ouvrages portraits 100 DIPLOMES.pub

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ouvrages portraits 100 DIPLOMES.pub
Index des noms
ARMAND BERANGERE
ARNAUD ROMAIN
BAUDUIN EP. CHEVIAKINE ANNE
BENAVIDES MARC
BERNARD JEAN-PIERRE ARTHUR
BERTRAND THOMAS
BONNE EMMANUEL
BRIAND LUC
BUER JEAN-LOUIS
BUSSON OLIVIER-CYRIL
CAILLETTE EP. REGENT AGATHE
CALO EP. DURET BEATRICE
CARRON DE LA MORINAIS EP. BING LUCY
CAZES BERTRAND
CHAPUIS EP. VANDENBOGAERDE CECILE
CHARTRES GUILLAUME
CHOUG LAILLA
CHUPIN EP. MARIS JULIA
CLAVREUL LAETITIA MARIE
CLOUET PIERRE
COEUR-BIZOT PATRICE
COLLET MATHIEU
CONAN ERIC
DAMMARETZ BERTRAND
DE LARQUIER SEGOLENE
DEMETTRE CHARLOTTE
DESMOUSSEAUX EP. BOURGUEIL YSABEL
DEVOUCOUX DU BUYSSON FRANCOIS
DJIAN JEAN-CLAUDE
DOUHANE MOHAMED
DUBOST DANIEL
DUC AMENDINE
DUGAIN MARC
DUSSOPT OLIVIER
EGAL CHRYSTEL
FOUGERAS DE LAVERGNOLLE JEROME
FOURCADE VIVIEN
GALLETY JEAN-CLAUDE
GANDON EP. GOUGEON DELPHINE
GAURIAT LAURENT
GEOFFRAY PATRICK
GERBAUD DOMINIQUE
GERVASONI STEPHANE
GIARD ANTOINE
GITON CELINE
GODDET RAPHAËLLE
GOMA JEAN BAPTISTE
GOUGEON SAMUEL
GUERIN JENNIFER
Directeur de la publication : Stéphane PUSATERI
Maquette : Jonathan MASCIAVE
Mise en page : Jennifer ABOUD - Samira ERRAMI
© Association des Diplômés de Sciences PO Grenoble - Avril 2016
GUEROUX XAVIER
HENRY DE VILLENEUVE CHRISTIAN
HEURTEAUX THIERRY
HUMBERT EVE
JAILLET PIERRE
KOUNOWSKI GILLES
LALOUPE BRIGITTE
LAMBERT JACQUES
LAVAL SOPHIE
LAVAL JEAN-SIMON
LECERF EDOUARD
LISITO EP. GILOUIN CAROLINE
LOISEL FRANCOIS
LONCHAMPT BRUNO
MARTIN NECKER AURELIE
MESNAGE BRUNO
MICHALET OLIVIER
MICHEL EP. AUBRION VIRGINIE
MIGNOT EP. ANDURAND BEATRICE
MIORIN BASTIEN
MONNOT OLIVIER
MONTILLET HERVE
MUNOS EP. DU PELOUX ODILE
NADAL EP. TRUONG CELINE
OTT JEAN-FRANCOIS
PAYET JULIE
PEIGNE ERIC
PIONCHON SYLVIE
PLUMEY ISABELLE
POINTET ANNE
POISSON JEAN-FRANCOIS
PORRE JESSICA
POULAT CHRISTIANE
PUYO JACQUES
RAVET SEBASTIEN
REPENTIN THIERRY
ROUGIER FRANCOIS
SAINT DIZIER EP. BICHOT ANNE-LAURE
SAUZEREAU VINCENT
SLIMAN GAEL
SMOLEN LAURENT
TARDITI CLOTILDE
THIVIN STEPHANE
TORMENTO PHILIPPE
TREVILLY YVES
TROUCHE EP. BONNET MARIE
VACHER PATRICE
VERNEY NICOLAS
ZABAT MARION
Association des Diplômés de Sciences PO Grenoble
BP 48 - 38040 Grenoble cedex 9
04 76 82 60 26 - [email protected]
http://diplomes-iepg.fr
Portraits de 100 Diplômés - 3
Editorial
Voici le premier volume
de 100 portraits de diplômés.
Un deuxième suivra dans
les mois à venir.
Ici sont regroupés les
portraits d'hommes et
de femmes sortis il y a
cinq ans, 10 ans, 20 ans, 30 ans, 40 ans de l'IEP.
A travers ces pages, nous pouvons découvrir
comment nos diplômés sont entrés dans la vie
professionnelle, comment ils ont construit leur
parcours professionnel. Celui-ci n'est pas forcément linéaire, pas celui choisi au départ. On
découvre que les réseaux professionnels et des
diplômés jouent un rôle important tout au long
vie professionnelle, 5 ans, 10 ans, 20 ans, 30
ans plus tard.
Depuis 20 ans, l'Association des Diplômés diffusent ces portraits. Tout d'abord, sous un format papier à raison de 12 portraits par an,
puis, depuis quatre ans, dans sa newsletter à
raison de 40 portraits par an.
Dans chacune de nos newsletters, deux portraits d'hommes et deux de femmes, à des
âges différents, dans des secteurs professionnels différents pour montrer la richesse des
parcours, tant en France qu'à l'étranger.
Ce premier volume complète les actions de
l'Association en matière de valorisation des
diplômés et du diplôme de l'IEP.
L'annuaire en ligne et papier (dont les frais
sont couverts par la publicité) est sans doute
l'outil le plus riche et le plus actualisé de France grâce à une mise à jour quotidienne par
trois collaborateurs supervisés par un membre
du bureau.
C'est ainsi 13 532 diplômés qui sont sortis depuis la création de l'IEP qui figurent dans notre
annuaire.
Avec près de 8 200 sociétés, 9 136 fonctions,
10 339 adresses postales, 9 447 e-mails, l'Association des Diplômés et l'IEP peuvent être fiers
de disposer d'un tel outil à la disposition des
diplômés, des étudiants, de l'IEP.
L'annuaire permet de solliciter un stage, un
emploi, de collecter la taxe d'apprentissage et
contribue aux actions de mécénat récemment
mis en œuvre par l'IEP.
C'est un important investissement financier et
humain réalisé depuis 20 ans avec constance.
Les enquêtes sur l'insertion professionnelle
que réalise l'Association des Diplômés depuis
près de 20 ans sont des outils précieux. L'Association vient ainsi de sortir l'enquête sur la promotion 2014. Les enquêtes sur les promotions
2015 et 2013 sont en cours et une grande enquête est lancée auprès de tous les diplômés
qui ont passé leur diplôme en cinq ans.
Régulièrement des radiographies de diplômés
sont réalisées et portent sur de longues périodes.
Autant d'outils à la disposition des diplômés,
des étudiants, des enseignants de l'IEP pour
connaître ce que sont devenus nos diplômés.
Bonne lecture.
Stéphane PUSATERI
Docteur d'Etat en Sciences Politiques
Vice-Président de l'Association des Diplômés
de Sciences PO Grenoble
[email protected]
06.07.72.10.55
Portraits de 100 Diplômés - 4
Béatrice Andurand
Née MIGNOT
1978 EF
« Je cherche un Directeur Général pour ma filiale
en Finlande pour 6 mois, le titulaire du poste est
parti et le recrutement va prendre des mois. J’ai
besoin de quelqu’un tout de suite pour tenir les
troupes et, bien sur, qui parle la langue à défaut
d’être natif de ce pays ». Voilà le type de demande
auquel répond quotidiennement Béatrice ANDURAND chez NIM EUROPE. C’est une société de management de transition qui existe depuis 2001 et
dont elle est associée depuis novembre 2011.
Après une longue carrière à la SNCF et chez France
2, Béatrice a dirigé un cabinet de recrutement à
Paris plutôt spécialisé dans les fonctions financières. Le secteur étant au ralenti aujourd’hui et le
management de transition, c'est-à-dire le travail
temporaire de cadres dirigeants, lui, en forte
croissance (+22 % pour les entreprises du secteur
en 2011) elle s’est réorientée vers cette activité.
« Pour moi codiriger une entreprise est plus gratifiant aujourd’hui que d’être salariée. J’ai fait le
tour de ce statut et je n’envisage pas d’y revenir.
C’est un vrai plaisir de voir l’entreprise se développer, nous avons fini l’année 2011 en forte hausse
(+ 60%) et 2012 s’annonce bien, même si les incertitudes électorales et la crise rendent les entreprises frileuses » nous dit-elle.
Cadres experts
pour missions
spéciales
Nim Europe propose aux entreprises de toutes
tailles et de toutes nationalités, de leur mettre à
disposition un cadre pendant 4, 6, 12 voire 18
mois, pour développer un projet pour lequel ils
n’ont pas le savoir faire en interne, pour remplacer un dirigeant qui est en indisponibilité temporaire (maternité, maladie). Il peut aussi mener à
bien une réorganisation ou faire un retournement
opérationnel.
Dans les missions récentes en cours, NIM a détaché un Directeur des ressources humaines 6 mois
pour une réorganisation d’entreprise de prêt-àporter, un directeur de la communication 12 mois
dans une société, en voie de fusion avec une autre
entité, et qui doit rassurer les salariés et les
clients.
Portraits de 100 Diplômés - 5
Béatrice Andurand
Le cabinet vient aussi d’envoyer un directeur d’usine d’origine russe en
Ukraine 8 mois pour remettre cette entité, qui fabrique des produits agro
-alimentaires, sur les rails de la rentabilité. Plus près de Neuilly siège de
NIM Europe, Béatrice a mis un directeur de magasin en région parisienne
pour le réorganiser pendant 6 mois.
Dans cette période de crise et d’attentisme, les entreprises n’ont plus les
effectifs pléthoriques ou confortables, qu’elles avaient pour lancer des
projets ou faire face à des départs soudains. Par ailleurs, les 3 ans qui
viennent de s’écouler ont laissé beaucoup d’entre elles dans une situation difficile. Cela nécessite une réflexion sur les business models et un
redémarrage des activités. Autant d’opportunité pour les
manageurs de transition qui en général aiment ce fonctionnement en mission.
Pour moi
codiriger
une entreprise est plus
gratifiant aujourd’hui
que d’être
salariée
Contrairement à beaucoup de ses confrères, NIM Europe
fonctionne sur le mode du travail temporaire, les cadres dirigeants qu’elle détache dans les entreprises sont ses salariés
pendant la durée de la mission elle doit donc s’acquitter des
cotisations sociales et autres charges salariales et bénéficie
pour cela d’une caution bancaire. Le candidat n’entre donc
pas dans les effectifs de l’entreprise.
Tous les métiers sont concernés depuis les DG, directeurs de
sites, directeurs industriels, jusqu’au DRH, directeurs du marketing, ou Directeurs des systèmes d’information. Le niveau de salaire sur
lequel NIM et pertinent commence à 100 000 euros et ses clients vont
des sociétés qui font quelques dizaines de millions de chiffre d’affaires à
des milliards.
« C’est un métier passionnant et en forte de croissance, que j’ai choisi
pour la liberté et les satisfactions quotidiennes qu’il me donne. Rien n’est
plus gratifiant que de réussir à faire se rencontrer un besoin et un manageur et que l’entreprise soit satisfaite et plus profitable à l’issue de la
mission » déclare Béatrice.
Portraits de 100 Diplômés - 6
Bérangère Armand
2000 SP
Pourriez-vous résumer rapidement votre parcours universitaire et professionnel ?
Après onze années passées à BNPP en gestion de
fortune, j'ai fait cette année un Master Administration des Entreprises à l'Institut d'Administration
des entreprises de Nice.
J’ai éprouvé le besoin d’avoir des missions qui
contribuent à l’intérêt général, ce qui -je croisconstitue l’essence des valeurs transmises à Sciences Po.
L’envie d’entreprendre et le besoin d’avoir une
action quotidienne contribuant à l’intérêt général
m’ont toujours accompagné.
Mon diplôme de Science Po, ainsi que le Master
Administration des Entreprises m'ont donné les
clés pour entreprendre, c’est pourquoi, j'ai crée
cette association qui s'appelle "Mécènes des Alpes
-Maritimes".
Une diplômée
au service du
mécénat culturel
Pourquoi avoir créé cette association ? Qu’apporte le mécénat à la société?
Cette association d'intérêt général a pour but de
faire le lien entre l'entreprise et l'art avec l'objectif
triple de :
contribuer à valoriser un territoire,
donner des moyens aux artistes pour créer,
permettre aux entreprises d'avoir un positionnement engagé et citoyen.
Cette association me permet de réunir mes deux
passions : l’art et la culture d’une part, et mon
admiration pour l’esprit d’entreprise d’autre part.
Ces deux mondes se connaissent mal, et parfois
ne s’apprécient pas.
Pour moi, l’entreprise bénéficie dans notre pays
d’un certain nombre d’éléments offerts par l’Etat
qui ne vont pas de soi : des infrastructures pour
faciliter les échanges, un système éducatif qui permet d’avoir des collaborateurs performants, une
sécurité juridique des actes, un système social qui
Portraits de 100 Diplômés - 7
Bérangère Armand
prend soin de ses employés…
Certes, l’entreprise contribue déjà très largement à l’intérêt général par
l’impôt et par la création d’emploi et de richesse.
Mais, dans cette période de crise profonde, elle peut choisir de s’engager
plus encore pour l’intérêt général et le lien social.
Par ailleurs, les acteurs culturels doivent accueillir l’aide de l’entreprise
comme une chance, une ouverture, sans a priori. L’entreprise et son patron sont trop souvent mal considérés dans le champ culturel. Le chef
d’entreprise est parfois accusé d’arrière-pensées fiscales, de calculs d’ordre marketing et son action peut être mal interprétée.
Or si elle en tire un bénéfice pour son image, il ne faut pas oublier que
l’entreprise prend un risque double avec le mécénat :
un risque d’image en associant son nom à un projet,
un risque financier, car il s’agit d’investir dans un bien qui
ne contribue par directement à de la création de valeur pour
l’entreprise.
Mon rôle sera de faire le lien entre l’entreprise, les artistes et
les collectivités, de présenter à chacun quels seront ses engagements et ses bénéfices.
Le chef
d’entreprise
est parfois accusé
d’arrière-pensées
fiscales
Pouvez-vous nous donner des exemples d’actions que vous
souhaitez mener ?
L’association et les entreprises membres décideront ensemble des projets à aider, du discours à créer, des rencontres à inventer.
Je travaille actuellement à trois grands projets :
un projet autour d’un lieu du patrimoine que des artistes plasticiens
et photographes pourraient investir,
un projet de scénographie de brins d’herbe géants pour un parfumeur
grassois à décliner en « mouillettes » pour tester les parfums,
un projet de « land-art urbain » sur des architectures d’entreprises
avec un grand nom de l’art…
Il s’agit pour moi d’aller à la rencontre de l’entreprise, de définir avec elle
ses valeurs, son histoire singulière afin de mener des actions qui fassent
sens pour elle, pour ses salariés, pour l’artiste et pour le territoire… comme le ferait un commissaire d’exposition pour un lieu artistique.
Le mécénat est dans le feu de l’actualité, que pensez-vous de la volonté
de rabot du gouvernement dans ce champ ?
En effet, notre Ministre de la Culture a dans ses projets la réduction des
avantages fiscaux liés aux dons faits par les entreprises.
Cela entrainerait indéniablement une baisse de ressources pour la création. Les acteurs de l'art et de la culture sont sous le choc, des pétitions
circulent, car le mécénat est l’une des sources majeures de son financement. Les associations, les compagnies de théâtre et de danse, les orchestres, les musées ...voire les lieux à caractère historique craignent ces
changements qui pourraient signifier leur fin.
Pour moi, la culture est d'une certaine manière l'industrie de la France.
Portraits de 100 Diplômés - 8
Bérangère Armand
Elle est à notre pays ce que l'industrie chimique est à l'Allemagne et la
finance à l'Angleterre.
La culture participe, contribue à la renommée de notre pays et nourrit
cette marque qu'est la France dans le marché ultra concurrentiel du tourisme mondial.
De plus, le mécénat est au cœur de l’histoire de l’art. Il y a toujours eu de
grands mécènes, et leur apport, leur soutien a permis de grands témoignages, de belles traces extrêmement qualitatives auxquels il convient de
rendre hommage.
Le mécénat est-il réservé aux entreprises ? Qui peut vous
aider à mener à bien votre projet ?
Le mécénat s’adresse à tous : aux entreprises comme aux
particuliers qui bénéficient, aujourd’hui, de la même réduction d’impôt (avec des plafonds à respecter).
Avantage fiscal pour les particuliers : Les dons des particuliers sont déductibles de l’impôt sur les revenus à hauteur de
60%
Avantage fiscal pour l’entreprise : Réduction de 60% du
don sur l’impôt sur les sociétés.
Par ailleurs, une entreprise peut aider par un apport en compétences ou
en nature, il ne s’agit pas nécessairement de sommes d’argent.
Le mécénat
est au cœur
de l’histoire
de l’art
Enfin, je suis preneuse de soutien des collectivités, car l’enjeu est la valorisation du territoire par le dynamisme culturel et l’accès de la culture au
plus grande nombre.
Les collectivités peuvent me rejoindre dans ces objectifs que nous partageons.
Portraits de 100 Diplômés - 9
Romain Arnaud
2009 PES VTS
« L'Europe s'engage avec le FSE »...
Diplôme en poche en juin 2009, j'ai plongé dans le
grand bain du Fonds social européen (FSE) dès le
mois de juillet, au Conseil général de l'Isère, qui
m'avait accueilli pour mon stage de fin d'études
sur la mise en place du RSA dans le département.
Mon attachement pour cette collectivité était tel
que j'ai accepté un poste qui a priori ne me plaisait pas !
En réalité, même si les fonds européens paraissent
complexes et technocratiques, le poste de chargé
de mission FSE a été très formateur et m'a permis,
pendant un an et demi, de développer de nouvelles compétences: mise en place de marchés publics (externalisation de missions), démarche qualité, processus, mobilisation de services ressources, etc. Savoir que l'Europe, parfois lointaine, aide nos territoires, donne aussi du sens à son travail.
En parallèle au FSE, j'ai pu poursuivre la généralisation du RSA sur le département, ce qui me donnait un peu d'air et m'éloigner temporairement
des audits dont la Commission européenne (bien
aidée par l'administration française il est vrai) a le
secret !
Un cadre du
social au service
du technique
Retour en terres drômoises...
Début 2011, changement de département pour un
retour aux sources. Originaire du nord-Drôme,
dont je suis très attaché, j'ai été recruté pour un
poste de responsable « politique de la Ville » à
Romans-sur-Isère, ville qui dispose de nombreux
atouts (raviole, pogne et chaussure!), qui a développé d'intéressants dispositifs en matière de politique de la ville et mis en place un projet de rénovation urbaine ambitieux.
Ce poste m'a tout de suite motivé car il m'a permis d'appréhender concrètement et globalement
l'ensemble des thématiques d'intervention des
politiques de la Ville : le social (pilotage et suivi de
Portraits de 100 Diplômés - 10
Romain Arnaud
la programmation CUCS, suivi des politiques d'insertion), l'urbain
(rénovation du quartier de La Monnaie) et le développement local
(gestion urbaine de proximité, lien associatif).
Du social au technique
Sciences Po
nous donne
de vraies capacités
d'adaptation
En parallèle à mon intégration romanaise, j'ai réussi le
concours d'attaché territorial, ce qui a été un vrai déclencheur d'évolution professionnelle. Dans une collectivité de
taille humaine, où la proximité a toute sa place, elle m'a permis de me faire « repérer ». Lors d'un mouvement interne
début 2012, on m'a proposé de prendre la direction de la
mairie annexe Est (mairie annexe de proximité où se situe
notamment le quartier de La Monnaie), tout en conservant
mes attributions liées à la politique de la ville. Se voir proposer une telle promotion à 25 ans est à la fois une reconnaissance mais engage un minimum de pression !
Je découvre, un peu plus chaque jour, un univers passionnant : espaces
extérieurs (voirie, espaces verts), bâtiments publics, relation aux usagers,
management de plus de 40 agents…
Aujourd'hui je suis bien à Romans, une ville agréable et une collectivité
humaine et dynamique.
Le + de l'IEP Grenoble
C'est un peu cliché de le dire : Sciences Po nous donne de vraies capacités d'adaptation. On peut parfaitement piloter un dossier sans en être un
spécialiste, il suffit souvent de faire preuve d'un peu de bon sens et de
discernement !
Repères
:
- Chargé de mission FSE/RSA au Conseil général de l'Isère de juillet 2009 à
décembre 2010
- depuis le 1er janvier 2011 : Ville de Romans-sur-Isère (26) - Directeur de
la Mairie annexe Est (depuis février 2012) & Responsable du service Politique de la ville
- IEP Grenoble de 2005 à 2009 : section Politique et Economie sociales
puis Master « Ville, territoires, solidarités »
Romain ARNAUD
Portraits de 100 Diplômés - 11
Virginie Aubrion
Née MICHEL
1979 EF
Après une quinzaine d’années passées dans l’industrie agroalimentaire en tant que chef de produits, directeur marketing puis responsable de la
diversification externe, Virginie Aubrion (EF 1979
née Michel) s’est installée pour des raisons de
santé de son mari dans le bordelais pour reprendre une exploitation viticole.
Le défi à relever n’est pas des plus simples ! En 3
mois, il faut reconstruire le chai abandonné depuis
plus de 15 ans, remettre de l’ordre dans la vigne,
apprendre à faire du vin à conduire un tracteur à
changer une roue, créer un nom de château, des
visuels et se familiariser avec la terre ! Pour la
maison, (sans eau, sans salle de bain, sans cuisine)
ce sera pour plus tard et les premières vendanges
se font sous la tente ! Un seul objectif : faire du
bon vin, sain, a prix abordable.
Après 15 ans de
carrière dans le
marketing agroalimentaire, un nouveau métier : viticulteur
Très rapidement, Virginie Aubrion arrive à bien
vinifier en blanc, rouge, rosé, clairet en appellation Bordeaux et Bordeaux supérieur. Dès la première année, le Château de Piote commercialise
15 000 bouteilles. L’intérêt de la région bordelaise
nous dit Virginie Aubrion est, que tout tourne autour du vin et si vous le souhaitez, vous pouvez
facilement vous instruire. La chambre d’agriculture est très présente, les sociétés de produits phytosanitaires sont de véritables professionnels toujours prêts à aider, la lecture est abondante et
bien faite. La seule chose à ne pas faire : demander à son voisin, surtout lorsqu’on est une femme,
travaillant seule (son mari travaille à l’extérieur) et
que l’on arrive de la région parisienne !
La passion a vite eu raison de toute la famille qui
s’est donnée nuit et jour à ce projet. Les amis également sont présents. Surtout pendant les vendanges- véritables rencontres internationales - A
force d’un travail sans répits les objectifs sont atteints : le vin est hissé au haut des palmarès des
plus grands guides professionnels, le prix est très
abordable, seule ombre au tableau, la crise du vin
fait que la commercialisation est difficile l’équilibre financier est loin d’être atteint 10 ans après !
Portraits de 100 Diplômés - 12
Virginie Aubrion
Mais le vin, c’est magique, rajoute Virginie Aubrion, c’est un produit que
l’on « vit » réellement, que l’on sent, ressent et bichonne. On lui donne la
vie, le voit naître, le déguste, le hume et le … partage. On offre du plaisir ! Notre joie : c’est de cultiver la terre, de produire et d’offrir ce même plaisir. Et même si elle ne pensait pas 10 ans
après son installation être obligée de tailler tout l’hiver plus
de la moitié de la propriété soit 5 Ha et faire 50 000 km par
an avec sa petite camionnette jaune , l’intégration est réussie
car elle dit connaître une qualité de vie et surtout faire
connaître à ses enfants cette qualité de vie exceptionnelle.
Le vin, c’est magique !
J’ai eu 6 enfants, avec le vin, chaque année, je retrouve la
joie de mettre au monde 6 nouvelles cuvées !
Portraits de 100 Diplômés - 13
Marc Benavides
1990 SP
Marc, selon la légende, tu as voulu devenir inspecteur des impôts à 5 ans ?
C’est un peu exagéré, j’avais 7 ans en fait ! Non,
j’avais une vraie vocation à cet âge là : devenir
cheminot. J’ai dû l’abandonner vers 15 ans en raison d’une vue insuffisante pour conduire des locomotives. Je n’avais pas d’autre vocation. J’ai donc
poursuivi mes études sans idée précise de ce que
je voulais faire. C’est sans doute pour cela que j’ai
toujours privilégié des filières assez générales,
pour ne pas avoir à choisir trop vite en risquant de
m’enfermer dans quelque chose qui ne me convenait pas. Après un bac B (ES aujourd’hui), j’ai fait
l’IUT GEA (Gestion des Entreprises et des Administrations) à Grenoble. C’est à partir de ce moment
là que j’ai envisagé sérieusement de travailler
pour le service public d’Etat.
De la DGI
à la DGFIP
La 2ème année proposait une section service public, que j’ai intégrée, et qui constituait déjà une
1ère préparation aux concours. Je suis ensuite
rentré à l’IEPG directement en 2ème année, toujours dans la section service public.
Diplômé en 1990, j’ai fait une brève apparition à la
Prép’ENA. Dans un éclair de lucidité, j’ai vite senti
que j’étais un peu juste, et j’ai passé alors quelques mois au CPAG, avant de m’inscrire aux
concours d’inspecteur des impôts, du trésor, et
des douanes en 1991. En raison de problèmes de
santé, je n’ai pu passer que celui des impôts, que
j’ai réussi en 1991.
Parle-nous de la Direction générale des finances
publiques (DGFIP).
C’est une administration toute jeune, encore un
peu méconnue sous ce nom. Elle est née de la fusion en 2008 de deux administrations en revanche
séculaires, complémentaires et que tout le monde
connaît : la direction générale des impôts (DGI)
c'est-à-dire l’administration fiscale d’une part, et
la direction générale de la comptabilité publique
(DGCP), plus connue sous le nom de « Trésor Public » d’autre part.
Portraits de 100 Diplômés - 14
Marc Benavides
Cette nouvelle entité a repris l’intégralité des missions des deux administrations fusionnées, à savoir :
- pour la filière fiscale : l’établissement, l’encaissement et le contrôle et le
contentieux de l’impôt, auprès des contribuables particuliers et professionnels ;
- pour la filière gestion publique : le contrôle et le paiement des dépenses de l’Etat et des collectivités locales, la tenue de la comptabilité publique, ainsi que le conseil financier et fiscal aux collectivités locales.
L’objectif :
améliorer le
service rendu aux usagers tout en maîtrisant les
coûts
Comme la plupart des réformes de l’Etat depuis 10 ans, la
mise en place de la DGFIP avait pour double objectif d’améliorer le service rendu aux usagers, tout en maîtrisant les
coûts.
Il s’agissait d’une part d’offrir un guichet fiscal unique
(déclaration, paiement, réclamations) aux particuliers, de
proposer de nouveaux services financiers et fiscaux aux collectivités locales, et d’autre part de réduire les dépenses,
notamment par des suppressions d’emplois, en remplaçant
deux administrations par une seule.
Ces deux objectifs ont été atteints, Le deuxième est d’ailleurs
reconduit chaque année, de manière légitime au regard de la
situation actuelle des finances publiques, même si l’on se peut se demander où se situent les limites des réductions d’effectifs, à périmètre d’action constant.
En définitive, la DGFIP demeure aujourd’hui la plus grande direction du
Ministère de l’Economie et des Finances, et regroupe un peu moins de
120 000 agents dans 5 000 services répartis sur l’ensemble du territoire.
Elle emploie également des agents en missions à l’étranger dans le cadre
de mission de coopération notamment.
Explique-nous un peu ton parcours.
Je suis un pur produit de l’ex-direction générale des impôts, et j’ai fait
l’essentiel de mon parcours dans le contrôle fiscal. D’abord comme inspecteur vérificateur, pendant une dizaine d’année, en région parisienne
et à Lyon, puis comme chef d’une brigade régionale de vérification pendant 4 ans lorsque je suis devenu inspecteur principal.
Depuis 2 ans, je me suis retiré de ce domaine passionnant mais usant
pour travailler en tant qu’adjoint de la directrice des affaires juridiques à
la Direction régionale des finances publiques à Lyon, où j’ai découvert de
nouveaux horizons.
Plus précisément, en quoi ont consisté tes différents emplois ?
Portraits de 100 Diplômés - 15
Marc Benavides
J’ai commencé en 1994 en tant que vérificateur en Direction de contrôle
fiscal (DIRCOFI). Je réalisais des contrôles sur place (vérifications de
comptabilité) d’entreprises régionales. Métier difficile mais passionnant,
qui impose de nombreux déplacements et la gestion de situations potentiellement conflictuelles, une bonne organisation dans la mesure où l’on
réalise en général plusieurs contrôle simultanément. Cette expérience
m’a beaucoup appris. Il faut avant tout faire preuve d’une grande rigueur
dans l’identification et l’examen des faits, avant d’entamer une analyse
juridique et fiscale des opérations présentant potentiellement un risque
fiscal (méconnaissance de la loi ou fraude délibérée). Discernement, impartialité et objectivité sont indispensables à tous les stades d’un contrôle, en veillant à ne jamais perdre de vue les faits, et à adapter
son raisonnement à la réalité, et non l’inverse. Le dialogue
avec le contribuable est essentiel pour recueillir les informations et documents permettant de valider ou non la régularité des opérations examinées, et le cas échéant pour expliquer les irrégularités constatées qui donneront lieu à rectifications, et éventuellement à sanctions. Enfin il faut également savoir faire preuve d’une certaine autorité en présence
d’attitudes non coopératives, qu’il s’agisse de simples manœuvres dilatoires ou de comportements agressifs, ces derniers étant au demeurant plutôt rares.
Je suis devenu chef d’une brigade régionale
de vérifications
Ensuite, je suis devenu chef d’une brigade régionale de vérifications, où j’étais en charge de l’animation et de l’encadrement d’une équipe d’inspecteurs vérificateurs. Concrètement j’assurais
le suivi de tous les contrôles fiscaux qu’ils réalisaient, depuis les travaux
préparatoires et la définition des axes de contrôle, en passant par la supervision des interventions sur place, jusqu’à la réception éventuelle des
contribuables vérifiés dans le cadre du recours hiérarchique. Ce métier
impliquait également un soutien technique et méthodologique important
auprès du service, et un gros travail de visa de toutes les pièces de procédure du début à la fin des contrôles, afin de sécuriser juridiquement les
opérations et garantir les droits des contribuables.
Aujourd’hui, je suis inspecteur principal des finances publiques à Lyon, à
la division des affaires juridiques de la Direction régionale des finances
publiques de Rhône-Alpes et du Rhône.
Mes missions sont de trois ordres : le contentieux fiscal, notamment juridictionnel avec le visa des mémoires devant le Tribunal administratif, le
rescrit, procédure en plein essor qui permet aux contribuables d’interroger l’administration, avant la réalisation d’une opération ayant des incidences fiscales, afin qu’elle valide celles-ci et leur apporte une sécurité
juridique pour l’avenir, et enfin les questions complexes de fiscalité commerciale des collectivités locales. Ce denier point est totalement nouveau pour moi et résulte directement de la fusion et de la mise en place
de la DGFIP. Les collectivités locales sont demandeuses de conseils sur les
règles fiscales applicables à certaines des opérations qu’elles envisagent
de réaliser, notamment en matière de TVA immobilière, du fait de leur
Portraits de 100 Diplômés - 16
Marc Benavides
complexité.
Enfin, je donne également des cours de fiscalité à l’Université Lyon III.
Que dirais-tu à un étudiant qui serait tenté par une carrière à la DGFIP ?
Tout simplement que c’est une administration qui propose une variété
de métiers, d’implantation géographique et d’évolutions professionnelle
qu’à mon avis peu d’administrations d’Etat peuvent offrir.
Même si j’ai évoqué essentiellement le contrôle fiscal, et le métier en
brigade de vérifications, qui est le domaine que je connais le
mieux, je tiens à souligner qu’il ne s’agit que d’une partie de
l’action de la DGFIP. Cette administration offre une large palette d’autres métiers qui peuvent convenir à des profils très
variés, tant dans la filière fiscale (services des impôts des particuliers, des entreprises, pôles de contrôle et d’expertises,
cadastre) que dans la filière gestion publique (services comptabilité de l’Etat, dépenses de l’Etat, centre des finances publiques en charge de l’animation et de l’expertise dans le secteur public local ) sans oublier les fonctions dites « support
» (services des ressource humaines, de la formation professionnelle ou du budget-logistique).
La DGFIP
propose une
variété de métiers et
d’évolutions professionnelles
Quel souvenir gardes-tu de Sciences Po Grenoble ?
Je crois d’abord que j’ai eu une double chance : celle d’avoir des parents
qui m’ont permis de faire des études, et celle d’avoir pu intégrer Sciences
Po Grenoble.
Mon père a été le 1er de sa famille à savoir lire et écrire. Issu d’un milieu
très modeste, et sans soutien, il n’a cependant pas pu poursuivre ses études. Ca ne l’a pas empêché de réussir sa vie professionnelle, et d’écrire
des livres, mais il a gardé ce regret. Avec ma mère, il a toujours veillé à ce
que nous puissions étudier dans les meilleures conditions, sans nous imposer une filière, mais en m’évitant des erreurs d’aiguillages.
Je n’ai jamais autant travaillé au cours de mes études que pour préparer
le concours d’entrée en 2ème année à Sciences Po Grenoble. Ce cursus à
base d’histoire, de droit public et d’économie, correspondait exactement
aux études que je souhaitais faire et je n’ai vraiment pas été déçu.
L’acquisition d’une méthode de travail, le développement de la culture
générale, du sens critique, des aptitudes à l’expression écrite et surtout
orale, m’ont beaucoup servis par la suite.
J’étais d’un naturel assez timide, et plutôt angoissé à l’idée de faire un
exposé, et plus généralement de prendre la parole en public. Cela me
contraignait à un gros travail de préparation pour limiter au maximum la
place de l’improvisation et des aléas associés, tout en ayant l’air naturel,
alors qu’aucun exercice ne l’est moins, en tous cas pour moi. C’en était
Portraits de 100 Diplômés - 17
Marc Benavides
même devenu un sujet de plaisanterie.
Grâce à l’IEP j’ai beaucoup progressé en la matière. Aujourd’hui à 45 ans,
ça va mieux et il m’arrive même de trouver ça agréable !
Et puis bien sûr, au delà de la formation en elle-même, je garde un excellent souvenir de mes groupes de la section service public de 2ème et 3ème année. Même si les liens noués à l’époque se sont distendus pour
tout un tas de mauvaises raisons (éloignement géographique, paresse à
prendre des nouvelles), je garde un souvenir très précis de chacun. Depuis, j’ai toujours plaisir à suivre le parcours des uns et des autres, grâce
au journal de l’association notamment.
Message
aux étudiants de l’IEP : profitez-en, et croyez en
vous !
Je me souviens des discussions interminables dans le patio,
au printemps : on avait l’impression que tout était possible et
c’était très agréable.
Petit message personnel à celles (et aussi ceux) qui liraient ce
portrait : je ne vous ai pas oubliés !
Et en dehors du travail ?
Je m’impose une hygiène de vie rigoureuse : je m’astreins à
ne pratiquer aucun sport, et je me consacre à l’étude, de la
gastronomie lyonnaise notamment.
Ca ne se voit pas trop…
Merci !
Dernière question rituelle : si tu avais un seul message à adresser aux
actuels étudiants de Sciences Po Grenoble ?
Comme l’IEP m’a aussi appris à savoir sortir du cadre, j’en délivrerai
deux :
PROFITEZ-EN… et CROYEZ EN VOUS !
Marc BENAVIDES
Portraits de 100 Diplômés - 18
Jean-Pierre Arthur Bernard
1960
C’est un de ses premiers mystères quand on rencontre le professeur à Sciences Po, que décidément on ne peut pas appeler « Monsieur Bernard
» car avec lui, on n’est pas dans Au théâtre ce soir:
on avait fait la connaissance, adolescente, du rédacteur à la revue Silex, il s’y faisait appeler « Arthur Bernard », même si c’était pas marqué comme ça dans l’ours, on l’avait recroisé parfois arpentant à pieds les rues de Grenoble sac avachi en
bandoulière, comme Modiano faisant la topographie de ses romans, allant de sa Tour à la Librairie
de l’Université et au Tonneau de Diogène, prenant
le bus pour aller à fac ou à la Maison de la Culture
et on avait bien entendu ses amis le héler « oh,
Arthur ! qu’est-ce que tu deviens, quand est-ce
qu’on se voit ? » car tout le monde a envie de s’attabler avec lui et de l’entendre éclater de rire en
déployant ses dents du bonheur.
Quatre prénoms
pour un enseignant
unique
Or on découvre codirigeant le séminaire Littérature et Politique de l’IEP Grenoble, avec
son cher et vieux complice Roland Lewin, « JeanPierre Bernard ». Alors lequel est le bon ? Et
qu’est-ce qu’il reproche au prénom prononcé en
premier par sa mère (dont on devine rapidement
qu’elle est importante, comme celles de Proust,
de Camus, et de même de Houellebecq, bref comme toutes les mères d’écrivains). Ou plutôt qu’estce qui l’attire dans cet autre prénom qu’il s’est
choisi ? Avoir toujours 17 ans et n’être jamais sérieux ? Etre peint au pochoir sur les murs de sa
ville par Ernest Pignon Ernest ? On penserait plutôt qu’il préfère la phrase de Nizan à celle de Rimbaud. Que 20 ans pour lui non plus ne serait jamais nommé le plus bel âge de la vie, même s’il
regarde parfois ses étudiants et ses étudiantes à la
vingtaine flamboyante avec un peu d’envie. Particulièrement les étudiants éclairés et les étudiantes ingénues libertines. Il y a également du Sartre
et du Colette dans son prénom, au fond, il aurait
pu se faire appeler aussi « Jean-Paul » ou « Chéri
». Voire, aller en villégiature à Lacoste plutôt qu’à
Valence. Mais tout le monde ne peut pas être né
Marquis.
Portraits de 100 Diplômés - 19
Jean-Pierre Arthur Bernard
Un autre mystère, c’est : « comment on peut avoir lu autant de livres ?
» ; on arrive d’une famille où les bibliothèques sont plutôt bien remplies,
on vient de faire hypokhâgne et khâgne où on croit avoir eu des enseignants érudits, et on se retrouve avec un savant qui a mené tous les
combats de sa génération et qui a lu tous les livres (mais qui est loin de
trouver la chair triste). Cette année-là, certes, le thème était « La guerre
» et on a choisi pour sujet de mémoire « L’Amour » (ou comment il peut
être belliqueux et la guerre érotique). C’est vrai que pour lui, l’affaire est
d’or mais de là à connaître tous les ouvrages existants dans ce domaine ?
