GESTION ET VALORISATION DES DÉCHETS

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GESTION ET VALORISATION DES DÉCHETS
géorama
14
Décembre 2004–No.
GESTION ET VALORISATION
DES DÉCHETS
Comment limiter la production à la
source ? Quelles stratégies d’élimination
ou de valorisation mettre en œuvre
pour réduire les impacts potentiels
sur l’environnement tout en maîtrisant
les coûts ? Comment gérer l’héritage
du passé et quelles bonnes pratiques
développer dans le futur ?
Autant de questions qui relèvent
d’enjeux à la fois scientifiques, techniques,
socio-économiques, sanitaires,
environnementaux…
Depuis plusieurs années, en s’appuyant
sur ses compétences en sciences de
la terre – notamment la caractérisation
et la valorisation des minéraux et
des métaux –, le BRGM a développé une
approche intégrée de la filière déchets.
De la caractérisation du déchet
lui-même – afin de connaître sa
composition et son comportement
futur –, jusqu’à la mise au point
de procédés de dépollution, en passant
par le développement d’outils d’aide à la
décision et l’élaboration de procédés
de valorisation ou de recyclage, le BRGM
apporte des réponses concrètes
Issu d'un programme de recherche européen piloté par le BRGM, AWAST est
aujourd'hui un outil d'aide à la décision pour les collectivités gestionnaires de déchets.
Il permet en effet de simuler différents scénarios de gestion et d'en mesurer les
incidences technico-économiques, sociales et environnementales.
kg par jour et par personne : c'était, il y a
peu de temps encore, la quantité moyenne de
déchets ménagers produits en France.
On frise aujourd'hui 1,5 kg. Et demain ?
La gestion des déchets est devenue un véritable
enjeu de société, environnemental et économique.
Les pays européens l'ont bien compris, adoptant
des réglementations de plus en plus sévères pour
limiter la production (ex : les emballages), réduire
drastiquement la mise en décharge et favoriser
au maximum le recyclage.
Les collectivités gestionnaires (communes ou
structures intercommunales), confrontées
simultanément à l'augmentation des volumes
et à ces contraintes légales, ont plus que jamais
besoin d'outils d’aide à la décision et de capacités
d’expertise.
1
En région parisienne
Ayant associé onze organismes européens (et les
villes d'Orléans, Stuttgart et Lisbonne), sous pilotage
BRGM, le projet AWAST (Aid in the management
and european comparison of a municipal solid
waste treatment methods) est aujourd'hui finalisé.
Un « cluster » européen
Le projet AWAST (2001-2003) a été développé dans le
cadre du volet « déchets » du 5e PCRD, qui en comptait
cinq autres : LCA (analyse des cycles de vie des déchets),
ORMA (optimisation des ressources sur une zone géographique donnée :un éco-parc industriel),PAYT (mise en
place et efficacité du système « pay as you throw »
– je génère du déchet,je paie),RELIEF (incidence environnementale des « achats verts »),SWA-Tool (harmonisation
des méthodes de caractérisation des déchets en Europe).
Ils sont aujourd'hui regroupés sur une plate-forme
commune de communication, « The european urban
waste management cluster project ». Un site internet,
www.wastesolutions.org, permet d'accéder à l'ensemble des résultats.
aux préoccupations des collectivités,
des entreprises et des autorités.
AWAST, à l'échelle des départements
C’est ce que nous vous proposons de
La loi a confié aux Conseils généraux la responsabilité
des « PLans départementaux d'élimination des déchets
ménagers et assimilés ». Ceux-ci fixent non seulement
des objectifs de recyclage et de valorisation, mais
définissent le mode d'organisation de la collecte, les
équipements requis, les investissements, selon un
programme pluriannuel.
Dans le cadre du Plan départemental des Bouches-duRhône, le BRGM a engagé une vaste étude au moyen
d'AWAST. À partir des données respectives d'une vingtaine d'EPCI (établissements publics de coopération
intercommunale) gestionnaires de déchets, un état
des lieux doit être réalisé avec AWAST, suivi de simulations de divers scénarios départementaux.
