guy de cointet paul mccarthy mike kelley catherine sullivan

Transcription

guy de cointet paul mccarthy mike kelley catherine sullivan
CENTRE RÉGIONAL D’ART CONTEMPORAIN LANGUEDOC-ROUSSILLON / SÈTE
DOSSIER PÉDAGOGIQUE
FAIRE DES CHOSES AVEC DES MOTS /
MAKING WORDS WITH THINGS
GUY DE COINTET
PAUL MCCARTHY
MIKE KELLEY
CATHERINE SULLIVAN
17 novembre 2006 – 4 février 2007
26 QUAI ASPIRANT HERBER F-34200 SÈTE
TEL 33(0)467749437 FAX 33(0)67742323/ [email protected]
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Première exposition d’importance de Guy de Cointet en France, FAIRE DES CHOSES AVEC DES
MOTS / MAKING WORDS WITH THINGS, met en perspective un ensemble conséquent d’œuvres
inédites de GUY DE COINTET avec celles de PAUL MAC CARTHY, MIKE KELLEY et CATHERINE
SULLIVAN.
Commissariat : Marie de Brugerolle (critique d’art, curator, enseignante)
Tell me
Ethiopia
The Halved Painting, 1974
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LA THÉÂTRALITÉ DANS LES ARTS PLASTIQUES
L’ART DE LA PERFORMANCE A LOS ANGELES DANS LES ANNEES 1970-1980
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Guy de Cointet, artiste français émigré aux Etats-Unis en 1965, s’installe à Los Angeles en 1968.
À partir de 1973, il réalise ses premières performances.
Paul McCarthy s’installe à Los Angeles en 1970. Il assiste à quelques performances de Guy de
Cointet. Il est présent à l’hommage rendu par ses amis à la mort de Guy de Cointet.
Mike Kelley arrive en 1976 en Californie. Il n’a pas vu les performances de Guy de Cointet.
Catherine Sullivan, née en 1968 à Los Angeles où elle vit, n’a pas connu l’effervescence
artistique de cette époque mais elle a été l’assistante de Mike Kelley.
La scène artistique de Los Angeles des années 1970 à 1980 - récemment mise à l’honneur
dans l’exposition Los Angeles au Musée National d’Art Moderne/Centre Pompidou à Paris –s’est
nourrie de la complexité de cette « ville-monde » où les mouvements underground se mêlent à la
culture populaire californienne, à ses expressions communautaires, comme à l’univers de ses
fabriques de rêves que sont Hollywood et Disneyland.
Le brassage des langues issu du « melting-pot » de Los Angeles, l’intrusion incessante du langage
publicitaire à la radio, la télévision et dans la ville vont trouver un écho dans les performances
théâtrales de Guy de Cointet. Le travail de Mike Kelley et Paul McCarthy s’inscrit dans ce que l’on
appelle la contre-culture américaine.
L’art de la performance est une pratique très répandue dans la communauté artistique de Los
Angeles à cette époque. La performance peut se pratiquer n’importe où. Son caractère éphémère la
situe hors système marchand de l’art. Il s’agit d’une pratique de la marge.
L’art de la performance concerne un « accomplissement » public en tant qu’œuvre d’art, ne
nécessitant aucun savoir-faire particulier, sans fonction sinon d’exister fugitivement,
multidisciplinaire ou tendant au niveau zéro de l’expression.[…] Si dans le courant des années 1970
et surtout 1980 la Performance américaine de la côte Est semble s’être « spécialisée », lorgnant du
côté des arts du spectacle […], celle de la côte Ouest, ne craignant
ni le risque physique, ni
l’obscénité, ni le mauvais goût parodique, est davantage demeurée associée aux lieux
« alternatifs » voire aux galeries et aux musées.
Groupes mouvements tendances de l’art contemporain depuis 1945, nouvelle éd. revue et augmentée Ecole
nationale supérieure des Beaux-Arts, Paris, 2001
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LA THÉÂTRALITÉ DANS LES ARTS PLASTIQUES
LE DISPOSITIF DES « OBJETS SCENIQUES » DE GUY DE COINTET
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L’exposition Faire des choses avec des mots/Making words with things, présente les « objets
scéniques » de quatre pièces de théâtre : Ethiopia (1976), IGLU (1977), Tell Me (1978), A New Life
(1981). Guy de Cointet a écrit une vingtaine de pièces dont une dizaine ont été jouées.
Joué devant un public, son travail relève du théâtre. Guy de Cointet a écrit le scénario des pièces,
des répétitions avec les acteurs ont eu lieu et les pièces ont été jouées plusieurs fois.