Eh bien si, c’est possible : de Clauzewitcz à Nancy Huston en passant par
Roland Barthes, aucun ne lui échappe, il n’y a guère que La Bicyclette
bleue de Régine Desforges qu’il ne connait pas dans la bibliographie un
peu trop midinette à son goût de ce travail qu’il a entouré de sa bienveillante exigence (mais bien sûr, ne lui est pas inconnue l’auteur
quand elle éditait Histoire d’o en cachette avec son mari Jean
-Jacques Pauvert).
S’il a
autant de
prénoms, c’est pour
mieux publier
Avoir économisé de l’énergie sur la vie de famille, et les tracas quotidiens et consommateurs qui vont avec, ont certes
facilité sa boulimie de livres. Il aime les rituels, suivre les
compétitions sportives avec son père, ou nager son kilomètre de longueurs quand il arrive à la piscine maternelle, mais
il n’aime pas l’idée du carcan que serait un foyer dont il incarnerait le chef. Peut-être que dans le jeu familial, être un
fils lui suffit (on ne parle pas des jeux intellectuel et amoureux, ceux-là font toute sa place à la lecture) : finalement, ce
ne sont pas les fils spirituels qui lui manquent, comme autant d’enfants
qu’il n’aurait pas eus, mais qu’il a tout aussi bien marqués de son empreinte qu’un père : et au moins ça laisse du temps pour lire et écrire.
C’est là que les deux mystères se rejoignent : s’il a autant de prénoms
dans son nom, « c’est pour mieux publier, mon enfant », comme dirait le
loup du petit Chaperon rouge ; et s’il a autant lu les livres des autres,
c’est pour mieux écrire les siens : surtout ne pas être prisonnier d’un
nom d’auteur, ni d’un genre, ni d’une maison (sinon autant l’être des
Allocations familiales). Qu’on en juge : Jean Pierre Arthur Bernard pour
son premier roman et quelques suivants aux Editions Cent Pages, JeanPierre A. Bernard pour ses livres historiques sur Paris aux Editions Champ
Vallon ou Mercure de France Arthur Bernard pour écrire enfin sa légende
personnelle et publier aux Editions de Minuit, ce roman des utopies perdues dont l’ironie douce-amère et le désespoir généreux ont été salués
par la critique mais également chez Champ Vallon cet autre dévoilement
intime sur les fondamentaux de son enfance etc. . Car écrire, avec avoir
cru aux lendemains qui chantent, lire et enseigner, est l’autre grande affaire de sa vie.
Il avait pourtant dépassé 39 ans au moment où il s’y est mis, et ne se
consolait pas de ne pas avoir disparu à cet âge si romantique pour une
mort tragique qu’elle rend toutes les femmes éplorées (bien plus en tous
Portraits de 100 Diplômés - 20
Jean-Pierre Arthur Bernard
cas que les 33 ans du Christ sur la croix). Mais il a quand même osé, et
obtenu une plus belle récompense pour lui que le prix Goncourt : être
reconnu par Jérôme Lindon.
On n’en demandait pas tant quand on était ses étudiants même si on en
a été très fier. Il nous suffisait de recevoir ses courriers écrits à l’encre
bleue (heureusement Internet n’existait pas encore) qui nous conseillaient sur la rédaction du mémoire en cours («la littérature, ce n’est pas
la vie, il faut passer par l’artifice, le faux, pour atteindre le
vrai de l’art »), ou notre vie même (« sois moins sentimentale
et tu seras une vraie héroïne du XVIIIème siècle ») ; mais aussi attendre ses escapades à Paris, où on avait prolongé ses
études, pour partager un repas dont la conversation serait
toujours pétillante, ou une séance de cinéma qui serait longuement commentée ensuite.
La
littérature,
ce n’est pas la vie
Et puis, avec le temps qui passe, on a des amants, on déménage, on devient épouse, cadre, puis mère, il n’y a plus beaucoup de place, on a moins de temps pour les correspondances ; mais on ne l’oublie pas ; et un jour on apprend qu’il va
partir à la retraite, impossible à imaginer, sa jeunesse était
hier, la sienne, la notre, il ne va pas être content si on fait son hommage,
c’est pas son genre, déjà qu’il nous trouvait nunuche, tant pis, on y va, on
est plus d’un à penser la même chose, je le sais, plus d’un qu’il a fait être
un peu moins niais, transformés de brouillon à page au propre, par son
mélange de rigueur universitaire, de bouillonnement des sources et de
complicité rhétorique ; OK, il n’a pas réussi à nous rendre moins sentimentale, sinon on ne lui écrirait pas ces mots, mais peut-être pour une
fois, il ne nous en voudra pas si on lui dit qu’on l’a tant aimé.
Portraits de 100 Diplômés - 21
Thomas Bertrand
2004 PO
Je ne pensais pas rester au Japon plus d’un an au
départ. Le travail et les rencontres ont fait que j’y
suis toujours, marié à une Kyotoïte ». Thomas Bertrand, 27 ans, ne compte pas revenir vivre à La
Tour-en-Jarez. C’est pourtant là qu’il a grandi. Et
sa terre natale lui manque. Sa famille et ses amis
bien sûr. Mais aussi la cuisine française et le climat : « Il fait très chaud et humide à Kyoto l’été »,
précise-t-il. Il revient pourtant dans la commune
deux fois par an. « Et bien sûr, à chaque fois, j’espère pouvoir assister à un match des Verts ! Je
suis un peu déçu des résultats actuels, surtout
avec Matsui, qui est originaire de Kyoto… » Mais la
culture japonaise l’a séduit d’emblée. « Tout Français remarque, dès l’arrivée à l’aéroport, la qualité
extraordinaire du service. La politesse et le respect quotidiens sont essentiels au Japon. Être au
Japon, dans un pays où les étrangers sont très minoritaires, permet de mieux comprendre ce que
veut dire sa nationalité », dit-il, philosophe.
Un Tourangeois
chef d’entreprise
au Japon
Salarié puis travailleur indépendant, Thomas Bertrand n’a eu qu’un rêve pendant ces cinq années
passées au Japon : créer son entreprise. Un rêve
qu’il vient de réaliser. « L’attrait pour les produits
japonais en France et la culture japonaise en général m’ont toujours fait penser qu’il y avait de nombreuses opportunités. C’est vrai aussi dans l’autre
sens : l’image de la France est plus que bonne au
Japon. Cela facilite le commerce ! » Forts de ces
constats, Thomas Bertrand a donc créé, il y a deux
mois, un site marchand, www.bentoandco.com. Il
y vend des boîtes à bento. « Généralement, il n’y a
pas de cantine scolaire au Japon. Les enfants apportent donc leur déjeuner préparé le matin par
leur maman. C’est le cas aussi de salariés qui ne
souhaitent pas manger dans un restaurant à midi.
» Le bento est le contenu. C’est le contenant que
propose son site. Des boîtes « que tous les Japonais possèdent », jolies, gaies, colorées, pratiques
et de différentes tailles. « Elles permettent de
contrôler les calories avalées, puisque l’espace de
la boîte est déterminé, et de faire des économies,
puisqu’elle permet de ne pas manger au restaurant. Préparer un bento, c’est être inventif et varier les plaisirs, qu’ils soient visuels ou gustatifs »,
explique Thomas Bertrand. En deux mois, les boîPortraits de 100 Diplômés - 22
Thomas Bertrand
tes de Bento & Co (de 3 à 33 euros environ) ont séduit plus de 500
clients. « Nous avons déjà envoyé deux ou trois colis vers Saint-Étienne »,
sourit Thomas Bertrand.
Un retour aux sources grâce au design
Tout a commencé il y a cinq ans. Thomas Bertrand part effectuer sa dernière année universitaire à Kyoto. « Cette année terminée, j’ai été diplômé de l’Institut d’études politiques de Grenoble et j’ai choisi
de rester à Kyoto pour me perfectionner en japonais et y vivre mes premières expériences professionnelles », se souvient-il. C’est au sein d’une compagnie japonaise spécialisée
dans le design qu’il décroche un emploi. « Je m’occupais des
ventes à l’étranger. Dès mon arrivée, j’ai établi un dossier
pour que la compagnie participe à la Biennale du design en
2006. Une belle occasion de rentrer, grâce au travail ! », s’exclame-t-il. En dehors de ses heures de travail, il lance un blog
sur Kyoto (http://lariviereauxcanards.com). « Celui-ci est devenu assez populaire auprès des amoureux du Japon et cela
m’a permis de pouvoir développer une activité professionnelle en indépendant ». En effet, il a travaillé pour une agence de voyage parisienne spécialisée dans le Japon afin d’écrire un guide
sur les bonnes adresses de Kyoto.
L’image de
la France
est bonne au Japon :
cela facilite le commerce
© autorisation La Tribune - Le Progrès - Edition St Etienne. 10 février 2009
Mélina Rigot
Portraits de 100 Diplômés - 23
Lucy Bing
Née Carron de La Morinais
2001 EF
Pourquoi avoir choisi d’intégrer l’IEP, et que t’a
apporté cette formation ?
J’ai passé le concours de science-po Grenoble en
1998, à la sortie du bac. J’avais dans l’idée d’intégrer, à terme, une école de commerce, mais je
n’étais pas attirée par la case « classe préparatoire
» préalable. L’IEP, en 3 ans, m’offrait la possibilité
de conserver un profil généraliste en scienceshumaines tout en approfondissant des matières
que je n’aurais probablement pas abordées par
ailleurs (la politique, le droit constitutionnel, la
géopolitique…).
L’IEP m’a beaucoup apporté sur le plan de l’ouverture d’esprit, de la méthode de travail, du raisonnement et de la capacité à prendre de la hauteur,
d’avoir une vue d’ensemble des sujets tout en
comprenant que les différentes matières sont finalement toutes imbriquées les unes dans les autres.
Responsable
Mobilité
Internationale et
Expatriation
L’IEP m’a ensuite permis de faire la connaissance
de personnes d’horizons divers, qui ont pris des
orientations différentes de la mienne (SP, EcoSoc’, Politique pendant que j’étais en Eco-Fi) et
toutes ces personnes m’ont ouvert des horizons
différents, et sûrement plus riches que si je m’étais orientée plus rapidement vers le cursus école
de commerce.
L’IEP durait alors 3 ans, et permettait de valider un
niveau bac + 4. Je suis entrée ensuite sur concours
en 2e année de Grenoble Ecole de Management.
Ce que je recherchais principalement, à travers
cette nouvelle école, était de me confronter au
milieu de l’entreprise, à travers des stages, mais
aussi en rencontrant des intervenants issus du
monde de l’entreprise. J’ai également saisi l’occasion de partir à l’étranger – ce que j’aurais pu faire
à l’IEP.
Comment as-tu choisi ton orientation professionnelle ?
J’avais découvert le marketing à l’IEP et j’étais très
Portraits de 100 Diplômés - 24
Lucy Bing
emballée par la dimension « étude du consommateur », et les ressorts
psychologiques et sociaux qui guident nos modes de consommation. J’ai
intégré mon école de commerce dans l’optique de commencer ma carrière en marketing. J’ai d’ailleurs fait un premier stage dans ce sens. Et puis
en dernière année j’ai découvert les ressources humaines et notamment
le conseil en accompagnement du changement. L’humain en était toujours le fil rouge, mais en direct, et non plus par le biais du marketing.
J’ai eu la chance de trouver un stage de fin d’études chez KPMG, au sein
du service RH de la direction régionale à Lyon. J’étais initialement recrutée pour faire de la recherche sur un sujet RH précis, et notamment d’éplucher la littérature anglo-saxonne sur le sujet, et j’ai eu
l’opportunité de m’impliquer en parallèle, petit à petit, dans
des missions de RH très opérationnelles (le recrutement de
stagiaires, l’animation des forums écoles…).
La dualité
de mes missions m’a donné une
bonne vision du spectre des RH
Cette dualité des missions, à la fois conceptuelles et opérationnelles m’a beaucoup plu et m’a rapidement donné une
bonne vision du spectre des RH. Mon stage s’est transformé
en CDI, et j’ai travaillé pendant 4 ans au sein de KPMG sur
des missions de RH généralistes (recrutement, formation,
gestion des carrières et de la rémunération, contentieux, expertises juridiques…). J’ai eu l’occasion de remplacer ma RRH
pendant son congé maternité, ce qui m’a permis de prendre
des responsabilités tout en étant soutenue par l’équipe en
place.
Et l’international ?
Ma mère étant anglaise, j’ai toujours eu une inclination pour l’international, et mon seul regret chez KPMG était de ne pas pouvoir utiliser mon
anglais au quotidien… En temps voulu, le directeur régional de KPMG m’a
mise en relation avec le PDG d’une jolie PME Lyonnaise, Clasquin, qui est
commissionnaire de transport. Cette mini-multinationale de 500 personnes, dont la moitié est basée dans une quinzaine de filiales dans le monde, était à la recherche d’un RRH international. J’ai passé près de 3 ans à
déployer et harmoniser la politique RH du groupe au sein des filiales. C’était très riche culturellement car j’étais amenée à beaucoup travailler
avec l’Asie, mais également les Etats-Unis, afin d’adapter au mieux notre
politique en fonction des spécificités locales et culturelles.
En parallèle, j’avais une quinzaine de collaborateurs en mobilité internationale, que nous faisions évoluer d’une filiale à l’autre, avec à chaque
fois un vrai casse-tête à résoudre sur des aspects de rémunération, de
fiscalité, de couverture sociale, d’immigration, et d’intégration interculturelle…
J’ai alors eu l’occasion d’approfondir le sujet très riche de la mobilité internationale au sein du Groupe SEB, à Lyon. Le poste de responsable de
la mobilité internationale, que j’occupe aujourd’hui, fait partie de la diPortraits de 100 Diplômés - 25
Lucy Bing
rection gestion des carrières, et m’amène à travailler avec d’autres experts du domaine RH (recrutement, développement RH, rémunération…)
pour construire une communauté managériale internationale.
C’est un poste qui est à la fois très humain, à travers une gestion individuelle de la carrière et le pilotage des projets avec les filiales du groupe,
et très technique, au travers des différentes matières qui sont abordées.
Chaque cas de mobilité est spécifique et demande de prendre en compte
de nombreux paramètres, ce qui rend l’exercice stimulant et toujours
différent.
Et ensuite ?
En tant que
responsable
de la mobilité internationale, je travaille à
construire une communauté managériale
internationale
Je souhaite maintenant pouvoir allier un poste généraliste
avec la dimension internationale et donc, à mon tour, m’expatrier !
Portraits de 100 Diplômés - 26
Emmanuel Bonne
1992 SP
Emmanuel Bonne est aujourd'hui conseiller diplomatique de François Hollande pour l'Afrique du
Nord, le Moyen-Orient et les Nations unies, retour
sur son parcours, ses ambitions, ses succès :
Elève de la section Service Public à l'IEP de Grenoble, il avait déjà pour projet de rejoindre l'administration, une vocation à être au service de l'Etat.
Son intérêt pour l'aire géographique de l'Afrique
du Nord et du Moyen-Orient, déjà fort avant de
rejoindre l'IEP, a grandi tout au long de son cursus.
Il a donc choisi d'étudier davantage les affaires de
cette région, avec une thèse de sciences politiques
qu'il a préparée à Aix en Provence. Après avoir fait
son service national en coopération à Istanbul, où
il enseignait les sciences politiques à l'université
de Marmara, il a été chercheur au Centre d'études
et de recherches sur le Moyen-Orient à Beyrouth
et a effectué de nombreuses missions sur le terrain, notamment en Syrie, au Liban et en Jordanie.
Il a ensuite décidé de tenter le concours de
conseiller des affaires étrangères (Orient) et l'a
réussi. Il a alors rejoint la direction d'Afrique du
Nord et du Moyen-Orient au ministère des affaires
étrangères, où il a été chargé des dossiers Iran et
Irak.
Pourquoi l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient ?
Un diplômé au service du Président
de la République
Emmanuel Bonne décrit cette aire comme un
monde à la fois proche et compliqué, difficile à
comprendre mais plein d'attraits. Il estime qu'en
tant que Français, nous y avons un rôle tout particulier à jouer.
Il a complété sa formation au Quai d'Orsay et y a
acquis de nouvelles méthodes de travail et a pris
des responsabilités opérationnelles, par exemple
dans le contexte de la crise irakienne en 2003. Il
est ensuite parti en poste à l'ambassade de France
en Iran où il a été en charge du dossier nucléaire
et des questions de politique étrangère. Il a par la
suite pris de nouvelles responsabilités comme numéro deux de l'ambassade de France en Arabie
Saoudite, où il s'est intéressé à de nouveaux dossiers (énergie, sécurité, affaires commerciales,
défense) et a développé ses compétences admi-
Portraits de 100 Diplômés - 27
Emmanuel Bonne
nistratives (gestion du personnel, coordination des services, animation
d'équipe, représentation).
Passage à New York
Après l'Arabie, Emmanuel Bonne a été sollicité pour servir à la mission
permanente de la France auprès des Nations unies. Celle-ci est l'un des
postes les plus prestigieux du réseau diplomatique. Il y a exercé pendant
trois ans les fonctions de conseiller politique et de coordonnateur du
conseil de sécurité. A ce titre, il y a couvert l'ensemble des dossiers politiques, a dirigé l'équipe des experts français et a supervisé la négociation
des textes au Conseil de sécurité. Il en garde le souvenir de négociations
intenses et difficiles, souvent dans un contexte de crise (Libye, Syrie, Côte
d'Ivoire, Soudan, Corée du Nord...), et a apprécié les règles particulières
de la diplomatie multilatérale. Au Conseil de sécurité, il a mesuré toute
l'influence que la France garde encore sur les affaires du monde.
L'appel de François Hollande
C’est pour
servir le
Président qu’on
devient son conseiller
Après l'élection de François Hollande à la Présidence de la
République, Emmanuel Bonne a été appelé à rejoindre son
cabinet au sein de ce qu'on appelle la cellule diplomatique.
Selon lui, c'est pour servir le Président qu'on devient son
conseiller. Il faut donc partager ses idées et vouloir lui être
utile en lui apportant ses compétences. Les membres du cabinet du président de la République exercent ainsi des fonctions qui sont à la fois politiques et techniques. Son poste a
haute responsabilité consiste à travailler au contact direct du
Président de la République, à préparer ses dossiers, à l'accompagner dans ses activités et ses déplacements, à alimenter sa réflexion et à lui fournir les éléments qui lui permettent de décider à son niveau.
Il travaille donc actuellement donc sur tous les dossiers concernant l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient et les principales affaires en cours au Nations unies. La crise syrienne est le dossier qui l'occupe le plus. Mais il
suit aussi le dossier nucléaire iranien, la situation en Libye, la coopération
avec les pays du Maghreb, les relations avec les pays du Golfe et la question israélo-palestinienne. Il prépare aussi les grands voyages du Président de la République dans la région. Emmanuel Bonne rappelle que la
cinquième République donne un rôle particulier au chef de l'Etat dans la
définition de la politique étrangère mais souligne que la cellule diplomatique ne se substitue pas au ministère des affaires étrangères, qui est en
le principal maître d'œuvre.
Son poste à l'Elysée est très exigeant sur le plan personnel et professionnel et demande une disponibilité totale. Mais il procure la grande satisfaction de servir le chef de l'Etat et d'être au plus près des grandes décisions politiques. Il restera à son poste aussi longtemps que François HolPortraits de 100 Diplômés - 28
Emmanuel Bonne
lande le voudra bien. Comme fonctionnaire de l'Etat, il retournera vers
son administration d'origine lorsqu'il quittera la Présidence de la République.
Le mot pour les élèves de l'IEP
Etudiants :
ouvrez les
yeux, soyez curieux !
A tous ceux qui souhaitent s'orienter vers une carrière diplomatique, Emmanuel Bonne recommande d'être éclectique,
de voyager et de se faire une opinion sur les affaires du monde. Ouvrez les yeux, ne cessez pas d'apprendre, soyez
curieux. Emmanuel Bonne rappelle que "comme Français, on
est attendus dans le monde, on a beaucoup à donner".
Le must-read d'Emmanuel Bonne : Diplomacy, de Henry Kissinger.
Interview réalisé par Hugo Schmitt, étudiant IEP, 2e année, POL
Portraits de 100 Diplômés - 29
Marie Bonnet
1997 SP
Marie (Trouche épouse) Bonnet est ancienne élève de la promotion SP 97 à l’IEP de Grenoble. Docteure en anthropologie de l’EHESS, elle est également ancienne élève de l’Ecole de la Santé à Rennes (ENSP devenue EHESP) et de l’EPHEP (Ecole
Pratique des Hautes Etudes en Psychopathologie).
Après une carrière de directrice d’hôpital, aujourd’hui maman de 3 enfants, elle exerce en profession libérale à Paris comme psychothérapeute,
psychanalyste et docteure en anthropologie.
Elle reçoit enfants, adultes, personnes âgées pour
des demandes individuelles ou familiales de thérapie. Elle est auteure d'un ouvrage portant sur les
enfants atteints de cancer qui relate son expérience d'accompagnement de personnes atteintes de
maladie grave. Officier de réserve du Service de
Santé des Armées, elle a également développé
une spécialité autour du psychotraumatisme et
elle intervient, notamment auprès du personnel
militaire, dans la prise en charge de souffrances
liées aux conflits armés et aux violences faites aux
personnes.
Anthropologue, formatrice en
prévention des
risques
psycho-sociaux
Elle est membre de l'Association lacanienne internationale et de l'Association française des anthropologues.
Elle est aussi experte en sciences humaines et sociales auprès de l'Agence nationale de sécurité du
médicament, dans la Commission des stupéfiants
et psychotropes.
Le cabinet dont elle est responsable, Anthropsy,
propose un appui aux organisations. Elle intervient
comme formatrice en prévention des risques psycho-sociaux, sur la gestion du stress et pour la promotion de la bientraitance.
Portraits de 100 Diplômés - 30
Y. Bourgueil & O. du Peloux
Ysabel Bougueil née DESMOUSSEAUX
& Odile du Peloux née MUNOS
1995 SP & 1984 SP
Le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) est un établissement public dont la
mission principale est dédiée à la formation des
fonctionnaires territoriaux. Sa dimension nationale lui permet d’assurer une offre harmonisée sur
l’ensemble du territoire au travers des 29 délégations, des 4 Instituts Nationaux Spécialisés d’Etudes Territoriales (INSET) et de l’Institut National
d’Etudes Territoriales (INET) qui le composent. Il
fonctionne grâce à une cotisation correspondant à
1% de la masse salariale de l’ensemble des Collectivités territoriales et EPCI de France, et sur le
principe de la mutualisation.
La délégation Grande couronne d’Ile de France
recouvre les départements des Yvelines, du Val
d’Oise, de la Seine et Marne et de l’Essonne. Une
antenne a été créée au sein de chacun d’entre eux
pour favoriser l’organisation des formations au
plus près du territoire des agents territoriaux qui y
travaillent. Plusieurs services régionaux dont celui
de la Préparation aux Concours et Nouveaux Services déploient une offre régionale sur ces 4 départements.
Les fonctions d’un conseiller formation sont variables. Il peut être en charge exclusive d’un ou plusieurs domaines pour lesquels il est en position de
veille aussi bien règlementaire que sur les évolutions de pratiques, les innovations mises en œuvre. Il est ainsi en charge sur son secteur, de la
programmation de l’offre, de la réalisation de
journées d’actualité, du recrutement d’intervenants. « Personnellement je suis responsable de
l’offre dans le domaine des finances publiques »
précise Odile du Peloux. «
Deux territoriales
au service de la
formation
Cela m’a amenée, dans le contexte actuel de raréfaction des ressources financières, à organiser en
2012 une journée d’actualité sur les perspectives
de financement pour les collectivités à l’horizon
2013.Mais selon l’organisation de la délégation,
cette mission peut prendre une part plus ou moins
grande. 80 % de mon poste est en fait en lien direct avec le territoire. J’ai la spécificité d’être rattachée à l’antenne des Yvelines. J’ai ainsi un rôle
Portraits de 100 Diplômés - 31
Ysabel Bourgueil & Odile du Peloux
de conseil et d’accompagnement de collectivités situées dans ce
département sur la mise en œuvre d’actions de formation mais également de projets managériaux ou d’organisation. Les demandes des collectivités portent sur des domaines très variés : de la gestion différenciée
des espaces verts, à la responsabilité éducative des animateurs en passant par l’élaboration d’un référentiel managérial, la création d’un guichet unique… Cette variété dans les thématiques constitue toute la richesse du poste sans compter que les territoires ruraux sont très différents des territoires urbains ».
Ysabel Bourgueil, responsable du Service Préparation aux concours et
Nouveaux Services apporte un autre éclairage sur la mission
d’un conseiller formation : « Il doit concevoir et mettre en
œuvre des dispositifs de préparation au concours, ayant pour
objectif de permettre au plus grand nombre de stagiaires,
tous agents publics territoriaux, de réussir le concours ou
l’examen professionnel choisi.
Une expérience en
collectivité est un sérieux plus pour comprendre les attentes
des agents
Cela signifie qu’il doit exercer un travail de veille permanent
aussi bien sur la nature et le contenu des épreuves, sur les
grandes thématiques de l’actualité territoriale mais aussi sur
l’évolution de la Carrière au sens large du terme. Il est un des
acteurs essentiels qui permet de faire vivre le système de la
seconde chance, ou promotion sociale par reconnaissance du
mérite via la voie des concours. »
Après 18 ans passés en collectivité territoriale au sein de
directions différentes, Odile du Peloux a eu envie de s’orienter vers la gestion de projets plutôt que de continuer à exercer des
fonctions d’encadrement. « Mes années passées en collectivité sont un
plus indéniable. Je connais leur fonctionnement et bon nombre des
métiers qui s’y exercent. Cependant, avant de candidater au CNFPT, j’ai
suivi une formation complémentaire au CNAM en ingénierie de la formation. Cela a favorisé mon recrutement ».
Ysabel Bourgueil a rejoint le Centre National de la Fonction Publique
Territoriale après 10 ans passés en collectivité, en responsabilité de
services Enseignement, Jeunesse, Sport, puis Carrières : « Ces expériences m’ont permis d’acquérir des compétences managériales précieuses
pour diriger le service Préparation depuis août 2012. Auparavant
conseiller formation au sein du même service, j’ai été séduite par l’idée
de contribuer au développement des carrières des agents et non plus
uniquement d’en assurer la gestion. Je rejoins Odile sur un point fondamental : une expérience préalable en collectivité est un sérieux plus
pour comprendre les attentes des agents et de leurs employeurs ».
L’enseignement généraliste de l’IEP, la curiosité d’esprit qu’il développe
sont des atouts dans les métiers du conseil. Au CNFPT, le conseiller formation doit avoir une bonne capacité d’adaptation. Il doit être aussi à
l’aise avec un DGS qu’un secrétaire de mairie. Il doit également pouvoir
Portraits de 100 Diplômés - 32
Ysabel Bourgueil & Odile du Peloux
évoquer les évolutions qui traversent les finances, les ressources humaines, les rythmes scolaires…
Un solide rédactionnel,
une capacité de
conceptualisation sont
essentiels pour ces
missions
Les compétences généralistes sont aussi très précieuses
comme la capacité à savoir parler en public devant un groupe de 20 personnes ou lors d’une ouverture rassemblant
300 personnes comme cela est fréquent en préparation
concours. Un solide rédactionnel, une capacité de conceptualisation sont aussi essentiels pour l’exercice des missions. L’enjeu est fort car le CNFPT est l’institution majeure
en matière de développement des 1,7 millions d’agents
territoriaux.
Portraits de 100 Diplômés - 33
Luc Briand
1997 SP
Faire l'IEP et devenir magistrat de l'ordre judiciaire, ce n'est pas courant...
En effet ! Dans ma promotion, nous n'étions
qu'une poignée à envisager cette carrière, quand
les étudiants de la section « service public »
s'orientaient très majoritairement vers les filières
plus traditionnelles : ENA, directeur d'hôpital, inspecteur du trésor... Pourtant, le concours de
l'ENM, bien que difficile, est tout à fait accessible
aux diplômés d'IEP : les épreuves de culture générale et de droit public représentent près de la moitié des coefficients de l'écrit et l'IEP prépare évidemment très bien aux oraux d'admission.
Il s'agit là du concours externe, destiné aux étudiants, mais il faut préciser qu'il n'y a pas moins de
neuf voies d'accès à la magistrature : le concours
interne, accessible après 4 ans de services publics,
le 3ème concours (pour les salariés et professions
libérales), mais aussi des intégrations sur dossier
ou par concours exceptionnel. En fait, il est possible de rejoindre la magistrature à chaque étape de
sa vie professionnelle.
Rendre la juste au
nom du
peuple français
Pourquoi ce choix ?
Parce qu'on retrouve dans ce métier tout ce qui
nous a conduit vers l'IEP : la diversité des expériences, la confrontation au monde et la recherche
de responsabilités.
Le métier de magistrat est très riche, grâce à la
variété des fonctions que l'on est amené à exercer
au long de sa carrière : juge des enfants, juge
d'instruction, juge aux affaires familiales, juge
d'instance, juge de l'application des peines... Au
bout de quelques années, un magistrat devient
vice-président d'un tribunal pour y être juge des
libertés et de la détention ou juge des référés, ou
conseiller de cour d'appel pour, par exemple, présider une cour d'assises. Il peut également, plus
tard, présider un tribunal, et exercer ainsi des responsabilités managériales. L'ENM forme également les substituts, futurs procureurs de la République, qui dirigent l'action de la police judiciaire ;
il est possible de passer du siège au parquet et
réciproquement, même si ces passages se font
moins courants.
Enfin, plus de 250 magistrats sont détachés au
Portraits de 100 Diplômés - 34
Luc Briand
sein des autorités administratives indépendantes (Autorité de la concurrence, CNIL, CNCDH...), des institutions communautaires (Commission,
CJUE...), ou même dans les organisations internationales (CEDH, Cour
pénale internationale, Nations Unies...). Ils sont assez nombreux également à exercer comme administrateur civil ou sous-préfet, par exemple.
Quel a été ton parcours ?
Je suis entré à l'ENM par le deuxième concours, après une première expérience professionnelle comme administrateur des affaires maritimes. A
la sortie de l'école, j'ai été nommé juge au tribunal de grande instance du
Havre : pendant trois ans, j'ai exercé les fonctions classiques d'un magistrat affecté dans un tribunal de taille moyenne : juge aux affaires familiales (adoption, autorité parentale, divorce...)
dans un premier temps, puis juge civil « classique
» (responsabilité civile, juge de l'exécution). Comme tous
mes collègues, j'étais également juge correctionnel, seul ou
en collégialité selon la gravité des affaires, et assesseur à la
cour d'assises de la Seine-Maritime. Enfin, je présidais le tribunal maritime du Havre, chargé de juger les délits commis
en mer.
Dans le métier de
magistrat, on retrouve
tout ce qui nous a
conduit vers l’IEP
Après trois ans dans ces fonctions, j'ai été nommé auditeur à
la Cour de cassation. Les auditeurs assistent les magistrats de
la Cour dans les recherches juridiques et contribuent à la diffusion de la jurisprudence. Mon travail consistait, au sein du
bureau du droit constitutionnel qui venait d'y être créé, à
participer au traitement des QPC. Ce fut une période passionnante, au
cours de laquelle moi et mes collègues avons travaillé sur les QPC transmises à la Cour de cassation: constitutionnalité de la garde à vue, de la
procédure applicable aux infractions terroristes, des lois réprimant le
négationnisme, du droit au mariage, etc…
J'ai ensuite rejoint l'administration centrale du ministère de la justice, au
sein du service des affaires européennes et internationales ; mon
travail consistait à rédiger les contributions du ministère de la justice en
vue d'établir les rapports de la France devant les comités des Nations
Unies chargés des droits de l'homme, à participer aux négociations menées à Bruxelles portant sur l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH,
ainsi qu'à l'élaboration de la position du ministère de la justice en matière d'élargissement de l'UE, au regard du respect de l'Etat de droit par les
pays candidats.
Depuis septembre 2013 et pour quatre ans, je suis détaché au Conseil
d'Etat comme maître des requêtes en service extraordinaire. Affecté à la
deuxième sous-section de la section du contentieux, j'y traite un contentieux variés, parfois proche celui des juridictions judiciaires (droit des
étrangers, des personnes), ou bien plus éloigné (droit des transports et
des télécommunications, droit du sport). Inutile de dire que le degré
d'exigence juridique est particulièrement élevé, et qu'il s'agit donc d'une
très bonne école !
Portraits de 100 Diplômés - 35
Luc Briand
Quels sont tes souvenirs marquants ?
Rendre la justice est, humainement, particulièrement gratifiant. Toute
décision de justice débute par la formule « Au nom du peuple français » ,
et dès le premier jugement, on mesure la responsabilité qui nous est
confiée par la société. Au titre des moments impressionnants, la participation aux assises, sur des dossiers criminels lourds, est particulièrement
marquante. On n'oublie pas ce genre d'affaires, qui nous confrontent à la
violence et souvent à la mort. Enfin, je me souviens des délicates auditions d'enfants dans le cadre des affaires familiales, et du soulagement
de l'enfant dont la parole était entendue par un adulte.
L’IEP permet de
prendre du recul sur
les affaires qui nous
sont soumises
Qu'apporte l'IEP à un magistrat ?
D'abord, une solide formation de juriste. Nous n'avons pas
de complexe à avoir sur ce point face aux diplômés en droit.
Mais surtout, l'IEP permet d'acquérir des méthodes indispensables pour faire face à la charge de travail très lourde des
juridictions judiciaires : être capable de synthétiser un dossier en identifiant les points importants, de rechercher l'information utile, avoir une bonne capacité d'expression orale
comme écrite. Enfin, l'IEP permet d'enrichir sa pratique professionnelle d'un éclairage sociologique, économique ou historique, qui permet de mettre en perspective ses décisions et
parfois de prendre du recul sur les affaires qui nous sont soumises.
Quand on a fait Sciences po, il faut cependant avoir bien à l'esprit que le
métier de magistrat obéit à une logique différente de celle des métiers
publics auxquels l'IEP prépare habituellement. Il ne faut s'engager dans
cette voie que si l'on pleinement conscient de ce qu'implique, en terme
d'indépendance, le fait d'être magistrat et non fonctionnaire.
Portraits de 100 Diplômés - 36
Jean-Louis Büer
1984 SP
Ce Chambérien d’origine a construit sa carrière sur
un mot d’ordre : la passion pour son métier. Lancé
dans l’arène du ministère de l’agriculture en 1990,
il n’hésite pas à multiplier les expériences professionnelles : de Moscou à Amiens, ce hautfonctionnaire « tout terroir » a le sens du service
public, auquel il consacre une énergie communicative. Aujourd’hui directeur de l’INAO (Institut National de l’Origine et la Qualité), il s’attèle à la reconnaissance des bons crus et de la bonne chère.
Après un bac Scientifique, c’est lors de ses études
à l’IEP de Grenoble que Jean-Louis Büer trouve sa
voie : le service public. Le déclic lui vient de ces
mois passés à étudier aux Etats-Unis, dans la prestigieuse université de Berkeley. En se confrontant
au système étatique américain, il comprend que la
colonne vertébrale de la France reste l’Etat, « cette structure publique qui donne une cohérence à
notre société ».
Un hautfonctionnaire
éclectique de terrain
Alors direction Paris pour décrocher le concours
de l’ENA : après un revers en 1986, échec en demi
-teinte puisqu’il obtient celui de la Banque de
France, Jean-Louis Büer entre dans la célèbre école en 1987. A la fin de son cursus, il hésite entre
deux ministères, l’éducation nationale et l’agriculture, mais ce dernier remporte ses faveurs : «
c’est un ministère à la fois très technique et ancré
dans notre histoire, mais il est surtout foncièrement tourné vers l’avenir, l’agriculture restant un
secteur-clé de notre économie ». Lancé dans sa
carrière de haut fonctionnaire, il ne s’arrêtera
qu’un temps pour se consacrer au conseil général
de Picardie, « une très bonne expérience ». Il revient ensuite aux sources de son engagement professionnel : le métier de haut fonctionnaire lui
plaît, malgré la frustration de ne jamais posséder
son poste, et devoir changer sans cesse de fonction voire de région. « J’accepte cette contrainte,
qui n’en est pas une pour moi car cela permet de
ne pas être immobile et se scléroser. C’est très
sain de pouvoir changer en acquérant toujours de
nouvelles compétences ».
Cette volonté de multiplier les rencontres et les
contacts, les métiers et les secteurs d’activité (du
Portraits de 100 Diplômés - 37
Jean-Louis Büer
vin aux labels de qualité en passant par les lycées agricoles) émergeait
déjà lors de ses études supérieures. Car de son passage à Science Po Grenoble, Jean-Louis Büer retient surtout la diversité, mot-clé de l’enseignement qu’il a reçu entre les murs de l’institut : « on apprend toujours des
gens différents de nous, de nos professeurs et camarades pendant nos
études, puis de nos collaborateurs et interlocuteurs plus tard ». Une devise qu’il applique tout au long de son parcours : « J’aime agir,
j’aime voir ailleurs et faire un pari sur l’avenir » assure JeanLouis Büer avec emphase mais conviction. C’est chose fait en
1994 avec un détour par l’ambassade française à Moscou
dans une Russie mouvante en pleine transition. Ce féru de
littérature russe (Vassili Grossman et Mikhaïl Boulgakov en
tête) tombe amoureux de la Belle de l’Est, qui lui inspire même un livre publié en 2001, « La Russie, idées reçues ».
J’aime agir,
voir ailleurs
et parier sur l’avenir
Ce fonctionnaire éclectique aimerait plus tard explorer d’autres horizons : travailler à nouveau dans une collectivité territoriale ou aller toujours plus loin à l’est, son regard se portant sans hésiter sur la Chine. Avec toujours en tête, cette volonté de
réformer, réaliser des projets, s’enrichir de rencontres et de compétences nouvelles, jusqu’à la prochaine étape.
Bio Express
13 avril 1961 : naissance à Chambéry
1981-1986 : IEP de Grenoble (SP), maîtrises d’histoire et de droit public
puis DEA d’Etudes Politiques
1987 : entrée à l’ENA
1990-1994 : Chef de bureau au ministère de l’agriculture
1994-1997 : Attaché agricole à l’ambassade de France à Moscou
1997-2001 : DGA de l’ONIVINS (Office National Interprofessionnel des
Vins)
2001-2004 : DGA des services du Conseil régional de Picardie
2004-2006 : chargé de mission auprès du Ministère de l’agriculture
2006 : reçoit le titre de Commandeur de l’ordre du Mérite Agricole
2006-2009 : directeur général de l’enseignement agricole et de la recherche
29 juillet 2009 : nommé directeur de l’INAO
Estelle FAURE
2011 POL - Journalisme
Portraits de 100 Diplômés - 38
Olivier Busson
1993 PO
Vous travaillez à Londres pour les Nations Unies,
à l'Organisation Maritime Internationale (OMI) :
comment avez-vous été amené à travailler ici ?