La finalité est une mise en œuvre optimisée des grandes
orientations du Plan, qui vise notamment à minimiser
la quantité de matières organiques en décharges, à développer le recyclage et à limiter la quantité de certains
types de déchets.
découvrir au fil des pages de ce numéro
spécial.
Awast, simuler
pour mieux gérer
les déchets.
Minéralogie : micro-cartographie - Mâchefer
Incinération d’ordures ménagères (MIOM).
« Notre objectif, explique Jacques Villeneuve,
coordinateur du projet, était de mettre au point
un outil de simulation des différentes filières de
gestion des déchets, en modélisant et en intégrant
l'ensemble des paramètres et des étapes, et ce à
différentes échelles, afin de mesurer les incidences
socio-économiques, environnementales, techniques,
de tel ou tel scénario. »
L'outil vise à aider les collectivités dans leurs
décisions, en leur permettant d'objectiver les
conséquences de tel ou tel choix organisationnel
(ex : régie directe, sous-traitance, gestion
autonome ou intercommunale…) ou technologique
(ex : compostage, incinération…).
« AWAST, poursuit Jacques Villeneuve, a trouvé
un premier débouché avec le SICTOM de
l'agglomération parisienne. Nous réalisons
actuellement pour cet établissement public, des
scénarios d'évolution de la gestion des déchets
sur une zone de plus d'un million de personnes. »
AWAST a bien entendu vocation à être largement
diffusé. « Nous réfléchissons, explique J. Villeneuve,
au meilleur moyen d'en généraliser l'utilisation.
L'objectif est, à terme, de fournir un outil gérable
de manière autonome. » Pour l'heure, une
présentation est accessible sur l'internet :
http://awast.brgm.fr .
Un guide méthodologique
Le BRGM s'est récemment engagé dans une
démarche complémentaire : le projet européen
HOLIWAST (6e PCRD)*.
Ce programme sur deux ans intégrera un état des
connaissances sur les politiques déchets ; un bilan
coût-efficacité des technologies de traitement
des déchets actuelles et émergentes ; des mesures
d'efficacité des systèmes en place, via AWAST et
une synthèse coûts-bénéfices ; des mesures
d'impact socio-économiques des différents
modes de gestion (en terme d'emploi, de risque,
d'environnement…).
« Nous souhaitons, indique J. Villeneuve, en prenant
en compte les différentes composantes qui entrent
en jeu dans l'élaboration d'une politique de gestion
des déchets, établir un véritable guide méthodologique à l'attention des décideurs. »
* Programme cadre de recherche et de développement de
l'Union européenne
Simulation…
Migration de sulfates à 30 ans.
Traitement…
Sables de fonderie.
Valorisation
© BRGM im@gé
défi lancé à notre société.
Caractérisation…
© BRGM im@gé
est aujourd’hui un véritable
Un outil de simulation, pour
optimiser la gestion des déchets
© BRGM im@gé
par les ménages ou l’industrie
© SOCCOIM ONYX
croissants de déchets produits
L’offre BRGM
dans les déchets
awast
© BRGM im@gé
La gestion des volumes toujours
En images
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Utilisation de déchets de verre en
ciment pour la stabilisation des sols.
Contact : [email protected]
1
usines d’incinération d’ordures ménagères
Un guide de réhabilitation des sites
Une démarche globale
D’une cinquantaine de pages, le Guide réalisé
par le BRGM sera disponible en 2005*.
« La démarche que nous préconisons, poursuit
P. Piantone, repose sur plusieurs étapes, du
diagnostic jusqu’au suivi après remise en état. Elle
s’appuie sur une phase préalable d’étude historique
et d’état des lieux, à partir de la collecte et de
l’analyse des documents existants sur le fonctionnement de l’installation, des dossiers d’instruction
de l’autorisation d’exploiter et de diverses données
sur le site. Elle doit permettre de mettre en évidence
les sources potentielles de pollution, et de préciser
les filières d’évacuation des différents matériaux. »
Cette étape franchie, une analyse d’impact est
nécessaire, pour mesurer l’influence du site sur
l’environnement, en particulier les eaux de surface
et souterraines – vecteurs (et victimes) des
Petit incinérateur
d'ordures ménagères.