Les objets utilisés lors des représentations ont aussi la caractéristique de pouvoir exister seuls en
tant qu’œuvres d’art. Ils ne constituent pas simplement le décor de la pièce. Ce sont aussi des
sculptures.
A New Life
Au Centre Régional d’Art Contemporain, les objets de chaque pièce sont présentés sur une scène
construite pour l’exposition. L’ensemble (scène et objets) constitue un dispositif.
Le statut des objets rejaillit sur l’ensemble du travail performatif qui dès lors ne relève pas
seulement du théâtre. Ainsi, les pièces de Guy de Cointet ont été davantage présentées dans les
galeries et les musées.
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LA THÉÂTRALITÉ DANS LES ARTS PLASTIQUES
LE ROLE PRIMORDIAL DES OBJETS SUR SCENE
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Les histoires des pièces de théâtre de Guy de Cointet naissent des objets. Ce sont les objets qui
manipulent les acteurs.
Les objets sont tour à tour des ustensiles réalistes (on peut s’asseoir sur la chaise, servir le repas
sur la table), des représentations (un panneau recouvert de motifs peints accroché au mur figure
un tableau) et enfin des symboles (des blocs rouges pour les rochers d’Arizona). Les formes
géométriques simples, les couleurs criardes et le changement d’échelle contribuent à pervertir le
statut même de l’objet : entre sculpture, peinture et objet usuel (livre, table, chaise).
A New Life
A New Life
Un livre n’est pas le substitut d’un livre, il est un déclencheur de discours.
Emily Hicks : Vous voulez que le lecteur
essaye de traduire ou de décoder les livres ?
G. de C. : non
E.H. : Vous voulez seulement qu’il sache
qu’il y a une organisation ?
G. de C. : Exact. C’est la raison pour
laquelle j’ai décidé de faire des pièces.
Tell me
Les objets servent d’aide mémoire pour les acteurs. Dans l’Antiquité, les orateurs ont établi un
procédé mnémotechnique destiné à mémoriser de longs discours. Cette technique consistait à
diviser les parties du discours et à en faire des sortes de synthèses visuelles. Cicéron a fait appel à
cet astucieux moyen qui consiste à localiser chaque partie du texte dans une pièce d’une maison
imaginaire.
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LA THÉÂTRALITÉ DANS LES ARTS PLASTIQUES
LE ROLE PRIMORDIAL DES OBJETS SUR SCENE
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Les objets de l’œuvre Performance Related Objects (1977-1979) ont été utilisés dans sept
performances réalisées à Los Angeles par Mike Kelley.
En 1979 Mike Kelley a 25 ans ; son œuvre est encore peu abondante.
Mes toutes premières performances consistaient uniquement en suite de démonstrations sur des
objets ; dès qu’on parle des objets, leur signification change. Si l’on en parle d’une certaine
manière ils signifient ceci, et si l’on en parle autrement, ils signifient autre chose. Toute la notion
de structure primaire est totalement démentie. Ensuite, elles commencèrent à être subsumées par
le langage, et c’est ainsi que sont apparues les performances longues où c’était le langage qui
commandait, et les significations changeaient alors en vertu des modifications de langage dans le
temps.
Mike Kelley, John Miller, « Mike Kelley Interviewed by John Miller », dans Between Artists : Twelve
Contemporary American Artists Interview Twelve Contemporary American Artists, Los Angeles, Art Resources
Transfer, 1996, p. 109-110
Dans la vidéo Little Hunt (2002) de Catherine Sullivan, les acteurs deviennent des pantins qui
semblent animés par les objets (livre, bureau, balais).
Little Hunt
Little Hunt
Les mouvements des personnages des vidéos de Catherine Sullivan renvoient à la pratique
renouvelée de la danse impulsée par le Judson Dance Group. Les objets révèlent une énigme.
JUDSON DANCE GROUP
Dans les années 1960, aux Etats-Unis, les chorégraphes du Judson Dance Group (Yvonne Rainer, Trisha Brown, Robert
Dunn et Steve Paxton) veulent rompre avec les cadres traditionnels définis par la « Modern Dance » américaine. Ils
travaillent sur l’idée du processus d’élaboration du mouvement et de l’œuvre, sur l’éphémère, l’improvisation,
privilégiant la spontanéité des mouvements. Pour cela ils utilisent des objets du quotidien (matelas, échelle) ou artistiques
(sculpture de Robert Morris), et travaillent à partir de gestes banals (par exemple, porter des bouteilles ou l’action de
marcher).