En effet, ce n'est pas banal, nous ne sommes que
deux administrateurs français en poste à l’OMI ;
pour une grande nation maritime comme la France, c'est finalement assez peu.
Mais il n’y a pas de hasard, lorsque j'étais chef du
bureau de l'emploi et de la formation maritimes
au Ministère du développement durable, des
transports et de la mer, je consacrais 90 % de mon
temps à insérer en droit français des dispositions
de droit international. C'est une évidence pour
chacun, qu'il est parfois nécessaire de rappeler: de
plus en plus de normes sont établies au niveau
international et les marges de manœuvre nationales se réduisent. Il est donc essentiel d'être présent au sein des instances internationales où tout
se fait, tout se décide. Et, par essence, nous travaillons sur des sujets en pointe, comme par
exemple les normes à établir pour anticiper l'utilisation croissante des routes maritimes polaires
ouvertes par la fonte des glaces.
Administrateur à
l'Organisation
Maritime
Internationale
L’adoption de normes internationales a permis un
renforcement notable de la sécurité maritime ainsi qu’une diminution des risques de pollution
maritime, même si des drames humains ou écologiques restent possibles.
Et puis, c'est passionnant de travailler au quotidien avec des collègues venant de tous les pays du
monde ; c'est une chose de vivre à l'étranger, une
autre de rencontrer des personnes de cultures
aussi variées.
Qu’apportez-vous à cette institution ?
Une expérience, une technicité, mais aussi une
polyvalence. Autant de critères que l'on remplit en
général lorsque l'on est administrateur des affaires maritimes et que l’on a occupé des postes variés. Ce qui fut mon cas.
Portraits de 100 Diplômés - 39
Olivier Busson
Après un cursus généraliste à Sciences Po et en Droit et la réussite au
concours, j’ai suivi la formation très complète de l’Ecole nationale supérieure de l’administration et de la sécurité de la mer (ENSAM), qui comprend notamment une période de navigation à bord de navires de la marine de commerce, de pêche et de guerre.
J'ai eu la chance d'occuper de nombreux postes, tous très formateurs : au
Secrétariat général de la mer puis comme directeur départemental adjoint des affaires maritimes du Morbihan et directeur des affaires maritimes de Mayotte. A mon retour, je fus en charge de la planification de
l'éolien en mer en Bretagne, puis chef du bureau de l'emploi et de la formation maritime savant d'être affecté à l’OMI.
Le dénominateur
commun à toutes mes
affectations ? Les
relations humaines !
Avant mon affectation londonienne, l’une des expériences
les plus marquantes fut sans doute Mayotte. J'y étais au moment où l’attention des pouvoirs publics et des medias s est
davantage focalisée sur cette terre française d’Afrique, entre
2005 et 2009. Mayotte n’avait sans doute jamais vu autant
de délégations ministérielles, de missions parlementaires et
consulaires se succéder pour préparer au mieux sa départementalisation, effective depuis 2012. J’ai été heureux de participer à cette aventure et en ai écrit le récit dans un ouvrage
publié chez L’Harmattan (La Pêche à Mayotte. Entre archaïsme et post-modernité. Paris, 2011).
Ce fut davantage qu’une affectation en fait : une véritable
tranche de vie. Les photos que j’ai pu y faire ont été exposées au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) ; j’ai participé aussi à la Coupe
d’Afrique de Rugby à Maurice et aux Jeux des Iles de l’Océan indien à
Madagascar, où j’ai joué devant près de 25 000 personnes ! Petit clin
d’œil à cette occasion à tous ceux qui sont passés par la « glorieuse »
équipe de rugby de l’IEP !
Ainsi, j'ai travaillé aux niveaux local, départemental, régional, interrégional, ministériel, interministériel, ultra-marinet maintenant international !
Les domaines d’intervention sont aussi très variés puisque l’on est amenés à travailler dans les champs économique, règlementaire, social, environnemental et l’on peut aussi exercer des responsabilités opérationnelles lors des missions de sauvetage en mer et de police des pêches par
exemple.
Le dénominateur commun à toutes ces affectations ? Les relations humaines, qui font tout. Et en cela, Sciences Po est un atout majeur.
Justement, en quoi votre passage à l'IEP vous a-t-il été utile pour arriver
jusque-là ?
Je crois que l’on trouve à Sciences Po… ce que l’on vient y chercher. Certains viennent y chercher un métier et en trouvent un. D’autres viennent
Portraits de 100 Diplômés - 40
Olivier Busson
en chercher un et en trouvent un autre… Moi, j’y ai trouvé une formidable opportunité pour évoluer.
Je crois que
l’on trouve à
Sciences Po… ce que
l’on vient y chercher
Issu d’une famille modeste d’origine juive maroco-algérienne
côté paternel et catholique polonaise côté maternel, je ne
pouvais que m'intéresser à la politique qui, au-delà des individus, fait mouvoir les peuples, et me mettre au service de la
France qui fut le carrefour et le creuset où je suis né.
Ces origines m’ont donné en tous cas à la fois un goût viscéral de la France et du service public mais aussi l'arrachement
identitaire suffisant pour être pleinement ouvert au monde.
Olivier Busson (PO 1993)
Quelques publications:
La Pêche à Mayotte. Entre archaïsme et post-modernité. Paris, L’Harmattan, 2011.
L'emploi et la formation maritimes en France. Paris, Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Mars
2012, 44 p ill.
Portraits de 100 Diplômés - 41
Agathe Caillette-Regent
2001 PO
Après 8 ans dans la communication, dont 6 ans en
agence d’événementiel, Agathe Caillette-Régent
(2001 PO) a décidé de lancer sa propre activité, en
freelance. La communication, l’événementiel, les
élèves de l’IEP connaissent. Mais sa profession
d’aujourd’hui est moins connue. Elle nous éclaire
sur son activité : la direction de contenu.
La direction de contenu, en quoi ça consiste exactement ?
Cela signifie que je conseille et accompagne mes
clients, agences ou annonceurs, dans la conception de leurs messages. Je m’occupe spécifiquement du fond, que ce soit dans la conception d’un
document de communication ou d’un événement.
Votre activité principale c’est la rédac chef en
événementiel. On connaît le travail d’un rédac
chef dans la presse, mais dans l’événementiel,
quel est votre rôle ?
La direction de
contenu
Je travaille sur des événements corporate, type
conventions, congrès, séminaires... depuis la
conception du déroulé, la préparation de chaque
discours jusqu’aux répétitions. Je conseille les intervenants, le plus souvent des dirigeants, pour
mettre en forme leurs interviews, je prépare les
questions des animateurs, rédige des scripts lorsqu’il y a des vidéos, bref j’interviens sur tout ce
qui véhicule les messages souhaités.
C’est un peu comme du coaching ?
Il y a une dimension de coaching car au delà d’aider les intervenants à structurer leur discours, je
leur donne aussi des clés en matière d’expression
orale et de force de conviction mais le coaching
c’est une démarche individuelle alors que moi, je
gère l’ensemble des contenus d’un événement. Je
dois m’assurer de la cohérence des différentes
interventions, de la fluidité de l’ensemble, du sens
général.
Qu’ont à gagner les entreprises qui font appel à
vous ?
Portraits de 100 Diplômés - 42
Agathe Caillette-Regent
Donner du sens à leur événement, et surtout de l’impact dans la durée.
Le plus important dans un événement, c’est ce qu’on en retient. Les
conventions, les séminaires, ce sont souvent des budgets conséquents,
mais à quoi sert un tel investissement si les gens ne se souviennent pas
de ce qu’il s’est dit ? Sans travail sur le fond, un événement reste une
coquille vide. D’ailleurs, je propose le plus souvent à mes clients de leur
réaliser une enquête post convention, ils peuvent ainsi mesurer l’impact
des interventions et ce que le public a retenu.
Comment en êtes vous arrivé à cette activité ?
Sans travail
sur le fond,
un événement reste
une coquille vide
J’ai commencé mon parcours dans l’événementiel chez Publicis où j’ai intégré une cellule dédiée au contenu, j’ai eu la
change de travailler sur des conventions de dirigeants pour
Total par exemple, ou Arcelor qui était en plein rachat par
Mittal, c’était captivant... En parallèle, j’ai de plus en plus pris
la casquette de chef de projet pour avoir plus de connaissances « terrain ». J’ai intégré une autre agence, Sagarmatha, où
les projets étaient plus variés. J’ai organisé quantité d’événements, répondu à de nombreux appels d’offre. J’ai adoré la
créativité, le rythme à 200 à l’heure, mais en tant que chef
de projet senior, j’avais beaucoup moins de temps pour approfondir les aspects de contenu, épauler les intervenants.
Après 3 ans, j’ai décidé de revenir à mes premières amours,
en ayant maintenant une vraie vision d’ensemble sur un évé-
nement.
Et aujourd’hui, qu'est ce qui vous passionne le plus dans votre travail ?
D’abord j’adore l’événementiel, j’aime le côté coulisses, secrets de fabrication, le stress quand on lance le décompte... et le soulagement quand
ça se termine sous les applaudissements. Il y a une vraie satisfaction à
voir un événement se concrétiser. J’aime aussi beaucoup toute la technique, les gens qui font le son, la lumière, la vidéo sont des artistes ! Mon
activité est aussi très riche en rencontres, les intervenants que je conseille sont de hauts dirigeants qui m’expliquent leurs problématiques, c’est à
chaque fois une histoire passionnante. C’est une chance de pouvoir rencontrer des gens exceptionnels, comme par exemple récemment pour
une convention où l’un des intervenants était Robert Badinter. Chaque
événement est différent, on ne s’ennuie jamais. Et quand je ne suis pas
rédac chef, je fais de la conception rédaction pour des plaquettes, des
affiches, des recommandations pour les agences… chaque mission est
une nouvelle aventure.
Pas trop dur de devenir freelance après 8 ans en entreprise ?
C’est vrai qu’il faut oser sauter le pas ! En fait, c’est idéal quand on a déjà
un réseau, ce qui était mon cas après 6 ans en agences. Et puis il y a des
avantages : j’apprécie énormément d’être autonome, d’avoir plus de
souplesse pour gérer ma vie de famille, et plus de temps pour ma pasPortraits de 100 Diplômés - 43
Agathe Caillette-Regent
sion, la cuisine. En revanche, il faut savoir faire avec les creux, parfois les
annulations. Mais au final, pouvoir prendre en main son avenir professionnel, c’est un défi très enthousiasmant. Administrativement, le statut
auto-entrepreneur permet de se lancer assez facilement, c’est une première étape idéale avant de monter prochainement mon entreprise.
Sciences Po, c’est une bonne porte d’entrée dans l’événementiel ?
Dans l’événementiel, il y a des gens qui viennent de tous les horizons. Il y
a maintenant plusieurs masters dédiés donc on peut miser sur ce type de
parcours mais ça reste un domaine très ouvert. Ma formation à Sciences
Po a été un réel atout pour mon activité dès le début, et encore aujourd’hui. Il faut pouvoir s’imprégner de l’univers
d’un client en un temps record, s’approprier ses problématiques, ses enjeux. Ensuite, pour donner de la force à une intervention, il faut savoir ordonner et structurer les idées, les
agencer de manière à ce que la démonstration soit claire et
convaincante. Tout cela, c’est ce qu’on acquiert sur les bancs
de l’IEP. Et ça ne s’oublie pas !
Prendre en
main son
avenir professionnel
est un défi très
enthousiasmant
Agathe Caillette-Régent
Portraits de 100 Diplômés - 44
Béatrice Calo Duret
1986 Eco Fi
Béatrice CALO DURET (1986 Eco Fi) a travaillé
pendant de nombreuses années en agences media pour de grandes marques dans le secteur de
la Toilette/Beauté, de l’Alimentaire, et de l’Electroménager – En 2010, elle décide de s’orienter
vers le conseil annonceurs et se lance en freelance. Elle nous éclaire sur son activité : le conseil en
stratégie des moyens et en achat d’espaces.
En quoi consiste exactement votre métier ?
Mon métier consiste à accompagner les annonceurs dans leurs réflexions marketing/media, à les
aider à définir des stratégies media/moyens en
phase avec leur projet d’entreprise, leur stratégie
de marque, puis à mettre en œuvre ces campagnes et mesurer l’efficacité des actions menées
dans un cadre budgétaire.
N’est-ce pas le rôle des agences media de
conseiller les annonceurs ?
Les agences ont souvent des approches cloisonnées par media et par métier, les prestations sont
traitées par des experts presse, des experts TV,
des experts web, …. Ces intervenants ont souvent
une connaissance partielle de l’annonceur, de son
marché, de ses attentes.
Le conseil en stratégie des moyens
et en achat d’espaces
Ils proposent ainsi des recommandations qui manquent d’intégration avec la stratégie globale ; il est
donc indispensable que le responsable media chez
l’annonceur valide la cohérence de l’ensemble des
recommandations.
En ce qui concerne les achats, les agences mènent
les négociations dans un cadre annuel avec subtilité et agilité mais un prolongement au quotidien
est indispensable sous la forme d’une collaboration de proximité.
Le responsable media travaille aussi étroitement
avec de nombreux services internes : le CODIR, les
études, la publicité, les achats, le trade, les boutiques en ligne, le CRM, les community managers…
Vous êtes une forme de contre-pouvoir ?
Notre métier a fortement évolué ces dernières
Portraits de 100 Diplômés - 45
Béatrice Calo Duret
années, avec la multiplication des points de contacts, la consommation
simultanée des media, la montée en puissance du digital… Nous sommes
encore en phase de test and learn sur certaines actions.
Il s’agit donc plutôt de mettre en place avec l’agence media un partenariat gagnant-gagnant. Ainsi l’agence s’appuie sur un interlocuteur chez
l’annonceur, qui connait bien son métier pour l’avoir pratiqué, et qui la
nourrit. En effet sa compréhension des problématiques business, marketing, communication de l’annonceur est essentielle. L’enjeu est de faire
en sorte que la stratégie des moyens qu’elle recommande s’intègre de
façon cohérente à la stratégie marketing/communication et réponde aux
enjeux business de l’annonceur.
Le nouveau
défi des annonceurs est de trouver des expériences à
faire vivre aux consom
-mateurs
Mon rôle est aussi de challenger l’agence sur les moyens recommandés pour plus de pertinence, plus d’innovation, plus
d’efficacité et sur la stratégie de négociations pour veiller à
ce que les plans soient optimisés et que les indicateurs de
productivité des achats soient au rendez-vous.
L’échange est riche, constructif, quotidien, l’agence media
qui dispose d’outils performants me nourrit également avec
sa veille pro-active des media, sa veille concurrence, elle
m’aide à optimiser les budgets, à suivre les indicateurs de
performances, elle est force de proposition …
Vous évoquiez l’évolution de votre métier, pouvez-vous
nous en dire plus ?
Nous vivons une époque passionnante car notre métier se
réinvente : la relation des consommateurs aux marques évolue : plus de
points de contact, des contenus liquides consommés en mobilité d’un
device à un autre, des comportements multi tasking,…
Le nouveau défi des annonceurs est de trouver des expériences à faire
vivre aux consommateurs qui créent de l’engagement, celui des agences
est de délivrer des solutions intégrées, performantes et innovantes pour
servir ces expériences.
Et en ce qui concerne les achats d’espaces, comment voyez-vous cette
évolution ?
La aussi, la relation avec les régies évolue, nous leur demandons plus de
convergence dans leurs propositions, de réfléchir à des espaces d’expression plus dynamiques qui intègrent de l’espace classique, mais aussi du
digital, des contenus qui peuvent être délivrés sur différents devices.
J’ai travaillé avec la direction des programmes d’une marque media sur
un partenariat qui permette aux 2 marques : marque annonceur et marque media de se nourrir et de se valoriser l’une l’autre…
Un autre exemple : lorsque l’on achète un espace classique 30s en télévision, non seulement on doit envisager la catch up, mais surtout se dePortraits de 100 Diplômés - 46
Béatrice Calo Duret
mander comment ce message pourrait se décliner pour servir la marque :
susciter l’échange avec ses publics, déclencher ou prolonger l’expérience
de marque, …c’est pourquoi la réflexion sur les contenus à délivrer et les
leviers digitaux à actionner est stratégique.
Et aujourd’hui, qu'est ce qui vous passionne le plus dans votre travail ?
J’aime travailler au plus près des marques, réfléchir à des modes de communication innovants, disruptifs, qui vont permettre à la marque de se
différencier ; le stress quand le décompte d’une grosse campagne est
lancé. Quelle satisfaction quand les résultats sont au rendez-vous tant en
termes de croissance du CA, de productivité des achats, que
de renfort de l’engagement client, de sa fidélité, de l’image,
de la création de valeurs. J’aime aussi la richesse des rencontres, mes interlocuteurs sont le plus souvent des directeur marketing ou de la communication. Ils m’expliquent
leurs problématiques, c’est à chaque fois différent et passionnant : chaque mission est une nouvelle aventure.
En freelance, chaque
mission est une nouvelle aventure
Pas trop dur de devenir freelance ?
Il faut oser et surtout ne pas se précipiter ; se donner du
temps pour structurer son offre de services, cultiver son réseau, identifier les besoins des entreprises, apprendre à vendre ses services, se nourrir de l’actualité de son métier en
participant à des salons ou à des rencontres professionnelles.
L’avantage est d’être autonome, de bénéficier d’une flexibilité tout au
long de l’année qui permet de gérer idéalement sa vie de famille, sa vie
personnelle, et sa vie professionnelle ; c’est un privilège mais aussi un
défi enthousiasmant.
Sciences Po, c’est une bonne porte d’entrée dans le conseil media ?
Ce métier a considérablement évolué ces dernières années ; le responsable media, hier directeur conseil en espaces classiques est aujourd’hui un
vrai architecte capable de comprendre les problématiques business, marketing et communication de son client ; de mesurer les enjeux, et d’élaborer la stratégie ad-hoc du moment.
Analyser, structurer, avoir une vision transverse des enjeux, communiquer, convaincre, sont des pratiques quotidiennes dont l’apprentissage a
démarré sur les bancs de Sciences Po.
Ce sont de vrais atouts différenciateurs dans mon métier.
Béatrice CALO DURET
Portraits de 100 Diplômés - 47
B. Cazes & V. Fourcade
1999 PO & 2010 SP
A Bruxelles, Bertrand Cazes (PO 1999) dirige le
syndicat professionnel de l’industrie européenne
du verre plat depuis 4 ans. Après un stage au sein
de la structure, Vivien Fourcade (SP 2010) a intégré l’équipe comme Conseiller en Affaires Publiques. Tous deux nous proposent un regard croisé
sur le métier de lobbyiste européen…
Bertrand Cazes
Vivien Fourcade
Deux lobbyistes aux
manettes de la
promotion des
intérêts européens
de l’industrie
verrière
Le métier de lobbyiste européen est incontestablement méconnu et dès lors de nombreux mythes l’entourent. ‘Ceci est tout particulièrement
vrai en France où s’est enraciné le concept de l’intérêt général abstrait que seuls la fonction publique et les décideurs politiques savent définir en
complète autarcie’ explique Bertrand Cazes. ‘Au
niveau européen, chacun admet que la définition
de l’intérêt général n’est pas chose facile et que
celui-ci peut être informé par une bonne compréhension des multiples réalités, d’où l’existence de
nombreux représentants d’intérêts privés, publiques, syndicaux ou d’ONG.
Notre tâche est donc d’expliquer les réalités et de
promouvoir les vues de l’industrie verrière en toute honnêteté et transparence. Charge aux officiels
européens d’arbitrer. « Certains abus entachent
parfois la profession », admet Vivien Fourcade. «
Cependant, il s’agit de cas isolés qui doivent être
sévèrement sanctionnés ». De nombreux gardefous existent : codes de déontologie, réglementation européennes, registre public listant les lobbyistes accrédités, publication officielle des budgets, etc. La valise de billets ou le compte offshore ne font pas partie des outils du lobbyiste. «
La réalité quotidienne de mon métier est très éloignée des perceptions collectives qui l’entourent ».
D’après Vivien Fourcade, comprendre, expliquer,
apporter des preuves sont en réalité le plus gros
du travail. « Lorsque vous travaillez sur des sujets
aussi pointus que ceux liés au recyclage ou aux
processus de fabrication, votre première mission
est d’en comprendre tous les tenants et aboutissants techniques grâce à l’appui des experts industriels. C’est absolument essentiel pour pouvoir par
la suite expliquer les réalités à vos interlocuteurs
Portraits de 100 Diplômés - 48
Bertrand Cazes & Vivien Fourcade
politiques, qui ne sont pas des techniciens mais qui ont besoin de comprendre pour pouvoir décider. » C’est aussi passionnant car cela permet
de réaliser à quel point une
législation peut avoir des impacts très concrets sur la vie d’une usine et
de ses employés.
La phase d’argumentation ne vient que par après. C’est la partie immergée de l’iceberg pour Bertrand Cazes. « Il est absolument nécessaire pour
convaincre de savoir construire une argumentation, de l’étayer par des
faits et des données robustes qui doivent provenir de sources indépendantes. Enfin, les capacités de synthèse, de rédaction, d’expression et de compréhension des enjeux et des
mécanismes institutionnels sont également primordiales
pour réussir. A cet égard, une formation d’IEP couplée avec
une expérience du milieu politique est très utile. »
De nombreux diplômés très qualifiés et
polyglottes viennent
tenter leur chance à
Bruxelles
Les deux lobbyistes mettent toutefois en garde les étudiants : il n’y a que peu de postes disponibles. Les formations
en affaires européennes pullulent et de nombreux diplômés
très qualifiés et polyglottes viennent de toute l’Europe tenter
leur chance à Bruxelles. « J’ai eu de la chance », reconnaît
Vivien Fourcade. « Via le réseau de l’IEP, j’ai trouvé une offre
de stage rémunéré chez Glass for Europe à laquelle j’ai postulé à la sortie de mon master de l’IEP. Ma candidature a été
retenue et après entretien, j’ai obtenu ce stage. Celui-ci a ensuite été
transformé en CDD puis en CDI mais nombre de connaissances naviguent
toujours de stage en autre contrat précaire. »
Au-delà de la formation IEP, le CV de Vivien comprenait trois éléments
fondamentaux : une expérience, notamment politique, acquise par le
biais de stages antérieurs, un parcours international et une pratique de
l’anglais irréprochable. « Pour le reste, il a fait ses preuves et il a mérité
d’être embauché, malgré un contexte économique très difficile pour notre industrie » explique Bertrand Cazes. « Pour ma part, j’ai débuté dans
le lobbying européen il y a 11 ans au sein de la représentation d’une
grande entreprise pharmaceutique française ». Les postes dans la représentation d’intérêts hexagonaux sont encore plus confidentiels et nécessitent quoi qu’il en soit une absolue maitrise de l’anglais, la langue véhiculaire du microcosme bruxellois.
Exercer le métier de lobbyiste européen est très excitant et enrichissant.
Qu’il s’agisse de défendre les intérêts d’ONG, de syndicats d’employés,
de collectivités territoriales et plus encore d’acteurs industriels, c’est un
métier qui impose la probité pour bâtir des relations de confiance avec
ses interlocuteurs. C’est important aussi à titre personnel, pour être fier
de ce que l’on fait. « De ce point de vue là, nous sommes à l’aise avec nos
activités : au jour le jour, c’est pour la ré-industrialisation de l’Europe,
l’efficacité énergétique et le développement durable dans la construction
que nous nous battons ».
Portraits de 100 Diplômés - 49
Bertrand Cazes & Vivien Fourcade
A l’unisson, Bertrand et Vivien concluent sur le même message : pour
poursuivre cette voie, l’étudiant de l’IEP ne doit pas seulement être motivé, il doit s’en donner les moyens : maitrise parfaite de l’anglais, expérience à l’étranger, stages dans le milieu politique et l’entreprise et, bien
sûr, il doit être prêt à activer les réseaux…
_____________________
1 Glass for Europe est l’association européenne des producteurs de verre
à destination du bâtiment (fenêtres, façades, partitions intérieures), de
l’automobile et autres moyens de transport (pare-brise, fenêtres, miroirs) et de l’industrie solaire (couvertures et connecteurs pour les modules photovoltaïques). A ce titre, Glass for Europe représente
les intérêts européens de grandes multinationales telles que
Saint-Gobain, NSG-Pilkington, AGC Glass, etc. sur des sujets
aussi variés que les processus industriels, l’efficacité énergétique du bâtiment et de l’automobile, la politique environnementale, le marché intérieur et le commerce international.
Pour réussir, l’étudiant de l’IEP doit être
prêt à activer ses
réseaux
Portraits de 100 Diplômés - 50
Cécile Chapuis-Vandenbogaerde
1990 PO
Il peut y avoir une vie après Science Po. Que vous
ayez 25 ou 50 ans, que vous aimiez votre métier
ou non, peut-être un jour allez vous éprouver le
besoin de changer de vie, changer de métier. C'est
ce qui m'est arrivée en 2005/2006. J'étais alors
directrice de la communication d'un super groupe,
des défis permanents, une rémunération généreuse, un patron en or. Et pourtant, je ne pouvais que
constater un malaise grandissant en me levant le
matin, l'idée que j'avais besoin de trouver une autre voie, plus proche de ma volonté de servir les
autres et d'être plus indépendante professionnellement. Par ailleurs je me voyais mal vieillir dans la
"com", j'avais 37 ans et j'espérais enfin devenir
maman alors quand on sort après 20 h, qu'il faut
voyager…
La reconversion
de Science Po à
l'orthophonie :
comment ça
marche ?
Parallèlement une amie orthophoniste me parlait
régulièrement de son métier. Rapidement j'ai réalisé que cela répondait à mes aspirations : soigner et me consacrer aux autres, travailler autour
du langage, rétablir la communication. Il s'avère
en plus que c'est un métier que l'on peut exercer
en salarié et/ou en libéral et qu'il y a un tel numérus clausus que les opportunités professionnelles
sont considérables. Bref vous pouvez trouver un
emploi bien avant même d'être diplômée. C'est ce
qui m'est arrivée.
Traditionnellement en orthophonie il y a toujours
eu des étudiants plus âgés. En 2006, quand j'ai été
admise, près de 20 % de ma promotion était en
reconversion. C'est une profession très féminine
puisque les femmes représentent environ 95 %.
J'ai d'abord renoncé à passer le concours en découvrant que seuls 5 % des inscrits étaient reçus à
Paris et qu'il s'agissait de quatre ans d'études. Et
finalement trop titillée j'ai tenté le coup, travaillé
le soir et le week-end et contre toute attente j'ai
été reçue. Notre formation à Science Po est d'ailleurs précieuse car le concours est fondé sur les
difficultés de la langue française et pour certaines
écoles sur la culture générale.
Se lancer à 37 ans
C'est la décision initiale qui n'est pas forcément
Portraits de 100 Diplômés - 51
Cécile Chapuis-Vandenbogaerde
facile à prendre. Quand vous avez une situation confortable, que vous
disposez d'une certaine reconnaissance professionnelle dans votre domaine et que vous devez trouver un financement pour quatre ans d'études, c'est forcément un changement de vie important, des sacrifices matériels.
Rien n'est possible sans un minimum de soutien du conjoint. Mon mari
avait avant moi repris des études au CNAM. Il était donc en mesure de
comprendre mes aspirations et de mesurer les implications matérielles
d'un tel engagement. Il savait aussi qu'à terme je n'allais plus gagner autant, mais il a respecté mon envie, je dirais
même mon besoin.
A 37 ans, repartir pour
4 ans d’études, c’est
forcément un changement de vie important
Et après comment ça marche ?
Et voilà vous êtes désormais étudiant et vous saoulez tous
vos amis avec votre nouvelle vie. Votre mari essaie pour la
énième fois de vous faire entrer dans le crâne que décidément non il ne veut pas ouvrir toute grande la bouche pour
vos révisions en anatomie et vous demande poliment de cesser de regarder les vidéos de cerveau avant de passer à table.
Les capacités de mémorisation sont parfois un peu défaillantes les premiers temps mais elles reviennent progressivement. Il suffit de travailler régulièrement et de s'appuyer sur
son expérience professionnelle et ses études à Science Po.
J'avais été formée à synthétiser, rédiger... cela m'a été précieux.
Restent quelques difficultés que l'on pensait derrière nous comme s'enfermer pour réviser des partiels ou se retrouver simple stagiaire avec
parfois des maîtres de stage plus jeunes que nous. La rédaction du mémoire fût aussi parfois lourde, elle est tellement plus exigeante que ce
qu'il nous était demandé à Science Po. L'arrivée de ma fille à la rentrée
de quatrième année a aussi nécessité de nouveaux ajustements. En revanche, aucun souci d'intégration, la fac de médecine a l'habitude des
étudiants plus âgés.
Les deux premières années on a le sentiment que la vie professionnelle
est encore loin mais rapidement le rythme des stages et l'accumulation
des connaissances et de l'expérience vous guident doucement vers votre
futur exercice.
J'ai ainsi découvert que j'étais passionnée par le "pur médical": neurologie, ORL, neuro-anatomie... J'ai aussi adoré l'hôpital, aller au bloc. D'autres expériences en humanitaires au cours de ces années m'ont aussi guidé vers une spécialité : la prise en charge des enfants porteurs de fentes
palatines, auxquels j'ai d'ailleurs consacré ma recherche. C'est ainsi que
deux ans avant le diplôme j'avais déjà accepté un poste à temps partiel
au sein du service de chirurgie maxillo-faciale de l'hôpital Trousseau à
Paris.
Portraits de 100 Diplômés - 52
Cécile Chapuis-Vandenbogaerde
Diplômée depuis juin 2010, les opportunités étaient immenses pour compléter mon exercice hospitalier. J'ai même passé une annonce et je reçois
encore presque chaque jour des propositions.
Au final je compléterai par un exercice libéral dans un cabinet du 18ème
arrondissement de Paris dès septembre. Je sais cependant que j'ai l'immense privilège d'avoir pu reprendre des études mais aussi de pouvoir
choisir mon lieu de travail. S’il y a le moindre souci, si je dois déménager
ou si j'ai envie de nouvelles expériences, j'ai l'opportunité de changer en
quelques jours. De nos jours c'est un vrai luxe.
J’ai repris le
goût aux
études et je repars à la
rentrée pour une formation complémentaire
Et comme j'ai repris le goût aux études je me suis déjà réinscrite à la rentrée pour une formation complémentaire et j'envisage un DU dès 2011 !
Cécile CHAPUIS-VANDENBOGAERDE
Promotion 1990 (Politique)
Portraits de 100 Diplômés - 53
Guillaume Chartres
1999 EF
Diplômé en 1999 de la section éco-fi de l’IEP de
Grenoble et avec un DEUG d’histoire en poche,
j’avais monté à l’IEP avec d’autres complices la
Junior Entreprise qui n’existe plus aujourd’hui. Je
me souviens que l’association des anciens était
déjà très active avec Stéphane PUSATERI aux commandes et Jonathan MASCIAVE - on ne change pas
une équipe qui gagne. Depuis ces années je travaille dans le secteur du développement et de l’assistance électorale et je réponds régulièrement aux
questions d’étudiants de l’IEP ou d’anciens diplômés qui sont intéressés par ce secteur.
Un diplômé au service de la paix
Après Sciences Po j’ai passé mon master en management à Sydney afin de polir mon anglais et j’aspirais à démarrer une carrière à l’international
dans le management et le secteur de l’environnement ou de l'énergie. J’ai terminé mes études un
mois avant le 11 septembre 2001 et par un
concours de circonstances je suis entré en contact
peu de temps après avec un ancien de l’IEP qui
travaillait en Afghanistan. Il m’a fait rencontrer son
employeur - ACTED – une ONG française qui m’a
proposé d’aller le rejoindre à Kaboul. Le patron de
cette ONG est un ancien de Sciences Po Paris. A
ACTED on appréciait les jeunes IEPiens, et je me
suis décidé le lendemain à partir pour l’inconnu à
Puli Khumri en tant que logisticien, un poste dont
je n’avais pas vraiment l’expérience. C’était un peu
un défi, l’idée pour moi était de « vivre » 6 mois
d’humanitaire puis de revenir à mon projet initial,
… 10 ans après j’ai évolué dans différents postes
mais toujours dans le secteur du développement
et je ne regrette pas ce tournant du destin.
Avec ACTED j’ai commencé à développer un réseau
d’amitiés et de confiance et à la fin de ma mission
un ancien collègue m’a appelé pour travailler avec
l’UNOPS - une agence des Nations Unies – comme
coordinateur régional dans le programme de soutien aux premières élections Afghanes de 2004. J’ai
rallongé mon séjour en Afghanistan et j’en ai profité pour y rencontrer ma femme. Je me suis ensuite
spécialisé dans la gestion des missions électorales,
ce qui avait comme double avantage de me faire
Portraits de 100 Diplômés - 54
Guillaume Chartres
travailler dans deux domaines qui m’intéressent tout particulièrement - le
management et la politique - et toujours à l’étranger. J’ai ainsi participé à
l’organisation des processus électoraux en Haïti en 2005, à Madagascar en
2006, au Soudan de 2007 à 2011 avec principalement le PNUD et l’UNOPS. J’ai aussi effectué des missions dans d’autres secteurs qui m’attiraient de par leur objectif ou leur localisation avec UNICEF en Indonésie
sur la reconstruction post tsunami et dans le nord Caucase en Russie. Aujourd’hui je suis en Libye où je suis chef des opérations du projet d’assistance électorale du PNUD. Le 10 juillet dernier, les libyens ont pu voter
pour la première fois depuis 50 ans et cela fut une belle réussite à laquelle
je suis fier d’avoir pu participer.
Les Nations
Unies et les
ONG sont des organisations où la confiance
et les recommandations sont très importantes
En 10 ans, sur mes 12 missions, 10 d’entre elles me furent
proposées par cooptation, les Nations Unies et les ONG restant des organisations avec des besoins particuliers, où qui se
fait confiance se recommande à condition d’avoir les compétences. Mais la contrepartie et qu’il faut être très mobile, ne
pas avoir peur de changer de travail, d’employeur, de collègues et d’environnement à chaque mission et à être prêt à
être déployé d’urgence dans des pays pas toujours faciles. En
Afghanistan et dans le Caucase l’insécurité était présente, au
Soudan nous tombions souvent malades, en Indonésie nous
habitions dans une cabane et en Libye on vit entre quatre
murs. Mais il y a la contrepartie du privilège de rencontrer
des populations souvent mal connues, de mieux comprendre
leurs cultures, leurs aspirations et d’avoir une vision souvent
différente de ces gens et de ces pays que ce que les média
nous montrent parfois.
Je conseille toujours aux jeunes diplômés qui veulent travailler dans ce
secteur de maitriser l’anglais, de ne pas avoir de complexes sur leur inexpérience et surtout de ne pas hésiter à aller sur le terrain par n’importe
quel moyen pour se faire une réputation, développer un savoir faire et
élargir son réseau, c’est là que vous montrerez votre vraie valeur. Il est
bien sûr possible aussi de commencer par des stages, où des postes à faible responsabilité à Genève ou à New York dans les grandes maisons,
mais il y a plus de monde et on apprend moins vite. Vu les conditions de
vie parfois difficiles de ce genre de métier, il est toujours préférable d’apprendre à connaître les besoins du terrain en étant jeune et en bonne
santé, pour pouvoir ensuite un jour éventuellement travailler au siège.
L’assistance électorale est différente de l’observation électorale que l’on
connait mieux et qui consiste à envoyer des observateurs pendant une
courte période (de 3 semaines à 6 mois). L’assistance électorale fournie à
la commission électorale du pays un soutien technique et direct et participe à part entière à l’organisation des élections. Elle implique de faire venir
des experts dans tous les domaines électoraux tels que en loi électorale,
en logistique électorale, en éducation civique, en relations extérieures, en
bases de données, etc. Elle permet également de soutenir les commisPortraits de 100 Diplômés - 55
Guillaume Chartres
sions électorales en leur fournissant du matériel électoral (urnes, isoloirs,
bulletins de votes), de l’équipement de transport, de communication ou
tous autres achats nécessaires pour réussir l’évènement. Cette grosse machine peut impliquer plus de 500 internationaux et des programmes de
plus de 200 millions de dollars dans des pays en général post- conflit qui
n’ont pas eu d’élections depuis des décennies et qui ont une très faible
expérience électorale. Mon rôle y est de gérer les projets
d’assistance électorale afin que l’argent des bailleurs de fonds
puisse être utilisé pour former les ressources locales, acheter
le matériel et organiser toutes sortes d’événements pour permettre la tenue d’élections les plus libres et transparentes
possibles, tout en respectant les procédures des Nations
Unies. C’est un exercice d’équilibriste car il faut concilier la
lourdeur du système onusien, tout en fournissant un service
aussi rapide et de qualité qu’une entreprise privée. Et c’est un
stress permanent car une élection a lieu à une date précise et
a toujours un calendrier trop court face a l’ampleur de la tâche. Il faut imaginer courir un marathon à la vitesse d’un
sprint.
Le repos entre les missions est mis à profit
pour réactiver ses
contacts et rechercher
une nouvelle mission
Et ça use, donc il faut du repos entre les missions qui est mis à
profit à réactiver ses contacts et rechercher une nouvelle mission. Il faut se remettre en cause chaque année, mais c’est le
prix d’une certaine liberté de travailler pour des projets à durée déterminée plutôt que fonctionnaire permanent des Nations Unies sans le choix
de ses affectations et de la durée de son temps libre pour faire d’autres
choses. C’est une précarité choisie, mais à risque limité car ce secteur recrute toujours plus de personnel grâce à la vague de démocratisation qui
déferle sur le monde depuis la fin de la guerre froide.
Portraits de 100 Diplômés - 56
Anne Cheviakine
Née BAUDUIN
1990 PO
Petite fille de cheminot, j’aime à penser que la vie
est faite d’une succession d’aiguillages. En ce qui
me concerne, à chaque aiguillage a correspondu
une rencontre-clé, de ces rencontres qui vous
donnent le coup de pouce nécessaire. La dernière
de ces rencontres clés m’a ouvert les portes des
collectivités territoriales après 15 ans d’activité
chez EDF.
1. La période russe
Une carrière, et
des aiguillages, du
privé
au public
Un bac scientifique en poche, j’ai hésité, mais peu
de temps, entre hypokhâgne et l’IEP Grenoble.