Site à réhabiliter.
Décharge sauvage
en pleine nature dans
le Gard, à Tornac.
décharges non-autorisées
De la fermeture
à la résorption, un outil : Eldorado
S
upprimer et réhabiliter les décharges communales d'ordures ménagères… Une loi de 1992 en avait fixé
le terme aux communes (et à leurs syndicats de déchets) gestionnaires : le 1er juillet 2002.
Cet objectif est loin d'avoir été atteint. La Commission Européenne, qui rappelait récemment la France
à ses obligations, estime à environ 8 500 le nombre de sites non encore fermés et/ou réhabilités…
Le BRGM a développé un outil informatique pour aider les collectivités en la matière : Eldorado, ou « État des
lieux et diagnostics pour la remise en état des décharges d'ordures ménagères et assimilées. »
« Eldorado, explique Céline Nowak, du BRGM, permet tout à la fois de réaliser un
diagnostic de la décharge et de définir un cahier des charges de résorption. »
Le programme s'appuie sur une méthodologie mise au point par l'ADEME (Agence
de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), qui permet de mesurer l'impact
potentiel d'une décharge sur l'environnement en croisant diverses données (notamment
l'âge, la composition et la quantité de déchets ; le contexte géologique et hydrogéologique) et, à partir de cette évaluation des risques, de proposer un scénario de
résorption. Lancée dans les Pyrénées-Orientales, la démarche d'élaboration
d'Eldorado s'est poursuivie en 1999 avec le cas du Puy-de-Dôme. Depuis lors, l'outil
Eldorado,
est utilisé dans plusieurs départements. « Depuis sa mise à disposition, Eldorado a suscité de
un outil
nombreux retours d'expérience, poursuit C. Nowak. Nous avons donc développé une version 2004 qui
au service
permet d'intégrer de nouvelles données utiles notamment en matière de suivi des eaux souterraines
des collectivités.
et des travaux, de financement, de paramètres environnementaux… »
Fonctionnant sous Access, Eldorado est téléchargeable gratuitement sur internet : www.brgm.fr/eldorado/eldorado.htm
Contact : [email protected]
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pollutions –, et les sols.
« Ce travail accompli, explique
P. Piantone, il devient possible
d’établir un cahier des charges
de remise en état, en tenant
compte, bien sûr, des impacts
potentiels sur l’environnement et des usages futurs
du site. » Rien de systématique en la matière.
Ainsi, par exemple, sous
certaines conditions
(reprofilage, végétalisation, maîtrise des
infiltrations…) il est possible – voire conseillé –
de conserver sur site les stocks de déchets.
« La démarche doit évidemment être adaptée
aux situations locales, conclut P. Piantone. Mais
l’intérêt de ce guide est qu’il prend en compte
toutes les dimensions du problème, et propose
un processus global. »
* Téléchargeable à partir de janvier 2005 depuis :
http://www.ecologie.gouv.fr
et http://www.fasp.info
Contact : [email protected]
Guide de remise
en état de sites
d’usines
d’incinération
d’ordures
ménagères.
étanchéité minérale
La tierce expertise du BRGM
en matière « d'équivalence »
Les sites de stockage de déchets (ménagers ou assimilés, ultimes…)
doivent être confinés. L'objectif est de protéger les ressources en eau
en empêchant – à tout le moins en ralentissant au maximum –,
le processus de migration dans l'environnement des polluants organiques
ou inorganiques (métaux lourds…) que ces déchets contiennent.
Pour ce faire, les casiers de stockages doivent être équipés de barrières
étanches répondant à des critères précis d'épaisseur et de perméabilité
pour freiner l'infiltration des lixiviats*
(eaux de percolation) dans le sous-sol.
