La ferme, nouveaux champs pédagogiques

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La ferme, nouveaux champs pédagogiques
Dossier
Education à l’environnement
La ferme, nouveaux champs
pédagogiques
L’arrivée du milieu agricole dans le champ de
l’éducation à l’environnement n’est pas
nouvelle. Dès le début des années 1970, des
lycées agricoles innovent avec l’approche
interdisciplinaire et territoriale de «l’étude de
milieu» (p. VII). Plus récemment, des
agriculteurs professionnalisent leur accueil
éducatif à la ferme, appuyés par des
associations de développement agricole (p. VI).
Face à une demande montante pour
l’éducation à l’environnement et à l’alimentation, ils
deviennent des partenaires pédagogiques reconnus par
l’Éducation nationale et les associations
environnementalistes (p. V).
D’aucuns pourraient y voir une contribution gentille à
l’imaginaire des enfants, dans l’univers ludique de la
ferme. Ferme qui est souvent loin des réalités agroindustrielles de la production alimentaire. Pourtant,
l’enjeu est ailleurs. L’éducation à l’environnement
relève de préoccupations différentes mais toutes
cruellement d’actualité. La sensibilisation aux
équilibres naturels, à la production des aliments
doivent contribuer à la responsabilité
environnementale mais aussi sanitaire des enfants
alors que l’obésité est le premier problème de santé
publique chez les jeunes (p. III et IV). Introduire les
personnels concernés (gérants de restauration
collective, cuisiniers, assistantes sociales...) au monde
de la production agricole est également très formateur
(p. VIII).
Dans une dimension moins utilitariste, l’éducation à
l’environnement est souvent associée au
développement d’une pensée critique par la
complexité des milieux et du vivant qu’elle laisse à
voir. Face aux enjeux écologiques du XXIe siècle, les
démarches investies par différents acteurs participent
au renouvellement de l’idéologie du développement,
telles que les expérimentations du Centre
pédagogique de Florac (p. VII) ou l’accompagnement à
une relocalisation des filières alimentaires par l’IFREE
(p. VIII).
Pour des enfants élevés dans une société de l’image, la
vie sur la ferme fait aussi exister le monde, dans sa
diversité et ses résistances (p. IV).
Faisant suite aux rencontres nationales du réseau des
CIVAM au printemps 2007 et en complément du
dossier sur l’accueil social à la ferme déjà paru
(n°321), ce dossier explore ainsi la contribution
agricole au champ de l’éducation à l’environnement et
à l’alimentation.
Dossier réalisé en partenariat avec les CIVAM (Centre d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural).
N° 336
19 JUIN
2 0 0 7
Dossier
TRANSRURAL Initiatives • 19 JUIN 2007 • II
Histoires et facettes de l’éducation à l’environnement
L’éducation à l’environnement trouve
ses racines dans les mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, le scoutisme et la pleine nature, l’avènement
du tourisme social et les auberges de
jeunesse…
Les années 1960-1970 voient apparaître
de multiples acteurs, tant dans les
domaines de l’animation nature que
patrimoniale : les parcs nationaux et
régionaux, les Centres permanents d’initiatives pour l’environnement (CPIE), les
musées de plein air ; des associations
spécialisées se créent (société d’étude et
de protection, cercles naturalistes, animations scientifiques). L’enseignement
est aussi concerné avec le tiers temps
pédagogique, les activités d’éveil et les
classes «transplantées» de toutes les couleurs (verte, rousse, bleu, blanche…).
N’oublions pas l’enseignement agricole
avec ses premiers stages «étude de
milieu», ses établissements spécialisés et
l’expérience «neuvicoise» du BTS «protection et animation nature»…
Les années 1980-1990 marquent une
étape de mise en réseaux et d’ouverture
à de nouvelles problématiques d’animation (eau, air, déchets, consommation,
biodiversité, environnement urbain…).
Des rencontres de professionnels et de
bénévoles seront à l’origine de la création de réseaux nationaux ou régionaux
comme «École et nature» et les GRAINE
(lire p.5), le CIRASTI ou l’AMCSTI1 dans
le domaine des sciences et de la médiation culturelle, le RITIMO2 concernant le
développement international…
DE L’ANIMATION NATURE
À L’ÉCO-CITOYENNETÉ
En milieu rural, après quelques actions
pionnières dans les années 1970, on
observe un développement de projets et
de mouvements autour du tourisme, des
loisirs et des initiatives liées à l’accueil,
aux services et à la «diversification des
agricultures», portés par les multiples
réseaux de fermes pédagogiques (encadré ci-contre), ou encore l’action de
nombreux établissements d’enseignement agricole, sans oublier les Familles
rurales, les Foyers ruraux, etc.
Aujourd’hui, parler d’éducation à l’environnement, c’est observer la dynamique
d’un paysage et passer de l’étude du
milieu à l’éducation au développement
durable inscrite dans les programmes
scolaires ; c’est articuler l’animation
nature à l’éco-citoyenneté dans l’éducation informelle proposée par les centres
de loisirs par exemple.
Parmi les acteurs de l’éducation à l’environnement, il y a ceux dont c’est le
métier comme les animateurs nature ou
environnement, les directeurs de centre
de découverte, les pédagogues spécialisés… Une filière professionnelle diplômante se structure d’ailleurs progressivement (cf. réseau École et nature). Mais
il y a aussi ceux qui font de l’éducation à
l’environnement dans leur métier, tels
que les enseignants ou animateurs
«généralistes», les agriculteurs
accueillants ou les techniciens des collectivités spécialisés dans le domaine des
déchets ou de l’eau.
