SÉRÉNITÉ, photographies et documentaire sur la vie monacale à l
Transcription
SÉRÉNITÉ, photographies et documentaire sur la vie monacale à l
ACTUALITÉ SÉRÉNITÉ, photographies et documentaire sur la vie monacale à l’abbaye de Bellefontaine (Maine et Loire) Karim Djebbar a commencé la photographie à l’âge de seize ans, dans les ateliers de pratique artistique (APA) du lycée de Lure. Il y a très tôt rencontré des professionnels, dont Jack Varlet et Marc Garanger. « Ce qui me plaisait, c’était non seulement de maîtriser une technique mais de développer un regard sur le monde et une écriture personnelle. J’ai fait ensuite des études d’Histoire de l’Art en faculté, puis de journalisme de presse écrite, et j’ai suivi une formation de journaliste reporter d’image. Après quelques années sans photographier, j’ai vraiment ressenti que j’étais photographe dans l’âme. » Qu’est-ce que Sérénité ? Comment définiriez-vous ce travail ? Sérénité est un documentaire de création sur le monachisme et la spiritualité cistercienne à travers le portrait de la communauté des moines de l’abbaye de Bellefontaine, et plus particulièrement celui de dom Emmanuel Coutant, abbé de Bellefontaine de 1952 à 1987. Le documentaire se présente sous forme d’un film diaporama de trente minutes : deux cents photographies ont été montées en film et accompagnées de chant grégorien et de musique classique. Comment est né ce projet ? Ce projet est né d’une rencontre le 2 décembre 2006. Dom Emmanuel venait tout juste de rentrer à Bellefontaine, après vingt ans d’absence. J’ai immédiatement senti que c’était un homme exceptionnel de par son ouverture d’esprit et son aptitude à l’émerveillement. Il dégageait une sérénité et un sentiment de liberté qui ne pouvait être que le fruit, comme il le disait lui-même, d’une longue ascèse et d’un immense travail d’introspection et de purification. Il parlait aisément de l’inconscient, des parts cachées de l’être et de l’ego qui doit mourir à lui-même. Quelles ont été les conditions de réalisation de ce travail ? Comment vous êtesvous intégré au monastère ? C’est après plus d’un an et demi de relances régulières qu’en février 2008, j’ai enfin pu présenter mon projet de reportage devant toute la communauté. Quand les moines ont senti que je souhaitais réellement découvrir un univers « incompréhensible aux yeux du monde » et réaliser un reportage fidèle, j’ai pu photographier en toute liberté et dialoguer avec chacun d’entre eux. J’ai passé en moyenne dix jours par mois à Bellefontaine, d’avril à décembre 2008. Dom Emmanuel m’accueillait à chaque séjour et m’accordait des entretiens quotidiens. Il revenait constamment sur la beauté de la création, l’amour de la vie, et sur la mort. Son absence totale de peur était déconcertante. Émanaient de lui une grande paix intérieure et une véritable humilité face à la souffrance. Il était hospitalisé deux mois avant sa mort, car il devait être amputé d’une jambe. Il se disait tout heureux que le Créateur l’éprouve encore afin qu’il se rapproche de Lui. La veille de sa mort, il me dit, rayonnant : « Tout est accompli, je ne crois pas que l’on se reverra. » Ce qui m’a frappé dès notre première rencontre était sa façon d’être là, plein de compassion, d’aisance, de liberté. Il était « redevenu pareil à un enfant » vivant dans la perfection de l’instant présent. Que souhaitez-vous montrer dans vos photographies et votre film ? Quel est leur but ? Le public français est de plus en plus sensible à la spiritualité, mais est-ce par crainte de se remettre en question, par goût de l’exotisme ? Les spiritualités qui rencontrent de fortes écoutes sont essentiellement autres que chrétiennes et plus particulièrement bouddhistes, hindouistes, voire animistes, alors que 85 % de la population française est de culture chrétienne. Cela se ressent dans les différentes expositions d’art sacré. Il y a en ce moment à Paris au moins dix expositions relatives à l’art sacré et aucune ne concerne l’art sacré chrétien. Qu’est ce qui fait courir le public vers ces expositions ? J’ai vu récemment une belle exposition au musée Guimet sur l’art sacré du Bhoutan et tous les jours, en dehors des heures de conférences, un petit groupe de moines pratique des rituels religieux bouddhistes dans une pièce du musée. Dom Emmanuel. © Karim Djebbar 8 Dom Jean-Marc Chéné accompagne la sortie de l’Office dans le cloître. Moine dans le cloître. © Karim Djebbar © Karim Djebbar Il est certain que cet aspect attire le public. En fait, il est touché par la religiosité de cette culture, mais il n’est pas réellement concerné et donc ne se sent à aucun moment en danger. L’esprit est habile et trouve tous les moyens pour se protéger. Je crois qu’il faut profiter de l’attente des « consommateurs ». Essayons de leur donner envie de redécouvrir l’univers chrétien et de rencontrer des hommes qui les touchent. Il n’est pas question de prosélytisme. Il s’agit d’utiliser les courants actuels pour valoriser utilement ce travail réalisé dans l’univers chrétien. Le monde monastique est bien vivant et il produit encore des hommes de grande valeur. Comme l’écrivait Timothy Radcliffe (Je vous appelle amis, aux éditions du Cerf) : « Les moines sont là, c’est tout ! Et leur vie n’a aucun sens sinon d’annoncer l’achèvement des temps, cette rencontre avec Dieu. Ils sont comme des gens qui attendent à l’arrêt d’un bus. Le seul fait qu’ils soient là indique que le bus doit sûrement arriver. […] Ce n’est pas une absence de sens que leur vie révèle mais une plénitude de sens que nous ne pouvons pas définir. Tout comme la tombe vide annonce la résurrection. » Quels sont ou seront les supports de diffusion de ce travail ? Un livre est paru, intitulé Lumière intérieure, un jour reçu de Toi. Il comprend cent cinquante photographies et des textes relatifs à la spiritualité cistercienne, choisis par les moines. Le film Sérénité, immersion au coeur d’une communauté de moine trappistes intéresse actuellement un diffuseur et un distributeur. Je présente également ce film auprès de diverses associations culturelles. D’autres projets ? J’espère pouvoir réaliser un autre livre sur dom Emmanuel, en résonnance avec le film diaporama. Par ailleurs un nouveau grand reportage est en cours d’étude, qui concernerait l’architecture romane, en collaboration avec Daniel F. Jouve, qui m’a ccompagné au long du travail sur Sérénité. Prochainement : exposition de 60 tirages couleurs (30 x 40 cm) à l’abbaye de Bellefontaine, exposition de portraits de moines à Lure. http://www.karimdjebbar.com Levé de soleil dans le cloître. © Karim Djebbar 9