LE JAPON à la page

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LE JAPON à la page
LE JAPON
à la page
Le journal de Jetro Paris - n°57 / 4e trimestre 2007
Tribune
SOMMAIRE
1/TRIBUNE
1/LES BRÈVES
2/ÉCONOMIE La R&D des entreprises
étrangères installées au Japon est un
réservoir de croissance
5/L’INTERVIEW Jean Christophe Baillie,
Président, Gostai
5/Greater Nagoya Initiative
7/INNOVER Robots japonais de nouvelle
génération : stratégies et opportunités
9/INVESTIR Le Japon accueille
favorablement les fusions & acquisitions
transfrontalières
10/À VOS AGENDAS
11/HORIZONS JAPON Le textile « made
in Japan » s’affiche
12/LAURIERS À Kinotayo
Après deux trimestres en demi-teinte à cause de la baisse des investissements domestiques dans le secteur financier, l'économie japonaise
a retrouvé le chemin de la croissance. Le PIB a augmenté de 0,6 % au
cours de la période juillet-septembre grâce notamment à la bonne tenue
des exportations et des investissements du secteur privé. La faiblesse
des chiffres n’est pas due, comme on pourrait le supposer, aux retombées des « subprimes », mais à l’impact de l’entrée en vigueur avant
l’été d’une nouvelle loi venue renforcer les contrôles en matière de
sécurité dans le secteur du bâtiment. Cette nouvelle législation a
entraîné un allongement de la durée des constructions, au moins de
quelques mois. Il ne s’agit pas du tout d’un problème structurel et la
croissance devrait se redresser dès la fin de la période d’ajustement des
professionnels du bâtiment.
Le gouvernement japonais poursuit sa politique en faveur de la formation d’un meilleur environnement pour les investissements directs
étrangers, notamment en matière de fusions et acquisitions accueillis de
plus en plus favorablement. Dans le cadre de nos recherches comparatives des systèmes français et japonais, nous avons organisé courant
novembre un atelier réunissant plusieurs dirigeants d’entreprises. Les
conclusions montrent que, face aux fusions et acquisitions, nos deux pays
ont le même souci du respect des actionnaires et semblent concernés par
les mesures de protection et par l’accroissement de la transparence. Des
différences subsistent entre les dispositifs japonais et européen, notamment sur les questions de réciprocité ou des relations avec les pays tiers,
que nous allons continuer à étudier plus en profondeur.
…
Les brèves
La commémoration en 2008 du 150 e anniversaire des relations francojaponaises donnera lieu à de nombreuses manifestations dans toute la
France. N’hésitez pas à consulter régulièrement le site Internet de
l’Ambassade du Japon en France (w w w.fr.emb-japan.go.jp). ////// Fin
octobre, la chaîne de supermarchés Aeon Co. s’est lancée dans les
ser vices bancaires en créant Aeon Bank. Contrairement à son concurrent
Seven & i Holdings Co., dont les activités bancaires se limitent aux
opérations de distributeurs automatiques de billets, Aeon prévoit
d’ouvrir 90 guichets d’ici mars 2009. ////// A par tir de janvier 2008,
le paiement des impôts pourra être effectué dans 40 000 « combini »
(supérettes) sur tout le territoire japonais. //////
La R&D des entreprises étrangères installées au Japon
…
J’ai été récemment convié au vingtième anniversaire de
Epsilon Composite, une entreprise qui développe une haute
technologie dans la fibre de carbone. Cette PME girondine,
leader mondial dans son domaine, vient d’inaugurer un
bureau à Tokyo, avant d’en faire sa filiale commerciale et
d’envisager l’installation d’une future usine. Cette « success
story » illustre bien les opportunités qui s’offrent aux entreprises régionales innovantes. C’est un axe très intéressant,
que nous voulons exploiter davantage et je vais d’ailleurs me
rendre bientôt en Bretagne pour visiter deux pôles de compétitivité. Jetro Paris s’est également associé à la quinzaine
japonaise qui a fédéré de nombreuses manifestations, culturelles et économiques, dans la région de Lille.
Au Japon aussi, les régions font preuve de dynamisme. Fin
novembre, une délégation de Greater Nagoya Initiative est
venue à Paris présenter l’attractivité de sa région au cours d’un
séminaire. Cette région, qui regroupe les préfectures de
Aichi, Gifu et Mie, contribue pour une part majeure à la
croissance économique du Japon grâce à des secteurs forts
comme l’aéronautique, l’automobile et la fabrication de
machines. Des entreprises de renom y sont installées : Brother,
Toyota, Sharp… Les organismes économiques locaux et les
entreprises ont uni leurs efforts pour montrer les atouts de leur
région dans l’objectif d’attirer davantage d’entreprises étrangères dans le Greater Nagoya.
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2008 sera une année importante puisque la France et le
Japon fêteront le 150e anniversaire de l’établissement de leurs
relations. Ce sera une occasion unique de promouvoir les liens
qui unissent nos deux pays. La campagne « France-Japon,
l’Esprit partenaire », coordonnée par le ministère français de
l’Economie et Jetro, va être renouvelée et renforcée afin de
rendre encore plus efficace la coopération franco-japonaise.
Fin janvier, dans le cadre de la promotion de la « Japan
Brand », Jetro accueillera au salon « Maison & Objet » les créations artisanales de vingt-sept entreprises japonaises sur le
thème de l’alliance de la tradition et du design moderne. Nous
serons aussi présents au Midem, le marché international de la
musique, afin de faire connaître la pop japonaise en France et
en Europe. Nous projetons également d’organiser, sans doute
début septembre, un séminaire important consacré aux investissements entre la France et le Japon, avec la participation de
grands industriels japonais.
Enfin, au mois de novembre, le Grand Palais accueillera de
nouveau le salon des Artistes Décorateurs, après dix-huit ans
d’absence. Le Japon a été sollicité pour en être l’invité d’honneur et j’espère que le Meti et Jetro seront en mesure d’apporter leur soutien à cet événement et de présenter le nouveau
japonisme au plus grand nombre de visiteurs français qui
apprécient le design japonais, sa qualité et son effervescence.
Tsuyoshi Nakai, Directeur général
ÉCONOMIE
La R&D des entreprises étrangères installées au Japon
est un réservoir de croissance
Attirer les investissements directs étrangers est une des priorités du gouvernement japonais, par ailleurs déterminé à relancer la croissance par le biais de l'innovation. Dans ce contexte, les investissements des sociétés étrangères dans des activités
de recherche et développement (R&D) devraient contribuer à plus d'innovation au Japon, créer des emplois pour du personnel
hautement qualifié, encourager la constitution de clusters industriels dans les régions et ainsi revitaliser l'économie japonaise.
Dans un rapport publié récemment, Jetro analyse la situation de la R&D des entreprises étrangères installées au Japon et son
impact sur l'économie japonaise
Partout dans le monde, les entreprises multinationales dynamisent leur R&D en tirant parti des moyens disponibles dans d'autres pays. De nombreux experts ont néanmoins constaté que le
Japon avait du mal à s'affirmer comme foyer d'innovation international, alors que par exemple la recherche internationale avancée en biotechnologies se concentre aux Etats-Unis, où se
constituent de nombreux clusters industriels.
