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10 | 12 | 2014 n° 1276 15€ + d’infos sur www.intermedia.fr ISSN : 0249-1575 Marketing / communication / médias en rhône-alpes m a g a z i n e dossier Demain, la ville… s e c n a d n Te 2015 grand témoin « La signalétique multisensorielle permettra de mieux s’orienter » Ruedi Baur designer franco-suisse enquête Jeunes entrepreneurs : plus jamais sans mes coworkers Le poids grandissant de Rhône-Alpes dans l’innovation nationale © J. Chauche édito Par Julie Druguet Quelques raisons de MARSALA PANTONE 18-1438 Couleur de l’année Marketing / communication / médias en rhône-alpes Le Challenge 58, avenue Debourg 69007 Lyon Tél. 04 72 84 45 55 Fax : 04 37 57 54 96 Mail : [email protected] Éditeur : InterMédia Sarl au capital de 37 579 e. Siren : 325 694 909. Directeur de la publication : Jacques Simonet. Rédactrice en chef : Julie Druguet. Rédaction : Michel Texier, Maeva Melano, Jérémy Chauche, Yann Petiteaux, Stéphanie Borg. Service commercial : Pascal Leby et Étienne Mayaux. Agence photo : Alpaca (Lyon). Maquette : ProEdito (Paris). Mise en page & infographie : Frédéric Morel / mfredpao. Impression : Imprimerie Brailly (Saint-Genis-Laval). Dépôt légal : à parution. Abonnement : voir p. 41 ISSN : 0249-1575 CPPAP : 0518 I 83313 Parution trimestrielle Prix de l’abonnement : 285 € www.intermedia.fr www.facebook.com/ intermedia.fr passer aux actes en 2015 P longez dans notre spécial « Tendances 2015 ». Nous avons voulu aérer vos méninges en vous donnant à voir du neuf, de l’original, de l’innovant. Nous avons cherché les dernières tendances dans le marketing et la communication, mais aussi dans le digital, le graphisme, les médias... en espérant vous étonner. D’ailleurs, pour notre couverture, nous avons choisi le Marsala, une teinte « cordiale et élégante » élue couleur de l’année 2015 par Pantone Color Institute. Saviez-vous que les abribus d’Amsterdam permettent de surfer sur le bitume (p 24) ? Que les médias en ligne parient maintenant sur les enquêtes-fleuves (p 10) ? Que les robots s’imposent dans l’événementiel (p 38) ? Le Niel de l’optique. En nous les avocats de Facebook. Ce qui ne l’a pas ému outre mesure. Hardiesse des coworkers, ces travailleurs des temps modernes, qui parient sur l’entraide et le partage d’expérience pour faire progresser leurs entreprises. Nous sommes allés visiter ces espaces de travail collaboratif, qui ont poussé comme des champignons depuis trois ans (p 18). Ces lieux font figure de laboratoires du travail de demain. Aérons nos méninges ! Voici du neuf, de l’original, de l’innovant concentrant sur l’innovation, notre objectif était de proposer un numéro gonflé d’audace et de courage. Audace de notre Homme de l’année, Paul Morlet, tout juste 24 ans : cet autodidacte propose des lunettes de vue à moins de 10 € (p 6). Le jeune homme se rêve en Xavier Niel de l’optique. Audace de Quentin Lechémia, le créateur de Pornostagram (devenu Uplust), un réseau social de photos porno qui affiche un million de visites quotidiennes. Vous apprendrez p. 15 comment il a codé lui-même son site et comment il a dû composer avec Un phare dans la ville. Dans ce numéro, nous nous sommes attelés à un exercice de prospective autour de la ville de demain, la fameuse « smart city ». Il fallait bien un dossier entier pour cela (p 20). Création d’écoquartiers, développement de la mobilité... les villes ont déjà entamé une profonde transformation. Vous lirez quels trésors d’ingéniosité elles déploient pour amener leurs habitants à accompagner ce mouvement. Sinon, les villes sont-elles au bord de la saturation visuelle ? C’est la question que nous avons posée à un des phares de la planète graphique, Ruedi Baur. Ce globe-trotter franco-suisse a signé une impressionnante collection de chantiers, du Palais des Nations Unies de Genève au futur métro du Grand Paris. Il nous livre une analyse dense et fouillée. À déguster p 32. v n° 1276 I 10 décembre 2014 I InterMédia Magazine I 3 sommaire tendances 2015 repères 06. en têtes Paul Morlet se voit comme un Xavier Niel de l’optique 08. Gamebuino La console rétro Le tri des déchets est un enjeu de civilisation. Créé par la Métro, SuperTri est devenu un personnage de référence pour les Grenoblois. à 35 e séduit les nostalgeeks 10. entreprises 10. ANALYSE Marion Moreau « Avec les objets connectés les entreprises collectent des data enrichies ». 11. La galaxie de… Culture Next. Ruedi Baur, une des stars de la planète graphique, imagine quelle sera la signalétique de demain. Et revient sur le rôle du graphisme dans la ville ces dix dernières années. dossier demain, la ville 12. en suite L’IMAGE 2015 Des cabines d’essayage virtuelles. 14. Analyse Richard Vincent « Le crowdfunding c’est encore peanuts mais il pèsera 1 000 milliards de dollars en 2020 ». 15. IL l’a dit, IL l’a fait Quentin Léchémia « Je voulais un site où chacun pourrait publier ses photos porno ». 16. en chiffres Le poids grandissant de Rhône-Alpes dans l’innovation nationale 18. enquête Jeunes entrepreneurs : plus jamais sans mes coworkers Les espaces de coworking poussent comme des champignons depuis trois ans. Émergence d’une nouvelle façon de travailler ? Sans doute, mais aussi parfois grosse ficelle de marketing immobilier. 4 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 20. Il faudra bien convertir à la smart city les citadins En 2050, deux tiers des humains vivront dans une agglomération. Pour ne pas devenir invivables, les villes doivent se réinventer. Et faire changer les habitudes des citadins. Or ceux-ci n’en voient pas toujours l’utilité. 24 [ reportage ] Comment les marques investissent de plus en plus l’espace public. 26 [ focus ] Mobilité : un lent passage à l’acte. 28 [ analyse ] Transformer une ville est un gros enjeu de communication. 30 [ oui/non ] Des écrans vidéo un peu partout dans les rues en 2030 ? mots tendance BarCamp. Rencontre professionnelle informelle dont le contenu est fourni par les participants qui doivent tous apporter une contribution au cours d’ateliers participatifs. Crowd (-funding, -sourcing, -mining). Préfixe indiquant l’action de Les robots créent l’événement. Un incentive tristounet ? Animez-le avec ces bipèdes artificiels. Les robots événementiels séduisent les grands comptes et les agences. Et ce n’est pas de la science-fiction. Gamebuino, la console des nostalgeeks. Avec son design vintage, qui fait penser aux 1res Game Boy, elle a déjà séduit 1 500 amateurs. horizons 32. grand témoin Ruedi Baur « La signalétique de demain sera multisensorielle. » solliciter l’aide financière, intellectuelle, créative d’un groupe dans l’objectif de réaliser un projet. GAFA. Acronyme qui désigne les quatre entreprises mondiales qui dominent internet : Google, Apple, Facebook, Amazon. Hackathon. Événement où des développeurs se réunissent pour faire de la programmation informatique collaborative. MOOC : programme de cours magistraux en vidéo ouvert à tous les internautes (Massive Open Online Course). Nudge. Des incitations sans caractère obligatoire qui visent à rendre le comportement du consommateur plus vertueux. Pitch. Présentation synthétique du projet entrepreneurial d’une start-up pour convaincre un public (investisseurs, partenaires) de son potentiel. Smart city (fr : ville intelligente). 36. + et - Ville où les technologies numériques prennent une place importante pour améliorer les transports, l’énergie ou les rapports entre les citoyens. 40. Métiers Urbex. Pratique photographique qui consiste à pénétrer dans des friches industrielles et des bâtiments abandonnés (hôpitaux, châteaux, usines). 42. débloque-notes interactif sur le web. Au banc d’essai Le QR Code. 38. TOPS et FLOPS d’innovations récentes. L’émergence de formations au big data Des notes sur tout ce qui débloque. Webinar (fr : webinaire). Séminaire index Les principales entreprises citées 8e étage……8 A Blind Legend……8 Airdrone……16 Alain Milliat……12 Anatome……22, 26, 28 Annexe Numérique……18 Antidot……40 Ardi……16 Axiona……14 Being……20 Ben Agency……18 Blanchon……36 Branding the city……22 Business Camp……18 Buzz Web……19 Capsa……6 Clear Channel Play……12 Clubble……6 Col’inn……19 Co(m)pilote……19 Cowork in Grenoble……18, 19 Crédit Agricole Loire HauteLoire……36 Culture Next……11 Cybèle Arts……19 DigiSchool……12 Digital campus……40 Diplomatic-Cover……40 Dowino……8 Dronestagram……12 Dronesys……16 Ecoworking……18, 19 Elaee……40 EM Lyon……24, 38 ENS Lyon……40 Epicentre……19 ERDF……8 Ernst & Young……16 Escadrone……16 Esprit……22 Evotion……38 Exit……12 Fabulous……38 F&B Numeric……8 Gamebuino……8 Ginko……20 Giraudet……12 Grains de Sel……38 Grenoble École de Management……22, 30, 40 Grenoble INP……40 Ijsberg……8 Imaginove……19 In Medias Res……22 Ipsos……24 ISCPA……40 JCDecaux……25 Kolibree……10 La Cordée……18, 19 La Forge Collective……18, 19 La Mutinerie……19 L’Atelier des Médias……18, 19 Le Comptoir Etic……18, 19 Le Comptoir Numérique…18, 19 Le QG……18, 19 Le Square du Rhône……18 Les utopies urbaines……8 Le Troquet Numérique……18 Locaux Motiv’……18, 19 Lokaz……6 Lunettes Pour Tous……6 Lyon City Design……21 Lyon Smart Community……16 M3……22 Mission Part-Dieu……20, 21, 22 Mixeur……19 MMAP……22, 26, 28 Native Communications……21 Navia……21 Nova7……22 Place Publique……22 Prezmaker……6 Prismaflex……30 Prospective du Grand Lyon……20, 22 Prototypo……6 Search’XPR……6 Smart Electric Lyon……16 Strada Marketing……25 Sup de Pub……40 Tassag……38 Terra Publica……26, 28 Tilkee……12 Trafik……22 Tuba……21, 22 Uplust.com……15 ValGrine……12 Vidcoin……12 Web International School……40 We demain……22 Withings……10 WR&S……25 Xotelia……19 n° 1276 I 10 décembre 2014 I InterMédia Magazine I 5 BULLES DE MAILS MISE EN BOÎTE Anthony Bleton lance des containers. Seuls, accrochés ou empilés, utilisés comme stand, bureau, bar..., ils répondent à l’engouement des annonceurs pour le mobilier événementiel éphémère et design. Sa société, Capsa, a déjà œuvré pour Renault Trucks, le Sirha, GL Events, etc. BOÎTE À MALICES Thomas Pons arie sur p Focus sur ces professionnels de Rhône-Alpes qui ont un temps d’avance têtes l’homme de l’année le recul de PowerPoint. Le jeune homme est Paul Morlet, 24 ans, persuadé que le logiciel de présentation Prezi sera bientôt plus apprécié. Il a donc fondé Prezmaker en 2014 pour former agences et annonceurs à son utilisation. Premiers clients : Danone, La Poste et Feu Vert. dirige Lunettes Pour Tous (modèles à prix discount) et Lulu Frenchie (lunettes publicitaires). Lunettes Pour Tous. Création : 2013 Un magasin à Paris 35 salariés Investissement : 1 M€ CA : NC | Entre 180 et 250 paires vendues par jour. BOÎTE À LETTRES Yannick Mathey et Louis-Rémi Babé :la typo pour tous. Les deux Lyonnais ont développé Prototypo, une web app permettant d’éditer facilement des typographies en ligne. Ils ont levé 34 K£ sur Kickstarter sur 12 K£ attendues. Sortie prévue en février 2015. CAISSES Stéphane Blanchet innove dans la vente de voitures. Son site, Lokaz, met en relation vendeurs et acheteurs de voitures. Mais les transactions se finalisent ensuite offline, lors d’un rendez-vous hebdomadaire aux Puces du Canal (Lyon). Paul Morlet se voit comme un Xavier Niel de l’optique Bien vu. Des lunettes de vues à moins de 10€ : c’est sur cette promesse que Paul Morlet a créé Lunettes Pour Tous en début d’année. Un positionnement qui a très vite suscité l’attention des médias avec des reportages dans 100% mag, BFM, LCI, Capital... «Nous n’avons pas besoin de travailler avec une agence de RP, notre concept se suffit à lui-même», déclare ce jeune Lyonnais de 24 ans, qui avait déjà créé les lunettes publicitaires Lulu Frenchie en 2010. Ces dernières qui exhibent des visuels microperforés sur les verres génèrent 1 M€ de CA. Presqu’à l’œil. Le jeune entrepreneur revendique son profil autodidacte et sa pensée « hors cadre ». Il aime se comparer à Xavier Niel qui, sans formation, a bouleversé le marché de la téléphonie. Lui, avec son BEP d’électricien, il veut révolutionner l’optique. En mai 2014, il ouvre le premier magasin Lunettes Pour Tous, à Paris. 