Lorsque les conditions géologiques d'un
site ne répondent pas à cette exigence
(présence naturelle d'argile, ou argile
rapportée) les opérateurs peuvent
installer des barrières « alternatives ».
Encore faut-il que ces barrières aient des
performances équivalentes (étanchéité,
durabilité…) à celles des barrières
minérales naturelles.
Le BRGM réalise des missions de tierceexpertise pour aider l'administration
(inspection des installations classées)
dans l'instruction des dossiers
d'équivalence lors de l'ouverture ou de
l'extension d'un site de stockage.
La démarche s'appuie sur une analyse du
contexte géologique et hydrogéologique,
le recensement des ouvrages pouvant
être affectés par l'installation (puits…) et,
via la modélisation, sur l'incidence de
la barrière alternative sur l'impact du
stockage vis à vis des eaux souterraines.
Le BRGM produit ainsi une analyse
critique du dossier au regard de la
réglementation, en mettant en évidence
les points de conformité et de nonconformité ainsi que les incertitudes.
* voir également articles Lixar et Limule
Animation de migration
de sulfates.
© BRGM im@gé
© BRGM im@gé - F. MICHEL
largement adoptée depuis la fin des
années soixante-dix, n’est pas sans
conséquences, notamment environnementales. En vingt ans, une réglementation de
plus en plus sévère est venue encadrer les pratiques,
suscitant d’importants travaux de mise aux normes
ou la fermeture pure et simple de certaines unités.
Sur les trois cents incinérateurs de toute
taille fonctionnant en 1998, un peu plus de cent
soixante-dix ont ainsi été arrêtés, dont il
convient désormais de gérer le démantèlement.
« Les questions posées par la remise en état de tels
sites, explique Patrice Piantone, du BRGM, sont
souvent similaires. Elles portent à la fois sur le
devenir des résidus
d’incinération, présents
en grande quantité près
de la plupart des unités
d’incinération, et sur
le démantèlement des
bâtiments eux-mêmes.
C’est pourquoi le ministère
de l’Écologie et du
développement durable
a souhaité faire réaliser
un guide qui définisse
les grands axes
d’intervention à retenir
et donne aux acteurs
concernés, exploitants,
administrations et
riverains, les informations et préconisations
méthodologiques utiles. »
Trois ans ont été nécessaires au BRGM pour
mener ce travail à terme. Quatorze sites ont été
sélectionnés en France, avec l’aide des Directions
régionales de l’industrie, de la recherche et de
l’environnement concernées (inspection des
installations classées). L’analyse des données de
localisation, de contexte géologique et géomorphologique, contexte administratif et juridique,
historique du site, organisation, technologie mise
en œuvre, gestion des déchets… les concernant,
a permis d’identifier les enjeux essentiels d’une
remise en état.
© BRGM im@gé - D. NGUYEN
L
incinération des ordures ménagères,
’ alternative à la mise en décharge
© BRG
M im@
gé
Obsolètes, hors normes, inadaptées… de nombreuses usines d’incinération d’ordures ménagères sont aujourd’hui
fermées. Pour permettre la réhabilitation de ces sites dans de bonnes conditions, le BRGM, en collaboration
avec le ministère de l'Écologie et du Développement Durable, vient de réaliser un guide à l’usage des opérateurs
techniques.
géorama
Le journal d’information du BRGM
© BRGM im@gé
devenir des déchets minéraux
La caractérisation,
un préalable indispensable
Pour déterminer la filière de traitement (stockage ou valorisation) la plus appropriée
pour un déchet minéral, il convient d’abord de le caractériser. Une démarche à la
croisée de plusieurs disciplines (minéralogie, chimie, géochimie, physique,
modélisation…) qui doit permettre de mieux connaître le déchet et d’évaluer son
comportement à long terme.
Pose d’un
géosynthétique
bentonitique.
confinement des déchets
Quelles performances
pour les barrières
minérales ?
Micro-cartographie élémentaire à la sonde électronique.
