13 - Straat Galerie
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13 - Straat Galerie
Dossier de presse « 13 » Ken Sortais 26 août - 29 octobre 2016 Vernissage le jeudi 25 août de 18 h 30 à 22 h Straat galerie, Marseille Dans le cadre de la Rentrée de l’Art Contemporain pendant Art-O-Rama, Foire International d’Art Contemporain et Paréidolie, Salon International du Dessin Contemporain. Sans-titre. Ken Sortais. 2016. Exposition personnelle « 13 » « 13 » est le titre de la résidence de Ken Sortais à Marseille en juillet-août 2016, et de l’exposition qui aura lieu à l’issue de celle-ci sur invitation de la Straat galerie du 26 août au 29 octobre 2016. Ce projet s’inscrit dans la continuité de « 93 », exposition présentée à la Straat galerie en septembre 2014, où l’artiste se nourrit de son rapport à la ville par appropriation de fragments d’espace public, prélevés par le biais du moule et de l’empreinte. « 13 » Ken Sortais 26 août - 29 octobre 2016 Vernissage le jeudi 26 août de 18h30 à 22h Straat galerie, Marseille Dans le cadre de la Rentrée de l’Art Contemporain pendant Art-O-Rama, Foire International d’Art Contemporain et Paréidolie, Salon International du Dessin Contemporain. La résidence et l’exposition de Ken Sortais bénéficient du soutien de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. 17 rue des Bergers 13006 Marseille Tél. + 33 (0)6 98 22 10 85 [email protected] www.straatgalerie.com Ouvert du mercredi au vendredi de 16 h à 19 h et le samedi de 11 h à 19 h ou sur rendez-vous La Straat galerie est membre du réseau Marseille Expos Ken Sortais, oeuvre en cours, vue de résidence. Le Canet, Marseille. août 2016. Ken Sortais, 13. détails. latex et acrylique. 2016. Vues d’atelier, Hors-les-murs/HLM, Le Panier, Marseille. août 2016. À propos Ken Sortais “Une visite au cimetière du Père-Lachaise à Paris ajoute une année de vie à ses visiteurs et les pyramides d’Egypte dévisagent d’en haut le temps lui-même”. Si j’en crois cette citation de J.G Ballard tirée de la foire aux atrocités (1969), mon récent projet d’exposition “Sheta” (octobre 2015) m’aurait donc accordé plusieurs dizaines d’années de vie supplémentaires. Car je travaille dans les cimetières, mais aussi autour des églises, dans la rue et les parcs de Paris ou d’ailleurs, je recouvre et “empreinte” la ville qui me défie de m’en approprier ses formes disponibles. Ma démarche sculpturale actuelle n’est pas sans rappeler le musicien Marsyas qu’Apollon dépouilla de sa peau puis suspendit à une branche ainsi transformée en outre animée. Je ne me suis pas encore occupé d’Apollon mais je sais déjà où le trouver, qu’il reste sur ses gardes. Néanmoins, ses comparses Pérsée, Atlas et Héracles figurent dans la liste non exhaustive de mon tableau de chasse. Le moulage furtif est illégal. Dans ce contexte, ma démarche s’articule en dehors des lois reçues, des usages et des conventions. J’agis de jour comme de nuit. La cible détermine la forme de l’action, le jeu est stratégique, je me fonds dans la masse, je ruse aux aguets, je me déguise pour mieux duper, aiguise ma répartie en cas de mauvaises surprises. Ce temps de travail, performatif et théâtral, constitue la première étape dans la genèse de mes œuvres. La deuxième étape concerne la mutation de la matière prélevée, dans l’espace de l’atelier. D’expérimentation en sérendipité, je gonfle, j’étire, je moule et je suspends, confronte et détourne les formes symboliques que je me suis attribuées. Cette pratique sculpturale est associée à la peinture et à la photographie dans les installations exacerbées que je propose. Mes œuvres cohabitent pour créer des fictions imprégnées de mes références mythologiques, littéraires et cinématographiques, restituant dans le même temps les fragments de mes expériences personnelles associés à une vision plus globale de l’histoire. Un rite funéraire égyptien, la marche d’un saint décapité, le