Après une journée en hypokhâgne, j’ai opté pour
l’IEP Grenoble, son mode d’enseignement et son
programme, sésame possible vers une carrière
journalistique que j’envisageais alors. De mes trois
années à l’IEP Grenoble, il me reste bien entendu
de fortes amitiés mais surtout tout un socle de
connaissances et d’expériences, qui m’ont permis
d’aborder et de m’adapter à chaque étape de mon
parcours professionnel. Parmi les expériences formatrices de ces trois années, j’en citerai deux :
une brève expérience de la représentation en syndicat étudiant ; l’expérience de la Summer Session 1989 sur le campus de Berkeley où j’ai eu la
chance de fêter mes 20 ans.
C’est l’un de mes professeurs à l’IEP, Pierre Broué,
en charge du cours d’histoire, qu’il dispensait à
voix presque basse en amphi pour provoquer l’attention des étudiants, docteur ès lettres, expert
de Léon Trotski auquel il consacra une grande part
de sa vie et de ses recherches, qui m’avait signalé
l’opportunité de cet échange avec des étudiants
californiens, « à ne manquer sous aucun prétexte ». Le jury de sélection des candidats aux deux
mois d’expatriation, au sein duquel Thora Van
Mahl, professeur d’anglais redoutée des élèves,
m’avait accueillie aux côtés du Directeur de l’Institut, par une provocation : « Vous faites du théâtre
depuis l’âge de 12 ans, vous vous retrouvez à l’IEP,
en somme vous êtes une comédienne ratée ? »,
émit finalement un avis positif. Non seulement ce
vigoureux échange à l’heureuse issue m’a servi de
référence pour de futurs entretiens de sélection,
Portraits de 100 Diplômés - 57
Anne Cheviakine
mais il m’a permis de décrocher cette année-là, l’une des rares places «
d’ambassadeurs » de l’IEP à Berkeley.
Pour
conclure
mon cursus, j’ai
présenté des concours
d’écoles de journalisme et
d’écoles de commerce
C’est également Pierre Broué qui m’a incitée à poursuivre
mes études de Russe, langue que j’avais commencé à étudier
en 6ème. Cet aiguillage m’a conduite à décrocher simultanément un DEUG de Russe et mon diplôme de l’IEP en juin
1990, à m’inscrire en Licence et à séjourner, de septembre
1990 à février 1991, à Moscou pour y parfaire ma connaissance de la langue. A l’automne 1990, les manifestations anti
-Gorbatchev qui agitent la capitale russe, constituent un sujet d’actualité pour les articles que je m’étais engagée à
adresser au Dauphiné Libéré. Moins d’un an plus tard ce serait la fin du PCUS et de l’URSS. Enfin, c’est à Moscou que j’ai
rencontré mon futur époux, Alexis Cheviakine.
Au retour, la transition par le Diplôme d’Etudes Approfondies
en Sciences politiques « Etudes soviétiques et est européennes », dirigé par Hélène Carrère d’Encausse, à Sciences Po
Paris était toute trouvée. Pourtant, même si l’obtention du
DEA permettait de clore un chapitre, il appelait un nouvel
aiguillage : je ne me voyais ni enseigner comme m’y prédestinait une partie de mes ascendants, ni devenir chercheur. J’aspirais à travailler en équipe, constater le fruit de mon travail sans attendre des années, me rapprocher de la vraie vie. Pour conclure mon cursus, j’ai présenté en parallèle des concours d’écoles de journalisme et d’écoles de
commerce. J’ai finalement choisi d’intégrer l’Ecole Supérieure de Commerce de Lyon (EM Lyon) directement en deuxième année, ce qui allait
me permettre d’entrer assez vite dans la vie active.
2. La période chinoise
M’étant spécialisée en contrôle de gestion, j’ai opté en octobre 1994, à
25 ans, pour un premier poste - un CDD rapidement transformé en CDI dans une des filiales parisiennes du groupe de service public, EDF. J’y ai
exercé pendant 5 ans le métier de consultante en contrôle de gestion et
ingénierie financière auprès des dirigeants de filiales du groupe, ainsi
qu’auprès de certains de ses Directeurs. Parmi les missions qui m’ont été
confiées : la mise en place du contrôle de gestion et le suivi d’une société
-projet, investisseur dans une centrale de production électrique implantée à Gardanne. La particularité de cette société ? Son montage financier
répondait à la logique d’un « financement de projet », dans lequel les
apports de capitaux sont rémunérés par les cash flows générés par le
projet lui-même.
Mission qui m’a valu en août 1997 de décrocher, en binôme avec un collègue expert-comptable, l’intérim pour quelques mois, de la Direction
Administrative et Financière d’une société-projet du même type, investisseur dans une centrale de production thermique au charbon implantée
en Chine. Ce projet constituant la première opération de typeBuild Ope-
Portraits de 100 Diplômés - 58
Anne Cheviakine
rate Transfer et premier investissement à capitaux 100% étrangers en
Chine, était particulièrement surveillée par ses actionnaires EDF et GEC
Alsthom et l’objet de toute leur attention. Sur place, c’est une nouvelle
rencontre-clé qui m’attendait avec le chef du projet, devenu
Directeur Général de la société-projet, Christian Lemagny.
Cet homme m’a marquée par sa capacité à garder son calme
en toutes circonstances, son caractère profondément humain et sa capacité de travail hors norme.
Il a su trouver les mots,
qui convenaient pour
nous galvaniser
Lors de notre première rencontre, il a su trouver les mots,
qui convenaient, pour nous galvaniser, mon collègue et moimême, en nous présentant ainsi ses attentes : « Je suis ingénieur, je n’y connais rien en matière de finance. Or, dans les
semaines à venir, il va falloir assumer les premiers gestes de
la vie de la société : premiers règlements de fournisseurs et
formalités douanières, premiers tirages auprès des banques,
mise en place d’un compte courant auprès de la banque locale etc…Je dois donc pouvoir vous faire entière confiance. Faites comme si
cette société était la vôtre et n’hésitez pas à me solliciter à toute difficulté
rencontrée. »
Le projet présentait environ trois fois la surface financière de celui sur
lequel j’avais travaillé en France - 616 M. USD en lieu et place de 232 M€. La cerise sur le gâteau est que tout se passait en anglais ! Aussi, dans le
service après-vente de ma mission a été inclus, outre la mise au point
d’un mode opératoire des outils laissés au bon usage de la DAF enfin libérée de ses précédentes obligations professionnelles, la rédaction d’un
digest du corpus contractuel attaché au financement de projet, sous l’angle de l’analyse des risques pour l’actionnaire EDF.
3. Virage à 180°
Après cinq mois, d’allées et venues entre Paris, Hong Kong et la capitale
du Guanxi (province méridionale de Chine, limitrophe du Vietnam), c’est
au retour du dernier de mes déplacements sur place, en décembre 1997,
qu’allait se présenter sous les traits de Laurent Stricker, futur patron du
nucléaire à EDF, un nouvel « aiguillage ». J’ai profité d’un trajet en avion
pour m’ouvrir à ce dernier, de mon désir de me rapprocher de la maisonmère et de son cœur de métier. Mon objectif : éviter de me marginaliser
définitivement par un séjour prolongé en filiale et, alors que l’élargissement de la famille était à l’ordre du jour, de m’enfermer dans une expertise financière, exerçable uniquement au sein des services centraux parisiens.
Ayant pris connaissance de ma formation initiale, Laurent Stricker m’a
indiqué que l’avenir d’EDF allait se jouer dans les prochaines années à la
Direction Commerciale d’EDF. Celle-ci était en cours d’organisation, pour
faire face à l’ouverture progressive du marché de l’énergie à la concurrence. Cette Direction semblait donc tout indiquée pour un rapprochement avec la maison mère EDF.
Portraits de 100 Diplômés - 59
Anne Cheviakine
Ainsi, un congé maternité plus tard, j’ai exercé pendant trois ans, toujours en région parisienne, le métier de Responsable commercial Grands
Comptes. Ce poste consistait, en tant qu’interlocuteur privilégié du
client, à rester en veille sur le client et son secteur d’activité par un benchmark approprié et à formaliser la stratégie d’EDF à son égard ; à mettre
en réseau, informer et autant que possible coordonner tous les acteurs
chez EDF susceptibles d’intervenir pour les différents sites de ce client ; à
lui proposer des services allant de l’amélioration des modalités de facturation à un service clés en mains de type facility management.
A la tête d’un portefeuille clients mouvant au fil des ajustements de l’organisation de la toute nouvelle Direction Commerciale Grands Comptes,
j’ai notamment été chargée de clients du secteur public ou semi-public
dans les secteurs des transports, de l’eau et de l’assainissement- Aéroports de Paris, la SAGEP (Société Anonyme de Gestion des Eaux de Paris),
le SIAAP (Syndicat interdépartemental d’Assainissement de l’Agglomération Parisienne)… -.
A la naissance de notre deuxième fils, en octobre 2000, nous avons commencé à nous trouver à l’étroit et un peu asphyxiés dans notre appartement d’Issy-les-Moulineaux. De plus, le commercial me laissait sur ma
faim intellectuellement et manquait de rigueur. Ayant entendu dire que
l’agence bordelaise de la toute nouvelle Direction des Achats d’EDF n’avait pas encore fait le plein, je décidai de tenter ma chance, avec pour
objectif après avoir appris le métier d’acheteur de m’orienter vers le management.
En 2007, je
manageais
une équipe de dix
acheteurs
Quinze jours après l’entretien, le tour était joué et toute la
famille se prépara à migrer pour le Sud Ouest, ce qui fut chose faite en octobre 2001.
Six ans plus tard, ayant atteint l’objectif que je m’étais fixé –
je manageais une équipe de dix acheteurs en charge de mettre en place des marchés régionaux et nationaux à destination du groupe EDF - ; aspirant avec mon époux à nous ancrer durablement dans le territoire bordelais ; me voyant
proposer des postes en interne à EDF ne correspondant plus
à mes aspirations et approchant de la quarantaine le moment de négocier un nouveau virage semblait venu.
Je décidai de tenter ma chance hors du groupe EDF, avant de ne plus en
avoir le ressort. L’une de mes premières cibles étant les entreprises du
secteur de l’énergie, j’ai rencontré, parmi d’autres, le délégué Régional
de Gaz de France en Aquitaine, Antoine Augé. La rencontre avec ce dernier me permit de commencer à imaginer que tant qu’à faire de quitter
EDF, il pouvait être intéressant d’ouvrir mon champ d’action. Antoine
Augé m’incita à rencontrer un petit cabinet en ressources humaines et
formation, spécialisé dans l’accompagnement de la mobilité des cadres
du privé vers le public, implanté à Mérignac (banlieue bordelaise), Territoires RH. Plusieurs entretiens avec son gérant, Tony Lourenço, ainsi
Portraits de 100 Diplômés - 60
Anne Cheviakine
qu’un bilan de compétences, m’ont permis de mûrir mon projet : mettre
l’expérience d’une quinzaine d’années en univers privé-public, reflet de
ma double formation initiale en Sciences politiques et Ecole de Commerce, à la disposition de structures mixtes ou publiques.
Pour ce faire, Territoires RH me proposa une formation/action de 60
jours en tout en achats et finances publiques et un accompagnement /
placement, qui m’ont préparé au mieux à ce changement d’environnement et permis d’adopter la juste posture. La formation s’étalant sur les
vendredis et samedis restait compatible avec la tenue de mon poste chez
EDF. Au printemps 2009, j’avais été formée et coachée par Territoires RH
et me sentais prête à opérer ce qu’il faut bien comparer à une métamorphose.
Dernière étape : du privé au public
A ce cursus complémentaire, s’est ajoutée une rencontre-clé avec le Président de la Communauté Urbaine de Bordeaux (ci-après Cub), plus jeune
Président d’intercommunalité en exercice, Vincent Feltesse. Lors de cette
brève rencontre, ce dernier m’a impressionnée par son apparente décontraction, son écoute active, son sens inné de la communication, qualités dont j’ai appris ultérieurement qu’elles étaient, entre autres, complétées de celles de fin politique, visionnaire et décideur!
Il était depuis 2007 à la tête de la Cub, collectivité regroupant 27 communes, soit un peu plus de 700 000 habitants, au budget annuel dépassant
le milliard d’euros et porteuse de nombre des projets structurants de l’agglomération d’ici à 2030. Suite à cet entretien
décisif, faisant suite à un jury de sélection, Vincent Feltesse a
donné son accord à mon recrutement, me permettant ainsi
d’intégrer la fonction publique territoriale. C’était le 18 juin
2009. Dans la foulée, j’ai négocié mon détachement d’EDF et
intégré l’Inspection Générale et Audit de la Cub fin 2009.
Le défi était
de taille !
J’y ai d’abord été chargée, comme responsable d’une cellule
de coordination dédiée, de la mise en œuvre de l’organisation
d’un des projets phares de la collectivité, relatif à la préparation de plusieurs échéances afférentes aux contrats de délégation des services publics de l’eau et de l’assainissement de la Cub. Les interactions entre les
quatre composantes du projet étaient multiples, le planning extrêmement serré, les interfaces avec des acteurs externes nombreuses et les
aspirations des élus ambitieuses, le défi était donc de taille!
Outre l’organisation des différentes instances projets, la coordination de
la planification, le reporting, la mise en place d’un groupe de benchmark
au sein de l’Association des Communautés Urbaines de France, il est revenu à la cellule que j’animais la mise en place de l’une des premières
démarches de participation citoyenne voulue par les élus de la Cub et
l’organisation d’un séminaire sur la tarification de l’eau, point de départ
Portraits de 100 Diplômés - 61
Anne Cheviakine
à une réflexion interne sur cette dernière. L’ensemble de ces tâches n’a
bien évidemment pu aboutir que grâce à l’investissement d’un certain
nombre d’experts internes et externes à la Cub.
Une fois le projet entré en phase de croisière, j’ai souhaité quitter l’organisation, la logistique et la coordination pour travailler davantage sur le
fond des dossiers.
J’ai donc présenté ma candidature au poste de contrôleur de gestion et
chef de projet de la révision quinquennale du contrat de délégation du
service de l’eau potable, un contrat de 30 ans, représentant un chiffre
d’affaires de 65 M€ par an pour le délégataire Lyonnaise des Eaux ; poste
auquel j’ai pu commencer à me consacrer en novembre 2011. Cette négociation marathon, tire aujourd’hui à sa fin et aboutira à la mise en place d’un nouvel avenant à effet au 1er janvier 2013.
Ainsi, après une première partie de parcours professionnel dense, au sein
d’un grand groupe m’ayant permis d’exercer trois métiers en des lieux
différents, soucieuse de pouvoir continuer à apprendre et me passionner, j’ai fini par intégrer la fonction publique territoriale, bouclant la boucle avec ma formation d’origine à l’IEP. Et je m’y trouve bien : les problématiques à traiter sont d’une richesse et d’une variété incroyable et travailler avec et pour des élus est un stimulus et un défi quasi quotidien.
Portraits de 100 Diplômés - 62
Laïlla Choug
2006 SP
Pouvez-vous rappeler votre parcours ?
Mon parcours à Sciences Po Grenoble a commencé un peu par hasard. Titulaire d’un bac Scientifique je m’étais prédestinée à une carrière dans la
médecine. J’ai alors étudié deux ans en PCEM1. Le
jeu des concours en décide autrement, c’est ainsi
que j’intègre Sciences Po en 2002.
Mon intérêt pour les affaires internationales explique que durant ma spécialisation en Service Public, j’ai suivi nombre de cours optionnels sur des
thèmes divers – l’immigration en Europe, l’extrémisme de droite, l’histoire de l’Afrique subsaharienne… Pour moi, Sciences Po a constitué une
étape cruciale de mon parcours universitaire car
j’y ai acquis les clés de compréhension des sociétés et des enjeux qui s’opèrent entre elles. Après
une année de césure au Caire et à Amsterdam, je
me suis spécialisée en banque/finance en intégrant un master professionnel à l’Université Paris
Dauphine.
Pourquoi avez-vous choisi de vous spécialiser
dans le secteur financier
Au cœur des
problématiques du
monde financier
J’ai été marquée par mon séjour en Egypte en
2005. J’ai été confrontée à d’autres conditions
sociales, d’autres réalités économiques, une autre
vision de la société. J’ai assisté à une élection présidentielle et des élections législatives sur fond de
tensions sociales. Les Egyptiens réclamaient une
meilleure qualité de vie, une situation de l’emploi
moins précaire.
Les écarts de modernité au sein de la société
égyptienne m’ont beaucoup frappé. J’ai pris conscience que l’ouverture économique et l’intégration financière d’un pays étaient cruciales, d’une
part, pour la démocratisation de l’accès des citoyens aux marchés, d’autre part, pour le financement de son développement grâce aux flux humains, commerciaux, technologiques et financiers
extérieurs.
Portraits de 100 Diplômés - 63
Laïlla Choug
Concrètement en quoi consiste votre métier ?
Depuis plus de 5 ans, je suis consultante dans les services financiers.
Après un stage de 6 mois en financement structurés exports à la Société
Générale, j’ai intégré Equinox Consulting, un cabinet de conseil spécialisé
dans l’organisation et le management des services financiers. Mon métier consiste concrètement à accompagner les institutions ou groupes
financiers dans la gestion de leurs activités. Mes clients peuvent être des
banques, des assurances, des brokers ou chambres de compensation
(clearing houses). La prestation peut concerner diverses problématiques :
mettre en place une règlementation, étudier ses impacts ; améliorer la
gestion des risques financiers ; optimiser la performance d’une activité,
d’une organisation, etc.
A Sciences
Po, j’ai
acquis les clés de compréhension des sociétés et des enjeux qui
s’opèrent
entre elles
Pour donner quelques exemples : j’ai travaillé, en tant que
chef de projet, dans le cadre de l’acquisition de Fortis Bank
par BNP Paribas. Mon rôle consistait à manager un groupe
d’analystes risques séniors pour construire des tables de
données destinées à alimenter le système d’information Risque cible Fortis/BNPP.
D’un autre côté, j’ai travaillé pour les directions Financière,
des Achats et IT d’un grand groupe sur l’analyse de leurs risques de marché – matières premières, taux et change –, et
sur le choix d’un outil de trading et de gestion de ces risques.
Aussi, la régulation des marchés financiers a une importance
grandissante depuis plusieurs années. Dans ce contexte, j’ai participé à
de nombreux projets réglementaires, notamment Bâle 2 et Bâle 3, sur
l’amélioration de la solvabilité des banques au regard du risque de défaut
de ses contreparties ou de la dépréciation de ses actifs et sur la capacité
de résistance des banques au regard du risque de liquidité.
Quel regard portez-vous sur votre métier depuis la crise financière qui a
éclaté en 2007/2008 ?
La crise des subprimes a en effet affecté les banques européennes dès
2008. J’ai cependant ressenti les répercussions sur mon métier à partir
de fin 2009. Les clients sont devenus plus exigeants. Avec le même budget, il est dorénavant exigé d’effectuer la même quantité de travail dans
des délais plus courts avec une qualité plus élevée. J’ai développé, durant
cette période, des facultés d’adaptation importante.
D’un autre côté, j’ai constaté que les notions de gestion et de contrôle
des risques ont intégré le langage commun au sein des banques. Il ne
s’agit plus seulement de gagner de nouveaux marchés ou d’être le plus
compétitif. Maitriser les risques inhérents aux services proposés est devenu primordial pour garantir la profitabilité de l’activité. A ce titre, de
nombreux projets menés dans mon entreprise ont concerné la mise en
place de dispositifs de maitrise des risques mais aussi le respect de règles
Portraits de 100 Diplômés - 64
Laïlla Choug
déontologiques et de conformité des activités financières qui prennent
de plus en plus d’importance.
Finalement, la crise financière a pointé les faiblesses du système financier globalisé. Je crois que cette crise était nécessaire pour que l’ensemble des acteurs prenne conscience du besoin de réguler et de contrôler
les activités de marché.
Quelles sont vos perspectives pour la suite ?
Le secteur
financier est
un secteur en transformation permanente
Le secteur financier est un secteur en transformation permanente. L’activité, les produits, l’organisation, les acteurs évoluent rapidement. En tant que consultante, j’ai acquis une
expérience solide des problématiques de gestion des activités financières. Ces problématiques sont autant de possibilités de carrière et autant de défis à relever !
Portraits de 100 Diplômés - 65
Laetitia Clavreul
1995 PO
Après un bac ES obtenu en 90, Laetitia Clavreul
intègre un IUT Infocom à Paris pour 2 ans. Malgré
le fait que cette formation ne lui convienne pas,
elle décide tout de même de la poursuivre jusqu'à
la fin. Elle part ensuite en Allemagne en 92 (après
la réunification donc) afin de travailler dans un
institut chargé de réinsérer les jeunes issus de l'exRDA en leur trouvant des stages en France, en Espagne, au Portugal (etc.) et de les "ouvrir à l'Europe".
Forte de cette expérience professionnelle enrichissante mais néanmoins ayant encore soif d'apprendre, Laetitia Clavreul gardait en tête sa volonté de devenir journaliste qui continuait de grandir
au fur et à mesure qu'elle "pigeait" en écrivant
"quelques papiers par-ci par-là" pour le journal
Ouest-France (depuis la fin de son bac, avec un
stage de deux mois en tant que localière chaque
été).
C'est à la suite de cette année en Allemagne qu'elle réussit le concours de l'IEP de Grenoble de 2ème année section politique. Son objectif était de
rejoindre et d'intégrer le monde de la presse régionale. C'est d'ailleurs ce qui constituera en partie le thème de son mémoire de 3ème année : "le
pluralisme politique dans la presse régionale", ou
le rôle que joue la presse régionale en terme de
démocratie à l'échelle locale.
« Le Monde »,
une bien belle
maison
Le master journalisme n'existant malheureusement pas à l'IEPG à l'époque, Laetitia Clavreul intègre ensuite donc le CUEJ à Strasbourg, l'une des
écoles de journalisme reconnues par l'Etat. On lui
proposera à la sortie un stage d'édition à Libération, et malgré le fait que son objectif était de rédiger des papiers, elle précise que ce n'est "pas
quelque chose qui se refusait". Finalement, elle
est très vite séduite par l'édition et multiplie les
postes pour Libération, Télérama ou encore le JDD
pendant 2 ans.
Elle participe par ailleurs également au lancement
d'un journal pour ados parallèlement, l'Actu, où
elle s'occupe d'une double page d'infographie
mettant en lien actualité et programme scolaire.
Elle est ensuite sollicitée par Le Monde pour un
Portraits de 100 Diplômés - 66
Laetitia Clavreul
long CDD d'édition, occasion sur laquelle elle rebondit également afin de
pouvoir enrichir sa carrière pourtant déjà riche et diverse.
Comme elle le rappelle au cours de notre entretien, "faire de l'édition
dans un quotidien national n'était absolument pas [son] rêve au départ",
c'était même loin de ce pourquoi elle avait fait une école de journalisme,
elle qui souhaitait "faire de la rédaction en presse régionale".
Laetitia Clavreul restera secrétaire de rédaction pour Le Monde entre 99
et 2004, année où elle accèdera enfin à un poste de rédaction au service
économie, notamment sur les questions d'énergie. Elle changera par la
suite assez fréquemment de thème de travail en passant par
plusieurs services comme l'agroalimentaire pour le service
régions puis économie.
Faire de l’édition dans
un quotidien n’était
absolument pas mon
rêve au départ
Durant cette période, elle a été relativement marquée par
des évènements comme les émeutes de la faim, où encore la
question de l'accaparation des terres agricoles africaines par
la Libye ou la Chine lui donnant l'occasion d'aller réaliser des
reportages en Afrique.
Elle écrira également très vite successivement pour tous les
services du journal. Ceci constitue pour elle une période
qu'elle décrit encore comme "très enrichissante d'un point
de vue professionnel".
C'est depuis 2009 qu'elle travaille au service France sur des questions de
société et particulièrement de santé. Les thèmes qu'elle y développe le
plus fréquemment sont par exemple les problématiques d'accès aux
soins, avec les dépassements d'honoraires, les déserts médicaux, mais
aussi le problème de la toxicomanie, la psychiatrie ou encore le débat
actuel autour de la fin de vie et de l'euthanasie. Son travail quotidien
consiste à analyser les politiques de santé publique. Néanmoins, elle met
en garde sur le fait qu'elle n'est "pas là pour donner [son] avis, mais pour
relater un débat".
Ainsi, "ce n'est pas toujours facile de rester objectif sur des sujets de société" toujours selon ses mots, "on est facilement catalogués". Ceci
prend par exemple tout son sens avec la question de l'euthanasie. Elle se
force à ne pas avoir d'opinion sur le sujet afin de rester aussi neutre que
possible.
Elle décrit volontiers son métier comme "passionnant". Le sujet de la santé est d'autant plus intéressant pour elle que "tout le monde a un point
de vue sur des sujets qui sont toujours "très concernant". Aussi, elle essaie autant que faire se peut de répondre à tous les courriers et messages de ses lecteurs pour faire avancer le débat.
Portraits de 100 Diplômés - 67
Laetitia Clavreul
Elle est relativement libre du choix de ses sujets, et bien que certains sujets s'imposent tout de même au regard de l'actualité, elle semble très
attachée à cette liberté qui caractérise son quotidien professionnel.
A propos de la question de la précarité de la presse, Laetitia Clavreul déclare que seul le "contenant" est en danger et non le "contenu". En effet,
selon elle, le métier de journaliste n'est pas en danger puisque le devoir
d'informer est toujours d'actualité même si la façon de le faire évolue.
Certes, "ça va plus vite qu'avant" et le réel défi est de "trouver les priorités" : quel article publier et quand, faut-il publier d'abord sur internet
avant la version papier, etc.
Il faut se faire connaître
pour réussir dans le
journalisme
Elle publie plusieurs papiers par semaine aussi bien pour la
version papier que pour la version internet. Le "luxe" pour
elle étant de pouvoir se consacrer pendant 4 à 5 jours à une
enquête ou un reportage. Elle se désole tout de même du
manque de temps dont pâtissent les journalistes pour aller
sur le terrain.
C'est donc "une belle maison" qu'est Le Monde pour Laetitia
Clavreul qui n'envisage absolument pas de changer d'employeur. La rubrique pour laquelle est travaille est
"intellectuellement très enrichissante" et elle souligne, de toutes façons,
les facilités qu'il y a à changer de rubrique ou de service, lui offrant toujours des perspectives d'évolution après ses 13 ans déjà passés au sein
du journal.
Le mot aux étudiants
Il faut s'accrocher pour y arriver! Le métier n'est plus aussi ouvert qu'il
n'a pu l'être. Il faut absolument profiter des possibilités qu'offrent internet et les nouvelles technologies pour "exister". Car oui, il faut se faire
connaître pour réussir dans le milieu. Mais avec de belles idées d'angle
d'attaque pour ses articles et une motivation à toute épreuve, tout le
monde peut y parvenir selon Laetitia Clavreul.
Interview réalisé par Hugo Schmitt
Portraits de 100 Diplômés - 68
Pierre Clouet
1988 SP
Bonjour Pierre, de manière synthétique, quel est
ton parcours scolaire et professionnel ?
J’ai fait un peu par hasard une hypokhâgne puis
une khâgne philo dans un lycée parisien (Jules Ferry) sur les conseils de ma prof d’histoire-géo de
terminale, alors que je me dirigeais initialement,
après un bac L, vers des études de musicologie.
Par équivalence, je suis entré directement en 3ème année de fac de philo où j’ai obtenu ma licence. J’en avais tiré la conclusion suivante : jamais
plus la fac !
Sans projet professionnel précis, après un échec à
Normale sup qui m’avait affecté, j’étais intimidé,
du fait de mes origines sociales relativement modestes, par la perspective de passer le concours de
l’IEP de Paris. Je me suis progressivement orienté
vers le concours d’accès direct à l’IEP de Grenoble
destiné aux diplômés post-bac.
Cet IEP était l’un des seuls à offrir des possibilités
d’accès à des non-juristes de formation. Après
avoir obtenu le diplôme (section service public), je
voulais m’inscrire en année de prep-ENA mais ma
mère ne pouvant plus financer mes études, j’ai
passé au plus vite tous les concours de la fonction
publique inscrits au Journal officiel !
La carrière
diplomatique
commence aussi
grâce à
Sciences Po
J’ai accepté avec soulagement le premier que j’avais passé (et réussi) : inspecteur des PTT. Quelques années après, un ancien condisciple (et toujours ami) de l’IEP, qui travaillait au ministère des
affaires étrangères, m’a convaincu de tenter au
hasard le concours de Secrétaire des affaires
étrangères.
Je n’avais pas fait de prépa spécifique pour viser
ce concours mais j’avais l’acquis d’une année de «
détachement » pour préparer activement le
concours interne de l’Ecole nationale des PTT, que
j’avais d’ailleurs loupé… Ma connaissance des langues et sans doute mes capacités de travail et ma
formation IEP Grenoble ont contribué à ma réussite au concours des affaires étrangères. Ensuite,
j’ai eu jusqu’à présent un déroulement de carrière
Portraits de 100 Diplômés - 69
Pierre Clouet
alternant des postes en administration centrale et à l’étranger, en Europe (Pays-Bas, Bulgarie, Slovaquie, actuellement Russie) dans des ambassades bilatérales. L’affectation à l’étranger signifiant pour moi la découverte d’un pays, de sa culture et de sa langue, j’ai toujours choisi de travailler dans des ambassades bilatérales plutôt que dans des représentations françaises auprès d’organisations internationales, même si le travail
multilatéral est considéré généralement comme plus prestigieux. Il est
sans doute plus valorisant pour la carrière.
Je me suis
toujours dirigé vers des études
qui me permettaient
de découvrir des disciplines nouvelles
Quelle est la cohérence derrière ces choix ?
Avec le recul, je m’aperçois que, sans projet professionnel
précis ni ambition forte, je me suis toujours dirigé vers des
études qui me plaisaient et qui me permettaient de découvrir des disciplines nouvelles, de mieux comprendre la réalité
qui nous entoure, et qui ne va jamais de soi.
Par ailleurs, je pense avoir toujours ressenti depuis l’enfance
un sentiment personnel d’insécurité assez diffus, sans doute
lié à ma situation familiale, qui me conduisait à penser que je
ne pourrais bénéficier d’aucun appui familial, ni même de
conseils de proches, si je ne réussissais pas mes études et
mon intégration professionnelle.
Je me suis donc assez naturellement dirigé vers les concours
de la fonction publique en dépit de mon admiration personnelle pour
tous ceux qui créent leur entreprise, qui y mettent tous leurs moyens
financiers, qui créent des produits et services nouveaux, des emplois... Il
n’y avait d’ailleurs pas encore de stage à l’époque permettant de découvrir la réalité de la vie en entreprise quand j’étais en IEP.
Je constate, vu l’expérience de mes filles, que les stages jouent un rôle
important en matière d’orientation : ils permettent d’éclairer les choix,
d’apprendre à rédiger, à se présenter.
Concrètement, sur quoi travailles-tu ?
Actuellement à Moscou, en chancellerie diplomatique, je suis chargé du
suivi des relations entre la Russie et un certain nombre de pays d’Asie,
d’Afrique et d’Amérique latine. C’est passionnant même si la charge de
travail est toujours dense et oblige à rester en éveil sur l’ensemble de
l’actualité concernant les relations de la Russie avec ces pays. La Russie
étant, comme la France, l’un des cinq pays membres permanents du
Conseil de sécurité des Nations Unies, elle dispose également d’un grand
réseau diplomatique et elle est appelée à avoir un avis et à définir des
positions sur l’ensemble des questions internationales : crises internes
des Etats et crises régionales, questions de gouvernance mondiale, environnement…
Cela signifie un travail de veille important et d’information à destination
Portraits de 100 Diplômés - 70
Pierre Clouet
du ministère des affaires étrangères sur les relations entre la Russie et les
pays concernés, la préparation d’entretiens de l’Ambassadeur avec les
autorités russes mais aussi parfois avec ses homologues ambassadeurs.
Egalement la préparation d’éléments d’information et parfois d’intervention pour les autorités françaises (ministres ou directeurs) qui se rendent
en Russie. On essaie de voir ou se situent les causes des divergences d’analyse, s’il y en a sur certains dossiers, et modestement de rechercher et
de proposer des points de convergence pouvant permettre d’avancer et
de surmonter les blocages.
Tout ceci peut paraître abstrait quand on est extérieur aux milieux diplomatiques mais la finalité d’ensemble me semble à la fois simple et ambitieuse, peut-être utopique : contribuer à la construction d’un monde où
les divergences d’intérêts et de valeurs ne conduiraient plus
à des guerres, dont on sait qu’elles sont l’une des causes importantes des famines, des épidémies et des dégradations de
l’environnement. Je pense que c’est davantage possible dans
un monde en voie de globalisation comme le nôtre, où les
interactivités et les interdépendances sont de plus en plus
fortes entre tous les coins de la planète.
Je suis surpris de découvrir à chaque fois
que j’y reviens combien la France bouge,
évolue s’intègre à l’Europe
et au monde
Et si des interventions militaires dans certains pays sont nécessaires pour une cause qui semble juste, alors il faut s’assurer que c’est en accord avec l’ensemble de la communauté
internationale et en conformité avec les aspirations de l’opinion publique dans les pays concernés.
Que t’as apporté ton passage à l’IEP de Grenoble ?
A l’époque la possibilité de découvrir avec intérêt de nombreuses matières, souvent nouvelles, sans être contraint de
m’orienter dans l’immédiat vers une option professionnelle
déterminée. Egalement apprendre à maîtriser l’expression, tant écrite
qu’orale, aller à l’essentiel et toujours avec un regard critique dans la
prise de connaissance des documents, comme en khâgne d’ailleurs.
Ensuite, j’ai constaté que la formation IEP était pour moi un bon moyen
d’accès vers d’autres études supérieures et naturellement vers l’insertion
professionnelle, via la réussite aux concours de la fonction publique.
J’y ai connu aussi plusieurs de mes amis actuels. Ce n’est pas négligeable
non plus.
Quelle est la prochaine étape ?
Après un séjour à Moscou, un retour à Paris, en administration centrale,
qui sera dans l’ordre des choses… Il est de bon sens de revenir régulièrement vivre dans le pays qu’on a pour fonction de représenter pendant
des années quand on est à l’étranger. Je suis surpris de découvrir à chaque fois que j’y reviens combien la France bouge, évolue, s’intègre à l’EuPortraits de 100 Diplômés - 71
Pierre Clouet
rope et à la mondialisation.
Un dernier message pour les élèves actuels de l’IEPG ?
Il faut toujours prendre plaisir aux études
et s’investir personnellement dans les matières enseignées
Je me sens vieillir quand je suis appelé à donner des conseils,
mais je l’assume…
Toujours essayer de trouver du plaisir aux études et s’investir
personnellement dans les matières enseignées pour que leur
apprentissage, même si on ne l’a pas toujours choisi, ne soit
pas subi comme une charge de tristesse.
Profitez de ces années pour approfondir votre culture générale, qui sera perçue comme la marque de votre ouverture
d’esprit, de votre ouverture aux autres également, et de votre capacité d’adaptation dans le travail. Dans un monde de
plus en plus ouvert sur l’international et en contact avec les différences culturelles, s’investir dans l’apprentissage des langues
étrangères est vital.
Mais la maîtrise du français est également importante : une orthographe
déficiente est en soi perçue irrésistiblement comme une marque de désinvolture à l’égard du lecteur. La qualité de l’expression, notamment
écrite, détermine donc le regard qu’on porte sur un candidat à un stage
ou un emploi. Je l’ai ressenti très fort dans une affectation précédente,
tandis que je devais choisir des stagiaires pour quelques mois.
Portraits de 100 Diplômés - 72
Patrice Cœur-Bizot
1976 PES
Patrice Cœur-Bizot vit aujourd’hui aux Maldives
dans un décor paradisiaque : eau de mer bleue
turquoise, 28 degrés les mauvais jours, plages de
sable fin... Oui mais voilà, le quotidien de cet ancien de l’IEP (PES 76) est davantage tourné vers les
plus démunis, les catastrophes et les dysfonctionnements du pays. Car depuis près de 30 ans, il sillonne le monde pour porter le message de paix des
Nations Unies.
La voix au téléphone est douce mais sûre, les mots
bien choisis et les explications d’une clarté absolue. Nul doute, Patrice Cœur-Bizot a l’habitude de
parlementer, échanger et convaincre. Des aptitudes qu’il affirme avoir acquises à Sciences Po, intégré en 1974 après une maîtrise d’économie du
développement à l’université de Grenoble : « J’ai
adoré l’ambiance de l’IEP. Mais surtout j’y ai beaucoup appris, notamment la capacité à s’exprimer
et à faire le lien entre théorie et pratique ».
Nomade de la paix
Il échange son service militaire contre seize mois à
la Réunion en tant que Volontaire de l’Assistance
Technique. De retour à Grenoble en 1978, il devient socio-économiste à Sogreah et part en mission au nord du Yémen pour faire une étude sur
l’aménagement d’un fleuve. Un an plus tard, c’est
le tournant de sa carrière : sa candidature au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) est retenue. « J’ai débuté en passant
trois ans en Egypte où j’étais un peu l’homme à
tout faire du coordinateur résident de l’ONU. Je
garde notamment un excellent souvenir de mes
rencontres avec Sœur Emmanuelle au Caire ».
Entre Afrique et Asie
En 1982, Patrice Cœur-Bizot devient un cadre permanent du PNUD. Il débarque alors en République
Centrafricaine, un pays qui sort tout juste du règne de Bokassa. Quatre ans pendant lesquels il est
responsable de programmes de développement.
Son tour du monde l’emmène ensuite au Vietnam
où il vit jusqu’en 1988. « Le pays était dans un profond isolement avec un contrôle strict de l’administration américaine. Je menais de gros projets
Portraits de 100 Diplômés - 73
Patrice Cœur-Bizot
de restructuration entre Hanoi et Ho Chi Minh City.
Mais je suis parti rapidement, le système scolaire ne correspondant pas à
mes attentes pour mes enfants. ». Notre globe-trotter repart alors en
Afrique - Niger puis Sénégal - en tant qu’adjoint du coordinateur résident
des Nations Unies.
Fort de ses expériences, il passe une semaine de sélection au siège de
l’ONU à New-York pour devenir coordinateur résident, sorte de chef d’orchestre sur le terrain du secrétaire général : « C’est une semaine qui est
un modèle réduit de toutes les catastrophes possibles et imaginables :
déplacement de populations, tremblement de terre, famines... Et on doit montrer que l’on est capable de gérer tout
cela ! ».
On doit être
capable de
gérer toutes les catastrophes possibles et
imaginables
Test réussi et première affectation entre 1994 et 1999 : la
Mauritanie. Avec un accueil pour le moins difficile : « une
tempête de sable ! ». Patrice Cœur-Bizot a pour mission de
structurer une société qui essaye d’émerger et s’attaque à de
gros chantiers : lutte contre la désertification, sauvegarde de
l’environnement, etc.