Carte de répartition relative traitée en fausses couleurs (Al, Ca, Zn,
Si, Mg) - Me : Mélilite - Wo : Wallastonite - Ve : verre de fusion
commune », pour en tirer un maximum
d’enseignements.
En ligne de mire, un objectif : écarter des décharges
(la plus mauvaise solution, économiquement et
écologiquement) de plus en plus de déchets
minéraux, en leur offrant un débouché pertinent.
La caractérisation est un outil privilégié de cette
ambition. Si elle permet, en prévoyant le comportement d’un déchet, de lui trouver la meilleure
filière (éventuelle) de valorisation, elle aide
également, par les connaissances qu’elle apporte,
à franchir une autre étape : la mise au point de
procédés visant à modifier la nature du déchet, à
fixer certains de ses composants (pour empêcher
leur transfert dans le milieu)… bref, à rechercher
les moyens d'en faire une matière première
secondaire ayant une valeur économique.
* contact statique ou dynamique entre l'eau et le déchet ayant
pour objectif la mise en solution d'éléments (essai en réacteur
ou percolation)
Contact : [email protected]
Une démarche globale novatrice
Cette combinaison de connaissances et de savoirfaire scientifiques divers pour caractériser les
déchets est une démarche globale novatrice,
« une mise en musique, de manière logique,
de plusieurs disciplines au service d’une finalité
Limule : Colonne de
lixiviation de déchets
en grandeur réelle.
La réglementation l'exige : les sites de stockage de déchets ménagers
ou assimilés doivent être équipés de barrières minérales* afin de
limiter, d'une part, les infiltrations d'eau au sein des déchets et,
d'autre part, les relargages de polluants dans l'environnement,
susceptibles de polluer les eaux souterraines.
Lorsque la géologie locale ne permet pas d'installer des barrières
naturelles (l'argile est le matériau qui s'y prête le mieux), des
matériaux alternatifs peuvent être utilisés. C'est le cas des géosynthétiques bentonitiques (GSB), constitués de poudre de bentonite
sodique (variété d'argile) – contenue entre deux couches de
géotextile – qui gonfle au contact de l'eau et devient imperméable.
Mais comment ces matériaux sont-ils susceptibles d'évoluer dans le
temps lorsqu'ils sont confrontés à des « jus de décharge » (lixiviats) ?
C'est l'objet du projet Lixar (Interactions Lixiviats-Argiles), lancé en
2002 par le BRGM en collaboration avec le Cemagref et l'Insa-Lyon,
et avec le soutien de l'ADEME.
Il s'agissait de mettre en contact différents types de GSB avec
différents types de fluides (dont des lixiviats) afin d'étudier leur
évolution chimique et mécanique et leurs performances d'étanchéité
au fil du temps.
L'étude, qui se poursuit, a permis de préciser les conditions d'utilisation
de ces matériaux pour des applications de confinement de déchets.
Elle permettra, à terme, de donner des critères de choix aux opérateurs
en fonction de l'usage de tel ou tel type de GSB.
* voir aussi le texte Étanchéité minérale
Contact : [email protected]
résidus de procédés thermiques et environnement
Simulation d'impact, à différentes échelles
L
imule, pour « Lixiviation multiéchelles » : tel est le nom d'un
projet initié par le BRGM avec
plusieurs partenaires* et dont l'objectif
est d'étudier, à trois échelles différentes,
le comportement à la lixiviation d'un
résidu d'incinération d'ordures ménagères.
Les résidus d’incinération sont en effet
parfois utilisés comme matériau (en
© BRGM im@gé
La minéralogie, pivot de la démarche
« Pour évaluer le comportement des déchets
minéraux, on a tendance à privilégier les essais de
lixiviation*, explique Patrice Piantone, chercheur
au BRGM, car ils montrent de manière assez
évidente la susceptibilité du déchet à relarguer dans
le milieu – et en fonction de la nature de celui-ci –
les substances polluantes dont il est porteur. Ces
travaux sont utiles, mais ils ne rendent compte que
des conditions de l’essai, et sont à ce titre
difficilement transposables aux conditions réelles
du milieu.
