Débroussailleuses quadrupèdes Moutons et chèvres gagnent en

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Débroussailleuses quadrupèdes Moutons et chèvres gagnent en
Débroussailleuses quadrupèdes
Moutons et chèvres gagnent en popularité dans les régions où le débroussaillage est essentiel à la
protection contre le feu.
Par un beau matin d'avril, vers 6 h, l'équipe de Ken McWilliams est déjà au travail. Les branches
bruissent pendant que le groupe se disperse sur le coteau. On n'entend que le piétinement des sabots,
un bêlement de temps à autre et la mastication rapide des feuilles.
Depuis près de 30 ans, pour environ un dollar par tête par jour, le troupeau de 500 chèvres de
M. McWilliams broute à forfait les broussailles des collines de la côte est de la baie de San Francisco.
Ces « broussards » quadrupèdes sont les éléments clés d'un programme de lutte contre les incendies.
Depuis l'incendie catastrophique d'octobre 1991, qui a ravagé 650 hectares et détruit plus de 3 000
foyers à Oakland Hills, la demande de chèvres pour les programmes de coupe-feu a culminé.
Aujourd'hui, plus de 300 000 $ de contrats sont offerts chaque année par les trois principaux propriétaires
de terres publiques de la région : la ville d'Oakland, East Bay Municipal Utility District et East Bay
Regional Park District.
Lorsque les pluies printanières décroissent, quand l'herbe et les broussailles atteignent leur croissance
maximale, les chèvres viennent brouter les superficies d'interface entre les terres publiques sauvages et
broussailleuses et les propriétés privées. Elles dévorent l'herbage luxuriant avant que la chaleur sèche de
l'été californien ne le transforme en risque d'incendie.
Quand les chèvres ont terminé de brouter un flanc de coteau, la majeure partie de l'herbe et des
broussailles a été mangée ou piétinée, de sorte que si un incendie éclate, sa progression s'en trouve
ralentie.
Goats-R-Us. Environ 500 chèvres peuvent brouter un demi-hectare de terrain en friche par jour, pour
1 235 $ à 1 730 $ l'hectare. « C'est une méthode très populaire », affirme Terri Holleman, d'Orinda, en
Californie. Son équipe Goats-R-Us compte en moyenne 1 900 membres.
« Les gens ne veulent pas de brûlage dirigé, dit Mme Holleman, ni de débroussaillants chimiques. Les
équipes de travailleurs ne sont pas mal mais elles coûtent cher et les scies à chaîne sont bruyantes ».
D'aucuns font aussi remarquer que les chèvres ne sont pas syndiquées, ne se font pas payer de temps
supplémentaire et peuvent travailler sur des flancs de coteau trop abrupts pour des humains.
Martin Matarrese, surveillant des ressources des prairies-parcs pour la ville d'Oakland, confirme que le
coût d'une équipe de travailleurs pour débroussailler un seul hectare atteint 2 470$ à 4 940$.
Selon Ed Leong, responsable du programme de coupe-feu d'East Bay Regional Park District, qui couvre
environ 160 ha, le parc fait brouter environ 36 ha par an depuis le début du programme en 1984.
Les chèvres réduisent aussi les risques d'incendie dans les contreforts des montagnes de la Sierra
Nevada, dans le centre nord de la Californie. C'est là qu'An Peischel a installé son entreprise, Goats
Unlimited, en 1995.
Ses chèvres Kiko, race néo-zélandaise, font présentement à forfait le débroussaillage d'une pinède
ponderosa de 39 660 ha dans la forêt privée de SoperWheeler. Les espèces envahissantes visées
comprennent la ronce commune, la busserole manzanita, la symphorine, le cèdre à rayons, la bigelovie
puante et le sumac de l’Ouest.
Les moutons aussi. On emploie également des moutons pour réprimer la végétation. Dans l’Oregon, le
Washington et certaines parties du Canada, ils gagnent en popularité dans les plantations forestières car
ils offrent l’avantage particulier de pouvoir continuer de débroussailler dans des conditions où les
méthodes mécaniques présentent un trop grand risque d’incendie.