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LA THÉÂTRALITÉ DANS LES ARTS PLASTIQUES
LE PERSONNAGE DU THEATRE
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Dans le théâtre grec, le masque était la persona, par où perce le son, mais aussi le moyen par
lequel l’acteur devient le personnage.
Pinocchio
La vidéo Pinocchio (1994) de Paul McCarthy est à regarder dans le cadre d’un dispositif précis.
Dans cette installation interactive, le public est invité à revêtir un costume de Pinocchio pour voir
une vidéo dans laquelle le même personnage agit. Une mise en abyme s’effectue dans ce jeu de
miroir. « Je » est un autre qui a le même costume.
J’ai commencé à faire des films en 1967, à Cal Arts. (…) J’étais aussi intéressé par la caméra. Pour
moi la caméra est devenue une persona, une autre personne dans la pièce. Quelque chose sur quoi
ou envers quoi agir. […]
Les figures de dessins animés et les personnages de Disneyland m’intéressaient en tant que formes
de totémisme. J’avais lu Totem et Tabou (Sigmund Freud) à la fin des années 1960, je l’ ai relu
pour trouver matière à association. […]
Lorsqu’on est à l’intérieur d’un masque, on a une conscience aiguë des trous à travers lesquels on
regarde. On se rend compte de l’échelle du corps. Par ailleurs l’identité que l’on éprouve à
l’intérieur du masque percé de trous, on l’éprouve pareillement en regardant à travers le trou de
l’objectif de la même caméra. Le visuel de la caméra ou du masque est le même, c’est aussi celui
du spectateur d’un film ou d’une vidéo.
Paul McCarthy, entretien avec Marie de Brugerolle, in cat. Hors Limites, L’Art et la vie, MNAM-Centre Pompidou,
Paris, 1994
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LA THÉÂTRALITÉ DANS LES ARTS PLASTIQUES
LE PERSONNAGE DU THEATRE
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Big Hunt de Catherine Sullivan est une vidéo projection de cinq films noir et blanc, muets,
montés en boucles, qui fait ressortir le processus par lequel l’acteur investit une mémoire
émotionnelle. Les acteurs travaillent de manière répétitive et obsessionnelle sur des études de
personnages extraits de scénarios mêlant divertissements irlandais, films d’auteur et vie réelle de
Birdie Jo Hoaks (une femme de 25 ans qui a usurpé l’identité d’un orphelin de 13 ans pour frauder
la sécurité sociale américaine).
Big Hunt fonctionne selon un système combinatoire. Appliquant un système de permutations
mathématiques selon une grille où chaque mode va être croisé, les acteurs interprètent
successivement cinq attitudes, gestes, émotions correspondant à cinq films.
Les films choisis par Catherine Sullivan appartiennent à une mémoire collective et leur trame
psychologique éprouve des rapports de domination et de cruauté entre les personnages : Persona
(Ingmar Bergman, 1966), The Miracle Worker (Arthur Penn, 1962), Marat/Sade (Peter Brook,
1967) et What Ever Happened to Baby Jane (Robert Aldrich, 1962).
Catherine Sullivan s’attache à explorer et mettre en évidence la capacité du corps à muter dans
des expressions variées. Dans le travail de Catherine Sullivan, qui a pratiqué la danse Butô, le
corps devient un objet, un masque.
LA DANSE BUTO
La danse Butô est une danse japonaise née dans les années 1960 en réaction à la domination de la logique et à la
suppression de la mémoire du corps. La naissance de la danse Butô a été influencée par les avant-gardes européennes. Le
Butô s'oppose à un certain jeu psychologique de l'acteur. Le corps du danseur Butô, par l'expérience du corps vidé de sa
« personne » peut vivre la mémoire ancestrale. On dit souvent que le Butô c'est frapper ou griffer le sol du pied pour en
faire jaillir les esprits.
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LE LANGAGE / LES MOTS / LA POESIE / LE SON
L’ART ET LES MOTS DANS LA LIGNÉE DES AVANT-GARDES
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Les méthodes de détournement du langage utilisées par Guy de Cointet et Mike Kelley sont
héritées des avant-gardes du début du XXème siècle (futurisme, surréalisme, dada) et plus
particulièrement de Raymond Roussel.
Guy de Cointet et Mike Kelley partagent avec Raymond Roussel une méthode basée sur le collage,
dans laquelle les mots sont utilisés comme matière première (pour leur forme ou leur
prononciation, pas uniquement pour leur sens).