Dans une étude publiée en mars 2007 (intitulée « Survey on R&D
of Foreign-Affiliated »), Jetro fait le point sur la R&D des entreprises étrangères installées au Japon. En déterminant son impact
sur l'économie et l'industrie japonaises, en analysant la place que
tient l'archipel dans la façon dont ces entreprises gèrent leur R&D
au niveau mondial, ainsi que les raisons qui les ont incitées à établir leurs activités de recherche au Japon, cette étude a permis de
faire plusieurs recommandations en vue d'attirer dans le pays
davantage de R&D d'entreprises étrangères. Considérant que la
R&D se décline en trois stades distincts (recherche fondamentale, développement de produits et conception), Jetro a recensé
287 entreprises étrangères qui en 2006 avaient des activités de
R&D au Japon, soit environ 10 % de l'ensemble des sociétés
étrangères installées dans l'archipel. Parmi elles, soixante-quatre
entreprises ont participé à cette étude.
Près de 40 % de ces entreprises se sont établies au Japon avant
1980 : 53 % sont américaines, 45 % européennes - la part des
sociétés européennes est d'ailleurs en augmentation depuis
quelques années - et un faible pourcentage est originaire d'Asie
et des autres régions du monde. Moins de 40 % sont issues de la
conclusion d'une joint-venture, alors que les fusions par acquisition ou participation dans le capital d'entreprises existantes
représentent environ un quart des cas, de même que la création
Le journal de Jetro Paris / 4e trimestre 2007
de filiales détenues à 100 % par leur maison-mère. La répartition
par industrie nous apprend que les secteurs les plus représentés
sont la chimie (27 %), les transports (12 %), le matériel électrique
(12 %), le matériel en général (11%) et les produits pharmaceutiques et cosmétiques (10 %). La plupart des entreprises ont un
effectif compris entre 11 et 100 employés (soit 41 %, contre
38 % pour les entreprises comprenant entre 100 et 999
employés). Installés en majorité dans les années 1990 ou à partir
de 2000, ces centres de R&D emploient peu de personnel étranger et près de la moitié n'a aucun personnel non-Japonais.
Pour quelles raisons les entreprises étrangères
ont-elles établi leur R&D au Japon ?
Environ 90 % des centres de R&D d'entreprises étrangères
installées au Japon sont dédiés au développement de produit,
76 % ayant également comme objectifs la conception, les technologies de production, l'acquisition de certification de standards et la collecte d'informations. 28 % font aussi de la
recherche fondamentale.
Une analyse plus approfondie révèle que plus de 50 % sont engagés dans le développement de produits spécifiques pour le marché japonais (58,8 %), la conception (52,5 %), l'évaluation
technologique et les tests (51,3 %), la récolte d'informations
techniques (51,3 %) et les services après-vente (53,8 %). Les
fonctions de R&D directement liées à des activités commerciales sur le marché japonais sont donc celles accomplies le plus
intensivement.
Interrogées sur les raisons qui les ont incitées à établir des
centres de R&D au Japon, 75 % des entreprises expliquent
qu'elles souhaitaient consolider leur développement de produits
pour le marché japonais. Les autres raisons invoquées
sont le désir de s'engager dans des activités de R&D liées aux
capacités japonaises reconnues en matière de techniques
de production (41,3 %), la volonté de tirer parti de la recherche
japonaise et de ses connaissances éminentes (38,8 %) et enfin
QUELLE MISSION POUR LA R &D AU JAPON
?
économie
celle de maintenir et d’augmenter les transactions réalisées avec
des clients japonais (37,5 %).
Dans les industries chimiques et pharmaceutiques, secteurs qui
comptent de nombreux centres de R&D, l'étude de Jetro cite
l'exemple de commercialisations issues des résultats de recherches conduites par des universités japonaises et/ou de celles
réalisées par des sociétés à capital-risque. Elle montre aussi que
les industries chimiques, automobiles et les technologies de l'information sont impliquées dans le développement de produits en
liaison avec leurs clients au Japon. Une des entreprises explique
par ailleurs que son activité de recherche et développement est
répartie de manière géographique dans le monde (Amériques,
Europe, Asie…), selon les coûts et selon la possibilité d'embaucher du personnel hautement qualifié.
L'analyse par type de recherches fait ressortir les liens tissés avec
des partenaires extérieurs. En recherche fondamentale, 60 % des
entreprises se sont associées à des universités et 30 % à des
organismes publics de recherche. En ce qui concerne le développement de produit, près de la moitié des entreprises évoque une
coopération avec des universités et près de 30 % avec des
organismes publics de recherche. Cette coopération s'ajoute à
celle qui les associe à leurs clients et aux entreprises utilisatrices
de leurs produits. En matière de conception, la collaboration
avec des clients et des entreprises utilisatrices est cultivée par
environ 30 % des entreprises et celle avec des universités ou les
organismes publics de recherche par seulement 10 %. Elle est
plus faible pour ce qui touche les technologies de production, les
recherches de marché, la gestion des brevets et de la propriété
intellectuelle etc.
Où la R&D étrangère est-elle implantée ?
Les sièges sociaux des entreprises étrangères ayant des activités
de R&D au Japon sont principalement concentrés à Tokyo (68 %
environ). Leurs centres de R&D sont quant à eux plus dispersés.
15 % seulement sont établis dans l'agglomération de Tokyo, les
autres se situant dans la région du Kanto en dehors
de Tokyo et enfin dans le Chugoku et l'île de
Shikoku. Le plus souvent leur choix s'est fait en
fonction du site où était déjà installée leur filiale
japonaise (47,5 %) ou parce que l'endroit était
facilement accessible depuis la maison-mère
(27,5 %). Les coûts opérationnels entrent également en ligne de compte.
Sont citées comme principales raisons de leur choix
d'implantation les mesures instaurées par les autorités locales pour attirer les entreprises, la présence
de clusters industriels où figurent des instituts de
recherche dans le même secteur industriel, la mise
à disposition de terrains par un partenaire japonais,
le désir d'installer des opérations de R&D sur leur
site de production ou de vente. En aucun cas,
Tokyo n'a été choisie parce qu'elle était la capitale
du pays.
Une des questions portait sur les difficultés rencontrées au Japon dans le cadre de leurs activités
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La R&D des entreprises étrangères installées au Japon
de R&D. Le problème le plus communément mentionné concerne
le recrutement d'un personnel de haut niveau (45,3 %), suivi de
la communication avec le pays d'origine de l'entreprise ou avec
d'autres régions du monde (43,8 %). Certaines entreprises soulignent les coûts élevés, notamment ceux des terrains ou la location des bureaux. Elles peuvent aussi faire face à de nombreuses
situations où les chercheurs ont besoin d'engager des négociations directes ou des discussions avec leur siège à l'étranger, ce
qui suppose un personnel avec de très bonnes aptitudes à
s'exprimer en anglais.