C’est pourquoi le pivot de notre démarche
d’évaluation et de prévision est aujourd’hui la
minéralogie, domaine traditionnel d’expertise du
BRGM qui trouve une application naturelle avec
les déchets minéraux. »
La minéralogie constitue en effet un stade
primordial. En amont du processus d’évaluation,
elle sert à établir (combinée avec de la chimie du
solide) une spéciation du déchet, autrement dit
à définir la nature des phases minérales qui le
constituent, et à localiser les éléments
potentiellement polluants qu’il recèle (exemple,
des métaux lourds).
Ces enseignements permettent une première
approche de la réactivité du déchet, avant la mise
en œuvre éventuelle d’autres niveaux d’investigation (divers essais de laboratoire ou in situ), de
simulation (modélisation numérique des processus de lessivage d’un polluant, par exemple, grâce
à l’intégration dans le modèle de l’ensemble des
données recueillies, notamment minéralogiques).
« L’autre intérêt de la minéralogie, poursuit
P. Piantone, est qu’elle nous sert à établir une
typologie des déchets minéraux, et donc à définir
des familles ayant des caractéristiques minérales
et des comportements proches.
Nous mettons réellement en application, ce faisant,
toute notre expérience et nos connaissances des
sciences de la terre. »
© BRGM im@gé
R
ésidus de traitement thermique
(mâchefers ou résidus de fumées
d’incinération d’ordures ménagères,
scories de hauts-fourneaux…), boues
issues du traitement des métaux,
résidus de production du bicarbonate… la famille
des déchets minéraux est vaste.
Mais les mêmes questions se posent pour l’avenir
de tous ces produits potentiellement polluants :
quel scénario de stockage ou de valorisation
mettre en œuvre pour assurer une sécurité
environnementale à long terme ?
D’où l’importance d’une démarche préalable
de caractérisation pour, d’une part, appréhender
et décrire précisément les caractéristiques
intrinsèques du déchet et, d’autre part, évaluer
son comportement lorsqu’il est soumis à des
agressions physico-chimiques ou biologiques
diverses.
technique routière, notamment), ce qui
impose de connaître leur impact
potentiel sur l'environnement ; en clair,
de savoir comment et pendant
combien de temps les polluants qu'ils
contiennent (métaux lourds) seront
émis dans le milieu lorsqu'ils seront
soumis à l'action de l'eau.
« Cette analyse du comportement à la
lixiviation est très difficile à réaliser in
situ, explique D. Guyonnet, responsable
de l'unité déchets et stockage du
BRGM. C'est pourquoi l'on recourt à des
essais de laboratoire, sur des déchets
préalablement caractérisés (voir article
ci-dessus). Mais quelle signification
accorder aux résultats obtenus alors que
l'échelle de mise en œuvre est très
différente des conditions réelles et que la
vitesse de percolation de l'eau au sein du
déchet l'est aussi ? »
D'où l'idée de Limule, et d'une étude
simultané à trois échelles, jusqu'en juin
2005 : le laboratoire (essai normalisé
sur une colonne de déchets de 30 cm) ;
des casiers lysimétriques (cuves de
déchets de 2 m x 2 m x 1 m) ; une grande
colonne de percolation (5 m x 5 m).
Le suivi des eaux (lixiviats) issues de ces
trois types d'essais sera riche d'enseignements. « Elles vont nous permettre,
poursuit D. Guyonnet, de mesurer
l'influence de l'échelle d'observation sur
les émissions de polluant, l'objectif étant
de pouvoir extrapoler ces résultats pour
évaluer le comportement des déchets
en vraie grandeur. » Autrement dit la
quantité et la durée des émissions
dans l'environnement, afin de mesurer
la pertinence de tel ou tel mode de
gestion du déchet au regard de son
impact environnemental.