6 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 Chaque jour, il vend entre 180 et 250 paires à partir de 9,99€. Une sacrée performance quand on sait que le prix moyen chez un opticien traditionnel est de 350€. Visionnaire. Autre supériorité : ses lunettes sont fabriquées en 10 minutes. Contre 3h en moyenne chez ses confrères. Pour cela, Paul Morlet a dû investir 1 M€ en constituant un grand stock de composants achetés en Corée et en Chine (18 000 verres des corrections d’optiques les plus courantes en France et 34 montures). Sur le point de vente tout se passe sur iPad: les vendeurs enregistrent les informations du client nécessaires à la fabrication des lunettes. «Un logiciel édite un code-barres transmis à notre machine en sous-sol qui permet de produire 250 paires par jour», souligne le jeune PDG. En 2015, il prévoit d’ouvrir 20 boutiques en France. La seconde est prévue à Lyon au printemps. v MM ses clubbles en entreprise © J. Chauche Cédric Denoyel j oue la carte Pour Anthony Bleton, c’est clair : les réseaux sociaux d’entreprise ne se sont jamais imposés. Dans les grandes entreprises, le mail reste plébiscité pour travailler en équipe. Fort de ce constat, le président de l’agence Novius a réfléchi à un moyen d’enrichir les mails avec de nouvelles fonctionnalités, comme celles qu’on trouve sur les réseaux sociaux (le « like », le partage de contenus...). C’est ainsi qu’est né le logiciel Clubble (fusion de « clubs » et « bubbles »). Il est censé faciliter les échanges mail au sein d’un groupe de personnes (entreprise, association...) Aux États-Unis, Threadable, un concurrent potentiel, a tapé dans l’œil de Y Combinator (accélérateur qui a investi dans DropBox et AirBnB). D’ici janvier, Clubble devrait boucler sa 1re levée de fonds et créer une version bêta. v SÉRENDIPITÉ Jean-Luc Marini répond aux recherches inconscientes des internautes Dis-moi comment tu cliques, je te dirais qui tu es. Jean-Luc Marini en est persuadé : en traquant les signaux faibles émis par les internautes (mouvements de souris, clics, frappes...), on peut décrypter leurs émotions. Cet ancien des HP Labs passionné de sciences cognitives, a imaginé un algorithme qui se base sur ces émotions pour recommander des produits que les internautes n’auraient même pas l’idée de rechercher. Pour prolonger ces recherches, Jean-Luc Marini, qui est aussi professeur associé à l’IAE de Lyon, a lancé Search’XPR en 2013. La start-up a levé 2 M€ et compte déjà parmi ses clients Pecheur.com (groupe Décathlon), Decitre et Armand Thierry. v PAS BÊTE Un hôtel pour treprises les chats pacha. Après les hôtels pour chiens à New York et à Vincennes, le premier hôtel pour chats « Roomer » a ouvert à Lyon début 2014 dans le 7e arrondissement. Mignardise quotidienne, salle de sport, chambre climatisée, infirmerie.... TABLE(TTE)S Des menus i nteractifs. Bientôt des menus actualisés en temps réel sur tablette ? La start-up lyonnaise F&B Numeric est sur ce créneau prometteur. Elle propose de numériser la carte des vins des restaurants. Premiers clients : Elleixir, Le Mercière, le Café Français... IMMERSION Dowino conçoit un jeu d’action dans le noir. L’utilisa- teur d’A Blind Legend dispose seulement de sons pour se repérer et d’un écran tactile pour contrôler son héros. Un jeu pour les non-voyants, mais aussi les valides qui veulent faire une expérience inédite. CABANES Les utopies urbaines de Roger Tator. La galerie de design d’espace a installé une résidence d’artistes dans trois modules en bois de 18 m2 en plein Lyon. Chaque jour des milliers de Lyonnais passent devant cette « Factatory » posée sur un reliquat de chantier herbeux de la gare Jean-Macé. Coup de projecteur sur des innovations qui font l’actualité PUR JUS Des showrooms pour tester les smart grids ERDF veut aider les responsables locaux à se former aux innovations dans le domaine de l’énergie notamment les smart grids (réseaux intelligents). Pour cela, le gestionnaire du réseau d’électricité a opté pour un outil de communication bien concret : le showroom. L’entreprise peut ainsi présenter aux collectivités son nouveau système de distribution d’électricité intelligent. ERDF Rhône-Alpes Bourgogne en a ouvert un à Lyon il y a deux ans. Puis un 2e à Grenoble en novembre. « La région a été sélectionnée pour tester la fiabilité de nos compteurs Linky auprès de 190 000 clients d’ERDF. Ces compteurs sont “communicants” : ils peuvent être interrogés et actionnés à distance », explique Jacques Longuet, directeur d’ERDF en Rhône-Alpes Bourgogne. À l’aide de maquettes, cinq ingénieurs-chercheurs animent les showrooms. 71 interlocuteurs d’ERDF auprès des collectivités ont commencé à être formés pour les relayer. Un 3e showroom ouvrira en Bourgogne courant 2015. v KING SIZE Les médias en ligne jonglent avec les formats Selon les moments, les internautes peuvent avoir envie de formats différents et ne répugnent pas à lire des interviewsfleuves. C’est le constat de 8e étage et Ijsberg, deux sites d’infos lyonnais lancés en 2014. Consacrés à l’actualité internationale, ils font la part belle aux reportages, mais aussi à des brèves factuelles. « Nous voulons être un site évolutif, commente Florent Tamet, l’un des cofondateurs d’Ijsberg, avec plusieurs niveaux de lecture et des outils multiples : sons, vidéos, textes ». Son positionnement lui a valu le Prix de l’innovation en journalisme, décerné en décembre par Sciences Po Paris en partenariat avec Google. Maxime Lelong, cofondateur de 8e étage travaille actuellement au modèle économique du site. « Il y aura un socle gratuit, mais nos contenus “longs formats” seront payants ». v la surprise Gamebuino La console rétro à 35 € séduit les nostalgeeks Aurélien Rodot, (photo) 22 ans, passe ses week-ends... à assembler des consoles. Gamebuino, celle que cet étudiant a bricolée dans son garage en 2013, a séduit 1 500 amateurs de façon inattendue. Notamment des trentenaires, amusés par son design vintage semblable à celui des premières Game Boy. L’un des atouts de Gamebuino est son prix : 35 €. Mais surtout, elle est basée sur une technologie open source. Elle permet donc aux utilisateurs de programmer leurs propres jeux et de les échanger avec une communauté de « gamers ». Crowdfunding. Aurélien Rodot est le premier surpris par ce succès. Le jeune élève ingénieur de l’ENISE (SaintÉtienne) n’a aucun objectif de ventes pour Gamebuino. Pas plus que de stratégie de communication. Ce qui l’a fait connaître, c’est une campagne de financement 8 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 participatif via la plateforme Indiegogo. Il voulait lever 3 000 €, il en a finalement récolté 33 000. « Durant la campagne de crowdfunding, j’ai vendu 1 000 exemplaires de la console, et 500 supplémentaires depuis la création d’une boutique en ligne au mois d’octobre », souligne l’étudiant. Les médias ont sauté sur l’histoire de ce passionné de jeux vidéo et de bricolage. Aurélien Rodot a eu les honneurs de nombreux médias nationaux (dont le JT de M6). Entrepreneur. Au vu du succès de sa console, le jeune homme s’est créé un statut d’entrepreneur individuel. Mais la Gamebuino n’est pour lui « qu’un projet parmi tant d’autres ». L’étudiant mène de front sa 5e année à l’ENISE (spécialité génie sensoriel), un master en bio-ingénierie à l’École des Mines et un contrat pro dans le domaine de la recherche robotique. Il aimerait poursuivre avec un doctorat. v yp n° 1276 I 10 décembre 2014 I InterMédia Magazine I 9 treprises Marion Moreau est rédactrice en chef de FrenchWeb, un magazine en ligne dédié à l’innovation et aux start-up ” LA THÈSE Nombre d’entreprises se mettent à vendre des objets connectés. Un business à double détente puisqu’il permet en plus de collecter en retour des informations sur ses clients. Avec les objets connectés les entreprises collectent des data enrichies ” INTERMÉDIA. Les objets connectés sont-ils une mode ou une tendance de fond ? m.m. C’est clairement une tendance de fond. Les objets connectés se développent parallèlement à l’usage intensif des smartphones. D’ailleurs, les entreprises françaises sont très actives en matière d’objets connectés. Ainsi elles représentent 33 % des sociétés nominées aux prix du CES 2015 (Consumer Electronics Show). Cet événement, qui se tient à Las Vegas, est le plus grand salon high-tech du monde. Parmi les sociétés hexagonales en pointe, on peut citer Withings, avec sa balance et son bracelet connectés vendus dans les boutiques Apple, Parrot et ses drones. Ou encore Kolibree et sa brosse à dent connectée. 10 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 INTERMÉDIA. Pourquoi les entreprises conçoivent-elles des objets connectés ? m.m. Grâce aux objets connectés, les entreprises peuvent collecter des données beaucoup plus riches et plus précises sur leurs clients. Ce qui est inédit, ce n’est pas la récolte en ellemême. C’est plutôt le caractère enrichi de cette data. Par exemple, une marque qui vend une raquette connectée pourra savoir quelle est la fréquence d’utilisation de ce produit. En conséquence, elle pourra proposer à ses clients de changer de raquette au bon moment. Et ajuster ainsi sa stratégie commerciale et marketing. Les entreprises ont compris qu’elles pouvaient augmenter leurs revenus avec les data, qui sont perçues comme un Graal. INTERMÉDIA. Comment ces nouvelles données sont-elles traitées ? m.m. Aujourd’hui, tout l’enjeu pour les entreprises est de savoir attirer les talents capables d’analyser et de segmenter ces données, pour s’en servir le mieux possible. Ce sont des profils techniques particuliers, et non pas de simples informaticiens. L’autre question qui se pose est le devenir de ces données, qui ont un volume considérable. Pour l’instant, il y a peu de transparence, mais les entreprises devront, tôt ou tard, communiquer sur ce qu’elles en font. La question de l’accessibilité à ces données et de la possibilité de les modifier éventuellement va très rapidement se poser. v sb la galaxie de… Culture Next Virginie Sozzy Cédric Dujardin Anthony Fonteneau Julien Roche Cédric Denoyel Vincent Carry Delphine Sokanthong Vincent Carry a créé Culture Next en 2012. Pour animer un lieu culturel sans équivalent à Lyon Confluence : Le Sucre. Le fondateur des Nuits Sonores veut en faire un espace culturel et une vitrine technologique attirant des artistes, des chefs d’entreprise le jour, des night-clubbers la nuit. L e Sucre qui emploie 20 personnes (CA : 1,4 M€) est très couru des amateurs de musique électronique et organise des événements étonnants : soirées rollers, conférence sur le graphisme... C’est aussi un lieu d’événements corporate. Vincent Carry s’appuie sur une équipe principalement composée d’anciens des Nuits Sonores. Parfois bénévoles, très souvent en stage, confirmés par un emploi aidé quand c’est possible, ils Matthieu Lecan Laure Morelli ont tous suivi « un parcours républicain interne » selon la formule du président de Culture Next. Le DG Cédric Denoyel est aux commandes opérationnelles de la société depuis sa création. À ses côtés, Cédric Dujardin est chargé de la direction de l’exploitation du Sucre. Il s’appuie sur Clément Burgos, responsable logistique, et sur les producteurs Marin Cardoze et Célia Lamonica. Sans oublier Anthony Fonteneau, directeur technique et Virginie Sozzy, directrice administrative, une ancienne de l’Opéra de Lyon, assistée d’Édouard Lambert. Delphine Sokanthong est dédiée à l’accueil des entreprises – Le Sucre privatise son espace en début de semaine. Julien Roche, responsable de la communication et marketing, a rejoint l’équipe en juin 2014. Repéré à Toulouse lors de deux petites éditions des Nuits Sonores, il encadre Loïc Marszalek, webmaster et Matthieu Lecan, responsable des partenariats. Laure Morelli, ancienne responsable de la billetterie des Nuits Sonores, endosse la même fonction au Sucre. Un poste essentiel, car le système d’entrée repose uniquement sur des préventes en ligne. La DA et les RP sont déléguées à Arty Farty, l’association qui organise les Nuits Sonore. Aux commandes : Pierre-Marie Ouillon (programmation) et Guillaume Duchêne (relations médias). v sb n° 1276 I 10 décembre 2014 I InterMédia Magazine I 11 VIDÉOS Vidcoin profite suite de la folie des jeux sociaux. Qui n’a jamais joué à Candy Crush ? Vidcoin a eu l’idée d’intégrer à ce jeu et à d’autres du même type des vidéos publicitaires. La startup, qui compte aujourd’hui une quinzaine de salariés, vient de lever 1 M€. Des innovations dont on a parlé cette année, mais qui n’ont pas toutes été des réussites jifimiaimijijiaisiOinid jifimiaimijijiaisiOinid Thierry Debarnot (à gauche) et Anthony Kuntz TRAQUE Tilkee ambitionne de révolutionner le commercial. Les commerciaux en rêvaient, Tilkee l’a fait : son logiciel permet de savoir si une proposition envoyée par mail a été lue et par qui, combien de temps et de quelle façon. 