GESTION ET VALORISATION DES DÉCHETS
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GESTION ET VALORISATION DES DÉCHETS
géorama 14 Décembre 2004–No. GESTION ET VALORISATION DES DÉCHETS Comment limiter la production à la source ? Quelles stratégies d’élimination ou de valorisation mettre en œuvre pour réduire les impacts potentiels sur l’environnement tout en maîtrisant les coûts ? Comment gérer l’héritage du passé et quelles bonnes pratiques développer dans le futur ? Autant de questions qui relèvent d’enjeux à la fois scientifiques, techniques, socio-économiques, sanitaires, environnementaux… Depuis plusieurs années, en s’appuyant sur ses compétences en sciences de la terre – notamment la caractérisation et la valorisation des minéraux et des métaux –, le BRGM a développé une approche intégrée de la filière déchets. De la caractérisation du déchet lui-même – afin de connaître sa composition et son comportement futur –, jusqu’à la mise au point de procédés de dépollution, en passant par le développement d’outils d’aide à la décision et l’élaboration de procédés de valorisation ou de recyclage, le BRGM apporte des réponses concrètes Issu d'un programme de recherche européen piloté par le BRGM, AWAST est aujourd'hui un outil d'aide à la décision pour les collectivités gestionnaires de déchets. Il permet en effet de simuler différents scénarios de gestion et d'en mesurer les incidences technico-économiques, sociales et environnementales. kg par jour et par personne : c'était, il y a peu de temps encore, la quantité moyenne de déchets ménagers produits en France. On frise aujourd'hui 1,5 kg. Et demain ? La gestion des déchets est devenue un véritable enjeu de société, environnemental et économique. Les pays européens l'ont bien compris, adoptant des réglementations de plus en plus sévères pour limiter la production (ex : les emballages), réduire drastiquement la mise en décharge et favoriser au maximum le recyclage. Les collectivités gestionnaires (communes ou structures intercommunales), confrontées simultanément à l'augmentation des volumes et à ces contraintes légales, ont plus que jamais besoin d'outils d’aide à la décision et de capacités d’expertise. 1 En région parisienne Ayant associé onze organismes européens (et les villes d'Orléans, Stuttgart et Lisbonne), sous pilotage BRGM, le projet AWAST (Aid in the management and european comparison of a municipal solid waste treatment methods) est aujourd'hui finalisé. Un « cluster » européen Le projet AWAST (2001-2003) a été développé dans le cadre du volet « déchets » du 5e PCRD, qui en comptait cinq autres : LCA (analyse des cycles de vie des déchets), ORMA (optimisation des ressources sur une zone géographique donnée :un éco-parc industriel),PAYT (mise en place et efficacité du système « pay as you throw » – je génère du déchet,je paie),RELIEF (incidence environnementale des « achats verts »),SWA-Tool (harmonisation des méthodes de caractérisation des déchets en Europe). Ils sont aujourd'hui regroupés sur une plate-forme commune de communication, « The european urban waste management cluster project ». Un site internet, www.wastesolutions.org, permet d'accéder à l'ensemble des résultats. aux préoccupations des collectivités, des entreprises et des autorités. AWAST, à l'échelle des départements C’est ce que nous vous proposons de La loi a confié aux Conseils généraux la responsabilité des « PLans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés ». Ceux-ci fixent non seulement des objectifs de recyclage et de valorisation, mais définissent le mode d'organisation de la collecte, les équipements requis, les investissements, selon un programme pluriannuel. Dans le cadre du Plan départemental des Bouches-duRhône, le BRGM a engagé une vaste étude au moyen d'AWAST. À partir des données respectives d'une vingtaine d'EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) gestionnaires de déchets, un état des lieux doit être réalisé avec AWAST, suivi de simulations de divers scénarios départementaux. La finalité est une mise en œuvre optimisée des grandes orientations du Plan, qui vise notamment à minimiser la quantité de matières organiques en décharges, à développer le recyclage et à limiter la quantité de certains types de déchets. découvrir au fil des pages de ce numéro spécial. Awast, simuler pour mieux gérer les déchets. Minéralogie : micro-cartographie - Mâchefer Incinération d’ordures ménagères (MIOM). « Notre objectif, explique Jacques Villeneuve, coordinateur du projet, était de mettre au point un outil de simulation des différentes filières de gestion des déchets, en modélisant et en intégrant l'ensemble des paramètres et des étapes, et ce à différentes échelles, afin de mesurer les incidences socio-économiques, environnementales, techniques, de tel ou tel scénario. » L'outil vise à aider les collectivités dans leurs décisions, en leur permettant d'objectiver les conséquences de tel ou tel choix organisationnel (ex : régie directe, sous-traitance, gestion autonome ou intercommunale…) ou technologique (ex : compostage, incinération…). « AWAST, poursuit Jacques Villeneuve, a trouvé un premier débouché avec le SICTOM de l'agglomération parisienne. Nous réalisons actuellement pour cet établissement public, des scénarios d'évolution de la gestion des déchets sur une zone de plus d'un million de personnes. » AWAST a bien entendu vocation à être largement diffusé. « Nous réfléchissons, explique J. Villeneuve, au meilleur moyen d'en généraliser l'utilisation. L'objectif est, à terme, de fournir un outil gérable de manière autonome. » Pour l'heure, une présentation est accessible sur l'internet : http://awast.brgm.fr . Un guide méthodologique Le BRGM s'est récemment engagé dans une démarche complémentaire : le projet européen HOLIWAST (6e PCRD)*. Ce programme sur deux ans intégrera un état des connaissances sur les politiques déchets ; un bilan coût-efficacité des technologies de traitement des déchets actuelles et émergentes ; des mesures d'efficacité des systèmes en place, via AWAST et une synthèse coûts-bénéfices ; des mesures d'impact socio-économiques des différents modes de gestion (en terme d'emploi, de risque, d'environnement…). « Nous souhaitons, indique J. Villeneuve, en prenant en compte les différentes composantes qui entrent en jeu dans l'élaboration d'une politique de gestion des déchets, établir un véritable guide méthodologique à l'attention des décideurs. » * Programme cadre de recherche et de développement de l'Union européenne Simulation… Migration de sulfates à 30 ans. Traitement… Sables de fonderie. Valorisation © BRGM im@gé défi lancé à notre société. Caractérisation… © BRGM im@gé est aujourd’hui un véritable Un outil de simulation, pour optimiser la gestion des déchets © BRGM im@gé par les ménages ou l’industrie © SOCCOIM ONYX croissants de déchets produits L’offre BRGM dans les déchets awast © BRGM im@gé La gestion des volumes toujours En images LL ee jj oo u u rr n n aa ll dd '' ii n n ff oo rr m m at at ii oo n n dd u u BB RR G GM M Utilisation de déchets de verre en ciment pour la stabilisation des sols. Contact : [email protected] 1 usines d’incinération d’ordures ménagères Un guide de réhabilitation des sites Une démarche globale D’une cinquantaine de pages, le Guide réalisé par le BRGM sera disponible en 2005*. « La démarche que nous préconisons, poursuit P. Piantone, repose sur plusieurs étapes, du diagnostic jusqu’au suivi après remise en état. Elle s’appuie sur une phase préalable d’étude historique et d’état des lieux, à partir de la collecte et de l’analyse des documents existants sur le fonctionnement de l’installation, des dossiers d’instruction de l’autorisation d’exploiter et de diverses données sur le site. Elle doit permettre de mettre en évidence les sources potentielles de pollution, et de préciser les filières d’évacuation des différents matériaux. » Cette étape franchie, une analyse d’impact est nécessaire, pour mesurer l’influence du site sur l’environnement, en particulier les eaux de surface et souterraines – vecteurs (et victimes) des Petit incinérateur d'ordures ménagères. Site à réhabiliter. Décharge sauvage en pleine nature dans le Gard, à Tornac. décharges non-autorisées De la fermeture à la résorption, un outil : Eldorado S upprimer et réhabiliter les décharges communales d'ordures ménagères… Une loi de 1992 en avait fixé le terme aux communes (et à leurs syndicats de déchets) gestionnaires : le 1er juillet 2002. Cet objectif est loin d'avoir été atteint. La Commission Européenne, qui rappelait récemment la France à ses obligations, estime à environ 8 500 le nombre de sites non encore fermés et/ou réhabilités… Le BRGM a développé un outil informatique pour aider les collectivités en la matière : Eldorado, ou « État des lieux et diagnostics pour la remise en état des décharges d'ordures ménagères et assimilées. » « Eldorado, explique Céline Nowak, du BRGM, permet tout à la fois de réaliser un diagnostic de la décharge et de définir un cahier des charges de résorption. » Le programme s'appuie sur une méthodologie mise au point par l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), qui permet de mesurer l'impact potentiel d'une décharge sur l'environnement en croisant diverses données (notamment l'âge, la composition et la quantité de déchets ; le contexte géologique et hydrogéologique) et, à partir de cette évaluation des risques, de proposer un scénario de résorption. Lancée dans les Pyrénées-Orientales, la démarche d'élaboration d'Eldorado s'est poursuivie en 1999 avec le cas du Puy-de-Dôme. Depuis lors, l'outil Eldorado, est utilisé dans plusieurs départements. « Depuis sa mise à disposition, Eldorado a suscité de un outil nombreux retours d'expérience, poursuit C. Nowak. Nous avons donc développé une version 2004 qui au service permet d'intégrer de nouvelles données utiles notamment en matière de suivi des eaux souterraines des collectivités. et des travaux, de financement, de paramètres environnementaux… » Fonctionnant sous Access, Eldorado est téléchargeable gratuitement sur internet : www.brgm.fr/eldorado/eldorado.htm Contact : [email protected] 2 pollutions –, et les sols. « Ce travail accompli, explique P. Piantone, il devient possible d’établir un cahier des charges de remise en état, en tenant compte, bien sûr, des impacts potentiels sur l’environnement et des usages futurs du site. » Rien de systématique en la matière. Ainsi, par exemple, sous certaines conditions (reprofilage, végétalisation, maîtrise des infiltrations…) il est possible – voire conseillé – de conserver sur site les stocks de déchets. « La démarche doit évidemment être adaptée aux situations locales, conclut P. Piantone. Mais l’intérêt de ce guide est qu’il prend en compte toutes les dimensions du problème, et propose un processus global. » * Téléchargeable à partir de janvier 2005 depuis : http://www.ecologie.gouv.fr et http://www.fasp.info Contact : [email protected] Guide de remise en état de sites d’usines d’incinération d’ordures ménagères. étanchéité minérale La tierce expertise du BRGM en matière « d'équivalence » Les sites de stockage de déchets (ménagers ou assimilés, ultimes…) doivent être confinés. L'objectif est de protéger les ressources en eau en empêchant – à tout le moins en ralentissant au maximum –, le processus de migration dans l'environnement des polluants organiques ou inorganiques (métaux lourds…) que ces déchets contiennent. Pour ce faire, les casiers de stockages doivent être équipés de barrières étanches répondant à des critères précis d'épaisseur et de perméabilité pour freiner l'infiltration des lixiviats* (eaux de percolation) dans le sous-sol. Lorsque les conditions géologiques d'un site ne répondent pas à cette exigence (présence naturelle d'argile, ou argile rapportée) les opérateurs peuvent installer des barrières « alternatives ». Encore faut-il que ces barrières aient des performances équivalentes (étanchéité, durabilité…) à celles des barrières minérales naturelles. Le BRGM réalise des missions de tierceexpertise pour aider l'administration (inspection des installations classées) dans l'instruction des dossiers d'équivalence lors de l'ouverture ou de l'extension d'un site de stockage. La démarche s'appuie sur une analyse du contexte géologique et hydrogéologique, le recensement des ouvrages pouvant être affectés par l'installation (puits…) et, via la modélisation, sur l'incidence de la barrière alternative sur l'impact du stockage vis à vis des eaux souterraines. Le BRGM produit ainsi une analyse critique du dossier au regard de la réglementation, en mettant en évidence les points de conformité et de nonconformité ainsi que les incertitudes. * voir également articles Lixar et Limule Animation de migration de sulfates. © BRGM im@gé © BRGM im@gé - F. MICHEL largement adoptée depuis la fin des années soixante-dix, n’est pas sans conséquences, notamment environnementales. En vingt ans, une réglementation de plus en plus sévère est venue encadrer les pratiques, suscitant d’importants travaux de mise aux normes ou la fermeture pure et simple de certaines unités. Sur les trois cents incinérateurs