégique.
Elles nécessitent l’acceptation d’un risque (physique, militaire, ou politique) généralement plus élevé que dans une opération conventionnelle. Menées par des modules
à faibles effectifs et dans un environnement hostile, un très haut degré de confidentialité, notamment vis-à-vis de l’identité de ses membres, doit être garanti : c’est la sécurité des opérations (SECOPS).
Elles requièrent donc un engagement politique, un contrôle politico-militaire étroit
et permanent de l’opération, ainsi que l’intégration très en amont de la fonction OS
dans le processus décisionnel.
Les OS sont commandées par le CEMA, qui délègue le plus souvent le contrôle
opérationnel au général commandant le COS (GCOS). Elles sont employées dans les
cas où les forces conventionnelles n’apportent pas de réponse appropriée, et s’en distinguent par un cadre espace-temps différent, la nature et la sensibilité de leurs objectifs, des modes opératoires particuliers et la discrétion qui entoure leur préparation
et leur exécution.
Les unités des forces spéciales sont, quant à elles, des formations organiques des
forces armées désignées par le CEMA pour développer et fournir les capacités particulières nécessaires à la conduite des opérations spéciales. Disposant d’équipements
spécifiques et bénéficiant d’un entraînement de haut niveau, elles requièrent un
personnel volontaire et sélectionné selon des critères stricts (techniques, physiques,
psychologiques).
1 - Concept des opérations spéciales n° 905/DEF/EMA/EMP.I/NP du 2 décembre 2002.
La vie
des
unités
21
Le Détachement ALAT des opérations spéciales
Le COS et les FS peuvent aussi apporter leur concours et leur expertise pour des
missions particulières pour lesquelles leurs capacités et leurs modes d’action spécifiques peuvent être exploités : extraction de ressortissants, recherche et sauvetage au
combat, action en zone urbanisée, etc. Lorsqu’elles sont déployées sur un théâtre, ces
unités sont intégrées au sein d’un groupement de forces spéciales (GFS) et directement rattachées au commandant de la force ou de l’opération.
Bref historique
Soyons clair, des unités “ spéciales ” ont toujours existé avec des finalités et sous
des appellations différentes : corps francs de la guerre 1914-1918, SAS, “ commandos marine ” de la guerre 1939-1945, etc. La nouveauté réside dans le fait que le
COS est aujourd’hui identifié au sein d’une structure définie et pris en compte au
plus haut niveau politico-militaire.
© D.R.
En France c’est en 1992, que, tirant les enseignements de la guerre du Golfe, le
Assaut vertical en zone urbaine
COS fut créé. Toutes les forces armées y sont aujourd’hui
représentées. La Marine, avec les 5 commandos de fusiliers
marins, et l’armée de l’Air avec le Commando parachutiste
de l’air n° 10, la Division des opérations spéciales (DOS),
qui regroupe des équipages Transall et Hercules dévolus aux FS,
et l’Escadron spécial hélicoptères (ESH) à Cazaux avec
3 équipages.
L’armée de Terre avait initialement dédié un petit étatmajor, le 1er RPIMa et une escadrille de l’ALAT. En 2002, après
de nombreuses évolutions, elle a décidé de créer la Brigade
des forces spéciales terre (BFST), intégrant en sus le 13ème RDP
et une CCT en cours de mise en place. L’armée de Terre
représente donc aujourd’hui une composante majeure du
© D.R.
COS, avec un état-major capable de commander un GFS et
Evacuation de ressortissants opération Providence
disposant en permanence des capacités offertes par ses trois
unités : renseignement, aéromobilité et action.
Coup
de projecteur
Le DAOS a été créé en tant que corps en 1997 à partir du 2ème BHM du 4ème RHCM,
dont une escadrille HM était dévolue aux opérations spéciales depuis 1993, et d’un
état-major tactique. En 1998, une escadrille mixte d’hélicoptères légers, comptant tous
les types de Gazelle systèmes d’armes de l’ALAT, lui a été rattachée, et, depuis 2002, il
est inséré dans la BFST. Il poursuit sa montée en puissance, ayant créé en 2005 une
troisième escadrille équipée d’hélicoptères de manoeuvre EC 725, et se prépare à l’arrivée du Tigre au sein d’une quatrième escadrille en 2008. Parallèlement, devenu temps
de commandement de premier niveau et organisme d’administration, un renforcement
de ses moyens d’encadrement et de soutien est à l’étude dans le cadre de la réorganisation de l’ALAT de combat.
Quelle est la pertinence d’une unité d’hélicoptères dédiée aux OS ?
La montée en puissance du DAOS est intimement liée à celle des forces spéciales
en France, et nos principaux alliés sont dans la même logique. Les Britanniques disposent d’un équivalent du DAOS, bien que moins important, les Italiens viennent de le
créer et les Allemands étudient sérieusement cette possibilité. Les Etats-Unis ont,
quant à eux, créé un régiment d’hélicoptères dédié aux FS 2 en 1981. Ils tiraient ainsi
22
2 - 160 SOAR : Special operations aviation regiment
Le Détachement ALAT des opérations spéciales
les enseignements de l’échec tragique de la tentative de libération des otages de leur
ambassade à Téhéran, en avril 1980, qui coûta la vie à 8 Américains et provoqua la
perte de plusieurs appareils lors d’un ravitaillement tactique dans le désert.
On peut logiquement se poser la question de la pertinence de cette tendance.
Quelle est la différence entre un RHC et le DAOS par exemple ? Les définitions du
concept des OS, rappelées ci-dessus, répondent en grande partie à la question.
Mais pour atteindre l’efficacité opérationnelle exigée, 4 principes doivent être respectés : un personnel rigoureusement sélectionné, un entraînement poussé et permanent, des équipements particuliers et des procédures communes et spécifiques.
Le personnel désirant être affecté au DAOS au sein des unités de combat doit
avoir fait acte de volontariat, répondant à un message annuel de la DPMAT, et avoir
déjà une expérience dans son coeur de métier3. Il subit ensuite des tests psychologiques à la DPMAT, puis une semaine d’évaluation au sein de l’unité.
© D.R.
Dépose par corde lisse sous JVN sur étraco
Ces qualités seront ensuite développées par un entraînement poussé et spécifique mené en étroite collaboration avec les unités du COS. Le DAOS bénéficie
pour cela de 220 heures de vol annuelles par pilote. Près de 50% de ces heures sont
réalisées au profit du COS, 35% des heures sont effectuées de nuit. L’entraînement
mixte HL et HM est privilégié, les procédés tactiques utilisés mettant en œuvre
tous les moyens aériens du DAOS. En plus de ces savoir-faire tactiques, les équipages reçoivent une instruction spécialisée de 4 semaines à leur affectation, et suivent ensuite de nombreux stages de formation (RESCO, CNAM, ESHE, jungle, grand
froid, désert, anglais, …).
Un effort tout particulier est porté sur l’action spéciale en milieu urbain, et,
alors que le concept des forces avancées se met en place dans les RHC, avec parmi
leurs missions la collaboration avec les FS, des exercices conjoints pourraient avantageusement être organisés.
© D.R.
Dépose par corde lisse sur étraco
© D.R.
Enlevé de commandos sous JVN
Enfin, dans toutes les activités, qu’elles soient tactiques, sportives ou de cohésion,
l’accent est mis sur le nécessaire état d’esprit collectif et de recherche d’excellence
que doivent avoir les équipages.
En ce qui concerne les équipements, le Cougar, le Puma et la Gazelle, bientôt complétés par l’EC 725, spécialement commandé pour les FS, forment le corps de bataille
du DAOS. Hormis l’EC 725, il s’agit donc des mêmes aéronefs que le reste de l’ALAT.
Cependant, par le biais du plan d’équipement des unités spécifiques, octroyé par
l’EMAT, ainsi que par celui du COS, qui dispose d’une cellule chargée des études et de
l’innovation, de nombreux autres équipements d’environnement permettent une préparation opérationnelle adaptée (GPS, habillement, armement individuel, JVN/ITT,…).
Coup
de projecteur
Enfin, ce qui apporte une plus value majeure est l’existence de procédures communes
et spécifiques, les POPS4, connues et appliquées par toutes les unités du COS. Complété
par une connaissance mutuelle et personnelle des commandos et des équipages du
DAOS, grâce à leur appartenance organique à la BFST, ce socle réglementaire commun
entraîne des automatismes et une confiance réciproque dans les moments critiques
qui contribuent directement au succès de l’action.
3 - Il y a cependant aujourd’hui 2 jeunes pilotes sortis d’école affectés au DAOS.
4 - “ Procédures opérationnelles spéciales ”
23
Le Détachement ALAT des opérations spéciales
De surcroît, grâce à un paragraphe particulier de l’IM 3400, le DAOS est autorisé à développer des procédures spéciales, ce qui lui a permis de mettre au point
des procédés tactiques tels que la dépose de binôme et le largage plongeur en HL,
l’appui feu avec tireur embarqué (HM et HL) ou à partir des mitrailleuses de bord
sur HM servies par des MEOS5.
© D.R.
Evacuation de ressortissants
sous appui Gazelle
Ainsi, que ce soit pour les équipements ou pour les procédés tactiques, le DAOS
est un laboratoire pour l’ALAT dont les avancées, contrairement à une idée reçue,
ne sont pas secrètes (seules les procédures sont confidentielles), mais disponibles
auprès du DAOS, du COMALAT ou de la DEP.
Le DAOS trouve donc sa pertinence dans son intégration dans une brigade
interarmes, elle-même sous commandement opérationnel du COS, qui en organisation, regroupe toutes les capacités nécessaires aux OS : action-renseignementaéromobilité. Cette intégration répond à une logique d’efficacité et permet véritablement aux FS d’apporter la plus-value opérationnelle qui lui est demandée.
© D.R.
Infiltration sous JVN d’un module
Conclusion
Organisé dans un très proche avenir en quatre unités de combat dotées des
appareils les plus nouveaux de l’ALAT, et, je l’espère, d’une unité de soutien, le
DAOS atteindra ainsi une taille critique. La dénomination de détachement, qui était
pertinente alors qu’il ne comptait qu’une, puis deux unités élémentaires, ne traduit
plus aujourd’hui sa réalité organique et opérationnelle : l’appellation de “ bataillon
d’hélicoptères des opérations spéciales ” serait plus appropriée.
© D.R.
