L`utilisation de l`altitude pour l`entraînement des

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L`utilisation de l`altitude pour l`entraînement des
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L’utilisation de l’altitude pour l’entraînement des sportifs en
endurance : réalités et hypothèses
Pr. Jean-Paul Richalet
Université Paris 13, U.F.R. Médecine , Laboratoire « Réponses cellulaires et
fonctionnelles à l’hypoxie » 74 rue Marcel Cachin, 93017 Bobigny ; email:
[email protected]
Ré s um é
˙ O max).
L’exposition à l’altitude induit une baisse de la consommation maximale d’O2 ( V
2
En revanche, la performance anaérobie est bien préservée dans cette condition. Parmi les
mécanismes d’acclimatation à l’altitude, la stimulation de l’érythropoïèse permet
d’augmenter la capacité de transport de l’O2 dans le sang. Cet état peut subsister quelque
temps après un séjour en altitude et est susceptible d’améliorer temporairement
˙ O2max
V
lors du retour en plaine. Toutefois, la plupart des études contrôlées n’ont pas encore
démontré l’efficacité de ce procédé. Ceci peut venir du fait que l’intensité de l’entraînement
doit être diminuée en altitude, du fait de la baisse de
˙ O max. D’autre part, tous les
V
2
athlètes ne tolèrent pas bien ce type de préparation physique. Récemment, une alternative
intéressante à été proposée, consistant à vivre en altitude et s’entraîner en plaine. Plusieurs
études ont montré que ce procédé, supérieur à l’entraînement continu en altitude, permet
d’améliorer
˙ O max ainsi que la performance dans les disciplines aérobies. D’autres
V
2
méthodes, combinant plusieurs types d’exposition à l’hypoxie sont en cours d’évaluation.
S um ma ry
˙ O max).
Exposure to altitude induces a decrease in maximal oxygen consumption ( V
2
Conversely, anaerobic performance is not altered in this condition. Among the mechanisms of
acclimatization to altitude hypoxia, the stimulation of erythropoiesis allows an increase in the
oxygen transport capacity of the blood. This condition may persist after a stay at moderate
altitude and is liable to temporarily increase
˙ O2max on the return to sea-level. However,
V
most controlled studies failed to confirm this hypothesis. This may come from the fact that
the intensity of training must be reduced at altitude, because of reduced
˙ O2max.
V
Moreover, all athletes do not equally tolerate this type of physical training. Recently, an
interesting alternative has been proposed, i.e. living at high altitude and training at low
altitude. Several studies showed that this method, more efficient than a continuous training
at high altitude, allows an increase in
˙ O max, as well as in performance in aerobic activities.
V
2
Other training methods, combining different types of exposure to hypoxia are currently being
tested.
2
L’intérêt pour les problèmes de performance et d’entraînement en altitude est né à
l’époque des Jeux Olympiques de Mexico en 1968. Depuis, les recherches se sont
développées dans de nombreuses directions. Deux aspects bien distincts sont à prendre en
compte:
1) l’entraînement en altitude peut-il améliorer la performance lors d’une compétition
réalisée au niveau de la mer ?
2) quel type d’entraînement faut-il réaliser pour optimiser la performance au cours
d’une compétition se déroulant en altitude ?
Nous aborderons ces deux aspects, bien distincts sur le plan pratique mais reposant sur les
mêmes bases physiologiques. Dans un premier temps, nous rappellerons succinctement les
effets physiologiques et pathologiques de l’altitude sur l’organisme humain [18, 20].
Réactions physiologiques de l’organi sme à l’hypoxie d’altitude
Réponse ventilatoire
La ventilation augmente immédiatement par stimulation des chémorécepteurs
périphériques, puis progressivement par acclimatation ventilatoire.
Il s’ensuit une hypocapnie et un état d’alcalose respiratoire progressivement compensé
(partiellement) par le rein.
Réponse cardiaque
L’activité adrénergique augmente de façon permanente; il en résulte une augmentation de
la fréquence cardiaque [18; 20]. La fréquence cardiaque (Fc) varie en deux temps: en aigu,
Fc repos et sous maximale augmentent, Fc max ne varie pas ; après quelques jours, Fc repos
et sous maximale reviennent vers leurs valeurs de normoxie, Fc max diminue (ex: -5 b/min à
1900m). Cette baisse de Fcmax est due à une désensibilisation des récepteurs betaadrénergiques. La baisse de Fc max peut supprimer l’effet bénéfique de l’augmentation de
[Hb], expliquant que la
O2max n’augmente pas avec l’acclimatation.