de toute taille fonctionnant en 1998, un peu plus de cent soixante-dix ont ainsi été arrêtés, dont il convient désormais de gérer le démantèlement. « Les questions posées par la remise en état de tels sites, explique Patrice Piantone, du BRGM, sont souvent similaires. Elles portent à la fois sur le devenir des résidus d’incinération, présents en grande quantité près de la plupart des unités d’incinération, et sur le démantèlement des bâtiments eux-mêmes. C’est pourquoi le ministère de l’Écologie et du développement durable a souhaité faire réaliser un guide qui définisse les grands axes d’intervention à retenir et donne aux acteurs concernés, exploitants, administrations et riverains, les informations et préconisations méthodologiques utiles. » Trois ans ont été nécessaires au BRGM pour mener ce travail à terme. Quatorze sites ont été sélectionnés en France, avec l’aide des Directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement concernées (inspection des installations classées). L’analyse des données de localisation, de contexte géologique et géomorphologique, contexte administratif et juridique, historique du site, organisation, technologie mise en œuvre, gestion des déchets… les concernant, a permis d’identifier les enjeux essentiels d’une remise en état. © BRGM im@gé - D. NGUYEN L incinération des ordures ménagères, ’ alternative à la mise en décharge © BRG M im@ gé Obsolètes, hors normes, inadaptées… de nombreuses usines d’incinération d’ordures ménagères sont aujourd’hui fermées. Pour permettre la réhabilitation de ces sites dans de bonnes conditions, le BRGM, en collaboration avec le ministère de l'Écologie et du Développement Durable, vient de réaliser un guide à l’usage des opérateurs techniques. géorama Le journal d’information du BRGM © BRGM im@gé devenir des déchets minéraux La caractérisation, un préalable indispensable Pour déterminer la filière de traitement (stockage ou valorisation) la plus appropriée pour un déchet minéral, il convient d’abord de le caractériser. Une démarche à la croisée de plusieurs disciplines (minéralogie, chimie, géochimie, physique, modélisation…) qui doit permettre de mieux connaître le déchet et d’évaluer son comportement à long terme. Pose d’un géosynthétique bentonitique. confinement des déchets Quelles performances pour les barrières minérales ? Micro-cartographie élémentaire à la sonde électronique. Carte de répartition relative traitée en fausses couleurs (Al, Ca, Zn, Si, Mg) - Me : Mélilite - Wo : Wallastonite - Ve : verre de fusion commune », pour en tirer un maximum d’enseignements. En ligne de mire, un objectif : écarter des décharges (la plus mauvaise solution, économiquement et écologiquement) de plus en plus de déchets minéraux, en leur offrant un débouché pertinent. La caractérisation est un outil privilégié de cette ambition. Si elle permet, en prévoyant le comportement d’un déchet, de lui trouver la meilleure filière (éventuelle) de valorisation, elle aide également, par les connaissances qu’elle apporte, à franchir une autre étape : la mise au point de procédés visant à modifier la nature du déchet, à fixer certains de ses composants (pour empêcher leur transfert dans le milieu)… bref, à rechercher les moyens d'en faire une matière première secondaire ayant une valeur économique. * contact statique ou dynamique entre l'eau et le déchet ayant pour objectif la mise en solution d'éléments (essai en réacteur ou percolation) Contact : [email protected] Une démarche globale novatrice Cette combinaison de connaissances et de savoirfaire scientifiques divers pour caractériser les déchets est une démarche globale novatrice, « une mise en musique, de manière logique, de plusieurs disciplines au service d’une finalité Limule : Colonne de lixiviation de déchets en grandeur réelle. La réglementation l'exige : les sites de stockage de déchets ménagers ou assimilés doivent être équipés de barrières minérales* afin de limiter, d'une part, les infiltrations d'eau au sein des déchets et, d'autre part, les relargages de polluants dans l'environnement, susceptibles de polluer les eaux souterraines. Lorsque la géologie locale ne permet pas d'installer des barrières naturelles (l'argile est le matériau qui s'y prête le mieux), des matériaux alternatifs peuvent être utilisés. C'est le cas des géosynthétiques bentonitiques (GSB), constitués de poudre de