* Insa-Lyon, EEDEMS, à Lyon, Ademe et Région
Centre
Contact : [email protected]
Décembre 2004_N°14
3
© SOCCOIM ONYX
Analyse
de lixiviat.
dépollution des sables de fonderie
Bactéries contre phénol
Comment ramener la teneur en phénol des sables de fonderie à un niveau qui
permette leur valorisation ? C’est tout l’enjeu du procédé Biophon, breveté par
le BRGM et aujourd’hui opérationnel sur l’unité de traitement de la société
Soccoim-Onyx à Chaingy, dans le Loiret.
30 000 tonnes chaque année
Sur son site de Chaingy, dans le Loiret, la société
Soccoim-Onyx, spécialisée dans le stockage des
déchets, reçoit chaque année 30 000 tonnes de
sables de fonderie. Soucieuse de valoriser ce
matériau en trouvant une solution pour ramener
sa teneur en phénol en dessous de 1 mg/kg,
elle a fait appel en 1998 au BRGM pour la mise
au point du procédé, et à Antea pour assurer
l’ingénierie de l’opération.
« Après une phase de mise au point, le procédé est
opérationnel depuis 2001, explique Patrick
d’Hugues, chef de projet. Les moules usagés sont
traités chez Onyx sur une plate-forme de
17 000 m2, entre mai et octobre, pour des raisons
de température ambiante. Préalablement broyés
(65 tonnes/heure), ils sont mis en tas d’environ
5 000 tonnes, qui sont alors ensemencés avec
notre solution microbienne. Il faut environ
trois semaines pour ramener les 5 000 tonnes
de sable à un niveau acceptable de phénol
pour une réutilisation. »
Une logistique importante a dû être élaborée :
stockage et broyage des moules ; culture industrielle des bactéries dans un bassin spécifique de
200 m3 et mise au point des nutriments appropriés ; gestion du cycle d’arrosage des tas et de la
circulation en circuit fermé du fluide bactérien…
« Il reste du travail, précise P. d’Hugues, et des
détails techniques sont à améliorer. Mais le
procédé a fait la démonstration de son efficacité
à l’échelle industrielle. Le BRGM souhaite
maintenant aller plus loin, et notamment adapter
le processus à d’autres types de gisements. »
Contact : [email protected]
Plateforme de
traitement des sables
de fonderie à Chaingy,
dans le Loiret.
© BRGM im@gé
Des micro-organismes adaptés
En fonderie, les moules qui servent à fabriquer
des pièces métalliques sont constitués de sables
et de liants organiques dont les plus répandus
sont des résines phénoliques.
Leur élimination après utilisation est régie par
des règles très strictes. Si leur teneur en phénol
est inférieure à 1 mg/kg de matière sèche,
les sables peuvent être recyclés en terrassement
(remblais). Ils doivent, sinon, être stockés
en décharge de déchets dangereux, ou traités
thermiquement, solutions très coûteuses.
« Nous avons commencé à nous intéresser aux
sables de fonderie en 1995, à la demande de
Renault, explique Marie-Christine Dictor, microbiologiste au BRGM. L’objectif était alors un recyclage
en interne, visant à fabriquer de nouveaux moules
à partir de moules usagés. Cette démarche n’a
pas abouti, le sable obtenu après traitement
n’étant pas approprié. Mais elle nous a permis de
sélectionner un « consortium microbien » (deux
espèces de bactéries et une levure) dont nous
avons pu montrer l’efficacité pour décontaminer
des sables de fonderie. »
© SOCCOIM ONYX
A
chacun son prédateur ! Cette grande loi
du vivant a parfois des applications
inattendues. C’est en partant de ce
principe, en effet, que le BRGM, depuis
plus de quinze ans, développe des procédés
biologiques de dégradation ou de transformation
de certaines substances, ici du cyanure,
là de l’arsenic, ailleurs du chrome… en vue de
dépolluer un effluent, un matériau, un sol.
Et c’est ce même principe, fondé cette fois sur la
propriété de certaines bactéries à métaboliser
le phénol en l’utilisant comme source de carbone
et d’énergie, que le BRGM a exploité avec Biophon,
un procédé aujourd’hui breveté.