Infiltration tactique d’un module
Encore éclairé dans le prochain numéro de la revue de l’ALAT par des encarts
sur les trois escadrilles de combat, cet article a pour but d’informer sur la réalité
du DAOS, qui, même s’il bénéficie d’un microclimat particulier, porte toujours le
béret bleu. Fier de faire partie des forces spéciales, le personnel du DAOS est avant
tout fier d’appartenir à l’ALAT.
colonel Patrick BRETHOUS
chef de corps du DAOS
Coup
de projecteur
24
5 - “ Membre d’équipage opération spéciale ” : 4ème homme sur HM ayant suivi une formation spécifique
(aérocordage, tir ANF1,…)
Aide au commandement
L’Escadrille avions de l’armée de Terre
a 10 ans !
© D.R.
© D.R.
© D.R.
L’Escadrille avions de l’armée de Terre, dotée d’une flotte composée de 8 TBM 700
et 2 Cessna F406 a fêté le 10ème anniversaire de sa création, sur l’aéroport de Rennes
Saint-Jacques, le 8 septembre 2005.
Créée le 1er juillet 1995, cette unité a succédé au peloton avion F406 mis en place
en 1987. Elle effectue, chaque année, 4800 heures de vol dans le cadre de missions d’aide au commandement au profit des hautes autorités militaires de l’armée de Terre
principalement en France et en Europe.
Commandée par le capitaine Boltoukhine, l’escadrille compte un effectif de soixante-deux personnes : vingt-deux pilotes, quinze mécaniciens et le personnel d’environnement (aide mécanicien, préparateur mission, secrétaire, etc.) indispensable au bon
fonctionnement quotidien de l’unité. Héritier du savoir-faire et du savoir-être de l’escadrille, son personnel met tout en œuvre pour faire vivre et améliorer l’outil qui leur
a été légué.
Depuis sa création, l’EAAT a totalisé 50 000 heures de vol et a transporté 30 000
passagers. Chaque pilote effectue en moyenne 450 heures de vol par an. Les deux F406
ont franchi chacun le seuil des 10 000 heures de vol. L’escadrille est également fière
de mettre en œuvre le TBM 700 FMABP – exemplaire n°100 - qui détient le record
mondial d’heures de vol effectuées par un avion de ce type avec plus de 6000 heures.
Au cours des nombreuses missions réalisées depuis dix ans, les avions de l’escadrille ont eu l’opportunité de poser leurs roues : - en Russie (Moscou, SaintPétersbourg), en Ukraine, au Proche-Orient (Ankara, Beyrouth), en Afrique (Abidjan,
Djibouti, Cap-Vert), en Amérique du Nord (Santa Fé, Washington) ainsi qu’au
Groenland.
© D.R.
La vie
des
unités
Et ce n’est pas terminé…
adjudant Ludovic BOUILLARD
EAAT - responsable communication
25
Ecole franco-allemande
Les primo-formateurs de l’EFA
s’approprient le Tigre
Le capitaine Barbarat signe
le cahier des vols.
Comment s’approprier un appareil tel que le Tigre sinon en analysant son comportement,ses spécificités,en bref son caractère ? Tel le dompteur face à son animal,
l’approche doit être prudente, réfléchie et volontaire. Cet état d’esprit anime les
primo-formateurs de l’EFA depuis leur premier contact avec la “Bête”. Aujourd’hui, il
s’agit de le transmettre avec la même passion aux futurs moniteurs Tigre afin d’être en
mesure de délivrer la meilleure instruction possible aux équipages de la première
escadrille Tigre du 5ème RHC de Pau, chargée de l’évaluation tactique de l’appareil dès
2007.
Pour en arriver là, nous avons dû
passer par la compréhension des systèmes qui composent cet appareil très
complexe en suivant de nombreux
stages théoriques chez les industriels
en 2001 et 2002. Après cela, il ne restait plus qu’à passer à la phase pratique ! La première partie, dédiée à
l’hélicoptère de base, s’est déroulée
sur le prototype PT2R sur la piste
d’essais d’Eurocopter à Marignane.
Dans cet endroit à la fois mythique et
secret, nous avons effectué notre formation de base sous l’autorité des
Décollage, c’est parti pour 1h30 de vol. (Crédits : EFA / adc Nidaque)
pilotes en charge du développement
de l’hélicoptère, dont le pilote démonstrateur en vol qui totalise plus de mille heures
sur Tigre. Grâce à eux, nous avons pu explorer tout le domaine de vol de l’appareil, en
mesurer les qualités dynamiques au travers de son rotor rigide, de son pilote automatique 4 axes, de ses moteurs à la régulation étonnante de réactivité. Dès le début
du stage, nous savions que cet appareil était très différent de ceux que nous connaissions jusqu’alors ; pourtant, 10 heures de vol plus tard, il ne nous restait qu’un mot à
la bouche : bluffant !
Formation
Cette réaction, certes enfantine mais néanmoins humaine pour tout pilote
passionné par son métier, ne nous a pas fait oublier que certaines particularités du
Tigre 1 changeraient radicalement la façon de gérer une mission, et donc la manière de
mener l’instruction. Ce constat s’est confirmé fin 2003 lors du stage systèmes d’armes.
En effet, derrière l’apparente facilité à mettre en œuvre ces systèmes se cachent bien
des pièges, déjà connus en vol tactique et en vol de nuit sous JVN avec l’utilisation
d’une caméra thermique, dont le niveau de dangerosité ne peut que s’amplifier dans
un poste de pilotage en tandem. Ces pièges sont essentiellement liés à la communication au sein de l’équipage et au partage des tâches durant la mission, domaine qui fait
notamment l’objet de nombreux RETEX de la part de l’US Army suite aux accidents
fréquents survenus sur Apache au cours de missions en opération.
1 - Cockpit en tandem, effet stéréoscopique des JVN intégrées au casque, la quantité d’informations disponibles
dans chaque cockpit, la possibilité d’utiliser les trois systèmes d’armes depuis la place avant et la place arrière…
26
Ecole franco-allemande
Forts de ces enseignements, c’est dans un état d’esprit tourné vers la CRM
(Cockpit ressources management) que nous avons débuté fin 2004 le stage instructeur Tigre au Luc en Provence, sous la responsabilité d’un pilote d’essais et instructeur
d’Eurocopter sur le Tigre HAP 2004 (appareil de série mais non recetté). Durant ce
stage, toutes les procédures d’urgences, le vol tactique avec utilisation du système d’armes,le vol de nuit sous jumelles de vision
nocturne assisté du viseur STRYX ont été abordées afin d’acquérir la maîtrise de l’appareil dans son ensemble ainsi que de la
conduite d’une séance d’instruction depuis les places avant et
arrière. De cette formation, nous avons pu constater, d’une part,
qu’il est impératif de connaître parfaitement les deux cockpits et
leurs fonctionnalités, d’autre part, les repères (de trajectoire, d’approche, etc.) étant totalement différents suivant la place occupée,
qu’il faudrait en tenir compte dans les futurs stages de formation
pilote, chef de bord, chef de patrouille et moniteur.A l’issue de ce
stage, nous étions enfin autorisés à voler en autonome après 40
heures de vol réparties sur plus de deux ans.
C’est ainsi que le 18 mars 2005, après la cérémonie officielle
de remise des “clefs” du HAP 2001 à Marignane, le lieutenantcolonel Fanchini et le capitaine Chevalier s’envolaient en direction
du Luc où leurs camarades de l’EFA les attendaient champagne à
la main sur les parkings Tigre récemment livrés. Les festivités terminées, les vols entre primo-formateurs se sont succédés afin de
préparer les futures séances d’instruction en vol adaptées aux
zones d’entraînement disponibles, mais aussi affermir nos connaissances sur cet appareil afin de standardiser les procédures d’instruction. La première campagne de tir, réalisée avec un Tigre de
série, a été organisée au profit de l’EFA dans cet esprit, sous la
responsabilité du GAMSTAT, à Canjuers les 25 et 26 avril 2005.
Mise en œuvre du Tigre effectuée par le capitaine Barbarat
Nous avons tiré à la roquette et au canon, de jour et de nuit, en
avec l’aide du mécanicien. (crédit : EFA / adc Nidaque)
stationnaire et en dynamique sans aucun incident. Imaginez notre
excitation avant de tirer nos salves de roquettes (les derniers appareils de l’ALAT
équipés de roquettes étaient les “bananes”), puis de nuit avec un canon de 30 mm
asservi au viseur STRYX ou au viseur de casque !
Formation
Campagne de tir à Canjuers. (Crédit : EA ALAT / M. Siva)
27
Ecole franco-allemande
Puis, tout s’est enchaîné très vite : la prise en compte du HAP 2 2002 le 28 avril et
de ce fait, deux Tigre à mettre en vol avec cinq pilotes qualifiés. Les portes ouvertes
de l’EA ALAT avec pour la première fois un équipage EFA aux commandes d’un Tigre
pour effectuer une démonstration type BO 133 adaptée à l’appareil. Pour réaliser
cette démonstration en toute sécurité, l’équipage, composé des capitaines Chevalier
et Barbarat, s’est entraîné en vol mais aussi dans les simulateurs FMS 3 (en fin de développement) afin de parer à toute éventualité. Début juin, enfin, après avoir franchi la
barre imposée de 80 heures de vol sur Tigre, nous avons pu débuter l’instruction en
vol au profit du deuxième cercle de moniteurs, et c’est l’adjudant-chef Cantié qui a
servi de cobaye pour cette première. De nombreuses indisponibilités machine (défauts
de jeunesse !) ont entaché cette période et ont retardé le rythme de l’instruction.
Néanmoins, les deux appareils étaient fin prêts pour leur premier grand déplacement
vers Paris à l’occasion du défilé du 14 juillet.Cette mission nous a permis d’évaluer le
système de navigation (qui s’est révélé très performant) et les difficultés à déplacer et
à soutenir ce type d’appareil loin de
sa base arrière. Les appareils ont
passé une nuit à la belle étoile équipés de leur lot de bâchage. Ils ont
démarré le lendemain sur batterie
sans aucun souci.
Aujourd’hui, la formation du
deuxième cercle se poursuit et notre
objectif est de disposer de 11 moniteurs aptes à instruire en vol dès le
début de l’année prochaine, ce qui
semble possible avec l’arrivée du
HAP 2003 prévue en octobre.
Conscients de la chance que nous
avons, c’est avec fierté et enthousiasme que nous allons continuer à traCampagne de tir à Canjuers en avril 2005. (Crédit : EA ALAT / M. Siva)
vailler d’arrache-pied pour délivrer
une instruction de qualité, avec des moyens pédagogiques performants aux premiers
équipages Tigre des forces qui sont attendus à l’EFA au début de l’année 2006.
capitaine BARBARAT
EFA - moniteur à la division Formation
Formation
28
2 - FMS : Full mission simulator
3 - HAP : Hélicoptère d’appui protection
Instruction sol du personnel navigant
L’évolution du cursus ISPN
La simulation devient un élément incontournable et essentiel dans la formation et la
préparation opérationnelle des équipages de l’ALAT sur des hélicoptères systèmes d’armes
toujours plus complexes et employés dans un contexte évolutif et difficile à maîtriser.