POUR UNE ÉDUCATION
AUX TERRITOIRES
Trois types d’approche concernant
l’éducation à l’environnement sont
admises, dont la synthèse, difficile à
faire, représente une éducation à l’environnement «idéal» ! Une éducation au
sujet de l’environnement (complexité
des milieux, interactions des êtres
vivants...) permet un accès à la connaissance et au développement de l’esprit
critique, conditions d’exercice de la
citoyenneté. Une éducation par et dans
l’environnement développe le contact
sensible et la relation directe avec «les
choses et les gens» ; c’est un moteur
essentiel à l’éveil de la sensibilité. Enfin,
l’éducation pour l’environnement privilégie l’action de citoyens éco-responsables, acteurs conscients des problèmes
environnementaux.
Dans ces trois types d’approches, on voit
bien quelles actions peuvent se développer en milieu rural autour des activités
agricoles, de la production et de l’alimentation, du paysage… Mais attention
aux projets éducatifs «hors sol !» De
nombreux projets éducatifs et pédagogiques montrent des finalités communes, trop souvent sans lien avec «la
géographie des lieux». On y parle de
relation à l’animal, de fabrication de produits, de mieux consommer, de développer l’autonomie des enfants, etc.
Mais rien n’indique s’il s’agit d’une
structure en «rural profond» ou en périurbain! Accompagnateur de tels projets,
je ne perçois donc pas toujours dans les
objectifs les problématiques des différents espaces ruraux : mixité des populations et bassin de vie, tourisme et aménagement, urbanisme et pression foncière… Une éducation aux territoires
reste donc à développer.
1. Collectif
interassociatif
pour la réalisation d’activités
scientifiques
techniques
internationales
et Association
des musées et
centres de culture scientifique, technique et industrielle.
2. Réseau
d’information
spécialisé sur
la solidarité
Henri Labbe, conseiller pédagogique, internationale
Direction régionale Jeunesse et Sports et le développede Bretagne, relai 35 École et nature ment
L’accueil éducatif dans le réseau Civam
Depuis quelques années, conduit par le Civam bio du
l’accueil éducatif à la ferme est Gard. Cette première étape
un axe fort du mouvement d’une sensibilisation des enfants
CIVAM. Cet intérêt remonte au à leur alimentation et à leur
début des années 1990, avec la environnement fait découvrir
naissance de deux réseaux, les aux agriculteurs et enseignants
fermes écoles de
impliqués la nécesCornouailles et le Ces initiatives sité d’un travail colréseau Racines du ont rencontré lectif. Racines s’étend
Gard. Les fermes une demande à l’Hérault, à l’Aude
écoles, structurées
puis à la Lozère. Élarcroissante git, le réseau propose
en partenariat étroit
avec l’éducation nationale, ins- une variété de producteurs et
crivent leur accueil dans le pro- d’acteurs ruraux permettant
jet pédagogique des ensei- d’enrichir le projet pédagognants partenaires, sur les gique.
thèmes de l’environnement et Ces initiatives ont rencontré
de l’alimentation. L’expérience une demande croissante d’édus’est depuis étendue au Finis- cation à l’environnement, de
tère. Racines naît du projet volonté de transmission de
«Manger bio à la cantine» savoir-faire des métiers, et plus
largement, d’éducation à la
citoyenneté.
Aujourd’hui, plusieurs réseaux
se sont construits. Chaque
groupe travaille selon une
charte élaborée et adaptée à sa
situation, dans une démarche
générale de durabilité.
La diversification que représente cette activité permet le
maintien ou la création de nouvelles réalisations en milieu
rural. Elle enrichit également les
liens sociaux sur des territoires
souvent à faible densité de
population. Le réseau national
CIVAM permet une mise en
cohérence des réseaux locaux,
chacun gardant sa spécificité
territoriale.
Lisette Teulières, FNCIVAM
III• TRANSRURAL Initiatives • 19 JUIN 2007
Des agriculteurs bretons proposent une éducation à l’alimentation, à l’écologie, au territoire...
l’accueil social, de la vente directe.
L’éducation à l’environnement est transversale à toutes les activités présentes sur Nombre d’adhérents ont fait depuis longla ferme. Les accueils pédagogiques pro- temps le constat qu’on ne peut pas triposent, par exemple, des parcours «de la cher durablement si l’on veut accueillir
terre à l’assiette» montrant les produits et chez soi. La haie de thuya ne peut pas
indéfiniment cacher le poules procédés de production, y
L’accueil
lailler industriel, surtout si
compris en faisant percevoir la
transforme
personne à la ferme ne mange
saisonnalité des produits : pas
de tomates à Noël. C’est aussi la manière de voir de ces poulets. Une étude
avait d’ailleurs conforté ces
l’occasion de faire découvrir la
des paysans
évolutions en montrant que
vie du sol, ou dans une haie.