Les variations de débit cardiaque suivent celles de la fréquence cardiaque.
Réponse hématologique: capacité de transport de l’oxygène
L’érythropoïèse est stimulée par augmentation de la sécrétion d’érythropoïétine (EPO)
dans le tubule proximal rénal. L’évolution de la concentration d’EPO lors d’un séjour en
altitude est biphasique (Fig. 1) : augmentation initiale rapide, puis décroissance progressive
pour atteindre des valeurs proches de la normale.
L’augmentation de EPO est fonction de l’altitude: + 30 à 40% dans les premières heures à
2000 m, + 300% à 4500 m [2].
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La capacité de transport de l’O2 par le sang augmente au cours de l’acclimatation: dans un
premier temps (1 ou 2 jours), la concentration en hémoglobine ([Hb]) augmente du fait
d’une diminution du volume plasmatique ; ensuite, l’élévation de [Hb] reflète une polyglobulie
varie, dont l’intensité dépend de l’altitude et de la durée du séjour (+1% par semaine à 2500
m, jusqu’à 12% après 12 semaines à cette altitude).
Une exposition à une altitude supérieure à 1600-1800 m est nécessaire pour stimuler
l’érythropoïèse. Il est important de souligner que, lors d’une exposition à l’hypoxie, le nombre
de globules rouges (ou la masse globulaire) augmente progressivement, en dépit d’un retour
de la concentration d’EPO à des valeurs proches de la normale (Fig. 1).
Réponse musculaire
Le pouvoir tampon du muscle augmente. Il n’y a pas de réelle augmentation de la
capillarisation, mais une diminution de la masse musculaire ; le nombre de capillaire
/fibre est inchangé.
En aigu, la glycolyse anaérobie est sollicitée ; en chronique, la lactatémie maximale est
diminuée (paradoxe du lactate).
Effet de l’altitude sur les différente s composantes de la
performance
Performance aérobie
La baisse de la performance aérobie en fonction de l'altitude est un phénomène bien
˙ O max) diminue dès 600 m pour les
documenté. La consommation maximale d'oxygène ( V
2
sportifs entraînés, de 10% à 2000 m, 30% à 5000 m, 70% à 8000 m et des trois quarts au
sommet de l'Everest (8848 m). Différentes étapes du transport de l’O2 entre l’air inspiré et
les muscles actifs deviennent des facteurs limitants en altitude et rendent compte de la
diminution de
˙ O max.
V
2
L'exposition à une altitude modeste est également susceptible de limiter la performance
aérobie, même si les variations n'atteignent que quelques pour-cents. Une baisse significative
de
˙ O max est ainsi mise en évidence dès 600 m d'altitude chez des sujets très entraînés
V
2
[10], alors que celle-ci survient au delà de 1200 m chez des sujets sédentaires (Fig. 2)
[27]. Cette limitation précoce de la puissance maximale aérobie en altitude chez l'athlète est
vraisemblablement liée à une désaturation artérielle en O2 à l'exercice maximal, qui existe
déjà au niveau de la mer, et qui est exagérée, même à faible altitude. La SaO2 diminue à
l’exercice en altitude, d’autant plus que l’altitude est élevée, d’autant plus que l’exercice est
intense. Le mécanisme en est un transfert incomplet d’oxygène au niveau alvéolo-capillaire
pulmonaire. Une réponse ventilatoire inadéquate, ainsi qu'un subœdème interstitiel pourraient
en être responsables [13, 10]. Cette désaturation en O2 à l’exercice atteint un niveau
4
maximal en hypoxie aiguë. Après quelques jours d’acclimatation à l’altitude, ce phénomène
est moins marqué, en raison de l’acclimatation ventilatoire.
Pourtant, malgré ces effets bénéfiques de l’acclimatation, il est important de rappeler que
la performance aérobie, qui est limitée dès l’arrivée en altitude, reste abaissée, même au
terme d’une période d’acclimatation. Seul un séjour en altitude de très longue durée
(plusieurs mois) serait susceptible de rétablir en partie
˙ O max [16]. Quoi qu’il en soit,
V
2
˙ O max n’augmente apparemment pas entre le début et la fin d’un stage d’entraînement en
V
2
moyenne altitude d’une durée inférieure ou égale à un mois.