Petit tour du monde de la concentration
des activités de R&D
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Aux Etats-Unis la tendance est à la constitution de clusters industriels high-tech près des universités et des instituts de recherche
avec des employés hautement qualifiés, comme dans la Silicon
Valley ou à San Diego, Pittsburgh ou Austin. Plus spécifiquement,
les sociétés de capital-risque créées par des universités ou des
instituts de recherche sont devenues des acteurs essentiels dans
les clusters industriels et on assiste à une concentration rapide
dans ces zones de jeunes entreprises innovantes de type spin-off
et spin-out issues de ces sociétés. Les entreprises japonaises et
européennes d'envergure mondiale se sont elles aussi établies
aux Etats-Unis pour poursuivre d'une part des recherches
conjointes avec les universités et les instituts de recherche et
d'autre part des partenariats commerciaux avec des sociétés de
capital-risque.
L’Inde présente une concentration de centres privés de R&D dans
des parcs scientifiques créés par le gouvernement. Les autorités y
améliorent les infrastructures, garantissant la commodité des
activités des entreprises et un environnement quotidien confortable grâce au financement d'équipements institutionnels et
commerciaux. De tels lieux existent à Bangalore, à Chennai,
Hyderabad et à Noida.
En Corée du Sud, la R&D est regroupée à Séoul, mais la concentration démographique et industrielle excessive, le manque
d'espace disponible et la détérioration de l'environnement de la
recherche sont devenus problématiques. Le gouvernement
encourage l'établissement de sites de R&D ou leur transfert en
dehors de Séoul. La Daedeok Valley à Daejon offre un exemple
typique. Conséquence de cette politique de décentralisation, on
peut voir des agglomérats d'entreprises de R&D non seulement à
Séoul mais aussi à Gyeonggi et dans la région de Daejeon. Des
clusters industriels se sont formés dans certaines régions comme
par exemple la Wonju Medical Device Techno Valley, spécialisée
dans l'équipement médical.
En Europe, des mesures ont été prises pour regrouper les centres
de R&D sur la base d'un projet industriel spécifique, comme le
projet Minatech à Grenoble en France et le projet Alba en Ecosse
(Grande-Bretagne).
Attirer la R&D des entreprises étrangères
Les entreprises étrangères disposant d'un centre de R&D au
Japon se déclarent majoritairement satisfaites, puisque 60,9 %
créditent leurs activités de R&D au Japon de « développement
réussi pour le marché japonais et fortes ventes ». Plus de la moitié (60 %) d'entre elles a l'intention d'accroître ses activités en
termes de budget, de sujets de recherche et de personnel, alors
que seulement 3 % pensent réduire ou interrompre leurs activités. Celles qui ont ouvert un centre de R&D récemment sont plus
enclines à envisager une expansion.
Vu leur croissance économique et leurs coûts opérationnels relativement faibles, la Chine et l'Inde sont les autres pays asiatiques
envisagés pour des installations de R&D tant par les entreprises
qui ont participé à l'étude de Jetro que plus généralement par les
experts. Il en ressort que ces deux pays pourraient mettre en danger la position du Japon. A travers l'étude des problèmes rencontrés par les entreprises et en tenant compte de l'intensification de
la concurrence avec la Chine et des craintes formulées par certains
d’une industrie japonaise qui « se vide », Jetro a mis en lumière
plusieurs points qui pourraient aboutir à des recommandations en
vue d'attirer au Japon la R&D d'entreprises étrangères.
La nature de la R&D menée par les entreprises récemment installées au Japon, la collaboration avec les universités et les organismes publics de recherche, ainsi que l'examen de cas
d'entreprises sont autant de signes positifs pour la recherche
fondamentale au Japon. Les sociétés étrangères sont en quête
d'esprits brillants dans le monde entier et le Japon offre un
potentiel suffisant à cet égard.
Certes le marché japonais devrait se contracter à cause du déclin
de la population et les coûts restent plus élevés que dans les pays
voisins. Mettre en avant l'attrait du Japon en tant que marché ne
suffira pas à attirer la R&D étrangère au Japon. Il faut aussi
amener à maturation les fruits encore verts de la recherche
fondamentale et appliquée.
Une approche efficace serait de combiner des mesures d'encouragement, qui exploitent les potentialités des universités et organismes publics de recherche dans la recherche fondamentale, avec un
soutien aux actions communes industries-milieux universitaires et
aux efforts menés pour établir un dispositif de coopération avec
des entreprises étrangères. La recherche et développement doit
être taillée sur mesure pour répondre aux besoins du marché et
aux clients japonais, mais installer des activités de R&D au Japon
peut également servir pour s’introduire auprès d’entreprises japonaises en plein développement mondial, que ce soit dans l'automobile, la construction, l'équipement de bureaux, le matériel
électrique, les machines outils ou l'industrie chimique.
Les régions japonaises ont énormément d'atouts qu'elles doivent
mettre en avant pour attirer les entreprises étrangères. Elles doivent analyser les réalisations techniques disponibles - mais peu
exploitées - dans les universités, les instituts de recherche et dans
leur structure industrielle. Un inventaire complet des forces de
chaque région permettra, comme dans d'autres pays, de créer des
clusters industriels centrés sur un réseau pointu d'innovation et
offrant une concentration d'activités. La création de tels réseaux
d'innovation passe par le développement de projets qui induisent
une meilleure collaboration avec les universités et les organismes
de recherche et facilitent le transfert en douceur du fruit des
recherches vers les groupes et les entreprises étrangers qui s'installent dans les régions japonaises. Isabelle Comtet
Le journal de Jetro Paris /4e trimestre 2007
L’ INTERVIEW
Jean-Christophe Baillie,
Président
Gostai
(photo Gostai)
Pouvez-vous nous présenter les activités de votre
société ?
Gostai développe URBI, la
première plateforme logicielle universelle pour la robotique, une solution complète
pour contrôler des robots au
niveau matériel et logiciel,
avec une forte orientation
vers l'intelligence artificielle
(IA). La société a été fondée
en mars 2006 à l'ENSTA,
l’Ecole nationale supérieure
de techniques avancées, et
apporte les technologies
innovantes et le savoir-faire
du monde de la recherche
académique à la robotique
appliquée. Gostai s'adresse
au marché en plein essor de
la robotique personnelle :
robots compagnons, robots
de loisir programmables,
robot d'assistance à domicile. L'objectif est de fournir
une base universelle pour ce
type de robots, qui les rendent tous compatibles et sur
laquelle une véritable industrie du logiciel robotique
pourra se développer.
Vous avez développé une
technologie innovante que
vous avez baptisée URBI et
qui est intégrée dans le
robot officiellement choisi
pour remplacer l'Aibo de
Sony à la RoboCup. Que
signifie URBI et quelles
sont les principales caractéristiques de cette technologie ?
URBI est l’abbréviation de
« Universal Real-time
Behavior Interface » et est
basé sur un langage de
script issu de plusieurs
années de recherche académique. Ce langage, simple à
utiliser, intègre nativement
de nombreuses innovations
fondamentales pour la robotique et l'IA, comme le
parallélisme, la programmation événementielle, des
contrôles moteurs avancés et
une architecture de composants distribués.
