Les Bières belges d`abbayes reconnues par la

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Les Bières belges d`abbayes reconnues par la
Les Bières belges d’abbayes reconnues
par
la Fédération des Brasseurs belges
2014
Patrimoine oral et immatériel de l’UNESCO
avec le soutien de la
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Préface de Madame la Ministre de la Culture
de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Fadila Laanan
Chers lecteurs,
En cette année 2014, La candidature à la reconnaissance par l'UNESCO de la "culture
de la bière" belge au titre de chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel va se
concrétiser. Personnellement, j’ai signé le Décret de la Fédération Wallonie-Bruxelles
pour cette reconnaissance. Quoi de plus fédérateur dans notre nouvelle Belgique que la
Bière ?
Si tout le monde connaît les célèbres « trappistes », on connaît moins bien les véritables
bières d’abbayes belges reconnues par la Fédération des Brasseurs qui sont les
consœurs des trappistes et qui doivent remplir des conditions strictes de qualité et de
tradition contrôlées par un Comité réunissant les abbayes reconnues dont le leader est
sans conteste la Bière de l’Abbaye de Leffe dont la tradition brassicole est attestée
par un document précieux d’archive de 1240 et non la date de fondation de l’abbaye. Je
vous invite à lire cet ouvrage d’Alexis Nicolaï, passionné de l’histoire de Leffe depuis
plus de 30 ans. Ouvrage que j’ai l’honneur et le plaisir de préfacer et de présenter.
A lire sans modération !
Fadila Laanan, Ministre de la Culture.
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28 juin 2012
Culture de la bière : reconnaissance du titre de chef-d’œuvre du Patrimoine oral
et immatériel de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Brune, blonde, rousse, blanche… La Belgique compte plus de 1000 bières et dispose du
plus grand choix de bières authentiques locales et typiques.
Cette incroyable diversité de couleurs, de saveurs et de modes de fabrication est un
des fleurons de notre patrimoine culturel et gastronomique.
Chaque bière possède des caractéristiques uniques, elle raconte l'histoire de sa région
et a le goût du terroir qui l'a vu naître. Cette tradition qui remonte au 13ème siècle
contribue à faire la fierté de la Belgique tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de nos
frontières. Forte de cette conviction, la Fédération des Brasseurs belges a introduit,
en vertu de décret du 11 juillet 2002 relatif aux biens culturels mobiliers et au
patrimoine immatériel de la Communauté française, un dossier de candidature au titre
de chef-d'œuvre du Patrimoine oral et immatériel de la Communauté française auprès
de la Ministre de la Culture Fadila Laanan.
Cette reconnaissance de la culture de la bière est une condition préalable à
l'introduction d'une demande d'inscription au Patrimoine immatériel de l'UNESCO. La
culture de la bière pourrait donc bientôt figurer sur la « liste représentative du
Patrimoine immatériel de l'humanité », au même titre que le Carnaval de Binche, la
Ducasse d'Ath, la Ducasse de Mons, le Meyboom de Bruxelles, ou encore l'art de la
fauconnerie. À l'unanimité, la Commission du Patrimoine oral et immatériel a proposé à
la Ministre de la Culture, Fadila Laanan, la reconnaissance de la « Culture de la bière »
comme chef-d'œuvre du Patrimoine oral et immatériel de la Communauté
française. L'avis de la Commission relève entre autre que la fabrication et la
consommation de la bière en Régions wallonne et bruxelloise remontent au moins au 13e
siècle. Ce savoir-faire spécifique s'est transmis de génération en génération. La
transmission orale est complétée depuis le 20e siècle par un enseignement délivré dans
le cadre de nombreuses écoles de brasseries. En outre, une gastronomie spécifique
s'est développée autour de l'habitude de consommer de la bière.
La Commission constate que la « Culture de la bière » est constamment recréée par la
communauté dont elle est issue en fonction du milieu et de l'histoire de celle-ci, qu'elle
procure aux individus et aux groupes qui en bénéficient un sentiment de continuité et
d'identité et qu'elle présente des qualités esthétiques. Mais attention, on ne le
répétera jamais assez : le fruit de ce savoir-faire ancestral se déguste avec modération
et sagesse.
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Leffe : une abbaye de tradition brassicole depuis 1240
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Des origines à nos jours
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L’abbaye de Leffe – huile sur carton de William Duc©
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Leffe
Bref rappel historique :
Fondée en 1152 par l’abbaye de Floreffe, la Communauté de Leffe devint une abbaye
prémontrée en 1200. Comme toute abbaye prémontrée, elle devait subvenir aux besoins
de ses religieux et de sa « Familia », c’est-à-dire toutes les personnes qui en
dépendaient avec pour vocation d’être dans son temps et de remplir des activités
sociales, pastorales et évangéliques. L’abbaye de Leffe tient son nom du ruisseau : la
Leffe qui s’appelait autrefois la Genge. La qualité de cette eau fut un grand trésor pour
la jeune abbaye qui construisit jusqu’à 4 moulins pour ses besoins : moulin à farine pour
le pain, moulin à huile pour la nourriture, moulin à eau potable et finalement le moulinbrasserie dont les origines remontent à 1240 selon un document conservé aux archives
de l’Etat à Namur. La bière est très importante pour l’abbaye car elle permet d’offrir
le gîte et le couvert aux nombreux voyageurs et pèlerins de Saint-Jacques de
Compostelle qui passaient par Dinant, 3ème « bonne ville » de la principauté de Liège. Au
vu des rigueurs climatiques, la bière remplace le vin dans la consommation interne des
abbayes : consommation courante, anniversaires, fêtes religieuses, etc.
Vue de l’abbaye de Leffe vers 1740 avec le grand moulin – Archives de l’abbaye de Leffe.
La houblonnière ne serait pas sur les côteaux… voir infra.
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L’Hospitalité n’est pas un vain mot à Leffe. Bien vite, la « brassine » (la brasserie)
s’agrandit pour les besoins de l’abbaye et de sa « Familia » (l’ensemble des personnes
religieuses ou non qui dépendent de l’abbaye).La demande de plus en plus importante de
la bière permet d’éviter les maladies très courantes à l’époque comme la peste et le
choléra. Le Père-Abbé désigne l’un des religieux comme responsable de la brasserie aidé
dans sa tâche par des laïcs. A la longue apparut un nouveau « Mestier » : celui de MaîtreBrasseur dont nous retrouvons la première illustration dans un vitrail de Saint-Jacques
à Liège. L’abbaye de Leffe mit en location (gambage), sous sa direction, la brasserie qui
évolua avec les techniques de son temps comme l’apport du houblon connu pour ses
vertus aseptisantes, relaxantes, et même propice à la chasteté. Le Maître-Brasseur
fournissait à l’abbaye la bière pour sa consommation propre et réalisait des brassins
spéciaux pour les grandes occasions comme la visite d’hôtes de marque. Le testament
du Maître –Brasseur Norbert Martin en 1654 est éloquent et preuve de la tradition
brassicole de Leffe depuis bientôt 8 siècles. Nous avons la chance d’avoir ce document
exceptionnel dans les archives de l’abbaye. Il s’agit d’une copie « authentique »
(conforme) d’un document se trouvant aux Archives de l’Etat à Namur (AEN, Notaire
de Frahan, n° 108).
A la Révolution, au contraire de bien d’abbayes, les Pères de Leffe tentèrent de
sauvegarder leur « Maison de Dieu » en acceptant les « bons » que la République
française leur donnait pour les « dédommager » de ce hold-up des congrégations
religieuses. Les religieux se partagèrent les biens mis en vente pour essayer de
conserver leur abbaye mais à leur mort, les familles héritières ne tiendront guère leurs
promesses et s’empresseront de vendre au plus offrant les biens ainsi hérités.
Ce qui reste de l’antique abbaye de Leffe est un véritable « miracle » grâce à des
circonstances dont l’Histoire a parfois le secret. Cette brochure retrace la tradition
brassicole de Leffe qui entame son huitième siècle d’existence avec une interruption
certes comme toutes les abbayes en 1796 mais avec une reprise en 1952 selon les
traditions par un Maître-Brasseur d’Overijse, Albert Lootvoet.
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La Brasserie Lootvoet à Overijse – cour intérieure
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Le métier de Maître-Brasseur gravé dans la pierre
de l’ancienne Brasserie Lootvoet à Overijse
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Charte de fondation de Leffe
(Prieuré en 1152 – Abbaye en 1200)
Charte de 1152 du comte de Namur, Henri l’Aveugle
Archives de l’Etat à Namur n° 3286 – Chartrier de l’abbaye de Floreffe n° 1
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Les origines des moulins et la première brasserie de Leffe
Comme dans toutes les cités du Moyen Age, Leffe était le « Quartier » des meuniers
et des brasseurs concentrés le long de la Leffe (il y a avait plus de 20 moulins dont 5
appartenaient directement ou non à l’abbaye). Leur présence s’explique par la qualité et
la pureté de l’eau de la Leffe qui était un ruisseau bien plus important que de nos jours.
Rien qu’entre l’abbaye et la Meuse à 300 pas (100 mètres environ), on comptait une
dizaine de moulins dont le « Molin Pouvrial » se trouvant dans le « grand jardin » de
l’abbaye (emplacement du parking actuel et ancien emplacement de la grande
Manufacture de tissus de 1880 à 1918). Un acte de 1240 nous stipule que la « brassine »
ou brasserie se trouvait derrière le « Grand Molin » (voir plan) depuis 1240. La première
brasserie de Leffe était située dans l’enceinte de l’abbaye dans sa partie « profane »
composée de la ferme, la grange, le moulin, une forge…
Le
Quartier de Leffe au Moyen Age (extrait de la planche XIX hors texte de GAIER-LHOET (J.), L’évolution topographique de la
Ville de Dinant au Moyen Age, Bruxelles, Pro Civitate, 1964 (Collection Histoire, série in-8°, n° 4, 1964)
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La plus ancienne carte de l’abbaye au XVIème siècle (1550)
L’abbaye et ses moulins dont la brasserie – La Leffe était une rivière à l’époque
Extraits de la carte de Deventer de Dinant en 1550 - KBR© - On voit clairement l’île de Leffe
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L’abbaye en 1912 (vue générale)
L’abbaye en 2012
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L’abbaye en 1912 (seule reste debout la partie « profane »)
Vue sur le Grand Pré occupé par la Manufacture (1872-1971) qui
s’étend jusqu’à la cheminée – 1912 (archives Wybertus)
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Manufacture de tissus de Leffe avant 1914, source : www.genedinant.be
Vue aérienne de la Manufacture de tissus vers 1960 ; on voit l’abbaye à droite.
L’emplacement est celui du « Grand Pré » de l’abbaye avant la Révolution- Idem
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La tradition brassicole :
Reprenant les traditions de plus de 8 siècles, les Pères de Leffe s’investissent à nouveau
dans la société civile de Dinant et des alentours tout en restaurant leur abbaye et leur
brasserie
malmenées
par
un
17
siècle
de
désacralisation.
Tableau de René Beeldens
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Petite histoire de la reprise de la tradition brassicole en 1952
Les Frères Paul et Albert Lootvoet étaient propriétaires de la brasserie du même nom
à Overijse pour l'avoir héritée de leur père Valère Lootvoet. Après la guerre, ils ont
essayé de trouver une abbaye pour une nouvelle bière d’exception.
Paul connaissait le chanoine Dehoux, de Lustin, ancien aumônier de la brigade Piron dans
laquelle il avait combattu pendant la guerre. Lors d'un diner chez ledit chanoine, Paul
était assis à côté du Père Nys, Abbé de Leffe, ancien secrétaire général de l'ordre des
prémontrés à Rome. Il avait hérité, un peu contre son gré de l'abbatiat de Leffe,
désargentée et à reconstruire. Ils ont lancé le projet d'une bière de Leffe et après
une rencontre avec Albert Lootvoet, Maître-Brasseur, un contrat a été signé en 1952
pour reprendre la tradition brassicole de Leffe et ce fut la création de la Leffe Brune
et de la Triple. Paul habitait dans une autre brasserie à Monceau-Sur-Sambre et ne
s'occupait pas de Leffe. Bien vite, le succès fut au rendez-vous. Les royalties permirent
aux chanoines de reprendre leurs activités « extra-muros » et de restaurer leur
abbaye. (Archives Lootvoet).
Dégustation de la nouvelle bière de Leffe « la Vieille Cuvée » dans l’abbaye avec à gauche
le Père Bruno (Abbé en 2012) et à droite le Maître-Brasseur Albert Lootvoet Archives de l’abbaye de Leffe
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La bière de Leffe entre Albert Lootvoet et le Père Jean Dehalu
dans les jardins de l’abbaye (années ’50 – Archives de l’abbaye de Leffe)
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Albert Lootvoet Grand Maître de la chevalerie du Fourquet des brasseurs en 1975 – Archives Lootvoet©
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Le Père-Abbé Nys à l’origine de la reprise de la tradition brassicole de Leffe
Tableau à l’abbaye de Leffe – Editions Gaud©
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Collection Wybertus©
Aujourd’hui encore, le fils d’Albert Lootvoet, Christian est toujours dans la Brasserie
de Leffe et perpétue la tradition familiale.
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Publicités des années ’70 – Collection Wybertus©
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Collection Wybertus©
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Collection Wybertus©
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Collection Wybertus©
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Première étiquette de la Leffe brune – Brasserie Lootvoet
Première bouteille de la Leffe « Vieille Cuvée »
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Les premiers sous-bocks de Leffe (années ’50 et ’60)
Première publicité – plaque métallique de 1955
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L’expansion de la Leffe… à Paris dès 1952.
Le « Bar belge » Boulevard Saint-Ouen à Paris près des Batignolles (archives INBEV). Le premier « Café
Leffe » dans les années ’50 (aubade en 1954 d’après la voiture Renault Dauphine).
Dès 1952, la Leffe fut commercialisée en France dans le « Bar belge » qui existe
toujours. Laissons la parole aux souvenirs de Christian Lootvoet tout jeune qui voyait
partir les camions qui le réveillait chaque matin : « La Leffe a été lancée à Paris dès sa
création en 1952-53, par Julien Foret, le petit monsieur en tablier blanc devant la porte
de son Café Belge, Boulevard de Saint-Ouen. Il existe toujours je pense (le café, pas le
monsieur !). Il devait déjà avoir 70 ans. Il avait une compagne de 25 ans sa cadette, une
blonde plantureuse qui l'appelait toujours " mon coco ". A un moment donné un camion
de 350 caisses partait toutes les semaines d'Overijse vers 4 heures du matin (il me
réveillait d'ailleurs ayant ma chambre donnant sur la cour de la brasserie) et allait livrer
Julien Foret qui revendait à d'autres cafetiers parisiens. Julien est venu plusieurs fois
à MSG jusqu’en 1982 »… Archives Lootvoet.
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Nous avons recherché ce « Café Leffe » des origines qui, à notre grande surprise,
existe toujours même si une partie a été transformée en appartements.
« Le Bar belge » Boulevard Saint-Ouen
L’enseigne Leffe est toujours bien présente – Archives Alexis Nicolaï
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Archives Alexis Nicolaï
Bière et frites
Le bar restaurant aurait été un pionnier de la Leffe en France. Depuis 1954, une grande
variété de bières y est en effet servie. De quoi arroser un repas belge, moules frites,
choucroute, ou une soirée entre amis. L'ambiance monte après 20 heures avec l'arrivée
d'habitués, et les soirées se terminent bien tard... tandis qu'à l'occasion la télévision
diffuse des matchs. Le bar occupe l'entrée, puis, après un passage étroit, une salle
offre quelques places assises. Les vieilles affiches font honneur aux marques de bière.
Concerts un dimanche soir sur deux.
Publicité du « Bar belge » 75, Avenue de Saint Ouen - 75017 Paris (France)
 0033(1) 46 27 41 01
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L’intérieur, Musée vivant…
Au premier plan, nous reconnaissons une publicité Leffe rarissime – « Le Bar Belge »
De Santos (Bar Belge) PARIS (75017)
Métro Guy Moquet
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L’expansion 1977-…
En 1977, la Brasserie Lootvoet ferme ses portes et s’intègre dans le Groupe StellaArtois car la production de la Leffe est de plus en plus importante. Il faut trouver une
brasserie de qualité respectueuse des traditions : la Brasserie Grade va accueillir la
nouvelle Brasserie de Leffe. Christian Lootvoet en devient tout naturellement
Directeur général dans la grande lignée des Maîtres-Brasseurs de Leffe. Il faut
agrandir la brasserie de Mont-Saint-Guibert en Brabant Wallon déjà connue pour sa
« Vieux-Temps » tout en gardant la qualité séculaire de la Leffe. Le pari est tenu et
réussi ; la renommée de la Leffe dépasse les limites du royaume et de nouveaux
débouchés comme la France s’ouvrent à la production.