bentonite sodique (variété d'argile) – contenue entre deux couches de géotextile – qui gonfle au contact de l'eau et devient imperméable. Mais comment ces matériaux sont-ils susceptibles d'évoluer dans le temps lorsqu'ils sont confrontés à des « jus de décharge » (lixiviats) ? C'est l'objet du projet Lixar (Interactions Lixiviats-Argiles), lancé en 2002 par le BRGM en collaboration avec le Cemagref et l'Insa-Lyon, et avec le soutien de l'ADEME. Il s'agissait de mettre en contact différents types de GSB avec différents types de fluides (dont des lixiviats) afin d'étudier leur évolution chimique et mécanique et leurs performances d'étanchéité au fil du temps. L'étude, qui se poursuit, a permis de préciser les conditions d'utilisation de ces matériaux pour des applications de confinement de déchets. Elle permettra, à terme, de donner des critères de choix aux opérateurs en fonction de l'usage de tel ou tel type de GSB. * voir aussi le texte Étanchéité minérale Contact : [email protected] résidus de procédés thermiques et environnement Simulation d'impact, à différentes échelles L imule, pour « Lixiviation multiéchelles » : tel est le nom d'un projet initié par le BRGM avec plusieurs partenaires* et dont l'objectif est d'étudier, à trois échelles différentes, le comportement à la lixiviation d'un résidu d'incinération d'ordures ménagères. Les résidus d’incinération sont en effet parfois utilisés comme matériau (en © BRGM im@gé La minéralogie, pivot de la démarche « Pour évaluer le comportement des déchets minéraux, on a tendance à privilégier les essais de lixiviation*, explique Patrice Piantone, chercheur au BRGM, car ils montrent de manière assez évidente la susceptibilité du déchet à relarguer dans le milieu – et en fonction de la nature de celui-ci – les substances polluantes dont il est porteur. Ces travaux sont utiles, mais ils ne rendent compte que des conditions de l’essai, et sont à ce titre difficilement transposables aux conditions réelles du milieu. C’est pourquoi le pivot de notre démarche d’évaluation et de prévision est aujourd’hui la minéralogie, domaine traditionnel d’expertise du BRGM qui trouve une application naturelle avec les déchets minéraux. » La minéralogie constitue en effet un stade primordial. En amont du processus d’évaluation, elle sert à établir (combinée avec de la chimie du solide) une spéciation du déchet, autrement dit à définir la nature des phases minérales qui le constituent, et à localiser les éléments potentiellement polluants qu’il recèle (exemple, des métaux lourds). Ces enseignements permettent une première approche de la réactivité du déchet, avant la mise en œuvre éventuelle d’autres niveaux d’investigation (divers essais de laboratoire ou in situ), de simulation (modélisation numérique des processus de lessivage d’un polluant, par exemple, grâce à l’intégration dans le modèle de l’ensemble des données recueillies, notamment minéralogiques). « L’autre intérêt de la minéralogie, poursuit P. Piantone, est qu’elle nous sert à établir une typologie des déchets minéraux, et donc à définir des familles ayant des caractéristiques minérales et des comportements proches. Nous mettons réellement en application, ce faisant, toute notre expérience et nos connaissances des sciences de la terre. » © BRGM im@gé R ésidus de traitement thermique (mâchefers ou résidus de fumées d’incinération d’ordures ménagères, scories de hauts-fourneaux…), boues issues du traitement des métaux, résidus de production du bicarbonate… la famille des déchets minéraux est vaste. Mais les mêmes questions se posent pour l’avenir de tous ces produits potentiellement polluants : quel scénario de stockage ou de valorisation mettre en œuvre pour assurer une sécurité environnementale à long terme ? D’où l’importance d’une démarche préalable de caractérisation pour, d’une part, appréhender et décrire précisément les caractéristiques intrinsèques du déchet et, d’autre part, évaluer son comportement lorsqu’il est soumis à des agressions physico-chimiques ou biologiques diverses. technique routière, notamment), ce qui impose de connaître leur impact potentiel sur l'environnement ; en clair, de savoir comment et pendant combien de temps les polluants qu'ils contiennent (métaux lourds) seront émis dans le milieu lorsqu'ils seront soumis à l'action de l'eau. « Cette analyse du comportement à la lixiviation est très