500 sociétés se seraient déjà équipées, deux ans après le lancement. PRISE DE TÊTE Exit peine à im- poser un concept d’abonnement compliqué. Souscrivez un abonnement à Exit, vous aurez droit à une avalanche de cadeaux bonus chaque mois (places de concerts, invitation à une avant-première...). L’idée était séduisante, mais n’a pas été bien comprise. Le mensuel lyonnais travaille à clarifier cette offre. Avec DigiSchool, les ados révisent leurs cours sur écran Finies les annales volumineuses et poussiéreuses, les lycéens d’aujourd’hui révisent leurs examens sur tablette. La start-up lyonnaise l’a bien compris : trois ans après sa création, elle est devenue le leader de l’éducation numérique. Son best-seller : des applis pour réviser le bac et le brevet. Mais DigiSchool propose aussi sur le web des cours, des fiches de lecture, des annales... Avec un CA de près de 4 M€ (30 % de croissance), elle emploie une cinquantaine de salariés (dont un tiers de développeurs). En 2014, la start-up a franchi des étapes capitales pour son développement. Elle fait désormais régie commune avec le portail Melty (portail créé par un Lyonnais et leader sur la cible 15-25 ans) et a créé une chaîne éducation pour LeMonde.fr. DigiSchool vient d’ouvrir un bureau parisien et a racheté trois sites spécialisés dans l’orientation, afin de se diversifier sur ce créneau. Enfin, elle a été choisie par le ministère de l’Éducation (1 M€ à la clé) pour développer OCINAE (Objets Connectés et Interfaces Numériques pour l’Apprentissage à l’École), un projet qui vise à faciliter l’apprentissage des mathématiques à l’école des robots d’Awabot (Lyon). v l’imaGE 2015 Les multimillionnaires, et notamment les nouveaux riches venus d’Asie, sont prêts à payer très cher leur putter de golf. C’est la conviction de ValGrine, une marque stéphanoise lancée en septembre 2012, qui ne propose que des putters très haut de gamme — rien à moins de 5 000 €. Le plus luxueux se vend plus de 20 K€. Depuis sa création, cette entreprise stéphanoise a vendu près de 150 pièces. Pour justifier ces prix hors-norme, ValGrine met en avant une conception très performante et l’utilisation de matériaux rares (damas, inox forgé...). Certains modèles sont siglés ST Dupont ou Philippe Tournaire (putter serti de diamants). Le putter ST Dupont Pour toucher les CSP++, ValGrine est présent sur les salons et événements internationaux de golf, et mise sur les RP. Son positionnement ultra-luxe lui a permis de faire son trou dans l’équipement de golf. Car, aussi étonnant que cela puisse paraître, ce marché reste très uniformisé. Il se partage entre les géants mondiaux (Nike, Adidas, Puma...) dont l’essentiel des produits vient d’Asie. v jifimiaimijijiaisiOinid Alain Milliat ferme sa boutique-restaurant TIRe D’AILE Dronestagram dé- colle. Il y a de plus en plus de passionnés de drone en France. Leur profil ? Des geeks souvent fans de photos. Pour eux, Éric Dupin (Presse-Citron) a lancé Dronestagram, un site de photos aériennes. Il a atteint le million de pages vues en trois semaines. Pour ValGrine l’ultra-luxe dans le sport c’est payant Des cabines d’essayage virtuelles. C’est l’innovation technique qu’a développée le pôle Create de Clear Channel Play dans le centre commercial Carrefour d’Écully en mars 2014. Le principe : le client se place devant une borne virtuelle et fait défiler en balayant l’air de la main la nouvelle collection de prêt-à-porter Tex, la marque de textile de Carrefour. Il suffit alors de sélectionner un article pour le voir porté par son double virtuel. On peut finalement envoyer le résultat à ses proches sur les réseaux sociaux. v 12 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 Plusieurs marques alimentaires comme Giraudet, ont ouvert ces dernières années des boutiques-restaurants. L’idée : mettre en scène leurs produits et se rapprocher du consommateur. La marque de jus de fruits haut de gamme Alain Milliat (69) a tenté l’expérience il y a deux ans en ouvrant un restaurant à Paris. Elle vient de le fermer. « La restauration demande des compétences très particulières, ce n’était pas notre métier. Nous allons nous recentrer sur un projet de boutique » explique Alain Milliat, le fondateur. v suite Richard Vincent est cofondateur du cabinet de conseil lyonnais Axiona, spécialisé dans le financement des PME à fort potentiel. Le crowdfunding c’est encore peanuts mais il pèsera 1 000 milliards de dollars en 2020 ” les faits Selon le baromètre Crowdfunding France, le montant de fonds collectés par le financement participatif a doublé en un an. Mais les sommes concernées demeurent modestes. INTERMéDIA. Le crowdfunding s’inscrit enfin dans un cadre juridique depuis le 1er octobre 2014. Est-ce un signe de maturité ? r.v. Non, je ne suis pas certain que l’on puisse parler de maturité. Sur le million de Français qui ont déjà soutenu un projet via le crowdfunding, beaucoup l’ont fait sous la forme d’un don, pour aider un projet artistique par exemple. Il existe d’autres formes de crowdfunding, sous forme de prêt ou de prises de participations (equity). Celles-ci sont balbutiantes, mais elles représentent une réelle solution, car les PME françaises sont sous-capitalisées et ont besoin de fonds propres. INTERMéDIA. Le crowdfunding peut-il intéresser les investisseurs ? r.v. Le crowdfunding concilie les 14 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 besoins des entreprises innovantes et la volonté d’épargne de proximité des investisseurs. Ceux-ci en ont assez des fonds dont ils ne savent plus rien. Investir dans une start-up dont on a rencontré le dirigeant est tout autre chose. Je pense que le financement participatif peut faire revenir les investisseurs vers une forme de bourse régionale. Un endroit où l’on pourra trouver la petite pépite qui sera le futur Google. Avec des perspectives de plus-values potentiellement très fortes. INTERMéDIA. Le crowdfunding n’a permis de lever que 66 M€ au 1er semestre en France. C’est très peu. r.v. Oui, au niveau national, c’est « peanuts ». Mais le magazine Forbes estime que le marché mondial de la finance participative pèsera 1 000 Md$ en 2020. D’ici là, il y a une forme d’éducation à faire. Nous partons de zéro. La montée en puissance va se faire progressivement, mais le potentiel de marché est considérable. INTERMéDIA. Les plateformes se multiplient. Même la CCI de Lyon en a lancé une. Est-ce une bonne chose ? r.v. Il faut faire attention, car si chacun monte son propre site de crowdfunding, on finira par ne plus avoir la moindre visibilité. Il ne se passe pas un jour sans qu’une nouvelle plateforme ne se crée. C’est normal, car il y a des places à prendre. Mais il ne faudrait pas que cette effervescence brouille le paysage. v yp Axiona possède sa propre plateforme de crowdfunding dédiée aux PME innovantes (www.axiona.co). ” IL l’a dit IL l’a fait Quentin Léchémia, fondateur du site Uplust.com (ex-Pornostagram). Je voulais un site où chacun pourrait publier ses photos porno ” ” les faits À 23 ans, fraîchement diplômé en expertise comptable, ce Lyonnais a eu l’idée de créer un réseau social de photos porno. Près de deux ans après, Pornostagram, devenu Uplust, affiche plus d’un million de visites quotidiennes. INTERMéDIA. Comment est venue l’idée de Pornostagram ? q.l. J’étais totalement fan d’Instagram, sur lequel je suivais des actrices pornos. Mais elles ne pouvaient pas aller trop loin dans leurs photos sous peine d’être censurées. J’ai donc eu envie de créer un site de partage de photos porno d’amateur. J’ai imaginé que ces clichés pourraient être retouchés à l’aide de filtres, comme sur Instagram. INTERMéDIA. Quelles ont été les difficultés pour mettre en ligne Pornostagram ? q.l. Indéniablement, la création de la web app était la difficulté principale. J’étais obligé de faire le choix du site web mobile, car une application porno n’aurait jamais pu être hébergée sur l’App Store ou Google Play Store. Le défi était donc de mettre en place des fonctionnalités similaires à une application (filtres, appareil photo, etc.) mais accessibles depuis un site web mobile. Autodidacte, j’ai mis plus de quatre mois à coder seul le site. C’était un choix payant. Aujourd’hui, 80 % du trafic provient du mobile. INTERMéDIA. Avez-vous eu des problèmes avec Instagram ? q.l. Je savais pertinemment que tôt ou tard, la popularité du site grandissant, je serais contacté par les avocats de Facebook, propriétaire d’Instagram. Ils m’ont effectivement demandé de changer de nom cet été. Je me suis exécuté sans faire le malin, car je ne voulais pas risquer un procès. Pour trouver un nouveau nom, j’ai fait voter les internautes. C’est comme ça que Pornostagram a été rebaptisé Uplust. Grâce à ce nouveau nom, j’ai pu accroître considérablement mon audience aux États-Unis. 80 % de mes visiteurs en viennent désormais, car « lust » est beaucoup plus parlant que « porno ». INTERMéDIA. La prochaine étape pour Uplust ? q.l. Une levée de fonds de plusieurs centaines de milliers d’euros auprès d’un Français, leader européen du marché (le producteur de films pornos Marc Dorcel). L’objectif est maintenant d’attirer des acteurs et actrices pornos pour rendre le site plus séduisant. À terme, il va évoluer vers un modèle freemium : la base restera gratuite, mais nous lui ajouterons des services payants. Par exemple des filtres supplémentaires ou des tchats vidéo. Je vais aussi embaucher des développeurs, des responsables marketing et ouvrir des bureaux à Londres et Paris. v jc Uplust. Création : 2013 | Siège : Lyon | Permanent : 1 | 300 nouveaux utilisateurs/jour | 130 000 membres actifs | 1 à 1,5 M de visites/jour, dont 80 % d’Américains. n° 1276 I 10 décembre 2014 I InterMédia Magazine I 15 ENSEIGNEMENT 93. C’est le nombre de MOOC (cours en lignes ouverts à tous sur internet) répertoriés en France. Ce qui classe l’Hexagone loin derrière ses voisins espagnols (278 MOOC) et anglais (194). Décollage 800 C’est le nombre de demandes de brevets déposées en Rhône-Alpes en 2014. Certes, c’est presque six fois moins que l’Île-de-France (7 952 demandes). Mais deux fois plus que PACA, qui dépose 564 brevets. Dans la région, les départements qui déposent le plus de demandes de brevets sont le Rhône (408) et l’Isère (311). v Source : Direction générale de l’aviation civile Source : Institut national de la propriété industrielle SANS FIL 24,6 %. C’est la croissance annuelle que devrait enregistrer le marché du big data entre 2014 et 2018, d’après le cabinet IDC. Le chiffre d’affaires dégagé grâce à cette technologie devrait atteindre les 2,9 Md$ en 2014. ÉNERGIE 6. C’est le nombre de projets de smart grids (réseaux électriques intelligents) concentrés sur la seule ville de Lyon. Parmi eux, le déploiement du compteur électrique communicant Linky, Lyon Smart Community et Smart Electric Lyon. chiffres Quelques repères chiffrés sur l’innovation et les dernières tendances. 212. C’est, en BULLE 1 401 C’est le nombre de sociétés qui ont déjà acquis des drones pour leur activité en France. Ces engins volants sont très en vogue, car ils permettent par exemple de faire des prises de vue aériennes facilement et à moindre coût. On compte 35 constructeurs de drones en France, dont 5 en RhôneAlpes (Airdrone, Dronesys, Escadrone...). v Source : Open education europa. milliards, le nombre d’objets qui seront connectés à Internet en 2020, selon le cabinet d’analyse économique IDC. D’autres études, moins optimistes, annoncent 30 à 80 milliards. Inventif Pôle position Le poids grandissant de Rhône-Alpes dans l’innovation nationale L a région est l’une des plus innovantes en France. Selon l’Ardi (Agence régionale de développement et de l’innovation), elle accueille 13,6 % des entreprises innovantes de France et 12 % des jeunes entreprises innovantes. Autre indicateur : selon Ernst & Young, Rhône-Alpes est passée de la 39e à la 12e place mondiale en terme de publication de brevets. Parmi les domaines de compétences identifiés, on citera évidemment la santé et l’infectiologie à Lyon, mais aussi le logiciel à Grenoble. Incubateurs. « Alors que notre région pèse 10 % du PIB national, elle reçoit 35 % des financements nationaux en R et D. Cela prouve que nous sommes parmi les plus innovants de France », souligne Jean-Louis Gagnaire, vice-président de la région en charge notamment de l’innovation. Top 3 des régions en nombre de pôles de compétitivité 13 pôles 11 pôles Pour soutenir l’innovation, la Région compte sur ses 13 pôles de compétitivité — un chiffre record, plus élevé qu’en Île-de-France et PACA. Mais aussi sur ses 10 clusters. Elle bénéficie enfin de nombreux incubateurs, comme Grain (Grenoble). Selon Ernst & Young, c’est celui qui concentre le plus de start-up ayant un 11 pôles CA supérieur à 500 K€ après 5 ans d’existence. En 2015, cette dynamique va s’intensifier avec la mise en place d’une stratégie régionale d’innovation (SRI). Cette démarche soutenue par Bruxelles va permettre à la région de disposer de 1 Md€ jusqu’en 2020 pour financer des projets innovants.v Le recours au crowdfunding explose TRIDIMENSIONNEL 72 500. C’est le nombre d’imprimantes 3D personnelles qui ont été vendues dans le monde l’an passé. Le marché de l’impression 3D devrait atteindre 8,5 Md€ en 2020. Source : Xerfi. 16 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 Depuis plusieurs années, le montant des fonds collectés en France par voie de financement participatif progresse à toute allure. Celui-ci est passé de 7,9 M€ en 2011 à 27 M€ en 2012 et 78,3 M€ en 2013 ! Pour le 1er semestre 2014, les fonds collectés s’élevaient à 66,4 M€, soit le double du premier semestre de l’année précédente. Sur les six premiers mois de 2014, plus de la moitié des dons collectés (56 %) l’ont été sous forme de prêt, 29 % sont des dons et 15 % des prises de participations au capital. Depuis 2008, quelque 55 000 projets ont été mis en ligne sur des plateformes françaises de crowdfunding. Sur cette même période, le nombre de financeurs cumulé est estimé à un million. La classe d’âge la plus représentée ? Les 35-49 ans. Source : Compinnov. quête Jeunes entrepreneurs : « plus jamais sans mes coworkers » Les espaces de coworking poussent comme des champignons depuis trois ans. Émergence d’une nouvelle façon de travailler ? Sans doute, mais aussi parfois grosse ficelle de marketing immobilier. On dénombre 200 espaces de coworking en France. Dont 23 en RhôneAlpes. ©Niko Korto «D écouvrez le coworking en Ardèche méridionale avec nous », promet le site Annexe Numérique. Derrière ce nom qui fleure bon l’association de promotion des NTIC aux champs, se cache en fait une agence web avec un surplus de locaux à louer dans un village proche de Vallon-Pont-d’Arc. Plus curieux, cette Annexe Numérique vient en tête d’une bonne demi-douzaine d’espaces de coworking au milieu de nulle part, recommandés par le Conseil Général. On l’aura compris, l’appellation est encore en quête de son AOC. Avec parfois des offres immobilières dérivées des immeubles de bureaux temporaires des années 80 qui sont éloignées du vrai coworking, un concept de lieu dédié au travail collaboratif. Le modèle est né aux États-Unis au milieu des années 2000, qui répondait au boom du nombre de travailleurs indépendants, notamment dans les NTIC. Des travailleurs qui se sont vite organisés en communautés et réseaux d’échanges. Un modèle exporté depuis dans le monde entier. Champignons. En Rhône-Alpes, il y eut Le Comptoir Numérique en 2010 à Saint-Étienne. Puis L’Atelier des Médias, l’année suivante à Lyon, et Cowork in Grenoble en 2012. Trois lieux d’espaces de travail partagés par des travailleurs indépendants ou des microentreprises. 