La brasserie de Mont-Saint-Guibert en 1977 – collection Wybertus©
En 1986, une nouvelle brasserie est construite et considérablement agrandie. Les
Journées Portes ouvertes restent dans la mémoire des Guibertins de l’époque. C’est un
franc succès où la Leffe est appréciée et parfois découverte par toute la population.
Ensuite, cela sera le transfert à Louvain dans une brasserie encore plus moderne et des
Maîtres-Brasseurs garants des diverses variétés de Leffe.
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Remontons le temps…
Les Bières belges d’abbayes reconnues par la Fédération des Brasseurs doivent
répondre à des conditions très strictes dont un article précis :
« Avoir un lien avec une abbaye dont l’existence est reconnue ; payer des royalties
(dividendes) au monastère ; laisser un droit de regard à l’ordre religieux sur la
publicité ». Même si Leffe est à présent brassée par AB-INBEV, l’abbaye reste
dépositaire de sa marque et de sa renommée gage de tradition et de qualité.
Der Bierbreuwer (Le brasseur), Jost Amman, 1568.
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La situation de l’abbaye de Leffe
Les abbayes de l’ordre de Prémontré ont vocation hospitalière (l’accueil des pèlerins)
et pastorale (la charge de paroisses). Par conséquent, leur isolement est proscrit (…)
Certaines abbayes bénédictines s’enorgueillissent d’abriter des reliques que des kyrielles de pèlerins viennent contempler. Un emplacement facilement desservi est le
bienvenu pour ce genre de monastère (…) L’isolement prime en revanche chez les
cisterciens : le retrait du monde séculier est à leurs yeux la condition nécessaire à leur
vie spirituelle (JEANNIN (E.), Chantiers d’Abbayes, Moisenay, Editions Gaud, 2002, p.
10). Leffe tout naturellement s’installe dans les faubourgs de Dinant dès ses origines.
Leffe est la bière d’abbaye par excellence avec une renommée qui a bien vite dépassé
nos frontières et qui est connue dans le Monde entier mais comment brassait-on
autrefois à Leffe ? Bien malgré elle et suite à la demande de plus en plus pressante,
l’abbaye développe sa brasserie pour fournir des barriques de bière à ses religieux lors
de leur installation comme curé d’une église dépendant de Leffe ce que l’on appelait
autrefois un « Archidiaconé » dont l’abbé de Leffe avait le patronat, c’est-à-dire que
c’est lui qui choisissait un religieux de son abbaye pour remplir cette charge pastorale.
Dépendant de l’évêque de Liège aux origines, il en acquit progressivement les
prérogatives.
Pourquoi ce développement au sein d’une abbaye comme Leffe ? Il faut savoir qu’à la
chute de l’Empire romain puis à la fin de l’Empire de Charlemagne, les abbayes restaient
des lieux de paix et de prières dans la tourmente du Moyen Age avec les guerres
incessantes entre les seigneurs locaux que l’Empereur du Saint-Empire germanique avait
bien du mal à contrôler. Il s’appuya sur la seule force encore solide : l’Eglise et ses
abbayes. Après une grande période de dons des seigneurs pour le salut de leur âme et
les Croisades, les abbayes constituèrent des domaines vastes et bien entretenus par
des laïcs qui formaient la « Familia ».
La fonction première des religieux étant le service de Dieu, ils commencèrent à
déléguer les fonctions « séculaires » aux laïcs dépendant d’eux et sous leur contrôle.
Les premières associations de métiers (les Guildes) se formèrent au Moyen Age dont
celle de Maître-Brasseur. La plus ancienne illustration se trouve dans un des vitraux de
l’église Saint-Jacques de Liège datant de 1530 parmi les 32 métiers de la « Bonne Ville »
de Liège et de sa principauté.
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Vitrail de l’église Saint-Jacques de Liège – le Métier des Brasseurs (1530)
C’est en 1259 qu’apparaît dans les archives le premier Maître-Brasseur de Métier. La
bière consommée à Leffe par les religieux n’interrompait pas le jeûne que devaient
observer les pères selon la formule latine :
« Liquida non frangunt jeunum » ce qui veut dire : « la nourriture liquide n'interrompt
pas le jeûne… ».
« Puis il y eut surtout la véritable révolution dans l’art de brasser : l’apport du houblon
originaire d’Asie occidentale ou d’Europe de l’Est. Connu pour ses vertus aseptisantes
depuis le 8ème siècle et utilisé dans un premier temps dans la pharmacie de l’abbaye, il
fut intégré à l’antique cervoise pour devenir la bière que nous connaissons aujourd’hui.
Pour combattre les maladies, les villes demandaient même aux abbayes de livrer leurs
bières à bon prix en plus de leur production personnelle » (Les secrets de la brasserie
médiévale par Antony Gaillard, Maître en archéologie médiévale de l'Université de
Bourgogne). Nous allons voir dans les pages qui suivent comment la Brasserie de Leffe
a fonctionné pendant près de 7 siècles avant la reprise de la tradition brassicole en
1952. Les archives d’avant 1466 sont rares avec la destruction de la Ville de Dinant par
les troupes de Charles le Téméraire, Duc de Bourgogne lors de la guerre contre la
Principauté de Liège. L’abbaye de Leffe fut saccagée par la soldatesque qui s’enivra de
la bière entreposée dans la Brasserie et qui vola tout ce qui avait comme valeurs (dont
les objets du culte). Heureusement, dans son malheur, l’abbaye ne fut pas rasée comme
la Ville de Dinant car les Bourguignons, profitant du gué de Leffe et de la grande île qui
servit de base au pont pour les troupes, devint le magasin du Duc alors que les ruines
de Dinant incendiées furent recouvertes de fer et de sel pour rendre la terre stérile
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(Actes du Colloque « Liège et Bourgogne » à l’Université de Liège en 1972). L’abbaye en
garda un souvenir douloureux en appelant un de ses moulins « le moulin brûlé".
L’abbaye dévastée, les titres de propriété brûlés, il s’ensuivit une longue série de
procédures pour récupérer les biens : fermes, seigneuries, moulins, églises… que les
seigneurs locaux s’empressèrent de contester à Leffe.
Plan de l’abbaye en 1777 (carte de Ferraris, feuille 118 « Dinant », Bibliothèque Royale
de Belgique - KBR), voir la description plus avant.
L’abbaye, les Archives de l’Etat à Namur, Liège et Arlon ainsi que les Archives de
l’Evêché de Namur et les Archives de l’abbaye Saint-Michel de Frigolet (Tarascon en
France) vont nous permettre de retracer l’histoire de Leffe et sa Brasserie.
Le tonnelier dans la brasserie médiévale
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1240
La première mention de la tradition brassicole de Leffe
La tradition brassicole de Leffe remonte au Moyen Age (1240) même si toutes les
abbayes de notre royaume de Belgique actuel furent supprimées par les
Révolutionnaires en 1796 et déclarées « Domaines nationaux ».
Copie du XVIème siècle aux Archives de l’abbaye de Leffe
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Le document
Ce document daté de 1240 dont l’original se trouve à l’abbaye Saint-Michel de Frigolet
(Tarascon – France) fait mention de l’acquisition d’une part dans une brassine
(brasserie) située à Saint-Médard sur l’autre rive de la Meuse qui était reliée par un
pont dont les origines remontent au Xème siècle et qui s’appuyait sur les îles de Leffe
et de Bouvignes aujourd’hui disparues et remplacées par l’écluse de Leffe.
L’écluse en 1923 – collection Wybertus©
La même année, afin de fonctionner en autarcie comme l’enseigne la Règle de Saint
Norbert, une brasserie complète fut construite dans l’enceinte de l’abbaye en 1240 qui
est le réel début de la tradition brassicole de Leffe.
Il nous faut pour comprendre cette tradition remonter à la fabrication de la bière au
Moyen Age et son rôle sanitaire entre autres fonctions dans les abbayes avec l’apport
décisif du houblon qui fit passer la boisson de la cervoise que l’on confond avec la
nouvelle boisson créée dans les abbayes : la bière.
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La bière au Moyen Age
Au Moyen-âge, le brassage de la bière devint l’exclusivité des abbayes (plus protégées
d’ailleurs des guerres et des invasions). La boisson formait une bonne nourriture liquide
et était un moyen préventif contre les épidémies transmises par l’eau non bouillie. C’est
avec l’arrivée des Vikings en Europe, que la bière prendra son goût caractéristique car
ils apportèrent avec eux le houblon.
Ce n’est qu’au début du 14e siècle qu’on vit apparaître les corporations et les gildes ou
guildes. Un acte officiel du 1er avril 1435 fit apparaître, pour la première fois, le mot
“ bière ”. Au 15ème siècle, les corporations s’enrichirent et devinrent d’importantes
associations, en partie responsables de la prospérité de certaines villes comme Dinant.
A l’époque, on buvait énormément de bière. C’est ainsi, qu’au temps de Rubens (16ème
siècle), on en consommait 450 litres par habitant et par an (mais de plus faible densité).
Le brassage sous cette empreinte coopérative s’est traduit par la fabrication de
nombreuses bières locales typiques, répondant au goût de la population de l’endroit.
Le christianisme réinvente la bière
Aux alentours de l'An Mil, les monastères se multiplient dans la chrétienté occidentale,
jusque dans les régions nordiques, impropres à la culture de la vigne à cause du temps
continental froid.
En conformité avec la règle de leur ordre, les moines bénédictins accueillent volontiers
les gens de passage et leur servent une bière épaisse. Cette boisson, qui est bouillie
lors de son élaboration, a l'avantage d'être plus saine que l'eau courante, et évidemment
plus nourrissante. Les nouveaux ordres religieux reprirent ces techniques en les
améliorant comme les prémontrés.
Observateurs et méthodiques, les moines ne manquent pas d'améliorer les techniques
de fabrication de la bière. Et c'est à une sainte abbesse, Hildegarde de Bingen (10981179), fondatrice de l'abbaye de Rupertsberg, en Rhénanie, que l'on doit la découverte
des vertus du houblon : «L'amertume du houblon combat certaines fermentations
nuisibles dans les boissons et permet de les conserver plus longtemps», écrit-elle.
Dès lors, le houblon va supplanter les autres plantes amères utilisées pour aromatiser
la bière (gentiane, coriandre, sauge, absinthe).
Les moines perdent lentement le monopole de la fabrication de la bière. Des maîtresbrasseurs laïcs, le plus souvent des femmes, apparaissent dès l'An Mil. Ils (elles)
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s'organisent en corporation au 13ème siècle comme l'atteste un texte de Louis IX
(Saint Louis) en 1268.
Le duc de Bourgogne Jean sans Peur, grand amateur de bière, fonde l'Ordre du Houblon.
Son fils Philippe le Bon édicte une première loi de pureté qui impose l'utilisation du
houblon. Dans son édit apparaît pour la première fois en français le mot «bière».
La cervoise contre la bière.
Attestée ponctuellement dans l'empire carolingien, surtout dans les grandes abbayes
(à Corbie en 822, à Freising en 850 et à Lobbes en 868), la bière rencontra un franc
succès au 13ème siècle dans le nord-ouest de l'Allemagne. De là, elle s'étendit
patiemment à toute l'Europe.
Une longue chaîne opératoire.
Les céréales sont la base de tout brassin. Il convient de garder le terme au pluriel car,
si l'orge a été de tout temps la plante privilégiée pour la bière et la cervoise, il est
possible de brasser avec n'importe quelle céréale et même avec le riz. Au 11ème siècle,
Udalric de Cluny considérait l'avoine comme idéale pour brasser une bonne « bière ».
La germination.
La première étape de transformation consiste à faire germer les grains afin qu'ils
développent leur réserve d'amidon et que certains de leurs sucres deviennent
fermentescibles en alcool. Le résultat donne un grain plus nourrissant et prêt à
fermenter.
Le cycle naturel était accéléré par arrosage du stock. Les grains devaient être étalés
au maximum pour que chacun profite uniformément de la lumière et de l'humidité. Le
germoir, certainement de conception fort simple, ne se retrouve ni en fouilles, ni dans
l'iconographie et assez peu dans les textes.
Une archive polonaise mentionne l'inspection d'une malterie en 1571. Les grains étaient
mis à tremper au premier étage alors que le séchage s'effectuait à la cave. Il est
possible que le malteur ait choisi cette option afin de faire profiter le germoir et son
habitat de la chaleur montant du foyer de grillage par sa cheminée. Dans le De Rustica
(1543) il est recommandé de faire tremper les céréales durant 24 heures avec de l'eau
vive, tirée d'une rivière plutôt que d'un puits ou d'une fontaine.
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Les grains sont ensuite mis à germer au grenier, sans autre indication de temps. Notons
que l'avoine et le seigle sont plus riches en amidon que l'orge. Il n'est donc pas
indispensable de les faire germer. Cependant, employés à plus de 30% dans la
composition d'un malt, ils peuvent provoquer des problèmes de filtration et des troubles
dans la bière.
Le maltage.
Il est nécessaire de stopper la germination au bon moment pour fabriquer la bière. Le
grillage des grains évapore l'humidité résiduelle et arrête ainsi la germination. Trois
textes anglais évoquent le matériel de maltage : Harrison cite une « étoffe de crin »
couvrant le sommet d'un four et sur laquelle on étendait le grain à sécher. Il précise
même que la paille des moissons est préférable au bois comme combustible car la fumée
dégagée par la combustion de celui-ci donne un mauvais malt.
Saint Arnould, Saint Patron des brasseurs
Il s'agit du saint patron des brasseurs. Il y a eu 7 saints Arnould dans l'Europe
médiévale. Seuls deux intéressent le biérophile : le premier et le dernier
chronologiquement.
Le premier, naquit en 582 en Lorraine, à Lay-Saint-Christophe, près de Nancy pour être
précis. D'abord évêque à Metz puis précepteur du roi Dagobert, il décide de se retirer
en ermite et rejoint un ami qui vient de fonder l'abbaye colombaniste du Saint-Mont.
Saint Arnould y meurt le 16 août 640.
En Juillet 641, les Messins revendiquent le corps de leur évêque et entreprennent son
rapatriement en suivant la voie romaine de Bâle à Metz. Le 18 juillet, une chaleur torride
régnait et dès Champigneulles, les 700 gorges assoiffées de l'équipée s'aperçurent
avec stupeur qu'il n'y avait plus rien à boire. Le duc de Nothon qui commandait
l'expédition eut alors l'idée d'invoquer Saint Arnould. Soudain, les tonneaux vides se
remplirent de cervoise et tout le monde parvînt à se désaltérer. Les brasseurs lorrains,
reconnaissants, firent de Saint Arnould leur patron… Ce dernier est d'ailleurs souvent
représenté avec du houblon dans une main.
Le second Saint Arnould est honoré par les brasseurs belges. Il naquit en 1040 en
Belgique. Il fut chevalier et s'illustra dans de nombreux tournois. Sa force prodigieuse
lui valut le surnom d'Arnoult le fort. Las de la chevalerie, il devînt moine puis évêque de
Soissons. Il se vit octroyer la délicate mission de pacifier les Flandres. Pour ce faire, il
43
entreprit la fondation de l'abbaye d'Oudenburg en 1084. Mais la peste décima la
population locale, y compris les ouvriers. Les travaux finirent par s'arrêter. Afin de
rassembler les derniers ouvriers, Arnould fit sonner les cloches de l'abbaye puis leur
prépara un brassin de cervoise qu'il bénit de sa crosse. Après avoir bu le breuvage béni,
les ouvriers furent tous guéris et la peste recula jusqu'à quitter les terres
d'Oudenburg. Les travaux de construction de l'abbaye purent se terminer et depuis ce
jour-là, on vénère Saint Arnould. En fait, boire de la bière plutôt que de l'eau avait
permis de ne pas attraper la peste car l'eau du brassin portée à ébullition avait été
débarrassée des microbes.
Saint Arnould Patron des Brasseurs
44
Le médecin de la Peste au Moyen Age
Historique du Houblon
Le houblon est originaire d'Europe ou d'Asie occidentale. Il était cultivé par les Grecs
et par les Romains mais seulement en tant que plante médicinale et légume. Les jeunes
bourgeons étaient consommés comme les asperges.
C'est au contact des " barbares " germains que les Romains découvrirent vraiment la
bière et le houblon qui la parfumait, alors que les Égyptiens et les Peuples du Proche
Orient la connaissaient depuis des millénaires mais sans aromatisation avec le houblon.
La bière est la boisson alcoolisée la plus ancienne dans l'histoire des peuples, son usage
remonte à la préhistoire mais sous forme de cervoise. C'est au Moyen Âge que les
premières houblonnières européennes sont mentionnées dans un acte de donation du roi
Pépin en 768. À cette époque, la culture du houblon commença à être pratiquée par les
moines des abbayes productrices de bière (de cervoise pour être exact). C'est
certainement grâce aux monastères que le houblon prit le pas sur toutes les autres
épices.