DADA ET LES MOTS
L’écriture, libérée de l’esclavage du sens, retourne à la matérialité même de la
langue. Les mots, assemblés selon des lois qui ne visent pas la
communication mais la fluide liberté d’associations d’images et de sons,
s’organisent en poèmes. Déjà Serner, Tzara et Arp, qui est aussi poète, se
livrent en allemand à une écriture automatique qui n’admet pas de
corrections. La poésie phonétique de Raoul Hausmann ira encore plus loin
dans la destruction de la langue, décomposant le mot même en éléments
purement sonores, abstraits de tout sens et de toute représentation.
Extrait dossier pédagogique Musée national d’art moderne / Centre
Pompidou, exposition Dada, 5/10/2005-9/01/2006
RAYMOND ROUSSEL
Ecrivain français (1877-1933) dont
l’œuvre, revendiquée par les
surréalistes, est partiellement fondée
sur un singulier procédé d’écriture
que lui-même exposa (Comment j’ai
écrit certains de mes livres, posth.
1935) et qui repose sur l’exploitation
littérale de jeu de mots. (Le petit
Robert, Dictionnaire illustrée des
noms propres, édition Dictionnaires
Le Robert, 1996)
LES PERFORMANCES
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Les performances de Guy de Cointet donnent l’impression d’un sens caché, secret, des textes
comme des objets.
Impressions d’Afrique de Raymond Roussel au
théâtre Antoine 1912 : « sur scène un ver de
terre joueur de cithare, le nain Philippo dont la
tête, normalement développée, égale en
hauteur le restant de l’individu, l’unijambiste
Lelgoualch jouant de la flûte sur son propre
tibia, une statue en baleine de corsets roulant
sur des rails en mou de veau. »
Dans la performance Tell me, tout commence par un tableau-carte, un carré blanc où sont peintes
cinq lettres, en haut, en bas, à gauche, à droite et au centre : A, M, T, D, S. Ce tableau est une
carte, un objet crypté qui donne des directions :
« En plein cœur de l’Afrique, entouré de traîtres Déserts, caché derrière de dangereuses
Montagnes, défendu par de cruelles et sauvages Tribus, se trouve un trésor légendaire : les
fabuleux magasins des mines du roi Salomon. »
(Guy de Cointet, Tell Me, tapuscrit inédit, 1978. Succession Guy de Cointet, Paris.)
L’histoire commence comme une chasse au trésor, mais va être sans cesse interrompue par des
digressions prosaïques.
- Une cigarette ? Prends donc un Scotch, plutôt.
- Non… Je préfère un verre.
- Que veux-tu boire ?
- Une Marlboro.
- Une Marlboro… Michael, je suis désolée, je n’ai plus de Marlboro. J’ai fini la bouteille hier matin.
Que dirais-tu d’un Havane ?
(Guy de Cointet, Tell Me, tapuscrit inédit, 1978. Succession Guy de Cointet, Paris.)
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LE LANGAGE / LES MOTS / LA POESIE / LE SON
LES LIVRES DE POESIE VISUELLE
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De 1971 à 1975, Guy de Cointet élabore cinq livres de typoésie.
Ses livres ne sont pas lisibles au sens littéral du terme, ils sont
composés dans des langages codés qui incluent typographies,
hiéroglyphes, alphabets imaginaires, chiffres (plaques
d’immatriculation, numéros de téléphone, classifications
cinématographiques). Il transforme l'expérience du langage en
une expérience visuelle.
A few drawings, 1975 (7 x 10’’, 56 pages. Edition 1000 ex. - réédition 2005)
ACRCIT, 1971 (43,2 x 55,9 cm – 28 pages libres)
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TYPOESIE Mot valise unissant typographie et
poèmes inventé par Jérôme
Peignot, poète et spécialiste de la
typographie. Il réalise des
typoèmes depuis la fin des années
1960. Voir entre autres Typoèmes,
Editions du Seuil, Paris, 2004.
LE LANGAGE / LES MOTS / LA POESIE / LE SON
LES LIVRES DE POESIE VISUELLE
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Guy de Cointet, Larry Bell. Animated Discourse, 1975
Animated Discourse (1975) de Guy de Cointet et Larry Bell est un livre écrit sous forme de code
photographique. Un personnage par vignette représente une lettre ou un signe de ponctuation. Une
bande composée de 29 photographies d’un danseur donne la clé de lecture du livre.
Ce livre est issu des expériences de codes et de recherches cinématographiques sur la périphérie
du regard menées par Guy de Cointet et Larry Bell. Des modèles couraient dans l’atelier en prenant
des poses affectées et en affichant des mimiques accentuées - à la manière des romans-photos et
des feuilletons télévisés - tandis que Larry Bell les photographiait à l’aide d’un appareil
panoramique.