Son développement intégrant de nouveaux simulateurs et entraîneurs a nécessité la création d’une filière de spécialité Instructeur sol du personnel navigant (ISPN) en remplacement
de la filière Instructeur simulateur de vol (ISV). La mise en place effective d’actions de formation de cursus et d’adaptation aux nouveaux systèmes de simulation permettra de réaliser un tuilage entre le niveau de la mise en œuvre et celui de la conception. Elle contribuera
à achever la définition du parcours professionnel décrit dans cet article.
Le cursus ISPN est aujourd’hui articulé autour de
3 niveaux d’emploi accessibles dans le déroulement
d’une carrière. Un quatrième niveau, présenté en fin
d’article, demande encore à être confirmé par la création de centre de simulation faisant temps de commandement d’unité élémentaire.
1er niveau d’emploi : moniteur simulateur
(sous-officier avant BSTAT)
Instructeur spécialisé, ce jeune sous-officier ISPN
assure la formation dans les matières techniques qu’il
maîtrise sous le contrôle d’un instructeur PN habilité.
Animateur tactique et pédagogique des moyens de
simulation, il doit prendre, en fonction des objectifs
pédagogiques fixés, toutes les mesures nécessaires pour
que la simulation soit relativement transparente pour
les moniteurs. De plus, il assure la mise en œuvre d’un système de simulation sous la
direction d’un chef de centre.A ce titre, il effectue l’entretien du niveau 1er échelon en
fonction du maintien en condition opérationnelle (MCO) industriel prévu par type de
simulateur. Il peut par ailleurs enseigner sur simulateur des parties spécifiques de la
formation selon les conditions fixées par le commandement ou bien permettre la
répétition d’exercices déjà enseignés. Pour atteindre ce niveau, il suit une formation de
cursus FS1 ISPN complétée par une formation d’adaptation (FA) dispensée sur le premier simulateur servi.
2ème niveau d’emploi : chef moniteur simulateur (sous-officier après
BSTAT à adjudant-chef)
© D.R.
Formation
Instructeur pour les systèmes de C3I, il veille à la formation des jeunes ISPN dans
le domaine des techniques de simulation. Il est aussi un animateur tacticien et administrateur des bases de données et des scénarios. Aux ordres d’un chef de centre ou
d’un officier responsable de système de formation par simulation, il dirige une équipe
d’instructeurs sol et anime le travail des opérateurs. Gérant le maintien en condition
des simulateurs placés sous sa responsabilité, il remédie directement aux pannes
simples du système consécutives aux erreurs de mise en œuvre. Conseiller du chef de
centre en matière d’utilisation des simulateurs, il propose des améliorations sur l’emploi de la simulation. Il peut également enseigner sur simulateur. Ce niveau est atteint
après les formations FS2 et (FA) ISPN.
29
Instruction sol du personnel navigant
3ème niveau d’emploi : chef de site simulation (adjudant-chef à capitaine
avant temps de commandement)
En tant qu’adjoint du chef de centre de simulation, le chef de site a pour mission
de gérer tous les systèmes du centre. Particulièrement compétent dans la simulation
distribuée, l’adjoint du chef du centre de simulation veille à l’interopérabilité des bases
de données du réseau, anticipe et planifie leurs évolutions. Il entretient des relations
privilégiées avec les experts simulation qu’il conseille quant à l’évolution des systèmes.
Placé sous les ordres de l’officier de marque d’un programme de simulation, il peut
être appelé à exécuter des essais technico-opérationnels. Il pourra également
conseiller, à titre d’expertise, sur demande de la STAT et après acceptation de l’école,
les ingénieurs et techniciens de la STAT ou de la DGA sur l’utilisation des versions
ultérieures des simulateurs qu’il maîtrise. Il peut enseigner sur simulateur sous réserve de remplir les conditions fixées par le commandement. Ce niveau de qualification
est obtenu par validation d’expérience après avoir tenu pendant trois ans un poste de
deuxième niveau.
4ème niveau d’emploi : chef de centre simulation (capitaine en temps de commandement)
Ce dernier emploi doit être encore validé par la
création de centres de simulation de niveau suffisant, regroupant les moyens de simulation et les
moyens en instructeur ISPN et PN.
Le chef du centre de simulation en régiment ou
en école commande tous les ISPN de sa formation et
dirige l’emploi des moyens de simulation. Capitaine
commandant et correspondant direct de l’officier
expert simulation de la fonction aéromobile, il met en
œuvre les évolutions de ses simulateurs et propose des
© D.R.
améliorations. Responsable des échanges de bases de
données et des scénarios avec les autres centres, il gère au niveau local les relations
avec les personnels civils représentant les industriels fournissant des matériels de
simulation. Il assure également en liaison avec ces derniers la programmation des
moyens de simulations sous les ordres du chef de corps et comme correspondant
particulier du chef de BOI ou de division formation en école. Pour atteindre ce niveau,
il doit avoir suivi un cursus d’officier, occupé le poste d’adjoint du chef de centre pendant 4 ans et effectué le stage tronc commun de formation du CFCU 1 de la fonction
aéromobilité.
Formation
Après cette étape, le capitaine pourra postuler à l’enseignement militaire supérieur
suivant les conditions propres à son statut.
lieutenant-colonel Eric MERCK
EA ALAT/DEP/Bureau études spécialisées
30
1 - CFCU : Cours des futurs commandants d’unité
La NUMALAT
La numérisation ALAT
Une des conditions déterminantes du succès de l’action des forces terrestres
réside dans leur maîtrise du processus décisionnel qui passe par une acquisition
et une exploitation rapides de la connaissance de la situation opérationnelle.
La numérisation de l’espace de bataille (NEB) constitue un des éléments de
la supériorité pour la maîtrise de l’information.
C’est dans ce contexte que se construit la numérisation de l’ALAT aussi
appelée NUMALAT. Cette numérisation, qui ne remet pas en cause les concepts
d’emploi de notre arme risque cependant de modifier les façons de faire du
personnel chargé de concevoir la manœuvre.
Le fondement de la numérisation de l’ALAT est de créer les conditions d’une
cohérence nécessaire avec le système d’informations opérationnelles (SIO) de
l’armée de Terre pour réussir parfaitement l’intégration dans la NEB.
Le schéma ci-dessous montre les trois étages de systèmes d’informations qui
constituent les maillons de la chaîne de commandement d’une brigade.
La communication entre ces différents systèmes est assurée par transmission
de données en s’appuyant sur la gamme actuelle des moyens radios. Des difficultés de jeunesse issues des conduites de projets distincts et propriétaires ont
été rencontrées dans ce domaine. Toutefois, nous pouvons être confiants dans
l’avenir car la technique est au rendez-vous.
L’ALAT
dans la NEB
© D.R.
Une des particularités de l’ALAT réside dans la dualité de sa chaîne de commandement. En effet, les missions sont préparées au sol et exécutées en vol. Ce
mode opératoire pose des problèmes d’élongation et peut nuire à la circulation
des informations en transmission de données. La revalorisation du HM PC et
les études menées sur la conception d’un hélicoptère de commandement et de
contrôle (HC2) s’inscrivent en partie dans cette problématique.
31
La numérisation ALAT
© D.R.
© D.R.
Installation de console SIR dans le HM PC
© D.R.
Le système d’information terminal (SIT )
doit apporter une aide à la conduite de la
mission pour les équipages grâce à la mise
en œuvre des systèmes de navigation, de surveillance de l’état du système d’armes et
de présentation d’informations tactiques.
L’initialisation du SIT se fera à partir du
module de préparation de mission équipage
(MPME) qui puise ses données directement
dans le système d’information régimentaire
(SIR).
Exemple de présentation d’information du SIT
Certains outils sont déjà en service et poursuivent leur évolution. C’est le cas
du système d’information et de commandement des forces (SICF ) et du SIR .
Les autres éléments de la chaîne de commandement numérique sont en cours de
réalisation avec pour objectif un déploiement dans les forces en 2006-2007.
Comme pour tous les nouveaux systèmes, leur mise en œuvre nécessite de les
connaître et de se les approprier. L’EA ALAT assurera l’ensemble des formations sur les matériels en dotation ; à charge ensuite de chacun de développer
les savoir-faire acquis par un entraînement en unité.
chef de bataillon Christian ELSLANDER
EA ALAT/DEP/BES/C3I
© D.R.
L’ALAT
dans la NEB
1
Organisation de la zone préparation de mission d’une escadrille
32
1 - ATM SIR : Station SIR sur véhicule
La TD ALAT
La transmission de données
dans l’ALAT de demain
L’ALAT participe à la numérisation de l’espace de bataille
Le chantier de la numérisation de l’espace de bataille (NEB) est maintenant
bien engagé. Certaines brigades évaluent en ce moment le système d’information régimentaire (SIR). Cette montée en puissance des systèmes d’information
trouvera son aboutissement dans l’ALAT avec l’arrivée, dans un futur proche,
des systèmes d’information terminaux (SIT) sur le Tigre, le NH90 (EUROGRID) et sur les aéronefs du parc actuel (SIT ALAT). La chaîne numérisée sera
alors complète et nécessitera, de la part de tous, une nouvelle approche du commandement.
La montée en puissance des transmissions de données
Certes, le chef souhaitera toujours donner ses ordres à la voix. Cependant, les
possibilités d’échange d’informations entre les futurs systèmes doivent lui permettre de limiter ses interventions en assurant la diffusion des ordres et des
comptes-rendus. L’ALAT, comme les autres armes, s’appuie sur les postes radio
de nouvelle génération et en particulier sur le PR4G pour assurer le transfert de
ces informations jusqu’aux plus bas niveaux. Elle utilise donc les mêmes
moyens que les autres armes pour le transfert de ses données mais cherche à les
optimiser pour une utilisation dans la troisième dimension.