Sa victoire fut largement due à la réputation qu'il avait de réfréner la sexualité, une
obligation pour les moines, propriété qui contrastait singulièrement avec les pouvoirs
que l'on attribuait à de nombreuses épices orientales. Au 11ème siècle, Sainte
Hildegarde de Bingen le conseille pour lutter contre la mélancolie, vantant ses vertus
aseptisantes et conservatrices par son amertume…
45
Née le 16 septembre 1098 à Bermersheim Von der Höhe en Allemagne, Hildegard Von
Bingen est une religieuse bénédictine très influente de son époque. Elle est à la fois
considérée comme une grande compositrice, une auteure, une linguiste, ainsi qu’une
botaniste. Pour le brasseur et l’amateur de bière, elle est avant tout reconnue comme
« la mère du houblon ».
46
La
cueillette du houblon en Bourgogne au début du XXème siècle –http://www.auptitfourquet.fr
La
Houblonnière de l’abbaye n’est pas à côté du moulin abbatial mais bien dans la prolongation des
vignobles sur les côteaux – à côté du moulin ce sont les vergers de Leffe avec le bâtiment du fond qui
deviendra la Maison Saint-Norbert de nos jours, lieu d’accueil et d’hospitalité. Le bâtiment aveugle
plein Sud ne peut être la bibliothèque qui est l’édifice avec ses amples fenêtres et rasé lors de la
période « industrielle » de la pauvre abbaye. Une bibliothèque sans fenêtres est peu plausible comme
nous le verrons. Par contre, la brasserie est bien située dans le bâtiment qui surplombe la rivière à
gauche, nous le verrons davantage plus avant.
47
Contributions monastiques
Le Moyen Âge apporte une certaine reconnaissance à la bière. La tradition monastique
veut que les moines assurent le gîte et le couvert aux gens de passage. À cette époque,
les moines vont mener à bien de multiples expérimentations sur les techniques de
fabrication et l'aromatisation de la bière et son utilisation, créant, par exemple, la
bière à l'écorce de chêne ou la soupe de bière. Les moines développèrent donc sa
culture. C'est également à cette époque que la fermentation basse est inventée dans
les monastères, toujours grâce au houblon aseptisant et aux multiples caves de ces
lieux. En plus d'assurer les besoins de la communauté monastique, les surplus de
production permettaient de tirer des revenus supplémentaires. Le succès de la bière
engendre la formation de diverses guildes. Ce corporatisme aura un certain poids dans
la société de l'époque. Cependant, les moyens techniques de l'époque ne permettaient
pas d'exporter la bière et c'est à la fin du 13ème siècle, que l'on attribue
à Gambrinus (ou Cambrinus) la diffusion de la bière hors d’Allemagne et sa diffusion
dans le Saint-Empire germanique qui s’étendait au Nord des Pays-Bas au Sud avec le
Nord de l’Italie actuelle. Dès la création de sa « Brassine » (Brasserie), l’abbaye de
Leffe utilisa ces nouvelles méthodes de brassage.
Brasserie des Temps Modernes comme à Leffe – le mélange du brassin se fait avec le
fourquet symbole des Brasseurs tandis que les tonneaux sont remplis avec des
cruches, barrique par barrique à la main puis transportées une à une vers l’abbaye.
48
La définition d’une Brasserie dans le Dictionnaire de Trévoux en 1742, p. 1211 :
Le processus de la fabrication de la Bière de Leffe
49
Les moulins de l’abbaye le long de la Leffe
Source : Claudy BURNAY que nous remercions.
A = Abbaye – B = La Rochette
Sources d’archives
-
1 = Archives de l’Etat à Namur, Souverain Bailliage, n° 34, ancien n° 6, v°
-
2 = Archives de l’Etat à Liège, Inventaire du Comte de Lannoy, n° 579.
-
Citation de la « Brassine » = « La maison et Brassine » derrière le Grand Moulin de Leffe, acte
du 22.09.1654 (Archives de l’Etat à Namur, Notaire de Frahan, n° 108)
-
3 = Acte du 25.06.1676 aux Archives de l’Etat à Namur, Notaire Chabotteaux, n° 758
-
4 = Archives de l’Etat à Namur, Echevinage de Dinant, n° 611 et Chapitre de Dinant, n° 30.
-
5 = Moulin ne dépendant pas directement de l’abbaye mais utilisé en location pour son eau
potable grâce à des buseaulx (tuyaux) en bois, acte du 18.02.1480, Archives de l’Etat à Namur,
Echevinage de Dinant, n° 611.
Références : HERBAY (A.), A propos des anciens moulins des Fonds de Leffe, dans Le Guetteur Wallon,
1986, n° 4, pp. 77-81 et Monsieur Claudy Burnay pour le plan dont nous ne publions qu’une partie.
Monsieur Burnay prépare une étude des 22 moulins de la vallée de la Leffe.
50
Roue du “moulin Seigneur Jehan” ou “Al Tour” ou “Capelle”
La vallée du Fond de Leffe et sa vingtaine de moulins – au premier plan "Moulin d'Abrichamps"
ou "Daubrichamps" ou "Brulé" et "La grande Papeterie". (la Rochette)
Collection Wybertus pour les deux cartes postales
51
Où se trouvait la brasserie de l’abbaye de Leffe ?
Bien que le document de 1231 mentionne une partie d’une brasserie à Saint-Médard sur
l’autre rive de la Meuse, bien vite, si pas immédiatement l’abbaye fit construire un
moulin-brasserie dans son enceinte au lieu-dit « Grand Moulin » attesté dans les
archives en 1240 dans la partie « profane » de Leffe composée de la grange, de la ferme
et même d’une forge. C’est cette partie de l’abbaye qui existe encore de nos jours et
qui constitue la nouvelle abbaye de Leffe (l’église est située dans l’ancienne grange
abbatiale). En effet, lors de la vente et de la disparition de l’abbaye à la Révolution,
seuls les bâtiments « utilitaires » furent conservés. Bien vite, dès l’An V (1797), la
nouvelle et magnifique église fut saccagée et transformée en diverses usines
(verreries, papeteries, magasin de denrées…) tandis que le quartier abbatial était
morcelé en une série d’habitations pour les ouvriers de la grande manufacture de tissus
qui existait en face de l’abbaye.
La grande manufacture de tissus et l’abbaye de Leffe avant 1914 – on distingue la quadrilatère de ce qui
reste de l’abbaye après la Révolution et l’Industrialisation du XIXème siècle. Collection Wybertus©
52
L’emplacement de la Brasserie de Leffe
Tous les documents sont clairs : la Brasserie donnait sur le « Grand Pré » de l’abbaye
(le testament du Maitre-Brasseur Norbert Martin en 1654 est explicite). Il ne faut pas
oublier que la Leffe était une véritable rivière avec une vingtaine de moulins dont le
dernier cessa ses activités en 1940. Depuis que la Commune de Spontin captait son eau
potable dans les sources de la Leffe, en 1890, celle-ci était devenue un simple ruisseau
(communication de Pascal Saint-Amand).
L’abbaye de Leffe classée le 1er février 1937. La Brasserie pouvait être l’une des maisons accolées à la
grange devenue église abbatiale ? (dossier 1034-CLT-0003-01 de la Région Wallon ne) + Vue
aérienne de l’abbaye et des Fonds de Leffe avec les ruines de la Manufacture et l’écluse
de Leffe où se trouvait le Pont au Moyen Age - Google Earth ©
53
Carte de Vander Maelen (IGN©) vers 1850 ; on distingue les iles de Leffe et de
Bouvignes et l’abbaye dans son entièreté (l’église abbatiale sera abattue à la fin du
XIXème siècle). A l’emplacement du Grand Pré et de la Brasserie se trouve une
Scierie de Marbre (dossier de la Région Wallonne déjà cité).
Détail de la carte de Ferraris en 1777 ; on distingue une partie des iles de Bouvignes et de Leffe, la
carrière de Marbre et le grand bâtiment devant l’abbaye mais en faisant partie (la Brasserie ?) + le
moulin abbatial et la houblonnière ( ?) sur les côteaux (KBR ©, Ferraris, planche « Dinant », n° 118 –
extrait pour la partie de Leffe)
54
Une nouvelle étude sur Leffe 1240
Nous avons pu trouver et étudier une fort intéressante étude du Professeur émérite
de la K.U.L., Léon Van Buyten, sur la Brasserie de Leffe qui semble avoir échappé aux
chercheurs jusqu’à présent. En annexe 3, il nous donne la carte de l’abbaye juste avant
la Révolution (1796) :
Il est vrai que le bâtiment en « D » est bel et bien la bibliothèque et non la brasserie
et que l’abbaye a détourné la Leffe pour ses besoins matériels (eau potable et eau pour
la brasserie) mais le bâtiment « E » n’est certainement pas la prolongation de la
bibliothèque ! Il est trop en-dehors du cloitre et sans doute employé à des fins profanes
pour le moulin voisin (voir gravure en p. 41).
A part quelques erreurs de disposition comme l’ilot de Leffe qui est plus au Sud ; le
Professeur Van Buyten situe la brasserie DANS l’abbaye ce qui est exact mais à la fin
du XVIIIème siècle quand les Pères durent brasser personnellement la Leffe, les
« profanes » ne pouvant plus travailler pour ces « tyrans du peuple » qui répandaient
l’aide, la charité et l’apostolat !
55
Malheureusement le grand bâtiment que l’on voit sur la carte de Ferraris n’existe plus
alors qu’il était « intra-muros » de l’abbaye…
Néanmoins cette étude est intéressante car elle voit d’un jour nouveau avec des
documents inédits le fonctionnement et les origines de la Leffe. Prenons le temps de
l’analyser car elle concerne directement les origines de la Brasserie.
La première question qui se pose est la suivante : le bâtiment qui a servi d’école libre
était-il la bibliothèque ? Une analyse du bâtiment fait pencher pour la négative. Nous
verrons à la page suivante que cet édifice est en-dehors du cloître et ne présente
aucune fenêtre vers le sud ce qui entraîne un manque certain de lumière, élément
indispensable pour une bibliothèque ! Actuellement d’ailleurs, il y a un vide entre l’abbaye
actuelle et ce que l’on s’évertue à appeler la bibliothèque alors que c’était une partie
profane hors des bâtiments religieux sert d’annexe au Moulin abbatial.
Pourquoi 1240 ? Tout simplement parce que Saint-Médart était en terre namuroise et
qu’il fallait rapatrier la bière dont Leffe avait une part de brassine par le Pont de Leffe
mais celui-ci était également namurois et la bière sujette à diverses taxes dont on
trouve des traces jusqu’en 1231. L’abbaye rapatrie sa production au sein de l’abbaye
comme le stipulent les préceptes cisterciens ou prémontrés de l’autarcie et produit une
bière pour son usage personnel, sa « familia » et le succès aidant la brasserie s’agrandit
de plus en plus et les Maîtres-Brasseurs étaient des laïcs très respectés car ils étaient
enterrés dans l’abbatiale de Leffe de père en fils. Le testament de Norbert Martin est
explicite. L’abbaye a canalisé la Leffe pour son usage domestique et brassicole. La
brassine des temps anciens est devenue une belle brasserie « ample et commodieuse »
qui fera bien des jaloux et sera la cible des sans-culottes venus de Givet en 1794 pillant,
brûlant et volant les archives, la bibliothèque et tout ce qui avait de la valeur sans
oublier de démolir la brasserie comme nous le verrons.
Les lois républicaines iniques pour notre pays multiplièrent les vexations à l’encontre de
l’abbaye dont la Communauté tenta de rester soudée jusqu’à la fin, brassant elle-même
jusqu’au dernier brassin. Des siècles d’accueil, d’hospitalité, d’apostolat et d’altruisme
furent balayés en ces temps troubles. L’abbaye allait rentrer en léthargie perdant des
morceaux et des pans entiers de sa splendeur au gré des industries qui la transforment
pour finir en maisons ouvrières pour les Filatures avant l’arrivée des chanoines de
Frigolet.
56
Et si la réponse était simplement sur la gravure de SAUMERY (1740) ?
Il s’agit de l’unique et bien connue gravure de l’abbaye ND de Leffe en 1740. Elle mérite
d’être mieux analysée :
-
C’est bien la bibliothèque que l’on voit vis-à-vis de l’église abbatiale ce qui remet
en question la carte précédente car le bâtiment à côté du moulin est d’utilisation
profane (absence de fenêtres, se trouve hors du cloître…) ;
-
La brasserie serait bien visible si l’on fait attention à un détail à gauche de la
bibliothèque : une construction puise de l’eau directement dans la Leffe (voir ce
détail) = la brasserie ? Plus loin, le moulin fournit les grains…
-
57
Moulin pour écraser les grains en Savoie
http://www.musee-moutiers.fr/pages/du-grain.html
Ce n’est pas sans rappeler le « Grand Moulin » de l’abbaye que l’on voit sur la gravure de
Saumery :
Archives de l’abbaye de Leffe
La Houblonnière sur les côteaux à droite en arrière-plan
58
Dessin en 3D d’un Moulin hydraulique au Moyen Age
123RF© (libre de droits)
La similitude avec le moulin de l’abbaye est flagrante ! Tandis qu’un cliché
photographique de 1908 nous montre la « bibliothèque » bien mal nommée.
Source : http://www.histoiredeleffe.be/lapetiteecoledessoeurs3.html
La légende indique que c’est l’Ecole des Sœurs à laquelle a succédé l’Ecole libre de
Leffe avant d’être récemment rachetée par l’abbaye. Outre le fait que les fenêtres
sont orientées plein Nord, le rez-de-chaussée dénommé le « préau des chanoines »
semble peu propice à la lecture et à un « scriptorium » médiéval…
59
La photographie suivante tirée du même site (tous nos remerciements à Monsieur
Claudy Burnay, véritable « mémoire » de Leffe) est assez éloquente :
On y voit l’abbaye (partie profane de l’Ancien Régime), les maisons occupant le site de l’ancienne
abbatiale à l’avant-plan, l’Ecole des Sœurs avec ses arcades, une partie de l’ancienne bibliothèque à sa
droite et un bâtiment qui pourrait être le moulin abbatial ou plutôt le site rasé à gauche. En effet, ce
cliché daté de 1933 est à comparer avec celui de 1908 et également avec le rapport de S.O.S. Fouilles
que nous mettons en annexe. Le bâtiment serait une annexe construite après la Grande Guerre…
Photographie de 1919 où l’on voit bien les arcades du bâtiment – Source : idem.
60
Les archives de la tradition brassicole
Suite au « Sac de Dinant » et la destruction de la Ville par les troupes bourguignonnes
de Charles le Téméraire en 1466, les archives sont rares pour l’abbaye de Leffe qui eut
le malheur de servir de Quartier-Général pour les Bourguignons qui traversèrent
facilement la Meuse non en face de la Collégiale et des puissantes murailles de Dinant
mais du côté de Leffe où les défenses étaient les plus faibles. En apercevant les
Bourguignons, les Dinantais tentent une sortie en force par la porte Saint-André vers
l'abbaye de Leffe. Submergés, ils sont contraints de battre en retraite. Dans la
confusion, les faubourgs nord sont envahis. La ville est soumise à un bombardement
intense. Démolissant la Tour jouxtant l’abbaye, les troupes bourguignonnes déferlent
dans la Ville, l’incendiant après l’avoir pillée et détruit les bâtiments : du sel et du fer
furent semés sur les ruines pour empêcher Dinant de se relever de ce désastre.
L’abbaye fut pillée, la brasserie dévastée après que les soldats aient englouti la bière
et les religieux emprisonnés et rançonnés pendant 6 mois ! Source : DARIS (J.),
Histoire du diocèse et de la principauté de Liège pendant le XVe siècle,
Liège, Edition Demarteau, 1887, pp. 397 et suiv.
Le « sac de Dinant » et la destruction de la Ville en 1466
Gravure à l’Hôtel de Ville de Dinant issue d’une publicité du XXème siècle
61
L’abbaye mit des dizaines d’années pour se relever empoisonnée par une multitude de
procès car n’ayant plus les titres de propriétés (les archives ayant été brûlées en
grande partie), les seigneurs locaux s’empressèrent de lui contester ses biens !
Terre liégeoise mais entourée par le Comté de Namur, Leffe eut à subir toutes les
guerres et fut souvent rançonnée par les soldats, mal payés, qui se « payaient sur le
pays » comme des sauterelles ! Nous avons un cas concret en 1644.
Les doléances d’un fermier de l’abbaye pendant la Guerre de
Trente Ans en 1644.