langage alchimique des bas-reliefs d’une cathédrale ou l’incarnation du démon dans une voiture de sport, les mises en scènes que je coordonne immerge le spectateur dans des univers incertains mais familiers, maintenant une ambivalence permanente entre le réel et l’illusion, le dit et le tacite, le visible et le caché.” KS Ken SORTAIS Né en 1983, vit et travaille en Seine-Saint-Denis. www.kensortais.com Curriculum Vitae Ken Sortais Né en 1983, Ken Sortais vit et travaille en Seine-Saint-Denis. www.kensortais.com Formation École Nationale des Beaux–Arts de Paris,obtention du DNSEP, 2010 École des Beaux-Arts de Rouen, obtention du DNAP, 2006 Expositions personnelles « 13 », Straat galerie, Marseille, 2016 « Âme prise », Under construction Gallery, Paris, 2016 « 93 », Straat galerie, Marseille, 2014 « Les pérégrinations de si atroce », Galerie Celal, Paris, 2014 « Biolensu », en collaboration avec Horfée dans le cadre du Lasco project, Palais de Tokyo, Paris, 2014 « Patagane », en collaboration avec Horfée, Sunset Résidence, Lyon, 2013 « Nos pensées vont toujours vers vous », en collaboration avec Guillaume Ginet, Sunset Résidence, Lyon, 2012 « Princes of Darkness » , Goldstein Gallery, Londres (GB), 2012 56e salon de Montrouge, La Fabrique, Montrouge, 2011 « Dernier tour », modules du Palais de Tokyo, Paris, 2011 Expositions collectives « Inner Earth », une proposition du Syndicat Magnifique, 2016 « A City Without A Sound », organisée par Studiocur/art, Averard Hotel, Londres (GB), 2016 « VERTO », Organisé par Studiocur/art au 58 rue chapon, Paris, 2015 « The State of Mankind », Matthew Rosen Gallery, Berlin (DE), 2015 « Field Effects », Le Cap, Rencontres de la photographie, Arles, 2015 « Flexions/Extensions », Under construction Gallery, Paris, 2015 Biennale Internationale Design Saint-Étienne, « Tu nais, tuning, tu meurs », Musée d’Art et d’Industrie, 2015 « Autoconstruction », organisé par Le Chassis, Under construction Gallery, Paris, 2015 « Seine-Saint-Denis-Style », Cité des arts, atelier G8, Paris, 2015 « Mapping the City », Somerset House, Londres (GB), 2015 « Novembre à Vitry », Galerie Jean Collet, Vitry-sur-Seine, 2014 Collectif PAL, TOY, FRAC Nord-Pas-de-Calais, Dunkerque, 2014 Exposition pour le lancement #2 of journal « Dystopie », Doors Studio, Paris, 2013 « Old Boot, Further Adventures in Comic Abstraction », Silvex House, Londres (GB), 2013 Salon de la jeune création Européenne de Montrouge, «A mort » : prix du Conseil Général des Hauts de Seine, 2011 « Asbestos Curtain », Goldstein Gallery, Londres (GB), 2011 « Novembre à Vitry », Galerie 51, Vitry, 2007 Prix Prix Asilo Bianco, The Others Art Fair (IT), 2015 Prix du Conseil Général des Hauts de Seine, Salon de la jeune création Européenne de Montrouge, 2011 Prix du Jury, Salon de la jeune création Européenne de Montrouge, 2007 Résidences Straat galerie, Marseille, juillet-août 2016 Centre de création contemporain, Usine Utopik, Tessy-sur-Vire, 2015 Rockenberg jail, Francfort (DE), 2013 Foires Art Paris Art Fair, Under construction Gallery, Paris, 2016 The Others Fair, Straat galerie, Turin (IT), 2015 La Confidentielle du YIA, Bastille Design Center, Paris, 2015 Poppositions, Straat galerie, Bruxelles (BE), 2015 YIA Art Fair La Confidentielle, Under construction Gallery, Paris, 2015 Texte & entretien (sélection) « Ken Sortais - Envoutement dans le 93 », Le Nouvel esprit du Vandalisme, conversation avec Ken Sortais et Océane Ragoucy, mars 2015 « RESILIO », Emma Cozzani, octobre 2014 Editions & multiples « Catulliacus », édition couleur, 20 exemplaires, 2015 « 93 », édition couleur, 30 exemplaires, 2014 « Patagania », édition noir et blanc réalisée en risographie, 50 exemplaires, 2013 « Ready to die », sérigraphie 4 couleurs, Gokhan Sökmen ,50 exemplaires, 2013 Ken Sortais, LH Edition, impression jet d’encre, 200 exemplaires, 2012 « Asbestos Curtain Book », risographie 