difficile à réaliser in situ, explique D. Guyonnet, responsable de l'unité déchets et stockage du BRGM. C'est pourquoi l'on recourt à des essais de laboratoire, sur des déchets préalablement caractérisés (voir article ci-dessus). Mais quelle signification accorder aux résultats obtenus alors que l'échelle de mise en œuvre est très différente des conditions réelles et que la vitesse de percolation de l'eau au sein du déchet l'est aussi ? » D'où l'idée de Limule, et d'une étude simultané à trois échelles, jusqu'en juin 2005 : le laboratoire (essai normalisé sur une colonne de déchets de 30 cm) ; des casiers lysimétriques (cuves de déchets de 2 m x 2 m x 1 m) ; une grande colonne de percolation (5 m x 5 m). Le suivi des eaux (lixiviats) issues de ces trois types d'essais sera riche d'enseignements. « Elles vont nous permettre, poursuit D. Guyonnet, de mesurer l'influence de l'échelle d'observation sur les émissions de polluant, l'objectif étant de pouvoir extrapoler ces résultats pour évaluer le comportement des déchets en vraie grandeur. » Autrement dit la quantité et la durée des émissions dans l'environnement, afin de mesurer la pertinence de tel ou tel mode de gestion du déchet au regard de son impact environnemental. * Insa-Lyon, EEDEMS, à Lyon, Ademe et Région Centre Contact : [email protected] Décembre 2004_N°14 3 © SOCCOIM ONYX Analyse de lixiviat. dépollution des sables de fonderie Bactéries contre phénol Comment ramener la teneur en phénol des sables de fonderie à un niveau qui permette leur valorisation ? C’est tout l’enjeu du procédé Biophon, breveté par le BRGM et aujourd’hui opérationnel sur l’unité de traitement de la société Soccoim-Onyx à Chaingy, dans le Loiret. 30 000 tonnes chaque année Sur son site de Chaingy, dans le Loiret, la société Soccoim-Onyx, spécialisée dans le stockage des déchets, reçoit chaque année 30 000 tonnes de sables de fonderie. Soucieuse de valoriser ce matériau en trouvant une solution pour ramener sa teneur en phénol en dessous de 1 mg/kg, elle a fait appel en 1998 au BRGM pour la mise au point du procédé, et à Antea pour assurer l’ingénierie de l’opération. « Après une phase de mise au point, le procédé est opérationnel depuis 2001, explique Patrick d’Hugues, chef de projet. Les moules usagés sont traités chez Onyx sur une plate-forme de 17 000 m2, entre mai et octobre, pour des raisons de température ambiante. Préalablement broyés (65 tonnes/heure), ils sont mis en tas d’environ 5 000 tonnes, qui sont alors ensemencés avec notre solution microbienne. Il faut environ trois semaines pour ramener les 5 000 tonnes de sable à un niveau acceptable de phénol pour une réutilisation. » Une logistique importante a dû être élaborée : stockage et broyage des moules ; culture industrielle des bactéries dans un bassin spécifique de 200 m3 et mise au point des nutriments appropriés ; gestion du cycle d’arrosage des tas et de la circulation en circuit fermé du fluide bactérien… « Il reste du travail, précise P. d’Hugues, et des détails techniques sont à améliorer. Mais le procédé a fait la démonstration de son efficacité à l’échelle industrielle. Le BRGM souhaite maintenant aller plus loin, et notamment adapter le processus à d’autres types de gisements. » Contact : [email protected] Plateforme de traitement des sables de fonderie à Chaingy, dans le Loiret. © BRGM im@gé Des micro-organismes adaptés En fonderie, les moules qui servent à fabriquer des pièces métalliques sont constitués de sables et de liants organiques dont les plus répandus sont des résines phénoliques. Leur élimination après utilisation est régie par des règles très strictes. Si leur teneur en phénol est inférieure à 1 mg/kg de matière sèche, les sables peuvent être recyclés en terrassement (remblais). Ils doivent, sinon, être stockés en décharge de déchets dangereux, ou traités thermiquement, solutions très coûteuses. « Nous avons commencé à nous intéresser aux sables de fonderie en 1995, à la demande de Renault, explique Marie-Christine Dictor, microbiologiste au BRGM. L’objectif était alors un recyclage en interne, visant à fabriquer de nouveaux moules à partir de moules usagés. Cette démarche n’a pas abouti, le sable obtenu après traitement n’étant pas approprié. Mais elle nous a permis de sélectionner un « consortium microbien » (deux espèces de bactéries et une levure) dont nous avons pu montrer l’efficacité pour