Les produits vendus en circuits courts l’accueillant transforme progressivement
(magasins ou marchés fermiers, abonne- sa manière de voir les choses en recherments panier, etc.) suivent la même chant le plus de transparence possible
démarche, avec dans beaucoup de cas, dans sa relation aux personnes
des fêtes, des animations, qui donnent accueillies: plus question de ne pas tout
l’occasion aux acheteurs de participer à dire sur les manières de produire ; et
des temps formateurs sur l’environne- alors, si un produit ne paraît plus accepment. Les produits consommés sur place table au regard des critères environnedans le cas d’accueil touristique (tables mentaux ou sociaux, il faut progressivepaysannes, auberges) s’inscrivent dans ment l’arrêter.
des cahiers des charges semblables.
En Bretagne, les agriculteurs d’Accueil L’ÉCO-HABITAT À LA FERME
paysan tendent ainsi à mettre en cohé- Une nouveauté du réseau est la conceprence leurs différents choix. Ce réseau tion des habitats destinés à l’accueil. De
régional compte 70 adhérents, en majo- plus en plus d’accueillants, souvent à
rité agriculteurs, pratiquant de l’accueil l’occasion de rénovation, construisent et
touristique, de l’accueil pédagogique, de s’équipent selon des critères de l’éco-habi-
tat. Chauffage au bois, récupération d’eau
de pluie, isolation «chanvre et chaux», etc.
Ils en font un parcours pédagogique, avec
des recommandations sur l’utilisation de
l’eau, de l’électricité. Au delà de former
des éco-citoyens, une éducation au territoire se traduit par des sentiers d’interprétation, où des parcours guidés autour de
l’exploitation permettent de découvrir des
paysages remarquables, retracent une histoire des activités locales. Ce peut être
aussi la découverte d’une végétation,
d’une faune particulière, etc.
Pour conforter ces dynamiques, Accueil
paysan anime des groupes d’échanges,
voire organise des formations techniques,
comme l’an dernier en Ille-et-Vilaine sur
les «toilettes sèches». Divers fiches techniques, utiles aux nouveaux constructeurs
comme anciens accueillants, ont été rédigées : «analyse de paysage», «la haie champêtre», «l’agriculture au cœur du bocage»,
«l’habitat écologique, matériaux et énergie», «l’habitat écologique, l’eau dans la
maison», «préservation des ressources,
des gestes au quotidien», «un jardin écologique, la plante, la terre et l’eau», «un
jardin écologique, fragile équilibre».
M. C.
Près de 1400 fermes pédagogiques en France
L’activité éducative agricole la plus formalisée est la ferme pédagogique, définie par
la circulaire interministérielle des fermes
pédagogiques de 2001 comme «toute
structure qui par la présentation d’animaux d’élevage et/ou de cultures, se met
au service de l’éducation du public». En
France, environ 1400 structures
accueillent près de 3,3 millions de visiteurs par an, dont la moitié sont des
enfants.
Une distinction s’impose rapidement
entre les exploitations agricoles ouvertes
au public - dont la vocation principale est
la production - et les fermes d’animation
qui ont une vocation essentiellement
éducative. Chez les premières, l’accueil
éducatif est une activité de diversification
prise en charge par l’agriculteur ou sa
conjointe. Les enfants représentent plus
des 3/4 du public accueilli. Cependant,
on observe une demande de plus en plus
importante des publics handicapés ou en
difficulté sociale, aussi bien enfants,
jeunes qu’adultes.
CINQ RÉSEAUX NATIONAUX
Dans tous les cas, le public reste très sensible à la notion de «vraie ferme» rattachée à une image d’Épinal de la ruralité.
Cela peut être contradictoire avec la
motivation d’approcher les réalités de
l’activité de production agricole.
Plus de 120 réseaux de fermes pédagogiques ont pu être recensés en France.
Au niveau national, cinq réseaux regroupent la majorité des fermes pédagogiques. Le plus important, «Bienvenue à
la ferme», regroupe plus 600 exploitations agricoles (www.bienvenue-a-la-
ferme.com). Les CIVAM représentent
plus d’une centaine d’exploitations,
réparties en 12 réseaux locaux
(www.civam.org), et Accueil paysan en
regroupe
une
cinquantaine
(www.accueil-paysan.com ).
Le réseau «Graines de Savoirs» de l’enseignement agricole public réalise un
accueil éducatif dans les exploitations et
les ateliers technologiques d’une trentaine de lycées agricoles. Enfin, le GIFAE,
Groupement international des fermes
d’animation éducatives, compte une quarantaine d’adhérents (www.gifae.com).
Pour en savoir plus : Bergerie Nationale
Centre de ressources des fermes pédagogiques
Parc du château - 78120 Rambouillet - tél. 01 61 08 68 11
www.bergerie-nationale.educagri.fr/site_FP/index.html
[email protected]
Dossier
De l’accueil à la ferme à la découverte
de l’environnement
D’où vient ce que tu manges ?
C’est la fibre pédagogique qui a poussé AnneMarie Cottineau à s’installer en agriculture.