En 1644, le censier (fermier locataire) d‘Awagne, l’une des principales propriétés de
l’abbaye de Leffe, sur le territoire de Loyers-Lisogne, alors de la mairie de Houx, fut
prié par le mayeur de Bouvignes de lui faire connaître tous les dommages de guerre qu’il
avait eus à subir. On était en plein dans la Guerre de trente Ans qui ne se termina que
4 ans plus tard par la Paix de Munster. La région était infestée de mercenaires français
et hollandais qui de payaient en rançonnant les paysans, leur solde n’arrivant quasiment
jamais. Il semble que le censier d’Awagne n’était pas capable d’écrire car ce fut le
proviseur de l’abbaye, le Père Philippe Patenier, qui rédigea le récit des dégâts subis :
-
-
-
-
Le 7 janvier 1643 ce fut d’abord un convoi de soldats venant de Marche-les-Dames qui
coûta 12 patacons (l’équivalent d’un écu) au fermier.
Le 19 janvier de la même année, des soldats « conduisant le corps de la Reine-Mère à
Dinant » obligèrent le censier à en loger neuf chez lui. Outre les embarras qu’ils avaient
causés, il eut encore à débourser 8 patacons et à leur livrer 4 setiers (environ 35 litres)
d’avoine pour leurs chevaux. La Reine-Mère était Marie de Médicis.
Le 8 juillet, 3 sole Beez furent logés à la cense d’Awagne y provocant une dépense de
4 patacons pour le fermier. Inutile de dire que ces soldats faisaient ripaille et buvaient
sans payer la bière de Leffe que possédait le fermier !
Le 7 août, les malheurs du fermier n’étaient pas finis : c’est un convoi entier qui
s’installa chez lui ! Beuveries et destructions à la clé !
En 1644, 6 soldats à cheval débarquèrent à la cense et exigèrent avant de se coucher
du jambon, de la chair salée et 30 chopes de bière (1/2 litre). Le lendemain, ils
expulsèrent tous les habitants de la ferme pour continuer leur bombance ! Le Jeudi
saint, une troupe de militaires arriva à la pauvre cense en exigeant à boire pour leurs
chevaux d’abord puis pour eux, la bière de Leffe fut encore engloutie par ces soudards !
Le 10 mai, 3 soldats à cheval se présentèrent avec un ordre de réquisition après avoir
logé à Loyers d’où ils partirent contre un demi-patacon. Ensuite, ils débarquèrent à la
cense d’Awagne en y causant maints dégâts et en buvant tellement de bière que la
famille du fermier dut se contenter d’eau. Le Comte d‘Isembourg, gouverneur militaire,
avait fourni une sauvegarde au pauvre censier et le comte de Montecuculli avait mis
62
en faction un soldat à la cense mais qui fut abattu d’un coup de carabine par ses
compagnons en chemin !
Pour tous ses malheurs, le censier demanda l’aide de l’abbaye et le remboursement des
barriques de bière démolies ou englouties par la soldatesque afin de remettre sa ferme
en état ! Archives de l’Etat à Namur, Archives ecclésiastiques de Leffe, n° 3349
La
Ferme d’Awagne rue Saint-Quentin vers 1930 – cliché IRPA n° E7561
Cette belle ferme en carré tout en moellons de calcaire et pierre bleue s'appelait "Li Grand Cense" et
appartenait à l'Abbaye de Leffe. Le bâtiment actuel, construit aux XVIIIe et XIXe siècles pour
l'essentiel, présente quelques restes du siècle précédent. Vendue comme bien national en 1796, on sait
que la ferme couvrait 119 Ha. Rachetée par 3 religieux de l'abbaye, la ferme fut ensuite divisée entre le
séminaire de Tournai et le bureau de bienfaisance de Monceau-sur-Sambre qui sont toujours
propriétaires de 2/3 des parcelles.
63
Un document exceptionnel : le testament du Maître-Brasseur de Leffe,
« l’honete homme » Norbert Martin du 22 septembre 1654.
64
Copie authentique du notaire Dargent au XVIIIème siècle d’après le document se
trouvant dans les archives de l’abbaye de Leffe – original aux Archives de l’Etat à
Namur, Notaire de Frahan, n° 108.
65
Le document
Le notaire Jean de Frahan recueille les dernières volontés de Norbert Martin, MaîtreBrasseur de Leffe sur son lit de mort, en présence de sa femme Catherine de Wespin,
le 22 septembre 1654. En 2 folios, Norbert Martin recommande son âme à Dieu et son
saint Patron Norbert et non saint Arnould. C’est donc un Laïc de l’abbaye. Le MaîtreBrasseur est une personne riche et répartit ses biens en faisant une série d’aumônes.
Signe de son importance, il sera inhumé auprès de ses parents dans l’église abbatiale
de Leffe ! L’acte est signé par les témoins, le médecin Jean Cheniaux et Maître Louis
Orban, chirurgien, bourgeois de Dinant avec la signature de sa femme et la marque du
mourant. La présence du « chirurgien » doit être prise dans le sens d’un « médecin »
pratiquant « la saignée » sur le malade pour faire évacuer les « mauvais esprits » ce qui
avait surtout comme conséquence d’achever le malade plutôt que de le guérir ! Il n’est
pas spécifié de quoi souffre Norbert Martin mais il est bien stipulé qu’il est lucide. A
noter que la fonction de Maître-Brasseur est héréditaire comme beaucoup de charges
sous l’Ancien Régime, ce qui signifie que l’abbaye la remettra aux héritiers. Néanmoins,
à la lecture de ce testament, on constate l’étendue de la richesse du Brasseur tant en
biens meubles, immeubles que numéraires. Le tout est acté par Jean de Frahan, notaire
impérial admis au Conseil de Namur.
La saignée sur un malade – gravure du XVIIIème siècle
66
Transcription du document
1654
Cejourdhui vingt deuxieme de Septembre an 1654 pardevant moÿ notaire soubsigné presents
les temoins embas denommés personellement constitué honete homme Norbert Martin etant
au lit malade et au consentement de catherine de Wespin sa femme, at déclaré davoir fait et
ordonnez son testament et act de volonté derniere en la forme que sensuit.
Premierement apres avoir recommandé son ame a dieu son createur lors quelle sera a partir
de ce monde, et a son bon patron St Norbert et elu le lieu de sa sepulture en l’église notre
dame de Leffe aupres de ses feu père et mere, la ou il a fondé son anniversaire et messe
annuelle a diacre et sousdiacre a chanter en laditte eglise par les religieux 8 flo(rin)s qui
seront affectés sur le maison et brassine qui luÿ appartiennent derrierre le grand moulin dudit
Leffe : afin etre prié dieu pour son ame de ses feu père et mere et parens decedés.
Item laisse aux pauvres de la paroisse St George audit leffe six fl(orin)s de rente quil a affecté
sur la maison que possede pierre baré cordonnier en la paroisse St pierre fauxbourg de
dinant au contenu des lettres pour etre distribué aux susdits pauvres chaque an le jour de
noel par le R(évéren)d Curé et mambours de laditte eglise.
Item encor laisse au Curé de laditte eglise trois fl(orin)s de rente a perpetuité pour fondation
d’un anniversaire a chanter chaque an au lendemain St Laurent affectés sur la maison et
jardins quils ont acquis des pierre piotte fiduce ( ?) audit Leffe a Lintention et Soulagement de
son ame et de ses feu pere et mere
Plus laisse pour confirmation de sondit present testament a la fabrique St lambert un quart
de patacon et autant a celle de ses paroisse une fois a paÿer.
Item veut etre donné a la fille pierre piotte sa femme la somme de cent fl(orin)s une fois et un
jazrand ( ?) dargent qui procede de sa mere
Item veut et ordonne lorsque nicolas martin son neveu prendre etat de mariage avec la ditte
catherine sa femme aÿe a lui (barré dans le texte) donner la somme de douze cent fl(orin)s
b(ra)bants comptans.
Plus avoir laissé à damonde (desmonde ?) et marguerite mortier, ses nieces chacune une
somme de cent fl(orin)s une fois aussi a paÿer apres son deces.
Voulant et entendant que laditte catherine sa femme soit dame et maitresse absolue sa vie
durante de tous et quelconques ses biens meubles immeubles qui seront trouvés en etre au
jour de son trepas dudit testateur avec pouvoir neanmoins de disposer a son plaisir de la
moitié de sesdits biens en laissant lautre moitié audit nicolas son neveu en tout ce qui sera
trouvé apres le decès de laditte catherine tant desdits meubles que immeubles que justifiant
pour laditte moitie dez maintenant pour lors heritier, alencontre de laditte Catherine sa femme
voir et a condition que ledit nicolas et lesdittes damonde et marguerite martin, ne pensent
67
molester laditte catherine Sa femme pour aucune pretentions sur la succession de leurs feu
père et mere grand père et grand mere ou de Leurs freres et sœurs que ledit norbert testateur
pouvoir avoir administré et gouverné.
Condition de plus quarrivant la mort dudit nicolas martin son neveu sans hoirs legitimes que
la moitié des biens cÿ dessus luÿ Laissé droit et actions en descendant suivront et
retourneront aux susdittes damonde et marguerite martin ses sœurs et leurs representans.
Ainsÿ fait ordonné et testaté en la maison neuve dudit testateur située a Leffe franchise de
dinant en une chambre par terre joignante au jardin en presence du Sieur jean cheniaux
docteur en Medecine et m(aît)re Louÿs orban chirurgien bourgeois dudit dinant tesmoins qui
ont avec ledit testateur et catherine sa femme soubsigné avec moÿ : Ainsÿ etoit la minutte
originalle apposé La marque norbert martin, signé catherine Wespin, Sr cheniaux, Louÿs
Urban et moÿ No(tai)re qui atteste la presente copie ÿ concorde ff.
Jean de frahan No(tai)re Im(peria)le et admis au Conseil de Namur p ann(o) 1654.
J’ai collationné la presente a une copie authentique reposante au monastere de Leffe et L’ai
trouvé conforme ce que j’atteste G. Dargent notaire.
Ce document est essentiel car il prouve que la brasserie de Leffe est partie intégrante
de l’abbaye. Le Maître-Brasseur fait partie de la Communauté même s’il n’est pas
religieux. Il n’est pas fait mention de location ou de redevance et 2 éléments sont à
relever : la brasserie doit rester dans la famille (souvenir de la « Familia » du Moyen
Age) et son testament est conservé dans les archives de l’abbaye. La brasserie est
florissante ; elle est située derrière le grand moulin appartenant au Comte de Lannoy
(rachetée par l’abbaye en 1783) et donne sur le « grand jardin ».
Il fonde un anniversaire qui sera célébré par une messe annuelle chantée par les
religieux de Leffe. Nous avons un document prouvant que les Pères de Leffe confiaient
leur brasserie à un Maître-Brasseur pour se consacrer à leurs missions religieuses et
apostoliques. Seul le Proviseur supervisait les activités de la brasserie et gardait les
secrets de fabrication d’une bière dont le secret est resté dans la mémoire des artisans
qui se sont succédé au cours des siècles. Certains documents trahissent une activité
plus fébrile de la brasserie mais le secret de la Leffe est bien gardé et transmis aux
meilleurs Maîtres-Brasseurs d’INBEV, mélange de traditions séculaires et de savoirfaire moderne.
68
Mandement de l’abbé Pierre Lefèvre pour le Carême 1681
Archives de l’abbaye de Leffe
Le document
Le Père-Abbé Pierre Lefèvre agit en sa qualité d’archidiacre pour rappeler aux
paroissiens de Saint-Georges de Leffe la bonne conduite et le respect du Carême et de
l’obligation d’aller aux offices religieux et non de boire de la bière (de Leffe) dans les
cabarets des environs ; il est rappelé les peines et amendes prévues.
69
Reproduction d’une gravure de 1696 faite en 1950 – collection de l’auteur
Extrait avec le « monastère de Leffe » et le début de l’île de Leffe – collection de l’auteur
Les
fortifications de la Ville s’arrête aux faubourgs le long de l’abbaye et la Leffe est voûtée jusqu’à son
embouchure dans la Meuse. A l’avant-plan, un des moulins de Leffe. Saint-Médart en face.
70
Sur ce plan de Dinant et ses fortifications construites par Vauban (Louis XIV), on voit
clairement que l’abbaye de Leffe est en dehors du système défensif de la Ville et un
point faible car les troupes ennemies pouvaient traverser la Meuse grâce à l’île de Leffe
et son gué. Extrait de www.dinant.be
Ce gué n’échappa pas à un colonel qui allait devenir célèbre comme Feld-Maréchal du
IIIème Reich, Erwin Rommel, qui fit traverser ces panzers par Leffe le 13 mai 1940
tandis que les Panzergrenadiers envahissaient les Fonds de Leffe grâce à l’écluse pour
contourner les troupes françaises postées dans Dinant !
71
Détail de la carte avec le Quartier de Leffe, l’abbaye et l’île de Bouvignes. Source :
SAINT-AMAND (P.), Dinant, ville imprenable ou stratégiquement négligeable? dans
Vauban entre Sambre et Meuse, 1707-2007, Namur, Editions les Amis de la Citadelle
de Namur, 2007, 112 p. – avec l’aimable autorisation de Pascal Saint-Amand de la Ville
de Dinant (cellule Patrimoine). On voit clairement la dérivation de la Leffe vers la
Brasserie et les utilisations diverses pour la vie de l’abbaye. Le plan serait postérieur à
l’occupation française de Dinant d’après Pascal Saint-Amand. La partie profane est bien
distincte de la partie sacrée qui, malheureusement, a disparu en grande partie comme
l’église abbatiale.
72
1735 - d’encombrants visiteurs :
des Hussards dans l’abbaye ND de Leffe
AEN, Archives ecclésiastiques de Leffe, n° 3349
73
74
75
76
Les Hussards étaient d’origine hongroise ou allemande et avaient une terrible
réputation tant sur les champs de bataille que parmi la population civile et étaient assez
peu disciplinés et respectueux sauf de leurs chefs qu’ils suivaient jusqu’en enfer ! Dans
ce document, ce n’est pas moins d’une centaine de hussards qui ont « logé » dans l’abbaye
avec armes et bagages en buvant la bière de Leffe et démolissant les barriques qu’ils
ne pouvaient vider !
77
Le Père-Abbé eut beau se plaindre aux autorités de la Ville de Dinant et d’énumérer les
frais, dépenses et dégâts occasionnés afin d’être remboursé, rien n’y fit ! Les Autorités
étaient trop heureuses de s’en tirer à si bon compte aux dépens de l’abbaye !
Tout fut objet de rapines et pillages ! Les assiettes en étain, les objets du culte, le foin
pour les chevaux, la bière pour enivrer la soldatesque… quand les religieux n’ouvraient
pas assez vite les portes de l’abbaye, les hussards n’hésitaient pas à démolir les portes !
Le Père-Abbé eut beau protester auprès de leur capitaine, en vain !
L’abbaye s’en tira encore relativement bien car ces farouches soldats auraient pu
mettre le feu à l’abbaye sans aucune vergogne ni le moindre respect pour les lieux saints.
Inutile de dire que la Ville de Dinant ne remboursa jamais ces frais et dommages.
Leffe était victime de son succès et de sa bonne gouvernance qui lui assurait une
relative aisance. L’abbatiale venait d’être reconstruite, les bâtiments remis à neuf, la
brasserie agrandie et modernisée ce qui entraînait une certaine jalousie qui ne cessa
qu’à la suppression de l’abbaye malgré les efforts de la Communauté des Pères de Leffe
de sauvegarder leur abbaye mais les temps anciens étaient révolus et la Révolution
française importée dans nos contrées par les troupes de la République allait balayer des
siècles de tradition.
Pourtant les religieux ne baissèrent jamais les bras, reconstruisant inlassablement ce
qui avait été jeté à terre. Jusqu’aux derniers temps de l’abbaye, les Pères de Leffe
continuèrent leur œuvre pastorale et leur action d’altruisme aidant les plus démunis,
soutenant les déshérités même quand tout semblait irrémédiablement fini.
Nous allons voir cette volonté déterminée contre vents et marées jusqu’aux derniers
jours de l’abbaye quand les Pères remirent en état la Brasserie en 1795 jusqu’à la
suppression de l’abbaye en 1796 et firent les brassins eux-mêmes, leur Maître-Brasseur
ayant été interdit de continuer à travailler pour la « ci-devant » abbaye, symbole
détesté de l’Ancien Régime et des « coutumes féodales » exploitant le peuple alors que
Leffe se contentait du strict minimum pour venir en aide aux pauvres et aux déshérités !