7 couleurs, 100 exemplaires, 2012 « Prince des ténèbres », sérigraphie 4 couleurs, Galerie Goldstein, 25 exemplaires, 2012 « La mort de l’icône », sérigraphie 4 couleurs réalisée pour le lancement de Manuel n° 0, 2012 « RESILIO » Emma Cozzani « Le jour où une statue est terminée, sa vie, en un sens, commence. La première étape est franchie, qui, par les soins du sculpteur, l’a menée du bloc à la forme humaine ; une seconde étape, au cours des siècles, à travers des alternatives d’adoration, d’admiration, d’amour, de mépris ou d’indifférence, par degrés successifs d’érosion et d’usure, le ramènera peu a peu à l’état de minéral informe auquel l’avait soustrait son sculpteur. » Marguerite Yourcenar, Le Temps ce grand sculpteur, Paris, Gallimard, 1983. « 93 », exposition de Ken Sortais à la galerie Straat, pourrait bien finalement être une « troisième étape » dans la vie des sculptures, dans le même temps qu’elle affirme un tournant dans la pratique de l’artiste, reconnu avant tout pour son travail de dessin. Les installations et sculptures présentées s’inscrivent dans la suite des motifs que l’artiste met en scène dans ses dessins et peintures, ou plutôt l’envers des scènes qu’il donne à voir. Une dualité présente dans le travail de Ken Sortais qui se retrouve également dans « 93 ». À un accrochage presque muséographique répond un corpus d’oeuvres découlant d’un regard sensible sur l’environnement qu’il expérimente, dans le même temps que ses recherches sur la matière le renvoie à une approche quasi-alchimique de la création. « 93 », on l’aura sans doute compris, c’est également le département de Seine Saint Denis d’où l’artiste est originaire, qui devient ici à la fois la source des fragments prélevés et l’origine de son parcours de graffiteur, l’amenant à regarder la ville comme un ensemble de formes disponibles cohabitant dans le même espace. D’expérimentations en sérendipité, l’artiste déplace son atelier dans l’espace urbain, et y prélève formes et objets symboliques afin de les mettre en contact, de tenter de les faire dialoguer, de les confronter aussi. C’est justement une oeuvre en tension qui accueille le spectateur pénétrant dans l’espace de la galerie Straat. « La pierre cachée » est une installation associant l’empreinte en latex d’un banal rocher (comme ceux utilisés pour bloquer les voies d’accès par exemple) à un moulage ancien en plâtre d’un chapiteau* orné de motifs floraux, provenant de la basilique Saint Denis, « trouvé » par l’artiste au cours de ses pérégrinations. Le moulage du rocher, réalisé à partir d’une technique que l’artiste a mise au point, reproduit sa forme exacte, telle une mue. Accrochée au mur, la forme de la pierre originelle est déformée et ne donne plus à deviner sa matrice qu’en creux. Au milieu des plis du moulage, seules les mousses et moisissures présentes à la surface de la roche sont visibles, incrustées dans le latex. Le chapiteau en plâtre est quant à lui recouvert de minuscules graffitis et inscriptions gravées, noirci par la poussière, altéré. Présenté sur socle (c’est-à-dire retourné), il est une relique, un témoin de l’usage passé de son référent. Formes prélevées mais pourtant antagonistes, elles entrent en résistance l’une par rapport à l’autre ; comme si l’artiste avait voulu questionner leurs légitimités et n’avait pu effectuer de choix, tant chaque sculpture se présente comme l’antithèse plastique de l’autre. Le titre de l’oeuvre renvoie aussi bien à l’absence de référents des formes associées qu’au mythe de la pierre philosophale.