Sa ferme pédagogique «La Ribière de bord»
combine élevages et maraîchages bio. En éduquant à l’alimentation, elle fait exister la
nourriture autrement que par la rhétorique
publicitaire des emballages. Témoignage.
concrète compréhensible de tous. Tous les
sens sont sollicités, toucher, odorat, vue,
goût et ouie. La poule chante quand elle
vient de pondre, on peut reconnaître des
plantes à leur odeur…
Pour les plus grands, on peut, à partir d’un
menu qu’ils ont élaboré, concevoir un jeu
de piste pour retrouver les ingrédients
L’accueil et la visite de la ferme permet- nécessaires à la confection du repas.
tent de parler de l’alimentation. En effet si On voit alors que les tomates ne sont pas
chacun de nous mange chaque jour, c’est mûres en plein champ en avril que l’on peut
bien parce que des paysans cultivent des trouver des œufs toute l’année, que de nomplantes et élèvent des anibreux fruits et légumes peuConcevoir un jeu
maux. La base de notre alivent se conserver l’hiver de
de piste dans la ferme façon simple... Ces expémentation ce sont les produits de la terre même s’ils
riences, sous forme de jeux,
pour retrouver les
sont parfois transformés de
ingrédients nécessaires illustrent les notions de
façon importante.
de saison, de conserà la confection du repas temps,
Tout être humain éprouve le
vation et de transformation
besoin de comprendre le monde dans lequel des produits.
il vit. A la ferme, on peut constater le lien à On finit la journée par une dégustation de
la nature, les interactions entre les différents confitures variées préparées à la ferme. Les
êtres vivants et leur milieu, leur interdépen- enfants sont sollicités pour essayer de troudance. Ce besoin éducatif nous parait de ver avec quels fruits elles sont faites, voire
plus en plus fort, alors que de nombreux tenter de retrouver l’arbre correspondant au
enfants sont totalement déconnectés du fruit dans le verger.
vivant, du milieu naturel, de la campagne. Les enfants seront les adultes de demain et
Des enfants de maternelle accueillis, décou- si l’on veut qu’une prise de conscience se
vrent qu’on fait des frites avec des pommes fasse quant à la nécessité de consommer
de terre, que les cerises ne sont pas mûres autrement pour garantir la durabilité de la
en avril en limousin !
planète, il faut les éduquer.
Ils vivent entre béton et bitume ; alors
Anne-Marie Cottineau,
quand il s’agit de caresser une poule ou
du réseau Idées fermes
traire la chèvre, c’est soit la joie extrême,
soit l’appréhension devant l’inconnu.
«
«
Dossier
TRANSRURAL Initiatives • 19 JUIN 2007 • IV
LA COMPRÉHENSION NAIT DE L’ACTION
Donner du grain aux poules, c’est comprendre ce qu’elle mange la poule, comment elle picore… Si près des parcs des
volailles on peut observer le champ de blé,
le lien se fait entre le végétal et l’animal.
La chèvre qui broute l’herbe dans le pré avec
la vache permet de parler des herbivores.
Traire la chèvre après avoir vu le petit chevreau qui tête sa mère, c’est constater que
pour que la chèvre ait du lait il faut qu’elle
ait eu un petit… Ensuite on ira mettre la
présure dans le lait. Quelques heures plus
tard on pourra observer le caillé et le faire
égoutter dans une faisselle.
Participer à la vie de la ferme, aux soins aux
animaux, cueillir des fruits ou ramasser des
légumes, faire du beurre après avoir écrémé
le lait de la vache, permet une approche
© Cottineau
Pourquoi les
Diversification économique, reco
de bonnes raisons de se lancer d
Le monde agricole a toujours eu une
tradition d’accueil. Les familles d’agriculteurs ont en effet fait partie des
nombreuses familles d’accueil
d’enfants ou jeunes placés par l’Assistance publique, aujourd’hui appelée
Aide sociale à l’enfance. Il n’était de
plus pas rare autrefois de trouver des
personnes handicapées travaillant sur
une exploitation. Enfin, il est encore
fréquent aujourd’hui qu’un agriculteur reçoive dans sa ferme la classe du
village voisin.
Avec le développement du tourisme
vert et face à un contexte agricole
plus difficile, de nombreux agriculteurs ont ouvert leurs portes à partir
de la fin des années 1980. À la
recherche d’une diversification de
leurs activités ou tout simplement de
contact avec l’extérieur, certains se
sont tournés vers l’agrotourisme,
d’autres, de façon plus spécifique,
vers un accueil éducatif de type ferme
pédagogique.
V• TRANSRURAL Initiatives • 19 JUIN 2007
onnaissance de l’activité agricole, engagement militant dans une éducation populaire, les agriculteurs ont plein
dans l’accueil éducatif.
Communiquer, faire connaître son métier,
sensibiliser le public au monde agricole et
rural, telles sont les motivations des agriculteurs qui font le choix de l’éducatif.
Conscients du déficit de communication
entre le monde agricole et la société, ces
derniers souhaitent être considérés non
pas uniquement comme de simples producteurs de matières premières, mais également comme des acteurs à part entière
de la société, détenteurs d’un savoir-faire et
d’un patrimoine culturel, jardiniers du paysage, aménageurs des espaces ruraux et
périurbains, entrepreneurs d’activités innovantes et surtout acteurs du développement des territoires.
FORMER DES CITOYENS
Souvent très militants, certains mènent
une véritable réflexion sur leur rôle de
médiateur/éducateur. L’idée n’est pas simplement de «promouvoir» l’agriculture,
mais aussi de former des citoyens et futurs
citoyens, responsables de leurs choix et de
leurs actes (respect du vivant et des
hommes, choix de consommation, choix
politiques, etc.). Avec l’expérience et la
professionnalisation de ce secteur d’activité, certains agriculteurs sont devenus de
véritables éducateurs à l’environnement.