78
79
80
Archives de l’Etat à Namur, Archives ecclésiastiques de Leffe, n° 3349
81
L’abbaye et la brasserie de Leffe rançonnées en 1747
82
“Nous, bourguemaitre et magistrat de la ville de Dinant pour satisfaire aux demandes nous
faites des rations de part de SAR Le Duc de Cumberland et ensuite des recès unanimes des
trois corps composant la généralité de cette ville en datte du trois du courant par quoi ils
consentent à la levée de la somme qu’il sera nécessaire pour fournir aux dittes demandes,
avons député, comme par les présentes nous députons, Monsieur André de Halloy ancien
bourguemestre de cette ville à effet de prendre au moindre intérest que faire se pourra la
somme de dix mille florins bbant (Brabant)Liège du Seigneur abbé du Monastère de Leffe,
authorisant ledit Sieur constitué de passer tout acte de constitution de rente à cet égard et
d’obliger à cet effet tant nos impôts ordinaires qu’extraordinaires que nos personnes et
généralités et spécialité de tous nos biens de toute nature et situation solidairement les uns
pour les autres et un seul pour le tout”.
Le prêt fut consenti. “Nous bourguemaitre et magistrat authorisé des trois corps composant
la généralité de cette ville ... avons reçu aujourd’hui du Révérendissime abbé du Monastère
de Leffe la somme de dix mille florins bbant Liège promettant de luy en passer acte à sa
première réquisition et volonté, fait à Dinant le 18 septembre 1747”
La « chétive somme » (10.000 florins !) était « prêtée » par l’abbaye de Leffe bien
malgré elle alors qu’elle finissait les travaux de sa nouvelle abbatiale et
l’agrandissement de la brasserie dont elle fut forcée de vendre nombre de tonneaux de
bière selon « l’usage » de l’époque. L’Abbé Augustin Lambrecht 1743- + 1747 ne survécut
pas à cet hold-up et son successeur Perpête Guissart, 1748 - +1759, n’eut pas plus de
chance de voir cet argent remboursé à Leffe !
Il est vrai que le duc de Cumberland, surnommé le « boucher de Culloden » suite à la
victoire qu’il avait remportée en Angleterre et le massacre des prisonniers avait des
« arguments » persuasifs pour rançonner la Ville : des escadrons de cavalerie et des
troupes prêtes à piller Dinant.
Les Bourgmestre et Echevins de Dinant mirent à contribution la malheureuse abbaye
ND de Leffe qui continuait à payer cette somme en 1768 « oubliée » par la Ville pour
son remboursement !
Source : http://www.genedinant.be
83
L’usage ou la façon de fixer le prix de la bière dans
l’ancienne principauté de Liège dont Leffe faisait partie.
Pour établir la densité et la qualité de la bière, une seule solution, à la fois simple et
amusante, était pratiquée depuis le Moyen Age jusqu’à la Révolution : "le système de la
bière sur le banc". Après avoir constaté sa saveur, sa couleur, les « rewards » (juges)
répandaient le reste de leur chope sur le banc et s'asseyaient dessus.
Après une heure de patience, ils se levaient. Si leur culotte restait collée au banc, c'est
qu'elle était bonne.
Dans le cas contraire, c'est qu'elle n'en valait pas la peine. C'est de cette façon à cette
époque que le prix de la bière était déterminé.
Illustration des « rewards » pour fixer le prix de la bière – Gravure de la Bibliothèque
de l’Université de Liège (ULg)
Les brasseurs de la principauté de Liège ne tardèrent pas à se grouper pour former des
guildes (associations). A Leffe, le Maître-Brasseur appartenait à la guilde de Dinant
tout en restant sous le contrôle de l’abbaye.
Celle de Liège vit (1357) le jour. L'industrie brassicole a connu (vers le XIVème siècle)
un formidable essor dans nos contrées à tel point que la consommation de bière a atteint
la moyenne de 500 litres par personne et par an !
84
Intérieur d’une brasserie dans une abbaye médiévale - © Y. Plateau – Casterman. Tous comme les
Cisterciens, les Prémontrés fondaient leurs abbayes dans des vallées près d’un point d’eau ou d’une
rivière (le Thyle pour Villers, la Leffe pour Leffe) - (avec l’aimable autorisation de Michel Dubuisson©)
85
Moulin-brasserie de Floreffe (1250) identique à celui de Leffe (1240-1809)
86
Les dernières années de l’ancienne abbaye de Leffe
Extrait de la carte de Ferraris de Dinant – KBR©, feuille n° 118 (1777)
Ce document est très important et précis car les cartes du Général-Comte de Ferraris
des Pays-Bas autrichiens étaient des cartes détaillées devant servir pour les militaires.
De gauche à droite :
- La grande île de Bouvignes ;
- La petite île de Leffe ;
- La ligne mauve est la limite entre le Comté de Namur (Pays-Bas autrichiens) et la
Principauté de Liège à laquelle appartenait Leffe ;
- Le bâtiment avec la croix est l’église actuelle de Saint-Georges desservie par un
chanoine de Leffe ;
- La ligne sombre symbolise la colline et l’on voit le trou de la carrière qui est
délimitée par la rivière de la Leffe et le moulin de l’abbaye ;
- On voit l’importante abbatiale de Leffe rasée pendant la Révolution et son
industrialisation au XIXème siècle ;
- Sur les côteaux en face de l’abbaye, les vignobles à gauche et l’importante
houblonnière à droite ;
- Le n° 58 est l’actuelle Place de l’abbaye et à sa gauche ce que l’on appelait « le
grand jardin » de l’abbaye, futur emplacement de la grande manufacture de
tissus incendiée en 1914 ;
- L’abbaye actuelle est la petite partie du quadrilatère à gauche.
87
La gestion de la Brasserie avant la fin de l’abbaye en 1796
Malgré la tourmente qui approchait, l’abbaye de Leffe investit pour moderniser et
agrandir sa brasserie : réparation de la serrure mise à mal par la soldatesque, remise
en peinture, réparation du toît, modernisation des cuves… Dans un registre, le Proviseur
notait scrupuleusement la consommation de la bière. Nous avons retrouvé ce document
aux Archives de l’Etat à Namur.
Déjà, avant ce document de 1783 à 1793, le Proviseur notait tout aussi soigneusement
les dépenses nécessaires. Le 22 mai 1767, il note l’achat de 9 s(e)tiers (environ 9 M³)
de bois pour faire de la bière ce qui se traduit par un brassin spécial pour une grande
occasion ; la consommation habituelle étant de 3 s(e)tiers par brassin :
AEN, Archives ecclésiastiques de Leffe, n° 3349
88
La consommation de la bière dans l’abbaye de 1781 à 1791
AEN, Archives ecclésiastiques de Leffe, n° 3349
89
Réparations et entretien de la Brasserie de l’abbaye
AEN, Archives ecclésiastiques de Leffe, n° 3349
90
- La fin de l’abbaye et son état de lieux en 1794
91
Archives de l’abbaye de Leffe
-
Au point 12, nous lisons : « Une brassine, la chaudière, deux cuves avec tous les
autres cuvelaeaux et atribus a cette brassine emportee et le fourneau demolis tous les
grilles en fer emportes le refroidissoire par terre lededans etoit en plomb et et raporter
dans les articles les plombs des toits ÿ joins un pressoire demontes les sommiers
demolis et emportes par parties », le tout estimé à la somme de 3.000 florins de
dégâts !
92
On aurait pu croire que les Pères de Leffe allaient quitter leur abbaye dévastée
mais ils se mirent au travail, le Maître-Brasseur Wauthier ayant abandonné la
brasserie, les religieux la reconstruisirent et décidèrent de s’en occuper euxmêmes comme l’attestent la mise en vente de l’abbaye et sa fin définitive le 1er
septembre 1796. Après la séquestration des cloches de l’abbaye, Leffe dut se
justifier auprès des Républicains pour la moindre dépense tandis que ses
fermiers commencèrent à refuser de payer leurs fermages à ces « tyrans de la
Patrie ». Heureusement, la majeure partie de la population de Leffe continua à
aider l’abbaye. Les archives de l’Etat à Namur conservent un document étonnant
qui constitue en un registre reprenant chaque dépense du 1er septembre 1795 au
1er septembre 1796, poste par poste avec justificatif ! Le moindre achat était
sévèrement contrôlé jusqu’à la consommation de beurre, de viande, de vin ou
même de bière ! Bien entendu, les 3.000 florins de dégâts estimés en 1794 par
les « commissaires du peuple » de Dinant pour la brasserie ne furent jamais
payés.
La Loi républicaine du 1er septembre 1796 décidant de la suppression des abbayes
et autres communautés religieuses mit fin à près de 8 siècles de traditions
contre l’avis des religieux et de la population. Il est bon de rappeler que les
Français de la nouvelle république ne venaient pas pour « délivrer » nos contrées
mais bien pour envahir les Pays-Bas autrichiens et la Principauté épiscopale de
Liège et que ses troupes se considéraient en territoire conquis redevable et
corvéable à merci, imposé par des « contributions volontaires » de guerre.
La communauté de Leffe se trouvait devant un cruel dilemme : abandonner
l’abbaye ou essayer de la sauver en attendant des jours meilleurs ? Exemple rare,
les Pères de Leffe acceptèrent les « Bons » des « Domaines nationaux » pour
racheter leur propre abbaye ! L’ancien Père-Abbé Gérard racheta son abbaye
pour 15.500 florins comprenant ses bâtiments, ses dépendances, ses jardins et
cultures le 19 Messidor An VI (7 juillet 1798).
Il fallut vendre tout le reste : les fermes, les bois, les champs, les maisons… la
brasserie put être gardée jusqu’en 1809 où elle dut également être vendue. Les
« temps meilleurs » ne revinrent jamais et l’Ancien Régime appartenait bel et
bien au passé révolu à jamais… En 1812, l’Abbé Gérard légua par testament
l’abbaye à sa nièce, Angéline Bussy, épouse Tournay. A sa mort, en 1813, sa nièce
s’empresse de revendre les bâtiments pour l’installation d’une verrerie, c’est la
fin de l’abbaye de Leffe… (Source : NICOLAÏ Alexis, Notre-Dame de Leffe: une
abbaye prémontrée en Pays Mosan, Dinant, Bourdeaux-Capelle, 1987, 46 p.).
93
La recette de la bière de Leffe en 1795
AEN, Archives ecclésiastiques de Leffe, n° 3353
94
Le document
Depuis la fuite du dernier Prince-Evêque de Liège, François-Antoine-Marie de Méan le
20 juillet 1794, suite à la défaite des armées impériales à la Bataille de Fleurus le 26
juin, la Principauté était occupée par les troupes républicaines qui, loin d’apporter la
« Liberté » et « l’Indépendance » aux « victimes des tyrans » considérèrent les PaysBas autrichiens et la Principauté de Liège comme territoires conquis. Le
1er octobre 1795 a lieu la réunion effective de la Principauté de Liège à la République
française suite au simulacre de « vote populaire » émis le 17 février 1793 auquel
participaient les citoyens liégeois âgés de 18 ans et plus. Les abbayes et maisons
religieuses tombèrent sous les lois de la République qui n’y voyait qu’une source de
revenus, d’impôts et de taxations de toute nature jusqu’à leur suppression et leur
vente le 1er septembre 1796.
L’abbaye de Leffe n’échappa pas à ce hold-up financier et dut justifier chacune de ses
dépenses au nouveau pouvoir.
Ce document nous indique comment Leffe brassait sa bière en devant énumérer
chaque détail ce qui nous donne indirectement la recette de la bière de Leffe, bière
« maltée » et « brune » comme l’étaient les bières du Nord de la France déjà décrites
dans l’Encyclopédie d’Alembert et de Diderot en 1752 : * BRASSERIE, subst. f. attelier
qui contient les cuves, chaudieres, moulins, & tous les autres instrumens, agrès &
commodités nécessaires pour faire la bierre. La bierre est une boisson fort
ancienne. V. BIERRE. On peut dire en général, qu'elle se tire du grain: mais elle ne se tire pas
du même grain, partout où l'on en fait. À Paris, & plus généralement on France, on n'y
employe que l'orge. Quelques brasseurs seulement y mêlent, les uns un peu de blé, d'autres
un peu d'avoine. Dans les provinces du nord de la France, telles que la Picardie, l'Artois, le
Boulonois, la Flandre Françoise, elle ne se fait qu'avec le soucrillon, ou l'orge d'hyver, ou
même avec l'espiotte, que nous appellons aussi l'escourgeon. Ce que nous nommons orge,
s'appelle dans ces provinces pamele. dans L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des
sciences, des arts et des métiers, Paris, 1752, art. BRASSERIE, t. II, pp. 400-406
Cette tradition s’applique encore de nos jours où la bière blonde est bien plus
répandue en France que les bières brunes d’où la bière de Leffe blonde ou des dérivés
fruités qui ont un succès grandissant tant dans la Distribution que dans les célèbres
« Café Leffe » très à la mode.
95
1796 : suppression de l’abbaye
Réquisition des biens de l’abbaye par les troupes républicaines
Source : Gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France.
Un chanoine prémontré au XVIIème siècle : les prémontrés portent l'habit et le
scapulaire blancs. Les chanoines adoptent le costume canonial - surplis de lin et chape
de laine noire et l'aumuse, un capuchon de fourrure, que les chanoines se mettaient sur
la tête durant les offices en hiver.
96
Façade de l’ancienne église abbatiale de 1719 – IRPA©
97
Dans le Fonds d’Archives des « Domaines nationaux », nous relevons que pour
Leffe, il est stipulé à l’article 34 que les religieux gèrent eux-mêmes leur
brasserie lors de la suppression de leur abbaye. Ce document est « égaré » dans
les « Archives ecclésiastiques de Leffe » sous le n° 3349. Les sommiers 38 et
suivants des « Domaines Nationaux » reprennent les ventes de chaque propriété
de l’abbaye de Leffe sauf l’abbaye elle-même que les religieux ont rachetée !
Tout le patrimoine acquis durant 7 siècles est vendu et tout ce qui n’est pas
nécessaire devient superflu dans l’abbaye même. La messe ne peut plus être dite,
les cloches ont été enlevées en 1795 ; la seule source de revenus reste la
Brasserie que le Maître-Brasseur a désertée ne pouvant plus travailler pour les
Pères de Leffe considérés comme des « ennemis de la Nation » (sic). Les seuls
religieux tolérés par la République sont les prêtres assermentés qui doivent jurer
haine à la Papauté et être au service du peuple. Bien peu se soumettent à de
pareilles conditions !
Les réquisitions, les vexations et les humiliations finissent par avoir raison de la
communauté. La Brasserie fonctionne une dernière fois pour les Pères en 1809.
La tradition brassicole semble éteinte mais les hasards de l’Histoire et le miracle
de « l’Esprit Leffe » va lui donner une seconde vie en 1952.
98
Une page d’Histoire peu connue de l’abbaye : 1796-1903
La manufacture Oudin, Fabricant de cachemire à la place du « Grand Pré » - collection Wybertus
Un chanoine de Leffe (non identifié) contemplant l’abbaye en 1955 avec vue sur la Manufacture de Tissus en 1955
(ancien « Grand Pré » – p. 13 dans « Le Soir illustré » - Collection Abbaye de Leffe
99
L’évolution de l’abbaye grâce aux archives
L’abbaye en 1818 transformée en verreries
AGR,
On voit distinctement l’église complètement transformée de 1816 à 1817 comme
l’indique le cartouche. Le moulin abbatial a 2 roues, la « bibliothèque » en réalité annexe
du moulin a 1 roue tandis que le bâtiment à l’extérieur mais appartenant à la « ci-devant
abbaye » a 4 roues situées directement sur le cours de la Leffe (la Brasserie). La
légende de ce plan est la suivante :
Le plan est très précis (il remplit une fonction administrative) et nous avons pu le
transcrire en ayant l’original sous les yeux aux Archives Générales du Royaume à
Bruxelles. De 1813, dissolution de la Communauté de Leffe à la mort du Père-Abbé à
1818, l’abbaye est complètement transformée en un bâtiment industriel !