18 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 On les croyait encore un peu expérimentaux. Mais voici qu’on découvre que ces espaces (également baptisés tiers lieux) ont poussé comme des champignons depuis trois ans. Une enquête parue en septembre sur le blog Alternatives du journal Le Monde en dénombrait déjà plus de 200 dans l’Hexagone. Dont 23 en Rhône-Alpes. Pas sûr que ce soit exhaustif. Le Grand Lyon, à lui seul, en aligne le tiers sous diverses enseignes comme Le Comptoir Etic, Locaux Motiv’, Ecoworking et surtout La Cordée, qui gère quatre espaces. Mais l’on en trouve aussi à Bourg-en-Bresse (Le QG), à Valence (La Forge Collective), à Chambéry (Business Camp), Annecy (Le Square du Rhône) ou même Bourgoin-Jallieu (Le Troquet Numérique). Le tout avec des surfaces variant de 200 à 600 m2. Lieux collaboratifs. « Le succès de l’espace coworking tient au fait que ce n’est pas seulement un partage de bureaux et d’outils connectés, mais un lieu d’entraide et de partage d’expériences entre ses utilisateurs, résidents permanents ou occasionnels », résume David Réchatin, l’un des cofondateurs Benjamin Durand dans la caverne d’Ali Baba Quand il a transféré, début 2012, son agence digitale Ben Agency de Paris à Lyon, histoire de se rapprocher de sa Haute-Savoie natale, Benjamin Durand, en quête de bureaux, est tombé par hasard sur ceux de La Cordée, dans le quartier de Perrache. « On a visité et signé dans la foulée. D’emblée, on a apprécié la convivialité d’une vraie communauté et la souplesse d’une organisation permettant de naviguer entre les différents sites gérés par La Cordée. » Au-delà des premières impressions très favorables, le lieu a pris, au fil des mois, des allures de caverne d’Ali Baba. « J’ai trouvé sur place des prestataires (des développeurs, un photographe...), un associé, Julien Édouard, et une avocate pour caler ce nouveau pacte d’associé », raconte Benjamin Durand. L’an dernier, à 27 ans, il a lancé ainsi Happy Newco, une société qui commercialise des balises (technologie Beacon d’Apple) permettant de connecter un magasin avec les téléphones mobiles de clients disposant d’une application. Rebaptisée Bealder cet été, la start-up prépare un grand test de ses produits chez Darty à Paris, ainsi qu’une levée de fonds. Dernier détail : Bealder est aussi domiciliée à La Cordée. On ne change pas une formule gagnante. v ©Franck Ribard Rhône-Alpes abrite plus de 20 espaces de coworking. Dont Cowork in Grenoble (en haut), L’Atelier des Médias (en bas à gauche) et La Cordée (en bas à droite). stéphanois du Comptoir Numérique. Pour les indépendants, « travailler en coworking, c’est d’abord rompre l’isolement », confirme Léonore Pillon-Quesada créatrice de Co(m)pilote (conseil en communication) et résidente lyonnaise de L’Atelier des Médias. Transfuge d’une agence locale, elle craignait de se retrouver seule pour démarrer son activité. « Non seulement, on se retrouve entre gens qui ont les mêmes problématiques, mais en plus on bénéficie d’un programme de conseils et d’animations », abonde Clémence Pornon, qui a accouché de son projet Cybèle Arts (visites insolites de Lyon) à La Cordée. C’est que l’animation des espaces est l’un des éléments fondamentaux du coworking. Chez Cowork in Grenoble, c’est un programme des plus fournis, qui alterne petits déjeuners débats, cours d’entrepreneuriat, présentations de projets ou déjeuners entre lanceurs de start-up, business-angels, banquiers... « C’est devenu le point de rencontre de l’univers numérique local », témoigne Jeffrey Messud, gérant de Xotelia (logiciel de réservation pour la petite hôtellerie), fidèle habitué de ce lieu un peu unique, parce qu’il accueille à la fois des indépendants et un accélérateur de start-up. Surtout, ces espaces partagés permettent de se constituer un précieux réseau relationnel. Et d’y dénicher à l’occasion clients ou fournisseurs. Au sein du Mixeur (une pépinière coworkeuse stéphanoise), Alix Briffaud, la gérante de Cabane (création textile) a ainsi pu trouver un photographe, un scénographe et un designer de packs. C’est aussi une aubaine pour les « immigrés ». Christophe Desbruères, web designer parisien venu à Saint-Étienne rejoindre sa compagne, se réjouit de son installation au Comptoir Numérique : « Cela m’a offert une vraie ouverture professionnelle, mais aussi des relations amicales dans le monde associatif local, qui irrigue le lieu. » Cerise sur le gâteau, Buzz Web, son agence, s’est aussi trouvée des partenaires au sein du Comptoir, pour répondre à des appels d’offres. Initiatives privées. Enfin, et ce n’est pas le moindre attrait, les loyers sont plutôt doux. L’abonnement mensuel va de 155 € à L’Atelier des Médias à 270 € à La Forge Collective (Valence). En général les bureaux sont plutôt en open space, mais parfois aussi fermés (380 € chez Ecoworking à Lyon). Surtout, il n’y a pas d’engagement de durée. On peut s’en aller quand on veut, mais aussi louer à la journée ou une dizaine de jours. Autre spécificité du coworking, il relève quasi exclusivement de l’initiative privée. Seule exception notable, La Mutinerie, lancée à Villeurbanne en 2013 par le pôle Imaginove et qui a fermé ses portes au bout de 6 mois ! Le plus souvent, les lieux ont été créés par des associations. On peut aussi dénicher dans ces espaces partagés des clients ou des fournisseurs. C’est le cas de L’Atelier des Médias, du Comptoir Numérique, du QG à Bourgen-Bresse, de Locaux Motiv’ à Lyon ou d’Epicentre à Clermont-Ferrand. Mais Cowork in Grenoble est une SAS créée par un entrepreneur du cru, Mathieu Genty. Comme La Cordée, fondée par deux diplômés de HEC. Ou le Comptoir Etic (Lyon), lui aussi SAS, mais très branché sur l’économie sociale et solidaire. La plupart de ces lieux restent toutefois multiprofessionnels. Ce qui en fait aussi toute leur richesse, puisque s’y côtoient architectes, avocats, consultants, journalistes, développeurs web, etc. Quant aux puristes, ils montrent volontiers du doigt les ficelles marketing d’opérateurs immobiliers, simples loueurs de m2 surfant sur la vague du coworking comme Col’inn à Grenoble ou d’autres projets alpins émergents. Enfin, après l’avoir regardé avec méfiance, les collectivités commencent à s’intéresser au phénomène. Le Grand Lyon et Saint-Étienne Métropole ont créé une structure de mise en réseaux de leurs espaces de coworking. Et le label French Tech décroché par Lyon et Grenoble s’accompagne de l’ouverture de bâtiments Totem incluant des espaces de coworking. Enfin, la Région soutiendra en 2015 des projets en zone rurale, notamment dans le Diois et le Faucigny. Mais c’est encore le privé qui alimentera le plus le marché et pas toujours dans l’esprit du pur coworking. v MT n° 1276 I 10 décembre 2014 I InterMédia Magazine I 19 dossier demain, la ville 24 [ REPORTAGE ] Comment les marques investissent de plus en plus l’espace public 26 [ FOCUS ] Mobilité : un lent passage à l’acte 28 [ ANALYSE ] Transformer une ville est un gros enjeu de communication 30 [ oui / non ] Des écrans vidéo un peu partout dans les rues en 2030 ? Il faudra bien convertir les citadins à la smart city En 2050, deux tiers des humains vivront dans une agglomération. Pour ne pas devenir invivables, les villes doivent se réinventer. Et faire changer les habitudes des citadins. Or ceux-ci n’en voient pas toujours l’utilité. P ersonne ne s’imagine que les ressources en eau du Grand Lyon sont fragiles, et pourtant c’est bel et bien le cas. Et comme, en France, il n’y a pas de problèmes d’accès à l’électricité il est difficile de faire prendre conscience de l’enjeu énergétique à des citadins », soupire Pierre Houssais, le directeur de la Prospective du Grand Lyon. L’homme sait de quoi il parle : le Grand Lyon, comme de nombreuses autres collectivités, a engagé une foule d’actions innovantes en matière de transport (autopartage...), d’habitat (écoquartiers...), de tri des déchets... Objectif : tendre vers ce que les spécialistes appellent une smart city , c’est-à-dire une ville vivable et agréable pour tous. Encore faut-il que les habitants suivent le mouvement, et changent de comportement. Or ils n’en voient pas toujours la nécessité. Mais pour les gestionnaires des agglomérations, il y a urgence : d’ici 2050, deux tiers des Terriens seront des citadins. Si les villes n’évoluent pas, elles vont devenir littéralement invivables (pollution insoutenable, bouchons monstrueux...). 20 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 Formation à la ville intelligente Pierre Houssais, directeur de la Prospective au Grand Lyon « S’appuyer sur l’exemple de citadins convaincus, c’est toujours payant. Lorsque le message émane de l’autorité publique, il est moins bien perçu. » Pour inciter leurs habitants à changer de comportements, les collectivités tâtonnent. Beaucoup ont conscience de la nécessité d’être très pédagogues, et ne sont donc pas avares de supports print bourrés d’infos très concrètes. Par exemple, la Mission Part-Dieu (rattachée au Grand Lyon) édite les Cahiers de la Part-Dieu. Cette publication régulière est conçue comme un magazine (interviews, portraits...) pour expliquer comment le quartier va être rénové en profondeur (agence : Being). Et inciter les Lyonnais à se projeter dans ce nouveau quartier plus fluide et plus agréable. Autre type de démarche : nombre d’écoquartiers (Bonne à Grenoble, Confluence à Lyon, Ginko à Bordeaux, Haye à Nancy...) ont conçu à l’usage de leurs habitants des livrets d’accueil explicatifs. Le fonctionnement d’un écoquartier est en effet complexe, il faut maîtriser ce qu’est un immeuble à énergie positive. « Il suffit d’installer une véranda avec chauffage pour bouleverser sans le vouloir l’équilibre énergétique La smart city se prépare aujourd’hui Un lieu d’échange expérimental @ La Folle Entreprise Fin 2014, le Grand Lyon a inauguré Tuba sur le parvis de la gare de la Part-Dieu. Un endroit où les habitants et les acteurs de la ville sont incités à se croiser pour échanger sur le futur visage du quartier.. Une web série humoristique La Métro de Grenoble a créé en 2010 SuperTri, un super héros écolo pour sensibiliser les habitants aux bons gestes de tri. Ce personnage hilarant a eu tellement de succès sur internet qu’il est devenu un personnage de référence pour les Grenoblois (agences : Altius Prod et Plazzle). Un magazine pédagogique © Induct La Mission Part-Dieu diffuse Les Cahiers de la Part-Dieu, une publication régulière conçue comme un magazine (interviews, portraits...). Objectif : expliquer comment le quartier va être rénové en profondeur (agence : Being). Une navette électrique sans pilote Une navette électrique sans pilote : c’est ce que les Lyonnais ont pu découvrir en 2013 dans le centre-ville. Baptisée Navia, ce robot a permis au maire de Lyon Gérard Collomb de parler mobilité dans la ville de demain. Des centaines de Lyonnais ont testé l’engin. de l’écoquartier. D’où l’importance d’être formé sur le sujet », pointe Caroline Gauthier, professeur à Grenoble École de Management et spécialiste des écoquartiers. Autre levier : l’événementiel. « Nous utilisons beaucoup les grands événements comme la Fête des Lumières par exemple. De manière ludique, elle interroge la consommation d’électricité dans la ville à travers une interaction avec les bâtiments », indique Karine Dognin-Sauze, vice-présidente du Grand Lyon chargée de l’innovation. L’événementiel, c’est aussi l’une des recettes du quartier Part-Dieu pour communiquer sur sa profonde rénovation. Il accueillera en 2015 l’événement Lyon City Design. Au programme : présentation de prototypes, expositions de mobilier urbain innovant... On devrait aussi pouvoir mettre des lunettes pour admirer le visage du futur quartier en réalité augmentée. Les villes misent également sur l’exemplarité. Plusieurs ont choisi de s’appuyer sur des « foyers témoins », engagés dans une démarche écoresponsable, et dont on suit l’évolution. C’est l’exemple de la campagne « Et vous combien ? » conçue par Native Communications pour le Grand Lyon. Le principe : 18 foyers lyonnais (célibataire, famille, couple de seniors...) se sont engagés à adopter de petits gestes simples pour réduire leurs déchets. On pouvait découvrir le résultat concret sur un site dédié. Par exemple « Barbara, 36 ans, 250 kg de déchets en moins ». « S’appuyer sur l’exemple de citadins convaincus, c’est toujours payant, appuie Pierre Houssais. Lorsque le message émane de l’autorité publique, et qu’il est trop “descendant”, il est moins bien perçu. Les citadins peuvent avoir l’impression qu’on cherche à contrôler leurs gestes quotidiens. » Ces citadins exemplaires peuvent être réels... ou fictifs. Pour convaincre ses habitants de mieux trier leurs déchets, la ville de Grenoble a créé SuperTri, un super héros déjanté, mais très pédagogue. ÉcoEmballages a utilisé un ressort semblable en donnant vie à M. Papillon. Avec son nœud pap’ violine et ses bacchantes, il explique à ses voisins comment mieux trier leurs déchets. Et « l’effet Papillon » se répand ainsi dans tout le quartier. ... n° 1276 I 10 décembre 