Dès que l’athlète est exposé à l’altitude du lieu du stage, généralement supérieure à 2000
m, ses possibilités aérobies sont systématiquement limitées. Il est dès lors très important de
tenir compte de cette contrainte dans la planification de l’entraînement.
Parmi les facteurs permettant d’expliquer l’absence d’augmentation de
˙ O max au cours
V
2
de l’acclimatation, la baisse de Fcmax pourrait jouer un rôle non négligeable. Ce phénomène,
bien décrit en haute altitude, peut être considéré comme un mécanisme de protection du
myocarde, face à une diminution de la disponibilité en O2 [18]. En contrepartie, la limitation
de Fcmax en altitude retentit sur le débit cardiaque maximal et la performance aérobie. Bien
que ce phénomène soit limité à moyenne altitude, des données récentes indiquent que Fcmax
peut diminuer de 5 b/min entre le niveau de la mer et le 8ème jour à 1900 m [25]. La baisse
de Fcmax pourrait donc interférer avec l’amélioration de la performance aérobie au cours de
l’acclimatation, même dans le cas d’un stage d’entraînement en moyenne altitude.
Les différentes méthodes d’entraînement en altitude .
Les différentes techniques utilisant l’hypoxie ou l’altitude pour l’entraînement sont indiquées
sur le tableau 1.
L’e nt raî n em e nt e n alt itu de p o ur l a c o mp éti tio n au nive a u de la m er.
Objectif théorique de l’entraînement en altitude: améliorer le transport d'oxygène vers le
muscle.
La question cruciale est de savoir si les réponses adaptatives induites par l'entraînement
physique sont susceptibles d'être amplifiées lorsqu'un stimulus hypoxique est surajouté. En
d'autres termes, est-il possible, pour un athlète de haut niveau, chez qui les performances
atteignent un plateau malgré une charge d'entraînement très élevée, d'augmenter encore ses
capacités physiques suite à un entraînement en altitude?
A l'heure actuelle, il n'existe pas de réponse définitive à cette question, malgré les
nombreux travaux disponibles qui ne sont pas, la plupart du temps, réalisés avec un groupe
contrôle. L'absence de consensus est essentiellement liée à la complexité du problème.
D'une part, il est très difficile d'avoir à disposition, sur une période de temps longue, un
5
groupe d'athlètes de haut niveau. Pourtant, l'entraînement en altitude s'adresse en premier
lieu à ce type de population. D’autre part, la notion de performance physique regroupe
plusieurs facteurs, le métabolisme anaérobie, le métabolisme aérobie, le rendement et les
aspects psychologiques. La contribution respective de chacun de ces facteurs varie bien
entendu selon le sport considéré. L'utilisation de l'entraînement en altitude, pour une
discipline sportive donnée, ne peut donc être efficace qu'en connaissant l'impact de cette
méthode de préparation sur ces différents facteurs.
Quels seraient les points d'impact sur l’organisme d’une exposition à l’altitude?
Augmenter la ventilation, par la stimulation des chémorécepteurs, améliorer la
chémosensibilité avec l'acclimatation.
Augmenter le débit cardiaque par une stimulation adrénergique accrue: cela est vrai en
hypoxie aiguë, mais lors d’une exposition prolongée, il y a une désensibilisation des
récepteurs adrénergiques.
Augmenter la capacité de transport de l'oxygène dans le sang par une érythropoïèse et
donc une masse globulaire accrue.
Augmenter la capillarisation musculaire pour diminuer la distance de diffusion: ce
mécanisme n’a pas été démontré chez l'homme, et l’augmentation de viscosité est
délétère.
Améliorer le rendement énergétique musculaire: ce n’est pas démontré chez l'homme.