** En place et lieu d’une dialectique entre matière et forme, Ken Sortais lui substitue une réflexion sur la domination d’une représentation sculpturale sur une autre à travers le contraste entre forme en creux et forme pleine, forme historique et forme quelconque… Détournant des formes symboliques qu’il ré-arrange en « combinaisons improbables », Ken Sortais met en tension les éléments qu’il prélève via une mise en espace théâtralisée, comme exacerbée. « La couronne de Nataz » est une installation associant art gothique et l’argotique*** à travers deux éléments a priori antinomiques. La tête d’un saint moulée en latex teinté cohabite avec une « tapisserie » de latex brut, sur laquelle on peut deviner l’inscription « Nataz » et le dessin d’une couronne. Réalisée à même le bitume, il s’agit en fait de la contre-forme du sol. L’inscription « nataz » étant en quelque sorte le verlan**** du mot « satan », tandis que la couronne peut renvoyer aux codes du graffiti autant qu’à l’auréole sacrée ou à la couronne d’épine. Moulée directement sur un basrelief de la basilique Saint Denis, la tête de saint prend un sens autre par la couleur qu’il revêt : le vert étant la couleur du diable depuis le XIIIe siècle, en référence à l’oxyde de cuivre servant à fabriquer les poisons de l’époque. Un ange se transformant en démon, le renversement de « satan » en « nataz » comme exorcisme, Ken Sortais se joue de la symbolique religieuse à l’oeuvre dans l’histoire de l’art et de leurs représentations. « La couronne de Nataz » est, à l’image de « La pierre cachée », un dialogue sous forme de duel entre deux antagonistes, chacun contaminant la représentation de celui avec qui l’artiste le fait cohabiter. Les oeuvres de Ken Sortais déroutent le spectateur, le questionnent sur les liens qu’entretiennent matière et forme, le confonde quant à la réalité des représentations qui s’offrent à lui et suggèrent une réversibilité de la forme à travers les opérations de moulage et d’empreinte, à l’instar de Marcel Duchamp. Dans la seconde pièce de la galerie Straat, « Sans titre », moulage en latex naturel, jaunâtre et opaque, d’un pare-brise accidenté, ouvre à une autre lecture de la pratique de Ken Sortais. Tandis que la forme et la couleur du latex évoque un textile mortuaire, les motifs de la vitre brisée semblent quant à eux rejouer les vitraux de la basilique Saint Denis, version film d’horreur ; à la différence qu’ils ne renvoient plus qu’à un évènement passé, celui de l’accident. Influencé entre autre par le cinéma de John Carpenter, réalisateur de nombreux films d’horreur cultes, les oeuvres de Ken Sortais semblent parfois toutes droit sorties d’un scénario tragi-comique et macabre. Détournant des symboles issues de la religion chrétienne par exemple, ou de la culture populaire, son travail maintient une ambivalence permanente entre le visible et le caché, le dit et le tacite. Ainsi « Christine » fait référence au film éponyme de Carpenter dans lequel une voiture surnaturelle et malveillante prend le contrôle de son conducteur et tue ceux qui essaient de les séparer. Ici, « Christine » est inanimée, accidentée. Hypothétique revirement de situation, la voiture ensorcelée se trouve réduite à l’état de carcasse, que l’artiste tente d’invoquer à travers le moulage à échelle un du flanc d’une « bagnole » provenant de la casse de Saint-Ouen. Rouge sang comme un écorché, l’empreinte de la carcasse semble tomber en lambeaux, se déchirer pour ne plus ressembler qu’à une forme à mi-chemin entre celle de la voiture et celle d’une dépouille issue d’une planche anatomique. En un sens, « Sans titre » et « Christine » découlent de l’univers coloré et effroyable que Ken Sortais distille dans ses dessins. Quant à « Nico », sculpture en latex et mousse viscoélastique (ou mousse à mémoire de forme), elle conjugue les références de l’artiste en une forme proche du remake à partir d’éléments iconoclastes. De la même façon que « La couronne de Nataz », il s’agit d’un moulage « sur le vif » d’un visage de statut, effectué là encore sur un bas-relief de la basilique Saint-Denis. Le visage est encapsulé dans plusieurs couches de mousse industrielle, colorées et brutes, de façon à presque l’enfouir. Cependant, il reste visible, invitant