Aung San Suu Kyi, le Kosovo et Bill Clinton
Les quatre années qui suivent sont certainement les plus passionnantes : représenter l’ONU en Birmanie. Le pays est toujours sous sanction de la communauté internationale et une junte militaire est au pouvoir. « On a essayé de mettre en place des micro-crédits,
des petits hôpitaux, des aides directes en dehors des structures officielles. J’ai eu la chance de travailler en étroite collaboration avec l’opposante au régime San Suu Kyi, prix Nobel de la Paix en 1991. Une très belle
expérience mais une frustration en quittant ce pays. »
Après des passages au siège de l’ONU et au Libéria, Patrice Cœur-Bizot a
la lourde tâche de s’occuper de l’administration civile au Kosovo mais
avoue avoir eu beaucoup de mal « à faire vivre les communautés interethniques ». Janvier 2005 : atterrissage à Malé, aux Maldives. Et déjà un
problème de taille à régler, à savoir le tsunami. Les pertes humaines sont
faibles mais les dégâts matériels énormes avec plus de 60% du PIB détruits. « J’ai eu l’honneur de collaborer avec Bill Clinton, secrétaire général des opérations de reconstruction. Et aujourd’hui, les traces de ce drame ont quasiment disparu. »
Désormais, il se concentre sur le renouvellement démocratique des Maldives et pilote un projet de regroupement des services des Nations
Unies.
A 56 ans, Patrice Cœur-Bizot ne pense pas encore à la retraite même s’il
espère pouvoir « revenir plus souvent dans la région grenobloise ». Mais
une chose est sûre : « je resterai un nomade entre la France, New-York et
Portraits de 100 Diplômés - 74
Patrice Cœur-Bizot
le reste du monde ». En attendant il profite encore un peu du soleil brûlant des îles...
Pierre Nigay
2009 PO - Journalisme : 2009
Je resterai
toujours un
nomade, entre la
France, New-York et le
reste du monde
Portraits de 100 Diplômés - 75
Mathieu Collet
2002 SP
Mathieu a plus de dix ans d’expérience en conseil
et communication politique, aux niveaux local,
national et européen. Il a commencé sa carrière
auprès du député et Maire de Grenoble Michel
Destot. Son parcours l’a conduit successivement
de l’Assemblée Nationale à une association d’élus
spécialisée dans les transports, le GART, puis à
Bruxelles où il a passé quatre années après un détour par l’Europe de l’est. Dans la capitale européenne, il a collaboré auprès de l’eurodéputé Gilles Savary au Parlement européen, représenté les
intérêts de la SNCF au sein de sa direction des affaires européennes et participé aux activités de
plusieurs think tanks dont Notre Europe, fondé
par Jacques Delors, en tant que chargé de projet
et de recherche. De retour à Paris, il a contribué
notamment au Forum de Paris sur les relations
Europe – Méditerranée et exercé les fonctions de
directeur conseil au sein un cabinet de conseil en
stratégie de communication où il a passé trois années.
Un spécialiste de la
communication politique
Sur la base d’un simple blog ouvert en 2005, il a
par ailleurs fondé le groupe « Euros du Village »,
organisation de jeunes professionnels des affaires
publiques, de la communication, du journalisme,
des institutions européennes et du monde académique, qui compte près de 15 nationalités et édite
l’un des principaux médias en ligne sur l’Europe,
en 5 langues. Cette aventure l’a conduit à diriger
une rédaction et un réseau associatif comptant
plusieurs centaines de membres et des implantations dans neuf pays d’Europe. Euros du Village a
lancé de nombreux projets qui lui ont permis de
traverser l’Europe de long en large et tisser des
liens aux quatre coins du continent.
En parallèle de ces activités, il a conseillé de manière informelle plusieurs institutions, personnalités publiques et chefs d’entreprise pour leur communication, relations publiques ou en tant que
plume.
Mathieu est diplômé de Sciences Po Grenoble,
d’un DEA de sciences politiques et d’un Master
d’études européennes de l’Université de Louvain
(Belgique) et du Center for European Studies de
Cracovie, en Pologne.
Portraits de 100 Diplômés - 76
Éric Conan
1976 SP
Après Libération, Le Monde et L’Express, Éric Conan (SP76) est aujourd’hui journaliste à Marianne.
Un parcours atypique qui commence…aux hôpitaux de Paris. Egalement auteur de trois livres sur
le régime de Vichy, il porte un regard acerbe sur la
profession, ou plutôt ce qu’elle en devient.
La cinquantaine élégante, Éric Conan sirote son
café, le dernier exemplaire de Marianne sous la
main. « L’envie de devenir journaliste m’est venue
à la lecture des journaux et à l’habitude de polyvalence que l’on acquiert à Science Po. C’est le métier qui permet le plus de satisfaire sa curiosité et
où l’on se lasse le moins. »
Ce savoyard a pourtant commencé sa carrière aux
hôpitaux de Paris, mais jamais il n’a perdu de vue
son désir de devenir journaliste. Éric Conan a passé les concours « par sécurité ». PrepENA d’abord,
où il a été deux fois admissible. L’Ecole Nationale
de la Santé Publique (ENSP), ensuite. Pendant
trois ans, Éric Conan a été assistant de direction à
l’Assistance publique de Paris, à la direction des
équipements. Il s’est occupé, entre autre, des projets de construction des hôpitaux Pompidou et
Robert Debré, mais, il a toujours continué d’écrire.
Des hôpitaux à
Marianne : toujours
journaliste
« Dès 1976, j’ai commencé à écrire pour la revue
Esprit, alors que j’étais encore à Science Po. » En
1981, l’occasion qu’attendait Éric Conan pour se
lancer dans le journalisme se présente enfin. Libération redémarre après plusieurs crises et la suspension de sa parution : le quotidien recrute alors
de nombreux journalistes. Éric Conan démissionne
des hôpitaux et intègre le service santé de Libération. « C’était l’époque du Sida qui était un sujet
très sensible. »
Il y restera pendant six ans jusqu’à ce qu’avec
d’autres journalistes, il entre en conflit avec Serge
July, alors rédacteur en chef. « C’était l’époque où
Libé était la coqueluche de toute la presse et tout
le monde voulait des journalistes de Libé, remarque-t-il, témoin d’une époque révolue. J’ai d’abord intégré Le Monde, puis L’Express. »
L’Express, « décapité et tiède »
Portraits de 100 Diplômés - 77
Éric Conan
L’Express, où il restera vingt ans, au sein du service société. « J’ai réalisé
de nombreuses enquêtes dans différents domaines. Des vraies enquêtes
sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. A ce moment-là, on nous
donnait les moyens et le temps d’en faire. » Pendant cinq ans, il travaillera particulièrement sur la mémoire de Vichy. « J’avais un oncle résistant
donc j’ai toujours eu un intérêt pour cette période. Et puis, c’était l’époque des procès fleuve, l’actualité s’y prêtait. » Éric Conan écrira même
trois livres sur cette période, dont un avec l’historien Henry Rousso («
Sans oublier les enfants », « Vichy, un passé qui ne passe pas », « Le procès Papon, un journal d’audience »).
Les journalistes sont
de plus en plus mauvais… et c’est à cause
des écoles !
Et puis, en 2006, L’Express est racheté par le groupe belge
Roularta. « L’Express a sombré. Ca n’a plus été possible de
faire des enquêtes, déplore-t-il. Le directeur, avec qui je
m’entendais bien, est parti. Je ne voyais pas l’intérêt de rester dans un journal décapité, sans moyens et tiède, alors j’ai
fait jouer ma clause de conscience. » Cette clause spécifique
aux journalistes qui permet au salarié de quitter le titre en
cas de changement d’orientation, en percevant de confortables indemnités.
Éric Conan part alors pour Marianne, « le périodique le plus
intéressant. Marianne fait l’inverse de tous les autres. Les
autres sont des rédactions énormes qui tournent avec des
jeunes sous-payés, ce qui est scandaleux.
Marianne, c’est une toute petite équipe dans de petits locaux, avec des
gens polyvalents et bien formés, plutôt âgés et très bien payés. » Il faut
dire que l’hebdomadaire de Jean-François Kahn se porte plus que bien.
Marianne dépasse aujourd’hui les 300 000 exemplaires. Sa diffusion a
progressé de 34 % en 2007 (chiffres OJD) : la plus forte progression des
newsmagazines.
« Les journalistes sont de plus en plus mauvais »
En revenant sur sa carrière, Éric Conan reconnaît que c’est la PrepENA
qui l’a le plus aidé, « davantage que Sciences Po lui-même. La PrepENA
forme à rédiger et à travailler très vite. On doit rédiger des notes de synthèse en cinq heures sur des dossiers épais comme des dictionnaires : ça
forge un esprit de synthèse. » Éric Conan fait partie des journalistes qui
portent un regard critique sur les écoles de journalisme. « Les journalistes sont de plus en plus mauvais et c’est à cause des écoles : ils sont formés à des recettes, déplore-t-il. Or, ce qui fait un bon journaliste, c’est sa
curiosité, son recul et ça, ça ne s’apprend pas dans les écoles. »
Il regrette l’époque où les journalistes avaient des parcours très différents et pouvaient se former sur le tas. « Aujourd’hui, ce sont des gens
qui sortent tous du même moule. A Libération, nous avions des stagiaires
des écoles de journalisme tous les étés et les stagiaires les plus intéressants étaient ceux qui ne sortaient pas des écoles. » Toutefois, Éric Conan
est conscient que passer par une école représente un sésame aujourd’hui. « La presse fonctionne en circuit fermé entre les écoles et les jourPortraits de 100 Diplômés - 78
Éric Conan
naux. Je pense que les écoles sont surtout une clé pour rentrer dans la
profession, mais il faut avoir un bagage avant. D’ailleurs, quand un stagiaire arrive dans une rédaction, les journalistes ne savent pas d’où il
sort. Ce qu’ils voient c’est sa réactivité, son culot, ses idées. La dimension
individuelle est plus importante que d’avoir fait une école ou pas. »
Lucile GUICHET (2008 PO - Journalisme)
La presse
fonctionne
en circuit fermé entre
les écoles et les journaux
Portraits de 100 Diplômés - 79
Bertrand Dammaretz
1987 EF
Bertrand Dammaretz est WW Distribution channels director chez Schneider Electric (leader mondial de l’énergie management avec 24 milliards €
de CA en 2012, 140 000 personnes dans plus de
100 pays).
Il est diplômé de l’IEP Grenoble en section
"Economie et Finance" (1987) et d’un DESS
«Gestion de l’innovation et de la technologie» à
l’université de Paris Dauphine (1988).
Pourquoi es tu rentré à l’IEP ?
Après le baccalauréat j’ai fait une année à l’Ecole
Nationale Supérieure de Création Industrielle
(ENSCI). Assez pour me rendre compte que ce n’était pas ce que j’avais envie de faire.
Je n’avais pas d’idée très claire de ce que je souhaitais faire alors. J’ai donc cherché une formation
généraliste de haut niveau. C’est pourquoi j’ai rejoins l’IEPG.
Distribution
Marketing
Director worldwide
Après l’IEP, as tu poursuivi tes études ?
A l’époque, l’IEP était en 3 ans. On était très nombreux à poursuivre par une formation « professionnalisante».
Au cours de mes 3 années à l’IEP et au cours des
stages (j’ai fait un stage en entreprise en 2ème et
3ème année) j’ai découvert que le marketing de
l’innovation était ce qui m’intéressait le plus.
Comprendre comment les innovations et les technologies nouvelles changent les marchés et bouleversent le fonctionnement des entreprises me
passionne.
C’est dans ce but que j’ai poursuivi mes études par
un DESS «Gestion de l’innovation et de la technologie» à l’université de Paris Dauphine.
Et après Dauphine ?
J’ai été embauché chez Merlin Gerin en 1988 directement à la suite de mon stage de DESS. J’ai
passé 5 années passionnantes à réaliser des études marketing quantitatives et qualitatives, d’abord comme chargé d'études marketing puis comme responsable du service.
Portraits de 100 Diplômés - 80
Bertrand Dammaretz
J’ai ensuite été en charge de la planification stratégique d’une division de
Schneider Electric (Merlin Gerin avait été intégré dans Schneider en
1992).
En 1995, je me suis rapproché de l’opérationnel en prenant la Direction
marketing et communication de Schneider Electric Suisse.
J’ai donc fait les 13ères années de ma carrière dans le marketing industriel.
Depuis 2001, tu travailles principalement dans ce qu’on peut appeler le
eBusiness B2B. Encore cette intérêt pour les nouvelles technologies ?
Mon intérêt pour les nouvelles technologies de communication ne date
pas d’hier. J’avais fait mon mémoire d’IEPG sur l’utilisation
des messageries électroniques et ce en 1987. A l’époque,
c’était les débuts et peu d’entreprises en étaient dotées !
Le eCommerce est
une part essentielle du
canal distributeurs de
Schneider
Electric
Il y a un peu plus de 12 ans, j’ai eu l’opportunité de participer
comme représentant de Schneider Electric à la création d’un
portail web multi constructeurs destiné aux professionnels
de l’électricité (Voltimum).
A la suite, j’ai dirigé une entité de Schneider Electric en charge de la conception, du développement et du déploiement
de logiciels d’aide aux clients. Cela a été une expérience marketing passionnante mais aussi une fantastique expérience
managériale avec des équipes à Grenoble et en Inde. J’ai ensuite pris la responsabilité d’un programme majeur de eBusiness.
Depuis 2007, en tant que Distribution channels director, je conduis des
projets de transformation pour le canal distributeurs qui représente près
de 50 % du chiffre d’affaires de Schneider Electric. Je cherche à identifier
les ruptures possibles pour la filière et à concevoir et déployer des plans
d’actions pour supporter nos distributeurs partout dans le monde. Le
eCommerce est évidement au centre de ces sujets.
Vous avez été diplômé de l’IEP en 1987. 25 ans plus tard, quel bilan faites vous de votre formation à l’IEPG ?
Pour moi, l’IEP c’était d’abord une atmosphère intellectuelle toute particulière, une formation de l’esprit. L’IEP stimule notre curiosité et nous
permet de nous enrichir culturellement. On y développe aussi très fortement ses capacités de synthèse et d’analyse.
Autant de capacités qui servent tout au long de la vie professionnelle.
Donc, je dirai aux étudiants qu’ils doivent profiter pleinement de leur
passage à l’IEP pour y muscler leur réflexion et y développer leur agilité
intellectuelle.
Mais ils ne doivent pas oublier que la formation doit aussi déboucher sur
un emploi ! Alors n’hésitez pas à multiplier les stages et à préparer votre
future insertion professionnelle.
Portraits de 100 Diplômés - 81
Sébastien Delerue
1992 PO
1) Un mot tout d’abord sur ton parcours scolaire
et universitaire ?
Mon parcours scolaire est plutôt classique. Après
un bac scientifique, j’ai opté pour une fac d’histoire, dans l’optique d’intégrer ensuite un IEP. Ce
que j’ai fait en octobre 1990 à l’IEP Grenoble (il n’y
avait pas d’IEP à l’époque chez moi, à Lille). Après
quoi, j’ai poursuivi avec un DESS (Master 2 aujourd’hui) en communication au CELSA Paris IV
Sorbonne à Paris.
2) Quel a été ton parcours professionnel ?
J’ai démarré ma vie professionnelle en agence, en
1994, chez Burson Marsteller, qui a été une formidable école pour moi : j’ai appris les fondamentaux du métier de communiquant aux côtés de
grands professionnels, et j’ai tout de suite été
confronté aux enjeux de réputation (dont on parle
beaucoup plus aujourd’hui) des entreprises et des
organisations, en travaillant par exemple pour le
secteur nucléaire ou en gérant des crises comme
celles de l’incendie d’Eurotunnel fin 1996.
Directeur de la
communication et
de la marque pour
Price WaterhouseCoopers »
J’ai ensuite rejoint le groupe Pechiney fin 2001, où
j’ai vécu beaucoup de changements à l’occasion
de 2 OPA hostiles successives du côté du racheté
(Alcan sur Pechiney en 2003 puis Rio Tinto sur Alcan en 2007). Il a fallu gérer la communication
d ’i n té g r a ti o n e t l e s r é o r ga n i s a ti o n s
(communication sociale dans le cadre de restructurations, etc.). Il y a eu aussi l’expérience forte de
l’international et du Canada.
Depuis 2007, j’ai la responsabilité de la communication et de la marque pour PwC
(PricewaterhouseCoopers, leader de l’Audit et du
Conseil) en France et en Afrique francophone.
3) Quelles lignes directrices derrière ce parcours ?
J’ai toujours privilégié des entreprises présentant
des enjeux forts de communication, agissant le
plus souvent dans des secteurs exposés. Aujourd’hui, toute entreprise est dépositaire d’une nouvelle forme de mandat social : elle doit être capaPortraits de 100 Diplômés - 82
Sébastien Delerue
ble de nouer une relation à ses différentes parties prenantes en illustrant
son utilité, afin de gagner sa « licence to operate » comme disent les anglo-saxons. Les questions de réputation, exacerbées avec l’importance
des réseaux sociaux, sont donc devenues essentielles, et je dois dire
qu’elles me passionnent.
4) Que fais-tu aujourd’hui chez PwC ?
Je suis en charge de la communication et de la marque : je travaille donc
a valoriser les expertises de nos auditeurs et consultants dans la presse,
sur le web, à l’occasion d’événements et de publications (Thought leadership) mais aussi à promouvoir l’image du cabinet au plan institutionnel ou auprès des jeunes diplômés de grandes écoles
(marque employeur).
Mes missions s’apparentent assez à un
travail de direction de
la rédaction dans un
média
Nous ne manquons pas de contenus et il faut orchestrer la
sélection et la mise en valeur. Finalement, cela s’apparente
assez à un travail de direction de la rédaction dans un media.
5) Que t’as apporté ton passage à l’IEP Grenoble ?
L’IEP m’a permis e développer des capacités d’analyse et de
synthèse, de curiosité et d’ouverture d’esprit. Toutes choses
très précieuses dès lors que mon rôle consiste beaucoup à
savoir faire preuve de discernement et de capacité à décoder, à
s’adapter aux attentes des publics qui sont ceux de l’entreprise.
6) Si tu avais un message pour les étudiants de l’IEP, quel serait-il ?
Profitez de ces belles années et vivez-les pleinement, tant pour ce qui
concerne la scolarité et la réflexion autour de votre projet professionnel
que pour ce qui concerne la vie au sein de l’école, les opportunités de
rencontres individuelles.
A cette génération Y, qui parle couramment le web 2.0, je rappelle s’il en
était besoin les vertus du networking, y compris avec les plus anciens
dont je fais partie. N’hésitez pas à nous solliciter, par exemple pour affiner un projet professionnel en le confrontant à la réalité.
Portraits de 100 Diplômés - 83
Charlotte Demettre
2002 PO
1997, dunkerquoise avec un bac littéraire en poche, je me lance en classe prépa à Faidherbe à
Lille, plus pour avoir enfin un appart avec une copine dans une ville sympa que pour le prestige de
l’établissement. Et pourtant, contre toute attente,
je décide de poursuivre en khâgne. Un vrai calvaire !
Parfaitement consciente que préparer les
concours de l’ENS n’était pas à ma portée, je découvre la possibilité d’intégrer les Instituts d’études politiques directement en 2e année.
Je me renseigne sur les concours: je choisis Grenoble, le seul qui ne comportait pas d’épreuve d’histoire ! Uniquement une synthèse de documents et
un ouvrage à lire et à commenter. Je décide de ma
section en fonction du thème du livre, sur l’Amérique Latine. Ce sera donc Politique, mais aussi la
naissance d’une passion...
J'arrive donc en deuxième année, découvre les
sciences humaines et politiques (en plus du ski et
de mes compagnons de promo...) et choisis de
postuler pour partir une année à l'étranger aux
États-Unis.
Directrice de
l'action sociale
Des vieux souvenirs de sitcom d’ado attardée me
poussent vers San Diego en Californie. Une année
remplie de voyage, de feux de camp sur la plage,
de rencontre de tous les pays, et notamment une
étudiante chilienne, tout en validant quelques
cours pour l’année d'après (et tout en ayant eu le
droit de suivre comme cours de fac surf et théâtre!).
Retour sur terre en troisième année d’IEP avec le
mémoire, que j’ai pu faire sur un écrivain exilé
Cubain, Rinaldo Arénas et puis grand oral : le droit
de désobéir. Je m’en souviendrai longtemps. Tout
comme l’exercice de Sciences Politiques instauré
par Olivier Ihl de mise en pratique en présence de
la directrice de la prison de Chambéry: il fallait
défendre une politique concernant les établissements pénitenciers en groupe en incarnant des
rôles. Nous avions choisi de défendre la possibilité
Portraits de 100 Diplômés - 84
Charlotte Demettre
pour les prisonniers d'avoir des relations sexuelles avec leur compagne
ou compagnon, un moment d’anthologie !
Fin de la case Sciences Po mais je ne sais pas encore vers quoi m’orienter
même si je penche vers les ONG. Grâce à une bourse de la région RhôneAlpes, je repars un an à l'étranger, au Chili, pour une année de stage dans
le milieu associatif dans le domaine de l’éducation. Je découvre que je
suis plus intéressée par le thème que l'international et décide de faire un
DESS à Paris 8 à Saint Denis sur les politiques éducatives en milieu urbain,
avec une formule en alternance qui me permet de faire un stage tout au
long de l'année.
Les cadres
des collectivités territoriales doivent être très créatifs
pour maintenir les
services malgré la rigueur budgétaire
J’ai la chance de faire mon stage au sein du laboratoire de
recherche de la directrice du DESS et participe à plusieurs
études dont une sur une analyse comparée des dispositifs de
formations en Europe, ce qui me permet une nouvelle fois de
voyager. Je participe également à un ouvrage collectif sur
l'engagement des bénévoles. Je pense alors travailler dans le
milieu associatif mais ma colocataire prépare le concours
d’attachée territorial. Je m’y intéresse et vois là l'opportunité
de travailler dans des thématiques qui me plaisent.
Après l’obtention du concours où je n'avais pas vraiment saisi
ce qu’était un fonctionnaire territorial, ses obligations, notamment celle de faire valider toutes les décisions par élu, je
commence mon premier poste au Blanmesnil pour la mise en
place du recensement nouveau, très vite arrêté pour mon
premier vrai challenge: responsable du service animation à la
ville d’Issy les Moulineaux. Il s’agissait d’encadrer les animateurs des temps périscolaires sur les écoles de la commune et de mettre
en œuvre tous les projets éducatifs en partenariat avec les écoles. Pour
l'ex animatrice de centre de loisirs que j’étais pendant les vacances depuis mes 18 ans, c’était une super opportunité !
Néanmoins, après 2 ans, le charme de la capitale a cessé d’opérer et l'appel des racines a retenti. Retour sur Lille ou plus précisément à Croix,
comme directrice des services Education, petite enfance, jeunesse et
sport où j'ai véritablement découvert le management et l'optimisation
des moyens. En effet, les cadres des collectivités territoriales se doivent
d’être extrêmement créatifs afin de permettre aux élus de maintenir des
services en pleine rigueur budgétaire.
Six ans plus tard, quelques dossiers compliqués, 2 enfants, je suis rentrée
de mon dernier congé maternité en novembre avec la possibilité de
changer de poste en interne, avec la direction du CCAS et de la Petite
Enfance, tout en bénéficiant d’un 80%. Non seulement je découvre des
nouveaux thèmes qui me passionnent avec des enjeux très important,
comme la prise en charge du vieillissement de la population, et le sentiment d'avoir un vrai impact sur la politique publique locale, mais j'ai aussi la possibilité de réussir à concilier tout ça avec ma vie de famille, en
Portraits de 100 Diplômés - 85
Charlotte Demettre
prenant du temps avec mon fils de 4 ans et ma fille de 6 mois.
Le métier
d’attaché
territorial permet de
concilier intérêt, responsabilité, salaire et
qualité de vie, ce qui
est rare dans la fonction publique
Peut-être a-t-il fallu aller au bout du monde pour en arriver
là... Cette formation a été exceptionnelle à tous points de
vue, et notamment au niveau humain. Je n’y ai passé que
deux ans et pourtant, presque quinze ans plus tard, je revois
nombre de mes amis de cette époque. D’ailleurs, en même
temps que j’écrivais tout cas, je planifiais mes vacances de
cet été avec Marion, ma colocataire de l’époque.
J'ai maudit Jeanne qui a transmis mes coordonnées à Stéphane PUSATERI pour qu' il puisse avoir un témoignage d' une
femme de cette promo là, j'ai regretté d'avoir accepté et puis
en me relisant, ca m' a fait plaisir d'avoir partagé mon expérience qui n'a été que positive et pour ceux qui sont passionnés par le service public, il n' y a pas beaucoup de métier qui,
comme attaché territorial, permette de concilier intérêt du
poste, responsabilité, salaire et qualité de vie. En tout cas,
moi je ne regrette pas.
Portraits de 100 Diplômés - 86
François Devoucoux
1994 SP
Diplômé de l'IEP de Grenoble en 1994, François
Devoucoux du Buysson est aujourd'hui administrateur civil au ministère de la défense. Le troisième concours de l'ENA lui a permis de renouer
avec sa vocation première pour le service public
après un début de carrière dans la finance.
Quels souvenirs gardes-tu de Sciences Po Grenoble ?
Les enseignements, très variés, m'ont beaucoup
intéressé et j'ai appris à travailler de façon autonome tout en étant encadré. J'ai été profondément marqué par les cours et la personnalité du
professeur Biays, qui dirigeait le séminaire de
droit public économique, et dont je suis fier
d'avoir été un disciple. Surtout, j'ai noué pendant
ces trois années à Grenoble des amitiés fortes et
durables.
Après l'IEP, comment t'es-tu retrouvé dans la finance internationale ?
Un cadre du
privé au service de
l'Etat
En effet, ce n'était pas ma vocation première puisque j'avais choisi la section Service Public. Etant
boursier, je souhaitais intégrer rapidement la vie
active et je me suis inscrit en DESS à ParisDauphine car la formation incluait un stage en
entreprise. Un peu par hasard, j'ai passé le
concours d'inspecteur à la Société Générale et j'ai
été reçu. Pour démarrer la tournée comme inspecteur, il fallait au préalable effectuer son service
national et la Société Générale m'a envoyé pour
seize mois dans son bureau de représentation de
Santiago du Chili. Une expérience passionnante à
tous points de vue !
Et ensuite ?
Après cinq ans à la Société Générale, j'ai complété
mon expérience dans plusieurs institutions financières. Je me suis notamment spécialisé dans la
lutte anti-blanchiment et la déontologie des activités financières qui devenaient des préoccupations
majeures. J'évoluais alors dans un cadre international et je voyageais beaucoup, notamment en
Portraits de 100 Diplômés - 87
François Devoucoux
Amérique latine. J'ai fini par me stabiliser un peu en travaillant sept ans
pour un groupe financier anglo-américain, Invesco, en tant que responsable Compliance à Paris.
Quelle mouche t'a alors piqué pour entrer à l'ENA ?
Bien sûr, il s'agissait en premier lieu de renouer avec mon ambition initiale de servir l'Etat. Je voulais surtout, je crois, rester
généraliste alors que les métiers de la finance poussent au contraire à se
spécialiser de plus en plus. Pour avoir fait un exposé sur ce sujet pendant
ma première année à Grenoble, je me souvenais qu'il existait
une voie d'accès à l'ENA pour les cadres du secteur privé. J'ai
donc préparé le 3ème concours de l'ENA en parallèle de mes
obligations professionnelles en m'inscrivant aux cours du soir
et aux enseignements par correspondance de l'IGPDE.
L’ENA est
très loin des
clichés dont on
l’afflige
Que retires-tu de ta scolarité à l'ENA ?
Ce fut pour moi une expérience très positive. L'ENA est très
loin des clichés dont on l'afflige. Loin d'être formatés, la plupart des élèves ont une personnalité forte et savent très bien
ce qui les a conduits à choisir « l'exercice de l'Etat ». J'ai été
frappé par la grande diversité des parcours académiques et professionnels de mes petits camarades.
En outre, la promo Jean-Jacques Rousseau comptait un grand nombre de
provinciaux et de profils littéraires (j'y ai d'ailleurs retrouvé trois anciens
de Sciences Po Grenoble!). Sur le plan professionnel, j'ai eu la chance de
faire des stages intéressants et très variés : 4 mois dans un lobby bruxellois, 5 mois à la préfecture du Cher et 3 mois chez ATD Quart-Monde.
C'était un peu dur sur le plan familial -car je ne retrouvais ma femme et
mes enfants que le week-end- mais c'était vraiment exaltant.
Que fais-tu maintenant ?
A la sortie de l'ENA, à la fin de 2011, j'ai été affecté au Ministère de la
Défense. Je suis chef du bureau de la stratégie d'exportation à la Direction générale de l'armement (DGA). C'est un poste très intéressant car il
me permet de rester dans la sphère internationale tout en étant connecté aux questions industrielles. Je suis très fier d'écrire « la France devrait... » lorsque je formule des propositions d'action mais j'apprends
aussi l'humilité car le fonctionnement administratif implique de soumettre son travail à de nombreux avis et d'être attentif à ne pas outrepasser
ses compétences.
Tu ne regrettes pas d'avoir quitté le privé pour le public ?
Non, c'est un choix assumé et réfléchi.
Portraits de 100 Diplômés - 88
François Devoucoux
Je trouve d'ailleurs que l'administration devrait davantage s'ouvrir aux
professionnels du secteur privé. Je ne vois pas pourquoi le pantouflage
serait à sens unique. La frontière entre public et privé est parfois ténue.
Je crois sincèrement que les entreprises françaises ne sont pas seulement
la propriété de leurs actionnaires et qu'elles représentent la France dans
le monde. De la même façon, il est absurde de croire que l'Etat est un
prédateur de l'économie productive alors qu'il agit souvent comme un
entrepreneur et un investisseur. D'ailleurs, on l'oublie souvent, mais les
pays émergents dont on vante le modèle économique ont souvent en
commun un Etat stratège et des entreprises conquérantes. C'est le modèle français qu'appliquent le Chine, l'Inde et le Brésil !
L’administration devrait davantage s’ouvrir aux professionnels du secteur
privé
Que fais-tu de ton temps libre ?
En ce moment, je profite d'abord de ma famille que je n'ai
pas beaucoup vue pendant mes deux ans à l'ENA. Après plusieurs ouvrages de sociologie politique, je me suis aussi remis
à écrire et je travaille sur un récit personnel en lien avec l'histoire de la participation française à la Guerre d'indépendance
américaine. Un travail de longue haleine !
Portraits de 100 Diplômés - 89
Jean-Claude Djian
1979 PS
Encore un journaliste qui fait de la formation…
Et pourquoi pas. Chacun à sa place dans ses deux
milieux qui s’entrelacent autour de la Communication.
Côté média, je suis passé par la radio en 1984 à
France Inter et j’ai enchainé à Radio France International. Bien évidemment, la TV est un passage
nécessaire en suivant les opportunités qui se présentent : Canal+ comme auteur (les Guignols de
l’info) et comme journaliste à M6 (Culture Pub),
FR3 (Bas les masques) et FR2 (Savoir Plus Santé).
La presse écrite est un fil rouge qui a démarré dès
1983 par le Progrès à Grenoble, puis à Paris pour
entre autre : Libération, Alternatives Internationales, Média, Témoignage Chrétien, des magazines
du groupe Moniteur…
Côté formation, avant d’en faire pour les adultes,
je me suis frotté aux étudiants, dès 2001, en journalisme ou en communication. Je suis formateur
Indépendant inter et intra entreprises depuis
2011. J’enchaine des prestations régulièrement
pour plusieurs organismes de formation.
Pour donner du sens à ce métier, j’ai repris parallèlement des études au CNAM et poursuis un cursus pour obtenir un DESA comme responsable de
formation.
Dans mon blog “Mon œil sur la formation”, je ne
veux pas être exhaustif, je zoome volontairement
sur des sujets qui m’importent. Ce blog est à l’image de mes préoccupations et de mes expériences
de formateur mais aussi de journaliste.
Journaliste
J’ai créé une passerelle entre ces deux expériences. C’est ainsi que j’ai notamment mis en œuvre
des techniques de maïeutique à travers les interviews que j’ai faites qui se révèlent très utiles en :
- Gestion du stress
-Média training
- Communications écrites et orales.
Portraits de 100 Diplômés - 90
Jean-Claude Djian
Ce blog est aussi pour moi l’occasion de traiter de sujets qui me tiennent à cœur.
- l’usage des pratiques de détente (Sophrologie, Qi Gong, Yoga)
- les jeunes créateurs d’entreprises qui apportent à l’apprentissage
de nouveaux champs inattendus
J’essaie, par mes articles de susciter votre intérêt et qui sait répondre
à vos besoins de façon originale et créative avec du texte
de la vidéo et du son. Tout ce que je sais faire.
Chacun à sa
place dans
le journalisme et la
formation
Alors venez faire un tour sur
http://jeanclaudedjian.wordpress.com/
Portraits de 100 Diplômés - 91
Mohamed Douhane
1986 PO
Devenir policier, un rêve d’enfant ? Qu’est-ce qui
vous a donné envie d’épouser cette profession ?
Avez-vous rencontré des difficultés ?
Je ne suis pas devenu policier par vocation. Je dirais plutôt que ce métier que j’exerce avec passion
aujourd’hui est l’aboutissement d’une longue réflexion et de ces petits hasards qui font la vie.
Après un diplôme de Sciences Po acquis en 1986 à
l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, puis un
DESS « responsable de formation », je me suis
orienté vers la gestion des ressources humaines.
J’ai ainsi commencé ma carrière comme responsable de formation dans un organisme spécialisé
pour demandeurs d’emploi, puis pendant trois
années, j’ai exercé comme conseiller-emploi à la
mairie de Grenoble. J’avais alors 25 ans, j’étais
fonctionnaire et mon emploi stable me permettait
d’être indépendant. J’étais passionné par mon
métier et je pensais avoir trouvé ma voie.
Des ressources humaines à la
police nationale
Pensant poursuivre ma carrière dans la fonction
publique territoriale, je me suis présenté avec succès au concours de catégorie A d’attaché territorial. Un poste m’avait par la suite été proposé au
sein de la DRH de la Mairie de Grenoble.
Mais la vie est aussi faite de rencontres. Un jour
d’automne 1990, alors que je faisais mon service
national, durant une permission je me suis rendu
chez mes parents. Mon père, chauffeur de bus,
avait invité à déjeuner un homme avec lequel il
s’était lié d’amitié. Ce monsieur faisait quotidiennement le trajet dans le bus que conduisait mon
père. J’ai donc fait connaissance avec ce monsieur, que j’ai trouvé très rapidement chaleureux,
ouvert et intelligent. C’est après plusieurs heures
de conversation, qu’il m’a annoncé, qu’il était inspecteur aux Renseignements Généraux de Grenoble ! Je suis tombé des nues, j’étais en train de
déjeuner avec un flic des RG ! J’étais un peu déstabilisé car il ne correspondait pas à l’image que je
me faisais des policiers. Il n’avait rien de cette
image négative qui est véhiculée dans certains
quartiers sensibles (J’avais habité durant de
Portraits de 100 Diplômés - 92
Mohamed Douhane
nombreuses années dans le quartier de la Villeneuve).
Avant de quitter notre domicile, l’inspecteur me dit : « Vous devriez rentrer dans la police, vous y découvrirez des métiers passionnants ! Si ça
vous intéresse, un jour je peux vous faire visiter l’hôtel de police de Grenoble où je travaille et vous pourrez rencontrer certains de mes collègues
». Ce qui fut fait deux mois plus tard !
J’ai ainsi pu passer un après-midi entier avec des policiers qui ont pris le
temps de me parler de leurs fonctions, de leur vision du métier et de ses
difficultés. L’accueil était chaleureux et j’ai tout de suite trouvé ce monde
fascinant ! C’est ainsi que j’ai décidé de passer le concours
d’inspecteur de police. J’avais une certaine appréhension,
j’allais entrer dans un monde inconnu qui suscite les fantasmes les plus fous.
Un fils d’immigré algérien dans la police
française… et pourquoi pas ?
Quand je parlais de mon choix à mes amis, certains pensaient
que j’étais devenu fou ! Un fils d’immigré algérien dans la
police française... Pourquoi pas ?! J’ai toujours aimé les défis
et surtout enfoncer les portes qui me paraissent fermées. Je
me suis donc présenté avec succès au concours.
Neuf mois plus tard je suis entré à l’Ecole supérieure des inspecteurs de la police nationale pour y suivre une scolarité
variée et enrichissante. Dans cette école de formation, il régnait un esprit de franche camaraderie et le sentiment d’appartenir à
une « Grande maison ». Au fil de ma carrière, j’ai constaté que la police
nationale était à l’image de la population française, avec son lot de gens
lumineux et de bons pères de famille ! Mais on doit reconnaitre que les
policiers sont toujours aussi mal connus du grand public.
Comment expliquez-vous que les policiers soient aussi mal connus ?
L’opinion publique a toujours été fascinée par les faits divers. Il suffit de
voir la couverture médiatique de certains crimes et affaires judiciaires,
pour s’en rendre compte. Paradoxalement, les policiers, leurs missions
ainsi que les difficultés de leur métier sont relativement mal connus du
grand public.
Plusieurs raisons expliquent cette réalité. La première raison tient d’abord au statut des policiers et aux obligations qui sont les leurs. Vous
devez d’abord savoir que dans l’exercice de ses fonctions, le policier est
non seulement soumis au secret professionnel mais aussi au devoir de
réserve. Concrètement, cela signifie que le policier est soumis au silence
à propos de ce qu’il entend et voit dans le cadre de son travail. En cas de
manquement, des sanctions sévères sont prévues, qui peuvent même
aller dans certains cas jusqu’à la révocation.
Vous comprendrez ainsi aisément les réticences que les policiers ont à
s’exprimer. Autre raison de poids, la police comme l’armée ont pendant
Portraits de 100 Diplômés - 93
Mohamed Douhane
longtemps été de grandes « muettes » et le secret y faisait office de religion. Ce n’est que très récemment que les autorités du ministère de l’intérieur ont pris conscience de l’intérêt de mieux et plus communiquer
dans les médias.
L’objectif clairement affiché est de valoriser l’image de la police nationale. Ainsi aujourd’hui la plupart des policiers ont compris que la communication et l’information devaient permettre de mieux faire connaitre leur
métier, leurs missions ainsi que leurs difficultés. Dans une société démocratique et ouverte comme la nôtre, il faut savoir communiquer pour
être compris et susciter l’adhésion.
