Eric Legnini ( l`Avenir du 2 mars 2011 )

MERCREDI 2 MARS 2011
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CÔTÉ MAG
«The Afro Jazz Beat»
d’Éric Legnini
Pop, folk, soul, afro beat,...
Éric Legnini & The Afro Jazz Beat
mélangent codes et univers.
« Miss Soul », « Big Boogaloo »
et « Trippin’ » une trilogie qui
a mis le pianiste Eric Legnini
sur la voie de « The vox »,
un soul contemporain
plein de fraîcheur.
쎲 Jean-Pierre GOFFIN
on dernier album a été la
meilleure vente en jazz instrumental de l’année 2009 en
France. Cette fois Éric Legnini
ajoute une voix à son dernier
opus, une suite logique : « La voix a toujours été présente dans les albums en trio,
mais au second degré. Pour For All We
Know par exemple j’avais écouté la version
de Roberta Flack plutôt que celle de pianistes ; sur Big Boogaloo, il y a aussi Where
Is The love ? chanté aussi par Flack et
Donny Hathaway, ou aussi Goin’Out Of
My Head de Teddy Randazzo… Et puis j’ai
beaucoup travaillé pour des chanteurs et
chanteuses – Yaël Naïm, Mickey Green…ⳮ
et j’avais envie de récupérer ce savoir-faire et
de le mettre au service de ma musique. »
Éric Legnini découvre alors un peu par
hasard Krystle Warren, une chanteuse
originaire de Kansas city :
« Ma compagne l’avait vue
sur internet et peu de temps
après, on a fait l’émission de
Manu Katché One Shot
Not ensemble. Sa voix m’a
séduit, grave, éraillée… J’ai
senti chez elle le même genre
de référence que chez moi ⳮla
soul, Nina Simone, Tracey
Chapman…ⳮ et j’ai perçu
une liberté de chanter qui est propre au jazz :
savoir se détacher du texte. » Les affinités
étaient telles que même si une vingtaine
de titres avaient été composés avant leur
rencontre, le choix s’est opéré
naturellement : « Krystle s’est approprié
Gala
S
ma musique facilement ; elle ressentait les
choses avec beaucoup de justesse : par exemple, elle a pensé que London Spot serait
mieux sans voix et c’est ce que nous avons
fait. Nightfall (qui vient de
l’album Trippin’et rebaptisé
ici Near The House On The
Hill) est l’exemple même d’un
morceau que j’avais composé
pour la voix et j’espérais l’enregistrer un jour avec une
chanteuse :quand je lui ai proposé ce morceau, Krystle a
souri, comme quoi les intuitions sont souvent bonnes. »
On retrouve sur The Vox toutes les influences déjà présentes sur les albums
précédents : « Pour chaque disque, ma démarche est la même : j’écoute de vieux morceaux et je me les réapproprie. J’ai écouté
Tony Alle, No Accomodation For Lagosou
Jealousy, et les albums de Fela Kuti où le
funk est présent à sa façon ; c’est ce que je
cherche, cet assemblage d’éléments esthétiques et historiques que je retrouve dans les
vinyles. Le côté Afro existe dans mes disques
– Casa Bamakoest un peu précurseur de l’album d’aujourd’huiⳮ-, mais il y a dedans du
jazz et un peu de pop ou de folk par les mélodies ou le rapport avec l’harmonie. » Sur
deux morceaux le guitariste africain
Kiala Nzavotunga se joint au groupe :« Il
est le seul vrai membre « afro beat » du
groupe, c’est un compagnon de Fela Kuti
dont on sent fort l’influence, comme celle de
James Brown sur les riffs de The Vox, ça
donne une couleur que l’oreille perçoit et qui
rend l’ensemble de la musique plus fraîche. »
Pop, folk, soul, Afro Beat… des univers
dont Éric Legnini mélange les codes
autour de la voix de Krystle Warren,
comme bien d’autres l’avaient fait avant
Le mixage à Los Angeles
ianiste, compositeur, arrangeur,
producteur, Éric Legnini joue
tous les rôles à 100 % pour cet album. Des postes qu’il a déjà occupés
partiellement pour Claude Nougaro,
Christophe, Mickey Green, Yaël
Naïm et bien d’autres… Le mixage,
lui, a été finalisé par un grand nom,
le
« multigramminé »
Husky
Höskulds : « J’avais mixé à la maison,
P
mais je cherchais quelqu’un pour mettre
la dernière touche. David Donatien et
Yaël Naïm m’ont vanté les mérites de
Husky. En fait, j’avais déjà écouté son
travail sans le savoir sur des disques de
Solomon Burke et Tom Waits. Il a aussi
travaillé avec Norah Jones, Sheryl
Crow, avec des géants de la soul… Je
suis parti mixer chez lui à Los Angeles.
Ce fut une belle rencontre avec quel-
qu’un de très humble, mais qui a fait
tant de choses, que quand tu lui parles
de références, il sait tout de suite où tu
veux en venir. Il a par exemple très bien
compris mon souci de rendre le trio central et d’y ajouter des éléments qui viennent se graver autour. Il ne fallait pas
oublier l’idée première de la musique et
surtout ne pas tomber dans la surproduction. » ■
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lui :« Au fond, quand j’y pense, tous les pianistes de jazz que j’aime – Les McCann,
Ramsey Lewis…ⳮ on les retrouve aussi
dans la soul et la voix. » ■
> « Éric
Legnini & The Afro Jazz Beat » seront
au Festival de Comblain-la-Tour
le 2 juillet.
« The Vox » : les seventies
au parfum d’aujourd’hui
« Ne pas se répéter est un moteur essentiel à la
création, ce qui n’exclut pas d’emprunter les
mêmes chemins que mes aînés » : la démarche
d’Éric Legnini est on ne peut plus claire. Dans la
forme, il repart encore ici de son trio :
l’extraordinaire batteur Franck Aguhlon qui
parvient à assimiler les tournures de l’afro beat
en jazzifiant le tout, représente la pierre d’angle
de la musique du pianiste, une présence
constante sur tout l’album. Le contrebassiste
Thomas Bramerie forme le troisième côté du
triangle, en parfait équilibre. Outre la voix
rocailleuse de Krystle Warren sur six pièces
viennent s’ajouter une section de cuivres aux
accents funk et la guitare de l’ami Da Romeo.
Piano acoustique, Fender Rhodes, B3… jamais
Éric Legnini n’aura mis autant de couleurs sur
un album qui n’en perd pas pour autant le fil
d’un style et d’un son reconnaissables en
quelques secondes. On aime particulièrement le
titre éponyme, la reprise vocale de Nightfall ou
ce Black President qui, même s’il a été écrit au
moment de l’élection d’Obama, est bien un
hommage à Fela Kuti. Sûr que la Vox Legnini va
J-P G.
marquer les esprits. ■
> Discograph/PIAS