Selon Steven Sharrow, professeur en gestion des parcours à l’Université de l’Oregon, le pâturage peut
stimuler considérablement la croissance des conifères en réduisant la concurrence des mauvaises
herbes et des broussailles.
Le canadien Bruce Cochrane, de 150-Mile House, en C.-B., est l'un des pionniers de l'industrie du
broutement rémunéré. L’an dernier, ses moutons lui ont rapporté une recette brute de plus d'un quart de
million de dollars canadiens en broutant 650 ha de nouvelles épinettes en haute altitude, où la vergerette
du Canada posait un grave problème.
Monsieur Cochrane utilise environ 1 000 brebis taries, dont il loue un grand nombre auprès d'éleveurs de
l'Alberta pour environ 20 $ chacune. Il emploie des bergers de Nouvelle-Zélande et des chiens de berger
Huntaway. Des chiens de garde Akbasch de Roumanie protègent les moutons des loups, des ours et des
couguars.
D'après John Walker, scientifique anciennement de l'U.S.Sheep Experiment Station de Dubois, dans
l'Idaho, il existe d'excellents débouchés de pâturage pour les moutons.
Par exemple, le Bureau of Land Management des É.-U. dépense environ trois millions de dollars par an
pour maîtriser la végétation, tandis que le Forest Service en débourse quatre millions. Selon M. Walker,
les moutons pourraient aussi aider à lutter contre l'euphorbe qui, selon les estimations, infeste maintenant
607 000 ha.
Public Service of New Hampshire (PSNH) emploie des moutons dans le cadre d'un projet expérimental
de maîtrise de la végétation sous les lignes électriques.
La PSNH entretient plus de 10 000 ha de tracés et dépense environ 1,5 million de dollars par an en
gestion de la végétation. Elle utilise principalement des faucheuses mécaniques pour pulvériser les gros
arbres et des travailleurs pour dégager manuellement les tracés. Nombre d'entreprises de services ont
aussi recours aux herbicides.
Expérience. En 1998, la PSNH commença à chercher des solutions de rechange. Avec l'aide de Dick
Henry, de Bellwether Solutions à Concord, dans le New Hampshire, elle organisa un essai de pâturage.
Monsieur Henry réunit un troupeau de 500 moutons rambouillet pour brouter une bande de 20 km de
tracés pendant les cinq mois de l'été. La PSNH retint les services de deux professeurs de l'Université du
New Hampshire pour étudier les types de végétation consommés par les moutons et évaluer l'efficacité
du broutement comme moyen de lutter contre la végétation excessive dans les tracés.
Encouragée par le succès du projet pilote, la PSNH poursuivait l'expérience en 1999 et en 2000, en
doublant le troupeau à 1000 têtes chaque année. Au dire de M. Henry, l'objectif du projet est de convertir
de façon permanente en plantes basses la végétation des tracés, qui se compose de grandes plantes
ligneuses. Cela minimiserait la nécessité d'opérer des coupes mécaniques coûteuses.
Kuzu. L’an dernier, M. Henry a lancé une autre expérience, cette fois aux environs de Tallahassee, en
Floride. Ses moutons broutent le kuzu, plante rampante envahissante qui tue les arbres et court-circuite
les lignes électriques.
Les coûts estimatifs de la lutte mécanique et chimique contre le kuzu s'élèvent à des centaines de milliers
de dollars par an dans la région. Bellwether Solutions s'est engagée par contrat à faire brouter deux
parcelles d'essai de 16 ha au coût de 150 000$. Monsieur Henry voit ce projet comme un espoir pour
l'industrie ovine. Selon lui, si les moutons peuvent fournir des services de fauchage et de conversion des
terres en plus de la laine et de la viande, une toute nouvelle source de revenu s'offre aux éleveurs.
Source : Le Sillon - janvier 2001