décontaminer des sables de fonderie. » © SOCCOIM ONYX A chacun son prédateur ! Cette grande loi du vivant a parfois des applications inattendues. C’est en partant de ce principe, en effet, que le BRGM, depuis plus de quinze ans, développe des procédés biologiques de dégradation ou de transformation de certaines substances, ici du cyanure, là de l’arsenic, ailleurs du chrome… en vue de dépolluer un effluent, un matériau, un sol. Et c’est ce même principe, fondé cette fois sur la propriété de certaines bactéries à métaboliser le phénol en l’utilisant comme source de carbone et d’énergie, que le BRGM a exploité avec Biophon, un procédé aujourd’hui breveté. Particule hexagonale de HDL dans un refiom Une technique de « piégeage » des polluants © BRGM im@gé REFIOM stabilisé. Le portail des sites et sols pollués S i, sous certaines conditions, les MIOM (Mâchefers d'incinération d'ordures ménagères) peuvent être valorisés (notamment en sous-couches routières), il n'en va pas de même des REFIOM (Résidus d'épuration des fumées d'ordures ménagères). Pour l'heure, la seule issue pour ces déchets est une mise en Centre d’Enfouissement Spécialisé. Celle-ci a cependant un préalable, que les différents polluants qu'ils contiennent, essentiellement des métaux lourds, très solubles et dangereux pour l'environnement lorsqu’ils sont sous forme de chlorures et de sulfates, soient « neutralisés » avant stockage. Il existe actuellement deux techniques : la solidification-stabilisation des REFIOM par enrobage (grâce à des liants : ciments) ou la vitrification, à très haute température. Deux procédés qui ne sont pas sans inconvénient. Le premier augmente fortement la quantité de déchets ; le second est très coûteux du fait des températures et de la technologie utilisées. Le BRGM a donc engagé des recherches pour mettre au point un procédé d'auto-stabilisation de ces REFIOM, avec pour objectif de limiter la mobilité www.fasp.info Que dit la réglementation française sur les sites et sols potentiellement pollués ou radio-contaminés ? Quels sont les acteurs techniques et administratifs en la matière ? Quelles méthodologies mettre en œuvre en termes de diagnostic des sites des polluants en les piégeant dans des structures minérales néoformés dans le déchet. Le principe du procédé repose sur une maturation des REFIOM en milieu alcalin et en phase aqueuse, pour favoriser le développement d'hydroxydes doubles lamellaires (HDL). Ces matériaux intègrent dans leur structure les anions et cations toxiques et limitent ainsi la mobilité des polluants. Cette technique de prétraitement présente plusieurs avantages. Si elle ne dispense pas de solidifier ou de stabiliser thermiquement les REFIOM, elle est susceptible de réduire considérablement le coût de ces opérations (moins de liant dans le premier cas, températures de stabilisation moins élevées que lors d’une vitrification). Elle est en outre applicable à d'autres déchets, telles les boues de traitements alcalins. Le procédé a fait l'objet d'un brevet, et le BRGM vise désormais son développement industriel. Contact : [email protected] et d'évaluation des risques ? Ces questions, et beaucoup d'autres, des administrations, des collectivités, des bureaux d'études, des entreprises… se les posent régulièrement. C'est pour eux que Fasp (Forum actualités sites pollués) a été créé. Réalisé par le BRGM* pour le compte du ministère de l'Écologie et du développement durable, www.fasp.info est d'abord un portail internet consacré aux méthodologies de gestion des sites, mais il recense également toutes les informations relatives à cette problématique : textes légaux, acteurs techniques, substances dangereuses, formation… Il permet également d'accéder à de nombreux autres sites internet, notamment les inventaires nationaux Basias et Basol (sites industriels), Mimausa (mines d'uranium) et les sites des réseaux et organismes internationaux similaires. *En partenariat avec l'ADEME, l'Ineris et l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire. EST UNE PUBLICATION DU BRGM, 3, AVENUE CLAUDE-GUILLEMIN - BP 6009 - 45060 ORLÉANS CEDEX 2. TÉL. : 02 38 64 37 84. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : GEOFFROY LEHIDEUX-VERNIMMEN. RÉDACTEUR EN CHEF : PIERRE VASSAL. RÉDACTION : JEAN-JACQUES TALPIN. CONCEPTION GRAPHIQUE : VERBE. RÉALISATION : CONNEXITÉS. DÉCEMBRE 2004. - DÉPOT LÉGAL À PARUTION. 4