Les atouts clés d'URBI sont :
simplicité et puissance, flexibilité (tout robot, tout OS),
modularité (architecture de
composants UObject) et le
parallélisme et l'événementiel (innovation technologique).
En facilitant le développement d'une industrie logicielle pour la robotique, URBI
va permettre de dynamiser
la croissance du marché de
(suite p. 6)
Greater Nagoya Initiative
Greater Nagoya Initiative (GNI) fédère les ambitions économiques et commerciales des trois préfectures d'Aichi, Gifu et
Mie. Un séminaire organisé à Paris le 23 novembre, en collaboration avec Jetro Paris, a permis à GNI d'exposer aux
entreprises françaises l'étendue de ses ambitions, illustrées
par le témoignage de dirigeants de grandes entreprises de
la région. Yoshihiro Yasui, président de Brother, a présenté
la genèse du projet, mis en œuvre en 2004 et englobant une
zone géographique de 100 km de rayon autour de Nagoya,
où la concentration des entreprises est très élevée. GNI
cherche aujourd'hui à s'ouvrir à l'international, à attirer des
entreprises autour de cette marque unique, fruit du partenariat entre quatre cents organismes - laboratoires, entreprises,
universités et industries. Yoshihiro Otsuji, directeur général
du bureau de GNI, s'est attaché à présenter ses atouts. Sans
parler de sa position centrale au Japon, la région présente
un PIB plus important que celui de la Turquie ou de la
Belgique. La facilité d'accès de la zone (aéroport international, trois ports et desserte par le Shinkansen) la rend particulièrement attrayante. Son industrie est prospère : 44 % de
la production automobile de l'archipel est effectuée dans la
région, ainsi que 47 % des pièces détachées et 53 % de la
production aéronautique. De nombreux centres de R&D y sont
implantés, contribuant activement au développement industriel du Japon. Rappelons également que l'Exposition
Universelle a eu lieu à Aichi en 2005. Le bureau du GNIC est
un comptoir unique offrant services et informations à toutes
les initiatives étrangères. Depuis sa création, 28 entreprises
étrangères se sont établies avec succès dans la région.
Pour sa part, Kanji Kurioka de Toyota Motor Corporation a
invité les entreprises françaises à participer au salon international Messe Nagoya 2008, sur le thème de l'environnement
et de l'énergie. Il a proposé aux PME françaises désireuses
d'investir dans le Greater Nagoya de participer au salon
(suite p. 6)
5
Interview
(suite de la p. 5)
Jean-Christophe
Baillie,
Président
la robotique personnelle, comme
MS-DOS l'a fait pour le PC dans
les années 1980.
Votre solution est utilisée dans
le robot Nao, développé par
votre partenaire français
Aldebaran Robotics, pour la
prochaine édition de la
RoboCup 2008 qui se déroulera
en Chine. Envisagez-vous de
participer à d'autres manifestations que la RoboCup ?
Gostai
Gostai participe à de nombreuses
manifestations du monde de la
robotique en France et dans le
monde.
La RoboCup est effectivement le
rendez-vous annuel de tous les
passionnés de robotique et nous
sommes absolument ravis de
A VOS AGENDAS
Jusqu’au 27 janvier 2008, le National Museum of Nature and
Science à Tokyo (Ueno Park) présente « Karakuri, anime and
the latest robots », une exposition rassemblant des dizaines
de robots, depuis les premiers « karakuri » (poupées automates)
jusqu’aux plus récents robots humanoïdes.
+ D’INFOS : www.kahaku.go.jp
participer à cet événement. Nous
sommes également présents lors
d'autres compétitions et festivals
de robotique en France.
Les salons professionnels
comme RoboBusiness et
RoboDevelopment, qui ont lieu
aux Etats-Unis deux fois par an,
nous permettent de présenter
notre technologie et nos produits
aux acteurs clés de la robotique
mondiale.
Dans le cadre de notre développement en Asie, nous avons
réalisé plusieurs voyages au
Japon depuis un an, qui nous ont
apporté de nombreuses opportunités. Nous participons cette
année au salon IREX à Tokyo qui
est l'événement professionnel
majeur du marché de la robotique au Japon.
Votre présence à l'IREX illustre-t-elle une volonté d'être
plus présent sur le marché
japonais ?
Les marchés japonais et coréen
sont certainement les plus actifs
dans le domaine de la robotique
actuellement. Le développement
de notre activité dans cette
région du monde est donc une
priorité et nous comptons ouvrir
une structure dès 2008 afin de
soutenir notre présence. Nous
bénéficions pour nous aider dans
cette évolution d'un soutien
important d'institutions japonaises, et de la ville d'Osaka en particulier, qui est aujourd'hui le
cœur de la robotique au Japon.
Nous sommes par exemple la
seule entreprise étrangère membre de Roobo, un groupement de
250 entreprises japonaises de la
robotique, qui nous permet par
exemple de participer à l'IREX
dans les meilleures conditions
possibles.
Propos recueillis par
Patricia Cohen
L’International Robot Exhibition
IREX 2007 s’est tenue
du 28 novembre au 1er décembre
à Tokyo Big Sight.
+ D’INFOS : www.irex2007.jp
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(suite de la p. 5)
Messe Nagoya dans le cadre d'une première approche du
marché. Elles pourraient ensuite bénéficier des prestations
de l'Investment Business Support Center de Nagoya où des
experts les conseilleront avant son implantation.
A son tour, Tsuyoshi Nakai, directeur général de Jetro Paris, a
fait le point sur les nombreuses alliances franco-japonaises
nées nouées depuis quelques années, les plus emblématiques
étant à l'origine de nouveaux modèles d'affaires. L'objectif
de l'ancien Premier ministre Koizumi de doubler les investissements directs au Japon en cinq ans a été atteint. Diverses
réformes ont émaillé ces dernières années afin de faciliter les
fusions et acquisitions et de laisser aux entreprises étrangères
plus de place dans l'économie japonaise.
Louis-Michel Morris, directeur général d'Ubifrance, a souligné qu’aborder le marché japonais était certes difficile, long
et coûteux, mais c’est un marché plus sûr et plus mature que
son voisin chinois. Les objectifs dans un avenir proche sont
de plusieurs ordres : relancer le dialogue politique après le
changement de présidence en France, favoriser la coopération décentralisée - Tokyo étant saturée d'événements - et
le dialogue avec les collectivités territoriales, promouvoir
l'innovation et enfin développer les échanges de personnes.
Gérard Degonse, directeur général Finance-Administration
de JC-Decaux, a témoigné de l'expérience au Japon du
groupe n°1 mondial du mobilier urbain. L'entreprise s'est
alliée à Mitsubishi Corporation en 2000 au sein d'une jointventure dont le succès lui a valu cette année le prix de l'investissement au Japon. La publicité était alors interdite dans
le domaine public et JC-Decaux a d'abord signé des contrats
d'affichage publicitaire en exclusivité avec les centres commerciaux Aeon Jusco en 2001 et Ito Yokado en 2004. La
réglementation ayant évolué en sa faveur en 2003, l'entreprise a pu lancer l'affichage publicitaire sur abris-bus. Elle est
présente aujourd'hui dans treize des vingt premières villes du
Japon, l'objectif pour 2010 étant d'en couvrir quatre-vingt. A
Nagoya, l'afficheur a signé un contrat d'exclusivité de vingt
ans, pendant lesquels la ville ne finance plus les abris-bus.