Effet sur la consommation maximale d’O2
L’effet positif de l’entraînement en altitude sur la performance aérobie au retour au niveau
de la mer n’est toujours pas prouvé de façon certaine. A la suite des Jeux Olympiques de
Mexico (2400 m), en 1968, plusieurs études ont mis en évidence une amélioration
substantielle de
˙ O max consécutivement à un stage en altitude. Toutefois, la
V
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méthodologie utilisée dans la plupart de ces travaux ne permet pas de tester efficacement
l’hypothèse [4, 3, 8]. En particulier, le fait d’utiliser des sujets dont le niveau d’entraînement
n’atteint pas réellement un plateau (comme ceci est le cas pour les athlètes de haut niveau)
peut aboutir à des conclusions erronées. Dans cette situation, une amélioration de la
performance peut simplement être due au stimulus entraînement, alors que l’hypoxie joue un
rôle négligeable. D’autre part, certaines études n’ont pas inclus un groupe contrôle de même
condition physique s’entraînant de la même façon, en même temps, au niveau de la mer.
˙ O max), plusieurs études
Si le paramètre étudié est le transport maximal de l’O2 ( V
2
récentes, portant sur des sujets très bien entraînés, montrent que cette variable n’augmente
pas de façon significative après un stage continu de plusieurs semaines en moyenne altitude
[15, 11, 25].
A l’opposé, certaines données, également récentes et obtenues avec une méthodologie
adéquate, indiquent que l’entraînement en altitude peut améliorer légèrement
˙ O2max [5,
V
6
14]. Dans un cas, l’amélioration de
˙ O2max ne survient que 15 jours après la fin d’un stage
V
de deux semaines à 2315 m [5]; dans l’autre cas, celle-ci se produit dès la première semaine
après une stage de quatre semaines à 2500 m [14]. Toutefois, ces études concernent des
˙ O2max = 60 à 65 ml/min/kg), mais ne possédant pas
sportifs initialement bien entraînés ( V
les caractéristiques aérobies des athlètes de haut niveau. Il est par conséquent difficile
d’extrapoler ces résultats.
Même si
˙ O2max représente incontestablement le meilleur indice des possibilités du
V
système aérobie, il est important de souligner l’importance de la fraction d’utilisation de
˙ O2max pour la réalisation d’une bonne performance aérobie [28]. L’effet de l’entraînement
V
en altitude sur cette variable n’est pas net, dans la mesure où, ni la performance sur 5000
m, ni la consommation d’O2 à l’état stable maximal (seuil ventilatoire) ne sont améliorées
après un stage continu en altitude (tableau 1) [14].
Par ailleurs, il est possible que l’entraînement en altitude ait un effet bénéfique sur
l’endurance. En particulier, le fait que la concentration sanguine de lactate lors d’un exercice
sous-maximal soit abaissée après un stage en altitude pourrait indiquer une meilleure
endurance [11].
Arguments en faveur d’une amélioration du transport de l’O2.
L’hypothèse d’une augmentation de
˙ O max, consécutive à un stage d’entraînement en
V
2
altitude, repose principalement sur le fait que ce type de préparation est susceptible
d’améliorer la capacité de transport de l’O2 du sang, c’est-à-dire augmenter [Hb]. Des
données récentes montrent effectivement que l’amélioration de
˙ O max post-altitude
V
2
semble dépendre, dans une certaine mesure, de l’augmentation du volume de globules
rouges [14].
Toutefois, même si la plupart des études indiquent une augmentation de [Hb] au cours
d’un stage en altitude, dans bien des cas,
˙ O max n’est pas pour autant amélioré lors du
V
2
retour au niveau de la mer. La relation entre ces deux paramètres n’est donc pas évidente.
Cette discordance pourrait être liée au fait que l’augmentation de [Hb] ne persiste pas
toujours après une exposition à l’altitude. En effet, une diminution de [Hb] [25], ou même un
retour de [Hb] à la valeur normale, peut survenir dès les premiers jours après le retour au
niveau de la mer. Ce phénomène est apparemment dû à une rapide expansion du volume
plasmatique, qui contrebalancerait donc l’augmentation de la capacité de transport de l’O2
induite par l’altitude. Même si ce processus est associé à une augmentation du volume
sanguin, susceptible d’améliorer le débit cardiaque, le retentissement bénéfique sur
˙ O2max
V
n’est pas pour autant prouvé.
Enfin, des études ont examiné les adaptations musculaires induites par l’altitude. Dans
certains cas, il semble que le fonctionnement des enzymes du métabolisme aérobie, la
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capacité mitochondriale, ou encore la capillarisation des fibres musculaires, s’améliore en
moyenne altitude [12, 26].