Particule hexagonale
de HDL dans un
refiom
Une technique
de « piégeage »
des polluants
© BRGM im@gé
REFIOM stabilisé.
Le portail des sites
et sols pollués
S
i, sous certaines conditions, les MIOM
(Mâchefers d'incinération d'ordures
ménagères) peuvent être valorisés
(notamment en sous-couches routières),
il n'en va pas de même des REFIOM (Résidus
d'épuration des fumées d'ordures ménagères).
Pour l'heure, la seule issue pour ces déchets est
une mise en Centre d’Enfouissement Spécialisé.
Celle-ci a cependant un préalable, que les différents
polluants qu'ils contiennent, essentiellement des
métaux lourds, très solubles et dangereux pour
l'environnement lorsqu’ils sont sous forme
de chlorures et de sulfates, soient « neutralisés »
avant stockage.
Il existe actuellement deux techniques : la solidification-stabilisation des REFIOM par enrobage
(grâce à des liants : ciments) ou la vitrification,
à très haute température. Deux procédés qui ne
sont pas sans inconvénient. Le premier augmente
fortement la quantité de déchets ; le second est
très coûteux du fait des températures et de la
technologie utilisées.
Le BRGM a donc engagé des recherches pour mettre
au point un procédé d'auto-stabilisation de ces
REFIOM, avec pour objectif de limiter la mobilité
www.fasp.info
Que dit la réglementation française sur les sites et sols
potentiellement pollués ou radio-contaminés ? Quels sont les
acteurs techniques et administratifs en la matière ? Quelles
méthodologies mettre en œuvre en termes de diagnostic des sites
des polluants en les piégeant dans des structures
minérales néoformés dans le déchet.
Le principe du procédé repose sur une maturation
des REFIOM en milieu alcalin et en phase aqueuse,
pour favoriser le développement d'hydroxydes
doubles lamellaires (HDL). Ces matériaux intègrent
dans leur structure les anions et cations toxiques
et limitent ainsi la mobilité des polluants.
Cette technique de prétraitement présente plusieurs avantages. Si elle ne dispense pas de solidifier ou de stabiliser thermiquement les REFIOM,
elle est susceptible de réduire considérablement
le coût de ces opérations (moins de liant dans le
premier cas, températures de stabilisation moins
élevées que lors d’une vitrification). Elle est en
outre applicable à d'autres déchets, telles les
boues de traitements alcalins.
Le procédé a fait l'objet d'un brevet, et le BRGM
vise désormais son développement industriel.
Contact : [email protected]
et d'évaluation des risques ?
Ces questions, et beaucoup d'autres, des administrations, des
collectivités, des bureaux d'études, des entreprises… se les posent
régulièrement. C'est pour eux que Fasp (Forum actualités sites
pollués) a été créé. Réalisé par le BRGM* pour le compte du ministère
de l'Écologie et du développement durable, www.fasp.info est
d'abord un portail internet consacré aux méthodologies de gestion
des sites, mais il recense également toutes les informations relatives
à cette problématique : textes légaux, acteurs techniques,
substances dangereuses, formation…
Il permet également d'accéder à de nombreux autres sites internet,
notamment les inventaires nationaux Basias et Basol (sites industriels),
Mimausa (mines d'uranium) et les sites des réseaux et organismes
internationaux similaires.
*En partenariat avec l'ADEME, l'Ineris et l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire.
EST UNE PUBLICATION DU BRGM, 3, AVENUE CLAUDE-GUILLEMIN - BP 6009 - 45060 ORLÉANS CEDEX 2. TÉL. : 02 38 64 37 84. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : GEOFFROY LEHIDEUX-VERNIMMEN. RÉDACTEUR
EN CHEF : PIERRE VASSAL. RÉDACTION : JEAN-JACQUES TALPIN. CONCEPTION GRAPHIQUE : VERBE. RÉALISATION : CONNEXITÉS. DÉCEMBRE 2004. - DÉPOT LÉGAL À PARUTION.
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