100
L’abbaye de Leffe
(extrait de la matrice cadastrale de Dinant en 1824 section F)
Archives du cadastre de la Province de Namur – Atlas cadastral de Dinant en 1824 (pl. LEFFE)
Cet extrait de l’Atlas cadastral de Dinant de 1824 (fort dégradé) confirme à peu près
le plan de 1818. Le moulin abbatial a bien 2 roues, le bâtiment contigu 1 roue et le
bâtiment extérieur les 4 roues du plan comme le plan précédent mais nous ne voyons
plus la dérivation de la Leffe au sein de l’ancienne abbaye. On constate qu’elle est déjà
morcelée entre divers propriétaires dont nous donnons le nom d’après la parcelle
cadastrale de 469 à 478. Parcelles et nature du bien :
-
469 : DESROUSSEAUX – bâtiment
-
470 : Idem
- digue et aisance
-
470bis : Idem
- canal
-
471 : Idem
- moulin à farine
-
472 : Idem
- maison
-
473 : Idem
- bâtiment à piler les matières pour le verre
-
474 : Idem
- verrerie et aisance
-
475 : Idem
- jardin
-
475bis : Idem
- maison
-
476 : Idem
- bâtiment et cave
-
476 bis : Idem
- maison
-
477 : Idem
- maison
-
478 : WAUTHIER
- jardin
-
478bis : DESROUSSEAUX- jardin
-
10 : WAUTHIER
- moulin à farine
-
10bis : Idem
- Biez (Bief)
-
11: Idem
- aisance
-
12 : Idem
- scierie de marbre et aisance
101
Extrait de l’Atlas des Chemins de la Ville de Dinant (1845) – Ville de Dinant©
Ce plan est très important et légèrement différent à celui que nous avons vu sur la
carte de Vander Maelen (1855) : l’église abbatiale est toujours debout même si elle est
désacralisée mais les bâtiments du cloître ont commencé leur délabrement. La
« bibliothèque » (voir nos remarques) est encore là ainsi que le Moulin dont une partie
est en ruines ; la dérivation de la Leffe est toujours comme avant la Révolution à la
différence des plans de 1818 et 1824 et dans le faubourg de Leffe, l’église paroissiale
Saint-Georges est conservée. La brasserie est encore en activité mais aux mains de
laïcs ignorant les traditions brassicoles de l’abbaye que les chanoines ont précieusement
conservées sans les transmettre aux profanes. La Communauté est dispersée depuis la
mort du dernier Père-Abbé en 1813. On voit bien que la partie sacrée (religieuse) est à
l’abandon ou peu entretenue tandis que la partie profane dont la brasserie est encore
en activité. C’est cette partie qui sera sauvée par l’arrivée des chanoines de Frigolet et
surtout le renouveau de l’abbaye dès 1929. L’abbatiale ayant fini par s’écrouler, c’est
l’ancienne grange qui sera transformée pour l’office divin.
102
Un document intéressant…
Jusqu’à présent, on a cru que l’abbatiale avait été rasée à la fin du XIXème siècle (et
non à la Révolution comme nous le prouvent les plans précédents). A l’Institut
Géographique Nationale (IGN) situé dans l’ancienne abbaye de La Cambre à Bruxelles,
nous pouvons retrouver certaines cartes anciennes de Dinant au XIXème siècle. Celleci de 1899 est assez étonnante car on y voit encore l’église abbatiale en ruines comme
le montre la photographie qui suit :
IGN, carte de Dinant (extrait pour Leffe) de 1899. Carte IGN0788P, IGN©
En examinant l’original, nous relevons que le Moulin abbatial est toujours en service
ainsi que 2 moulins sur le cours de la Leffe qui se jette dans la Meuse. La soi-disant
bibliothèque possède également un moulin… L’écluse de Leffe remplace les îles de
Bouvignes et de Leffe pour la bonne navigation sur la Meuse. On voit également
précisément l’emplacement de la Manufacture bâtie sur le « Grand Pré » (pour plus
d’informations sur l’historique de cette manufacture qui est hors sujet de la présente,
nous vous renvoyons à l’excellente étude publiée sur le site www.histoiredeleffe.net à
l’article « filature ». Ce site est l’héritier du site de Claudy Burnay sur Leffe.
103
Leffe au début des années 1900 avec les ruines de l’église à droite de la photographie ; ces ruines
furent rasées par les chanoines de Frigolet en 1903 (archives du cadastre de Namur).
Cette photographie montre clairement le « Grand Pré » occupé par le toute nouvelle
Manufacture Oudin de 1872. Les ruines de l’ancienne église transformée en diverses
industries tout au long du XIXème siècle. C’est donc au tournant des XIXème et
XXème siècles que l’abbatiale fut définitivement rasée car lors de l’arrivée des
Prémontrés français de Frigolet, ceux-ci n’avaient pas les moyens de rebâtir l’église
d’origine comme nous l’explique cet article : « Dès notre arrivée, nous avons mis toute
notre ardeur à organiser la maison afin de la rendre habitable, car nous étions arrivés
dans un vrai chantier de démolition et de transformation… Quand la communauté à peu
près fut logée, on songea à édifier une chapelle. Jusqu'alors on s'était contenté d'une
grande salle assez belle mais insuffisante pour nos messes solennelles et surtout pour
y recevoir les fidèles. L'aile du Nord de l'ancienne abbatiale, qui était une vaste
grange, fut choisie pour être transformée en chapelle… On plaça sur les murs les
beaux tableaux de Mignard que nous avions enlevés des boiseries de Notre Dame du
Bon Remède et qui certainement auraient disparu après notre départ de Frigolet. Les
stalles de l'ancienne chapelle de Saint-Michel qui nous avaient suivis garnirent le
chœur… De plus, nous avions fait venir toute notre sacristie, ses ornements et vases
sacrés qu'on avait soustraits au séquestre et cachés dans une famille dévouée de
Maillane qui nous les avait soigneusement gardés.
104
Le Gouvernement belge les avait exonérés des frais de douane… L'ancienne grange de
Leffe avait disparu, parée et ornée comme une épouse, elle prit l'allure de la maison de
Dieu » A. CHAIX, O.Praem., Les Pères prémontrés de Frigolet en exil dans Le petit
messager, 1966, Bulletin de novembre-décembre.
Voir aussi le site http://www.frigolet.com/fr/patrimoine-histoire/histoire/
Photographie aérienne de l’abbaye ND de Leffe en 1955. A l’emplacement du parking,
se trouvait « le Petit Moulin » ou « Moulin Poufriaux » qui recevait les eaux de la
Leffe canalisées sous l’abbaye pour ressortir au Moulin. On voit encore le cours de la
Leffe qui se jette dans la Meuse. L’emplacement général en face de l’abbaye était
occupé par la Filature, jadis « Le Grand Pré »…
Source : www.histoiredeleffe.net à l’article « Petit Moulin ».
105
L’arrivée des chanoines français de Frigolet en 1903
En novembre 1902, l’abbaye fut mise en vente publique pour sortir de l’indivision de la
Famille Clément (domiciliée en Hongrie) et propriétaire des lieux depuis 1887.
La vente eut lieu via l’Etude du Notaire dinantais Alfred Laurent, bien connu à Leffe.
Finalement, le 03 décembre 1902, le « prêtre français Victor Madeleine » racheta ce
qui restait de l’abbaye à Henri Collard, Huissier de Justice à Dinant. La Communauté de
Frigolet chassée de son abbaye de Tarascon (France) par la Loi Combes fermant les
abbayes et les Maisons religieuses comme aux temps sombres de la Révolution, put
s’abriter dans les bâtiments délabrés de Leffe.
Archives du Cadastre de la Province de Namur, Dinant, section F, Anno 1902.
Après les malheurs de 1914-1918, les chanoines françaises rentrèrent dans leur abbaye
pour céder la place à une jeune Communauté venant de Tongerlo grâce à l’appui de
Monseigneur Heylen, Evêque de Namur et ancien Abbé de Tongerlo.
Archives du Diocèse de Namur, Papiers Monseigneur Heylen.
L’abbaye des Pères de Saint-Michel de Frigolet transformée en prison pour les
prisonniers allemands pendant la Grande Guerre, lors de leur exil forcé par la Loi
Combes (1903-1923) – www.frigolet.com
106
L’abbaye Saint-Michel de Frigolet de nos jours - http://www.frigolet.com/fr
Collection privée
107
L’Homme du renouveau de Leffe : Mgr Heylen
Evêque de Namur de 1899 à 1941 – ancien Abbé de Tongerloo
108
Armoiries de l’évêque
Thomas Louis Heylen était l’ancien Abbé prémontré de Tongerloo
Armoiries de Tongerloo
109
Le renouveau de l’abbaye depuis 1929
Suite à un incendie dans l’abbaye de Tongerlo, une petite communauté vient s’installer
à Leffe et remplace les Prémontrés français qui s’y étaient réfugiés pour échapper aux
lois antireligieuses de leur pays mais tout est à refaire et ce qu’il reste de l’abbaye est
en chantier ! L’église abbatiale ayant été rasée en grande partie en 1884, la nouvelle
église est installée dans l’ancienne grange :
L’église dans l’ancienne grange vers 1930 (archives de l’abbaye de Leffe)
Les Pères ne se découragent pas et restaurent les bâtiments qui restent grâce à l’aide
de Monseigneur Heylen, évêque de Namur et ancien abbé de Tongerlo. La brasserie
n’existe plus depuis la fin du XIXème siècle. La communauté invente une « liqueur » de
Leffe qui n’a que peu de succès ainsi qu’un « sirop du Père blanc » censé guérir de tous
les maux mais la solution ne viendra qu’en 1952, 8 siècles après la fondation de Leffe,
avec la reprise de la tradition brassicole comme nous l’avons vu au début de cet ouvrage.
Grâce à cette rentrée financière, l’abbaye peut se consacrer à ses missions premières
telles que définies par le fondateur des Prémontrés, Saint Norbert.
110
Être Prémontré : du service de Dieu au soin des Hommes
-
L’aumônerie depuis les premiers temps de l’abbaye en 1200 comme l’atteste un
tableau se trouvant dans l’abbaye :
Saint-Laurent distribuant aux pauvres les aumônes de l'église – Tableau à l’abbaye
111
-
L’Hospitalité existe depuis toujours à Leffe. Au Moyen Age, l’abbaye accueillait
les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle et les divers voyageurs. Laissons
les Pères nous présenter leurs missions :
-
-
L’accueil des hôtes et des pauvres est une des recommandations principales de
saint Norbert. Nous cherchons donc à ouvrir largement nos cœurs et nos mains
aux besoins des hommes, surtout des opprimés, de ceux qui souffrent en quelque
domaine ou qui sont victimes de discrimination. Nos maisons sont ouvertes aussi
à ceux qui désirent se refaire spirituellement ou qui cherchent le dialogue
œcuménique.
Intimement unis à toute la famille humaine et participant à son évolution, nous
cherchons, selon nos possibilités, à collaborer avec tous les hommes à
l’édification d’un monde plus humain. Nos communautés veulent promouvoir la
symbiose de la foi et de la culture. Le Christ lui-même nous révèle que la loi
fondamentale de la perfection humaine et donc de la transformation chrétienne
du monde est le commandement nouveau de la charité Car Dieu veut dans le Christ
assumer le monde tout entier, pour en faire une nouvelle créature en commençant
par cette terre pour lui donner sa plénitude au dernier jour.
Faire-part d’invitation à l’intronisation du Père Bruno comme Abbé de Leffe en 1989 – collection
Abbaye de Leffe
112
L’apostolat consiste en la prise en charge des paroisses et les pères les desservent
comme curés ; dès ses origines, l’abbaye de Leffe remplit cette mission depuis ses
origines.
L’église Saint-Lambert de Bouvignes desservie par le Père Jean-Baptiste de Leffe
113
Vers 1650, l’abbaye était habitée par seize religieux ; son revenu annuel était de seize
mille florins ; en outre treize religieux desservaient les cures qui étaient à la collation
de l’abbé, à savoir : Saint-Georges (Leffe), Crupet, Dorinne, Sorinne, Awagne, Lisogne,
Dréhance, Jassogne, Courrière, Lignière, Waha Saint-Martin et Sart-en-Fagne. Le
Proviseur, « Manager » des recettes et des dépenses gérait le personnel laïc de l’abbaye
dont le Maître-Brasseur.
Oeuvre en dinanderie de R.Chalon (Eglise St Georges 58x43),
d’après un dessin attribué à Hubert Hallaux 1799-1857. (vers 1840)
Source : http://www.histoiredeleffe.be
114
La sauvegarde des enfants juifs pendant la Guerre : l’accueil des opprimés
Jamais la notion d’accueil des opprimés n’a été aussi forte à Leffe que pendant la
Dernière Guerre.
La Maison d’Accueil Saint Norbert (vue de 1963) qui n’a pas porté aussi bien son nom
que pendant la Seconde Guerre Mondiale où les chanoines n’hésitèrent pas à y
dissimuler une quarantaine d’enfants persécutés par la sinistre Gestapo.
Durant toute cette période troublée, le Père De Bruyn, prémontré de Tongerlo
résidant à Leffe, travaillera de concert avec le Père Capar, jésuite, à faire
fonctionner une « Institution d’hébergement pour la jeunesse citadine », installée
dans une maison de maître voisine, propriété de l’abbaye, qui deviendra plus tard
la Maison d’Accueil Saint Norbert.
Cette institution n’était en fait qu’une façade permettant de recueillir et de
dissimuler aux Allemands une quarantaine d’enfants juifs...
Source : http://www.abbaye-de-leffe.be/Tongerlo-a-Leffe
115
Les enfants se baignant dans la Meuse au nez et à la barbe de la Gestapo
L’éducation des enfants par des bénévoles amis de l’abbaye de Leffe
(Archives Claudy Burnay)
116
L’ouverture au monde profane
L’abbaye ND de Leffe n’est pas fermée au monde extérieur, bien au contraire car les
valeurs de l’accueil et de l’ouverture au public ne sont pas un vain mot. Bien souvent,
Leffe est ouverte comme lors des Journées du Patrimoine de 2005. Tous les jours, à
16 h, les portes s’ouvrent pour les visiteurs.
L’ancien Père-Abbé Bruno en grande conversation avec une visiteuse de l’abbaye en 2005
117
Quelle est la différence entre
une bière d’abbaye et une trappiste ?
Poser la question c’est y répondre ! En effet, ces bières sont plus des consœurs que des
concurrentes. Nous avons voulu prendre deux sources bien différentes pour répondre
à cette simple question que le consommateur se pose à juste titre :
-
La première source vient d’une grande chaine d’hypermarchés, Makro ;
-
La seconde source vient de l’Association trappiste elle-même.
Peu de différences à part quelques nuances près.
1 – Makro (source: http://www.makro.be/public/bieres-belges-bi%C3%A8res-trappistes-vs-abbaye)
Bières belges : la différence entre une bière trappiste
et une bière d’abbaye (reconnue)*
Il existe des centaines de bières belges, chacune avec son goût spécifique et ses
propres caractéristiques. La Belgique est mondialement célèbre en matière de bières,
et les amateurs de la bière d’orge trouvent facilement leur chemin vers notre pays. On
pense surtout aux bières trappistes et d’abbaye en évoquant la bière belge. Celles-ci
sont uniques au monde et représentent une fierté nationale dans notre pays de la bière.
Mais quelle est la différence entre les bières trappistes et d’abbaye, et quelles bières
se démarquent dans ces deux catégories ?
 NDLR
118
Quels critères doit remplir une bière trappiste ?
Une bière trappiste se définit par la description de l’origine, et non par le type de
bière. Le nom ‘trappiste’ provient de ‘La Trappe’, une abbaye française dans laquelle
s’est fondé l’ordre des trappistes. La bière trappiste doit surtout son renom à la façon
artisanale de la brasser et à son goût assez fort. L’appellation est protégée, et une
bière est considérée comme trappiste lorsqu’elle satisfait aux critères suivants :
 • Le brassage doit se produire dans à l’intérieur d’un cloître trappiste.
 • La bière doit être brassée par des moines trappistes, ou sous leur supervision.
 • Les gains doivent être principalement distribués aux œuvres caritatives et sociales.

119
Les sortes de bières trappistes
On dénombre 7 bières trappistes reconnues (6 en Belgique et 1 aux Pays-Bas) :







•
•
•
•
•
•
•
Achel : l’abbaye Sint-Benedictus à Hamont-Achel (Limbourg)
Chimay : l’abbaye Notre-Dame de Scourmont à Chimay
La Trappe : l’abbaye Koningshoeven à Berkel-Enschot (Pays-Bas)
Orval : l’abbaye d’Orval à Villers-devant-Orval
Rochefort : l’abbaye Notre-Dame de Saint-Rémy à Rochefort
Westmalle : l’abbaye Notre-Dame du Sacré-Cœur à Westmalle
Westvleteren : l’abbaye de Saint-Sixte à Westvleteren
La Westmalle triple et la Chimay bleue
Une des bières trappistes les plus connues et en vogue est la Westmalle triple. Il s’agit
d’une bière claire et dorée, qui fermente en bouteille durant trois semaines et contient
9,5% d’alcool. Elle a une saveur fruitée et est douce et onctueuse en bouche. Cette
bière exceptionnelle et très élégante a un arrière-goût agréable.
La Chimay bleue, quant à elle, possède un arôme puissant et se bonifie avec les années.
Cette bière trappiste a une odeur agréable et un goût légèrement caramélisé. Mieux
vaut servir cette bière de 9% à température de cave. La Chimay bleue se démarque par
sa couleur brune et crème.
Bières d’abbaye : la Leffe et la Grimbergen
Les bières d’abbaye sont des bières à haute fermentation. Certaines sont brassées par
des moines dans une abbaye. Quelques abbayes ont confié le brassage de leur bière à
des brasseries commerciales. Dans la plupart des cas, on utilise d’anciennes recettes
de cloître. Deux des bières d’abbaye les plus connues sont la Leffe et la Grimbergen.
La Leffe blonde est une sorte de bière douce et fraîche, avec un brin d’amertume.