La transmission de données du Tigre
Ainsi, la transmission de données (TD) entre le SIR et le Tigre (TD SIRTigre) s’effectuera dans un profil d’échange utilisé par le SIR (profil mixte). Ce
profil permettra également des communications non prioritaires en phonie. La
TD assurera la diffusion des ordres et comptes-rendus entre le SIR et les systèmes EUROGRID embarqués sur le Tigre. Mais, dans ce mode, la phonie n’est
pas prioritaire. Le deuxième PR4G de l’hélicoptère sera utilisé pour sa part dans
un mode de transmission de données sans phonie permettant d’échanger automatiquement les positions entre les hélicoptères d’un même module. Ainsi, aidé
dans ses choix de commandement par une connaissance instantanée de la position de ses subordonnés, le chef travaillera avec une meilleure appréhension de
la situation compte tenu de la réactualisation de son système tactique. L’aide
ainsi apportée par le système d’information contribuera à l’adaptation du commandement au rythme d’emploi des hélicoptères armés de nouvelle génération.
Évolutions attendues à court terme
Compte tenu des limitations, en particulier en phonie, des modes de transmissions de données utilisés par le Tigre et de l’équipement réduit à un seul
PR4G des hélicoptères du parc actuel, l’ALAT a demandé à la DGA de développer un nouveau profil d’échange. Sur ce dernier les communications en phonie sont prioritaires et toutes les ressources du poste sont utilisées en transmission de données. Ce nouveau profil en cours d’évaluation (TDMA Isochrone),
a pour principe un découpage temporel de la bande passante avec une référence horaire basée sur l’heure GPS. Chaque intervenant disposera ainsi d’un
temps identique pour transmettre ses données. De plus, cette évolution logicielle ne nécessitera pas le développement d’un nouveau PR4G/Aéro et sera également intégrée dans la version sol.
L’ALAT
dans la NEB
33
La TD ALAT
Les attendus du futur
L’utilisation des moyens permettant la transmission de données devient donc
incontournable pour assurer le partage de l’information à tous les niveaux. Les
limites du poste PR4G et de ses différents modes d’utilisation semblent désormais atteintes mais de nouvelles voies restent à explorer. En effet, pour assurer
ces transmissions sur de grandes élongations avec des débits et une sécurité
accrus, dans un souci d’interopérabilité avec l’OTAN, une solution commune
doit être recherchée.
Une piste prometteuse mais partielle, à base de terminal MIDS
(Multifunctional Information Distribution System), a été retenue par l’artillerie
sol-air pour le système MARTHA et par les membres de l’OTAN. Ele assurera
la diffusion en temps réel des informations de contrôle dans la troisième dimension.
Conclusion
Certes, les systèmes d’information sont devenus prépondérants pour les
chefs et leurs subordonnés. Cependant, ces derniers sont liés aux capacités techniques des supports radio utilisés. Maintenant le défi à relever consiste à optimiser l’emploi du spectre électromagnétique par son utilisation sur de larges
bandes ainsi qu’à développer des profils de communications optimisés pour le
combat aéromobile.
Dans le futur, les armées devront se doter de moyens nouveaux leur permettant de mieux s’intégrer dans le nouvel environnement issu de la numérisation
de l’espace de bataille. Ces derniers devront satisfaire aux nouvelles exigences
d’accès, de rapidité, de partage et de traitement de l’information dans un
contexte national ou de coalition.
lieutenant-colonel Michel MARTIN
GAMSTAT/C3I
L’ALAT
dans la NEB
© D.R.
34
Le programme MARTHA
MAillage des
Radars Tactiques
pour la lutte
contre les Hélicoptères
et les Aéronefs à voilure fixe
© D.R.
La coordination dans la troisième dimension est absolument nécessaire dans
un environnement de plus en plus complexe. En effet, d’une part les utilisateurs
de l’espace aérien sont de plus en plus nombreux, d’autre part dans les conflits
de type maîtrise de la violence, les activités aériennes civiles et militaires cohabitent imposant une réactivité plus grande. Enfin, la manœuvre voit son rythme
s’accélérer et en conséquence les délais de planification se raccourcir. Aussi,
l’armée de Terre poursuit-elle le programme MARTHA, adapté à son nouveau
rythme et à ses impératifs de complexité et de réactivité. Grâce à la mise en
place d’un réseau de radars qui permettra de connaître en temps réel la position
de tous les mobiles en vol au dessus de la zone d’action des forces terrestres,
MARTHA déploiera dans le même temps un réseau de commandement permettant d’identifier les actions en cours dans l’espace aérien et d’intervenir de
façon instantanée si besoin.
Rôle opérationnel
Système de commandement, de contrôle, de communication et d’information 1, MARTHA est un réseau maillé et hiérarchisé constitué de centres niveau
de coordination, de matériels informatiques et de moyens de communication.Outil de coordination en temps réel des actions de l’armée de Terre,
MARTHA accroît l’efficacité des systèmes d’armes sol-air et ALAT par
l’échange d’informations relatives à la situation aérienne.
MARTHA pourra donc en temps réel suivre l’enchaînement des actions planifiées et permettre leur conduite.
Le système MARTHA présente un intérêt tout particulier pour l’ALAT. Car
il permettra : de vérifier et de faire appliquer les mesures de contrôles aux procédures, d’assouplir ces mesures le cas échéant par une gestion en temps réel
des conflits éventuels entre nos aéronefs et les autres intervenants, d’assurer
leur sécurité face aux tirs anti-aériens amis, de coordonner et de conduire les tirs
AATCP en liaison avec les autres moyens antiaériens et enfin, de guider les
appareils sur leur objectif. L’exercice d’un contrôle direct efficace impose de
connaître en permanence la position des appareils en vol. Leur détection par les
senseurs MARTHA ne pourra être assurée de façon continue. Dans ce cas, une
liaison avec le PC de la formation en vol devra être établie.
L’ALAT
dans la NEB
1 - C3I : Command, control, communication and information
35
Le programme MARTHA
Description générale
Constituée de centres hauts 2 et de centres bas 3, la chaîne de coordination troisième dimension (3D) permettra d’échanger en temps réel, les informations nécessaires à la conduite des actions de l’armée de Terre
en coordination avec les autres armées, en particulier l’armée de l’Air.
MARTHA comprend trois niveaux de coordination et deux types de centres.
• Les centres de niveau 1 (NC1) sont spécialisés par systèmes d’armes sol-air : SAMP/T, Roland,
Mistral. Ce premier niveau de coordination est matérialisé par le senseur et le moyen de commandement
de la section de défense sol-air. Il assure l’alerte et la coordination des feux au sein de celle-ci. Il diffuse
vers les centres hauts de MARTHA les informations de situation aérienne élaborées par son capteur radar.
• Les centres de niveau haut MARTHA (CNHM) sont chargés d’assurer l’interopérabilité entre les
armes, les armées et les alliés. Dans leur fonction NC2, ils assurent une responsabilité zonale. C’est le
niveau de connexion des intervenants 3D de l’armée de Terre. Ces centres fusionnent la situation aérienne
provenant de l’armée de l’Air et des détections des NC1 avant de la rediffuser aux utilisateurs de l’armée
de Terre. Coordonnant les interventions des NC1, ils transmettent des ordres de conduite aux différents
intervenants.
• Dans leur fonction NC3, les CNHM coordonnent plusieurs NC2 et veillent à l’interopérabilité avec
les centres Air, Marine et alliés, chargés de la gestion de l’espace aérien et du contrôle tactique. Pour une
opération nécessitant peu de moyens, le CNHM regroupe les fonctions de niveaux 2 et 3.
Point de situation
Le programme MARTHA a été scindé en deux étapes :
• L’étape 1, achevée depuis 2002, concerne la coordination des systèmes d’armes des sections sol-air niveau de coordination 1- ;
• L’étape 2 traite de la réalisation des niveaux de coordination haut et de la prise en compte du NC1
SAMP/T 4. Cette étape est en cours et se concrétisera par la livraison des premiers CNHM en 2007. En
parallèle, la mise en place d’une plate-forme d’instruction, destinée à dispenser la formation opérationnelle
des opérateurs MARTHA, sera implantée à l’Ecole d’application d’artillerie. Dans ce domaine, le principe retenu est de soumettre les opérateurs à une simulation dans un environnement proche du réel en reliant
physiquement les NC1 et NC2 par fibre optique. Cette plate-forme sera également reliée aux organismes
de contrôle air, au centre JANUS, à la plate-forme ATLAS 5
ainsi qu’à la PFI MIDS / terre 6. Les opérateurs ALAT
CNHM seront des officiers et sous-officiers contrôleurs.
© D.R.
MARTHA s’inscrit, au même titre que les systèmes de
communication et d’information opérationnels, comme
un moyen de gestion interopérable des systèmes d’armes
dans le cadre de la numérisation de l’espace de bataille.
Ce système participera à l’élaboration de la situation opérationnelle commune. Il facilitera la décision et la conduite des opérations contribuant ainsi à l’augmentation significative de l’efficacité des forces.
capitaine BARBEAU
EAA/DSA/C3D
2 - CNHM : Centre de niveau haut MARTHA.
3 - NC1 : Centre de niveau / Niveau de coordination 1.
4 - SAMP/T : Sol-air moyenne portée / Terre.
5 - ATLAS : Automatisation des tirs et liaisons de l’artillerie sol-sol / système d’information,
de commandement et de gestion des feux de l’artillerie sol-sol.
6 - MIDS/Terre : Multifunctional Information Distribution System / Système de répartition diversifiée
d’information. Composante transmission de la chaîne temps réel de MARTHA et utilisant le support
de la liaison 16, il permet d’assurer les communications et le contrôle direct.
36
La Numérisation de l’espace
de bataille au sein de la BAM
Priorité du général COMBAM inscrite dans la directive annuelle particulière de préparation opérationnelle, la numérisation de l’espace de bataille est une
réalité pour la brigade aéromobile, qu’il s’agisse de son centre opérationnel
(CO) ou de ceux de deux de ses groupements aéromobiles (GAM). Elle s’est
engagée volontairement, non sans difficultés, dans l’expérimentation menée par
l’EMAT et entrevoit déjà tous les avantages à en attendre notamment en terme
d’emploi sans en ignorer les différentes contraintes.
Un engagement total dans la NEB
Comme toutes les brigades, la BAM dispose d’outils de numérisation depuis plusieurs années. Equipée
du SICF, ses échanges vers les niveaux supérieurs
s’effectuent au travers d’un réseau clairement défini et
qui a fait ses preuves.