Au total, il n’existe pas à l’heure actuelle d’arguments clairs en faveur d’une augmentation
systématique du transport de l’O2 à l’issue d’un stage en altitude. Néanmoins, il est
important de souligner que les réponses à l’altitude varient considérablement, d’un athlète à
l’autre. Il est donc possible que, pour un individu, ce type de préparation aboutisse à des
ajustements optimaux de [Hb] et du volume sanguin dans la période post-stage, de sorte
que la performance aérobie soit transitoirement améliorée. Au contraire, chez un autre
athlète, l’adaptation hématologique et volémique ne sera pas compatible avec une
amélioration de
˙ O max.
V
2
L’entraînement en altitude serait donc bénéfique chez certains sportifs, alors qu’il serait
inefficace, voire préjudiciable chez d’autres. Le problème reste de déterminer quels seraient
les “bons répondeurs“, sachant qu’il n’existe pas d’indicateurs prédictifs fiables. Cependant, il
a été récemment proposé que la réponse individuelle de l’EPO à l’hypoxie (après 30 heures à
2500m) déterminerait le bénéfice potentiel qu’un sujet peut retirer d’un séjour en altitude
[6].
Effets sur la performance anaérobie
Bien que cet aspect du problème soit relativement peu documenté, il semble que
l’entraînement en altitude puisse retentir de façon bénéfique sur la capacité anaérobie. En
particulier, plusieurs études indiquent une augmentation du pouvoir tampon du muscle [15,
23], pouvant être associée à une amélioration des performances lors d’un exercice bref et
intense. Des investigations supplémentaires sur ce sujet pourraient donc confirmer l’intérêt
de l’entraînement en altitude pour certaines disciplines sportives, dans lesquelles la capacité
anaérobie joue un rôle primordial.
Aspects négatifs d'un séjour en altitude
Dans la période initiale, on peut noter des signes d’intolérance à l’altitude: le Mal aigu des
Montagnes (MAM), dont les signes principaux sont: céphalées, anorexie, fatigue anormale,
insomnie, diminution de la diurèse.
Cette symptomatologie peut interférer avec la performance dans les premiers jours
d’exposition à l’altitude. Par ailleurs, l’intensité du MAM dépend d’une grande susceptibilité
individuelle évaluable par un test à l’hypoxie, indépendante du niveau d’entraînement
physique (voir plus loin). Au cours du séjour, certains effets négatifs initiaux persistent: la
baisse de la
˙ O2max n’est jamais totalement compensée: le sportif ne retrouve jamais son
V
niveau de performance du niveau de la mer, hormis un effet propre de l’entraînement. Il
s’ensuit une baisse du volume d'entraînement ou un surentraînement.
Le retentissement psychologique de ces altérations du rythme habituel d’entraînement
peut être important.
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Au total, l’hypothèse de départ est que l’altitude augmente la capacité de transport
de l’oxygène dans le sang en stimulant l’érythropoïèse, donc l’altitude augmente la
performance aérobie. Il semble que les observations soient très contradictoires: en
moyenne, il n’y a pas d’effet net. Cependant, dans certains cas particuliers, on note
une augmentation des performances.
Ex po siti o n int er mitt e nte à l ’alt itude: «V ivr e e n ha ut - s’e nt raî ner e n bas »
Dans la mesure où la méthode classique du stage d’entraînement en altitude (vivre et
s’entraîner en haut) semble d’une efficacité discutable, de nouvelles approches, utilisant
l’exposition intermittente à l’altitude, ont été envisagées [29- 33]. Une première approche
consiste à vivre au niveau de la mer et à s’entraîner quotidiennement (1-2 h) pendant
plusieurs semaines en altitude ou en hypoxie [1]. Une deuxième méthode, développée aux
Etats-Unis par B. Levine, consiste à résider en moyenne altitude et à s’entraîner en plaine.
Cette technique combine l’avantage d’un séjour en altitude permettant une stimulation de
l’érythropoïèse et une polyglobulie, et la possibilité de s’entraîner normalement, sans être
obligé d’ajuster l’intensité de l’entraînement en fonction de la baisse de la performance
aérobie. D’autre part, cette approche simplifie la logistique du stage car elle ne nécessite pas
d’infrastructures sportives en altitude, mais seulement une installation permettant aux
athlètes de dormir en hypoxie.