Développant une pédagogie originale du
vivant, ils sont aujourd’hui reconnus par
leurs publics, mais aussi par les autres
acteurs de l’éducation à l’environnement.
S’ils se sont dès le départ ouvert au public
enfant (scolaire, péri et extrascolaire), ils
ont aussi su très rapidement répondre à
de nouveaux publics tels que les adultes
en recherche d’informations, les familles
et les touristes à la recherche d’activités de
loisirs ludiques, mais aussi instructifs, les
publics handicapés ou en difficulté sociale
pour lesquels le contact avec la nature et
le monde vivant a des effets bénéfiques
reconnus.
Plus qu’une ouverture vers l’extérieur et
une reconnaissance, cet accueil est aussi
un échange entre le public et l’agriculteur,
ainsi qu’une source de valorisation et
d’épanouissement personnel. Les multiples questions posées, les réactions suscitées chez le visiteur le réinterrogent
dans ses pratiques et lui permettent de
mieux connaître les besoins du «consommateur» et de la société en général. Ainsi
cette interaction peut être moteur de
changement aussi bien chez l’accueillant
que chez l’accueilli.
Mylène Thou, de la Bergerie nationale
Des partenaires éducatifs progressivement reconnus
Réseau d’éducation à l’environnement, le GRAINE de la région Centre travaille depuis quelques années avec
des agriculteurs.
Faire travailler ensemble les acteurs de
l’environnement, c’est l’un des objectifs
des associations d’éducation à l’environnement GRAINE, Groupements régionaux
d’animation et d’information sur la nature
et l’environnement. Dans cette optique,
l’association présente en région Centre
proposait en 2004 des Rencontres régionales sur le thème «A l’école de la ferme».
Animateurs, enseignants, étudiants, agriculteurs étaient réunis pour partager leurs
expériences, leurs savoir-faire, leurs
réflexions sur les pratiques d’éducation à
l’environnement dans des fermes pédagogiques.
«Nous travaillons avec des agriculteurs bio
par conviction», explique Eric Samson, animateur du GRAINE Centre, «les pratiques
agricoles interpellent les animateurs car
elles ont des répercussions directes sur notre
environnement, notre alimentation et notre
consommation.» Des animations sur les
exploitations agricoles permettaient aux
participants de découvrir la ferme à travers
les cinq sens (de la graine au lait), le cycle
des saisons (de l’épi au pain) ou encore
l’histoire et l’utilisation du Percheron, cheval de trait.
«Mais le lien entre les éducateurs à l’environnement et le monde agricole se met en
place progressivement», précise Eric Samson. D’où les nombreuses questions formu-
lées lors des débats en table ronde. Les
fermes pédagogiques donnent-elles le
reflet réel de l’agriculture ? Pour présenter
l’agriculture à un enfant peut-on commencer par l’agriculture intensive ? Qu’est-ce
qu’une ferme ?
Les agriculteurs ont répondu qu’ils entendaient présenter la réalité de leurs fermes
et faire prendre conscience aux enfants de
ce qu’ils mangent.
Aujourd’hui participants, éducateurs et
agriculteurs ont gardé le lien en créant une
liste de diffusion et d’échange d’informations.
M.-S. R.
Contact : www.grainecentre.org - tel : 02 54 94 62 80.
Dossier
paysans se lancent-ils dans l’accueil ?
Dossier
TRANSRURAL Initiatives • 19 JUIN 2007 • VI
Des agriculteurs pédagogues
Au sein du réseau AKENE, les CIVAM accompagnent la professionnalisation des agriculteurs-accueillants.
Entre 2003 et 2005, les CIVAM du
Massif Central ont accompagné un
groupe de 90 agriculteurs dans la
création d’un réseau d’accueil éducatif
«AKENE». Ces paysans sont engagés
dans une activité d’accueil en prolongement de leur activité de production
agricole. Le réseau AKENE les définit
comme des hommes et des femmes,
«conscients des enjeux sociaux et environnementaux, acteurs de leurs territoires ruraux, formés à
l’accueil et à la pédagogie, qui proposent à tout
public un accueil préparé
et réfléchi en fonction de
la demande».
Le travail d’accompagnement proposé à ces porteurs de projets repose
sur des formations adressées à la fois
aux agriculteurs adhérents des
groupes CIVAM et aux animateurs des
réseaux. Les CIVAM ont largement
réfléchi à l’idée de professionnalisation de leurs agriculteurs. Les
accueillants restent agriculteurs et
ruraux avant tout. Ils ne se substituent
ni aux enseignants dans le cadre de
l’accueil éducatif, ni aux éducateurs
dans le cadre de l’accueil social. Ils
sont leurs partenaires. La professionnalisation est avant tout l’élargissement des compétences de façon à
mieux répondre aux besoins des
accueillis. Le réseau CIVAM a ainsi mis
en place une formation initiale leur
permettant de construire une véritable démarche pédagogique autour
des attentes de l’enfant, de l’adaptation aux programmes scolaires et en
partenariat avec l’enseignant.
DIAGNOSTIC D’EXPLOITATION
Un premier volet s’attache à la découverte de l’enfant afin d’aider l’agriculteur à connaître les attentes et les
réactions de ce dernier. Les
ressources de l’exploitation
agricole sont explorées au
regard des centres d’intérêt
de l’enfant. La formation
aide l’agriculteur à concevoir l’accueil pédagogique
sur son exploitation. Diagnostic d’exploitation et
projet pédagogique sont réalisés par
chacun des stagiaires. Les méthodes
d’animation d’une visite pédagogique
permettant également à l’accueillant
d’organiser sa visite autour d’activités
de groupes, de jeux.