2014 I InterMédia Magazine I 21 dossier presse demain,gratuite la ville 50 % C’est la part des Français qui ne savent pas ce que signifie le terme « ville intelligente » (étude de l’opérateur télécom m2ocity). Cette expression reste énigmatique pour le citoyen moyen. ... Laboratoire de ville Les collectivités s’emploient aussi à impliquer concrètement les citadins dans la construction de cette « ville de demain ». Ainsi la Mission Part-Dieu a imaginé Tuba, un « living lab » ouvert à tous les acteurs de la ville et même le grand public qui peut y découvrir et tester de nouveaux services citadins. Enfin, les villes font le maximum pour simplifier et rendre compréhensibles les innovations mises en place. Ainsi à Grenoble, toutes les « mobilités » de la métropole ont été rassemblées sous une marque : Metromobilité, qui communique par un portail internet unique, pour faciliter la vie des Grenoblois. Le Grand Lyon quant à lui travaille avec l’agence Anatome à une campagne baptisée « Ma ville simplifie ma vie », qui vante les mérites de l’appli mobile de la ville, de son site... « La ville de demain, parce qu’elle sera “intelligente”, sera au service de ses habitants », s’enthousiasme Karine Dognin-Sauze, la vice-présidente du Grand Lyon chargée de l’innovation. « On travaille le produit ville sous un angle de plus en plus serviciel. La ville devient une marque qu’il faut faire consommer avec toujours plus de régularité et d’efficacité », remarque de son côté Pierre-Emmanuel Jansen, dirigeant de l’agence Anatome à Lyon. En douceur, les élus commencent donc à populariser le concept de smart city. « Grand Lyon, la ville intelligente » : c’était le titre d’un dossier de presse diffusé à tous les médias locaux l’année dernière. Les journalistes et les universitaires sont friands de cette expression. Mais ce concept est encore nébuleux. C’est presque une utopie, car aucune smart city n’existe encore. Pour incarner la ville intelligente, les élus ne peuvent que citer des actions disparates : développement de la mobilité, construction d’écoquartiers, édification de bâtiments à énergie positive... Le lien entre tout cela n’est pas toujours clair. Terra incognita « C’est un argument marketing. La smart city est présentée comme la nouvelle modernité », décrypte Boris Maynadier, fondateur du blog Branding the city. Mais le terme même de smart city reste énigmatique pour le citoyen moyen. 50 % des Français ne savent pas ce que signifie l’expression « ville intelligente » (étude de l’opérateur télécom m2ocity). Et ce n’est pas mieux chez les patrons d’entreprise. Seulement 27 % d’entre eux ont déjà entendu parler du concept de smart city. Dont 24 % qui ne savent pas précisément de quoi il s’agit (source : Baromètre de l’innovation 2014 de Grenoble École de Management). « La smart city est une terra 22 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 M3 La revue de la ville de demain compte 3 800 abonnés À Lyon, la prospective, c’est du sérieux. La communauté urbaine abrite une direction Prospective, qui compte pas moins d’une vingtaine de personnes. Un organe quasi unique en France, et qui s’est doté en 2012 de son propre magazine, M3. Ce quadrimestriel gratuit, exigeant et dense, qui propose de réfléchir sur le devenir des villes, compte 3 800 abonnés : agents de la fonction publique, entreprises, écoles, élus… Mais aussi simples citoyens. 35 % des abonnés sont même situés hors de Rhône-Alpes. Selon une étude menée par Nova7, M3 serait lue par 7 500 personnes. Plutôt bien pour une publication pointue, qui affiche en Une des dossiers sur « la ville servicielle » ou « les indicateurs de performance ». Et se compose essentiellement de contributions ou d’entretiens fleuve avec des urbanistes, politiques, économistes, sociologues, universitaires de toute la France. Sans aucune publicité, bien sûr. Exigeant et pointu. Réalisé par l’agence In Medias Res (Lyon) et le studio graphique Trafik, M3 soutient la comparaison avec d’autres publications dédiées à la prospective. D’ailleurs, les personnes interrogées par le cabinet Nova7 (enquête commandée par le Grand Lyon en 2014) le comparent à Urbanisme, XXI, We demain, Futuribles, Place Publique, ou Esprit. « Nous ne sommes pas dans la futurologie, nous n’imaginons pas un monde peuplé d’éoliennes et de voitures dans le ciel, précise Pierre Houssais, le directeur de la direction Prospective. Nous cherchons plus à détecter les changements invisibles et silencieux de la ville. Ainsi, le rapport au fleuve est en train d’évoluer. Jusque dans les années 80, l’eau était en ville un exutoire, l’endroit où l’on se débarrassait de ses déchets. Alors qu’aujourd’hui, les berges sont considérées comme des zones à reconquérir. » Pionnier. M3 est aussi un support privilégié pour mettre en valeur l’expertise de la direction Prospective du Grand Lyon. « Lyon a été pionnière en la matière, puisqu’elle a engagé une démarche de prospective baptisée Millénaire 3 dès 1997, à la demande de Raymond Barre, rappelle Pierre Houssais. L’initiative a fait des émules. La démarche Bordeaux 3.0 par exemple a été très inspirée par Millénaire 3, vingt-cinq ans après. » Pour autant, la Direction prospective se défend de faire de la communication institutionnelle avec M3. « Nous avons notre indépendance, et elle est très respectée au sein du Grand Lyon », assure Pierre Houssais. v incognita encore à conceptualiser », constatent Sylvie Blanco, Thierry Grange et Federico Pigni, les auteurs de cette étude. Du coup, ce n’est pas (encore) un axe de marketing territorial. On voit mal une ville revendiquer cette étiquette dans des publicités. « Dans les années 80, Montpellier avait diffusé une campagne incroyable où elle se proclamait “la surdouée”, avec un gamin en couches-culottes qui enjambait son lit à barreaux. On était déjà dans la smart city... Mais ce type d’autocélébration en 4x3 c’était bon dans les années 80 », affirme Marc Marynower, le dirigeant de l’agence MMAP. v jd dossier demain, la ville Après la suppression de nombreux panneaux publicitaires depuis vingt ans, les marques reviennent en force dans les rues par d’autres moyens. Comment les marques investissent de plus en plus l’espace public A u sein de l’espace urbain, tout devient prétexte à prendre la parole pour les marques », tranche Solenne Faure, insight manager chez Ipsos. « Affichage mobile, clean tags, pochoirs... Ce qu’on appelle la “guérilla marketing” est en plein développement dans les villes. L’idée est de faire voir sa marque, mais de façon détournée. Tout en jouant avec les codes, et en rendant la vie moins morose et plus drôle », confirme Lionel Sitz, professeur de marketing à EM Lyon. 24 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 Première forme de présence : la publicité extérieure. Loin d’être dépassé, l’affichage a résisté à tout : le web, la crise... En 2013, alors que la presse a reculé de 7,9 % et le cinéma de 13 %, la publicité extérieure a limité la casse avec un recul de 2 % (source : Irep-France Pub). L’affichage numérique semble de son côté promis à un bel avenir (+ 47 % en 2012). Rendre la ville plus douce. L’affichage plaît aux marques, car elles peuvent exprimer leur créativité, et enrichir le contact avec le consommateur. « La ten- Une campagne aux petits soins pour les citadins. Un panneau qui se transforme en banc, en auvent ou en rampe d’accès : c’est l’idée étonnante de cette campagne d’IBM conçue par Ogilvy & Mather. Albert Asséraf, DG Stratégie, Études et Marketing France chez JCDecaux dance, ce sont des affichages ludiques qui jouent avec le citadin, et redonnent un peu de gaieté à la ville », indique Solenne Faure. Dans cet esprit, une ligne débordait des affiches du chausseur André, pour continuer sur le trottoir et conduire au magasin de la marque le plus proche. Dans un registre proche, IBM a fait sensation avec sa campagne aux petits soins pour les piétons : le panneau d’affichage s’incurvait en bas pour se transformer en banc, en haut pour servir d’auvent ou de rampe pour éviter les escaliers. L’accroche ? « Smart ideas for smarter cities » (agence : Ogilvy & Mather). « IBM est sorti de son domaine d’expertise pour incarner un apaisement, une façon plus douce de faire l’expérience de la ville », commente Solenne Faure. Hormis l’affichage, la tendance est de créer des espaces éphémères... souvent étonnants. En juin, juste avant la Coupe du monde de football, Heineken a ouvert à Paris la Sub room, un loft éphémère... entièrement privatisable. Sur 325 m2, cet espace était dédié à la bière et au foot. En mai, Ikea a fait sensation en installant à Paris trois « Cuisine Box » entièrement équipées où l’on pouvait se préparer des repas... à condition d’avoir réservé au préalable bien sûr. À Lyon, le chocolatier Révillon a ouvert à l’approche de Noël une boutique éphémère elle aussi étonnante : on pouvait y écouter des contes de Noël, y créer des photophores en papier ou des cartes de vœux (agences : WR&S et Strada Marketing). Comprendre le citadin. Autre vecteur de présence dans la ville : l’événementiel. Pour communiquer sur l’ouverture de son magasin de Clermont, Ikea a installé en pleine ville un véritable mur d’escalade constitué de ses produits (canapé, lit, tables de nuit...). Quant à Badoit, elle a fait servir des repas gastronomiques aux usagers d’un RER bondé et à des automobilistes bloqués dans des embouteillages. En juin 2013, l’opération 24 h Velib’ a rassemblé 250 000 personnes sur les Champs-Élysées. Une opération financée par JCDecaux bien sûr, mais aussi par Évian. « Ce type de dispositif sera de plus en plus répandu, prédit Albert Asséraf (JCDecaux). Dans les villes, des événements grand public seront financés par des marques, plutôt que par des budgets publics. Ces annonceurs pourront aussi sponsoriser des patinoires, des terrains de basket... » Et de rappeler que JCDecaux Live, une nouvelle entité du groupe, a récemment commercialisé “ À Sao Paulo, le mobilier urbain diffuse le fil Twitter de la mairie ” INTERMÉDIA. Grenoble va supprimer 300 panneaux publicitaires en 2015. Est-ce le signe d’un désamour des collectivités pour la communication extérieure ? a.a. Grenoble a pris cette décision sans concertation ni échanges, sans doute à son propre détriment. Elle fait figure d’exception. Toutes les grandes capitales au monde se dotent aujourd’hui de mobilier urbain, car cela leur permet de financer des services essentiels à destination de leurs habitants. INTERMÉDIA. Comment va évoluer le mobilier urbain ? a.a. Grâce à lui, les villes seront connectées. Ainsi nous avons équipé 200 arrêts d’autobus d’Amsterdam de smart cells en partenariat avec Alcatel et Vodafone. Ces microcellules permettant aux piétons de bénéficier du haut débit dans la rue. Le dispositif peut aussi intéresser les collectivités pour mieux gérer les tournées de leurs agents ou les entreprises qui sont à la recherche de données sur le bruit, le trafic, la pollution... INTERMÉDIA. D’autres exemples d’innovations ? a.a. Sao Paulo est la 1re ville au monde à avoir affiché le fil Twitter de la ville sur son mobilier urbain. Le mobilier devient ainsi un réseau social collectif, où vous lisez l’opinion des gens en temps réel. La ville de demain sera connectée, mais aussi plus ouverte : les citadins pourront davantage s’exprimer, et la gouvernance leur laissera plus de place. Ils vont réellement devenir les acteurs de la ville. v le sponsoring des illuminations de Noël des ChampsÉlysées. Pour autant, rien ne sert de trop en faire pour se bâtir une image positive auprès des citadins. En témoigne l’échec cuisant de l’immense malle (9 m de haut et 30 de long) installée par Vuitton en Russie, à Moscou. Jugée indésirable au milieu de la place rouge, classée au Patrimoine de l’UNESCO, elle a dû être démontée en urgence, après une vague d’indignation. « Les marques qui dureront dans la ville seront celles qui comprendront parfaitement le citadin et ses besoins. Bref, celles qui seront en phase avec les comportements de leurs contemporains », analyse Solenne Faure. v JD Loin d’être dépassée, la publicité extérieure a résisté à tout : le web, la crise... n° 1276 I 10 décembre 2014 I InterMédia Magazine I 25 dossier presse demain,gratuite la ville Pour promouvoir la mobilité dans les villes, les collectivités abandonnent le discours moralisateur. Elles adoptent un ton décontracté et humoristique. 