le spectateur à une sorte de face-à-face dérangeant. « Nico » se pose alors comme un vestige tout juste découvert et affleurant à la surface de son écrin de mousse. Entre esthétique « pop » et référence à l’histoire de l’art par son aspect de sculptureobjet, elle constitue une forme de trompe-l’oeil en volume, d’aspect solide alors pourtant que le latex et la mousse sont des matériaux dé-formables. En leur donnant une forme figée, Ken Sortais travaille à contre-emploi des matériaux qu’il utilise. Brouillant les pistes, Ken Sortais questionne la sculpture comme geste, celui par lequel l’artiste donne forme à une matière. L’utilisation de matériaux mous évacue la masse de l’objet tout en conservant son apparence et permet de donner à voir des formes altérées. Enfin, dans une logique de dualité, « Nico » se constitue en une forme contraire de « Christine ». Travaillant le genre, qu’il soit référentiel, historique, fictionnel ou masculin et féminin, les oeuvres de Ken Sortais sont polysémiques et résistent à une lecture manichéenne du réel. L’artiste questionne à la fois les formes qu’il prélève et leur modalités d’existence par le prisme de la matière, et de sa transformation. Finalement, « 93 » apparaît comme une réflexion globale sur les formes, leurs hiérarchies et leurs généalogies. Entre références et pratique expérimentale, le corpus d’oeuvres de « 93 » révèle la tension latente propre à l’univers graphique de l’artiste. * En architecture, un chapiteau est un élément ornemental qui couronne la partie supérieure d’un poteau, d’une colonne, d’un pilastre, d’un pilier… ** La pierre philosophale est une légende de l’alchimie, permettant entre autre d’acquérir une conscience absolue, la vie éternelle et de transmuter les métaux vils en métaux nobles. *** Référence à Fucanelli dans « Le mystère des cathédrales » **** Le verlan est une forme d’argot qui consiste principalement à inverser les syllabes d’un mot « Le jour où une statue est terminée, sa vie, en un sens, commence. La première étape est franchie, qui, par les soins du sculpteur, l’a menée du bloc à la forme humaine ; une seconde étape, au cours des siècles, à travers des alternatives d’adoration, d’admiration, d’amour, de mépris ou d’indifférence, par degrés successifs d’érosion et d’usure, le ramènera peu a peu à l’état de minéral informe auquel l’avait soustrait son sculpteur. » Marguerite Yourcenar, Le Temps ce grand sculpteur, Paris, Gallimard, 1983. Emma Cozzani (*1989) est artiste, directrice de publication et fondatrice des Éditions Infra depuis 2012. « Ken Sortais – Envoûtement dans le 93 » Le Nouvel esprit du vandalisme Depuis qu’il vit dans le 93, Ken Sortais a été « envouté » par le territoire qui lui a ouvert la porte de nouvelles inventions artistiques. Sa pratique sculpturale entre alchimie et réactivation de mythes anciens n’est pas sans rappeler le musicien Marsyas qu’Apollon dépouilla de sa peau puis suspendit à une branche ainsi transformée en outre animée. Le théoricien Stéphane Dumas trouve dans cette fable le modèle du processus créateur de l’artiste qui s’écorche. Ken Sortais prélève les formes de la ville, recouvre et « empreinte ». Ici, ce serait plutôt la ville qui s’écorche symboliquement, « retourne sa peau afin d’en offrir l’épaisseur, la chair, comme médium de nos représentations du monde ». OR : Qui es-tu Ken Sortais ? KS : Si atroce dionysien, présentement possédé par le mystique Denis sur le mont mercure. OR : La formule est un peu mystérieuse mais elle fait en réalité écho à deux de tes projets » Les pérégrinations de si atroce » l’année dernière mais aussi à l’œuvre sur laquelle tu travailles pour l’exposition collective « Seine Saint Denis Style » à la Cité des Arts. D’où vient cette expression « Si Atroce » ? KS : Mon exposition à la galerie Celal, « Les pérégrinations de si atroce », est un éloge à la pensée extra-sensible et visionnaire