Le message du séminaire est clair : la région de Nagoya est à
considérer avec grande attention pour une entreprise désireuse de s'implanter au Japon. Les transports sont nombreux
et stratégiques, les loyers très compétitifs et le tissu industriel particulièrement dense. Caroline Artus
Le journal de Jetro Paris / 4e trimestre 2007
INNOVER
Robots japonais de nouvelle génération : stratégies
et opportunités
Si les robots domestiques n'ont pas encore envahi notre quotidien, toutes les plus grandes entreprises
japonaises se sont lancées dans la robotique industrielle. Le Japon occupe le premier rang en recherche
et développement dans ce domaine, mais les enjeux technologiques et financiers sont tels que les
grands laboratoires cherchent à regrouper leurs forces et à partager leurs compétences. Depuis 2003,
un laboratoire conjoint franco-japonais s'est spécialisé dans les recherches en robotique humanoïde.
Le développement des premières plates-formes de robotique dans
Au Japon, pays depuis longtemps déjà perçu comme une grande puis-
l'industrie remonte aux années 1970. Ces systèmes automatiques
sance de l'industrie robotique, en termes de technologie et de taille
mécanisés, capables de réaliser une ou plusieurs actions prédétermi-
de marché, le secteur des robots autonomes connaît une croissance
nées (manipulation, soudure, assemblage, peinture) avaient pour
rapide. En effet, confronté à de nombreuses questions démogra-
principale limite d'opérer sans référence au monde extérieur. Depuis
phiques et économiques, le gouvernement a choisi de faire des robots
ce premier âge, l'essor de l'électronique et de l'informatique a ouvert
le fer de lance de son industrie et de devenir le champion des tech-
un large champ à des traitements plus évolués tels que le traitement
nologies robotiques, à travers les secteurs du robot industriel, du
de l'image, la perception et l'interaction avec l'environnement. Ainsi
robot humanoïde et du robot d'assistante, où il est le plus en avan-
sont nés les robots de seconde génération que nous connaissons
ce. Les applications civiles des robots de seconde génération dans
aujourd'hui, équipés de capteurs visuels et tactiles leur permettant
l'industrie et la domotique drainent aujourd'hui l'essentiel des
d'être autonomes, apprenants, communicants et dotés d'un semblant
investissements.
de comportement.
Le Japon, premier producteur de robots
industriels
Selon l'étude « World Robotics 2007 » de l'IFR (International
Federation of Robotics), le nombre de robots utilisés dans l'industrie
mondiale s'élevait fin 2006 à environ 951 000 unités, dont 352 000
au Japon (parc le plus important du monde), 151 000 aux Etats-Unis
et 32 100 en France.
Malgré un certain ralentissement en 2006, le secteur des robots
industriels reste loin devant la robotique de services en terme de commande et de taux d'équipement. Au niveau mondial, le nombre de
robots industriels installés devrait augmenter de 10 % en 2007,
International Robot Exhibition de Tokyo (Photo Nikkan)
A ce stade nombreux sont les ingénieurs qui affirment que de la
même façon que les mobiles ou les ordinateurs ont bouleversé nos
habitudes de vie, les robots vont être amenés à prendre une place
importante dans notre environnement quotidien, professionnel et
privé, dans un futur pas tellement éloigné. Ils commencent d'ailleurs
déjà à assister les handicapés et les personnes âgées, à surveiller nos
maisons et à intervenir à la place des pompiers dans des environnements dangereux.
Cette profonde évolution est synonyme pour les entreprises de
perspectives très intéressantes sur un marché en pleine expansion. En
effet les volumes de ventes mondiales atteignent des niveaux inéga-
conséquence d'une automatisation croissante de toutes les industries
et de la diminution importante des coûts. La dynamique devrait être
plus forte dans les pays à forte croissance comme la Chine et moindre
dans les pays industrialisés.
Le Japon, premier producteur et utilisateur de robot industriels, entame déjà sa reconversion, avec la mise en place massive dans le secteur automobile, pionnier en matière de robotisation des outils de
production, de robots polyvalents de nouvelle génération qui ne se
limitent plus à des tâches répétitives. Dans ses usines japonaises,
Toyota remplacera à terme la majorité de sa main d'œuvre manuelle
par des robots.
Des robots à usage domestique
lés (25 milliards de dollars prévus en 2010), tirés par la multiplication
Le marché de la robotique domestique et de loisir commence juste à
des applications, que ce soit dans l'électroménager, le divertissement,
prendre forme et il est déjà pris d'assaut par les grands noms de
le secteur médical, l'assistance aux personnes âgées, et par la deman-
l'électronique japonais (Honda, Sony, NEC…) pour qui l'apparition de
de croissante des pays émergents notamment dans le secteur de la
robots communicants dans les foyers est une opportunité d'accroître
robotique industrielle.
leurs débouchés.
7
Robots japonais de nouvelle génération
Le parc mondial des robots domestiques à usage personnel a atteint
3,5 millions d'unités en 2006 dont 69 % de robots ménagers, le reste
étant dédié au divertissement. Jusqu'à présent les robots domestiques étaient majoritairement constitués de robots d'entretien, de
types aspirateurs et tondeuses autonomes. Mais le marché des robots
assistants, allant de la chaise roulante « intelligente » à l'humanoïde
capable de venir en aide pour les tâches ménagères, en passant par les
combinaisons exosquelettes, est très prometteur et devrait représenter près de la moitié du marché de la robotique domestique en 2010.
Le choix de favoriser ce secteur est stratégique pour l'archipel. La
population vieillit et les personnes âgées représentent près de 20 %
de la population. La robotisation de la société est donc vue comme un
moyen de parer à la pénurie de main d'œuvre, d'éviter la délocalisation et d'améliorer la qualité des soins destinés aux personnes âgées.
D'ores et déjà, au Japon, 3 % des travailleurs sont des robots (5 fois
moins en France).
International Robot Exhibition de Tokyo (Photo Nikkan)
Pourtant malgré une offre de robots domestiques en pleine phase
d'accélération et des progrès rapides, la demande ne croit pas aussi
rapidement que prévue. Pour une part, les compagnies se concentrent
pour l'heure sur le développement technique plutôt que sur le
développement commercial et parallèlement les robots interactifs
développés restent souvent au stade de prototype. Il serait nécessaire
de définir clairement leur usage et leurs capacités pour stimuler la
demande. On commence toutefois à assister au succès de certains
produits comme le chien robot Aibo de Sony, le robot aspirateur
Roomba ou encore le Robosapien, jouet en forme de robot
humanoïde partiellement programmable.