Les fantasmes et les
caricatures qui entourent les policiers sont
nombreux
Que penser aussi de toutes ces séries policières populaires,
plus ou moins réussies qui s’invitent presque tous les jours
sur nos écrans de télévision telles « Navarro », « Maigret »,
ou « Commissaire Moulin » ? Reconnaissons que ces séries
sont très populaires, mais qu’elles prennent également beaucoup de distance avec la réalité des situations vécues sur le
terrain !
Les fantasmes et les caricatures qui entourent les policiers
sont nombreux, alors qu’il faudrait rendre hommage à leur
professionnalisme et à leur dévouement, car ils font un métier noble et passionnant.
Pouvez-vous nous parlez des métiers de la police ?
Les missions de la police nationale sont très diverses : sécurité des personnes, des biens et des institutions ; maîtrise des flux migratoires et lutte contre l'immigration illégale ; lutte contre la criminalité organisée, protection du pays contre la menace extérieure et le terrorisme et préservation de l'ordre public. Comme vous pouvez le constater, les menaces qui
pèsent sur notre pays sont nombreuses, réelles et polymorphes !
A ces missions diverses correspondent des métiers variés. On entre dans
la police nationale en passant les concours très sélectifs de commissaire,
d’officier (deux concours de catégorie A) et de gardien de la Paix
(concours de catégorie B).
Les commissaires de police appartiennent au corps de conception et de
direction de la police nationale. Le concours externe est ouvert aux candidats titulaires du master ou d'un diplôme équivalent.
Le corps comprend deux grades : commissaire de police et commissaire
divisionnaire de police. Ils sont chargés de l'élaboration et de la mise en
œuvre des doctrines d'emploi et de la direction des services dont ils assument la responsabilité opérationnelle et organique.
Les officiers de police appartiennent au corps de commandement de la
police nationale lequel comprend 3 grades : lieutenant, capitaine et comPortraits de 100 Diplômés - 94
Mohamed Douhane
mandant. Ils assurent les fonctions de commandement opérationnel des
services et d’expertise supérieure en matière de police et de sécurité intérieure. Ils secondent ou suppléent les commissaires de police dans
l’exercice de leurs fonctions. Ils ont également vocation à exercer des
fonctions de direction de certains services. Le concours externe est ouvert aux titulaires d’un diplôme de type Bac +3 mais dans la réalité près
de 60% des candidats sont titulaires d’un master.
En conclusion je dirai que ce métier que j’ai choisi exige des qualités intellectuelles et humaines fortes. Il est fait d’action et de réflexion et la
routine y est rare. Vingt et un ans après avoir passé le concours, la passion est toujours !
La police
est, selon
moi, un des meilleurs
postes d’observation
de notre
société
Enfin, la police est selon moi un des meilleurs postes d’observation de notre société. « La police s’occupe de tout et ensuite de ce qui ne la regarde pas » faisait remarquer Talleyrand
en son temps. Deux siècles plus tard, la réalité a-t-elle beaucoup changé ?
Mohamed Douhane
Commandant de police
Portraits de 100 Diplômés - 95
Daniel Dubost
1984 SP
De manière synthétique, quel est votre parcours
professionnel ?
Je suis entré au ministère chargé de l’économie et
des finances, et plus précisément à la direction du
budget, en 1983 en tant qu’attaché d’administration centrale, et y ai occupé successivement plusieurs fonctions (environnement, urbanisme, logement, entreprises publiques…).
En 1994, j’ai été intégré à l’Inspection Générale
des Finances (IGF). Après la période de la « tournée » (succession de missions d’audit et de vérifications pendant quatre ans), j’ai occupé les fonctions d’adjoint au Chef du service de l’IGF. En
2000, j’ai pris la responsabilité d’une sousdirection à la direction générale des impôts chargée des problèmes budgétaires et financiers. Fin
2005, je suis devenu responsable des missions
domaniales et j’ai créé le service France Domaine
en 2007 dont on m’a confié la responsabilité afin
de transformer lesdites missions.
Qu’est-ce que le service France Domaine ?
De France
Domaine à la
modernisation
de l'action
publique
Le service France Domaine est le représentant de
l’Etat-propriétaire, en ce qui concerne les biens
immobiliers de l’Etat. Il est chargé de conduire la
politique immobilière de l’Etat et sa création était
concomitante de la volonté de dynamiser cette
politique immobilière.
« Dynamiser », cela veut dire quoi ? Quelles sont
les actions les plus significatives qu’a conduites
France Domaine ?
Dynamiser, cela signifie que l’on passe d’une situation où le service du Domaine était le notaire
de décisions prises par d’autres à une situation où
il organise les actions immobilières de l’Etat, dans
le sens de l’amélioration de l’efficacité de l’administration, de la réduction de son coût et du redressement des comptes publics. Historiquement,
la première des actions a consisté à réaliser des
opérations de cessions immobilières et de professionnaliser France Domaine à cette fin. C’est ainsi
Portraits de 100 Diplômés - 96
Daniel Dubost
que de nombreux immeubles ont été cédés, soit parce qu’ils étaient devenus inutiles à la réalisation des missions, soit parce que leur coût d’opportunité et d’occupation était excessif. Là où il n’y avait jusque là quasiment aucune cession, la moyenne du produit des cessions s’est élevé à
500 M€ par an au cours de chacune de ces dernières années.
A quoi servent ces produits de cession ?
Une part est destinée au désendettement de l’Etat. Une seconde part est
destinée à financer une politique immobilière permettant de réinstaller
les administrations dans de meilleures conditions afin de favoriser les
réformes qu’elles sont chargées de mener : regroupement
des services déconcentrés de l’Etat en directions départementales interministérielles, création d’une direction régionale (et une seule) par ministère, regroupement des services
des impôts et du Trésor public dans le cadre de la création de
la Direction Générale des Finances Publiques, etc.
Il s’agit
d’accroître
l’efficacité de nos administrations et d’améliorer la qualité du
service rendu
Vous êtes à la tête de France Domaine depuis l’origine. Entendez-vous y demeurer ?
Non. A l’issue d’un septennat – alors même que le septennat
est passé de mode ! – j’ai quitté France Domaine et viens de
prendre, depuis quelques mois, de nouvelles fonctions. Je
suis désormais chargé de mettre en œuvre une politique de
simplifications de nos process à la Direction générale des Finances Publiques (DGFiP). Cette volonté de simplifier nos
process de travail s’inscrit dans le cadre plus général de la Modernisation
de l’Action Publique, qui a pris le relais de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP).
Il s’agit d’accroître l’efficacité de nos administrations, d’améliorer la qualité du service rendu aux usagers comme les conditions de vie au travail
des agents.
Avez-vous obtenu des premiers résultats ?
Nous veillons à ne pas faire entrer nos réformes dans un « effet-tunnel »
mais au contraire à livrer chaque mois des mesures, peut-être modestes,
mais effectives afin de provoquer un mouvement de simplification et de
le crédibiliser.
Si vous aviez un conseil à donner à un jeune de Sciences Po Grenoble,
que lui diriez-vous ?
La période de Sciences Po est maintenant trop éloignée pour moi pour
donner des conseils pertinents sur les études. En revanche, je donnerais
volontiers un conseil de comportement valable, je crois, sur la durée.
C’est la qualité de votre travail pendant vos études et pendant votre vie
professionnelle qui vous ouvrira des chemins qui vous paraîtront peutPortraits de 100 Diplômés - 97
Daniel Dubost
être aujourd’hui inaccessibles. Les diplômes-passeports pour accéder,
une vie durant, à des fonctions éminentes, c’est fini, si cela a existé.
Les diplômespasseports permettant
d’accéder une vie durant à des fonctions
éminentes, c’est fini
Bien évidemment, les diplômes sont des atouts précieux
pour bien s’engager dans la vie professionnelle, mais la réussite de cette dernière dépendra de vous, de vous seulement,
de votre implication et de votre application. C’est d’ailleurs
rassurant quant au fonctionnement de l’ascenseur social et
de la reconnaissance du mérite.
Daniel DUBOST
Délégué aux simplifications
Direction Générale des Finances Publiques
Portraits de 100 Diplômés - 98
Amendine Duc
2004 POL
J’ai rêvé de faire Sciences Po. Pendant plusieurs
années j’ai travaillé à m’en fatiguer les yeux. Au
lycée, pour réussir le concours et ensuite dans les
bibliothèques pour obtenir mon diplôme, mon
sésame.
Pourtant, rien ne me prédestinait à réussir ce
beau concours pour amorcer un parcours universitaire passionnant et prometteur.
J’ai grandi dans une famille savoyarde toute simple aux racines bien inscrites depuis plus 500 ans
dans un village de Haute Tarentaise. Une terre
aride, exigeante mais aussi généreuse et vivante.
Dans une famille qui ressemble à cette Terre. Avec
une passion pour la politique et pour l’Histoire
communiquée très rapidement. Séances du
conseil municipal, réunions partisanes, premières
joutes verbales, France Info au petit déjeuner, colloques, fanfare au monument aux morts et remises de médailles m’ont donné l’envie de participer
à la vie de la Cité. Pourtant je l’ai réalisé bien plus
tard.
Responsable à
l'UNICEF des
relations avec le
Parlement et les
pouvoirs publics
Au début de la seconde, j’ai farfouillé dans le CDICentre de documentation qui ne documentait
pourtant pas beaucoup, de mon lycée à la recherche de la meilleure formation universitaire. J’avais
un critère dominant pour faire ce choix, je vous le
confesse ici pour la première fois : pas de mathématiques dans la sélection ni dans le cursus ! Des
années de grands chiffres et de petites notes m’avaient convaincues de mon faible talent dans cette matière.
Tombant par inadvertance sur la fiche des IEP,
c’est la révélation : tout y est avec le luxe suprême, pas de mathématiques ! Politique, histoire,
économie, culture générale, je me reconnais immédiatement dans cette fiche que j’ai photocopiée et gardée précieusement. Il arrive rarement
dans une vie d’avoir la certitude de prendre le bon
chemin mais c’est un moment précieux. J’ai pourtant eu un moment de doute quand j’ai été acceptée dans une école de commerce qui était présentée comme la voie royale pour « réussir sa vie ».
Portraits de 100 Diplômés - 99
Amendine Duc
Je dois à Hervé Gaymard, fier savoyard aussi, de m’avoir convaincue de
suivre mon intuition. Je lui dois aussi tant d’autres choses dans la construction de mon parcours que l’on peut le qualifier de mentor même si je
sais qu’il est bien trop modeste pour l’accepter.
En 1999, mon bac en poche je tente le concours en ne choisissant que
Grenoble. Je le rate à une poussière. Mon petit monde s’effondre. J’ai
définitivement appris l’humilité ce jour-là et j’ai entamé avec bonheur
des études de psychologie, poursuivies en parallèle de l’IEP. Car je réussis
le concours au deuxième essai en septembre 2000.
Ma passion
pour la politique a été renforcée
quand j’ai réalisé que
je pouvais la conjuguer avec mon amour
du lointain
Chez une copine, pelotonnées autour du Minitel, je tape les
codes infinis, entends les bruits de connexion et lis uniquement « Acceptée ». De battre mon cœur s’est arrêté. Littéralement. J’ai repensé à toutes les femmes de la famille qui
n’ont pas eu droit aux études, à l’échec 365 jours plus tôt,
aux heures de travail sur les trois livres à la sortie de mes
boulots d’été, aux heures en bibliothèque toute l’année et
j’ai juste savouré ce pur moment de bonheur. Je sais combien cette phrase peut sembler midinette mais elle est si
vraie !
Après plusieurs mois à l’IEP, ma passion pour la politique a
été renforcée quand j’ai réalisé que je pouvais la conjuguer
avec mon amour du lointain ! Ce fut donc une spécialisation
en Relations internationales et géopolitique. Une année merveilleuse à l’Université de Montréal et un mémoire sur la
géopolitique de l’eau dans le séminaire du brillant JeanWilliam Dereymez plus tard me convainquent de mes choix.
Puis la cérémonie de remise des diplômes est mon dernier contact avec
l’IEP, elle est touchante, mes parents sont là, mon frère et ma sœur aussi. Quand je revois cette photo, je ne peux m’empêcher d’avoir les yeux
qui brillent.
En 2004, je décide donc de « partir pour la capitale » et de boucler deux
Masters 2 internationaux en posant les premières pierres de ma carrière
professionnelle. J’ai la chance de la débuter aux côtés de Michel Barnier,
alors exigeant Ministre des Affaires étrangères en pleine campagne pour
le referendum sur la Constitution -qui n’en est pas une- européenne. Une
défaite et une nouvelle leçon d’humilité plus tard, je poursuis pour quelques mois au sein du Quai d’Orsay puis à Suez Environnement et au Cabinet du Premier Ministre en travaillant sur les enjeux de l’eau dans la géopolitique et la diplomatie.
A l’heure de la fin du règne de Jacques Chirac, je choisis de consacrer
quelques mois à l’exercice démocratique ultime : le Parlement. Heures
passionnantes : « mon » premier discours prononcé, mes premiers mots
au service de la vision de « mes » députés, les rapports budgétaires, les
questions au Gouvernement. Heures riches : les visites pour des cars enPortraits de 100 Diplômés - 100
Amendine Duc
tiers de citoyens de la circonscription, les 30 billets de séances à trouver
en 5 jours, les déjeuners avec des experts, les auditions parlementaires,
les discussions sans fin sur nos visions différentes de tel ou tel sujet de
société.
Le 18 mars 2008, heures exceptionnelles, aussi : dans le métro, j’apprends que « mon » député devient Ministre. J’apprends donc que notre
vie va changer pour se poursuivre…au Ministère des Affaires étrangères
en charge du soutien aux pays les plus pauvres. Nous nous retrouvons
dans son grand bureau, c’est son premier poste, je suis son seul point
stable pour quelques heures. Avant le tourbillon des 28 mois de son exercice.
Dans le
métro,
j’apprends que mon
député devient
Ministre
Pendant 28 mois, dans mon portefeuille, l’eau sera bien présente mais s’enrichira d’enjeux tout aussi importants comme
l’égalité femmes/hommes, la santé, l’agriculture ou encore
les négociations européennes. Nous avons travaillé beaucoup pour faire bouger les lignes de quelques centimètres,
au service de populations en difficulté. 28 mois que je ne
peux décrire à personne tellement nous avons vécu vite.
Grandi vite aussi.
J’ai commencé à 26 ans, benjamine du Cabinet, benjamine
de toutes les réunions pour finalement acquérir une confiance suffisante pour incarner la Conseillère d’un Ministre. 28
mois de confiance, de petits et grands bonheurs mais aussi de stress,
d’humiliations, de trahisons. 28 mois avec des gens passionnés et passionnants. Avec les copains du Cabinet, on se créé une bulle de vie. On se
tient chaud comme les empereurs manchots que nous sommes, on cherche l’air pour survivre dans ce monde où les heures s’alignent, où les
coups de fil tombent à n’importe quelle heure. Où la pression de chaque
remaniement laisse planer la peur de rencontrer finalement Monsieur
Paul Emploi.
J’étais loin de me douter que notre fin collective interviendrait tel un
vaudeville et que j’en prendrais connaissance dans une chambre d’hôtel
londonienne. Ironie du sort, sur TV5, la chaine que nous avons tout fait
pour sauvegarder dans les arbitrages. A cette heure où tout s’effondre,
personne ne s’inquiète pour nous, confiants dans notre capacité à rebondir. A cette heure, je me demande si je pourrai répondre aux enjeux du
vrai monde professionnel et transformer l’essai.
Il sera finalement transformé fin 2010. Après une réflexion poussée sur
mes envies, la force et la relativité des choix. Après 150 jours délicieusement consacrés à dormir, rêver, écouter, rencontrer, renouveler les énergies, sur les –excellents- conseils d’un compagnon de galère qui avait traversé 1997. L’Unicef en France ouvre alors un nouveau poste magnifique
où je suis chargée de convaincre les pouvoirs publics français de poursuivre et enrichir leur confiance en cette organisation internationale si
connue et pourtant méconnue. Je deviens le numéro 10 de l’Unicef poli-
Portraits de 100 Diplômés - 101
Amendine Duc
tique! Je n’ai pas hésité une seconde malgré les belles propositions du
secteur privé.
Aux côtés d’un Président à l’œil rieur et à l’intelligence vive, je construis
cette relation avec plus de 10 ministères et toutes les Commissions parlementaires. Aux côtés ensuite d’une Présidente, ancienne Ministre avec
qui nous avons de l’ambition, avec qui nous nous comprenons sans parler. Avec le bienveillant soutien du Directeur général, nous lançons le
premier Manifeste pendant les élections, nous faisons défiler
l’Unicef devant l’Assemblée nationale pour la première fois
de son histoire, nous rencontrons des centaines de personnes et faisons de l’enfant un acteur du débat public. Ou, plutôt, nous essayons chaque jour, car rien n’est jamais acquis.
Les petites victoires ne comblent pas toujours le désarroi de
savoir des millions d’enfants morts de faim, atteints du sida
ou enrôlés dans les conflits. Alors que nos équipes sont partout dans le monde et savent l’éviter si les moyens financiers
leur sont donnés.
J’ai tout appris à l’IEP,
et je me sers encore
des
conseils
donnés au-
Demain, je ne sais pas où je serai. Mais je serai passionnée
toujours. Et humble toujours plus.
Mon parcours est celui de tant d’autres à qui la République a offert un
ascenseur social pour ciseler les qualités humaines et intellectuelles offertes par leur famille. J’ai tout appris à l’IEP. Je me sers de tous les
conseils que l’on m’a donnés, même 10 ans plus tard. Surtout 10 ans plus
tard car il m’arrive d’en comprendre certains bien davantage aujourd’hui.
Je connais l’école que je conseillerai à mes enfants, pour qu’ils deviennent de jeunes pousses d’avenir !
Portraits de 100 Diplômés - 102
Marc Dugain
1979 SP
"Si je travaille tant, c'est parce que, quand je
m'amuse, je m'ennuie." Une confession d'Apollinaire que Marc Dugain reprend volontiers à son
compte. Longtemps, avoue le "golden boy" des
lettres françaises et ancien chef d'entreprise de 54
ans, cette course à l'activité lui a servi d'exutoire
et de parade. Une parade gagnante! Jugez plutôt.
Tout juste diplômé, il s'essaie aux affaires et le
voilà à la tête d'une société d'aviation florissante.
A 40 ans, il tâte de l'écriture et son premier roman, La Chambre des officiers, s'envole vers les
250 000 exemplaires. Et quand il s'empare de la
caméra, à 50 ans, les louanges tombent sur
son Exécution ordinaire.
Marc Dugain,
dans la peau
d'un tueur
Pour l'heure, c'est son huitième roman qui est à
l'ordre du jour: Avenue des Géants, une étonnante
et passionnante fiction, dans laquelle le romancier
se glisse dans la peau d'un serial killer américain,
tout en réussissant la gageure de ne consacrer
qu'une poignée de pages à ses nombreux meurtres. Aucune hémoglobine dans ce faux thriller,
pas d'exhibitionnisme ni de détails hallucinants
("je déteste"), mais une bonne dose de suspense,
alors même que la culpabilité du héros est connue
dès l'ouverture. La véritable intrigue n'est autre
que la personnalité du tueur lui-même. Il y a un
an, l'idée même d'un tel livre ne l'aurait pas effleuré, mais Dugain "le structuré" sait aussi être
impulsif.
Il s'interroge sur l'âme d'un tueur et sur ses fêlures
En l'occurrence, l'action se passe à Casablanca.
"J'y étais pour voir mon fils de 5 ans, qui vit dans
cette cité étouffante, où l'on ne peut pas marcher.
Un soir, en regardant la chaîne Planète, je tombe
sur un documentaire traitant des tueurs en série.
Un type incroyable, Edmund Kemper, condamné à
perpétuité, raconte sa vie, les lectures qu'il enregistre aujourd'hui pour les aveugles et les crimes
qu'il a commis dans les années 1960-1970, le tout
avec une logique effrayante. Le lendemain, j'appelle Ludovic Escande, mon éditeur chez Galli-
Portraits de 100 Diplômés - 103
Marc Dugain
mard, et lui dis que je change le thème de mon prochain roman."
Tout s'emballe alors. Il lit quelques pages sur Edmund Kemper notamment l'ouvrage de Stéphane Bourgoin-, prépare avec sa femme
une virée sur les lieux du drame, du Montana à la Californie, et discute
durant des heures avec son grand copain de lycée de son époque grenobloise, Bruno Jeanmart, dont la double casquette de philosophe et de
psychanalyste fait un interlocuteur de choix. Ensemble, ils s'interrogent
sur ce qui a pu transformer le jeune Californien en "ogre de Santa Cruz",
les fêlures et humiliations de sa jeunesse, ce corps de géant qui l'encombre, la responsabilité de la mère castratrice, la société qui en remet une
couche, les fantasmes de décapitation qui le hantent, les ravages psychologiques causés par la guerre du Vietnam...
Je suis fasciné par l’incapacité de l’intelligence à vaincre
les tourments de
l’enfance
Puis il s'est mis à l'écriture, inconfortablement assis derrière
son petit bureau blanc, prêtant sa plume -"facilement et avec
bonheur"- à ce criminel hors normes, rebaptisé malicieusement du nom de sa propre arrière-grand-mère, Kenner, les
paroles du chanteur soul Skip James, "I'd rather be the devil",
passant en boucle dans son casque à musique. "En réalité,
résume Dugain, je suis fasciné par l'incapacité de l'intelligence à vaincre les tourments de l'enfance." Et de citer, entre
autres, DSK, "dont l'intelligence n'a pas permis de vaincre les
névroses". Bruno Jean-mart est satisfait de "son élève": "Il a
compris l'ambivalence du personnage, sa part de folie et sa
part de rationalité. Et nous livre, grâce à son regard analytique, un texte extrêmement abouti, qui ouvre sur de multiples questions."
Avec l'écriture, il s'est réapproprié sa vie
Exceptionnellement, Fred Vargas, l'autre amie de toujours, n'a pas lu le
manuscrit d'Avenue des Géants. Mais de "Marco", tout ne peut-il pas
être parfait? "Il a un peu tendance à réussir tout ce qu'il touche, s'enflamme la chef de file du polar français. C'est grand! Il ouvre les trappes
des personnages puants, fait parler Staline, Hoover, un tueur en série;
moi, j'en suis incapable!" Bel hommage d'une... inséparable. Impossible
de parler de Marc sans évoquer Fred, et vice versa. Nés la même année,
en 1957, de parents copains de fac de chimie -la mère de Fred est la marraine de Marc-, ils forment un clan (avec Jo, la jumelle de Fred) que rien
ne semble pouvoir ébranler. Ni les kilomètres (il vit à Grenoble à son retour de Dakar, à l'âge de 7 ans) ni les parcours professionnels dissemblables (quand il joue les patrons, elle mène à bien ses fouilles archéologiques pour le CNRS). A coups de lettres fleuves et de fous rires, ils ne se
perdront jamais de vue, jusqu'à ce que leurs chemins se recoupent, autour des livres et de Montparnasse, il y a une quinzaine d'années.
Malgré le succès, Fred est formelle: "Marco n'a pas changé d'un iota, et
la célébrité ne l'intéresse pas plus que moi." Même son de cloche du côté
Portraits de 100 Diplômés - 104
Marc Dugain
de Bruno le Grenoblois: "Son passage dans les affaires n'aura été qu'une
parenthèse, explique le copain psy. Après avoir fait le saut [la revente de
son entreprise], Marc s'est réapproprié sa vie, notre complicité intellectuelle est intacte comme lorsque, jeunes, nous voulions écrire un livre
sur Marx." Pas d'ouvrage sur Marx à l'horizon pour ce fan de l'époque
hippie ("la dernière grande utopie sociale") qu'il n'aura jamais vécue.
Mais, en vrac, le tournage de La Malédiction d'Edgar en septembre prochain au Canada, un roman sur Kennedy, un autre d'anticipation, un
grand projet sur la Saint-Barthélemy, une éventuelle traduction d'Hemingway. A faire perdre la tête à ses interlocuteurs... et à ses confrères,
pour lesquels Marc Dugain reste une énigme.
En littérature, ce qui
importe, ce ne sont
pas les prix, mais la
lecture, cette intimité
entre deux
personnes
Plus souvent au Maroc, aux Etats-Unis ou à cheval dans son
domaine de Dordogne qu'à Saint-Germain-des-Prés, l'auteur
d'Heureux comme Dieu en France ne joue pas le jeu du sérail,
loin des signatures, des salons, des cocktails et autres ronds
de jambe. Pas le temps, pas envie. Du coup, il apparaît trop
hautain, trop lisse pour certains, ou encore trop américanophile pour d'autres. Et compte peu d'amis dans le milieu littéraire -surprise, Laurent Gaudé, qui habite dans son immeuble, ne le connaît pas- ou cinématographique -même s'il s'est
créé un petit cercle de fidèles, tels les journalistes Jérôme
Garcin et Philippe Labro ou encore le producteur Jean-Louis
Livi, le réalisateur Yves Angelo, l'acteur André
Dussollier.
Ce dernier, qui interpréta Staline dans Une exécution ordinaire, ne tarit pas d'éloges sur le néoréalisateur: "Il a très vite pigé les
contraintes de l'exercice. C'est quelqu'un d'entier qui s'est comporté
avec détermination, calme et humour. Solide capitaine d'équipe, il a su
rassurer et trancher quand il le fallait, tout en ne se prenant pas au sérieux." Spassiba, camarade Dussollier.
Les grands prix lui sont indifférents
Ecrivain à succès, sans être un mégaseller à l'instar d'un Levy ou d'un
Musso, Marc Dugain n'a récolté jusqu'à aujourd'hui aucun des grands
prix littéraires. Une absence de médailles dont il dit se moquer... "Trop
de magouilles!" Même la postérité lui est finalement indifférente: "Je n'y
crois pas, affirme-t-il. Si vous saviez le nombre de Prix Nobel qui ne sont
plus lus. Moi, ma plus grande satisfaction, c'est de savoir que La Chambre
des officiers est étudiée en classe. C'est la seule chose qui importe en
littérature, cette intimité entre deux personnes qui ne se connaissent
pas." Et de citer, pour sa part, Tchekhov, Carver, Dostoïevsky, autant
d'auteurs qu'il pose malicieusement sur la table de chevet d'Al Kenner,
son tueur californien.
"I'd rather be the devil... - Je préférerais être le diable plutôt qu'être
l'homme de cette femme", chante Skip James. Kenner, quant à lui, a
choisi d'être le diable pour ne plus être le fils de sa mère. Marc Dugain l'a
Portraits de 100 Diplômés - 105
Marc Dugain
bien compris, qui nous offre ce fascinant portrait d'une humanité dévoyée.
Avenue des Géants
Par Marc Dugain
Broché
Paru le : 13 avril 2012
Editeur : Gallimard (Editions)
Collection : Blanche
ISBN : 978-2-07-013235-5
EAN : 9782070132355
Nb. de pages : 360 pages
Poids : 490 g
Dimensions : 15,5cm x 22,5cm x 2,6cm
Portraits de 100 Diplômés - 106
Olivier Dussopt
1999 SP
Aujourd’hui, la voix de l’opposition a du mal à se
faire entendre, quels moyens possédez-vous
pour faire valoir vos opinions, en particulier celles qui vous différencient de la majorité ?
Il y a deux catégories de députés : ceux qui « avalent » les textes sans faire valoir leurs idées, même si quelques voix se sont fait entendre ces derniers temps, depuis l’amendement Mariani et l’affaire EADS. Et d’autres –les députés d’oppositionqui avancent les incohérences du projet gouvernemental comme celles de la loi de financement de
la sécurité sociale. Il existe une véritable difficulté
à être visible : il faudrait instaurer un statut pour
les parlementaires afin qu’ils puissent avancer des
textes et faire des propositions.
Donner la présidence de la commission des finances à l’opposition est une mesure insuffisante, s’il
y avait une véritable parlementarisation du régime, les députés auraient plus de marge de manœuvre. Aujourd’hui, tout est bloqué, 95% de l’ordre du jour est décidé par le gouvernement, il n’y
a donc aucune place pour l’initiative parlementaire.
Être jeune député
de l’opposition en
2007
Il semble pourtant que la Commission Balladur,
en charge de la réforme des institutions, va offrir
aux membres de l’Assemblée Nationale de meilleurs moyens pour contrôler le travail gouvernemental ?
La Commission Balladur ne fait que renforcer les
pouvoirs du Président de la République, en réduisant les pouvoirs du 1er Ministre, seul représentant de l’exécutif à être responsable devant l’Assemblée, elle présidentialise le régime. La possibilité pour le Président de s’adresser au Congrès
devra inévitablement s’accompagner d’un vote de
confiance de la part de ce dernier. C’est le seul
moyen de garantir l’équilibre délicat entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.
La Commission Balladur réécrit la Constitution en
fonction de la pratique présidentielle de Nicolas
Sarkozy : son rôle est de mettre des mots sur cette
nouvelle approche. Sa tactique est de modifier la
Portraits de 100 Diplômés - 107
Olivier Dussopt
Constitution de manière progressive afin de ne pas briser le « précieux »
consensus majoritaire. Quelques propositions peuvent néanmoins être
intéressantes à étudier, comme la suppression du 49.3 ou le partage de
la maitrise de l’ordre du jour, reste qu’il ne faut pas que ce soit du « bricolage ». Quant à l’introduction d’une dose de proportionnelle, c’est une
question délicate, il s’agit de savoir comment la calculer sans amplifier le
phénomène majoritaire, comment permettre à des partis qui réunissent
un certain pourcentage de la population d’être présents au sein du débat
démocratique ?
Le PS est justement en difficulté au sein du débat démocratique, envisagez-vous de faire partie des personnalités de premier
plan pour sa rénovation ?
La défense
du service
public est fondamentale !
Je préfère parler de reconstruction ou de renaissance. Actuellement, je travaille auprès du député européen Benoit
Hamon et évidemment nous entendons bien faire valoir nos
idées et nos travaux pour assurer l’avenir du parti.
Quels sont actuellement les projets que vous défendez ?
Je me suis attaché particulièrement à trois projets : tout d’abord la question postale. La défense du service public est une
question fondamentale, il s’agit de savoir quelle société nous
voulons pour l’avenir. Sa remise en cause bouleverse notre
système de solidarité et l’accès à tous à la pluralité de l’information.
Ensuite, toujours dans le domaine du service public, je m’occupe de la
transcription des directives européennes en droit interne, en cherchant
sans cesse un équilibre entre aménagement du territoire et solidarité
entre les habitants c’est à dire en développant un service public performant. Enfin, mon travail de parlementaire s’axe sur la question plus large
de la reproduction des inégalités, l’égalité des chances et la possibilité de
faire profiter à tous de l’ascenseur social.
Anne CALOT
PROGIS 2009
Portraits de 100 Diplômés - 108
Chrystel Egal
1993 SP
Comment passe–t-on de Sciences Politiques à un
métier consacré à la création ?
Enfant, je savais que je voulais être artiste. C'était
une évidence. J'ai suivi comme beaucoup, la filière
scientifique. Après le Bac D, je ne voulais pas marcher sur les traces de mon père qui, architecte,
avait fait les Beaux-Arts et Architecture. J'avais en
tête un projet différent, faire des études qui me
donnent une bonne culture générale et une méthode pour appréhender le monde des idées…
Commencer à Grenoble et éventuellement rejoindre la filière Relations Internationales à Paris.
Sauf que mon père est tombé malade puis est
mort et du coup, j'ai renoncé à partir en 2ème
année à Paris. Ensuite, diplômée de L'Institut
d'Etudes politiques de Grenoble en 1983, j'ai
poursuivi mes études à Paris avec en tête, de saisir
les occasions qui se présenteraient comme une
ouverture, un accès à d'autres dimensions et recherches. Je ne voulais pas d'une trajectoire linéaire… Après un D.E.S.S, Marketing Pub, un D.E.A. au
Celsa Sorbonne puis un doctorat non achevé, je
me suis retrouvée grâce à mon ami John Hughes,
en stage prolongé à Los Angeles chez Robert Abel,
une compagnie très créative d'effets spéciaux et
de réalisation de films…
Artiste &
écrivain
In fine, j'ai traversé les milieux de la publicité
(Conception rédaction chez R.S.C.G), du cinéma
(co-scénariste de « Faux et usage de Faux » réalisé
par Laurent Heynemann & assistante de réalisation et de production) de la télévision (reporter
pour Culture Pub sur M6), de la radio (chroniques
aux Nuits Magnétiques sur France Culture), et de
la photographie (Assistante de Bruce Weber sur «
Let's get Lost » sur la vie de Chet Baker.
Le fait de côtoyer Chet Baker révèle en moi, le
goût des situations limites et le début de mon engagement d'artiste. J'aime les contraintes travailler en équipe mais j'apprécie le face à face avec
soi-même au cœur de la création. J'envisage une
certaine liberté d'échapper aux contraintes du
matériel et de l'économique. Je me sens chez moi
Portraits de 100 Diplômés - 109
Chrystel Egal
avec l'exigence que l'on se fixe à soi, un idéal que l'on tente d'atteindre
même si c'est un pari impossible… Pour moi, la création est, en partant
de soi, une façon de poser les questions fondamentales de l'Existence…
En 1993, je produis mon premier « Portrait-Fiction », « Tribal », tourné
en super 8 Tri X… Noir et blanc comme à l'origine du cinéma. Le grain du
Super 8 est très fort, la texture est dense, l'image palpite. C'est incarné.
La camera laisse entièrement la place au plaisir de la sensation. Une cartouche de Super 8 c'est vraiment physique. Dans les images, chaque
grain est une pulsation comme un cœur qui bât.
Et ensuite ?
Aujourd’hui
l’écriture et
la photographie sont
totalement liées dans
mon travail
plastique
En 1994, j'ai reçu la bourse Léonard de Vinci du Ministère des
Affaires Etrangères. J'ai choisi New York, la bourse était pour
six mois et je suis restée quatre ans et demi. J'ai travaillé
avec Alain Kirili qui est sculpteur. Tout de suite, il m'a dit :
“Tu aimes prendre des risques pour t'éviter d'être trop en
maîtrise!”. Cette parole a fondé notre rencontre et nous
avons fait de nombreuses collaborations. Je continuais parallèlement mon travail plus personnel, sur les travestis, la femme flic du Bronx, Cherry Vanilla égérie des années soixante,
la boxe thaïe… Je publie mon premier roman « Kovalam
Beach » sur la passion frère et sœur.
De retour de New York, j'écris mon second roman, « New York est mon
excès ». De ma rencontre avec New York ont jailli des illuminations que je
transcris entre trois et 5 heures du matin. Etre attentive et à contre courant est ma manière d'appréhender le réel. J'expose dans des galeries et
musées en France et à l'étranger mais à présent ma base, c'est Paris.
Et aujourd'hui ?
Aujourd'hui, l'écriture et la photographie sont totalement liées dans mon
travail plastique, je pense mes photos à partir de mes écrits et versus et
j'inclus les écrits dans mes images. La friction texte-image est au cœur de
mon processus et prend de nombreuses formes : caissons lumineux,
mandalas, photographies, tables, carreaux…
Tenter de transmettre un message qui bousculerait l'ordre et donnerait
de l'énergie, c'est mon souhait le plus profond… En marge de cela, des
entreprises entre autre me contactent pour définir une direction artistique sur un événement, pour leur image de marque ou pour gérer leur
communication sur les réseaux sociaux.
Portraits de 100 Diplômés - 110
Jérôme Fougeras de Lavergnolle
1984 EF
Il était le dieu grec des voyageurs et des voleurs. Il
est devenu le nom d’une des marques françaises
de luxe les plus cotées dans le monde. Bagagerie,
bijouterie, maroquinerie, prêt-à-porter, parfumerie, art de la table, soie... Hermès envahit le marché. Grenoblois pure souche, Jérôme Fougeras de
Lavergnolle (ECO FI 84) travaille depuis quinze ans
à faire prospérer cette entreprise où l’esprit familial est primordial.
La « pyramide ». Surnom donné aux ateliers
d’Hermès à Pantin, en région parisienne. Au centre trônent de drôles de podiums, annonciateurs
des défilés pour la prochaine collection. Et, en toute logique, au sommet de cette pyramide on retrouve le chef. Dans son spacieux bureau au dernier étage, Jérôme Fougeras de Lavergnolle, 45
ans, n’est pas avare de son temps et de ses mots
pour décrire son parcours. Des mots qui revêtent
un caractère nostalgique quand cet ancien élève
de l’établissement Notre Dame évoque sa vie grenobloise et son entrée à l’IEP : « après mon bac en
1981, j’ai passé l’examen d’entrée. D’ailleurs c’était la première année qu’il y avait un examen,
d’où certaines échauffourées ! ».
Depuis 15 ans aux
côtés d’Hermès
Attiré par le monde de l’entreprise, il choisit la
section Economie et Finance et apprécie la formation reçue. Seul reproche : la réticence de la direction à favoriser les stages. Alors il se débrouille et
multiplie les expériences professionnelles : cimenterie, trois mois dans une banque à New-York... Et
son goût du travail ne s’arrête pas en si bon chemin. Il suit en parallèle de l’IEP des études de droit
jusqu’à la maîtrise, obtient ensuite un DESS de
management et s’acquitte de son service militaire.
En 1986, double joie, avec mariage et diplôme en
poche. Et une angoisse aussi : l’entrée sur le marché du travail.
Hermès, un coup de tonnerre
Sur conseil d’un ami, il envoie son CV aux « Big
Eight », à savoir les huit plus gros cabinets d’audit
de la capitale. Bingo : il décroche un poste dans
l’un d’entre eux. L’acclimatation à la vie parisienne
est difficile. La pression ? La charge de travail ?
Portraits de 100 Diplômés - 111
Jérôme Fougeras de Lavergnolle
Rien de tout cela : l’éloignement de ses chères montagnes ! « Je suis un
passionné de ski. Mes parents possèdent un appartement à l’Alpe d’Huez
et on y allait tous les week-end pendant la saison. Forcément, mon
champ de vision à Paris s’est rétréci... ». Ce fou des pistes slalome donc
huit ans dans la filière audit et continue, au grand damne de son épouse,
à préparer son diplôme d’expertise comptable pendant ses vacances.
En 1994, un de ses clients, Hermès, lui propose un poste. Une proposition qui sonne comme un véritable coup de tonnerre : « j’étais en train
de devenir associé dans mon cabinet. Et puis j’ai compris que je ne voulais pas faire cela toute ma carrière. Donc je me suis lancé ! ». Pendant
des années, il se consacre au domaine de la finance dans la
holding Hermès International, devient même directeur financier adjoint en 2000. « J’ai également gardé pendant cette
période le contrôle financier de la zone Asie, en me rendant
régulièrement sur place ».
Chez Hermès, on
conçoit un produit
comme on le ressent,
et on le propose ensuite au public
En 2003, il est nommé directeur général adjoint d’Hermès
Sellier et ses activités s’élargissent également vers la logistique. Cet ancien iepien occupe ensuite diverses
fonctions au sein d’une maison qui se réorganise en permanence, en se dotant par exemple de pôles métiers.