A Captain from Portugal (1972) est un texte écrit dans un alphabet inventé, proche de l’écriture
cunéiforme.
Evolution du signe cunéiforme représentant un homme
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LE LANGAGE / LES MOTS / LA POESIE / LE SON
LES DESSINS
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Dans les dessins, Guy de Cointet déforme le titre du dessin écrit lisiblement au bas de la page.
Les dessins évoquent des bribes de conversation entendues dans la rue ou bien des slogans
publicitaires. Par exemple, le titre du dessin The very first time you experience this beauty fluid
(« La première fois que vous sentez ce fluide de beauté ») provient du slogan publicitaire pour la
marque « Oil of Olay ». (Les dessins de Guy de Cointet peuvent être regroupés en différentes
catégories : « les écritures arabesques en miroir », « les labyrinthes » et « les crayons de couleur
vaporeux ».
LES ECRITURES ARABESQUES EN MIROIR
La notion de miroir est présente dès les premiers dessins de 1970. Guy de Cointet est parfaitement
ambidextre et pouvait écrire de gauche à droite, de droite à gauche et à l’envers, comme Léonard
de Vinci. Il perpétua quotidiennement cette pratique, presque monacale, d’enluminure jusqu’à sa
mort.
The very first time you experience this beauty fluid
I’m relaxing sleeping (Détail)
LES LABYRINTHES
LES CRAYONS DE COULEUR VAPOREUX
Fine Head
Alaska
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LE LANGAGE / LES MOTS / LA POESIE / LE SON
LES CARNETS
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Les carnets de Guy de Cointet montrent la précision des croquis, plans et dessins portant les
dimensions ainsi que des échantillons de couleurs.
LES SONS
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Certains objets et certaines répliques des performances de Guy de Cointet sont musicales.
Ethiopia
Dans Ethiopia le cône jaune est une sorte de cornemuse activée par le pied, le grelot géant
tintinnabule et le theremin en carton émet d’étranges sons. Dans Iglu, un joueur de castagnettes
apparaît lorsqu’il est évoqué. Un enregistrement sonore d’époque est diffusé au centre d’art.
LE THEREMIN
C’est un instrument de musique inventé au début du 20ème siècle par un Russe, Leon Theremin. Il s'agit d'un instrument
fonctionnant grâce à des bobines et des ondes radios, composé de deux tiges métalliques perpendiculaires, qui se joue par
des mouvements aériens de main autour des deux tiges. Le theremin fut utilisé à grande échelle dans les films de sciencefiction des années 1950.
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LE LANGAGE / LES MOTS / LA POESIE / LE SON
LES SONS
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Les objets de l’œuvre Performance Related Objects (1977-1979) de Mike Kelley ont une fonction
musicale. Le porte-voix en bois peint a été utilisé par Mike Kelley dans la performance
Perspectaphone.
Cette pratique de l’objet musical et du bruit comme musique a pour ancêtre les
bruitistes de Luigi Russolo, auteur du manifeste de L’Art des bruits (1913).
instruments
LUIGI RUSSOLO
Peintre et compositeur italien
(1885-1947). En 1910, il signe le
Manifeste des peintres futuristes et
participe à l’activité du groupe en
Italie et à l’étranger. En 1913, il
publie le manifeste L’Art des bruits
et réalise de spectaculaires
machines sonores comme les
I n t o n a r u m o r i , et organise des
concerts d’avant-garde.
Les instruments de Luigi Russolo
EXTRAITS DE L’ART DES BRUITS (1913) LUIGI RUSSOLO
La vie antique ne fut que silence. C'est au dix-neuvième siècle seulement, avec l'invention des machines, que naquit le
Bruit. Aujourd'hui le bruit domine en souverain sur la sensibilité des hommes. Durant plusieurs siècles la vie se déroula en
silence, ou en sourdine. Les bruits les plus retentissants n'étaient ni intenses, ni prolongés, ni variés. En effet, la nature est
normalement silencieuse, sauf les tempêtes, les ouragans, les avalanches, les cascades et quelques mouvements telluriques
exceptionnels. […]
L'art musical rechercha tout d'abord la pureté limpide et douce du son. Puis il amalgama des sons différents, en se
préoccupant de caresser les oreilles par des harmonies suaves. Aujourd'hui, l'art musical recherche les amalgames de sons
les plus dissonants, les plus étranges et les plus stridents. Nous nous approchons ainsi du son-bruit. Cette évolution de la
musique est parallèle à la multiplication grandissante des machines qui participent au travail humain. Dans l'atmosphère
retentissante des grandes villes aussi bien que dans les campagnes autrefois silencieuses, la machine crée aujourd'hui un si
grand nombre de bruits variés que le son pur, par sa petitesse et sa monotonie, ne suscite plus aucune émotion. […]
Voici les six catégories de bruits de l'orchestre futuriste que nous nous proposons de réaliser bientôt mécaniquement.