de trois artistes magiciens, Fulcanelli*, Dario Argento et Goya. Au travers des dimensions alchimiques, cinématographiques et picturales de leur univers respectif, ces artistes ont considérablement déformé ma perception du monde tout en générant la dynamique de production des œuvres présentées à la galerie Celal. Si atroce est une forme d’anacyclique* découlant de Sortais. D’ailleurs, mon intérêt pour l’argot et plus récemment pour la langue des oiseaux se nourrit copieusement de la pensée de Fulcanelli dans « Le mystère des cathédrales ». L’auteur s’exprime en ces mots : « De nos jours encore, les humbles, les misérables, les méprisés, les insoumis avides de liberté et d’indépendance, les proscrits, les errants et les nomades parlent l’argot, ce dialecte maudit, banni de la haute société, des nobles qui le sont si peu, des bourgeois repus et bien-pensants, vautrés dans l’hermine de leur ignorance et de leur fatuité. L’argot reste le langage d’une minorité d’individus vivant en dehors des lois reçues, des conventions, des usages, du protocole, auxquels on applique l’épithète de voyous, c’està-dire de voyants, et celle, plus expressive encore, de Fils ou Enfants du soleil. » Avec quelques amis adeptes du pal-indrome, nous manions un verlan personnifié imprégné de javanais. En une situation donnée, ce langage codé peut garantir l’exclusivité de notre conversation. OR : La pièce que tu prépares pour l’exposition Seine Saint-Denis Style fait référence à l’histoire mythologique et historique d’un lieu. Ce ont des données auxquelles tu es attentif habituellement ? KS : Oui, et le déclencheur est « 93 » à la STRAAT galerie en septembre dernier à Marseille. Pour cette exposition, j’ai engagé un processus de travail qui tire sa substance de la ville et se matérialise par le moule et l’empreinte « sur le vif » dans l’espace public. Des traces sur le sol aux visages angéliques des bas-reliefs de la basilique de SaintDenis, j’envisage mon environnement comme un ensemble de formes disponibles. En ce sens, ce geste invoque inévitablement le contexte historique, voire mythologique de la zone de prélèvement. Pour le projet Seine Saint-Denis Style (en collaboration avec Rebekka Deubner), nous nous sommes intéressés à Saint-Denis selon la légende chrétienne. De sa décapitation sur la butte Montmartre à son pèlerinage vers la pieuse Catulla, notre installation est une relecture allégorique de cet épisode céphalophorique*. OR : Nous avons beaucoup entendu à travers le rap des années 90 ainsi que dans le graffiti et la danse une revendication d’appartenance au 93. Cela s’est prolongé jusqu’à aujourd’hui, à tel point que la Seine Saint-Denis, du moins dans les musiques actuelles, est une sorte d’estampille. On peut d’ailleurs y identifier « une marque de fabrique ».Qu’est-ce que le Seine Saint-Denis Style à ton avis ? Tu habites et travailles à Saint-Denis, reconnais-tu ce sentiment d’appartenance ? La banlieue a-t-elle une influence sur les réflexions que tu mènes ? KS : NTM fut l’incarnation du Seine Saint-Denis Style dans les années 90, affirmant à travers le graffiti et la musique une identité banlieusarde. La dimension égocentrique de ces deux pratiques a conditionné le Seine Saint-Denis Style, exacerbant le sentiment d’appartenance à un lieu. J’habite à Saint-Denis depuis 3 ans. Depuis 3 ans, le nombre 93 se greffe sur chacun de mes graffitis. Il y a une part de jeu et d’ironie dans cet acte, mais j’ai bel et bien été ensorcelé. Cet envoutement m’a ouvert les portes de l’exposition « 93 » en me confrontant à des problématiques nouvelles et inédites dans mon travail. Ce faisant, j’ai transposé ma pratique obsessionnelle du dessin à une œuvre plus sculpturale et de plus en plus référencée. OR : On retrouve le motif de la matière qui tombe, de l’expression d’une gravité dans les personnages que tu dessines à l’encre, mais aussi dans les empreintes en