3 campagnes audacieuses Mobilité Un lent passage à l’acte C Grenoble vante son tram avec une websérie loufoque Pour communiquer sur sa nouvelle ligne de tram, la collectivité a diffusé sur YouTube « ça se tram’chez vous », une websérie animée par Éric, un chef de chantier un peu allumé. Agence : Terra Publica. Le Grand Lyon promeut le covoiturage en mode coquin Cette campagne conçue par Native faisait allusion à de torrides parties de jambes en l’air... alors qu’il ne s’agissait que de partager une voiture. Drôles et impertinents, les visuels ont beaucoup fait parler d’eux. Alors que le sujet a priori ne passionne pas les foules. Aubagne ose la gratuité des transports en commun Marc Marynower, dirigeant de MMAP « Quand l’offre de transports est intelligente, elle convainc, et communique par elle-même » ovoiturage, autopartage, vélos en libreservice... Il y a cinq ans, ces pratiques n’existaient pas, ou si peu. Aujourd’hui, elles font partie du paysage urbain. Mais qu’ont donc fait les collectivités pour populariser si vite ces nouvelles pratiques de déplacement ? « Si ces modes de transport ont été si bien acceptés, c’est avant tout parce qu’ils étaient innovants. Quand l’offre est intelligente, elle convainc, et communique par elle-même. Et pas besoin de campagnes ! Il suffit de regarder des gens passer en Vélo’V pour avoir envie d’en faire autant », remarque Marc Marynower, le dirigeant de l’agence MMAP. Connivence. Pour autant, l’envie ne suffit pas. « Souvent, les gens ont compris et intégré ces nouveaux modes de transport, mais ils ne passent pas à l’acte », remarque Pierre Houssais, directeur de la prospective au Grand Lyon. Pour les pousser, les collectivités ne sont donc pas avares de communication. Le ton adopté est détendu et humoristique, comparable à celui qu’on peut trouver sur les réseaux sociaux. Foin des grands messages doctrinaux et moralisateurs. Avec un objectif : établir ainsi une certaine connivence avec les jeunes urbains, identifiés comme le public cible. « La 1re communication de ce type, c’était le Vélo’V, se souvient Pierre-Emmanuel Jansen, le dirigeant d’Anatome. Avec cette offre, on était dans l’innovation la plus totale, donc il fallait une communication à l’avenant. » L’outil privilégié est l’événementiel, qui permet de faire la preuve de l’efficacité des nouveaux modes de transport. Comme les Journées Mobilité du Grand Lyon par exemple. Mais aussi les réseaux sociaux. Bref, pas de messages « descendants », mais des incitations à tenter l’expérience. Fluidité. La mobilité reste l’un des thèmes de com- La ville a pris une décision radicale — certains diront avant-gardiste : rendre son réseau de bus entièrement gratuit. En France, peu de villes ont adopté cette mesure audacieuse. À décision novatrice, campagne à l’avenant, avec une accroche républicaine : « Liberté, égalité, gratuité » (agence : Anatome). De cette expérience a été tiré un livre, écrit par une élue et un philosophe. 26 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 munication incontournables des collectivités. Il leur permet de se positionner comme des métropoles innovantes, résolument tournées vers l’avenir. « On considère aujourd’hui que la ville du futur sera celle de la fluidité retrouvée, c’est-à-dire celle où le citadin se déplacera sans problème », souligne Pierre Houssais. D’autant que les comportements des citadins ont évolué en profondeur. Il y a dix ans encore, ils considéraient que la voiture était une sphère privée. Et attendaient par conséquent d’une ville qu’elle multiplie les places de parking et de stationnement. Aujourd’hui, personne n’entend plus sanctuariser son véhicule, et au contraire le prête, le partage... De moins en moins de citadins ont une voiture. Et le revendiquent. v JD n° 1276 I 10 décembre 2014 I InterMédia Magazine I 27 dossier presse demain,gratuite la ville Les agences de communication publique se réjouissent de la multiplication des grands projets de ville. Ce sont des dossiers difficiles, mais passionnants et qui s’étirent sur plusieurs années. Transformer une ville est un gros enjeu de communication L es agences de communication publique apprécient les maires bâtisseurs. Et en ce moment, elles sont plutôt servies. À Lyon, la liste des quartiers rénovés ou en cours de rénovation s’allonge (le Carré de Soie, la Part-Dieu, Gerland, la Duchère...). Pour chacune de ces métamorphoses, une agence orchestre soigneusement la communication. Ainsi en décembre, c’est MMAP qui a été choisie pour communiquer sur le renouveau du quartier de Gerland. Marc Marynower, le dirigeant de MMAP, ne cache pas son enthousiasme : « C’est un gros enjeu, car c’est un quartier en pleine mutation, à la fois sociale et industrielle », fait-il valoir. Les agences de communication publique aiment en effet travailler sur ces projets urbanistiques. Ils sont Pierre-Emmanuel Jansen, directeur du bureau lyonnais d’Anatome “ Une aubaine pour les agences de communication publique ” INTERMÉDIA. Comment les agences accompagnent-elles la transformation des villes ? p-e. j. Depuis cinq ou six ans, les villes multiplient les projets urbanistiques. C’est une véritable aubaine pour nous, agences de communication publique. En tout cas, c’est un vrai challenge. Car pour faire accepter ces changements aux habitants, nous devons sortir des réflexes de la communication publique institutionnelle et « descendante ». INTERMÉDIA. Un exemple de réalisation ? p-e. j. Nous avons conçu la communi- cation autour du quartier Confluence à Lyon. La difficulté était de créer une identité pour une terre en friche, qui n’existait pas dans l’imaginaire des Lyonnais. C’était un no man’s land, presque une utopie. Le premier travail a été de donner un nom à ce quartier et de lui trouver une signature. Ce fut « Vivre Lyon en cœur. » Ensuite, nous avons travaillé à « raconter » les qualités de ce quartier. Nous avons notamment mis en place des balades de quartier. INTERMÉDIA. Quelle est l’importance du rôle joué par la communication ? p-e. j. Il est primordial. Prenez la ZAC du Bon Lait, à Lyon (7e). Un travail énorme a été fait en termes urbanistiques, un nouveau quartier a véritablement été créé. Mais personne ne le sait. Et quand bien même on le saurait, personne n’a envie d’habiter une ZAC. Ce nom est vraiment dissuasif. Il n’y a pas eu de réflexion sur l’ADN du quartier qu’on allait construire, et c’est dommage. Les agences ne sont pas seulement là pour servir un projet technique. v 28 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 ambitieux, parfois spectaculaires, et la communication y est déterminante. « Ce sont des dossiers passionnants, indique Pierre-Emmanuel Jansen (Anatome Lyon), qui a notamment travaillé sur la naissance du quartier Confluence. Ces quartiers sont de véritables destinations de vie. Il faut leur donner une identité en trouvant des angles, en racontant une ambiance de ville… On est aux confins de la communication institutionnelle et du marketing territorial. » Ces missions ne sont pourtant pas de tout repos pour les agences. D’abord elles impliquent de multiples acteurs : collectivité, société publique locale, promoteurs immobiliers, entreprises déjà implantées dans le quartier… « Les promoteurs ont parfois tendance à survendre un projet et à en faire des caisses dans leur communication commerciale. Or celle-ci ne doit pas diverger de la communication institutionnelle mise en place », pointe Pierre-Emmanuel Jansen. L’erreur est de parer le nouveau quartier de toutes les qualités. Comme s’il pouvait être à la fois innovant, agréable à vivre, bien équipé… Au risque de trop promettre. Autre difficulté pour les agences : ces dossiers sont souvent assez sensibles. Un écoquartier qui sort de terre par exemple ne doit pas apparaître comme un ghetto, avec ses logements modernes et haut de gamme, alors qu’aux alentours les autres habitants sont beaucoup plus mal lotis. La communication consiste aussi à parfaitement intégrer ces projets urbanistiques dans leur environnement. Rôle de médiation Parce qu’elles multiplient les projets urbanistiques, les collectivités ont aujourd’hui conscience de devoir communiquer davantage en direction de leurs habitants. Et elles sont sans doute plus enclines à le faire que par le passé, indiquent les agences de communication publique. « Aujourd’hui on travaille beaucoup sur l’identité de territoire : la fierté d’appartenir à une ville ou un quartier, l’impression d’y avoir ses racines, souligne Nicolas Desbouis chez Terra Publica. La ville parle de la ville à ses habitants. » Ce que confirme Pierre-Emmanuel Jansen : « Les agences ont un rôle de médiation plus fort entre une politique publique et les citadins ». Il y a l’idée qu’on n’impose plus aux citadins de « subir » la ville et son cortège de désagréments, mais d’en « faire l’expérience ». Bref, d’être des « usagers », des acteurs, voire des « bénéficiaires » de la ville. Et Nicolas Desbouis de citer l’exemple à Saint-Pierre-des-Corps (37), d’une friche industrielle en cours de réhabilitation : le chantier est ouvert au public, et c’est aussi un lieu de création urbaine, qui propose conférences, résidences, performances artistiques… v JD n° 1276 I 10 décembre 2014 I InterMédia Magazine I 29 dossier demain, la ville [ OUI / NON ] Les villes européennes vont-elles se doter d’une forêt d’écrans comme New York ou Séoul ? Un professionnel du mobilier urbain et un universitaire confrontent leurs points de vue. Des écrans vidéo un peu partout dans les rues en 2030 ? oui « Il est évident que les écrans vidéo seront de plus en plus présents dans les villes. Notamment grâce à l’affichage numérique. Selon moi, les panneaux digitaux représenteront la moitié des supports de communication extérieure d’ici 20 ans. C’est une évolution déjà en cours aux quatre coins du globe. La technologie permet désormais une résolution suffisante. De plus, le prix de revient d’un panneau digital est devenu compatible avec une installation à grande échelle. On peut donc dire que le produit est mature. Enfin, il y a maintenant un cadre légal en France, notamment pour le 8 m2, grâce au Grenelle II. Les annonceurs sont intéressés par ces écrans, car ils leur permettent de cibler leur communication en temps réel. Une Pierre-Henry radio ou une TV peuvent vanter leurs Bassouls, programmes du soir, ou leurs exclusivités. PDG de Une agence immobilière peut diffuser Prismaflex (69) certaines annonces pendant quelques heures seulement. Les panneaux digitaux peuvent aussi accueillir des services, comme la météo ou même des alertes Amber, qui sont déclenchées lors des disparitions d’enfants. Pour autant, les réseaux d’affichage papier ne disparaîtront pas. Ils serviront aux campagnes de masse, qui requièrent des audiences très larges Cette évolution implique que les professionnels comme nous réussissent leur mutation numérique. Depuis cinq ans, nous avons fortement investi dans le panneau LED. Le numérique représentera 50 % de notre CA d’ici trois à cinq ans, contre 10 % actuellement (soit 6 M€). Toutefois, les collectivités ne sont pas prêtes à accueillir n’importe quel écran. Elles veulent que les panneaux soient respectueux de l’environnement, économes en énergie, et faciles à installer. C’est pour cela que nous avons conçu en 2013 un panneau LED entièrement autonome en énergie puisque des cellules photovoltaïques sont dissimulées derrière le visuel. Lorsqu’on voit que certaines villes comme Grenoble changent leur politique en matière d’affichage, on se dit qu’un panneau digital autonome en énergie sera peut-être mieux perçu par les maires. » v 30 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 non « Pourquoi y aurait-il des écrans partout dans la ville dans 20 ans ? Nous n’en aurons pas besoin, car chacun sera équipé de son smartphone et de sa paire de GoogleGlass ! Les écrans ne seront pas vraiment dans la ville, mais plutôt dans notre poche, sous nos doigts ou nos yeux (smartphone, montre connectée...). Ce seront des écrans “personnels” et personnalisés en fonction de leur utilisateur. Le monde numérique viendra directement à nous, en temps réel, par de la pub géolocalisée, des SMS, des notifications... Et se sur-impressionnera au monde réel. Nous vivrons dans une sorte de réalité augmentée. Quel serait l’intérêt à installer des écrans dans la ville ? Est-ce qu’on les regarderait vraiment ? N’y a-t-il pas déjà nombre de supports disponibles pour accueillir des Federico Pigni, informations ? N’importe qui en fait l’exprofesseur périence : lorsqu’on est plongé dans son à Grenoble École smartphone, on ne voit plus les affiches. de Management N’importe qui préfère que le commerce le “rejoigne” sur son smartphone (c’est-à-dire que des offres commerciales viennent à lui) plutôt que de devoir regarder de la publicité affichée. D’ailleurs, une hypothèse crédible est qu’à l’avenir on n’aura même plus besoin de sortir de chez soi pour travailler, se divertir, échanger avec ses amis... On se servira pour cela des murs de sa maison, qui seront interactifs et tactiles. Les vitrines des boutiques elles aussi deviendront interactives. On peut déjà savoir quelle population les regarde (âge, sexe...). On pourra aussi adapter leurs messages commerciaux en fonction de différents paramètres. Certaines enregistreront même les réactions des passants à la vue des produits exposés (mouvements des yeux, conversations...). Aux ÉtatsUnis, une application baptisée SinTop fonctionne avec des caméras à l’entrée des boîtes de nuit. Ainsi les utilisateurs peuvent savoir en temps réel les établissements les plus fréquentés par les filles. Cette appli fait un carton ! Certains objectent que les smartphones et autres objets connectés sont très chers, et réservés à une certaine classe sociale. Ce n’est pas tout à fait vrai, car les prix des smartphones ont beaucoup baissé. » v t moin © C. Scholz Ruedi Baur, franco-suisse, 58 ans, partage son temps entre ses ateliers de design (Paris et Zurich), l’enseignement (Ensad/Paris et Head/Genève) et la recherche (laboratoire IRB/ Paris et Institut Civic City/Genève). Un designer globe-trotter ESPRIT INTÉGRAL. Graphiste, typographe, designer urbain, scénographe... Même s’il se revendique plutôt designer (dans sa fonction de voir au-delà du graphisme), Ruedi Baur se fait un plaisir d’endosser avec bonheur tous les costumes. C’est qu’il a l’ADN interdisciplinaire et voyageur, ce franco-suisse, né à Paris en 1956 dans une famille d’architecte et grandi à Chambéry. Diplômé de la prestigieuse École des arts appliqués de Zurich, c’est à Lyon que sa carrière décolle avec l’atelier BBV et une galerie de design qu’il crée en 1983. Ses travaux pour le Musée d’art contemporain de Lyon, le Musée d’Art moderne de Grenoble et d’autres institutions lui valent d’être réclamé à Paris, pour travailler notamment avec le Centre Pompidou. Il s’y installe en 1989 en fondant son atelier « Intégral Ruedi Baur et Associés », puis lance « Intégral concept », un réseau pluridisciplinaire aujourd’hui constitué de cinq structures partenaires et couvrant un large champ du design (graphisme, architecture, scénographie, design produit, édition). 