Cette méthode permet apparemment d’améliorer la performance de façon significative
chez des individus entraînés [14]. L’intérêt de cette technique est également mis en
évidence par un équipe scandinave [17], qui montre qu’un entraînement de 28 jours réalisé
au niveau de la mer, avec résidence en altitude (12h par jour avec FiO2 = 14,9%) aboutit,
chez des sujets entraînés, à une augmentation significative de
˙ O max (3%). En revanche,
V
2
le même entraînement, réalisé sur une période de seulement 10 jours, n’est pas efficace. Une
étude réalisée sur des skieurs de fond, des athlètes et des nageurs à Prémanon (Jura,
France) a montré que dans certaines conditions, ce type d’entraînement augmentait de façon
significative la masse de globules rouges et la VO2max [31,32].
L’entraînement en basse altitude associé à une résidence en moyenne altitude semble donc
avoir un effet positif sur la performance aérobie, même si les mécanismes responsables de
l’augmentation de
˙ O2max ne sont pas clairement expliqués. Plusieurs pays utilisent déjà ce
V
procédé de façon régulière, en particulier dans le domaine du ski nordique.
Au total, la tendance actuelle serait donc: “Vivre en haut et s’entraîner en bas”
Avantages:
- Pas de baisse de l’intensité de l’entraînement
- Diminution des signes initiaux de MAM pendant l’entraînement
- Entraînement dans un environnement habituel
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- Stimulation nocturne de l’érythropoïèse
Inconvénients :
- Transport entre le lieu de “vie” et le lieu d’entraînement
Techniques utilisables pour “Vivre en haut et s’entraîner en bas”
Technique naturelle: l’altitude réelle, avec possibilité de transport rapide entre
l’altitude et la vallée
Haute vallée (Colorado), station de ski (Val Thorens)
Station de téléphérique (Chamonix)
Techniques artificielles, ne nécessitant pas de transport entre lieu de vie et lieu
d’entraînement
Chambres hypoxiques normobares
Caisson hypobare personnel
Ent ra îne me nt po u r l a c o mp étiti o n en a ltit ude.
De plus en plus de compétitions sont amenées à se dérouler en altitude. Ainsi, pour une
sélection régionale de la Coupe du Monde de football en 1998, des matchs ont eu lieu à La
Paz (Bolivie) à 3600m d’altitude. De même, des championnats du Monde de cyclisme ont eu
lieu à Bogota ou à Quito (2600 à 3000 m ). Dans ces conditions, l’intérêt d’un entraînement
en altitude dans la phase pré-compétitive semble indiscutable, du moins pour les épreuves à
dominante aérobie. En effet, dans la mesure où l’athlète est confronté à une diminution de la
performance aérobie le jour de la compétition, une “prise de repères“ est indispensable pour
s’adapter à la contrainte liée à l’environnement.
Phase d’acclimatation:
Une période d’acclimatation à l’altitude semble nécessaire afin d’éviter toute
manifestation du mal des montagnes (troubles du sommeil, de l’appétit, ou encore
asthénie), pouvant conduire à un état de méforme le jour de la compétition.
Après quelques jours (minimum 8 à 10 jours), le sportif bénéficiera d’une:
amélioration de la capacité aérobie,
moindre désaturation à l’exercice par le phénomène d’acclimatation ventilatoire,
amélioration des sensations subjectives.
A La Paz, certaines équipes de football (comme le Brésil) avaient choisi d’arriver en
altitude le jour même de la compétition: il est clair que seule une domination technique sur
l’équipe Bolivienne locale leur a permis de compenser une altération « aiguë » de leur
performance physique, plus particulièrement de leur capacité de récupération après une
répétition de phases de course rapide. Au Pérou, les équipes de football de la côte (Lima)
perdent régulièrement contre les équipes de l’altiplano (4300m), pourtant beaucoup moins
fortes, car elles n’ont pas le temps de se pré-acclimater à l’altitude avant de se déplacer pour
jouer.
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Co nc lusi o n
Le débat sur le bénéfice de l’entraînement des athlètes en altitude est loin d’être clos.
D’un côté, les travaux scientifiques réalisés depuis plusieurs décennies n’ont pas prouvé que
ce procédé était efficace. De l’autre, les entraîneurs rapportent de nombreux exemples
d’athlètes chez qui l’entraînement en altitude augmente la performance. Il serait
certainement faux de conclure que cette méthode d’entraînement augmente
systématiquement la performance. Au contraire, il existerait des athlètes bons et mauvais
répondeurs à l’altitude. Dès lors, seule la première catégorie aurait intérêt à utiliser
l’entraînement en altitude avant une grande compétition.