1. Grondements / Eclats / Bruits d’eau tombante / Bruits de plongeon / Mugissements
2. Sifflements / Ronflements / Renâclements
3. Murmures / Marmonnements / Bruissements / Grommellements / Grognements / Glouglous
4. Stridences / Craquements / Bourdonnements / Cliquetis / Piétinements
5. Bruits de percussion sur métal, bois, peau, pierre, terre-cuite, etc.
6. Voix d’hommes et d’animaux ; cris, gémissements, hurlements, rires, râles, sanglots.
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L’EXTRAVAGENCE DANS LE TRAVAIL DE GUY DE COINTET
Dans les performances de Guy de Cointet, l’extravagance se
joue dans une recherche de personnages hors norme et une
exacerbation de la féminité, qui se rapproche de la sensibilité
« Camp » définie par Susan Sontag.
LE « CAMP »
Dans une première acception, il s’agit d’un terme anglais péjoratif
signifiant « tapette » utilisé pour désigner les homosexuels en GrandeBretagne. Dans les années 1960, le qualificatif est revendiqué par la
communauté « gay ». Susan Sontag dans « Notes on Camp » (revue
Partisan Review, 1964) est la première à tenter une définition, en
précisant qu’il ne s’agit ni d’une idéologie ni d’un concept, mais plutôt
d’une sensibilité. Elle décline celle-ci en une liste de points parmi
lesquels un goût pour l’extravagance, l’exagération, une esthétique
proche du dandysme, des personnages de Joris-Karl Huysmans ou
encore d’Oscar Wilde. Susan Sontag nomme « instant character » : un
personnage qui est créé instantanément par la pose, le costume, le
maquillage et fait immédiatement image.
Les actrices (Mary Ann Duganne Glicksman, Denise Domergue, Helen Berlant, Jane Zingale…) sont
de très belles femmes qui représentent les types idéaux féminins. Guy de Cointet porte une
attention particulière à leurs mouvements exubérants et à leurs attributs physiques avec un souci
du détail et de l’effet dramatique qui rappelle les spectacles de travestis. Toutes les femmes ont les
cheveux rigoureusement coiffés et chancellent du haut de leurs chaussures à semelles
compensées.
Dans Tell me, Mary et Olive sont vêtues de
tissus aux coloris vifs caractéristiques de la
fin des années 1970, tandis que Michael se
pavane sur la scène, moulé dans des
cuissardes noires.
L’acteur lilliputien Billy Barty interprète un
conférencier dans la première performance de Guy
de Cointet, Que No Mysxdod, à la Cirrus Gallery, en
1973.
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LA SACRALISATION DES ŒUVRES D’ART
PAR L’INSTITUTION ET LE MARCHÉ
Les objets scéniques de Guy de Cointet étaient fabriqués par lui-même ou les acteurs suivant des
indications précises. Ils sont en carton ou en bois pour la structure de base, recouverte de peinture
acrylique ou de gouache. Il existe plusieurs versions des objets exécutés par différentes personnes
à différentes époques. La désacralisation de l’objet était une composante de la démarche artistique
de Guy de Cointet. Elle s’oppose à la fétichisation de l’œuvre d’art par les institutions et le marché,
pour qui la valeur de l’œuvre est conditionnée par son unicité.
Deux des ensembles, Iglu et Ethiopia, ont déjà été restaurés par Robert Wilhite à l’occasion de
l’exposition de Guy de Cointet, Who’s That Guy ? au MAMCO, à Genève en 2004. Il s’agissait d’un
nettoyage et de repeints pour certains objets, ce qui ne posait pas de problème puisque c’est
Robert Wilhite qui les avait initialement fabriqués. Pour l’exposition du Crac à sète, il assistera à la
mise en place des décors et fabriquera certains éléments, notamment la table bleue de A New Life,
d’après les indications de Guy de Cointet trouvées dans ses carnets. La plupart des éléments de
cette pièce ont été retrouvés à New York en 2005, ils sont revenus en France où ils sont restaurés
par Claude Wrobel (spécialiste des restaurations d’art contemporain). Il s’agit surtout de nettoyer
la poussière qui s’est déposée dans les rainures des traces d epinceau durant trente ans. Quelques
rebouchages et réintégrations de la couche picturale ont été nécessaires, mais l’ensemble est en
bon état.