Pour autant, si les fonctionnalités présentes au sein
de son CO n’ont pas été remises en cause, l’état-major
a mené une réflexion pour adapter l’organisation et le
fonctionnement du CO à l’instar des documents réalisés par le système d’information et de commandement
des forces (CDEF) en 2004 et des études en cours au
sein de la force d’action terreste (FAT). En effet,
même si la chaîne de numérisation de l’espace de
bataille n’est pas encore totalement réalisée – le système d’information régimentaire (SIR) est en cours de déploiement
et le système
© D.R.
d’information terminal (SIT) ne le sera qu’à partir de l’année prochaine – les
habitudes de travail doivent évoluer
pour appréhender au mieux l’arrivée de
ces nouveaux équipements. Le maître
mot est de développer le travail coopératif au sein du CO afin de gagner en
réactivité et de faire face à des cadres
d’engagement de plus en plus mouvants
et incertains. C’est l’objectif recherché
par l’articulation du CO en une cellule
“ manœuvre en cours ” et une cellule
“ manœuvre future ”.
© D.R.
Depuis un an, différentes configurations du CO sont expérimentées et des
procédures de travail sont développées qui tentent, modestement, de préfigurer
celles qui seront mises en œuvre avec la NEB. Dans ce cadre, les réflexions portent notamment sur l’optimisation du processus décisionnel en interne comme
en externe au CO. L’objectif est de le raccourcir en facilitant les échanges pendant la phase de réflexion et d’élaboration de la décision. A cette fin, les travaux
réalisés par la cellule “ manœuvre future ” doivent pouvoir circuler entre les différents intervenants de la brigade. Le but est non seulement de rédiger, in fine,
l’ordre le mieux adapté à la mission reçue en fonction des moyens disponibles
L’ALAT
dans la NEB
37
La NEB au sein de la BAM
mais aussi de permettre aux GAM d’anticiper leurs actions le plus en amont
possible au profit du temps de préparation à l’engagement.
Une synergie des efforts à tous les niveaux
© D.R.
Le plan d’équipement de la brigade en système d’information régimentaire
(SIR) prévoit d’équiper deux régiments. L’équipement du 5ème RHC, régiment
appartenant à la force expérimentale (FOREX) NEB, est terminé tandis que
celui du 3ème RHC est en cours. Cela ne va pas d’ailleurs sans susciter certaines
interrogations. La 2ème Brigade blindée et la 6ème Brigade légère blindée ont été
désignées pour expérimenter la numérisation de l’espace de bataille en bénéficiant de l’ensemble de l’environnement interarmes dont l’ALAT. Pour autant,
un seul RHC ne peut assurer en permanence cette responsabilité ne serait-ce
qu’en raison de la projection d’une grande partie du régiment, au moins quatre
mois tous les seize mois.
Cependant, l’intégration de la brigade aux différents exercices numérisés lui
a permis de bénéficier de l’expérience engrangée par les unités des deux brigades numérisées et au personnel du 5ème RHC de suivre la formation idoine.
Dans le cadre d’une démarche particulièrement volontariste, la brigade a alors
tout mis en œuvre pour que les savoir-faire de l’un soient transmis à l’autre.
Des exercices ont donc été prévu pour que les deux régiments travaillent de
concert. Le point d’orgue eu lieu lors de l’exercice FATEXTEL durant lequel le
3ème RHC, renforcé des spécialistes du 5ème RHC, a effectué une expérimentation
NEB avec la 2ème BB.
Une réactivité accrue malgré des contraintes encore lourdes
© D.R.
L’ALAT
dans la NEB
Sans minorer le défi majeur que constitue la maîtrise d’un flux permanent
d’informations de tous ordres, les avantages attendus et entrevus de la NEB
poussent la brigade à poursuivre son effort. En effet, les quelques modestes
échanges qui ont eu lieu entre la brigade et le GAM tendent à prouver que le
processus décisionnel à tous les niveaux, ainsi qu’entre les différents CO, sera
grandement accéléré au profit de la préparation de la mission elle-même. En
conséquence, l’aéromobilité, arme de la réaction par excellence, ne peut qu’espérer beaucoup de ces nouveaux équipements.
Pour autant, la meilleure volonté du monde ne peut être qu’un pis aller dans
un domaine aussi complexe. Il est en conséquence urgent que le 3ème RHC
intègre la FOREX non seulement pour accéder aux stages de formation indispensables mais aussi pour garantir la permanence de l’aéromobilité, en complément du 5ème RHC, dans les expérimentations en cours. Au même titre, le personnel de l’état-major n’est pas formé au langage SICF / SIR “ MELISSA ”. Ce
n’est qu’au prix d’un travail laborieux que des messages numérisés sont échangés entre les GAM et la BAM.
Conclusion
La numérisation de l’espace de bataille constitue un défi majeur pour l’armée de Terre. Toutefois, au-delà des contraintes techniques, la plus-value tactique espérée est telle qu’il serait parfaitement inopportun voire inconscient de
ne pas le relever. La 4ème Brigade aéromobile, culturellement tournée résolument
vers l’avenir, s’y emploie volontairement non sans résultats, même si, pour le
moment, le manque de formation de son personnel en limite inévitablement
l’efficience.
lieutenant-colonel AURIAULT
chef du Bureau emploi planification
à l’état-major de la 4ème Brigade aéromobile
38
Les drones et l’Army aviation américaine
Les drones et l’Army aviation
Les drones (CL 289, SDTI, DRAC, ...) prennent une place de plus en plus importante au
sein de l'armée de Terre. Cet article, paru dans le mensuel du Détachement de liaison Terre
aux Etats-Unis, a été écrit par le lieutenant-colonel Dupont de Dinechin, dernier officier de
liaison ALAT à Fort Rucker. Il présente la situation des drones au sein de l'Army.
Les appareils sans pilote, appelés drones ont envahi les théâtres d’opération afghan
et irakien depuis bientôt quatre années. L’évolution de la nature de la menace (plus diffuse, multiforme) a fait apparaître un réel besoin de capteurs de renseignement
supplémentaires. C’est ainsi que l’armée de Terre américaine s’est rapidement dotée
de ces plates-formes aériennes. A cette approche capacitaire a succédé une approche
plus rationnelle, destinée à coordonner “ l’explosion “ de ce secteur de la Défense.
A cet effet, le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Schoomaker a mandaté l’Aviation légère de l’armée de Terre, en fin d’année 2003, pour réaliser cette coordination au sein de l’Army.
Celle-ci visait à :
• Assurer la mise en œuvre des drones en service ;
• Définir les drones des 4 classes au sein du Futur combat system (FCS) ;
• Définir les besoins futurs ;
• Rationaliser la formation et l’entraînement des pilotes, dans un contexte de sécurité des vols amélioré.
Près de deux années plus tard, on peut mesurer le chemin parcouru par l’Army
aviation. De la sécurité des vols à l’instruction, en passant par l’évolution des platesformes, les drones font l’objet d’une attention toute particulière.
Cet article d’information générale est destiné à préciser les contours de ce vaste
domaine des appareils sans pilote au sein de l’Army aviation, en juin 2005.
Après un inventaire des drones au sein de l’Army, le rédacteur précisera les besoins
du Futur combat system en cours et les perspectives de ce vecteur spécifique.
Inventaire des drones au sein de l’Army aviation
Les drones du bataillon au corps d’armée
Le Raven est un drone portatif à l’usage du bataillon et des niveaux inférieurs. D’une
portée de 8 à 12 km, d’une autonomie moyenne de 1 heure 30 évoluant à 60 km/h et
mis en œuvre de jour comme de nuit par deux servants ; il peut conduire des missions de reconnaissance, d’acquisition d’objectifs et d’évaluation des dommages.
Le Shadow 200 a une portée de 125 km, une autonomie de 4 heures, une vitesse
moyenne de 110 km/h et est exploité à une altitude d’environ 3 000 m. Une section
de Shadow comprend 4 appareils mis en œuvre par 22 servants. Il remplit des missions
identiques à celles du Raven au niveau de la brigade.
Le Hunter a une portée supérieure à 200 km, une autonomie de 8 à 12 heures, et une
vitesse de 150 km/h. Il est exploité à une altitude moyenne de 4 500 m. Il remplit des
missions identiques à celles du Raven mais à l’échelon de la division et du corps d’armée.
L’I-GNAT est un drone du niveau tactique opératif. Capable de voler pendant plus
de 40 heures, à une altitude de 7 500 m, cet appareil est plutôt un “ ban d’essai volant “
pour l’Army. Il peut emporter près de 200 kg de charge utile. Il serait capable de tirer
des missiles Hellfire.
Etranger
39
Les drones et l’Army aviation américaine
Le schéma ci-dessous décrit les 4 types de drones actuellement en service.
© D.R.
L’explosion du nombre des drones depuis 2002
La prolifération des drones provient des besoins opérationnels des théâtres afghan
et irakien depuis 2001-2003. Cette première approche capacitaire est actuellement
accompagnée d’une approche plus rationnelle destinée à faire correspondre les
besoins et les équipements disponibles. Le schéma ci-après trace l’historique des
besoins opérationnels depuis 2002. Il semble que la courbe poursuivra son tracé exponentiel à l’horizon 2006.
Etranger
© D.R.
Les drones occupent désormais une place au sein de l’Aviation légère américaine
En effet, le plan de modernisation des matériels inclut désormais une place pour les
drones. La structure de la Brigade ALAT multifonctions comprend elle aussi, une unité
de drones.
40
Les drones et l’Army aviation américaine
Les différents moyens dédiés à l’Aviation légère américaine de 2005 à 2020 sont
présentés ci-dessous.
© D.R.
La brigade Alat multifonctions Unit of Action (UA) est en cours de mise en place.
Sa description sommaire figure dans les planches suivantes.
© D.R.
On parle ici, de drones CL IV (classe 4) ; il s’agit en fait de drones à l’usage de la
brigade.
La réorganisation des structures de l’ALAT américaine est imprégnée des enseignements des opérations en Afghanistan et en Irak. La cohérence de ces brigades est
assurée par la mise en place au niveau de cette grande unité de tous les moyens aéromobiles existants (reco/attaque, assaut/air et transport tactique moyen et lourd).
La composante drone devrait elle aussi s’intégrer dans cette nouvelle structure
multifonctions.
Etranger
L’Army aviation conduit actuellement la transformation de ses structures, de ses
équipements, de sa formation ainsi que de son entraînement. Elle prévoit également
l’avenir avec la mise en place d’une partie de ses moyens au sein du Futur combat
system (FCS).
41
Les drones et l’Army aviation américaine
Cette révolution organisationnelle passe actuellement au second plan, du fait du
rythme des engagements opérationnels en cours. Dans ce système de forces imaginé
par l’Army, l’Aviation légère américaine prévoit de mettre en place des structures comprenant des hélicoptères et des drones. Le paragraphe suivant donne les contours de
ces projets pour le domaine des drones.