D’autre part, même si le procédé semble efficace chez certains sportifs, les mécanismes
permettant un gain de performance demeurent en grande partie inexpliqués. En effet, il
n’existe pas de relation nette entre les modifications hématologiques et l’augmentation de la
performance aérobie. Il n’est donc pas exclu que d’autres facteurs associés à l’altitude jouent
un rôle sur la performance.
Quoi qu’il en soit, la méthode consistant à vivre en haut et s’entraîner en bas semble
recommandée pour l’avenir. Bien qu’il soit nécessaire de confirmer l’efficacité de cette
technique particulière par des études complémentaires sur l’athlète de haut niveau, les
résultats obtenus récemment sur des sujets bien entraînés sont encourageants. Cependant, il
faut réaffirmer la nécessité d’un contrôle médical strict lors de ce type d’entraînement,
particulièrement lorsque des méthodes artificielles de production de l’hypoxie sont utilisées.
De nouvelles techniques combinant divers types d’exposition intermittente à l’hypoxie, soit
au repos, soit lors de l’exercice, sont à l’étude [33].
Pour la performance en altitude (“ Jouer au football à La Paz ”), une pré-acclimatation de
quelques jours est indispensable.
Ré fé re nc e s bi bli o gra p hiq ues
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Evolution de la concentration sérique d!EPO et du nombre de globules
rouges au cours d!un séjour à 4350m
EPO
Glob. rouges
0
1
2
3
4
5
6
7
Jours
Fi gure 1 . La concentration plasmatique d’EPO augmente rapidement (quelques heures),
puis diminue progressivement en quelques jours, alors que la polyglobulie vraie s’installe.
D’après [20].
14
%
V˙ O2max au niveau de la mer
100
100
sédentaires
#
*
#
*
#
*
90
90
*
entraînés
*
80
80
0
900
1200
1500
Altitude (m)
˙ O max) du niveau de la mer à
Fi gure 2. Pourcentage de la consommation maximale d’O2 ( V
2
différentes altitudes, chez des sujets sédentaires et entraînés. * P<0,05 altitude vs niveau de
la mer. # P<0,05 entraînés vs athlètes (redessiné d’après [27]).
15
Tableau 1. Les différentes méthodes d’entraînement en altitude.
Méthode
Vivre et s’entraîner
en haut
Principe
Vie et entraînement
en altitude modérée
pour maximiser le
stimulus hypoxique
sur l’érythropoïèse
Vivre en haut,
s’entraîner en bas
(“Live High – Train
Low”)
Vivre (dormir et
récupérer) en
moyenne altitude et
s’entraîner en basse
altitude pour éviter
les effets négatifs de
l’hypoxie sur la
performance
Vivre en bas et
s’entraîner de façon
intermittente en
hypoxie pour
augmenter le stress
sur le muscle.
Vivre en bas,
s’entraîner en haut
ou en hypoxie
intermittente
Vivre en bas ou en
haut, s’entraîner en
bas ou en hypoxie
intermittente au
repos.
Stimule les systèmes
physiologiques
sensibles à l’hypoxie
sans compromettre la
performance
physique.
Exemple
3 semaines à 2500m,
réduire la charge
d’entraînement dans
les 3 premiers jours.
Effets attendus
Effet bénéfique pas
clairement démontré
pour améliorer la
performance au retour
au niveau de la mer.
Pourrait améliorer la
performance en
altitude. Grande
variabilité individuelle.
3 semaines, vivre
Prouvé efficace dans
(12 h par jour) à
la majorité des études
2700m, s’entraîner
contrôlées, pour
à1000m, finissant 2 améliorer la
semaines avant la
performance au
compétition
niveau de la mer.
Grande variabilité
inter-individuelle.
6 semaines, 3
Quelques études ont
fois/semaine, deux
montré des effets
fois une heure par
positifs sur le
jour en normoxie ou métabolisme
en hypoxie (3500m) musculaire. Pas
pendant
encore assez d’études
l’entraînement
contrôlées.
6 semaines, 3
N’a pas encore
fois/semaine, deux
démontré son
fois une heure par
efficacité sur la
jour en normoxie ou performance.
en hypoxie (3500m)
au repos.

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