Enfin, pour permettre un partenariat
avec les enseignants, les agriculteurs
sont outillés sur le contexte scolaire
(contraintes logistiques, conditions
d’accueil, …) et sur les programmes
d’enseignement.
Une fois que l’accueillant a construit
son projet pédagogique, il éprouve
souvent le besoin d’approfondir certaines thématiques. Des formations
Un projet
pédagogique
est réalisé
par chaque
agriculteur
«Les larges épaules de l’école»
L’éducation à l’environnement et à l’alimentation pratiquée sur les fermes
relève, dans les programmes scolaires, à la fois de l’éducation au développement durable et de l’éducation à la santé. Mme Barand, inspectrice académique de Limoges, souligne l’enjeu de croiser ces deux champs : «Concernant le développement durable, ce sont les notions de biodiversité, de gestion
des paysages, de comportements individuels et collectifs à adopter pour préserver l’environnement qu’il faut investir. L’éducation à la nutrition et au
goût relève plus de la santé». Ce dernier point est un enjeu pédagogique
majeur face au problème d’obésité chez les jeunes. Mais, «il ne faut pas
croire que les enfants peuvent assumer seuls ces responsabilités», pointe Mme
Barand, «Il faut d’abord former les personnels concernés avant d’aller vers les
enfants». Au delà, l’éducation à l’environnement ne peut reposer que sur
«les seules larges épaules de l’école», remarque l’intéressée.
L’accueil
éducatif,
une activité
à part entière
Avec le nombre croissant
d’exploitations
agricoles
s’ouvrant au public est apparue la
nécessité pour les agriculteurs
accueillants de se professionnaliser, et en particulier de se former
à l’accueil éducatif. Mais savoir
accueillir n’est pas tout. Il faut
aussi donner envie au public de
venir chez soi. Et au-delà, savoir
gérer son activité, démarcher des
partenaires, développer des activités adaptées à la demande, et
savoir aussi innover. Cela est
d’autant plus important dans le
cas d’une diversification où l’on
souhaite faire de l’accueil une
véritable activité complémentaire
au revenu agricole.
Ainsi l’agriculteur, qui veut se
professionnaliser, devra présenter
une triple compétence et cumuler
trois fonctions différentes : celles
de producteur, d’animateur, mais
aussi de gestionnaire d’activités.
M. T.
complémentaires sont proposées,
autour de thèmes non exhaustifs, en
lien avec les demandes des groupes.
La formation des animateurs de
réseaux porte, quant à elle, surtout
sur des compétences générales en
accompagnement collectif (concevoir
une charte, communiquer, connaître
les partenaires de l’éducation à l’environnement...), et individuel (réaliser
un diagnostic pédagogique, monter
un projet pédagogique...).
Quel que soit le public, la formation
utilisée est une pédagogie active. Elle
est le plus possible organisée sur les
lieux d’accueil. Elle fait intervenir les
partenaires de l’éducation à l’environnement - le CPIE1 du Velay en particulier - et de l’Éducation nationale.
Source : "Se
former pour
mieux
accueillir",
Hélène Rouffaud, FRCIVAM
Midi-Pyrénées
1- Centre permanent d'initiatives pour
Corinne Mellet-Esnouf, l'environneanimatrice FRCIVAM Limousin ment
VII• TRANSRURAL Initiatives • 19 JUIN 2007
L’éducation à l’environnement se place en droite ligne des innovations pédagogiques nées dans les années 1970.
Démonstration au Centre d’expérimentation pédagogique de Florac.
Le Centre d’expérimentation pédagogique (CEP) de Florac1 a été créé en
1970 pour promouvoir, au sein de
l’enseignement agricole, une approche
éducative innovante désignée sous
l’appellation «étude du milieu2». Les
finalités pédagogiques étaient de relier
l’apprentissage à la réalité du territoire,
d’appréhender la complexité au travers
d’une démarche nécessairement interdisciplinaire, de redonner du sens aux
disciplines et de positionner l’apprenant dans une dynamique de projet.
En cherchant à prendre en compte un
développement global de l’individu,
l’étude de milieu avait aussi
l’ambition de permettre de
remotiver des élèves en difficulté qui, exclus de l’éducation
générale, tentaient leur chance dans
l’enseignement agricole. En s’opposant
à certaines approches éducatives dominantes (pédagogie déductive, cloisonnement disciplinaire, sur-valorisation
du savoir, positionnement d’expert de
l’enseignant, ainsi que toute pédagogie
privilégiant l’individualisme et la compétition) et en valorisant le milieu
comme support à de nouvelles pratiques (lecture de paysage, activités de
pleine nature, etc.), l’équipe du CEP
prit rapidement conscience du lien
intime existant entre développement de
la personne et la préservation de l’environnement. Car, «ayant une formation
plus équilibrée et une meilleure
connaissance du monde extérieur, il
(l’apprenant) lui sera alors possible de
prendre des décisions qui tiennent
compte de l’extrême inter-dépendance
de l’homme et de son milieu.3 »
ses approches éducationnelles: certains
sont relatifs au développement de la
personne (citoyenneté, responsabilisation, plaisir, coopération, créativité) ;
d’autres relèvent des approches systémiques et de la complexité, les autres
de l’éducation (pédagogie de projet,
apprendre à apprendre, éco-formation).