32 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 CARRIÈRE INTERNATIONALE. Un concept gagnant, qui a permis à ses deux ateliers de Paris et Zurich de décrocher une impressionnante collection de chantiers. Identités visuelles, signalétiques, scénographies d’expositions : ses équipes ont œuvré de Paris (Cité Internationale Universitaire) à Genève (Palais des Nations Unies), via Cologne et Vienne (aéroports), Lyon (Cité Internationale), Grenoble (Cargo), Berne (hôpital), Venise (Biennale d’architecture), Leipzig et Dresde (expos), Montréal (Quartier des spectacles)... Derniers travaux en cours : le Musée des Confluences (Lyon), la New School University (New York) et le futur métro du Grand Paris. Entre deux chantiers, Ruedi Baur enseigne aux Beaux-Arts de Paris et Genève, écrit des livres, donne des conférences à Rome, Casablanca ou Montréal, achève une thèse et conduit des équipes de recherche. Qui travaillent, notamment, sur les systèmes de représentation des collectivités territoriales. Systèmes dont il dénonce la médiocrité et le dévoiement par le branding commercial.v Les villes sont-elles au bord de la saturation visuelle ? Sans doute répond Ruedi Baur, un Rhônalpin devenu une des stars de la planète graphique. Mais le problème ne serait pas tant l’abondance des images et des signes que leur médiocrité. Ruedi Baur “ La signalétique de demain sera multisensorielle ” INTERMÉDIA. Comment a évolué le graphisme dans les villes depuis dix ans ? r.b. Il a dû s’adapter aux contraintes de la culture digitale. Car il est confronté à une typographie mobile et à la représentation de ce mouvement, par exemple dans la signalétique de sites internet. Le numérique a un tel impact que, aujourd’hui, quand on conçoit une identité visuelle, on place au centre les éléments digitaux. L’arrivée des smartphones et des tablettes nous impose de créer des éléments visuels qui marchent sur ces supports. Les affiches et autres images fixes ne sont plus que des extensions des nouveaux médias. Et ceux-ci permettent d’accéder à un savoir mondial et de développer des échanges collaboratifs. Les gens ont désormais des outils pour donner leur avis dans une ville connectée en permanence. INTERMÉDIA. Quel est le rôle du graphisme dans la ville ? r.b. C’est d’écrire l’espace public, de lui donner une visibilité et une lisibilité, dans un monde de plus en plus complexe, où les institutions se regroupent dans des structures toujours plus compliquées à comprendre. Prenez les universités. Voici 20 ans, leur classement était clair entre sciences dures, sciences sociales et humaines. Aujourd’hui, on les regroupe dans des pôles interdisciplinaires complexes, où les étudiants ont du mal à s’y retrouver. Pour dresser une cartographie des savoirs élaborés, cultivés et transmis à l’université de Strasbourg, j’ai dû piloter un workshop avec des étudiants du master de design. Écrire l’espace public, c’est aider à sa lecture pour le rendre accessible. INTERMÉDIA. N’est-ce pas l’enjeu de la signalétique ? r.b. Bien sûr. C’est donner un langage visuel à un espace pour que le visiteur puisse recevoir des informations, s’orienter et retrouver les sous-ensembles d’un bâtiment ou d’un quartier. Jusqu’à la fin des années 90, la signalétique devait intervenir de manière contradictoire. Elle devait être vue sans déranger l’espace ! Mon travail sur l’identité et la signalétique du Centre Pompidou a marqué la discipline et son histoire. INTERMÉDIA. Qu’avez-vous fait au Centre Pompidou ? r.b. Nous avons créé une forte expression visuelle et nous l’avons mise en scène, sans support dédié. L’espace est devenu lui même le support de la typographie. Cela a conféré à la signalétique un statut esthétique. D’ailleurs, écrire l’espace public, c’est aussi introduire de la singularité et de la poésie dans la fonctionnalité. C’est introduire une part de rêve et d’utopie dans l’hyperfonctionalité. C’est particulièrement utile pour s’approprier ces « non-lieux » que sont les aéroports, les gares ou les parkings. INTERMÉDIA. Les parkings sont des “non lieux” ? r.b. Ce sont des endroits où domine la désorientation, souvent liée à la peur. Le travail du graphiste, c’est de parvenir à créer la confiance. Par exemple à la Cité internationale de Lyon nous avons inventé des pense-bêtes humoristiques en déclinant des mots faciles à mémoriser commençant par les lettres des étages (A, B, C). Ailleurs, cela peut être des interventions d’artistes pour marquer chaque étage d’un parking. INTERMÉDIA. Quels sont les rapports entre graphisme et architecture ? r.b . L’architecte travaille à la fois pour l’humain et la ville. Il bâtit pour créer un espace urbain qui dépasse la vie d’un homme, alors que le designer s’inscrit dans L’architecte bâtit pour créer un espace urbain “ qui dépasse la vie d’un homme, le designer s’inscrit dans une échelle de temps d’une dizaine d’années. ” n° 1276 I 10 décembre 2014 I InterMédia Magazine I 33 ... grandtémoi © Io Baur ... Ruedi Baur une échelle de temps d’une dizaine d’années. Pour moi, le design graphique est un interstice de l’architecture. Parce que l’interaction avec un espace de qualité est importante. Ainsi le design urbain peut contribuer à redynamiser un quartier. INTERMÉDIA. Comment le design peut-il redynamiser un quartier ? r.b . Prenons l’exemple du quartier des spectacles à Montréal, le deuxième d’Amérique du Nord derrière celui de New York par la taille. C’était un quartier plutôt informel, malgré la présence d’une trentaine de salles de spectacles, délaissé par les investisseurs. Nous lui avons donné une forte identité en créant un parcours lumineux de marquage de trottoirs, des installations vidéo sur des façades — comme pour la Fête des Lumières à Lyon — et un mobilier urbain spécifique. Soit au final, une mise en scène qui disparaît quand vient le jour, mais qui en a fait un lieu magique la nuit. INTERMÉDIA. Comment va évoluer la signalétique ? r.b. Deux grands axes se dessinent. D’une part, l’utilisation des outils numériques, la géolocalisation et les systèmes électroniques de guidage vont concurrencer la signalétique. Elle n’apportera plus que la confirmation de 34 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 ce que le visiteur verra sur son écran. D’autre part le développement d’une signalétique multisensorielle. Car nous baignons dans une culture visuelle où l’œil et le cerveau sont saturés et n’ont plus envie de regarder. Or, nous disposons d’autres sens pour nous orienter. L’acoustique, le toucher et l’odorat peuvent nous aider dans nos déplacements. La signalétique multisensorielle va proposer d’utiliser ces sens à travers une gamme d’objets interfacés. INTERMÉDIA. Comment réduire le flot d’images et de signes qui saturent nos villes ? r.b. Mais ce phénomène n’est pas nouveau. Déjà au Moyen Âge, les villes regorgeaient de signes des communautés de métiers, de marques d’ateliers et de blasons. Dans l’espace public, l’usager a besoin d’orientation, de scénographie et d’espaces revalorisés. Il y a trop de signes dans les villes ? Sans doute, mais l’important est de les qualifier pour voir quels types favoriser ou éviter : les signes séducteurs, les autoritaires, ceux qui sont fabriqués pour les espaces... Personnellement, ce sont ces derniers que je veux recultiver, en m’inscrivant plus dans un travail de jardinage que d’exclusion. INTERMÉDIA. Que vous inspire l’interdiction de la publicité à Grenoble ? r.b. Je ne trouve pas ça très intéressant. Certes, il y a un certain nombre de signes agressifs, la publicité est trop présente. C’est une chose. Mais jusqu’où aller ? Faut-il aussi proscrire les enseignes, démonter tout ce qui est préfabriqué ? Remplacer les panneaux publicitaires par des arbres ? Il n’y a pas d’intérêt à vouloir transformer la ville en campagne. On vient en ville chercher de la densité, de l’énergie, de la nervosité... Si l’on veut y interdire la publicité, il faut préférer la stratégie de Sao Paulo qui en a profité pour réinvestir ces espaces avec des créations d’artistes. INTERMÉDIA. Comment jugez-vous la communication des villes ? r.b. Elles font beaucoup de communication et peu d’information. Le citoyen est trop coupé de la réalité. Mais c’est un vice de forme de notre démocratie actuelle. Bien des responsables de communication semblent convaincus qu’approfondir les choses sur-solliciterait la population. Or le citoyen est capable de comprendre. Il faut arrêter de lui parler comme s’il avait 3 ans. Il faut l’éduquer en provoquant et en élevant le débat si l’on veut qu’il se réintéresse aux affaires publiques. Pour ce faire, il faudrait fédérer les responsables politiques et les acteurs de la ville pour créer une synergie, une intelligence locale. INTERMÉDIA. Et leurs stratégies événementielles ? r.b. Les événements culturels sont positifs pour redynamiser l’espace public. Surtout s’ils sont ancrés dans l’histoire de la ville, comme la Fête des Lumières à Lyon. Aujourd’hui, le pèlerinage se fait autour des installations vidéo. Quoique beaucoup plus récente, la Biennale du Design de Saint-Étienne a aussi réussi à s’institutionnaliser en drainant tout le monde du design. Et la ville a su ancrer cette discipline dans sa transformation urbaine, à travers la Cité du Design et les synergies du réseau mondial des villes créatives de l’UNESCO, où elle côtoie Berlin, Montréal, Kobé ou Shanghai. En revanche les Capitales de la culture font trop appel au star-system en exposant par exemple des artistes de renom pour se valoriser, alors qu’ils pourraient trouver d’autres moyens pour créer l’événement. INTERMÉDIA. Que dire du marketing territorial ? r.b. Que c’est dangereux de transférer à l’espace public le modèle de branding des marques internationales. Les modèles d’identification des entreprises en compétition commerciale ne correspondent pas aux besoins de lisibilité de nos espaces démocratiques. Le branding reprend le système de propa- Dans l’espace public, les affiches et autres “ images fixes ne sont plus que des extensions des nouveaux médias. ” gande de certaines dictatures : une petite marque qui crie, on peut en faire une marque internationale ! Le branding, c’est toujours la simplification. Mais cela ne fonctionne pas pour les territoires. Leur image ne peut se réduire à un logo. Surtout quand ils font assaut de marques interchangeables comme Iamsterdam, qui pourrait aussi bien se décliner en IamParis, Berlin, etc., tout comme OnlyLyon ! L’image ne peut pas remplacer la réalité et le discours politique. INTERMÉDIA. Que peut-on attendre de la réforme territoriale ? r.b. Elle devait simplifier les organisations. Or on sait bien qu’elle sera plutôt génératrice de nouvelles complexifications. Le citoyen avait appris les rôles des départements et des communes. Il faudra lui apprendre ceux des futures métropoles et de leurs compétences. Et qu’il puisse les identifier facilement. Il serait utile de définir une typographie et des signes communs à chaque type de structure en France. Ce n’est pas le cas aujourd’hui : les logos des régions, par exemple, ressemblent à des marques de savonnettes. Mettez-en trois côte à côte : impossible de dégager la moindre grille de lecture ! INTERMÉDIA. N’est-ce pas utopique ? r.b. La crise est suffisamment forte pour que nous soyons obligés de nous réveiller. N’est-ce pas ce transfert des modèles de consommation vers les modèles institutionnels, qui a engendré chez le citoyen ce ras-lebol de la chose publique ? Lui en redonner le respect passe par la manière dont les institutions se représentent. C’est un appel aussi bien aux agences de communication, qu’aux graphistes et aux politiques. Il est urgent d’ouvrir un débat citoyen. v Propos recueillis par michel texier n° 1276 I 10 décembre 2014 I InterMédia Magazine I 35 Au banc d’essai : le QR Code +et– +++ «N Cécile Lafay, chef de projet web chez Blanchon (69) Déjà dépassé le QR Code ? Né en 1999 au Japon il n’a pourtant que 15 ans d’existence. Le témoignage de deux annonceurs rhônalpins. « Le nombre de scans progresse chaque année » pour la marque Syntilor, vers une application dédiée. Nous nous en servons également pour envoyer le client vers des vidéos montrant les différentes étapes d’application du produit. L’objectif est de lui apporter une information complémentaire qu’il ne pourra pas trouver sur l’étiquette. Ou de le guider lorsqu’il ne trouve pas un vendeur à proximité. C’est un usage digital supplémentaire qui reste peu répandu dans notre secteur d’activité. » v ous utilisons des QR codes sur les emballages de nos produits d’entretien du bois, et sur notre documentation print depuis 2011. Chaque année, nous constatons que le