La variété brune présente une couleur brun automne et a un goût riche et légèrement
sucré.
La Grimbergen blonde se caractérise par une couleur blond-ocre. Cette bière d’abbaye
est légèrement fruitée et douce-amère. Le pendant brun de la Grimbergen a un goût
riche et puissant et un arrière-goût prononcé. Il s’agit d’une vraie bière de dégustation,
avec un taux d’alcool de 10%.
120
2 – L’Association trappiste
(source : ASSOCIATION INTERNATIONALE TRAPPIST (AIT))
C’est très simple : les bières belges d’abbayes sont reconnues par la Fédération des
Brasseurs. On en compte 20 en Belgique (source : Maison des Brasseurs à Bruxelles, un
grand merci à Lambert De Wijngaert Secrétaire général).
Une bière trappiste se différencie d’une bière d’abbaye.
En effet, parmi toutes les bières du monde, onze bières seulement peuvent porter
l’appellation ‘trappiste’ : les bières d'Achel, de Chimay, de Koningshoeven (La Trappe),
d'Orval, de Rochefort, de Westvleteren, de Westmalle, d'Engelszell, Mont des Cats,
Zundert et Spencer.
Dix bières trappistes portent le logo « Authentic Trappist Product » : Achel, Chimay,
La Trappe, Orval, Rochefort, Westvleteren, Westmalle, les bières d'Engelszell, de
Zundert (NL) et de Spencer (USA).
Pour qu’une bière 'trappiste' reçoive le logo ATP", elle doit répondre aux critères
suivants :
1. Cette bière doit être brassée à l'intérieur des murs d’une abbaye trappiste ou à
proximité.
2. La brasserie doit refléter clairement tant un lien de subordination indiscutable avec
le monastère Trappiste bénéficiaire que l'appartenance à la culture d'entreprise propre
au projet de vie monastique. La bière doit être brassée et commercialisée par les moines
trappistes ou sous leur contrôle.
3. Une partie des bénéfices est affectée à la subsistance des moines et à l’entretien
du site de l’abbaye ; le reste est versé à des œuvres caritatives de la communauté
monastique.
(Source : www.trappist.com)
Les Abbayes Trappistes dont la tradition remonte à 1892, date de la fondation
officielle de l’Ordre religieux des Trappistes et sa reconnaissance par Rome mais
souvent dans des abbayes séculaires. Les Trappistes sont des moines cisterciens de la
121
stricte observance (retour aux sources) à la différence de leurs Frères, les moines
cisterciens qui ont évolué avec le temps.
« Bières d’abbaye » est le nom collectif regroupant les bières dont le nom de la marque
fait référence à une abbaye existante ou disparue. Il s’agit généralement d’Abbayes de
Bénédictins (moines) ou de Norbertins (Prémontrés ou chanoines) ayant brassé un jour
de la bière ou ayant très tôt fait brasser leur bière sous licence comme Leffe depuis
1240. On y retrouve les mêmes types de bière que les trappistes. Après que les
Trappistes aient lancé un logo d’authenticité, les brasseries et les religieux ont créé le
label de licence « Bière d’Abbaye Belge Reconnue ».
Pour pouvoir arborer ce logo, les bières doivent faire la preuve d’un lien avec un site
abbatial existant ou ayant existé. La brasserie doit payer des royalties destinées au
financement d’œuvres caritatives ou à la sauvegarde du patrimoine culturel de l’abbaye
ou les payer à une fondation existante si l’abbaye n’existe plus. Enfin et c’est le plus
important, l’abbaye exerce un droit de contrôle en matière de publicité. Un comité
paritaire composé de représentants de la Fédération de Brasseurs belges et de
délégués des 4 Ordres religieux : Bénédictins, Cisterciens de la Non-Observance et
Cisterciens de la Stricte Observance (Trappistes), contrôle les critères de délivrance
du label de licence de « Bière d’Abbaye Belge reconnue ». Tout le monde peut utiliser
la dénomination de bière d’abbaye mais seuls ceux qui répondent aux critères fixés par
ce comité peuvent porter le logo « Bière d’Abbaye Belge Reconnue », gage de tradition
et de qualité.
Source : Maison des Brasseurs, 1000 Bruxelles.
Christine BOUCQUILLON, Executive Secretary,
INTERNATIONALE VERENIGING TRAPPIST (IVT)
ASSOCIATION INTERNATIONALE TRAPPIST (AIT)
INTERNATIONAL TRAPPIST ASSOCIATION (ITA)
122
Conclusions
L’abbaye de Leffe d’aujourd’hui se développe au rythme de sa bière. Discrètement, elle
remplit nombre de missions sociales dans Dinant et les alentours. Frappez à la porte de
l’abbaye et l’on vous ouvrira pour vous aider, trouver une solution à vos problèmes, vous
offrir le gîte et le couvert. La Communauté des pères de Leffe est une communauté
vivante bien impliquée dans les multiples tâches héritées de la Règle de Saint-Augustin.
Si une partie des royalties est bien destinée à restaurer ou améliorer les bâtiments,
une grande partie est dédiée à cette mission d’altruisme.
La Communauté des chanoines de Leffe vit « extra-muros » (en-dehors de l’abbaye dans
le monde extérieur) en majeure partie tandis que les Trappistes qui sont des moines
vivent « intra-muros » (dans l’abbaye).
A Leffe, vous trouverez écoute et compréhension sans a priori concernant vos origines,
votre race ou vos opinions. Le réconfort de la prière pourra en aider certains, un viatique
aidera le pèlerin à poursuivre sa route. La bière de Leffe devenant internationale, de
nouvelles variétés adaptées au pays de consommation sont créées dans le respect de la
tradition et de cet « Esprit Leffe » qui distingue l’abbaye de ses consœurs. Longue vie
à Leffe !
"La bière est la preuve vivante que Dieu nous aime
et veut que nous soyons heureux »
Benjamin Franklin
Le lieu d’excellence pour déguster une Leffe de tradition
123
Le concept :
Bénéficiant d'un emplacement toujours exceptionnel, Café Leffe est un lieu convivial
où l'on peut s'initier à la dégustation des bières de la gamme Abbaye de Leffe, tout
en profitant d'une restauration de qualité tout au long de la journée à l'image des
grandes brasseries.
Café Leffe à Dinant - Adresse ; Rue Sax, n° 2, 5500 Dinant -  082-22.23.72
124
Pour mieux connaître la Leffe
Adresse : Maison Leffe, 23, Charreau des Capucins, 5500 Dinant – Belgique
 +32-82 22 91 91
 +32-82 21 92 47
125
Les origines… de la reprise de la tradition brassicole
Ayez soif de modération, une étude australienne a démontré que les buveurs modérés
avaient une espérance de vie de près d’un an de plus que les abstinents tandis qu’une
autre étude anglaise de la London School of Hygiene and Medicine démontrait en 199698 une espérance de vie chez les buveurs avec modération de 2 % par rapport aux
abstinents. Prenez le temps de déguster une Leffe et de vous laisser imprégner de
« l’Esprit Leffe » et de près de 8 siècles de tradition brassicole.
126
L’art de verser une Leffe dans son verre en 3 étapes
Etape 1
Etape 2
127
Etape 3
Le résultat
128
129
130
131
132
L’abbaye offre aux 999 premiers Dinantais la Leffe 9°
Le succès était au rendez-vous ! http://www.abbaye-de-leffe.be/Une-nouvelle-biere
La récompense de l’attente ! La Leffe 9° porte le beau nom de « Leffe rituel »
133
Laissons le mot de la fin
à l’ancien Père Abbé Bruno remplacé par le Père Benoît en 2013
Notre nom « Abbaye de Leffe » se retrouve souvent, en bonne compagnie, sur la table
d’amis qui dégustent... une bière de ce nom !
Abbaye et Brasserie : un compagnonnage heureux...
Depuis la mention la plus ancienne de notre brasserie en 1240, le temps passe, et
l’histoire laisse ses traces : après la tourmente de la révolution française, on ne parle
plus de notre brasserie, pas plus d’ailleurs que de l’abbaye.
En 1952, le Père Abbé C. Nijs rencontre une famille de brasseurs, la famille Lootvoet,
d’Overijse. Ce sera le début d’une riche, courageuse et fructueuse collaboration qui
produira cette “Bière de Leffe”, bien connue aujourd’hui.
« De quoi vivez-vous ? Quels sont vos revenus ? »
Père Abbé
(Journées du Patrimoine 2005)
Avant tout, dirait le Père Abbé, le Seigneur prend soin de nous. Ensuite, chacun doit
“faire” quelque chose, au service de la communauté, avec un plus grand soin et une plus
vive allégresse que si c’était pour lui-même, comme nous le conseille notre Règle de
saint Augustin. Nous faisons caisse commune, et chacun reçoit selon ses besoins. Les
royalties de la brasserie entrent dans cette mise en commun, et le partage, selon les
besoins, s’étend beaucoup plus loin qu’aux membres de la communauté, et touche aussi
une foule de Frères et de Sœurs dans le besoin de par le monde. Nous aimerions
pouvoir dire de notre Abbaye de Leffe : « Ici, le Seigneur est loué et nourri » et
annoncé.
134
Leffe: Une histoire de prélats
Père Bruno, 75 ans, a démissionné de sa fonction de Supérieur de la communauté
de l’abbaye de Leffe en mai dernier. Père Benoît, 45 ans, est devenu le 59e père
abbé de Leffe le 24 juin. Il recevra la bénédiction abbatiale le 21 septembre à
l’abbaye de Floreffe. Regards croisés sur ces deux prélats à la personnalité bien
différente.
Vous êtes tous les deux chanoines réguliers de l’ordre de Prémontré. Quelles sont
les particularités de cet ordre ?
Père Benoît: La vie monastique est mieux connue du public. Elle est issue de la
spiritualité de Saint Benoît, tandis que nous, chanoines, suivons la règle de Saint
Augustin. Saint Augustin était un évêque africain du IVe siècle, qui a voulu vivre une
vie commune et une vie de pauvreté avec ses prêtres. Nous avons été fondés par Saint
Norbert, un réformateur de l’ordre canonial (prêtres vivant en commun); un ordre qui
existait bien avant lui. En suivant cette règle de Saint Augustin – une règle très
courte – et en mettant au centre la charité et la préservation du bien commun, nous
vivons ensemble une vie communautaire, une vie de prière, mais aussi une vie
pastorale, propre au ministère presbytéral.
Père Bruno: Cette vie, à la fois tournée vers l’intérieur et l’extérieur, est typique des
prémontrés, mais elle est avant tout une tournure d’esprit. C’est normal pour nous
d’annoncer la bonne nouvelle, comme les moines le font, mais nous, nous faisons un pas
135
en plus, car, en général, nous sommes tous prêtres. Et qui dit sacerdoce, dit peuple de
Dieu. C’est notre marque de fabrique que de dédier notre vie aux autres.
Vous avez fêté vos 20 ans à l’abbaye. Comment avez-vous été attiré par cette
forme de vie-là ?
Père Bruno: A 20 ans, j’ai offert ma vie à Dieu, mais je ne voulais pas être tout seul.
Je voulais vivre avec d’autres. Et avoir cette possibilité d’annoncer. On a un feu en soi
qui brûle, et on ne peut le garder. Au premier office, à 6h30, quand nous
chantons: « … Venez, crions de joie, acclamons le Seigneur… », c’est déjà un premier
partage, mais de façon plus concrète, c’est cette envie d’apostolat, de servir Dieu
avec d’autres frères et en dehors de la communauté, qui brûle en moi.
Père Benoît: Moi, j’ai découvert les prémontrés dans un livre d’Histoire. Je cherchais
un cadre de vie et de prière. Entretemps, j’ai découvert les frères et ce cadre s’est
rempli. Mon attachement à l’abbaye est tout autre aujourd’hui. Il y a eu une « création
artistique » de relations humaines, qui fait que ma motivation première est restée,
mais elle s’est nettement embellie…
Propos recueillis par Sylviane BIGARÉ
Source : http://info.catho.be/2013/08/05/leffe-une-histoire-de-prelats
Communauté de Leffe en 2013
Le Père Benoît, nouvel abbé, au centre avec le Père Bruno, ancien abbé à sa gauche
136
Ancien panneau en bois publicité Leffe – collection Wybertus©
137
COMMUNIQUE DE PRESSE – LEFFE ROYALE À L’HONNEUR
Le 22 mars 2013
Leffe Royale obtient le Golden Archer Award 2012
Leffe Royale élue gagnant dans la catégorie ‘Bières’
Le 19 mars 2013, Leffe Royale a obtenu le Golden Archer Award pour les Nouveaux
produits de 2012. Ce prix récompense AB InBev pour ses efforts en matière
d’innovation et de réponse aux demandes et attentes des consommateurs. Les
efforts associés à la recherche d’innovations et d’expansion avec de nouveaux
produits sont souvent sous-estimés. Dès lors, le Comité Royal Belge pour la
Distribution tient à récompenser et mettre en vedette les efforts réussis en la
matière. En outre, il est également important de créer une nouvelle dynamique dans
le secteur de la bière afin
de raviver l’intérêt pour ce noble liquide auprès du consommateur. Le lancement de
Leffe Royale, une innovation sur la tradition et le savoir-faire de cette bière
séculaire est un grand succès, il s’agit d’un des lancements les plus réussis des
dernières années.
Des arômes royaux, 3 variétés de houblon supérieur
La Leffe Royale est un des lancements les plus réussis des dernières années d’AB InBev
pour le marché belge. Lorsqu’on sert la Leffe Royale, on remarque immédiatement son
col épais d’un blanc étincelant et sa robe dorée aux touches rayonnantes de cuivre. La
Leffe Royale est préparée à partir de trois variétés de houblon dont le Whitbread
Golding de Poperinge caractérisé par un arôme fruité, alliant une amertume douce et
pure. Le houblon américain Cascade apporte pour sa part une touche rafraîchissante
d’agrumes tandis que la troisième variété est un mélange de houblons amers comme le
Challenger et le Tomahawk. Ces variétés
de houblon sont mélangées en diverses quantités et à divers moments pour garantir
l’équilibre parfait entre le goût sucré et amer. Dès la première gorgée, le palais est
éveillé par des touches de girofle et de vanille, qui laissent ensuite la place aux arômes
frais de banane, relayés à leur tour par de subtiles notes de géranium et d’agrumes,
résultant en un accord final frais et sucré bien équilibré. Pour que la Leffe Royale libère
tous ses arômes, versez-la de préférence dans un verre calice, spécialement conçu pour
l’occasion, à une température de 8 °C.
138
À propos de Leffe
La Leffe est une des bières d’abbaye les plus anciennes de Belgique, avec une tradition
dont les origines remontent à 1240. C’est une bière belge de dégustation, authentique,
toujours brassée dans le plus grand respect des traditions. La combinaison spécifique
d’ingrédients comme le malt, le maïs et le houblon, crée une saveur riche, pleine en
bouche et accessible qui en fait la bière de dégustation par excellence. Avec son
caractère frais et prononcé, la Leffe est également une bière de plus en plus appréciée
pour l’apéritif.
Les bières de la famille Leffe se caractérisent par leur richesse et leur corps. Brassées
exclusivement à partir d’ingrédients de la meilleure qualité, ces bières nous donnent la
recette de ces moments intenses de la vie qui méritent d’être savourés. La Leffe est
aujourd’hui connue et appréciée par les consommateurs dans plus de 60 pays de par le
monde. En Belgique, Leffe est leader du marché dans le segment des bières d’abbaye.
Visitez également notre site web :
www.leffe.be.
A propos des Golden Archers
Les Golden Archer Awards qui sont remis chaque année par le Comité Royal Belge pour
la Distribution (CRBD) et sa revue mensuel « Distribution Aujourd’hui » récompensent
les nouveaux produits alimentaires et non-alimentaires, qui non seulement sont les plus
innovateurs et ont la meilleure performance, mais qui également répondent aux attentes
des consommateurs au niveau de l’innovation et de la qualité et dès lors lui donnent de
la satisfaction. Le jury des Golden Archer Awards est composé de directeurs d’achat
et directeurs des ventes des sociétés sous la garde du CRBD. Les gagnants ne doivent
faire aucune contribution financière pour obtenir un prix, c’est intrinsèque à ces Golden
Archers Awards. De cette façon, toutes les entreprises, même les plus petites, ont une
chance de gagner un Golden Archer. Les acheteurs directs sont consultés et on leur
demande de voter pour les produits qui ont le plus de succès dans la grande distribution.
Les critères suivants sont pris en compte : la mesure dans laquelle le produit est
réellement innovateur, la qualité du produit et la rapidité de circulation dans la
distribution à partir de l’introduction du nouveau produit.