Une éthique pour une maison familiale
En avril 2006, il prend la direction d’Hermès Service Groupe
qui a pour objectif de mutualiser les différents services et de
fluidifier les processus de production et de distribution. «
Aujourd’hui, mon métier est à 90% du management ».
Mais surtout Jérôme Fougeras de Lavergnolle a conscience de la particularité de la société Hermès : « On ne fait pas d’étude de marché avant de
lancer un produit. On le conçoit comme on le ressent et on le propose
ensuite au public ». Cela vient-il du fait qu’il s’agit d’une entreprise familiale ? « Certainement. On fait un peu figure d’exception sur le marché.
Rendez-vous compte, on en est à la sixième génération ! Et ce ne sont
pas des « sleeping partner », la famille est très impliquée dans les choix
stratégiques. Notamment une stratégie de croissance interne : on ne
veut pas se disperser, on préfère par exemple augmenter le nombre de
nos maroquineries et de nos points de vente plutôt que d’investir sur
d’autres marques ».
Affirmant qu’Hermès n’est pas particulièrement affecté par la crise économique, ce directeur général assure qu’il y existe une véritable éthique
où la rentabilité est avant tout un moyen pour la pérennité, où « l’argent
est un bon serviteur mais un mauvais maître ». Une éthique que Jérôme
Fougeras de Lavergnolle essaye de s’imposer, lui qui préside bénévolement le comité départemental des conseillers du commerce extérieur de
Seine-Saint-Denis afin d’aider des étudiants et des créateurs d’entreprises dans leurs activités.
Portraits de 100 Diplômés - 112
Jérôme Fougeras de Lavergnolle
Pour sortir du bâtiment, on traverse des ateliers où sèchent de petits
sacs à main en peau de crocodile. Curieux, on demande le prix. Un sourire poli : « entre 15 000 et 25 000 euros ». Aïe... vivement que la crise soit
finie…
Pierre Nigay
2009 PO - Journalisme
Portraits de 100 Diplômés - 113
Jean-Claude Galléty
1978 PS
Des origines…
Originaire du milieu de l’entreprise, fils d’un artisan du bâtiment, je me suis dirigé à la sortie du
Bac, en 1968,vers la filière qui me semblait la plus
naturelle : l’architecture. Mais en cours de ces
études, il est apparu que ce choix me conduisait
vers des voies un peu décalées par rapport à mes
centres d’intérêts, orientés plutôt vers la chose
publique.
Cette inclinaison, découverte peu à peu, s’inscrivait en prolongement de l’enseignement d’un professeur de philosophie qui m’avait ouvert à des
valeurs– nouvelles pour moi eu égard à mon milieu familial –tendant vers l’action publique et sociétale. À la fin de mes études d’architecture, l’urbanisme apparaissait alors comme plus conforme
à mes goûts. Malheureusement, j’ai vite décroché
par rapport à mon projet de thèse, car les études
d’architecture m’avaient bien peu armé pour l’analyse des phénomènes complexes qui animent
les sociétés humaines et urbaines.
Délégué du
Directeur aux
Collectivités
Locales
… à Science Po
La science politique offrait alors cette capacité
d’analyse pluridisciplinaire qui me manquait. Et
c’est ainsi que je suis arrivé à l’IEPG pour suivre le
cycle « Politique et social » en 1976. Après un premier cycle universitaire, je me suis retrouvé avec
des « vieux » qui, comme moi, avaient déjà réalisé
un autre cursus : de l’économie, de la biologie, de
la communication... Et ce melting-pot contribuait
justement à nourrir cette pluridisciplinarité. Quelque uns de mes amis d’aujourd’hui sont toujours
issus de ce petit creuset.
À la sortie de Sciences Po, en 1978, des jobs temporaires ou à mi-temps m’ont laissé suffisamment
de disponibilité pour me réinscrire en doctorat
d’urbanisme à l’IUG et reprendre la thèse que j’avais vainement tenté d’engager à la fin de mes
études d’architecture. Mon doctorat à l’IUG sera
finalement soutenu en janvier 1984 ; il portait sur
le pouvoir local et le changement social dans les
collectivités de montagne impactées par le développement touristique.
Portraits de 100 Diplômés - 114
Jean-Claude Galléty
Mon parcours professionnel
S’il ne devait y avoir qu’un seul mot-clé dans mon parcours professionnel, ce serait« collectivités locales ».
Mon premier emploi temporaire fut un remplacement au Cemagref de
Grenoble pour conduire une étude commandée par la Datar sur des critères d’aide aux communes de montagnes.
Je devais le contact avec ce laboratoire à Claude Domenach, directeur de
l’institut et qui fut mon directeur de mémoire, et à qui je veux ici rendre
hommage pour tout ce qu’il m’a apporté.
L’enjeu : accompagner
la décentralisation et
en montrer le potentiel auprès
des élus
Ensuite, le CAUE de l’Isère recrutait un chargé d’étude à mitemps pour développer des actions d’animation en directions
des mairies et intercommunalités. Dans cette fonction, j’ai eu
l’occasion de coopérer avec l’organisme de formation de
l’Association départementale des maires, le Cifodel. Comme
je l’ai déjà indiqué, ce travail à mi-temps était une aubaine
pour moi car il m’a permis de reprendre et de conduire en
parallèle les travaux pour ma thèse.
Dès lors, la décentralisation comme moteur de mon action
Puis arrive la décentralisation de 1982-83. Le Conseil Général
de l’Isère, dont dépendait le CAUE, a alors souhaité développer des aides et de la formation spécifiques en direction des
petites communes afin d’accompagner la mise en place de la
décentralisation. Il souhaitait aussi refonder la consultance architecturale
afin d’en transférer la responsabilité aux maires pour tenir compte de la
nouvelle donne institutionnelle. Afin d’engager cette réorientation du
CAUE, je suis nommé directeur fin 1983. L’enjeu de cette nouvelle politique était d’accompagner la décentralisation, mais surtout d’en montrer
tout le potentiel auprès des Maires face à une administration d’État qui
ne la positivait pas toujours…
Parallèlement à mes fonctions au CAUE, le hasard a voulu que je reprenne au pied levé un cours d’urbanisme à l’ENTPE. L’un des vacataires s’étant démis à l’improviste, l’une de mes camarades de l’Institut d’urbanisme, devenue chercheur à l’École des TPE, m’a sollicité et j’ai donc repris
le cours sur l’histoire de l’urbanisme et des théories urbaines.
Un début de parcours de ruraliste
Jusqu’alors tout mon cheminement – études universitaires et travail –
était celui d’un ruraliste. Pour la première fois, avec cet enseignement,
j’abordais les questions portant sur la ville et cela a été pour moi une aubaine, puisqu’il m’a – en quelque sorte – ouvert sur les problématiques
urbaines.
Je savais qu’un jour je devrais réorienter ma trajectoire pour ne pas rester cantonné toute ma carrière dans le champ rural. Après plus de huit
années passées au CAUE, j’ai donc postulé à un poste « urbain » comme
directeur de l’urbanisme à la Maire de Valence, fin 1987.
Portraits de 100 Diplômés - 115
Jean-Claude Galléty
Mes nouvelles missions se partagent à ce moment-là entre l’urbanisme
réglementaire (permis de construire, etc.) et l’urbanisme opérationnel
avec de nombreuses zones d’aménagement en projet à la périphérie de
la ville. Notons que Valence est aussi une grande commune agricole et
qu’à ce titre elle recèle de nombreuses capacités de développement.
Mon « bonheur » est que le POS de Valence est annulé quelques mois
après mon arrivée… Le défaut pointé par le tribunal administratif pour
justifier sa décision s’appliquant en cascade, nous voilà revenu au RNU !
Situation schizophrénique pour une collectivité qui préparait de nombreux projets d’aménagement et expérience violemment formatrice au
contentieux de l’urbanisme pour un jeune professionnel…
Ma carrière
a été faite
d’opportunités inattendues, mais je me
suis toujours engagé
résolument dans ces
bifurcations
Mais ce poste Valentinois me permettait de rentrer plus directement dans l’opérationnel que je ne l’avais fait auparavant.
Bifurcation vers des fonctions partenariales
Après trois ans passés à la Mairie de Valence, une nouvelle
opportunité s’ouvre à moi. Un ami architecte en formation
d’architecte-urbaniste de l’État me signale que le Cetur, dépendant du ministère de l’Équipement, recherche un urbaniste pour faire le pont entre l’État et les collectivités locales
et développer des études partenariales. Et mon ami commente en ces termes : « Tu as le profil, je te vois bien dans ce
job ». C’est ainsi que j’arrive au Cetur à Bagneux ; ce centre
étant un service qui développe des méthodologies sur le
champ des transports et de la voirie.
L’enjeu de ce nouveau poste est de développer des partenariats avec les collectivités pour s’inscrire dans la nouvelle donne de la
décentralisation. C’est un service qui, sous l’impulsion de ces directeurs
successifs Bernard Durand et André Lauer, avait opté pour une position
que je qualifierais de « moderniste » : elle stipulait que la décentralisation obligeait à modifier la posture de l’État et qu’il fallait dorénavant
jouer selon une logique partenariale et non plus d’autorité supérieure.
Vision moderniste et quelque peu révolutionnaire pour les services de
l’État à l’époque, il faut le dire !
Arrive le Certu…
Ma carrière a souvent été faite d’opportunités inattendues, mais face à
ces bifurcations, j’ai toujours choisi de m’y engager résolument. Peu de
temps après mon arrivé à Bagneux, siège du Cetur, le ministère d’Édith
Cresson engage des délocalisations à marche forcée afin de désengorger
la région parisienne et de rééquilibrer avec la province. Le Cetur fait partie des services à transférer, mais le directeur de la Drast de l’époque,
tutelle du RST du ministère , y voit l’opportunité de créer un service nouveau rapprochant le monde des transports et de la voirie avec celui de
l’urbanisme et de l’environnement. Par ma position à cheval entre le
monde de l’État et celui des collectivités, ainsi que mon appétence per-
Portraits de 100 Diplômés - 116
Jean-Claude Galléty
sonnelle pour dynamiser les ressources de la décentralisation, je me vois
alors propulsé au sein de la petite équipe qui prépare la création du nouveau service à Lyon et qui deviendra le Certu.
Il faut rendre hommage ici à Jean-Pierre Giblin, directeur de la Drast, qui
par sa clairvoyance sur les changements qui affectent, et vont affecter, la
conduite des politiques publiques choisit d’aller de l’avant. Il décide alors
d’amplifier les inflexions d’ouverture initiées par tâtonnements au Cetur
en les élargissant aux autres domaines techniques et à un spectre large
d’acteurs de la société civile, économique et locale.
C’est tout naturellement André Lauer directeur du Cetur qui
est chargé de conduire le projet de nouveau service. Le projet de départ est de créer un établissement public adossé
pour moitié sur l’État et moitié sur les CL.
Je devais accompagner
le Certu vers son extinction, prise dans
une spirale déficitaire
…où la sociologie des organisations croise les logiques catégorielles !
Comme il ne s’agit pas d’une simple délocalisation mais de
construire un concept nouveau de service de l’État, la gestation sera longue tant des courants contradictoires traversent
l’administration. Finalement la forme « établissement public
» sera évacuée et le Certu sera créé en février 1994 sous forme de Service technique central (STC).
Je suis chargé d’en créer le nouveau département Urbanisme
qui est, dès le départ, tiraillé dans ses orientations entre les tenants au
sein de l’administration centrale de l’idée que c’est l’État qui dicte les
politiques publiques aux collectivités et les fondateurs du Certu qui
conçoivent que celles-ci sont co-construites par tous les acteurs et spécialement ceux du terrain que sont les collectivités locales. Michel Crozier
aurait eu fort à faire pour décrypter la complexité du jeu d’acteurs dans
la sociologie des administrations qui gravitent autour de l’enjeu décentralisateur... Ce sont ces forces contradictoires qui constitueront le fond
de scène permanent de l’histoire du Certu.
Une initiative de collectivités créée une nouvelle inflexion dans ma carrière
Mais le Certu n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière qu’en 1998 se
crée, sous l’impulsion d’André Rossinot, Maire de Nancy, l’Agence des
villes par transformation de l’Ingul . Un certain nombre de collectivités et
d’intercommunalités s’allient pour créer, sous forme associative, une
agence chargée de faire circuler expériences et bonnes pratiques. Elle est
basée sur l’adhésion volontaire.
La création de cette agence me vaut une nouvelle bifurcation dans ma
carrière. L’agence des villes représente le pied des collectivités locales
qui manquait au Certu. Le directeur me nomme alors « Délégué aux collectivités locales » chargé de démultiplier les partenariats avec les collectivités et leurs associations représentatives (AMF, etc.). Mais cette fonction est enrichie d’une mission plus souterraine qui est de travailler à la
Portraits de 100 Diplômés - 117
Jean-Claude Galléty
fusion du Certu et de l’agence. Malheureusement, à défaut d’en être le
marieur, je devrais plutôt accompagner l’agence vers son extinction car,
prise dans une spirale déficitaire, il a fallut la faire fonctionner au ralenti
sans son personnel le temps que les cotisations permettent d’assainir les
comptes.
Une fonction d’intermédiation…
Au Certu, ma fonction de délégué va s’exprimer sous différentes facettes : monter des partenariats avec ce que l’on appelle aujourd’hui le «
bloc local » et ses représentants, des maires aux techniciens en passant
par les organismes de formation (CNFPT…) ; co-construire
des actions avec eux par des publications, des séminaires,
des formations… ;et ouvrir le Certu aux dynamiques de fonctionnement des CL qui fonctionnent souvent comme le décalque inverse des services de l’État.
L’enseignement oblige
à observer, à se documenter et à être attentifs aux changements
du monde
Mais cette fonction d’interface m’amène aussi à assurer des
responsabilités dans les actions « Qualité » du Certu : qualité
de l’écriture et de la communication, qualité scientifique, etc.
Je dois d’ailleurs mes aptitudes sur la qualité scientifique aux
travaux pendant ma thèse, conduite sous l’exigeante autorité
de Christian Lacroix, directeur de l’IUG qui m’a inculqué cette
rigueur méthodologique et à qui je veux ici rendre aussi hommage.
Si je devais résumer d’un mot ma fonction de délégué aux CL,
je dirais « facilitateur », mais une journaliste de la gazette
des communes m’avait un jour – avec humour – affublé du
substantif « d’entremetteur ». Et avec cet humour, entre collectivités
locales et État, ce n’est pas faux !
Aujourd’hui, alors que je commence à voir poindre la ligne d’horizon de
ma retraite, le Certu se dirige vers un autre destin que celui voulu par ses
fondateurs puisqu’il sera fondu dans le Cerema en 2014 ; l’État considérant qu’il sera plus efficace en amalgamant un certain nombre de fonctions… – mais peut-être faudrait-il plutôt employer ici le jargon sociologique « d’appareil d’État » pour caractériser le sujet !
Enseigner à la marge maintien son esprit en désaxement
Évoquons rapidement un second volet de ma carrière en sus de mon
cœur de métier : depuis ce fameux jour où j’ai du reprendre au vol un
cours abandonné par un enseignant, j’ai toujours poursuivi une petite
activité d’enseignement dans le champ de l’urbanisme et de l’aménagement. Outre le caractère gratifiant de l’acte pédagogique, pour moi l’enseignement oblige à observer, à se documenter et à être attentif aux
changements du monde. À se tenir à jour et à se remettre en question en
quelque sorte…
Portraits de 100 Diplômés - 118
Jean-Claude Galléty
Enfin ma troisième vie est dans le champ du bénévolat pour animer les
réseaux professionnels : je suis vice-président à la Formation et aux Processus de Qualification de l’Office Professionnel de Qualification des Urbanistes (OPQU).
L’action ne
peut se
construire sur les seules convictions, si elle
ne s’adosse pas à une
solide vision pluridisciplinaire
Et dans tout cela, que vient faire Science Po ?
J’ai coutume de dire que Science Po m’a apporté deux choses. La première ce sont des moyens de décryptage pluridisciplinaires des institutions locales dans un contexte national
et européen, de compréhension du jeu des acteurs et d’analyse des évolutions socio-économiques. Vision pluridisciplinaire, j’insiste, car il faut sans arrêt croiser la sociologie, l’économie, le droit, l’histoire, la science politique…
La seconde est de m’avoir armé pour développer des stratégies du changement dans les instances où j’ai œuvré, et plus
spécialement celles qui étaient tournées vers l’accompagnement des acteurs « collectivités locales » (CAUE, Cetur, Cer-
tu…).
Certes, il fallait une appétence personnelle dans cette direction et, par
ascendance provinciale, j’ai toujours développé le goût pour la décentralisation et la subsidiarité. Mais l’action ne peut se construire sur les seules convictions, si puissantes soient-elles, si elle ne s’adosse pas à de solides capacités d’analyse pluridisciplinaire, de décryptage du jeu d’acteurs
et d’une réflexion prospective. Et cela, c’est Science Po qui me l’a apporté.
Ce portrait m’amène à me retourner sur mon passé et finalement le fil
directeur en aura toujours été l’envie de faire « bouger les lignes » et
d’accompagner le changement que ce soit dans ma vie professionnelle
propre, dans celle d’enseignant ou dans celle de responsable au sein
d’instances professionnelles. Heureusement, j’avais ces bases académiques solides !
Merci Science Po !
Portraits de 100 Diplômés - 119
Laurent Gauriat
1988 POL
« Les Jeux Olympiques de Sydney en 2000. Mon
rêve de gosse. J’avais pour mission de faire des
sujets sur les à-côtés de la compétition. Le moment le plus fort de ces jeux fut la finale du 400
mètres femmes. Car la favorite de la course n’était
autre que Cathy Freeman, aborigène de naissance.
J’ai eu l’idée d’aller suivre cette épreuve en direct
d’un bidonville aborigène, en banlieue de Sydney.
Je me suis retrouvé chez une vieille femme, avec
une centaine de fans, dont certains membres de la
famille Freeman. La télé, toute pourrie, avait une
fourchette en guise d’antenne !
Les gens attendaient tellement de cette victoire,
avec l’espoir que le monde prenne conscience des
conditions de vie indignes du peuple aborigène.
Résultat : Freeman a facilement remporté son 400
mètres. J’étais le seul occidental parmi ces gens
simples, qui m’avaient accueilli, offert à manger et
confié leurs craintes sur l’avenir de la communauté. J’ai pu saisir au micro les peurs, les joies et les
cris. Un reportage qui a même été nominé au
Micro d’Or en 2001. »
Souvenirs
de journalisme
« Autre moment fort : le procès Maurice Papon
entre 1997 et 1998. France Info m’avait détaché à
Bordeaux pendant la durée de l’affaire. Six semaines pendant lesquelles j’ai vécu dans une bulle où
je faisais des sujets d’ambiance : aménagement
des locaux, hausse de la fréquentation des restaurants, petites histoires des parties civiles… La tension était palpable, tout le monde parlait du procès 24h/24h. Quelque part, c’est une page de
l’Histoire qui s’écrivait. Mais j’ai aussi de bons souvenirs, notamment l’avocat des parties civiles, Arno Klarsfeld, qui arrivait le matin en rollers au tribunal en buvant ses canettes de Coca-Cola ! »
« Au mont Sinaï avec le Pape »
« J’avais déjà eu l’honneur de voir Jean-Paul II en
Bretagne, à Saint Anne d’Auray, en 1996. Mais là,
on me donnait l’occasion de suivre le périple du
Pape en Israël et dans les territoires occupés. Autant dire que je ne me suis pas fait prier ! Première scène inoubliable : le Pape qui insère un petit
Portraits de 100 Diplômés - 120
Laurent Gauriat
On a appris plus tard qu’il demandait pardon pour les crimes commis par
l’Eglise pendant la seconde guerre mondiale. Sans oublier la messe qu’il a
officiée au sommet du Mont Sinaï devant un million de fidèles. Je m’en
rappelle précisément : il pleuvait à torrent et le soleil s’est levé au moment même où Jean-Paul II s’est adressé à la foule ! Tout un symbole…
On est également allé à Bethléem. Dans chaque endroit, je m’occupais de
recueillir les réactions des populations juive et musulmane, toutes positives d’ailleurs. Vraiment, pendant une dizaine de jours, j’ai eu l’impression de vivre un véritable « road-movie ».
« La scène la plus effrayante de ma vie. Cela faisait trois semaines que
j’étais en Albanie, à la frontière sud du Kosovo, sous contrôle
allemand. A faire des sujets sur les réfugiés que je voyais débarquer par milliers. A l’annonce de la libération du pays, les
journalistes sont enfin autorisés à se rendre à Pristina, la capitale. Une dizaine de voitures partent donc en file indienne,
en se méfiant des mines disposées sur les bas côtés de la
route.
Trois journalistes venaient de se faire assassiner… Le choc puis
le silence
Mais, à quelques kilomètres de l’arrivée, un bus de vingt miliciens serbes nous arrête. On savait qu’on pouvait se retrouver face à certains îlots de résistance. Agressifs, ils nous alignent le long d’un fossé. Puis demandent si des journalistes
allemands sont présents, leur promettant de les conduire à
un charnier. Trois d’entre eux nous l’étaient et les ont suivis.
Une fois seuls, terrorisés, on décide à l’unanimité de rebrousser chemin
vers l’Albanie. Sur le retour, l’un d’entre nous apprend la nouvelle tant
redoutée : trois journalistes venaient de se faire assassiner... Le choc puis
le silence. Le soir, on a fait une grosse fête. Le soulagement d’être en vie
mais aussi le besoin d’oublier l’horreur vécue quelques heures auparavant. Je suis quand même allé à Pristina le lendemain, sous escorte allemande. Pour finir
le travail commencé. ».
Portraits de 100 Diplômés - 121
Patrick Geoffray
1983 SP
Patrick Geoffray sort diplômé de Sciences Po en
1983. « Cela commence à dater » comme il dit
aujourd’hui. A l’époque, en 1980, bien que titulaire d’un bac scientifique, il se dit qu’il est très attiré
par l’histoire et les sciences politiques. D’origine
grenobloise, il se dirige tout naturellement vers
l’IEP de Grenoble.
Mais Patrick Geoffray aime la difficulté, et mène
en parallèle un cursus à la fac de droit. « C'était
assez difficile, faire deux facs en même temps,
c’était même l'enfer » reconnaît-il.
Il aime côtoyer deux approches complètement
différentes. « J’aimais bien les enseignements en
droit, cette culture juridique, ces enseignements
magistraux, très orthodoxes, tout en appréciant
par ailleurs énormément les enseignements plus
vivants et plus interactifs qui étaient dispensés à
l’IEP ».
DRH adjoint
de la Ville
de Paris
Titulaire d’une maîtrise en droit et diplômé de la
section service public de l’IEP, Patrick Geoffray
passe le concours de l’Ecole nationale des impôts
puis celui de l’Ecole nationale d’administration.
C’est bien simple : il a toujours été attiré par la
chose publique, il a toujours exercé dans la fonction publique et il lui reste indéfectiblement fidèle.
Le fil rouge de son début de carrière, ce sont les
finances. Les finances publiques à la Ville de Paris,
puis les finances sociales à l’IGAS, « le summum de
la technicité et de la complexité » avec les questions de financement des politiques sociales, la
santé, le handicap, la dépendance, le RSA, à traiter
à chaque fois avec différents partenaires et de
multiples financements.
Après deux ans et demi de missions de contrôle à
l’IGAS (hôpitaux, fonds social européen), Patrick
Geoffray rejoint le Centre administratif de la Ville
de Paris et s’imprègne du métier des ressources
humaines. Il est depuis une quinzaine de mois
DRH adjoint de la Ville de Paris, positionné sur les
relations sociales.
Portraits de 100 Diplômés - 122
Patrick Geoffray
Difficile dans ces conditions de ne pas croire Patrick Geoffray quand il
affirme que « c’est important de bouger, d’avoir des expériences dans
différents échelons d’action publique, au niveau national, territorialisé,
décentralisé ».
Ce qu’il aime dans son métier de DRH adjoint : le fait que ce soit très général. « La particularité de la Ville de Paris par rapport à d'autres collectivités, c’est qu’elle gère tout le spectre d'activités des ressources humaines : c'est elle qui assure le recrutement, la formation, la gestion, l'évolution de carrière, le statut de ses agents, la rémunération, etc. ». Et puis
comme il aime à le rappeler, la Ville de Paris est forte de 50 000 agents et
de 300 métiers. Patrick Geoffray essaie d’avoir toutes les
qualités du bon DRH à savoir la disponibilité, l’écoute, l’anticipation. Sans oublier ce qui est fondamental : essayer de
faire en sorte que les gens se sentent bien dans un « vivreensemble » au travail.
L’objectif :
faire en sorte que les gens se sentent bien dans un vivre
-ensemble au travail
C’est donc peu dire que le métier des ressources humaines
est difficile. « Les finances c'est un monde fini, c'est carré,
c'est techno, on manie des crédits, des consommations, alors
que les RH c'est plus compliqué, on manie de l'humain, de la
complexité,
on
gère
et
on
valorise
les
personnes » explique Patrick Geoffray.
« Manier de l’humain, c’est pouvoir répondre aux attentes à
la fois des agents et des directions de la Ville. C’est pouvoir
répondre aux changements réglementaires et normatifs, aux évolutions
de la société. Les agents de la Ville doivent nécessairement s'adapter
puisqu'ils doivent répondre aux besoins des usagers. Tout ça, cela représente une pression extrêmement importante, parce que les attentes sont
énormes. » Alors bien sûr, les journées sont toujours chargées, et l’agenda complètement blindé de réunions avec les directions ou les organisations syndicales.
Les objectifs sont nombreux, et les enjeux majeurs : les conditions de
travail, la santé et la sécurité au travail, la formation, le management et
l’animation d’équipes, l’évolution des besoins en emploi et les redéploiements. Sans compter l’impératif du changement. « Nous sommes quotidiennement confrontés à la nécessité du changement. Il faut gérer le
changement, l'accompagner et l'expliquer. C’est l’image de marque du
secteur public qui est en jeu. Il faut montrer que le secteur public est utile et adaptable, et qu’il peut être performant. »
Quand on l’interroge sur la formation dispensée par Sciences Po, Patrick
Geoffray reconnaît qu’elle apporte des bases en droit, en histoire, en
économie, etc., qui sont indispensables : « Quelqu’un qui œuvre dans
une collectivité locale ne peut pas ne pas savoir quels sont les mécanismes juridiques et économiques de base. En matière de RH par exemple,
on a besoin de bien connaître le marché du travail qui impactera notre
politique de recrutement ». Bien sûr la formation peut être améliorée.
Portraits de 100 Diplômés - 123
Patrick Geoffray
Patrick Geoffray souligne la nécessité pour la puissance publique d’avoir
à sa disposition des connaissances pointues en matière d’environnement, de développement durable et d’aménagement urbain, pour pouvoir décider et agir aujourd’hui et dans les années à venir. « Il y a besoin
d’étudiants qui s’intéressent à ces objets, qui soient formés à l'aménagement de l'espace, au développement de l'urbanisation, aux enjeux de la
ruralité ». Pour penser et agir dans le cadre du Grand Paris
par exemple, et même au-delà sur tout le bassin parisien.
Aujourd’hui,
il faut maîtriser à la fois les logiques du privé et du public et en connaître les
associations et les
montages
On manque également selon lui de gens qui sachent faire
jouer les interfaces et combiner les moyens du privé et du
public. « Aujourd’hui il faut connaître les logiques du privé,
les logiques du public, et en connaître les associations et les
montages. Les Délégations de service public, les Partenariats publics-privés, tout le monde en a plein la bouche mais
personne ne sait comment ça marche. On manque de gens
qui maîtrisent ces outils qui fonctionnent selon un double
équilibre, économique et juridique ».
Portraits de 100 Diplômés - 124
Dominique Gerbaud
1971 PS
L'air bonhomme, sous ses épaisses moustaches
grises, Dominique Gerbaud se prête volontiers à
l’exercice biographique, sans jamais être avare de
souvenirs. Et il en aurait à raconter. Comme son
entrée à l’école de journalisme de Lille, le bac en
poche : arrivé bon dernier au concours, il termine
major de promo. La raison ? « J’étais fait pour ce
métier, voilà tout ». Le ton est donné.
Passionné de politique, à petite et grande échelle,
il devient conseiller municipal en 1971 tout en
menant de front ses études à l’IEP de Grenoble,
intégré après l’ESJ. Objecteur de conscience qui
refuse le service militaire, il intègre les Amis du
Témoignage Chrétien, une association d’intérêt
général. Partageant ses convictions et son engagement social, il est embauché par le journal du même nom, mais voit les limites du journalisme militant, trop orienté. Il lui préfère un journalisme
indépendant, qui n’hésite pas à voir du pays et
aller sur le terrain.
Un journaliste de la
première heure à
la tête de
Reporters sans
Frontières
Trois ans plus tard, Dominique Gerbaud s’exile
alors vers le service politique de la Croix, sa maison de prédilection pendant quinze ans. L’Express
le débauche pendant deux ans, lui offrant une
chronique hebdomadaire, un exercice de style qui
ne lui plaît qu’un temps. « Au fond, je suis un
homme de quotidien » assure le tout nouveau
président de RSF.
Autre expérience forte : son passage à la Presse
Présidentielle, chargée de gérer les journalistes
lors des déplacements du président de la République, ce qui lui laisse de nombreux souvenirs. Comme le fameux coup de sang du président Chirac
lors de son séjour à Jérusalem Est, Dominique Gerbaud ayant dû colmater les brèches d’un incident
diplomatique avorté.
Mais agacé de Paris, le journaliste retourne aux
sources dans sa région natale des Deux-Sèvres
pour intégrer la Nouvelle République du CentreOuest, où il reste dix ans. « J’aime les gens de la
campagne, j’aime la ruralité. Quand j’écris, je ne
pense ni à mon patron ni à celui qui m’a donné
une information, je pense avant tout au lecteur »
Portraits de 100 Diplômés - 125
Dominique Gerbaud
raconte-t-il avec tendresse. Mais il se lasse de cette presse peu novatrice.
Après un détour par la Vie Catholique, c’est le grand retour à la Croix en
2000, comme grand reporter. Une véritable bouffée d’air frais. « C’est le
plus beau métier du monde » confie-t-il, sourire aux lèvres. Devenu rédacteur en chef du quotidien en 2001, il continue le grand reportage,
parcourant le monde de l’Afghanistan à la Somalie, en passant par le Pérou et le Mali, ses deux derniers voyages marquants.
Alors qu’il prend sa retraite à la Croix en juillet dernier, le journaliste
s’engage pour ouvrir ce métier qu’il aime tant à des jeunes de banlieue :
avec le concours d’Harry Roselmack, il crée l’association « Médias et diversité ». Le but : donner une chance aux jeunes d’accéder
aux écoles de journalisme.
Je veux défendre
avant tout la liberté
de la presse, et non les
journalistes
Et pour couronner en beauté ce riche parcours, il est élu président de RSF en septembre 2009,
« une occasion pour moi de rendre au métier tout ce qu’il
m’a donné ». Sa politique ? Défendre avant tout la liberté de
la presse, et non les journalistes. Dans ses bagages, un projet
de comité consultatif d’éthique.
Avec en filigrane la volonté de redéfinir les frontières devenues floues entre journalistes, bloggeurs ou simples agitateurs. Une tâche subtile qui s’annonce compliquée, au vu des
nombreuses atteintes à la liberté d’information en Erythrée, au
Sri Lanka, en Iran ou en Tunisie. Mais gageons que Dominique Gerbaud
saura promouvoir et protéger ce métier qui l’a tant inspiré.
Portraits de 100 Diplômés - 126
Stéphane Gervasoni
1988 SP
Stéphane Gervasoni, diplômé de l’IEP en 1988,
vous êtes membre du Conseil d’Etat. Comment
devient-on conseiller d’Etat ?
Rien de plus simple, puisque l’avancement au sein
du Conseil d’Etat se fait essentiellement à l’ancienneté ! Ce qui fait dire à certains que le plus
dur est d’y entrer. Plus sérieusement, je dois reconnaître avoir beaucoup travaillé pendant mes
années grenobloises et avoir eu la chance de faire
les bonnes rencontres au bon moment.
Rien ne me prédestinait à cette fonction : mon
milieu familial ne comptait pas de fonctionnaires,
je n’avais pas d’attaches parisiennes et j’ignorais
tout des codes de la haute administration française. Quant au concours de l’ENA, il était suffisamment impressionnant pour que je n’envisage pas
un instant me fixer comme objectif de sortir «
dans la botte » de ma promotion.
Il a fallu une succession d’opportunités, que j’ai
été inspiré de saisir quand elles se présentaient.
Les encouragements et conseils de Jean-Jacques
Roche, alors jeune professeur agrégé de science
politique à l’IEP, ont été précieux. Cet enseignant
m’a convaincu, dès la deuxième année d’études,
de me préparer activement au concours de l’ENA.
Un diplômé au service de
l'Etat de droit
Et une vraie passion pour le droit public m’a été
communiquée par Jean Marcou et Jacques Caillosse. Sans eux, j’aurais probablement choisi une autre voie que celle des concours administratifs.
La suite a été affaire d’efforts et de capacité d’adaptation. Les étudiants non parisiens n’ont pas à
rougir de leur formation. Il faut dépasser les complexes et faire valoir que le bon air des montagnes, à condition de ne pas trop céder à la tentation des pistes et des cimes, permet une préparation sereine et solide !
Vous êtes resté au Conseil d’Etat depuis que vous
y avez été admis, en 1993 ?
Pas du tout. En près de vingt ans de carrière, j’ai
Portraits de 100 Diplômés - 127
Stéphane Gervasoni
passé cinq ans seulement dans l’institution. En entrant au Conseil d’Etat,
j’ai d’abord été affecté pendant trois ans, comme c’est la règle, exclusivement à la section du contentieux, qui est la meilleure des formations juridiques possibles. Les jeunes membres du Conseil y font leurs premières
armes, cornaqués par des collègues chevronnés.
La collégialité fonctionne harmonieusement entre les différentes générations : chacun a son mot à dire, même si celui des jeunes se doit d’être
plus concis ! J’ai notamment été chargé d’affaires en droit de l’audiovisuel, droit de l’enseignement et en droit des collectivités locales.
Le hasard
m’a joué un
tour, et j’ai été rappelé
par mon amour du
droit
J’ai ensuite été placé en double affectation : à mi-temps au
contentieux et à mi-temps à la section sociale du Conseil d’Etat. C’était l’époque du plan de réforme de la sécurité sociale
conduit par le gouvernement d’Alain Juppé.
Il fallait, déjà, sauver le système de l’asphyxie financière. J’ai
alors compris que l’expertise attendue des membres du
Conseil d’Etat, en termes de logistique mais aussi d’administration, devait s’appuyer sur une pratique concrète, opérationnelle, de la vie publique.
J’ai décidé de développer ce bagage dans l’univers qui m’avait déjà beaucoup séduit en stage de l’ENA : celui de la préfectorale. J’ai donc endossé les habits de sous-préfet, pendant quatre ans, en étant secrétaire général de la préfecture de l’Yonne
puis… de la Savoie, choix géographique qui n’était pas complètement le
fruit du hasard. Ces années auront été les plus denses de mon parcours,
sur tous les plans.
Vous vouliez entamer une carrière préfectorale ?
Tout à fait. C’est un magnifique métier, où on a le sentiment quotidien
d’une grande utilité sociale, au service de ses concitoyens. Sans doute
comparable à celle que peuvent éprouver les élus, même si la perspective est différente.
Pourquoi alors n’avoir pas continué sur cette voie ?
Le hasard des carrières m’a joué un bon tour. J’ai été rattrapé par mon
amour du droit, qui s’est rappelé à moi par un appel du juge français à la
Cour de justice de l’Union européenne, M. Puissochet, qui cherchait un
collaborateur pour son cabinet. Avec ma femme et mes enfants, nous
avons donc pris le chemin du Luxembourg, où nous sommes restés dix
ans.
J’ai assisté, comme « référendaire » au cabinet du juge français, à la
grande mutation des institutions de l’Union consécutive à l’élargissement
à dix nouveaux Etats membres, en 2004. J’ai eu ensuite la grande chance
de pouvoir être nommé juge au Tribunal de la fonction publique de l’UPortraits de 100 Diplômés - 128
Stéphane Gervasoni
nion européenne, en 2005, pour un mandat de six ans. Cette nouvelle
juridiction, composante de la Cour de justice européenne, venait d’être
créée pour décharger les deux autres juridictions d’une partie de leur
fardeau contentieux. Elle statue sur tous les litiges opposant les personnels de l’Union à leur employeur, qu’il soit la Commission, le Parlement
européen ou la Banque centrale européenne. Litiges à fort enjeu : on ne
se prononce pas à la légère sur les bonnes pratiques de gestion du personnel d’institutions qui se veulent des exemples en termes de gouvernance pour les Etats membres de l’Union.
Un seul mandat, pour quelle raison ?
Je suis revenu au
Conseil d’Etat après
l’avoir quitté pendant
près de 15
ans
Ce tribunal est composé de sept juges, sélectionnés au niveau européen parmi les candidats provenant de vingt-sept
Etats membres. Même si le mérite des candidats est déterminant dans la sélection, on imagine aisément que le Conseil de
l’Union, autorité de nomination, doit aussi tenir compte d’un
certain équilibre entre les nationalités et les systèmes juridiques.
Je savais donc que cette expérience aurait un terme prédéterminé, et c’est bien ainsi. Je suis donc revenu au Conseil
d’Etat, après l’avoir quitté pendant près de quinze ans.
L’institution a beaucoup changé pendant cette période ?
Oui, elle s’est profondément transformée. Les méthodes de travail se
sont modernisées, la culture juridique des membres s’est beaucoup diversifiée et l’ouverture aux autres horizons juridiques est désormais totale : la jurisprudence des cours européennes, de la Cour de cassation, des
cours suprêmes des Etats étrangers est suivie avec attention et le recours
au droit comparé n’est pas rare.
Mon expérience européenne n’est pas regardée comme une marque
d’exotisme mais constitue un vrai atout, surtout dans les affaires qui me
sont aujourd’hui confiées, dans le domaine du droit fiscal, où l’administr a ti o n
f r a n ça i s e
agit
vraiment
sous
« te n s i o n
communautaire ».
Quel regard portez-vous sur l’administration française ?
Je pense que la France peut être fière de son administration, qui est bien
formée, intègre et plus réceptive aux changements qu’on le croit. Je ne
peux m’empêcher, cela dit, de relativiser cet optimisme.