Partager ses compétences
8
capacités d'innovation dans les différents domaines de la robotique. Si
sa maîtrise de la mécanique et de l'électronique est reconnue de tous,
il souffre de lacunes en matière de reconnaissance vocale et visuelle
et en intelligence artificielle. D'ailleurs la Japan Robot Association
(JRA) souligne l'existence d'une spécialisation des pays dans le
domaine de la robotique.
Pour y remédier, les chercheurs japonais sont amenés à solliciter de
nouveaux produits et de nouvelles technologies à l'étranger et
notamment en France où l'innovation est importante comme le montre le succès de la start-up parisienne Alderaban Robotics. A l'opposé des grands groupes d'électronique asiatiques, cette structure
indépendante de quinze personnes créée par Bruno Maisonnier en
Pour promouvoir la recherche, le gouvernement soutient et coordon-
juillet 2005 a mis au point le robot bipède Nao. Celui-ci intègre des
ne l'action des différents acteurs : ministères, régions, agences, uni-
technologies complexes et évoluées lui permettant de marcher et de
versités et entreprises de façon à ce que la cristallisation
s'orienter dans l'espace, de comprendre ses interlocuteurs et de
technologique de tous les secteurs autour d'un même objectif
reconnaître leur voix et leur visage. Ces qualités ainsi que sa plate
permette le développement, l'intégration et la standardisation plus
forme évolutive en ont fait un choix idéal pour prendre la relève de
rapide de nouvelles technologies.
l'Aibo lors de la compétition de football RoboCup 2008 qui mettra
Ainsi un rapport rédigé à la demande du ministère de l'Economie, du
aux prises des équipes de robots préparés par des laboratoires et des
Commerce et de l'Industrie (Meti) par des ingénieurs du secteur des
universités de plusieurs pays.
technologies de pointe a permis de déterminer les secteurs clés en
Des partenariats stratégiques sont également mis en place comme par
matière d'investissement et de définir des programmes pluriannuels
exemple le Japan French Robotics Laboratory, laboratoire associé créé
spécifiques à chaque type de robots. Un programme dédié aux robots
en 2003 par l'AIST japonais (National Institute of Advanced Industrial
d'assistance médicale a ainsi été mis en place sur la période
Science and Technology) et le CNRS français (Centre national de
2005-2007, suivi d'un programme de production industrielle pour la
recherche scientifique) qui rassemble des chercheurs japonais et
période 2006-2010. Les enveloppes attribuées à chaque secteur en
français dans le domaine de la recherche fondamentale en robotique.
fonction des objectifs peuvent atteindre des montants très impor-
Cette collaboration porte sur des thématiques précises telles que la
tants, comme en 2006 où près de 25 millions d'euros ont été versés
coopération homme-robot, les modes de locomotion ou encore l'inte-
par le Meti aux principaux programmes.
raction multirobots.
Les entreprises japonaises restent tout de même le moteur de l'inno-
Le leadership de l'industrie robotique japonaise est aujourd'hui indé-
vation avec une contribution aux efforts de recherche et développe-
niable et devrait mener à la généralisation des robots domestiques
ment (R&D) de près de 80 % (55 % en France) et de nombreux
dans les foyers japonais d'ici 2025. Pour assurer la pérennité de ces
laboratoires universitaires travaillent en partenariat avec celles-ci sur
avancées et mettre sur pied une industrie de premier plan, l'archipel
des thèmes variés, qui vont de la robotique sous-marine aux applica-
devra renforcer ces capacités actuelles de R&D et surtout promouvoir
tions médicales, en passant par l'interaction entre robots. Les autori-
une politique active d'alliances stratégiques et de coopération inter-
tés locales jouent également leur rôle avec de nombreuses incitations
nationale avec des chercheurs et constructeurs du monde entier pour
fiscales destinées aux entreprises.
intégrer et développer plus rapidement les nouvelles innovations et se
L'une des grandes difficultés rencontrées par le Japon pour mener à
positionner comme champion d'un créneau en plein essor.
bien ses ambitions internationales s'explique par la disparité de ses
Beni Baumeister
Le journal de Jetro Paris / 4e trimestre 2007
INVESTIR
Le Japon accueille favorablement les fusions & acquisitions
transfrontalières
Les investissements directs étrangers (IDE) au
Japon ont atteint 107 milliards d'euros à la fin de
2006, soit un quadruplement depuis 1998.
Cependant, par rapport aux autres pays industrialisés, son niveau reste encore très faible, s'établissant à seulement 2,5 % du PIB, contre 29 % en
France, 37 % au Royaume-Uni et 13 % aux EtatsUnis. Cela signifie-t-il que le Japon est toujours
fermé aux entreprises étrangères qui voudraient
s'y installer ?
disposer d'une importante trésorerie pour acheter une société japonaise au-dessus d'une certaine taille.
La première application pratique de cette technique devrait être finalisée en janvier 2008 : Citigroup, un groupe financier américain, et
Nikko Cordial, une maison de courtage japonaise, dont 68 % du capital est contrôlé par le groupe américain à l'issue d'une l'OPA amicale
réalisée en juin 2007, se sont mis d'accord pour une filialisation complète via une fusion triangulaire.
Si le gouvernement espère que cet assouplissement dynamise les
F&A par les sociétés étrangères au Japon, les entreprises japonaises,
quant à elles, s'apprêtent à mettre en place des mesures de protec-
Selon le gouvernement japonais, c'est le manque de fusions et acqui-
tion contre les OPA hostiles. A la fin juin 2007, 370 entreprises, soit
sitions (F&A) transfrontalières qui garde les IDE au Japon à ce faible
environ 10 % de toutes les sociétés cotées en bourse, étaient dotées
niveau. Alors que près de 80 % des IDE au niveau mondial consiste en
d'un dispositif anti-OPA. Et au cours de l'été 2007, Bulldog Sauce, un
fusions et acquisitions transfrontalières (seulement 20 % en investis-
fabricant japonais de produits alimentaires, a réussi à déjouer une OPA
sement greenfield) et que l'accroissement des IDE y est synonyme
hostile lancée par Steel Partners Japan, une filiale japonaise d'un fond
d'accroissement des F&A, le nombre des fusions et acquisitions réali-
d'investissement américain, en adoptant des mesures anti-OPA.
sées par les entreprises étrangères au Japon reste peu important :
Cela ne signifie pas forcément la montée du patriotisme économique
même s'il a doublé depuis 1998, il plafonnait à 87 en 2005 (1 035 aux
dans l'archipel car, selon une enquête du quotidien économique
Etats-Unis et 2 544 dans les 25 pays de l'Union européenne).