Depuis le sommet de Rio (1992), avec
la naissance du concept de développement durable, le monde de l’éducation
s’interroge sur la notion d’éducation au
développement durable ; l’enseignement agricole s’y penche notamment au
travers d’un programme ambitieux sur
la mise en œuvre du développement durable dans les lycées
agricoles (le Programme national
agriculture durable et développement durable). Le CEP réinterroge
donc ses activités. Qu’y a-t-il de nouveau par rapport à l’éducation à l’environnement, l’éducation à la paix, l’éducation à la citoyenneté, etc.? D’ailleurs,
est-il possible éthiquement de poser le
développement durable comme fondement éducationnel, puisque ce terme
nous amène à des absurdités telles que
la «croissance durable», les «autoroutes
durables»… ?
Les préoccupations du développement
durable demandent qu’on réinterroge
globalement l’éducation pour simplement rendre le développement
durable possible. Aujourd’hui, plus
que jamais, devant la situation socioécologique planétaire, il apparaît nécessaire de mettre le développement de la
personne au centre des préoccupations
éducatives. Pourquoi ?
Bien que nous admettions généralement que l’homme est à l’origine de la
crise environnementale, nous continuons de chercher des solutions techniques, scientifiques, rationnelles à nos
problèmes. Albert Einstein disait que
nous ne résoudrons pas un problème
avec la même logique que celle qui a
créé le problème. Alors, il est peut-être
temps de changer de logique!
Doute
moteur
DE L’ENVIRONNEMENT
AU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Le CEP s’interroge aujourd’hui aussi
bien sur le développement des territoires, la préservation de l’environnement ou les développements professionnel et personnel de l’individu. Il
mobilise divers concepts et valeurs dans
L’éducation au développement durable
n’est donc pas seulement l’acquisition
de nouveaux savoirs ; elle vise plus à
avoir une approche critique du savoir,
à le positionner dans une approche
épistémologique, à développer des
capacités d’apprendre tout au long de
la vie, et de prendre position avec un
«doute moteur».
Le développement de cette motivation,
de cette volonté d’évoluer, de ce plaisir d’être toujours un être en devenir,
dans une position de recherche permanente, nécessite la mise en œuvre de
nouvelles pratiques pédagogiques,
auxquelles le CEP réfléchit à l’heure
actuelle : l’auto-formation, l’hétéro-formation et l’éco-formation qui s’inscrivaient déjà dans l’étude de milieu, sont
actuellement revisitées.
Christophe Probst et Michel Vidal,
formateurs au CEP de Florac,
extrait de Territoires n°466, mars 2006.
1. www.cep.educagri.fr
2. «Circulaire du
17 mai 1973.
Objet : pédagogie fondée sur
l’étude du
milieu», dans Le
projet d’établissement du CEP,
septembre 2004,
ministère de
l’Agriculture.
3. Plaquette de
présentation du
CEP, 1974.
Parades
aux idées reçues
L’association de développement agricole Parades
du Finistère, membre du réseau CIVAM, intervient
dans les lycées agricoles. La demande vient des
enseignants, à la recherche d’appuis pédagogiques
sur le développement durable, appliqué notamment à l’agriculture. La présentation d’outils opérationnels comme le diagnostic de durabilité complète une présentation plus théorique. «Dans les
lycées agricoles, plus de la moitié des élèves ne sont
pas issus du milieu agricole. Le débat s’organise souvent entre ce public et les fils d’agriculteurs,
témoigne Jean-Pierre Quéré, animateur de l’association. Les premiers sont souvent plus ouverts, plus
tolérants à ces questions». Aux interventions dans
les établissements sont associées des visites sur des
exploitations. Thierry, éleveur de moutons,
remarque que si l’apprentissage des gestes techniques passe bien chez les lycéens, le volet théorique proposé aux filières de BTS est reçu avec
beaucoup plus de scepticisme : «On passe vraiment
pour des pervertisseurs de systèmes. Mais je suis optimiste car la mixité grandissante du public de ces
formations facilite la prise de conscience des étudiants».
PARADES - Paysans autonomes vers une agriculture durable et solidaire - Email : [email protected] - place de Ruthin - 29510 Briec
Dossier
D’une critique de la pédagogie
à l’éducation à l’environnement
Dossier
TRANSRURAL Initiatives • 19 JUIN 2007 • VIII
Entre four, fourche et fourchette
L'Ifree propose des stages sur l'alimentation afin que les personnels concernés par la restauration collective
s'interrogent sur les choix alimentaires, prennent conscience de leurs incidences, repèrent des pistes
alternatives.
Depuis 4 ans, l’Institut de formation et de
recherche en éducation à l’environnement (Ifrée)1 et le Jardin d’Aventures proposent des stages courts sur l’alimentation. Organisée dans le cadre d’un partenariat avec le Rectorat de Poitiers, la
Direction régionale de l’agriculture, le
CNFPT 2 et l’AFIPaR 3 , cette formation
s’adressent à des stagiaires d’horizons
divers. On compte des intendants, cuisiniers en restauration collective, animateurs de collectivités territoriales et
d’associations, parents d’élèves, professeurs, infirmières scolaires, assistantes
sociales, etc. Les stages sont conçus et
animés par différents acteurs, animateursrelais formés par l’Ifrée.