latex que tu suspends. Peut-on parler d’une figure de la chute en train de se faire, au ralenti ? KS : C’est un point de vue intéressant. Le cartooniste Ub Iwerks crée en 1928 un personnage, « Flip the Frog ». C’est à la période où j’ai découvert cette joyeuse grenouille que mon dessin s’est affirmé dans le style rebondi, fluide et ultra dynamique de ce dessinateur. La volonté de mouvement qui orchestre mes compositions provoque inéluctablement le sentiment de chute, de déséquilibre contrôlé. « Eloge de la déraison », que j’ai réalisé en lien avec la série de gravures « des disparates » de Goya, est un exemple saisissant du rapport de force dans mon dessin entre formes en tension et pesanteur généralisée. J’aime que les antagonismes s’affrontent dans mes œuvres. La magie opère quand au-delà de la lutte ils parviennent à fusionner. Dans mon travail au latex, « La pierre cachée » et plus particulièrement « Christine » sont marquées par cette dimension de gravité que tu évoques. « Christine » fait référence au film éponyme de John Carpenter (tiré du roman de Stephen King), où une voiture prend le contrôle de son conducteur et tue par amour et jalousie toutes les personnes de son entourage. Emma Cozzani dans sa pertinente critique de « 93 » définit « Christine » par ces quelques mots : « Rouge sang comme un écorché, l’empreinte de la carcasse semble tomber en lambeaux, se déchirer pour ne plus ressembler qu’à une forme à mi-chemin entre celle de la voiture et celle d’une dépouille issue d’une planche anatomique. » Le charme est rompu, Christine désincarnée. La chute est soulignée par l’accident et l’effondrement organique de l’œuvre. OR : Comment vois-tu le lien entre ta pratique du graffiti et celle que tu opères par moulage ou empreinte ? KS : Le lien se crée par l’aspect performatif de ces deux pratiques. Le graffiti a décomplexé mon rapport à la rue, ce qui me permet aujourd’hui de mener ce travail de moulage et d’empreinte dans la ville, en toute impunité. OR : Tu racontes que le transfert avec le latex « nettoie » les objets que tu moules. Tu emportes ainsi avec cette technique une fine pellicule de matière de la ville. Cette micro vie influe l’œuvre, puisqu’elle joue avec sa conservation notamment. Penses-tu à l’instar du graffiti que l’œuvre est vouée à disparaitre, qu’elle est donc non pérenne ? KS : Effectivement, le retrait du latex entraîne un nettoyage partiel de l’objet/cible. D’ailleurs, pour faire face à l’inquiétude et parfois à l’hostilité des passants et autres agents de sécurité qui s’interrogent sur la finalité de mes interventions, j’ai créé la société TEXICO qui se spécialise dans le décrassage de la pierre dans l’espace public. TEXICO est le gage de ma bonne foi, une entreprise qui rassure. La couche de sédiments imprimée sur la matière est le signe avant-coureur d’une œuvre en mutation. C’est le cas de « Catulliacus », empreinte d’une statue de Saint-Denis réalisée pour l’exposition S-S-D-S. Les résidus de crasse et de mousse emprisonnés dans le latex attribuent la dimension organique et évolutive de l’œuvre, tout en provoquant l’altération de son état dans le temps. L’œuvre est-elle vouée à disparaître? A ce sujet, Marguerite Yourcenar déclare : « Le jour où une statue est terminée, sa vie, en un sens, commence. La première étape est franchie, qui, par les soins du sculpteur, l’a menée du bloc à la forme humaine ; une seconde étape, au cours des siècles, à travers des alternatives d’adoration, d’admiration, d’amour, de mépris ou d’indifférence, par degrés successifs d’érosion et d’usure, le ramènera peu à peu à l’état de minéral informe auquel l’avait soustrait son sculpteur. » Heureusement que je ne travaille pas avec de la pierre ! Mes sculptures sont flexibles et élastiques. Le caractère imputrescible du latex garantira leur pérennité. OR : Comment vois-tu l’évolution de ta pratique artistique ? KS : Je veux