Nikkei réalisée en septembre 2006, pour 74,2 % des entreprises
Les fusions triangulaires enfin autorisées
dotées d'un dispositif anti-OPA, le but était d'empêcher un rachat par
un « acquéreur abusif » préjudiciable à la valeur de l'entreprise. En
C'est la raison pour laquelle le gouvernement a assoupli la réglemen-
effet, dans le cas de Steel Partners - Bulldog, le premier a été consi-
tation en matière de F&A dans le nouveau code des sociétés en 2006.
déré comme un acquéreur abusif par le tribunal de grande Instance de
Cette réforme contient, entre autres, l'autorisation des fusions trian-
Tokyo qui a statué qu’« il était à craindre que la recherce du profit ne
gulaires à partir de mai 2007. Cette méthode permet à un groupe
conduise Steel Partners à manœuvrer de manière à réaliser à court et
étranger de fusionner sa filiale japonaise avec l'entreprise nipponne
moyen terme un bénéfice en revendant les actions de sa cible à la
qu'il souhaite acquérir en apportant ses propres actions et non pas
société elle-même ou à des tiers, et finalement à procéder à la liqui-
celles de sa filiale japonaise, ce qui était, avant le 1er mai 2007, le seul
dation des actifs de sa cible ».
moyen de paiement d'une l'offre publique d'échange (OPE). A cause
Si les entreprises japonaises deviennent de plus en plus vigilantes vis-à-vis
de cette restriction, de nombreuses sociétés étrangères qui voulaient
de fonds d'investissement qui augmentent le taux de participation dans des
acquérir une entreprise japonaise l'achetaient en numéraire en ayant
capitaux nippons - plus de 70 % des entreprises interrogées par le
recours à une offre publique d'achat (OPA). Ceci constituait un frein
Nikkei ont plaidé pour un durcissement de la réglementation de fonds
important pour les investissements étrangers au Japon car il fallait
d'investissement -, une autre enquête de Nikkei montre que 78,7 %
L’ ÉVOLUTION DES IDE AU JAPON
L’ ÉVOLUTION DES IDE DANS LES PAYS INDUSTRIALISÉS
(en % du PIB)
Source : Meti
9
Le Japon accueille les F&A transfrontalières
des salariés accepteraient un rachat par une société étrangère si cela
L’ ÉVOLUTION DU NOMBRE DES F & A AU
JAPON
améliorait la valeur de leur entreprise. Même en cas d'OPA hostile,
près de 40 % des salariés ont répondu qu'ils feraient leur choix en examinant la rationalité du projet de fusion proposé par l'acquéreur.
Avec ce changement de mentalité, la question qui se pose n'est plus
de savoir si un acquéreur est étranger, mais s'il est bon pour leur
entreprise.
Le nombre des sociétés ayant adopté un dispositif anti-OPA s'est
accéléré en 2005 et 2006, qui coïncident avec la période où on a vu
de grandes OPA hostiles entre des entreprises japonaises dans certains secteurs comme les médias et le papier : Livedoor (portail internet) vs Nippon Broadcasting System, Rakuten (hypermarché en
ligne) vs Tokyo Broadcasing System et Oji Paper Group contre
Hokuetsu Paper Mills. En considérant que l'entreprise appartient aux
actionnaires, plus de 60 % des patrons japonais se montrent plutôt
Source : Meti
favorables à lancer une OPA hostile sur leurs compatriotes si le pro-
Récemment la filiale japonaise du fonds d'investissement américain
jet renforce la valeur de l'entreprise.
Steel Partners a augmenté sa participation dans plusieurs entreprises
nipponnes, ce qui a accéléré l'adoption de dispositifs de défense
anti-OPA dans l'archipel. En mai 2005, le Meti (ministère de
VIENT DE PARAITRE
l'Economie, du Commerce et de l'Industrie) avait donné comme ligne
directrice que l'adoption d'un plan de défense contre les OPA
L’édition 2007 du livre blanc de Jetro sur le commerce international et les investissements directs étrangers (« 2007 White
Paper on International Trade and Foreign Direct Investment ») vient de
paraître. Le résumé en anglais est téléchargeable sur le site :
www.jetro.go.jp/en/stats/white_paper/
hostiles, le déclenchement même de ce plan et son abandon devaient
toujours viser à garantir l'intérêt de l'actionnaire et la valeur de
l'entreprise.
Aki Yamasaki
10
A VOS AGENDAS
PREMIER TRIMESTRE 2008
Jetro participera à plusieurs salons à Paris au cours
du premier trimestre :
Maison & Objet du 25 au 29 janvier au Parc des
Expositions de Paris-Nord Villepinte : Jetro présente le design japonais au sein de NOW, l’univers du
design à vivre. Vingt-sept sociétés japonaises exposeront leurs créations avec notre soutien.
Expolangues du 6 au 9 février à Paris-Porte de
Versailles, en partenariat avec l’Association des
enseignants de japonais en France (AEJF).
Première Vision, premier salon mondial des tissus du 19 au 22 février à Paris-Nord Villepinte, où
Jetro présentera sur son stand des échantillons de
l’ensemble des exposants japonais.
CONTACT : Naomi Goto au 01 42 61 59 76 ou
[email protected]
Salon international de l’Agriculture du 23
février au 2 mars à Paris-Porte de Versailles : Jetro
organise le pavillon japonais regroupant une dizaine d’entreprises agroalimentaires.
CONTACT : Brigitte Georges au 01 42 61 59 79 ou
[email protected]
DU
27 AU 31 JANVIER 2008
En collaboration avec la MPA (Music Publishers
Association), Jetro sera présent, avec une dizaine
d’entreprises japonaises, à la 42e édition du
Midem, le marché international de la musique qui
se tiendra au Palais des festivals de Cannes.
CONTACT : Caroline Artus au 01 42 61 59 80 ou
[email protected]
DU
13 AU 15 FÉVRIER 2008
Nanotech 2008, le salon international des
nanotechnologies, se tiendra au Tokyo Big Sight
du 13 au 15 février.
+ D’INFOS : www.ics.co.jp/nanotech/en/
CONTACT : Patricia Cohen au 01 42 61 59 77 ou
[email protected]
Le Centre UE-Japon pour la Coopération industrielle, fondé par la Commission européenne et le Meti avec le
soutien de Jetro, propose diverses formations au Japon axées sur la découverte du management et des marchés
japonais, de l’organisation et des structures industrielles au Japon. Les prochaines formations à l’attention de
managers travaillant dans des entreprises européennes sont :
DU
2
AU
9 MARS 2008
DU
19 MAI AU 13 (OU 20) JUIN 2008
« Distribution & Business Practices in Japan » :
« HRTP - Japan Industry Insight » :
D’une durée de huit jours, cette mission procure
aux participants les connaissances nécessaires à
l’élaboration d’une strétégie de marketing
efficace pour les marchés asiatiques et japonais
en particulier.
Date limite de candidature : 12 décembre 2007
+ D’INFOS : www.eu-japan.eu/europe/dbp.html
CONTACT :+ 32 2 282 0043 ou
[email protected]
Cette formation de quatre à cinq semaines au
Japon a pour objctif d’aider les entreprises
européennes à mieux comprendre les structures
industrielles et commerciales, ainsi que la pratique des affaires au Japon.