139
140
141
Calice en grès comme autrefois – collection de l’auteur
142
LEFFE – VUE AERIENNE DE NOS JOURS
Sur cette vue aérienne, on peut très bien voir l’abbaye actuelle qui est constituée des
anciens bâtiments profanes de l’Ancien Régime et on devine l’ancien cloître,
l’emplacement de l’église abbatiale occupé par des maisons particulières, le site de
l’ancien moulin abbatial en ruines, l’ancienne école libre de Leffe propriété actuelle de
l’abbaye et dénommée à tort « la bibliothèque » qui est l’espace entre ce bâtiment et
l’abbaye ; au fond, la Maison d’Accueil Saint Norbert. L’église occupe l’emplacement de
l’ancienne grange et la Leffe est toujours canalisée sous l’abbaye.
Source : Vue aérienne de l'abbaye - tirée de www.abbaye-de-leffe.be
143
Armoiries de l’Abbaye ND de Leffe
De gueules au dextrochère paré d’argent, mouvant d’une nuée de même, tenant une
gerbe de blé d’or.
EX OPERE MESSIS = HORS DU TRAVAIL, LA MOISSON
Source : http://www.abbaye-de-leffe.be/Le-blason
Il faut remarquer que ces armoiries contiennent la mitre épiscopale en souvenir des
pouvoirs d’archidiacre de l’Abbé sous l’Ancien Régime ainsi que la crosse, la main
droite tient une gerbe de blé.
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Ancienne publicité Leffe de la Brasserie Grade à Mont-Saint-Guibert WYBERTUS ©
145
Une nouvelle page de l’histoire de Leffe :
146
Invitation à la cérémonie – collection de l’auteur
147
Vers l’Avenir©
148
Né en 1968, Benoît Carniaux entre à 19 ans à l’abbaye de Leffe. Ordonné prêtre
1994, il poursuit des études de théologie qui le mènent à préparer un doctorat
théologie fondamentale. Son ministère s’exerce tant dans l’écoute pastorale
l’animation de jeunes que dans l’enseignement à l’Institut d’Études théologiques
Bruxelles. Il est aussi membre du comité de direction de la revue de théologie
spiritualité Vies consacrées.
en
en
et
de
et
Avant d’être élu abbé le 24 juin 2013, le P. Benoît occupait les fonctions de de prieur
et de bibliothécaire. De 1999 à 2008, il fut également maître des novices.
Ses armoiries
Armoiries du P. Benoît
Écartelé d’or et de gueules à la croix brochant de l’un en l’autre cantonnée en chef à
dextre d’une fleur de lys d’azur
.Le tout est posé sur une crosse en pal ornée d’un voile, caractéristique des abbés
réguliers, et timbré d’un chapeau prélatine à douze houppes d’argent, selon l’antique
coutume de Prémontré. Le rouge et l’or renvoient aux couleurs du blason de Leffe et
peuvent signifier respectivement les amours terrestres et la gloire céleste. La croix du
Christ se tient à la rencontre de ces deux réalités et les met en convergence, même si
c’est sous l’apparence temporelle d’une contradiction. La fleur de lys d’azur sur fond
d’or inverse le champ du blason de Prémontré (d’azur, semé de fleurs de lys d’or) pour
marquer la filiation à son égard et rappelle simultanément le patronage de Notre-Dame
de l’Assomption sur l’Abbaye de Leffe. Les origines familiales du Père Abbé sont
évoquées en filigrane par la partition (Hainaut) et les couleurs (Normandie).
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La devise
VOBIS VOBISCUM s’inspire d’une phrase de saint Augustin dans son Sermon 340,
prononcé pour l’anniversaire de son ordination épiscopale :
« Vobis enim sum episcopus, vobiscum sum chriatianus.
Pour vous je suis évêque, avec vous je suis chrétien. »
Le Docteur de la charité poursuit :
« Le premier titre est celui d’un office, le second d’une grâce. L’un est source de danger,
l’autre de salut. »
Le pasteur est au service de son peuple et il ne peut rester serviteur qu’en
reconnaissant la grâce commune du baptême qui le fait chrétien avec tous les autres
dans la participation à l’amour trinitaire.
Sources : http://www.abbaye-de-leffe.be/P-Benoit
http://thecatholiccatalogue.com/tag/norbert-of-xanten/
150
Discours du Père Benôit lors de son intronisation le 21.09.2013
Merci, merci, merci...
Chers amis, Frères et Sœurs, que dire à ce moment sinon merci ? Merci à Dieu, qui au
moment de mon baptême, par la voix de mes parents, m’a donné le nom de « béni » et
vient de renouveler ce don d’une manière vraiment très particulière. Merci à vous, chère
Maman, cher Papa, qui êtes venus aujourd’hui malgré l’épreuve du grand âge. Merci à
mon frère Jean-Claude, qui sans aucun doute se réjouit dans le ciel avec tous ceux que,
chacune, chacun, nous avons perdus trop tôt mais qui nous restent pourtant si proches.
Avec tous ceux aussi qui ont prié et chanté dans cette église depuis qu’il y a 892 ans,
saint Norbert a célébré la messe sur une pierre qui se trouve dans l’ancien autel. Merci
à ma famille pour son soutien vraiment très amical. Merci à vous qui représentez la
société civile en vos titres et qualités. Merci à vous tous qui êtes venus par amitié. Nous
pouvons dire que nous aimons quelqu’un lorsque cette personne en vient à faire
irrémédiablement partie de nous et de notre vie. Lorsque ce qui lui arrive, nous le vivons
nous aussi dans notre chair. Alors, si nous aimons vraiment cette personne, nous prenons
plus de soin d’elle que de nous-même. Voilà une belle vocation pour un abbé, comme pour
tout pasteur ! C’est ce que j’espère réaliser à votre égard, si vous m’y autorisez.
Beaucoup m’ont dit qu’ils étaient très honorés de participer à cette célébration j’en suis
totalement abasourdi car je reste persuadé que c’est la communauté de Leffe et moimême qui sommes honorés de votre présence et non l’inverse. Merci donc à vous tous
d’être là et d’être vous.
Je voudrais adresser des remerciements particuliers à tous ceux qui ont pu rendre
cette célébration possible. A vous bien sûr Monseigneur Vancottem, pour votre
gentillesse, votre accueil toujours attentionné et votre bienveillance. A vous également
Monseigneur Warin, qui présidez le Bureau Administratif du Séminaire, propriétaire de
ces lieux et nous avez cordialement autorisés à l’envahir. Un salut tout spécial aux
abbesses et prieures présentes aujourd’hui. Avec les premières, je partage maintenant
le port du bâton pastoral. Cela me réjouit profondément que la bénédiction abbatiale
soit un sacramental indistinctement donné à des personnes des deux sexes. Avec le
cardinal Marx de Munich, un des huit conseillers du Pape François, et quelques autres
évêques allemands j’espère qu’à l’avenir, ce qui peut paraître pour l’instant à l’échelle de
toute l’Église n’être qu’une curiosité anecdotique, la bénédiction des abbesses, pourra
151
aider qui de droit à réfléchir intelligemment à tout ce que les femmes peuvent apporter
à la catholicité.
Monsieur l’abbé Massard nous a réservé un accueil royal, oserais-je même dire
« papal » ? Monsieur Alexandre et son équipe du Moulin Brasserie ont été d’une
efficacité et d’une disponibilité exemplaires. Qu’ils en soient très vivement applaudis.
Des roses aux pensées
Le père Bruno, à qui je succède, me laisse un très bel héritage. J’espère le faire
fructifier, non auprès de la banque du Vatican dont on parle tellement ces jours-ci, mais
auprès du cœur de Dieu qui est surabondance de grâce pour nous tous. Père Bruno, vous
avez exercé votre charge abbatiale tout en cultivant les roses. Moi, ce sera sans doute
plutôt en cultivant les pensées. Bon. Qu’importe le style, du moment que la charité est
au centre. J’espère être aussi fidèle à ma devise que vous l’avez été à la vôtre : « Ama ».
Aime.
Dear Abbots and Confreres of the Norbertine order, thank you for your presence! This
reflects the communion that binds our monasteries to each other. Not only a communion
of law, but a communion of love which translates into concrete actions and genuine
mutual assistance. Be sure of the availability of our canonry to build and strengthen
this growing Vinculum Caritatis. Thank you, Abbot Thomas, for your kind words and
your encouragements. Since you preside over the communion of all our monasteries, I
welcome your words as those of the entire Order.
Tant de générosité pour les préparatifs
Cette célébration et ce qui va suivre a été une préparation de longue haleine, portée
d’une façon ou de l’autre par tous les frères de la communauté. Mais certains, de par
leur fonction, y ont perdu plus de cheveux que d’autres et ils n’auront ni mitre ni calotte
pour le cacher ! Grâce leur soit rendue au centuple de leur générosité et de leur
souplesse.
Le personnel de notre abbaye a été d’un soutien sans faille et je voudrais spécialement
remercier les personnes qui, parfois jusqu’à l’épuisement, ont travaillé de près à cette
célébration : merci pour leur souci intelligent et énergique du « toujours mieux ».
Beaucoup les reconnaîtront sans que j’aie à citer leur nom.
Merci à Guillaume Houque et aux étudiants de l’Institut de Musique Et de Pédagogie de
Namur, l’IMEP, qui sont venu nous aider si merveilleusement à prier deux fois, comme
dit saint Augustin. Merci également au chœur grégorien de Malonne de nous avoir
partagé ses talents. Enfin, merci aux amis qui ont rejoint cette chorale de
circonstance : certains d’entre eux m’ont dit leur crainte de chanter à côté de
professionnels. Pourtant dans « amateur », il y a le mot aimer, dès lors que toute crainte
soit réduite à néant. Merci aux techniciens qui ont pu, par l’image et le son, nous
rapprocher au-delà des contraintes de l’espace. Merci à tous les artisans qui ont
contribué à la beauté de cette célébration par la décoration florale et les objets
liturgiques.
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La liturgie est apocalyptique, elle doit nous faire goûter le ciel présent sur la terre et
la terre qui s’épanouit dans le ciel. Nous avons, grâce à Dieu, vécu un peu cela aujourd’hui.
Fils de Dieu avec vous, abbé pour vous
Le prêtre, a fortiori l’abbé et l’évêque représentent ceux qu’ils servent. Le bâton
pastoral qui m’a été remis rappelle un peu le sceptre des Pharaons. Il est le signe de
cette autorité que dans l’Exode, Moïse, au nom de Dieu, a ravie au pouvoir du mal afin
de faire le bien. Il y a quinze jours, le Père abbé de Maredsous rappelait à certains
d’entre nous que, d’après le récit de l’Exode, son bâton fut utile à Moïse pour trois
choses : écarter la mer rouge, faire jaillir l’eau dans le désert et s’appuyer dessus.
Autrement dit et transposé dans la vie spirituelle : éloigner la peur pour libérer,
abreuver à partir de l’unique source de la Parole de Dieu et des sacrements, rassurer
en procurant un appui. Rien de magique là-dedans. Pour que ce bâton fonctionne bien,
comme dit le Siracide, il faut aussi être couronné de crainte par la sagesse, cette
crainte de Dieu qui n’est autre que de l’amour attentif et prévenant envers lui. Cela ne
fait que quelques instants que je la porte, mais je crois que cette mitre aidera bien le
Seigneur à se rappeler à mon bon souvenir ! Enfin cette alliance que je porte au doigt
désormais est là pour signifier non seulement mon alliance avec ceux que Dieu me confie,
mais également pour me rappeler que c’est par ma fidélité à Dieu que je puis être garant
de la leur. Prophète comme Moïse, sage comme un roi et édificateur de liens de charité,
« Pontife », faiseur de pont comme un prêtre, l’abbé ne reçoit rien de plus que ce qu’il
a déjà reçu au baptême, comme vous. C’est là un peu ce qui sous-tend ma devise dont
vous pourrez lire l’explication dans le carnet de célébration : pour vous je veux rester
un frère, afin d’être compté avec vous au nombre des filles et des fils de Dieu.
Source : Lettre de Leffe, n° 59 (décembre 2013)- http://www.abbaye-de-leffe.be/Nouvel-article,1194
153
LIJST "ERKEND BELGISCH ABDIJBIER"
LISTE “BIERE BELGE D’ABBAYE RECONNUE”
LIST “CERTIFIED BELGIAN ABBEY BEER”
1er octobre 2012 :
source “ La Maison des Brasseurs” 1000 Bruxelles
Brouwerij + bier
Brasseries + bières
AB InBev (Leffe)
Affligem Brewery BDS (Affligem +
Postel)
Alken Maes (Grimbergen)
De Block (Abij Dendermonde)
De Brunehaut (Abbaye Saint Martin)
De Silly (Abbaye de Forest + Abbaye
de Cambron*)
Du Bocq (La Ramée)
Duvel Moortgat (Maredsous)
Haacht (Tongerlo)
Huyghe (St. Idesbald, reserve Ten
Duinen – Ten
Duinen, réserve St. Idesbald)
Lefebvre (Bonne Espérance + Floreffe)
Palm Breweries (Steenbrugge + SintPietersabdij *)
Roman (Ename)
Saint-Feuillien (St. Feuillien)
De Dool (Ter Dolen blond + Ter Dolen
donker + Ter Dolen tripel + Ter Dolen
Kriek)
Sint-Jozef (Herkenrode)
Val-Dieu (Val-Dieu)
Val de Sambre (ADA – Abbaye d’Aulne)
Van Steenberge (Bornem + Keizersberg)
(*) plus commercialisée
(*) plus commercialisée
154
I – Brasseries d’abbayes bénédictines
Afflighem
Dendermonde
Ename
Forest
Keizersberg (Mont-César à Leuven)
Maredsous
Saint-Martin (Tournai)
Steenbrugge+SintPietersabdij*
Ter Dolen
155
II – Brasseries d’abbayes cisterciennes
Aulne
Bornem (Saint-Bernard)
Cambron*
La Ramée
Herkenrode
Saint-Idesbald-Des Dunes
Herkenrode
Val Dieu
156
III – Brasseries d’abbayes prémontrées
Averbode (*)
Bonne-Espérance
Floreffe
Grimbergen
Leffe
Postel
Saint-Feuillien
Tongerloo
(*) Cette abbaye envisage de lancer une nouvelle bière
d’abbaye pour 2014 dans la tradition brassicole
prémontrée (voir annexe).
157
ADDENDA
La fin de l’Ancien Régime et la suppression de toutes les abbayes
des Pays-Bas autrichiens et de la Principauté de Liège (1794-1797)
Cette défaite de l’Autriche le 18 octobre 1797 (26 vendémiaire an VI) en Italie
entraîna le fameux traité dont l’article III est le suivant :
«S.M. l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême, renonce pour elle et ses
successeurs, en faveur de la république française, à tous ses droits et titres sur
les ci-devant provinces de la Belgique connues sous le nom de Pays-Bas autrichiens.
La république française possédera ce pays à perpétuité, en toute souveraineté et
propriété, et avec tous les biens territoriaux qui en dépendent. ». A noter que la
principauté de Liège est comprise dans les Pays-Bas autrichiens et sera
définitivement annexée aux ci-devant provinces belgiques. Le prince-évêque prit
définitivement le chemin de l’exil tandis que les révolutionnaires principautaires
liégeois (dont Dinant) se rendirent compte mais un peu tard que la France annexait
purement et simplement les territoires pour mieux les taxer et les mettre en
coupe réglée selon les lois de la Guerre !
Les religieux furent chassés de leurs abbayes qu’ils pouvaient racheter avec les
« Bons nationaux » qu’on leur donnait en « dédommagements ». En majorité, les
Bénédictins et les Cisterciens refusèrent ce « hold-up » de la République tandis
que les Prémontrés, plus pragmatiques, acceptèrent ces fameux bons pour essayer
de sauver ne fût-ce qu’une partie de leur abbaye comme à Leffe en espérant le
retour « à la Normale » du temps jadis mais l’Ancien Régime avait vécu et la
tourmente révolutionnaire ne s’acheva que le 18 juin 1815 dans les plaines de
Waterloo… Fort nombreuses furent les abbayes détruites par les Républicains
(Aulne en 1794) ou même par les habitants des environs comme l’abbaye de Villers
en 1814. Une lente reconversion ou une reconstruction commença dans le meilleur
des cas.
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Bataille de Fleurus le 26 juin 1794 ; victoire de l’Armée de Sambre et Meuse (général Jourdan) sur
les Armées anglo-hollandaises entraînant l’annexion de toute la Belgique (Pays-Bas autrichiens et
Principauté de Liège) à la République française – BnF©
Traité de Campoformio (17 octobre 1797) : victoire de Napoléon Bonaparte sur les troupes
autrichiennes du comte Louis de Cobentze (26 Vendémiaire An VI) annexant officiellement et
définitivement nos régions à la France républicaine. BnF©
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Alexis Nicolaï
Publication de WYBERTUS© – 2014
Tous droits réservés – copie avec autorisation écrite
WYBERTUS c/o Rue Godefroid, 13, 5000 NAMUR
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