Pourquoi proposer un stage d’éducation à
l’alimentation ? Globalement pour améliorer la cohérence des choix individuels et
collectifs, en prenant en compte les
logiques socio-culturelles, les influences
économiques et les incidences environnementales. En tant qu’animateur-formateur, notre rôle n’est pas de donner LA
pseudo-solution, mais de susciter les
questionnements, élargir le champ de
vision, souligner les enjeux et les initiatives prometteuses.
LE BONHEUR EST DANS LE PRIX ?
Par exemple, en 2003-2004, une étude
révéla que seulement 5 % des produits
agro-alimentaires issus du Poitou-Charentes étaient consommés en restauration
collective dans la région. Les stagiaires peuvent alors plancher sur les étapes à mettre
en œuvre pour organiser des filières plus
locales: repérage des agriculteurs, transformateurs, transporteurs ; élaboration
conjointe de cahiers des charges, etc.
Certains disent que «le bonheur est dans
le prix». Mais avec quels coûts sociaux et
environnementaux ? Acheter, est-ce être
complice de telle politique ou encourager
telle autre ? Pourquoi la production française de tomates a-t-elle chuté au cours de
ces dernières années ? L’observation des
prix d’achat au producteur local, à l’horticulteur d’Andalousie, au grossiste, au
supermarché permet aux stagiaires de
mieux comprendre...
Soyons vigilants en parlant des difficultés
sans tomber dans la sinistrose. Des
démarches, modestes ou majeures, doivent être signalées aux stagiaires. L’approvisionnement des cantines par le CIVAM
du Gard, les repas «bio» dans les restaurants universitaires de Lorient, les contrats
passés avec les agriculteurs du bassin versant de Munich pour maintenir la potabilité de l’eau et assurer l’approvisionnement des cuisines alentours sont autant
d’initiatives que le formateur doit valoriser.
AVOIR LES YEUX BANDÉS POUR MIEUX
LES OUVRIR
Inspiré par un restaurant parisien
accueillant des clients dans le noir, un
repas à l’aveugle est organisé à chaque
stage. Les stagiaires découvrent ainsi
toutes les dimensions sensorielles des aliments. Ce repas particulier a un autre
intérêt : savons-nous ce qu’il y a dans
notre assiette ? Dans quelles
conditions ont été produits,
transformés, préparés les aliments ? Que deviennent les
6000 tonnes d’antibiotiques
utilisés annuellement en
Europe pour l’élevage ? Où
se dispersent les 70 à
100 000 tonnes de produits phytosanitaires épandus en France chaque année ?
Comment réagit notre corps à l’ingestion
moyenne, par an, de 2,8 kilos de produits
de synthèse ?
Au fil des stages, j’ai constaté que des
intendants et cuisiniers ont perdu la
notion de saisonnalité des productions.
La visite chez des agriculteurs leur permet
de «remettre les pieds sur terre». Ils
savent quel budget est consacré à l’achat
des ingrédients mais méconnaissent souvent la quantité jetée après le repas. Nous
proposons alors d’autres manières de calculer. 30 % de déchets (moyenne nationale en restauration hors domicile) sur
2 € par repas, c’est 0,60 € de perdu. Des
grammages un peu moindres, avec des
produits de qualité un peu plus chers,
reviennent au même prix. Et quand le plat
est bien présenté, seulement 5 à 10 %
vont à la poubelle. Il est possible de
mesurer cela pendant les repas du stage
et de proposer aux participants à faire de
même dans leur structure en y associant
leurs collègues.
Les rencontres entre professionnels de la
restauration collective et des producteurs
sont assez rares. Elles permettent pourtant à chacun de présenter son métier, ses
motivations et ses contraintes. Voire de
repérer ce qui peut être fait ensemble.
Pour visualiser la diversité des formes productives agricoles, nous essayons
d’emmener les stagiaires dans trois types
d’exploitations : intensive, en «agriculture
raisonnée» et en agriculture biologique. Il
ne s’agit pas de montrer du doigt tel ou
tel, mais d’amener les stagiaires à comprendre pourquoi chaque agriculteur s’est
orienté vers telle formule, de voir ce qui
entre et sort d’une ferme. Ces visites
nourrissent aussi les réflexions sur les corrélations entre la considération de l’environnement, la production
agricole, l’aliment. Elles
interrogent sur la viabilité
économique, les conditions
de travail, la marge de
liberté ou de dépendance de
l’agriculteur.
Plus qu’une connaissance de
l’autre, la reconnaissance de ce qu’est et
fait l’autre nous semble importante. C’est
par l’écoute, l’échange de points de vue et
d’idées entre l’ensemble des acteurs que
peuvent se bâtir des filières agro-alimentaires plus locales, équitables et transparentes.
30 % de déchets
sur 2€ par repas,
c’est 0,60€
de perdu !
Benoît Laurent, Au Jardin d’Aventures
1- www.ifree.asso.fr.
2- Centre national de la fonction publique territoriale.
3- Association de formation et d’information des paysans
et ruraux en Poitou-Charentes.
Ce dossier est téléchargeable sur notre site :
www.transrural-initiatives.org
TRANSRURAL Initiatives
www.ruralinfos.org
Mail : [email protected]
2, rue Paul Escudier - 75009 Paris
Tel : 01 48 74 52 88