Date limite de candidature : 27 février 2008
+ D’INFOS : www.eu-japan.eu/europe/hrtp.html
CONTACT :+ 32 2 282 0043 ou
[email protected]
Le journal de Jetro Paris / 4e trimestre 2007
(photos Jetro Paris et Première Vision)
HORIZONS JAPON
Le textile « made in Japan » s’affiche
Le succès de la dernière Japan Fashion Week à Tokyo a mis en avant
fois à Première Vision) et de nombreuses nouvelles matières à base
le renouveau de la mode au Japon et prouvé la créativité d’une
de fils mélangés. Les fibres naturelles s’imposent de plus en plus.
industrie en quête de développement international. Parallèlement à
Avanti Inc. et A-Girl’s Co. sont spécialisées dans le coton biologique,
cette montée en puissance, le textile « made in Japan » s’affiche
Daiwabo met en avant ses tissus précieux en fibres fines naturelles à
aujourd’hui au niveau mondial. Heureux mélange entre tradition et
base de coton, laine et soie. Pour toutes ces tisseurs, le maître-mot
modernité, les créations des tisseurs jouent sur le registre de la qua-
reste la très haute qualité de leurs productions.
lité et de l’innovation.
De nombreux fabricants japonais se sont lancés dans les textiles bio-
A Paris, le salon Première Vision consacré aux tissus d’habillement a
logiques, à l’instar de Sojitz Corp. qui vient de mettre sur le marché un
accueilli du 18 au 21 septembre vingt-six exposants japonais, venus
coton biologique mélangé à d’autres matières produites en respectant
présenter leurs créations pour la saison automne-hiver 2008-2009.
l’environnement. NichimenFashion Co., une des filiales de ce groupe,
Répartis sous différents univers textiles dans le salon, ils étaient par
a choisi de miser sur l’habillement « écolo » et d’orienter ses activi-
ailleurs réunis sous la bannière de Jetro Paris, qui pour l’occasion
tés vers les petits fabricants de vêtements. Bien que conscients de
avait aménagé un stand regroupant des échantillons de chacun des
l’intérêt de cette nouvelle tendance, ceux-ci n’ont en effet pas la
exposants, attirant ainsi de nombreux acheteurs du monde entier.
capacité de développer leur propre gamme de tissus biologiques.
Parmi les exposants, Itoi Textile utilise des mélanges de fibres naturelles, de coton, de laine, de lin et de sasa-washi (feuilles de bambou)
Les perspectives 2008
pour créer une collection d’une élégante simplicité, destinée aux
Au Japon, plusieurs manifestations sont consacrées à l’industrie
vêtements décontractés de très haute qualité. Kuroki Co. est recon-
textile. Japan Creation, le grand salon textile au Japon désormais
nu pour ses toiles denim ; Nikke, un des grands fabricants japonais
bi-annuel, s’est tenu du 5 au 7 décembre, accueillant plus de 44 000
fondé en 1896, développe une large variété de tissus principalement
visiteurs non seulement du Japon, mais aussi d’Asie, d’Europe et des
à base de laine fine. L’entreprise, qui a ouvert des bureaux à New
Etats-Unis. Il avait été précédé mi-novembre par le Creation Business
York, Milan et Shanghai, poursuit son internationalisation. Toray
Forum, exclusivement réservé aux acheteurs professionnels. En
Industries Inc., un autre géant du secteur, est engagé non seulement
France, la prochaine édition de Première Vision, en février, accueille-
dans l’industrie textile, où il est réputé pour ses fibres synthétiques
ra bien entendu de nombreux exposants japonais. Parallèlement,
et microfibres, mais aussi dans la mode, la chimie fine, les produits
Jetro organise à Milan, au Musée national des Sciences et
pharmameutiques ou encore les matériaux composites.
Techniques, sa troisième exposition consacrée au textile japonais.
Une vingtaine de fabricants de la région du Kansai et d’autres régions
La fibre écolo des textiles biologiques
du Japon rencontreront du 11 au 13 février les grandes maisons
Première Vision a attiré également des entreprises plus petites,
italiennes, telles Prada, D&G ou Nina Ricci, et des designers indus-
venues présenter leurs mailles ou jerseys (Miyata Co., Hasegawa
triels. Nul doute que les fabricants japonais y découvriront de réelles
Corp.), leurs dentelles (Sakae Lace Co. qui participait pour la première
opportunités. Isabelle Comtet
11
LAURIERS À
Kinotayo
12
Percevant le cinéma comme un vecteur
et coordonner des événements cinéma-
Mary » de
d'échanges et d'accès à la civilisation et
tographiques, ainsi que des opérations à
Takayuki
à la culture japonaises, le festival a su
destination des écoliers ; le Val d'Oise et
Nakamura, remar-
mobiliser les cinéphiles malgré les grèves
son comité d'expansion économique,
quable documen-
de transport en région parisienne.
dont les relations étroitement tissées
taire sur une
De nombreux partenaires ont soutenu
depuis vingt ans avec le Japon et Osaka,
vieille dame mys-
cette édition : des entreprises
témoignent de leur intérêt porté aux
térieuse. Le prési-
japonaises - Toyota, Funai, ANA,
échanges avec ce pays. Rappelons que
dent du festival
Soficar - mais aussi françaises - CPS
plus de soixante sociétés japonaises sont
Michel Motro a
Technologies, l'hôtel Fouquet's Barrière
implantées dans ce département.
souligné que son
et Laser Subtitling notamment - ainsi
Treize films sortis au cours des dix-huit
objectif était de faire de Kinotayo un
que des associations culturelles et régio-
derniers mois au Japon ont été présen-
festival européen grâce à la diffusion des
films en numérique. Cette
La deuxième édition de Kinotayo, le festival du film japonais à l’ère numérique, s'est déroulée du 13
au 20 novembre 2007 en Ile-de-France. (www.kinotayo.fr)
année, seul quatre heures de
nales : la Fondation franco-japonaise
tés au public. Le Prix du public a été
films sur les vingt-trois heures projetées
Sasakawa, premier acteur privé en
attribué à « Strawberry shortcakes » de
étaient en qualité numérique, le nombre
France dans le domaine des échanges
Hitoshi Yazaki et à « Aria » de Takushi
de salles équipées étant encore trop fai-
culturels; la Maison de la culture du
Tsubokawa. Deux Soleils d'or ont été
ble. La société Smartjog, spécialisée
Japon à Paris ; l'office national du tou-
décernés : le Grand prix à « How to
dans le transfert numérique de contenus
risme japonais ; Jetro Paris ; la Mairie
become myself » de Jun Ichikawa, film
et partenaire de Kinotayo, prêtera sa
de Pari ; l'association Ecrans VO du Val
touchant et subtil sur l'adolescence et le
technologie à la troisième édition du
d'Oise dont la mission est de diffuser
prix du Premier film à « Yokohama
festival en 2008. Caroline Artus
Directeur de la publication : Tsuyoshi Nakai. Rédacteur en chef : Daisuke Yamaguchi. Rédaction/publication : Isabelle Comtet
([email protected]).. Les articles expriment les opinions des rédacteurs et ne reflètent pas nécessairement l’opinion du Jetro. Dépôt
légal : 4e trimestre 2007. N° ISSN : 1254-6666. Publication Jetro Paris - Organisation japonaise du commerce extérieur 151 bis, rue Saint-Honoré
75044 Paris cedex 01. Tél. 01 42 61 27 27. Internet : http: //www.jetro.go.jp/france/paris