continuer de me mettre en danger face à des matières et des forces que je ne maîtrise pas. OR : Considères-tu que ta pratique s’inscrive dans un nouvel esprit du vandalisme ? KS : Quand je prends une empreinte sur une sculpture vieille de 1000 ans et que je lui arrache le nez, oui. Fulcanelli*: Figure emblématique et mystérieuse de l’alchimie en France, entre la moitié du 19ème et du 20ème siècle. anacyclique*: mot que l’on peut prononcer dans les deux sens, exemple: tracé-écart. céphalophorique*: du grec képhalê (tête) et phorein (porter), est un épisode où un personnage décapité se relève et prend sa tête entre les mains avant de se mettre en marche. Océane Ragoucy (*1983) est architecte de formation et titulaire d’un Master Recherche en Arts & Médias Numériques de Paris I-Panthéon Sorbonne, Océane Ragoucy développe des projets liés principalement à la pratique architecturale et à ses relations avec le monde (édition, exposition, web, communication) notamment avec TVK. Co-fondatrice du projet G8 à la Cité Internationale des Arts à Paris et de Printing on Fire, projet consacré au fanzine et à l’auto-édition. Depuis 2015, elle fait partie de SPEAP, le programme d’expérimentation en arts et politique dirigé par Bruno Latour à Sciences Po Paris. Lancée en 2011 par Hannah Théveneau et Remy Lieveloo, la Straat Galerie est un lieu d’expérimentation, de création et de diffusion indépendant basé à Marseille (FR). Membre du réseau de professionnels Marseille Expos, plateforme de promotion de l’art contemporain à Marseille depuis 2013. Le nom straat, qui signifie « la rue » en néerlandais, fait référence à la ligne artistique de la galerie qui explore toutes les pratiques artistiques situées au croisement de l’art contemporain et de l’urbain. Son nom est aussi un clin d’œil aux origines de son fondateur et directeur artistique Remy Lieveloo. La Straat Galerie soutient la jeune création contemporaine par le biais de la programmation d’une dizaine d’expositions et d’évènements par an : de l’accueil d’artistes en résidence, à la diffusion de projets artistiques, aux lancements d’éditions d’artistes. Depuis 2015, elle participe à des foires d’art contemporain en Europe. En activités annexes de sa programmation, elle développe des actions de médiation et conçoit sur mesure des visites ludiques et ateliers pédagogiques ouverts à tous. 17 17 rue rue des des Bergers Bergers 13006 13006 Marseille Marseille Tél. Tél. ++ 33 33 (0)6 (0)6 98 98 22 22 10 10 85 85 [email protected] [email protected] www.straatgalerie.com www.straatgalerie.com Ouvert Ouvert du du mercredi mercredi au au vendredi vendredi de de 16 16 hh àà 19 19 hh et et le le samedi samedi de de 1111 hh àà 19 19 hh ou ou sur sur rendez-vous rendez-vous La La Straat Straat galerie galerie est est membre membre du du réseau réseau Marseille Marseille Expos Expos Vue en plan de la Straat galerie. 2013. 1717rue ruedes desBergers Bergers13006 13006Marseille Marseille Tél. Tél.++33 33(0)6 (0)698 9822 2210 1085 85 [email protected] [email protected] www.straatgalerie.com www.straatgalerie.com Ouvert Ouvertdu dumercredi mercredi au auvendredi vendredi de de16 16hh àà19 19hhet etlelesamedi samedide de1111hhàà19 19hh ou ousur surrendez-vous rendez-vous La LaStraat Straatgalerie galerieest estmembre membredu duréseau réseauMarseille MarseilleExpos Expos Direction artistique Remy Lieveloo 17 rue des Bergers 13006 Marseille Tél. + 33 (0)6 98 22 10 85 [email protected] www.straatgalerie.com Ouvert durant les expositions du mercredi au vendredi de 16 h à 19 h et samedi de 11 h à 19 h ou sur rendez-vous. Visites guidées et ateliers pédagogiques sur réservation. Possibilité de faire les visites en anglais et néerlandais. La Straat galerie est membre du réseau Marseille Expos. Coordination Hannah Théveneau Équipe bénévole Ishem Rouïai Thomy Lhomme Mickaël Massard Rebekka Deubner Jérôme Lieveloo Marie Liveris