Les drones au sein du Futur Combat System (FCS)
Les drones du FCS
Les drones du Futur combat system se déclinent aujourd’hui en quatre classes (de I
à IV), du niveau section au niveau brigade. Le schéma ci-dessous liste les pré-requis
pour ces 4 classes d’appareils sans pilote.
© D.R.
Les perspectives de ce vecteur spécifique au regard des leçons apprises
Etranger
42
L’Aviation légère américaine a lancé au début des années 2000, un programme
d’expérimentation de reconnaissance d’objectifs avec appareil piloté et appareil non
piloté, appelé MUM (Manned Unmanned). Les expérimentations en cours semblent
privilégier les drones-hélicoptères.
En 2005, les industriels préparent le block 3 de l’AH 64 Apache qui donnera à cet
hélicoptère la capacité de contrôler le drone à partir de son cockpit. La souplesse
d’emploi opérationnelle des drones est un de leurs atouts majeurs, notamment dans
le contexte actuel des opérations en zones urbaine et désertique.
Depuis les engagements en Afghanistan et en Irak, les drones connaissent un
emploi exponentiel.
Pour les missions réalisées actuellement sur les théâtres d’opération, par les hélicoptères et les drones, on peut parler de missions coordonnées. En effet, les drones
peuvent identifier les objectifs, les “ illuminer laser “, pour permettre leur destruction
par les hélicoptères grâce à l’aide d’une station de guidage. Il existe donc toujours un
“ intervenant “ entre le drone et l’hélicoptère : la station de guidage au sol du drone.
Les drones et l’Army aviation américaine
La vision du concept MUM est de permettre la suppression de cet “ intermédiaire “.
Les avantages seraient entre autres : gain de temps, connaissance du champ de bataille
en temps réel, réactivité accrue. Lorsque la station de guidage disparaîtra, on pourra
dès lors parler de “ teaming “ (binôme) drone-hélicoptère.
Conclusion
La contribution des drones dans les engagements en Afghanistan et en Irak depuis
bientôt quatre années a sans doute favorisé leur expansion au sein de l’Army. A suivre
les expérimentations en cours, il semble que les applications de ces appareils sans
pilote soient sans fin. A l’image de l’avion au début du XXème siècle, le drone offre
des perspectives qui auront vraisemblablement des répercussions sur les concepts
d’emploi futur.
L’Aviation légère américaine a hérité de ce dossier passionnant. Depuis deux ans,
elle se consacre à la sécurité des vols de ces appareils, à l’apprentissage des savoir-faire
nécessaires à leur mise en œuvre, à l’évolution des plates-formes (avec un officier de
programme à Fort Rucker) et à l’amélioration de la coordination drone-hélicoptère.
Le concept MUM, cité plus haut fait bien partie des objectifs fixés pour la composante attaque-reconnaissance de l’ALAT américaine. D’ici 2010, l’AH 64 Apache devrait
être capable de guider des drones à partir de son cockpit. L’Army aviation est une
fonction opérationnelle jeune, qui s’investit pleinement dans ces défis actuels. Son
action au profit des forces terrestres en Irak et en Afghanistan est non seulement
appréciée mais unanimement reconnue.
Etranger
43
Sommaire 2005
• Mot du chef du BSV
• Les brèves du médecin
• La sécurité des vols et le syndrome de la sanction
© D.R.
• Points positifs et tableau d’honneur de la sécurité des vols
La sécurité des vols peut-elle être améliorée ?
Combien de nos incidents et de nos accidents sont véritablement évitables ?
Peut-on diminuer l’implication des personnels dans les événements aériens ?
Ces questions concernent tous les personnels navigants et tous ceux qui concourent à la mise en œuvre des
aéronefs ou à leur exploitation.Après avoir passé plusieurs années dans l’environnement de la sécurité des vols, il
me paraît évident qu’un certain nombre d’incidents ou d’accidents peuvent être évités, en particulier ceux qui
incombent à “ l’homme “.
Alors, a t-on mis en place les structures, les règles et surtout les moyens qui permettent d’optimiser notre sécurité des vols ?
Les statistiques de l’ALAT montrent une amélioration exponentielle en matière d’accidents aériens, puisqu’en
cinquante ans le nombre des accidents a été divisé par dix.
Concernant les incidents aériens, leur nombre a baissé mais pas en proportion des accidents. On peut aussi
remarquer que le nombre d’incidents d’origine humaine est en augmentation ces dernières années. Le rajeunissement des pilotes et des mécaniciens, la diminution des heures de vol et le vieillissement du parc en ligne sont des
explications possibles à cette remontée des incidents aériens. Mais de l’autre côté de la balance on note une formation initiale améliorée, la mise en place d’un plan de formation facteurs humains et l’augmentation du nombre
de personnels autour de l’officier sécurité des vols (OSV).
On pourra toujours améliorer les structures, les moyens mais l’amélioration notoire de la sécurité des vols
passera par une meilleure prise de conscience de chacun dans ce domaine.
Répondez à ces questions et vous aurez vous-même la réponse.
• Prenez-vous la SV au sérieux ?
• Vous impliquez-vous dans la sécurité des vols au quotidien ?
• Faites-vous bénéficier les plus jeunes de vos expériences ?
• Connaissez-vous les textes, règlements et autres directives en matière de SV ?
• Avez-vous une hygiène de vie en cohérence avec votre fonction ?
• Avez vous lu, le dernier BISV, AEREX ?
L’être humain est un ordinateur biologique qui collecte les informations au moyen de ses sens. Il les traite pour
un usage immédiat ou les stocke dans sa mémoire pour le futur. La conception des aéronefs modernes vise, entre
autre, à réduire la probabilité de l’erreur humaine. Le pilote est le dernier rempart, son habilité, sa compétence et
son expérience permettront de diminuer « la fréquence des erreurs » et, par là même, de réduire les événements
aériens. Plus faible sera le temps qui s’écoule entre une erreur et sa détection, donc sa correction, plus on augmentera la sécurité des vols.
Oui, on peut améliorer la sécurité des vols par la mise en place d’une chaîne sécuritaire plus développée, par
des moyens plus conséquents à la disposition des pilotes, par des procédures et des instruments qui travaillent à
la place du pilote mais en dernier recours l’homme sera celui qui choisit, qui tranche et qui agit. Aussi faut-il qu’il
soit parfaitement formé, en pleine possession de ses moyens, conscient de ses limites et qu’il reste dans le cadre
strict de sa mission.
La prise de conscience de chacun de l’importance de la sécurité des vols doit être la prochaine étape qui nous
permettra d’améliorer encore notre sécurité des vols.
lieutenant-colonel CLARIS-SAUVAGE
chef du bureau sécurité des vols
44
Les brèves du médecin
Normes JAR – FCL 3
Publiées au journal officiel en mars 2005, les normes JAR – FCL 31 concernent l’aptitude physique et mentale de l’ensemble du personnel navigant technique de l’aéronautique civile (pilotes, ingénieurs, mécaniciens navigants et parachutistes professionnels).
Ces normes sont appliquées depuis le 15 juin 2005 par les centres d’expertise
médicale du personnel navigant (CEMPN) et s’adressent uniquement aux personnes
postulant à une licence professionnelle, laquelle nécessite un certificat médical classe 1.
Elles ne remettent pas en cause les normes médicales militaires définies dans l’IM
3300.Toutefois, celles-ci devront évoluer à plus à moins long terme.
Morphologie du Pilote Tigre
Avec l’arrivée du Tigre à l’Ecole franco-allemande, il apparaît que les normes
concernant la taille des pilotes d’hélicoptères décrites dans l’IM 3300 ne sont pas
adaptées à son habitacle beaucoup plus contraint.Actuellement, la taille du pilote doit
être comprise entre 1,60 m et 1, 96 m.
Compte tenu des mesures effectuées in situ et des données constructeurs, il
sera indispensable d’ajouter des mesures segmentaires, la plus limitante étant la “ taille
assis-redressé ” ; c’est à dire la distance “ fesse - sommet de tête ”.
© D.R.
Etudes en cours
• L’Institut de médecine aérospatiale du service de santé des armées (IMASSA)
implanté à Brétigny sur orge (91) a entrepris, à la demande du COMALAT, une étude
sur les conséquences en terme de sécurité des vols du sur-écartement des tubes JVN
du casque Topowl utilisé par les équipages Tigre.
• Avec l’arrivée des nouveaux simulateurs à l’EFA et à la base école de Dax, en particulier l’entraîneur de formation initiale (EFI), il a été demandé une étude sur le mal
des simulateurs, avec pour conséquence les précautions à prendre après une séance
de simulation (délai de reprise des vols réels). Elle est conduite par le Centre de
recherche du service de santé des Armées (CRSSA) de Grenoble conjointement avec
le département science cognitive de l’IMASSA.
• L’enquête en cours au CPEMPN sur la prophylaxie du paludisme chez le personnel navigant militaire devrait aboutir courant 2006.
Sécurité
des vols
Les résultats de ces 3 études vous seront présentés dès que possible.
médecin-chef WELSCH
conseiller santé
1 - Ne pas confondre les normes JAR-FCL 3 avec les JAR-FCL 2 qui sont des normes d’exploitation des hélicoptères dans le cadre commercial (entrée en vigueur prévue à compter du 1er janvier 2006).
Les normes JAR-FCL 4, en application depuis janvier 2003, concernent les mécaniciens navigants civils.
45
La sécurité des vols
et le syndrome de la sanction
“Errare humanum est, perseverare diabolicum”. Se tromper a, de tout temps, été
considéré comme étant le propre de l’homme. La politique de sécurité des vols que
mène le commandement de l’ALAT depuis près de quarante ans, visant à améliorer la
fiabilité des appareils et à réglementer les activités, a eu pour effet, tout en recherchant
une diminution du risque aérien, à diaboliser les défaillances des acteurs de première
ligne : pilote, contrôleur, mécanicien. Les actes non conformes à la réglementation font
donc l’objet de sanctions. Mais cette notion de sanction ne va pas de soi à notre
époque !
La sanction doit avoir valeur d’exemple. Il est indispensable qu’elle soit comprise et
juste. Elle doit avoir un sens !
Cet article veut montrer que la sanction est un mal nécessaire, qu’il n’y a pas opposition entre sanction et facteur humain : l’une voulant châtier le coupable, l’autre pouvant chercher plutôt à diluer les responsabilités.
L’erreur est humaine
L’erreur fait partie intégrante du comportement humain. On parle en général d’erreur humaine pour qualifier le comportement inadapté de l’équipage ou du personnel
d’environnement (contrôle, maintenance). La survenue d’une erreur est favorisée par
un certain nombre de facteurs propres à l’homme, qui limitent ses capacités mentales
mais aussi sa capacité à bien gérer ses ressources attentionnelles.