nombre de scans est en progression. Nos QR codes continuent de générer du trafic alors qu’ils ne nous coûtent rien. Au final, cela fonctionne très bien. L’utilisation des QR codes est encore relative, mais cet outil est particulièrement utile sur nos produits phares. Placés sur les emballages, nos QR codes renvoient directement vers la fiche produit correspondante sur le site web de Blanchon ou, Blanchon place des QR codes sur ses produits d’entretien du bois depuis 2011. « Les consommateurs commencent à en avoir assez » ––– «L Nicolas Guignet, responsable digital au Crédit Agricole Loire Haute-Loire (42) es QR codes ont été très utilisés, mais on se rend compte qu’ils ont été souvent galvaudés. La plupart du temps, ils servent à renvoyer vers une simple homepage, ce qui revient en fin de compte à raccourcir une URL. Bref, sans grand intérêt. Personnellement, je pense que les QR codes ont été victimes de leur succès : les annonceurs en ont collé partout, mais s’en sont mal servis. Et les consommateurs ont commencé à en avoir assez. Au Crédit Agricole Loire HauteLoire, nous utilisons peu les QR codes. Avant tout, ce que nous souhaitons, c’est les intégrer à une réflexion plus globale. Le QR code n’est pas une fin en soi, c’est un point d’entrée vers une opération spécifique (vente flash, promotion, couponing...) qui permet de qualifier le trafic. À l’avenir, soit on continue à mal 36 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 Le Crédit Agricole Loire Haute-Loire réserve l’utilisation des QR codes à des opérations spécifiques, comme ici un jeu-concours. utiliser le QR code et il mourra de sa belle mort, soit on tente de lui redonner ses lettres de noblesse en lui conférant un usage plus pertinent. Je suis personnellement convaincu que des évolutions dans ce sens sont possibles. Nous pour- rions par exemple en mettre sur les cartes de visite de nos conseillers, afin que les clients scannent et intègrent directement les coordonnées sur Outlook. On peut rendre les QR codes plus utiles. » v TOPS et FLOPS d’innovations récentes +++ Les robots événementiels d’Evotion séduisent les grands comptes +et– Animer des événements d’entreprises avec des robots. C’était l’idée de Maxime Vallet lorsqu’il a fondé Evotion à Lyon en 2013. Parmi ses premiers clients : Orange, Veolia, le Futuroscope. « Nous touchons de grands comptes, mais aussi des agences événementielles comme Mondial Events ou Azoka, en recherche d’innovations », précise le jeune dirigeant. Pour son 1er exercice, il a dépassé ses objectifs avec un CA de 110 K€. Du coup, il est passé de deux à cinq salariés et va renouveler son catalogue. « Pour le moment, nous avons des prestations à la journée allant de 700 à 2 000 €. Avec nos futures offres, nous serons plutôt entre 5 et 20 K€ pour toucher de grands comptes comme GL Events », indique-t-il. v Cinq innovations dont on a parlé cette année, mais qui n’ont pas toutes été des réussites Le réseau social Tassag n’attire que 300 adhérents ––– 300 adhérents pour un objectif de 1 000 : Tassag, le réseau social créé il y a deux ans par la société stéphanoise Soliseo, peine à trouver son public. Le principe est pourtant ingénieux : il permet aux dirigeants d’organiser des visioconférences et d’entrer en relation avec une vingtaine d’experts labellisés (avocats, fiscalistes, communicants...). « Notre outil n’était pas assez performant, explique Myriam Nait-Yacoub, responsable marketing. Nous l’avons amélioré en mai 2014, désormais il n’est pas nécessaire d’installer un logiciel, il est multisupport et multi-plate-forme. » Pour se distinguer de Skype, Tassag propose un système de protection des données et de nouvelles fonctionnalités : outils de prise de note, d’impression et de zoom. Prochaine étape en 2015 : une version grand public baptisée Tisser du sens. v +++ Pour Georges, le crowdfunding est payant Le trimestriel pour enfants édité par Grains de Sel a amassé 17 700 € grâce à sa campagne de crowdfunding sur Ulule. C’est deux fois plus que prévu (7 000 €). « Nous avons beaucoup travaillé sur la campagne, en créant des visuels et vidéos en cohérence avec notre ligne éditoriale. Cela a plu à notre communauté (6 000 fans Facebook), mais aussi au-delà », commente Anne-Bénédicte Schwebel, la directrice de publication. Du coup, le tirage de Georges va être augmenté en 2015 (de 3 500 à 5 000 ex.) et la maison d’édition va créer des PLV pour animer ses 500 points de vente. Un vrai bol d’air pour ce trimestriel exigeant, qui fonctionne depuis son lancement il y a quatre ans sans aucune publicité. v +++ Le MOOC de EM Lyon a la cote +++ Fabulous initie Lancôme à l’impression 3D La jeune agence lyonnaise spécialisée dans l’impression 3D a conçu des PLV premium pour Lancôme. Ces supports composés de milliers de bâtons de rouge à lèvres dessinant une rose sont placés sur les corners de la marque à Paris, Milan, Copenhague, Stockholm et Cannes. D’autres projets dans le secteur du luxe sont en cours en vue d’une livraison au printemps prochain. « L’impression 3D industrielle permet une fabrication rapide et adaptée à chaque magasin, souligne le gérant de Fabulous, Arnault Coulet. Nous pouvons produire des PLV en fonction des ouvertures de magasins. L’intérêt c’est que nous pouvons concevoir des produits ayant des formes complexes avec une grande précision. » v 38 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 En novembre 2014, EM Lyon a lancé la 3e session de son cours en ligne gratuit sur la création d’entreprise, baptisé Effectuation. L’école de commerce a comptabilisé 4 000 inscrits. 25 % d’entre eux sont allés au bout de la formation. Un bon score. « En moyenne, 10 % des inscrits suivent un MOOC jusqu’au bout », souligne Philippe Silberzahn, professeur à EM Lyon. Autre point fort de ce MOOC, la création d’un laboratoire virtuel où les participants peuvent présenter leur projet entrepreneurial pour être « coachés » par d’autres candidats. 350 projets ont été soumis contre 200 pour la 1re session. « Le MOOC amène une nouvelle manière d’enseigner et d’apprendre et permet de renforcer l’image de l’école comme spécialiste dans son domaine », souligne le professeur. v DIGITAL ADDICT Les écoles privées lancent des formations full web « 60 % de nos offres d’emploi concernent des profils web ». C’est le constat de Claire Romanet, fondatrice d’Elaee, cabinet de recrutement spécialisé dans les métiers de la communication. Pour répondre à cette demande, deux écoles privées spécialisées dans le digital ont ouvert leurs portes à Lyon en septembre 2014 : Digital campus et la Web Interna- tional School (WIS). Elles viennent challenger Sup de Pub et l’ISCPA, jusqu’alors assez seules à proposer des formations aux métiers du web. La particularité de ces écoles : apporter une culture générale du digital. Digital Campus propose de former au « trilinguisme » du web (web design, développement et marketing digital). De son côté, WIS forme à métiers veille Créative technologist Un poste hybride et stratégique débouchés 26.02.2015 Le big data (Lyon) Thème de la deuxième édition des 10 Heures du marketing et de la communication d’InterMédia http://10heures. intermedia.fr/ 28.03.2015 Salon des Masters (Lyon) Une journée pour appréhender les offres de masters, mastères et MBA. cio-lyon-rive-gauche@ ac-lyon.fr L’émergence de formations au big data E n 2015, 4,4 millions d’emplois demanderont des compétences en big data au niveau mondial, et seulement 40 % de ces besoins pourront être couverts. C’est le pronostic d’une étude menée par l’entreprise de conseil américaine Gartner. En Rhône-Alpes, l’enseignement supérieur s’appuie sur ces besoins pressants pour développer des formations pointues. Elles conjuguent des compétences techniques, business et stratégiques. Après l’ENS Lyon qui a ouvert un master « Architecte de l’information » en 2012, Grenoble École de Management et Grenoble INP ont créé en 2014 un mastère en commun spécialisé Big data (bac + 6). La 1re promotion du mastère Big data de Grenoble École de Management et Grenoble INP avec ses parrains, Michel Teyssedre, (IBM) (à g.) et Agnès Mauffrey, (Michelin). 07-08.04.2015 Salon Sido (Lyon) Nouveau salon dédié à l’internet des objets à la Cité internationale [email protected] 21-22.04.2015 eCom (Genève) Salon suisse du web, du e-commerce et du mobile contact@by-connect. com Partenaires. Sur une vingtaine de candidatures, 13 étudiants ont intégré cette formation (5 mois de cours et 10 mois de stage). « Nous l’avons créée pour répondre à la demande des entreprises, souligne Fanny Rabouille, responsable du mastère. Elles ont besoin de mouton à 5 pattes qui maîtrisent les statistiques, mais qui sont aussi capables de les analyser pour concevoir de nouveaux services ». Du coup, le mastère est soutenu par 19 partenaires privés, dont IBM, Schneider et Michelin. Le poste le plus souvent proposé par les annonceurs est celui de data scientist. Pour autant, de nouveaux profils émergent comme business analyst, data strategist ou encore data officer, « l’équivalent du directeur financier », souligne-t-elle. Ces compétences restent l’apanage des entreprises ou des cabinets de consulting. « Mais les agences qui travaillent régulièrement avec de grands comptes intègrent peu à peu des data scientist », nuance Pierre Col, responsable marketing de l’agence Antidot. v MM 40 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 la conception et au management des activités web. « Il n’existait pas de formation polyvalente, souligne Bruno Perinel, responsable de WIS. Alors qu’il y a de vrais besoins notamment sur la partie ergonomie et sur le management de sites marchands ». Digital Campus ouvrira en février 2015 une formation continue de « chef de projet web et multimédia » d’une durée de 6 mois. v Le créative technologist fait le pont entre les développeurs, les créatifs et les commerciaux à un niveau technique et stratégique. Il a des lumières Lucas Mouilleron, technologist sur la technologie créative chez Diplomatic-Cover. web, la créativité, le marketing et la communication, mais n’est pas un expert d’un de ces domaines. Ce mouton à cinq pattes peut aussi bien faire de la veille technologique sur les tendances du moment, créer des prototypes pour convaincre un client, tester une technologie avant son lancement ou réaliser un benchmark stratégique. Ainsi, Lucas Mouilleron, créative technologist chez Diplomatic-Cover depuis deux ans, a expérimenté l’an dernier sur le site de l’agence une technologie qui permet de contrôler un site internet à partir d’un smartphone. « C’était de la veille technologique pure, commente-t-il. Mais j’interviens aussi sur l’aspect stratégique. Pour un de nos clients dans le domaine du jeu vidéo, j’ai réalisé un benchmark sur les sports de jeu vidéo (l’e-sport), identifié la communauté, ses pratiques... ». Il n’y avait pas de personne dédiée à cette veille auparavant. « Ce métier s’est imposé dans les agences digitales et généralistes il y a quelques années face à l’émergence d’une communauté open source qui communique très bien sur le web, explique Lucas Mouilleron. Face au foisonnement des technologies et des supports, le poste s’est formalisé ». La fourchette de salaire annuel se situe entre celle d’un développeur et d’un directeur technique, entre 30 et 50 K€. v débloque -notes Jacques Simonet, éditeur d’InterMédia Tendance pliage. Plus la société se virtualise, plus elle place le papier sur un piédestal. French Tech (« la communauté de ceux qui font le numérique ») a ainsi pris pour emblème une cocotte en papier. Un comble pour une organisation qui, si elle parvenait à ses fins, pourrait éradiquer la race papetière (la pape-race). Certes, l’art de plier le papier n’est pas nouveau puisqu’il est né il y a plusieurs siècles en Chine avant d’être popularisé au Japon sous le nom d’origami. Depuis, cet art a fait le tour du monde et je vous signale ainsi l’existence d’un Mouvement français des plieurs de papier qui a sa revue et organise une convention annuelle. Sage comme une image. En cette fin d’année 2014, on ne compte plus les visuels publicitaires qui font référence aux assemblages ludiques les plus divers par découpage, pliage, assemblage, montages, tressage ou collage... Seul gage de modernité : l’ordinateur a supplanté la colle et les ciseaux. Quand il s’agit de la biennale de l’artisanat à Lyon, on peut dire que c’est de la belle ouvrage ce dodécaèdre de bandes entrelacées (agence Communiquez, InterMédia n° 1275). De son côté, le Nouveau Rhône a choisi de présenter son par JIBÉ 42 I InterMédia Magazine I n° 1276 I 10 décembre 2014 territoire avec une carte en relief constituée d’une feuille plissée (agence Bonne Pioche, InterMédia n° 1277). Et l’un des prix du concours lyonnais « Femmes de design » a été attribué à une vitrine de magasin de cuisines (Bulthaup) décorée de lames de papier disposées en rosace (réalisation : Théodul, Saint-Étienne). Génération #ciseaux. Il est toujours difficile de savoir comment naissent ces tendances graphiques dont on ne peut préjuger la durée de vie. Difficile aussi de distinguer les instigateurs (les inventeurs) des suiveurs. Pour ne pas dire copieurs en manque d’inspiration. Dans le doute, parlons plutôt de l’air du temps. Mais quand une tendance s’installe, elle devient une mode. L’origami sera-t-il en 2015 une des valeurs fortes de la génération hashtag ? v www.chezjibe.com