Marie de Brugerolle « Faire des choses avec des mots / Making words with things », dans Semaines, Bimestriel
pour l’art contemporain, n°1, octobre-novembre 2006
Pour Tell me, les actrices ont réalisé, à l’époque, la plupart des objets. Ceux exposés au CRAC
appartiennent à la succession de Cointet et viennent d’être restaurés. Pendant le vernissage au
Centre Régional d’art Contemporain, les actrices utiliseront les objets fabriqués spécialement par
Robert Wilhite pour la représentation.
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4 ARTISTES / 3 GÉNÉRATIONS
GUY DE COINTET (1934, Paris – 1983, Los Angeles)
Adolescence à Oran, Algérie /
Ecole d'art à Nancy /
Guerre d'Algérie 1961-1962 /
De retour à Paris 1963-1965 : travaille pour des revues, réalise des publicités ou des motifs de
papier peints. Commence à utiliser les lettres trouvées, notamment les papiers journaux sur
lesquels il réalise des collages ou des peintures/
1965-1968: part à New York. Fréquente La Factory de Andy Warhol et se lie d'amitié avec Viva, une
des égéries de Warhol. Devient assistant de Larry Bell en compagnie de Bob Wilhite. Commence à
réaliser des films super huit/
1968-1983: s'installe à Los Angeles, dans le quartier de Market Street, à Venice et continue
d'assister Larry Bell jusqu'en 1973. Fréquente la communauté artistique : George Miller, Bas Jan
Ader, Allen Ruppserberg, John Miller (le peintre), John Baldessari, Bob Wihlitte sont ses amis/
Vivant de façon très modeste, il fait de son loft une œuvre d'art et une mise en scène, vivant dans une véritable tente et
constituant chaque espace selon sa fonction. Nombreux voyages au Nouveau Mexique et au Costa Rica/
A partir de 1971, commence à publier des livres de poésies visuelles avec l'aide de Gus Foster, ami et fondateur des éditions
Sure Company, à Venice. (A Captain From Portugal, 1972, Espahor Ledet ko Uluner!, 1973, TSNX C24VA7ME, 1974, A Few
Drawings)/
1974 : publie avec Larry Bell Animated Discourse/
De 1974 à 1982, beaucoup de performances sont jouées et cela devient une activité principale, le dessin comme pratique
quotidienne continuant parallèlement, avec des écritures en miroir ou codées, à l'aquarelle sur papier canson. Ce travail
presque d'enluminure, monastique, lui permet d'élaborer des formules qui seront reprises parfois en volume dans les pièces/
1976 : à Paris, il donne avec son ami Yves Lefebvre, une série de lectures de Raymond Roussel, interprétées entre autres par
Sami Frey , au théâtre Récamier/
1976 : création d’une de ses pièces majeures, Ethiopia, qui utilise à la fois son système scénique à transformations et les
instrument musicaux originaux inventés par Bob Wilhite. Cette pièce sera jouée plusieurs fois avec beaucoup de succès/
1981 : Tell Me est jouée grâce au metteur en scène Yves Lefebvre à Paris au théâtre Marie Stuart/
1982 : retour en France. La pièce De toutes les couleurs est jouée au théâtre du Rond Point, mise en scène par Yves Lefebvre,
avec Fabrice Lucchini, Violetta Sanchez et Sabine Haudepin. Un accident oblige l'interruption de la pièce et Guy de Cointet
rentre à Los Angeles. Il doit exposer chez Marian Goodman à New York, mais tombe malade et meurt des suites d'une hépatite
C à Los Angeles, en 1983.
MIKE KELLEY Né en 1954 à Détroit, vit à Los Angeles
1972-1976 : étudie à l'Art School de l’université du Michigan. Il découvre l'histoire de l'art d'avant-garde, tout en continuant à
s'intéresser aux sous-cultures créées par les médias/
En 1974 il forme avec Cary Loren et Jim Shaw le groupe de musique Destroy All Monsters dont le travail se nourrit du rock, de
la contre-culture des années 60, de la BD, ainsi que de l'imagerie psychédélique/
1976 : Mike Kelley s’installe en Californie. Mike Kelley entre au California Institute of Arts de Valencia (CalArts), célèbre école
de la Côte Ouest des Etats-Unis/
1977 : création avec Tony Oursler du groupe The Poetics/
Après avoir fait de nombreuses performances, il s’oriente au début des années 1980 vers la sculpture et l’installation. A partir
de 1996, il collabore avec Paul McCarthy dans des performances, des installations et projets multimédias/
PAUL MC CARTHY Né en 1945 à Salt Lake City, vit à Los Angeles
1967 : réalise des peintures noires avec les mains, commence à réaliser des films/
1969 : arrête la peinture, mais poursuit la pratique du dessin et réalise des peintures corporelles comme peindre une ligne
blanche au sol avec son visage ou en utilisant son pénis comme pinceau/
Aux débuts des années 1970 ses actions sont très minimales : une seule action répétée encore et encore.