Nous pouvons en déterminer trois sortes :
Les erreurs individuelles reposent sur les capacités et les limites individuelles.
Les plus fréquentes sont les erreurs de représentation qui se traduisent par des
erreurs de compréhension, d’intention ou de procédures. Un deuxième type d’erreur
est représenté par des erreurs de connaissances : le personnel ne manque pas de
connaissances, mais ne les utilisent pas à bon escient.
Les erreurs collectives résultent d’une mauvaise synergie entre les membres d’équipage : non-élaboration d’une représentation commune de la situation, prise collective
de mauvaises décisions ou mauvais partage des tâches.
Sécurité
des vols
46
Les indisciplines ; c’est-à-dire la transgression volontaire de consignes, de règlements
ou de réglementation dans la perspective d’assouvir une satisfaction personnelle sans
rapport avec la tâche.
Ces indisciplines sont à distinguer des écarts au règlement ou des violations où il
y a franchissement de certaines règles pour assouvir une satisfaction personnelle dans
un but d’optimisation de l’activité afin d’obtenir une meilleure performance.
L’erreur peut survenir, c’est inévitable. L’important n’est plus simplement de ne pas
commettre des erreurs, mais de savoir les détecter, de les récupérer ou d’atténuer
leurs effets et ainsi de prévenir leur survenue ultérieure non contrôlée. Le plus grave
étant de persévérer dans l’erreur.
La sanction : un mal nécessaire
Si l’on envisage de sanctionner une erreur, c’est parce que, d’une certaine manière,
elle représente un “ mal ”, donc un danger pour la sécurité. La sanction doit avoir un
sens pour être comprise :
La sanction vise d’abord à rappeler la règle.
La réglementation est une norme établie par le commandement dans le but de prévenir les évènements, de préserver le potentiel humain et matériel et, en final, de maintenir la capacité opérationnelle des unités. La sanction est avant tout une réponse individuelle à l’erreur.
La sanction vise ensuite à dissuader les autres d’agir de même.
La sanction a une vertu d’exemplarité pour la collectivité des acteurs de la sécurité des vols.Afin que chacun ne découvre pas à ses dépens les aventures malheureuses
vécues par des camarades impliqués dans des événements aériens et parce que les
mêmes causes produisent les mêmes effets, il est nécessaire de mettre en exergue ces
événements et leur sanction.
La sanction doit enfin avoir une valeur éducative et inciter le personnel à s’améliorer.
La sécurité des vols est un système d’échanges basé sur la confiance, l’honnêteté
ou la franchise. Il est donc naturel que la sanction soit utilisée pour modifier les comportements déviants.
La sanction doit donc être comprise pour être acceptée et doit surtout permettre
d’atteindre le résultat espéré, une plus grande sécurité. Elle est en quelque sorte un
garde-fou pour que les dérives ne s’installent et les incidents ne se reproduisent. C’est
tout l’enjeu de la sécurité des vols !
L’ALAT met en œuvre une politique de sécurité des vols dont l’objectif est la prévention des accidents. Certes, il est prévu de sanctionner les actes qui sont non
conformes à la réglementation, mais la fonction principale de la sanction, au-delà de punir
purement et simplement, est bien de responsabiliser l’auteur de la faute et de créer ainsi
les conditions pour qu’une modification des comportements puisse se réaliser.
Sécurité
des vols
colonel Patrick COLIN
président du CPSA-T
47
Points positifs et tableau d’honneur
de la sécurité des vols
Le major CHAUVIERE Michel, pilote commandant de bord, se voit attribuer 15 points de contrôle positifs.
Par ailleurs, il est inscrit au tableau d’honneur de l’ALAT ainsi que le maréchal des logis BELEGEAU Christophe,
pilote et le maréchal des logis COTE Yvon, membre d’équipage.
Le 7 novembre 1998, à l’issue d’une séance d’appontages, l’équipage de la Gazelle SA
341 rejoint sa base sur l’aéroport d’Amboli à Djibouti. Quelques instants après le décollage,
l’équipage perçoit l’allumage du voyant " GENE ". Le commandant de bord applique la procédure de panne et poursuit vers l’île de Mousha, point d’entrée du terrain. Un ronronnement
sourd et puissant est alors entendu par intermittence. Le commandant de bord décide de
poser sur l’île. En finale, l’équipage perçoit l’allumage des voyants " ALTER " et " NAV ".Après
l’atterrissage, le commandant de bord constate la présence de flammes côté gauche du GTM.
Le feu est éteint au moyen de l’extincteur de bord.
DCE n ° 2016 du 20/07/2004
Le maréchal des logis-chef BIGEL, mécanicien de piste au DAOS est inscrit au tableau
d’honneur de l’ALAT pour avoir fait preuve de professionnalisme en détectant une anomalie
qui avait échappé à plusieurs contrôles antérieurs. Lors d’une visite avant vol d’une Gazelle SA
342, son regard est attiré par le décollement du mastic d’étanchéité à la base du manchon du
thermomètre. Il constate alors une crique au niveau de la soudure de la plaque de fixation du
thermomètre survenue probablement à la suite d’un heurt de volatile ayant eu lieu 13 jours
auparavant.
DCE n°331 du 03/02/2005
L’adjudant HUMBERT Noël, moniteur, est inscrit au tableau d’honneur de l’ALAT
Pendant une phase de décollage, lors d’un vol d’instruction sur Fennec, le moniteur simule
une perte de puissance sur le moteur gauche en positionnant l’inverseur de démarrage sur le
cran " école ". Quelques instants plus tard l’équipage remarque que le moteur gauche s’est
éteint. Le moniteur décide de poursuivre le décollage, tente vainement de remettre le moteur
en route et se pose monomoteur sur la bande autorotation du terrain.
DCE n° 1603 du 08/06/2005
Pour la vigilance et la conscience professionnelle dont il a fait preuve, le maréchal des logis-chef LUSBEC
Evariste, mécanicien, se voit attribuer 10 points de contrôle positifs.
A l’issue d’une opération mécanique, le maréchal des logis-chef Lubsec, chef d’équipe cellule et moteur, remet en place les capots BTP et s’aperçoit qu’une grenouillère de fixation
manque d’efficacité. Il décide de retirer le mastic de protection et décape la peinture de la
cornière support grenouillère du cadre. Il constate alors une crique d’environ 10 centimètres
de long.
DCE n°2000 du 19/07/2005
48
L’adjudant REY Fabrice, pilote commandant de bord, et l’adjudant GUERIN Fabrice, mécanicien navigant,
se voient respectivement récompenser de 10 points et de 5 points de contrôle positifs.
Le 2 juin 2004, lors d’une séance d’entraînement au pilotage tactique à bord d’un Cougar, dans la région de
Libreville, l’équipage perçoit l’allumage des voyants " AVERT " et " TH BTP ", l’indicateur d’huile BTP indique 135°C.
Bien que située dans la plage de fonctionnement normal, cette valeur est supérieure à celle habituellement lue dans
ces conditions de vol. Le commandant de bord décide d’interrompre la séance et de rejoindre
l’aéroport de Libreville. Le mécanicien navigant lit alors à tout l’équipage la procédure à appliquer en pareil cas. Lors du trajet, la température d’huile BTP continue de monter pour
atteindre 145°C puis 200°C, tandis que la pression reste stable. Après un contact radio avec
l’aéroport, le commandant de bord obtient une prise de cap directe ainsi qu’une autorisation
d’approche à contre QFU et active la mise en alerte de la SSIS auprès du DETALAT. L’appareil
se pose sans marquer de stationnaire, la piste est dégagée et les moteurs coupés sans minute de ralenti. Après ouverture des capotages, le mécanicien navigant constate que l’arbre du
palier ventilateur est sectionné au niveau de sa partie fusible.
DCE n°2001 du 19/07/2005
L’adjudant TRESARIEU Bruno, pilote commandant de bord et le maréchal des logis-chef RINAUDO
Serge, pilote, se voient respectivement attribuer 10 points et 5 points de contrôle positifs.
Lors d’une phase de décélération sur TBM 700, le pilote aperçoit deux cervidés traversant la piste de la droite
vers la gauche. Il alerte le commandant de bord qui applique aussitôt un freinage d’urgence.
Un troisième cervidé surgit alors dans la même direction. Il ne peut être évité et passe sous
l’avion. L’équipage ressent un léger choc. L’inspection de l’aéronef montre un endommagement
de l’antenne VHF. Le mécanicien contrôleur autorise le démontage de cette antenne en donnant ses directives par téléphone. L’équipage se fait aider du mécanicien de l’escale aérienne
qui fournit l’outillage nécessaire à l’opération. L’aéronef rejoint sa base à l’issue.
DCE n°2002 du 19/07/2005
Pour leur bonne réaction, il est attribué 5 points de contrôle positifs à l’adjudant TRESARIEU Bruno, commandant de bord et à l’adjudant BOUILLARD Ludovic, pilote.
Le 15 juillet 2004, un F406 en provenance de Rennes atterrit à Fairford (GB) dans le
cadre du meeting international Air Tatoo. En fin de décélération, l’adjudant Bouillard, pilote aux
commandes, ressent des vibrations et constate une perte de contrôle en lacet de l’aéronef,
l’avion s’arrête une dizaine de mètres plus loin. L’adjudant Trésarieu fait stopper les moteurs
et prévient le contrôle aérien. Le mécanicien descend de l’aéronef et annonce à l’équipage que
le pneumatique de la roulette de nez a déjanté.
DCE n°2003 du 19/07/2005
49
Vol sans visibilité
A la recherche d’un pilote de chasse perdu !
Texte publié dans le numéro 102 de la revue Béret Bleu Magazine et reproduit avec l’aimable autorisation de son rédacteur en chef.
C’est un Westland de l’ALAT qui a réussi en France la première percée GCA 1 réalisée en hélico, en régime
IFR. C’était le 1er octobre 1956. Mais d’abord, voyons l’ambiance du moment, en 1955, au sujet du vol sans visibilité des hélicoptères.
Au Centre d’éssai en vol de Brétigny, dans l’armée de l’Air, et bien entendu dans l’ALAT naissante, tous les
grands spécialistes affirmaient alors, d’une manière péremptoire, que les vols aux instruments étaient impossibles
pour les voilures tournantes !
Un jeune capitaine de l’ALOA 2, moniteur pilote sur Sikorsky H-19 et Westland-Wirlwind, commandant une
escadrille d’instruction à Buc près de Versailles, n’était pas de cet avis. Après avoir vu les équipements des NC
856 à l’ESALOA de Mayence, permettant les entraînements aux vols sans visibilité (plexiglas orange et lunette
bleue), il présente une demande réglementaire pour percevoir ces accessoires afin de les adapter sur ses appareils d’instruction. Il ne reçoit que des sourires apitoyés en guise de réponse ! Voler en IFR en hélico ? Allons,
allons, soyons sérieux !
Mais, entêtés, les capitaines Clause et Lefort
achètent sur leurs deniers personnels quelques
plaques de plexi et une paire de lunettes à la
Société Rod, en banlieue nord de Paris.
Les mécanos bricolent une adaptation sur un
Westland et nous voilà partis pour nous mesurer
à nos idées. Sans aucune expérience dans ce
domaine particulier, nous essayons des vols stationnaires sous capote. C’est la grande valse !
L’appareil est incontrôlable ! Nous n’avons
aucun instrument pour indiquer notre altitude
dans cette configuration de vol. Par contre, en
translation, nous arrivons rapidement à maîtriser le pilotage. Nous réalisons, à force d’entraînement et de persévérance, à suivre les
© D.R.
“patrons” NATO proposés en link-trainer. Nous
avons résolu le problème du stationnaire en adoptant les décollages et atterrissages
roulés. Les cinq moniteurs de l’escadrille passent sous capote, et tous réussissent
leurs vols aux instruments.
Le capitaine commandant boit du petit lait en voyant ses idées démontrées pratiquement. Il décide de frapper un grand coup.
Il demande au commandant Razy, chef de corps du GH n°1, lui aussi pilote hélicoptère, de venir constater les progrès réalisés à Buc. Il le fait monter dans un
Westland en place gauche, lui demandant d’assurer la sécurité en vol à vue. Le capitaine monte en place droite, coiffe les lunettes bleues. Dans l’interphone, il annonce
au commandant qu’il va décoller de Buc pour aller atterrir à Villacoublay en restant
de bout en bout en vol aux instruments. Le contrôle d’approche les amènera au sol
en percée dirigée au radiogoniomètre.
Après un court éloignement, Villa-Approche “tire” l’appareil, le fait descendre sur
un plan régulier, rectifie les caps et le taux de descente afin de le garder sur l’axe de
percée, et, à quelques mètres d’altitude, sur la piste en service, les lunettes sont enlevées. Le Westland va se poser près de la “cabane” de Villa-Approche. Nous allons
rendre visite aux “gonioteurs” pour les remercier. Ils sont très heureux de ce travail,
insolite pour eux, habitués qu’ils sont à faire percer des avions rapides. (Le Westland
perce à 60 kts !!!) .
Histoire
50
1 - GCA : Ground control approach - Atterrissage radar de précision
2 - ALOA : Aviation légère d’observation d’artillerie
A la recherche d’un pilote…
Le commandant n’en revient pas. Le capitaine profite de son impression favorable pour expliquer à son chef
de corps que, maintenant, lui et ses subordonnés, sont arrivés au bout de ce qu’ils peuvent faire seuls. Il serait
de la plus grande efficacité pour l’ALOA d’envoyer quelques pilotes, triés sur le volet, en stage VSV dans l’armée de l’Air. Ils seraient ainsi les premiers moniteurs pour les futurs pilotes qualifiés aux vols aux instruments.
Aux échelons “capitaines”, des contacts très encourageants avaient été pris avec la base d’Avord, là où les aviateurs entraînaient leurs pilotes sur Dassault 315 et 312.
Ces aviateurs n’avaient aucun problème pour recevoir quelques-uns des nôtres.
Malheureusement, cette idée n’eut aucune suite. Des pilotes avion de l’ALOA furent envoyés à Marrakech
passer leur carte verte sur avion (T 6)! Un seul pilote hélico, le capitaine Duboureau a été envoyé à Saint-Yan
pour un stage VSV sur... Stampe SV4 !
Mais notre affaire ne s’arrête pas là…
Le 1er octobre 1956, à une heure du matin, le téléphone sonne chez moi, dans le XVème :
- Allo, ici le commandant Razy…
- Mes respects mon commandant…
- Lefort, pouvez-vous vous mettre en place immédiatement sur la base de Dijon-Longvic avec un de vos taxis ?
Un pilote de SM B2 s’est éjecté. On ne le retrouve pas. Il faudrait qu’au lever du jour vous puissiez commencer
des recherches… Cette mission vous est-elle possible en toute
sécurité ?
- Pas de problème mon commandant, si ce n’est que nous
n’avons pas de quartz radios pour contacter Paris-Contrôle.
- L’armée de l’Air a obtenu l’accord des contrôleurs pour les
contacter sur 121,5 fréquence de détresse…
- Alors, nous sommes partants…
- Merci, Lefort. Soyez prudent et good luck…À vous de jouer …
Et me voilà avec cette mission très particulière sur les bras !
Je pense de suite à former un équipage confirmé. Le lieutenant
Lepape, mon adjoint, moniteur pilote excellent, fera un très bon
co-pilote. Mécanicien, mon chef de piste, le sergent-chef major
Auger (un grade alors en vigueur). Mais comment les contacter en
pleine nuit ? Lepape habite à Aulnay-sous-Bois, à l’autre bout de
Paris. Il n’a pas de téléphone... alors ? Si je vais le chercher avec
ma voiture, nous perdons au moins deux heures, donc pas question. Sans me démonter, j’appelle le commissariat de police Le commandant RAZY - “ Roméo Zoulou “
© D.R.
d’Aulnay. J’explique mon problème : Allez le plus vite possible
réveiller le lieutenant Lepape, demeurant dans votre secteur, et transmettez-lui l’ordre
de se rendre immédiatement à Buc dans son escadrille. Et je croise les doigts pour que
ça marche !
Pour Auger, c’est plus facile. Il habite à Satory. Je contacte l’officier de permanence et le charge de convoquer le sous-officier. Et en route, sur les chapeaux de roue
pour Buc !
J’y retrouve Auger qui a déjà sorti le Westland BAA, pleins faits depuis la veille.
J’attends Lepape... Il arrive une demi-heure après ! Ouf, la police d’Aulnay a fait du
bon boulot !
J’explique la mission.
Nous décollons à 3 heures du matin. Il nous a fallu deux heures pour tout mettre
en place.
Dès le décollage, nous contactons Paris-Contrôle qui nous prend au radar, nous donne
le niveau 50, et nous demande de le contacter à nouveau à 10 minutes de notre HEA.
“Tout baigne”. Nuit claire, nous avons du pot ! Mais arrivés sur Langres, nous
sommes au-dessus d’une belle couche de brouillard.
Je demande à Lepape :
- Qu’est-ce que tu en penses ?
Il me répond :
Bof…
Histoire
51
A la recherche d’un pilote…
On contacte alors Longvic-Approche pour demander la météo…
- Stratus bas, plafond 300 pieds, visi 500 pieds. QGO (vol à vue impossible).
Nom d’une pipe ! Nous allons faire voir aux aviateurs que l’ALOA est un peu là !
Nous expliquons notre mission à Longvic-Approche qui, finalement, accepte de nous prendre en GCA. À 10
minutes, il nous voit sur les écrans radars, nous amène au point initial et nous demande nos paramètres de vol
pour la percée :
60 kts et 500 pieds/minute !
Les contrôleurs nous font répéter trois fois. Ils ont l’habitude de vitesses et de taux de descente de réacteurs.
Pour eux, nous sommes de véritables escargots !
Puis, c’est la procédure classique :
“ À partir de maintenant, ne répondez plus à mes instructions “.
Dans notre cockpit, petit pincement au cœur, nous entrons dans la couche. Nous sommes polarisés sur nos
instruments. De temps en temps, un coup d’œil à l’altimètre qui descend, qui descend … Puis, enfin, la piste bien
éclairée. Hourra ! nous avons réussi notre première percée GCA réelle en régime IFR. Nous venons nous poser
au pied de la tour de contrôle. Il est 4 heures 45.
Au PC, les aviateurs nous donnent les détails de notre mission de recherche que nous entamerons quand le
brouillard sera levé, ce que prévoit le service météo. En attendant, ils nous invitent au mess pour prendre le petit
déjeuner. Alors gag ! Devant un breakfast très british, il n’y a que des jus de fruit ou de l’eau minérale à boire.
Auger n’en revient pas et demande du Beaujolais au serveur! Horreur ! Nous sommes dans le saint des saints de
la Chasse.
Enfin, la boutade est prise avec humour.
À 8 heures, le colonel commandant la base vient nous voir et nous félicite. Il est très curieux de visiter notre
“machine volante”. Nous lui faisons les honneurs de notre BAA, amphi cabine détaillé ! Il retrouve certains instruments qu’il avait sur son Spitfire pendant la bataille d’Angleterre.
À 10 heures, le plafond devenu acceptable, nous décollons pour la zone de recherche. Après une demi-heure
de vol infructueux, Longvic-Airport nous rappelle, le pilote perdu a été retrouvé par des cultivateurs. Lors de
son éjection, la séquence de séparation de son siège n’a pas fonctionné.
Il a percuté le sol toujours attaché. Son corps est enfoncé de deux mètres dans le sol. Peu après notre retour,
les pleins d’essence faits, nous remettons le cap sur Buc, cette fois-ci en vol à vue.
Dès notre arrivée, je rends compte au commandant Razy, déjà remercié par le chef d’état-major de l’Air.
Cette performance, modeste, mais performance réelle, n’eut aucune suite tangible. Les officiers pilotes qui
l’avaient réussie espéraient une mention dans leur dossier. Mais rien ! Grandeur et servitude militaires !
Il est évident qu’il venait d’être prouvé que l’hélicoptère pouvait faire des vols en
nuages, bien entendu dans certaines conditions, notamment hors givrage pales et
entrées turbine ou moteur, problèmes qui n’étaient pas encore résolus. Cette possibilité nouvelle donnait aux voilures tournantes une extension non négligeable de
leurs missions.
Ainsi, en Algérie, de nombreux blessés ont pu être sauvés, grâce à des vols de nuit
effectués aux instruments.
Pour les “Chibani” comme nous, c’est une grande fierté personnelle d’avoir réussi de tels vols.
Heureusement, en ce début de
XXIème siècle, personne ne conteste
plus cette évidence et toutes les
Ecoles ont mis au point des stages
pour apprendre aux pilotes à effectuer ces genres de vols.
Histoire
lieutenant-colonel (er)Pierre LEFORT
© D.R.
52

Documents pareils