C’est à partir de 1970-1971 qu’il recourt à des objets et des liquides (ketchup ou huile de moteur) dans ses performances/
1984 : abandonne les performances en public/
Le travail de Paul Mc Carthy joue de l’inversion des rôles, des fonctions du dédoublement. Il utilise masques, poupées,
mannequins. Il réalise des actions grossières qui expriment la sauvagerie. Les personnages ont évolué des patriarches humains
stéréotypés vers les animaux (les cochons, le singe), puis vers les figures de dessins animés, comme Popeye et Olive/
Paul Mc Carthy a organisé l’exposition Guy de Cointet au Magasin de Grenoble en 1996/
CATHERINE SULLIVAN Née en 1968 à Los Angeles, vit à Los angeles
Elle a été assistante de Mike Kelley avant d’étudier le théâtre et de devenir artiste plasticienne. Elle utilise les médiums
photographique et vidéo, mais réalise également des performances en public/
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ACTIVITÉS AUTOUR DE L’EXPOSITION
LES ACTIVITES LUDIQUES EN ACCOMPAGNEMENT DE LA VISITE
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OBJETS, MOTS ET SONS Tous les âges
- A partir d’une liste de mots utilisés dans les pièces Ethiopia ou Iglu essayer de retrouver à quels
objets du dispositif ils correspondent.
- Inventer des mots pour qualifier les objets de Performance Related Objects de Mike Kelley et
imaginer des fonctions possibles.
MOTS IMAGES Niveau maternelle et primaire
- A partir d’une liste de mots extraits de la pièce Tell me (Afrique, Déserts, Montagnes, Tribus,
Salomon), inventer des dessins pour créer des mots-images.
Matériel fourni : feuille blanche, gommettes, lettres autocollantes, feutres, crayons.
 Extrait de Tell me : « En plein cœur de l’Afrique, entouré de traîtres Déserts, caché derrière de
dangereuses Montagnes, défendu par de cruelles et sauvages Tribus, se trouve un trésor
légendaire : les fabuleux magasins des mines du roi Salomon. »
DÉCRYPTER UNE ÉCRITURE DE GUY DE COINTET Niveau primaire et secondaire
- Traduire une page d’écriture du livre A Captain from Portugal de Guy de Cointet à l’aide du code
alphabétique inventé par ce dernier.
ACTIVITÉS POUR PRÉPARER OU PROLONGER LA VISITE HORS LES MURS
………………………………………………………………………………………………….……………………
- Réaliser des pictogrammes : choisir des mots compliqués, peu utilisés, dans le dictionnaire et
dessiner leur identité visuelle.
- Ecrire un dialogue à deux en jouant avec les figures de rhétorique (métonymie, homonymie,
homophonie) et les associations d’idées.
- Jouer une pièce de théâtre sans les mots, rien qu’avec le corps et son expressivité.
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INFORMATIONS PRATIQUES
LIEU
Centre Régional d’Art Contemporain Languedoc-Roussillon
26 quai Aspirant Herber
34200 SETE
Tel. 04 67 74 94 37 Fax. 04 67 74 23 23
http://crac.lr.free.fr
HORAIRES
Ouvert tous les jours de 12h30 à 19h00
Fermé le mardi
Week-end de 14h00 à 19h00
Entrée libre
SERVICE EDUCATIF
Visites dialoguées, gratuites, sur rendez-vous.
Responsable du service éducatif : Vanessa Rossignol
Enseignante arts plastiques : Christine Dolbeau
Tel. 04 67 74 59 57
Email : [email protected]
Noëlle Tissier, direction et commissariat des expositions / Manuelle Comito, administration / Cédric
Noël, régie / Karine Redon, accueil et documentation / Martine Carpentier, secrétariat / Patrice
Bonjour, web
Vanessa Rossignol et Christine Dolbeau, service des publics 33 (0)4 67 74 59 57
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