Les grandes difficultés financières que connaissent aujourd’hui les Etats
européens, qui n’épargnent pas notre pays, montrent que les élites dirigeantes, qu’elles soient élues ou non, n’ont peut-être pas su anticiper
certaines évolutions.
Comme juge et fonctionnaire – puisque les membres du Conseil d’Etat
Portraits de 100 Diplômés - 129
Stéphane Gervasoni
ont cette double qualité – je me garderai bien de tout commentaire d’ordre politique. J’observe seulement que l’administration n’a plus, dans un
monde ouvert, où l’intervention publique n’a plus la même légitimité
naturelle, la même capacité de contribuer à l’élan national que dans les
années d’après-guerre. Elle pourrait retrouver une certaine place si l’on
voulait bien à nouveau accorder aux enjeux de long terme une importance centrale dans les grands choix publics.
Mon expérience européenne est considérée
comme un véritable
atout
Portraits de 100 Diplômés - 130
Céline Giton
2002 PO
Entrée directement à l’IEPG après le bac, Céline
Giton ne voit pas l’Institut seulement comme le
moyen d’obtenir un diplôme et d’accéder à un
emploi ; son passage à l’IEPG lui donne surtout le
goût d’apprendre, l’ouverture d’esprit, la passion
de l’éclectisme. Son diplôme en poche, elle s’inscrit en licence de Lettres modernes et en DEA
d’Histoire des relations et interactions culturelles
internationales. Egalement attirée par le journalisme, elle renonce finalement au Celsa, dont elle
avait réussi le concours d’entrée, lorsqu’elle découvre les métiers de la culture et du livre.
« Passionnée par l’international, j’ai passé un an à
Vancouver pendant mes études à l’IEPG, et découvert peu à peu qu’il existait de nombreux organismes, notamment associatifs, dont l’objectif était
de promouvoir le livre à l’international, depuis
l’AFAA jusqu’à Culture et développement à Grenoble. Puis mes stages m’ont sensibilisé à un autre
aspect de la question : la promotion des littératures et des écrivains étrangers en France. J’ai rédigé un mémoire sur ce thème en DESS et passé
plusieurs mois de stage à la Résidence d’écrivains
européens Villa Mont Noir et au Festival America
de Vincennes en 2004. Ces expériences m’ont
transformé ».
Le choix de
l’éclectisme
Renonçant à une opportunité de volontariat international au Bureau du livre de l’Ambassade de
France à New Delhi, Céline Giton intègre en
2004… la Maison de Jules Verne à Amiens. Si le
cadre est moins exotique, la renommée de Jules
Verne, écrivain français le plus traduit dans le
monde, lui offre de nombreuses occasions de
voyager et de nouer des contacts internationaux.
« Travailler à la promotion de Jules Verne s’est
révélé extrêmement enrichissant, car c’est un auteur qui a parlé du monde entier et abordé des
thèmes innombrables. Il intéresse tout le monde,
peut-être plus à l’étranger qu’en France d’ailleurs.
Je me suis retrouvée à organiser un voyage d’études au Canada et un colloque à Genève, à participer à une Foire internationale au Luxembourg, à
collaborer à des projets d’expositions en Norvège,
Portraits de 100 Diplômés - 131
Céline Giton
au Québec, en Russie… Mon poste d’administratrice/assistante littéraire
comprenait des activités variées : coordonner le secrétariat de rédaction
de la Revue Jules Verne (semestrielle), développer une librairie-boutique,
superviser un fonds documentaire riche de 30 .000 documents, organiser
des soirées et des manifestations littéraires et scientifiques, gérer les ressources humaines et le service administratif d’une petite structure. Cette
polyvalence m’a énormément plu. »
Toutefois, le changement de majorité à la mairie d’Amiens lors des élections de 2008 vient tout remettre en cause. La Maison de Jules Verne
doit repasser en régie directe sous la direction de la bibliothèque municipale, la marge de liberté d’action se réduit considérablement.
Travailler
dans une association culturelle
demande beaucoup
d’énergie
« Travailler dans une association culturelle demande beaucoup d’investissement personnel, d’énergie et de disponibilité en soirées et en week-end, pour un salaire modeste ! En
contrepartie, on dispose d’une importante marge de manœuvre pour impulser et mener les projets et monter des partenariats variés, dans des laps de temps parfois très courts.
Pour moi, cette liberté était essentielle. Or sitôt que la situation de l’association a été remise en cause, l’ambiance s’est
détériorée et notre liberté réduite. J’ai donc pris la fuite ! ».
Direction le sud-est, au Festival du premier roman de Chambéry, où Céline Giton arrive en 2009. Une expérience enrichissante qui lui
permet de mieux connaître la création littéraire contemporaine, mais
tourne court au bout de quelques mois, faute de subventions pour un
recrutement permanent.
« Les associations culturelles passent leur temps à jongler au niveau budgétaire. Dès qu’elles veulent développer leurs projets et embaucher, la
question de l’argent pose problème. Et le mécénat culturel, au moins en
France, s’intéresse principalement aux grosses structures, aux projets de
grande envergure. Trop souvent, les petits structures, qui emploient
moins de vingt salariés et disposent d’un budget inférieur à 1 million
d’euros, ne les intéressent pas. »
Consciente qu’il s’agit d’un problème structurel, qui a peu de chance de
s’améliorer en temps de crise économique, Céline Giton décide de se
concentrer sur ses propres recherches, en particulier la thèse consacrée
à l’Unesco, entamée au Centre d’histoire de Sciences Po Paris en 2005.
Elle donne alors des conférences sur les maisons d’écrivain, Jules Verne,
l’Unesco, et remanie son mémoire de DESS, qu’elle publie en 2010 sous
le titre Littératures d’ailleurs. Histoire et actualité des littératures étrangères en France (l’Harmattan). Un an plus tard, elle sort aux éditions du
Castor astral une anthologie consacrée à Jules Verne, Le Bestiaire extraordinaire. L’objectif est de montrer l’écrivain sous un nouvel éclairage en
insistant sur son actualité, à l’aide d’extraits choisis pour leur poésie, leur
Portraits de 100 Diplômés - 132
Céline Giton
humour, leur engagement écologique… Puis en 2012, après sept années
de doctorat, c’est enfin la soutenance de sa thèse portant sur « La politique du livre de l’Unesco, 1945-1974 », sous la direction de Jean-François
Sirinelli.
« Si c’était à refaire, je ne sais pas si j’aurais le courage d’entreprendre à
nouveau un tel projet. Travailler sur les archives d’une organisation internationale est une entreprise titanesque ! La quantité de documents à
lire, presque entièrement en anglais et en espagnol, la complexité d’étudier un espace mondial pendant une période aussi complexe que les années 1950 à 1970, la nécessité d’étudier un contexte foisonnant allant
des fondations américaines au Pen Club international, des
ONG aux politiques nationales de différents pays, tout cela
m’a demandé un énorme travail et des lectures nombreuses
et diversifiées. Mais quelle satisfaction d’être arrivée au
bout ! Je travaille maintenant à la publication de la thèse, qui
pourrait avoir lieu au printemps 2014… ».
La formation de
l’IEPG est un atout
pour l’écriture
En parallèle, Céline Giton s’installe fin 2011 à l’Honor de Cos,
dans les collines du sud-Quercy, où elle monte sur trois hectares le gite « La Ferme des Lettres » dans une ancienne ferme qu’elle rénove progressivement, avec l’objectif de la
transformer un jour en résidence d’écrivains. En attendant,
elle adhère à la Société des Gens de Lettres et continue de
s’investir dans des associations comme Les Lettres européennes et la Fédération des maisons d’écrivain et des patrimoines littéraires.
Elle a aussi plusieurs livres en chantier.
« Je travaille à un second livre sur Jules Verne et à la mise en forme de
ma thèse pour une publication grand public. Mais j’ai aussi d’autres projets, en particulier un essai sur la littérature mondiale et un roman qui se
passe dans une résidence d’écrivains en Chartreuse. J’ai toujours voulu
écrire, au fond, je me suis toujours senti écrivain. Pour m’amuser, j’ai
feuilleté l’annuaire 2012 des anciens de l’IEPG par fonctions ; j’ai relevé
moins d’une douzaine d’auteurs et d’écrivains, sur plus de 12 000 diplômés…
C’est dommage, car je trouve que la formation de l’IEPG est un atout
pour l’écriture ; elle est riche de pistes de réflexion et de thématiques à
explorer, en histoire, en géopolitique, en sociologie, en science politique,
en administration publique… J’ai gardé de mon passage à l’IEPG une capacité d’analyse et de synthèse et une façon de décrypter le monde environnant dans son ensemble qui m’aident dans mon travail d’écriture et
de recherche, ainsi qu’un goût pour la pluridisciplinarité. J’ai d’ailleurs
commencé un roman autour d’Apollinaire qui s’intitule, selon une phrase
du poète, C’est bien plus drôle quand ça change ». C’est une philosophie…
Portraits de 100 Diplômés - 133
Raphaëlle Goddet
2007 SP
« Ce doit être un génie ». « Ou un bourreau de travail ». Les bruits de couloirs fusent quand j’annonce aux élèves de ma conf’ que j’ai interviewée celle
que l’on surnomme « l’énarque ». Raphaëlle Goddet, ancienne « SP » de l’IEP de Grenoble, a été
admise à l’Ecole Nationale d’Administration par le
concours externe de 2007. Une prouesse qui ne se
produit que tous les deux ou trois ans. C’est pourquoi on s’interroge sur les raisons de sa réussite.
Un peu de travail et de chance ont forcément étés
de mise. « D’accord, j’ai toujours eu des facilités »,
admet-elle. Mais Raphaëlle assure qu’elle est une
élève comme les autres. « J’ai toujours été dans la
moyenne. Je n’ai jamais été major de ma promotion. Et je ne suis arrivée que cent-cinquantième
au concours d’entrée de l’IEP. Avec seulement un
bac ES en poche ». Pas tout à fait l’élève modèle,
elle sortait comme les autres et avoue avoir parfois rédigé ses exposés à la dernière minute.
UNE PURE « SP »
De Grenoble
à Strasbourg, le
parcours d’une
énarque
Elle a cependant un parcours bien calculé. Elle a
obtenu le diplôme de l’IEP en quatre ans avec une
spécialisation d’un an en carrière publique, « l’anti
-chambre de la prep’ENA ». Un mémoire sur la
faible natalité féminine en Inde et un « Grand O »
sur la décroissance bien notés ont mis en valeur
son dossier. Et sa personnalité.
Soutenue par une de ses professeurs, Florence
Chaltiel, elle a obtenu un stage dans la direction
des relations internationales de l’ENA. Et ce l’année même où elle s’est décidée à passer le
concours. Nul doute que sa connaissance de l’institution de l’intérieur a joué en sa faveur.
De là à entrer à l’ENA, il restait plusieurs pas à faire. Issue d’une famille de fonctionnaires, elle explique en souriant que son « grand-père rêvait
qu’un de ses petits enfants fasse l’ENA. Même si
ce n’était pas une contrainte ».
L’idée a petit-à-petit émergé dans son esprit durant sa scolarité à l’IEP : devenir cadre de la fonction publique. Et l’absence de pression, la confian-
Portraits de 100 Diplômés - 134
Raphaëlle Goddet
ce de sa famille lui ont permis d’aborder le concours avec sérénité.
« Dans ma promotion, un des garçons n’avait que ça en tête, mais il a
raté le concours d’entrée alors que moi, je l’ai eu ». L’ouverture d’esprit,
l’esprit assez frais sont donc tout aussi nécessaires.
UN IEP PLEIN D’ATOUTS
Elle ajoute qu’il ne faut pas sous-estimer Sciences Po Grenoble. « Les élèves de Paris sont beaucoup plus. Normal qu’ils soient plus nombreux à
être admis au final ! Nous, les grenoblois, avons un problème de confiance en nous ». Une timidité injustifiée d’après Raphaëlle.
Nous les
grenoblois
avons un problème de
confiance en nous…
c’est injustifié !
La spécialisation en section Service Public, dès la deuxième
année, est un atout non négligeable. Ainsi que le Master Carrières Publiques qui repose sur un travail sérieux et régulier,
la possibilité d’effectuer un stage et un perfectionnement de
la méthode des concours et des entretiens.
Une recette qui a porté ses fruits pour Raphaëlle et d’autres
élèves de l’IEP. D’autant plus que le centre de préparation au
concours de Grenoble est réputé. Il était en quatrième position du classement de 2005, devant la majorité des IEP de
province. Les élèves de la prep’ENA grenobloise ont donc
toutes leurs chances et s’adapteront aussi bien que les autres
une fois admis.
UNE EPOPEE QUI CONTINUE
Le jour de l’interview Raphaëlle se prépare à sa session d’entrée : un stage « en responsabilité » à la Cour de Justice des Communautés Européennes à Luxembourg. Elle y prendra en charge des dossiers, rédigera
des projets d’arrêts, effectuera des recherches sur la jurisprudence.
Ensuite, Raphaëlle suivra la scolarité réformée de la prestigieuse école.
Une période de préparation, un stage et une période d’enseignement se
succèderont autour de quatre stages. Le premier se déroule dans une
institution européenne, le second au plus près des territoires. Les deux
autres concernent la gestion et le management public. Et Raphaëlle a
déjà des projets pour ces vingt-sept mois de formation. Elle raconte en
riant qu’elle aimerait bien sortir en juridiction administrative, « pourquoi
pas au Conseil d’Etat !» . Puis plus sérieuse, « mais je m’attends surtout à
découvrir des choses intéressantes tout au long de ma scolarité ».
Portraits de 100 Diplômés - 135
Jean-Baptiste Goma
2002 SP
Peux-tu brièvement synthétiser ton cursus dans
l’Enseignement supérieur et les raisons de ces
choix?
Juriste de formation, j’ai intégré l’I.E.P. de Grenoble après avoir obtenu une Maîtrise de Droit International / Droit des Affaires. J’ai longtemps privilégié des études généralistes, par curiosité intellectuelle d’abord, puis parce que la vie en Entreprise
nécessite à mon sens d’avoir de solides bases pluridisciplinaires. Cela me permet aujourd’hui de ne
pas être enfermé dans une vision obtuse de la fiscalité, domaine à la croisée des chemins de la Finance et du Droit.
Pourquoi avoir choisi d’intégrer l’IEP de Grenoble
– Section Service Public il y a 13 ans ?
Directeur Fiscal
DHL France
Cette formation me semblait idéale pour élargir
mes horizons à bien des égards. Il est indéniable
que cet enseignement exigeant permet de consolider sa culture générale, et de développer sa capacité de travail : l’idéal pour trouver le chemin de
son développement intellectuel et personnel. Venant de l’univers juridique, la section Service Public me semblait la plus en ligne avec mon cursus.
C’était aussi celle qui me laissait le plus de portes
ouvertes pour l’avenir. Avec un peu de recul, la
section Economique et Financière aurait peut-être
été plus appropriée pour parvenir à mes fins !
Justement, comment s’est effectuée la passerelle
entre ta formation et ton domaine d’activité, la
Fiscalité d’Entreprise ? Tes choix se sont-ils avérés judicieux ?
Effectivement ! Tout d’abord, la renommée de
Sciences Po m’a permis d’intégrer un troisième
cycle juridique très sélectif, le Mastère Droit des
affaires / D.J.C.E. (Diplôme de Juriste Conseil en
Entreprise). Par la suite, à l’heure d’intégrer la vie
active, « l’étiquette » I.E.P. a été un plus déterminant. Mes employeurs ont été séduits par mon
passage en Grande Ecole.
Dans un contexte de recrutement délicat, les ca-
Portraits de 100 Diplômés - 136
Jean-Baptiste Goma
dres ayant suivi un double cursus, incluant un passage en I.E.P. ou E.S.C.,
partent avec un avantage certain.
Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours professionnel ?
J’ai dans un premier temps intégré le Département Fiscalité Internationale du Cabinet Taj en tant que stagiaire, ce stage ayant débouché sur un
C.D.I. Cette expérience s’est inscrite dans la continuité de mon cursus en
me permettant de me spécialiser plus particulièrement dans le domaine
fiscal. Taj, du fait de son appartenance au réseau mondial Deloitte, un
des « big 4 », est une solide référence dans le monde juridique et fiscal.
J’ai eu l’occasion d’y travailler pour de grandes multinationales françaises et étrangères, comme pour des structures de
taille plus modeste avec lesquelles la proactivité est de rigueur. L’exigence technique d’un grand Cabinet, et la capacité de travail que j’y ai acquise, m’ont servi de tremplin vers le
monde de l’Entreprise.
Le contexte
économique
est difficile, et empreint d’instabilité
fiscale
Après une période de détachement chez un client, j’ai rejoint
en 2007 la Direction Fiscale du groupe Bureau Veritas dont
les activités principales sont la certification, l'évaluation de
conformité, la formation, et le conseil. Le groupe ayant le
siège de ses activités en France, et sous l’impulsion du Directeur Fiscal, j’ai pu y acquérir une bonne connaissance des
rouages d’un groupe d’envergure, endossant les responsabilités de Tax Manager pour les zones Europe, Moyen-Orient, Inde et Russie. Cela m’a permis d’évoluer, en 2012, vers la position de Directeur Fiscal France que j’occupe actuellement chez Deutsche Post – DHL, l’un des
leaders mondiaux du secteur du transport et de la logistique générant
plus d’1,5 milliards de chiffre d’affaires en France.
Quels sont les challenges à relever au quotidien pour ton équipe ?
Nous savons tous que le contexte économique est difficile, et empreint
d’instabilité fiscale. Dans ces circonstances, il est important de sécuriser
les positions fiscales des entreprises, notamment en matière de Prix de
Transfert, afin de ne s’exposer à aucun risque qui pourrait avoir un impact sur des budgets déjà exigeants.
Mon équipe est en charge de l’ensemble des problématiques fiscales en
France (M&A, restructuring, compliance, opérations de vérification,
conformité des contrats, relations avec l’administration…), en lien avec
les services opérationnels et les Directions Financière et Juridique. En
outre, nous travaillons main dans la main avec la Direction Fiscale Groupe, basée en Allemagne, et assurons un reporting fiscal régulier.
Comment vois-tu ton avenir ?
Ayant rejoint le groupe DP-DHL récemment, les défis qui me restent à
relever y sont encore nombreux et passionnants et je n’ai pas encore eu
Portraits de 100 Diplômés - 137
Jean-Baptiste Goma
l’occasion de penser à l’avenir ! La fonction fiscale est en perpétuel mouvement, du fait de l’émergence des nouvelles exigences de reporting IFRS
et de la multiplication des Lois de Finance, dès lors nous devons nous adapter en permanence à l’environnement économique.
La fonction
fiscale est en
perpétuel mouvement
et nous devons nous
adapter en permanence à l’environnement
économique
Toutefois, si ma carrière devait prendre un nouveau virage à
moyen ou long terme, je suis certain que le diplôme de l’IEP
resterait une solide référence.
Portraits de 100 Diplômés - 138
Delphine & Samuel Gougeon
Delphine Gougeon née GANDON
1999 PES & 2000 SP
Delphine et Samuel Gougeon se sont rencontrés à
Sciences Po Grenoble il y a plus de dix ans. Après
avoir réussi en même temps le concours d'administrateur territorial, ils ont décidé de se marier.
Aujourd'hui, ils partagent leur temps entre leurs
trois jeunes enfants et leur activité professionnelle. Ils témoignent sur leur parcours depuis l'IEP et
nous parlent du métier dans lequel ils s'épanouissent.
« Notre conseil aux étudiants : il faut oser ! »
En entrant à Sciences Po Grenoble, Samuel était
déjà attiré par les carrières du secteur public. Il a
très vite précisé son projet professionnel en découvrant les métiers exercés par les administrateurs territoriaux et s'est inscrit à la Prep'Ena de
l'IEP. En revanche, comme beaucoup d'étudiants,
Delphine n'avait pas d'idée précise de la carrière
qu'elle souhaitait mener : « Sciences Po était une
formation d'excellence qui ne fermait pas de porte et qui permettait justement de découvrir différents domaines d'intérêt. » Lors de son année
d'Erasmus à Bonn, elle rencontre
Portrait croisé
d'un couple
d'administrateurs
territoriaux
Samuel, qui lui parle de son projet professionnel.
Dans le même temps, elle effectue un stage au
Bundestag. C'est donc lors de cette année à
l'étranger qu'elle décide de présenter les concours
administratifs et plus particulièrement celui d'administrateur territorial. Ainsi, après avoir suivi la
section Économie politique et sociale (l'actuelle
section PES) elle intègre la Prep'Ena de l'IEP.
Quels conseils donner aux étudiants de premier
cycle qui cherchent leur voie ? Samuel et Delphine
sont unanimes : « D'abord, il ne faut pas hésiter à
rencontrer le maximum de professionnels pour
qu'ils parlent de ce qu'ils font. Plusieurs rencontres avec des professionnels valent autant
qu'un stage d'un mois. Ensuite, il faut multiplier
les stages, en essayant d'en faire au moins un tous
les ans, dès la première année à l'IEP. Le stage
permet de se crédibiliser lors d'un entretien d'embauche parce qu'on utilisera les bons termes et
qu'on aura déjà des idées sur les questions évo-
Portraits de 100 Diplômés - 139
Delphine & Samuel Gougeon
quées. En tout cas, que ce soit pour trouver un stage ou obtenir un entretien, il faut oser ! Cela implique de se prendre en main, de chercher un
stage soi-même sans attendre qu'on nous en propose un... et d'avoir un
peu de culot ! »
L'INET, un tremplin entre les années d'étude et le monde professionnel
En 2001, Delphine et Samuel Gougeon réussissent en même temps le
concours d'administrateur territorial. Ils entrent donc ensemble à l'Institut National des Études Territoriales (INET) pour une scolarité de dix-huit
mois. « L'INET a été un excellent tremplin entre les années d'étude et les
années professionnelles. Nous avons découvert ce qu'était le
monde territorial, affiné nos choix et nos envies. L'INET nous
a mis sur une rampe de lancement pour atteindre ensuite un
métier, car lorsque vous apprenez à décrocher un stage à
l'école, vous apprenez aussi à décrocher un travail. »
L’INET nous
a mis sur
une rampe de lancement pour atteindre
un métier
En effet, contrairement aux fonctionnaires d’État qui sont
affectés à un poste, les fonctionnaires territoriaux doivent
eux-mêmes solliciter les collectivités territoriales qui les intéressent. Ainsi, Samuel a débuté au Conseil régional de la Lorraine et Delphine au Conseil général de la Moselle. Puis ils
ont tous les deux travaillé à la Communauté urbaine de
Strasbourg, avant de rejoindre le Conseil régional d'Alsace,
où ils exercent actuellement des postes très différents. Samuel est Directeur de l'Agence territoriale Centre-Alsace tandis que Delphine est Directrice de la culture, du tourisme et des sports.
INET ou ENA ? Après avoir réussi le concours de l'INET, Samuel et Delphine n'ont pas souhaité continuer à préparer celui de l'ENA pour plusieurs
raisons. Tout d'abord, Samuel explique avoir été séduit par la formation
au management public proposée par l'INET, une formation indispensable
pour un haut fonctionnaire. Ensuite, le concours de l'INET permet l'accès
à un grade équivalent à celui des lauréats de l'ENA.
Enfin, il existe de nombreuses passerelles entre les administrateurs des
deux fonctions publiques. La preuve par l'exemple : Samuel va prochainement prendre un poste de magistrat financier à la Chambre régionale des
comptes de Bourgogne Franche-Comté, poste normalement occupé par
des Énarques.
L'administrateur : celui qui gère des équipes, des budgets, des projets
Les administrateurs territoriaux forment le principal cadre d'emploi des
hauts fonctionnaires de la fonction publique territoriale. Ils sont employés sur des postes de direction dans les collectivités territoriales de
plus de 40 000 habitants. Mais au fond, en quoi consiste leur métier ?
Pour nous répondre, Samuel reprend une formule de la revue L’Étudiant
qui l'avait éclairé lors de sa scolarité à l'IEP : « L'administrateur, c'est celui
qui gère des équipes, des budgets, des projets ». En effet, un administraPortraits de 100 Diplômés - 140
Delphine & Samuel Gougeon
teur est avant tout un manager qui encadre des hommes et femmes. Il
gère des enveloppes budgétaires et les optimise au service de projets
qu'il faut définir, mener à leur terme et évaluer.
Bien sûr, les métiers que peut exercer un administrateur territorial sont
extrêmement variés, en fonction de la collectivité territoriale et du poste
choisi. Par exemple, un administrateur territorial pourra être directeur
général des services, directeur général adjoint, directeur des finances,
directeur des ressources humaines, directeur des affaires sociales... S'il
n'existe pas de journée-type d'un administrateur territorial, ce dernier a
souvent beaucoup de réunions concernant son équipe, son budget et ses
projets, des déplacements sur le territoire qu'il gère et du
travail de bureau plus classique.
Etre administrateur
territorial est une
chance énorme : des
responsabilités rapidement et des marges
de manœuvre réelles
Delphine nous confirme que la variété de métiers possibles
est un très grand avantage. Elle estime qu' « être administrateur, c'est une chance énorme quand on veut travailler dans
la fonction publique parce qu'on a des responsabilités très
rapidement, des marges de manœuvre réelles et qu'on voit
la réalisation des projets que l'on a lancés. Il faut avoir conscience de notre chance d'avoir eu ce concours. » En revanche, pas question de penser travailler 35 heures lorsque l'on
est administrateur territorial. Il s'agit d'un travail prenant
nécessitant une disponibilité importante.
Ce métier commun, une force de notre couple.
Samuel et Delphine sont la preuve qu'il est tout à fait possible d'exercer à temps plein deux métiers exigeants tout en
ayant une vie de famille ordinaire. Parents de trois petits garçons dont le
plus jeune aura bientôt quatre mois, ils ne regrettent absolument pas
leurs choix professionnels. Fiers de leur parcours à l'IEP et à l'INET, ils
recommandent aux étudiants de se renseigner sur la diversité des métiers offerts par la fonction publique territoriale. « Bien sûr, il y a toujours
des choses perfectibles à l'IEP, à l'INET et dans les collectivités, mais on
peut aussi contribuer à les améliorer. » Depuis dix ans qu'ils exercent leur
profession, ils sont toujours aussi motivés, heureux d'aller travailler chaque matin et n'ont jamais éprouvé de lassitude.
Exercer le même métier, souvent dans la même collectivité, n'est-ce pas
délicat pour un couple ? Laissons à Delphine et Samuel le soin de répondre et de conclure ce témoignage : « Une des forces de notre couple,
c'est ce métier qu'on a en commun. Nous échangeons beaucoup, et cela
nous a bien aidés lors des premières années de vie professionnelle qui ne
sont jamais évidentes pour les jeunes salariés. Notre objectif a toujours
été de nous épanouir professionnellement, tout en restant dans la même
ville et en ayant du temps à consacrer à nos enfants. C'est notre définition du bonheur, et nous en sommes très proches ! »
Portraits de 100 Diplômés - 141
Jennifer Guérin
2004 PO
Dans mon lycée d’Epinay (Seine Saint Denis), à la
fin des années 1990, on n’entend pas beaucoup le
terme "Grandes Ecoles" lorsqu’il est question d’orientation. Après la terminale, la « voie normale »,
c’est de poursuivre un cursus universitaire.
Mais on dit alors qu'à l'université, c'est peu cadré,
qu'il existe beaucoup de redoublements la première année et assez peu de débouchés à la fin
pour les filières conseillées en littéraire… Qu’elle
soit réaliste ou pas, à l’époque cette image de l’université ne me donne pas envie d’y entrer.
Alors j’intègre hypokhâgne, les cours semblent
intéressants et il y a une option sciences po… Pour
obtenir une meilleure culture générale et les relations internationales qui suscitaient chez moi un
intérêt tout particulier, je tente le concours.
J’intègre Sciences Po Grenoble en Septembre
2001. La qualité de l’enseignement délivré est fidèle à sa réputation. Tout ce que j’ai appris continue encore aujourd’hui de jouer un rôle dans ma
vie professionnelle. Tous les cours, des amphis aux
TD de la section politique, jusqu’aux cours de
sport outdoor (escalade, via ferrata, canyoning,
VTT…) où on nous disait lors de passages difficiles : « si vous arrivez à surmonter cela, vous arriverez à tout dans la vie ». Je trouvais ces moments
tout à fait à l’image de ce que permet l'IEP, à savoir de se dépasser.
Responsable
communication
web
Mais aussi d’accomplir ses rêves, en tous cas le
mien : En 2003, je trouve une petite annonce sur
l’un des tableaux d’affichage du hall pour un stage
aux Etats Unis. Je m’envole quelques jours avant
le début de mon stage pour Washington DC, ville
qui deviendra un deuxième foyer. A l’Alliance
Française, j’ai la chance de côtoyer aussi bien des
français expatriés que des américains; je travaille
dans une équipe mixée des deux cultures. J’y apprends naturellement beaucoup sur la vie professionnelle, sur les habitudes de travail et les nombreuses différences culturelles qui existent entre
français et américains. Outre mes missions premières de gestion de la bibliothèque et de son
Portraits de 100 Diplômés - 142
Jennifer Guérin
informatisation, je prends aussi part à l'événementiel au sein de l’Alliance
mais aussi en dehors. Des missions aussi diverses que la mise en place
des infrastructures permettant d’organiser les événements sur site, la
présentation de films à un public lors des soirées cinéma, jusqu'à la gestion des sous titres en direct lors d’une pièce de théâtre donnée à l’Ambassade de France !
Une année pleine d'expériences et incroyablement enrichissante, à tous
points de vue. Diplôme en poche, je fais le choix de trouver un poste qui
corresponde à mes passions... pas seulement à mon cursus. C'est là toute
la difficulté. Je souhaite certes m’orienter vers un poste de chargée de
communication, mais j’aime aussi la photographie et l’informatique, disciplines à aucun moment mises entre parenthèses. Et les langues, que mon stage à l’étranger m’a permis de
renforcer.
J’ai fait le
choix de
trouver un poste qui
correspond à mes passions et pas qu’à mon
cursus
Avant tout, je ne souhaite pas entrer dans une grande entreprise pour débuter, car j’aime l’idée que tout est à faire. Partir d'une petite structure, contribuer à la faire (et la voir)
grandir.
Je rentre chez Alchemy, une PME qui compte 6 personnes à
mon arrivée. Elle développe un logiciel de Digital Asset Management (DAM ou "gestion des atouts numériques") : un
outil permettant aux entreprises de gérer leurs photothèques en ligne. Car le public ciblé n'est que du B2B.
Mes interlocuteurs sont des directeurs(trices) de communication et des
DSI. Les clients: la Présidence de la République, la quasi-totalité des chaînes de télévision françaises (groupes TF1, France Télévisions, Canal+...),
des collectivités (Villes de Paris, Nice, Bordeaux, Toulouse, Rennes...), des
grands comptes tels que VINCI, Sanofi Aventis, Monoprix, des agences
photo (Agence Vu) et des photographes indépendants.
Evidemment, j'ai une pensée émue pour ma région qui m'a si bien accueillie lors de mon passage à l'IEP lorsque l'entreprise acquiert des marchés en région grenobloise (Alchemy gère aujourd'hui notamment les
photothèques de la Mairie de Grenoble et de musées, ainsi que Petzl,
entreprise située à Crolles; Un peu plus loin, la Biennale de Lyon). Les
entreprises ont des besoins croissants en matière de DAM aujourd'hui. La
gestion et la diffusion en ligne de contenus deviennent des outils indispensables de la valorisation du patrimoine.
Mais ils sont également un vecteur de promotion. Par exemple, la plateforme mise en place spécifiquement pour les chaînes de télévision, Phototélé, leur permet de promouvoir leurs programmes. Toute la presse se
connecte sur cette plateforme pour pouvoir utiliser les médias. Les
contenus sont ainsi archivés, centralisés et gérés finement grâce à la mise en place de droits avancés pour les utilisateurs.
Portraits de 100 Diplômés - 143
Jennifer Guérin
C'est cet environnement qui m'a passionné dès le début et le poste initial
promettait une polyvalence dans mes missions. D’abord embauchée
comme assistante du DAF et du directeur commercial, ils me permettent
de participer à divers niveaux. Des ressources humaines à l’administratif,
du support technique clientèle à la rédaction d’études, de la refonte du
site web à l’organisation de salons…
Il y a 3 ans, l’entreprise décide d’opérer un changement majeur de stratégie. Auparavant propriétaire, le logiciel (Phraseanet) devient Open
Source, à savoir qu’il peut être librement téléchargé et installé. Le prix de
licence disparaît, les clients ne paient que pour les prestations de services dont ils ont besoin : formation des personnels, hébergement et/ou contrat de support annuels… Dans un contexte
de crise économique, la direction pense que cette stratégie
est la bonne.
Aujourd’hui,
je suis responsable de la communication de la société, et mon travail
est très diversifié
Et davantage qu’un changement, c’était une évolution logique, vers laquelle l'entreprise tendait progressivement au fur
et à mesure des années (mise en place de composants libres
de plus en plus nombreux d'un point de vue technique, risques mesurés d'un point de vue commercial). Une stratégie
qui paie ses fruits: au fil des mois, Phraseanet s’est internationalisé grâce à son passage au logiciel libre et des milliers
d’installations ont été effectuées dans le monde entier.
Prenant part aux études préalables au lancement du projet en
Open Source, mon poste évolue et s’oriente rapidement vers la
communication à part entière.
Aujourd’hui, je suis responsable de la communication de la société : faisant office de community manager, je suis aussi en charge des mailings,
rédige les brochures produit en trois langues, alimente les sites officiels
au quotidien et effectue entre autres un important travail de veille et de
rédaction d'études pour la direction.
Voici mon parcours en quelques lignes, j'espère qu'il vous aura permis de
découvrir outre mon métier, une activité et un environnement dans lequel j'aime évoluer.
Portraits de 100 Diplômés - 144
Xavier Guéroux
1994 PROGIS
La « Diaspora Progis »
Travailler dans le secteur du luxe après Sciences
Po Grenoble : l’exemple de Xavier Guéroux
Le master Progis de Sciences Po Grenoble a été
créé en 1991. En plus de 20 ans, il a formé des
professionnels des études dans de nombreux secteurs : opinions politiques, grande distribution,
banques et assurances, etc. Il existe cependant un
marché moins connu mais dans lequel les « progis
» ont su développer leur expertise : le secteur du
luxe. Si Xavier Guéroux [Progis 1994], directeur
adjoint marketing du Groupe Richemont (Cartier,
Montblanc, Lancel, Dunhill, etc.), fait office de figure de proue, d’autres anciens étudiants de
l’IEPG ont suivi son exemple. Comme le dit Jules
Catanzano [Progis 2012] : dans le marché du luxe
il existe une vraie « diaspora Progis ».
Xavier Guéroux, de Progis à Richemont
Xavier Guéroux,
de Progis à
Richemont
C’est après des études en école de commerce que
Xavier Guéroux intègre le DESS Progis en 1993.
Grâce aux stages en agence de publicité et surtout
au département « Grande consommation » de
l’Institut de sondage Sofres (aujourd’hui TNS Sofres) il découvre le milieu des études. Un passage
au Service d’Information du Gouvernement lui
permet d’approfondir sa connaissance des études
d’opinion. De retour en institut en 1996 (Ifop
Grande distribution), il intègre un an plus tard le
département Opinion de ce même institut.
Cependant Xavier Guéroux est moins passionné
par ce type d’études que par le secteur du marketing. Ainsi il rejoint le tout nouveau pôle « Stratégie d’entreprise » d’Ipsos. Ce dernier est alors dirigé par Anne Dellière et vise à étudier l’image des
grandes entreprises et de leurs dirigeants (sur le
modèle de ce qui est fait pour les hommes politiques). Il est alors en contact avec de nombreux
groupes/marques de luxe faisant appel aux services de ce pôle. En 2000, Anne Dellière quitte Ipsos
pour aller travailler chez Richemont, ce qui laisse
la direction de la « Stratégie d’Entreprise » à Xa-
Portraits de 100 Diplômés - 145
Xavier Guéroux
vier Guéroux. Les relations professionnelles entre Ipsos et Richemont
s’intensifient, permettant à Xavier Guéroux de partir à son tour chez Richemont en 2004.
Aujourd’hui Xavier Guéroux occupe le poste de directeur adjoint marketing du groupe Richemont. Son métier est double : d’une part il se doit
d’encadrer et de « manager » une équipe qui commande et analyse des
études pour les différentes marques du groupe. D’autre part il doit toujours être disponible pour les dirigeants des « Maisons » (marques) du
groupe, répondre à leurs interrogations, leur fournir des données pouvant les aider à la prise de décision.
Les diplômés du master PROGIS sont appréciés pour leur double formation
Par ses postes successifs, Xavier Guéroux a vu l’évolution des
études dans le marché du luxe. Aujourd’hui il porte un regard
éclairé sur le master progis : les élèves issus de cette formation sont particulièrement appréciés pour leur double formation. En effet, les entreprises recherchent des jeunes diplômés capables d’allier compétence technique (ici : maitrise
des outils statistiques) et capacité de réflexion (apportée par
une formation de base qui reste sociologique). Si cette double maitrise est de plus en plus incontournable pour des jeunes diplômés, elle n’occulte pas la nécessité de savoir prendre des responsabilités et être flexible, qualités devenues
rares.
Le réseau Progis chez Richemont
Valérie Pravert était elle aussi étudiante en école de commerce lorsqu’elle découvre l’existence du DESS Progis. Elle assiste en effet à une présentation d’un étudiant alors au sein de la formation : Xavier Guéroux ! Diplômée en 1995, elle intègre l'IFOP (Grande distribution). Après une carrière en institut elle veut « goûter » au travail chez l’annonceur (le client).
Elle rejoint alors Lancôme (groupe l’Oréal), jusqu’à son départ pour Richemont où elle retrouve… Xavier Guéroux !
Le réseau des anciens Progis fonctionne encore, et pour cause ! Jules Catanzano est diplômé en 2012 de l’IEP. Il est alors intéressé par le marché
du luxe. Grâce à ce qu’il appelle la « diaspora Progis » il est mis en
contact avec Xavier Guéroux et ses équipes chez Richemont. C’est ainsi
qu’il intègre à son tour le groupe, d’abord en tant que stagiaire, puis
comme chargé d’études.
Portraits de 100 Diplômés - 146
Thierry Heurteaux
1988 PO - DEA Pol.
Après un DEA d’Etudes Politiques (1989) et des
recherches en géographie politique, Thierry Heurteaux a finalement trouvé son cheval de bataille :
le conseil aux entreprises. Il s’exerce à la direction
des ressources humaines à Unilog dès 1994. De fil
en aiguille, il apprend les rudiments du métier sur
le terrain : droit du travail, négociation, organisation de réunions, et conflits aussi.
Après un passage comme formateur à la CEGOS en
1997, il prend la décision avec trois collègues de
monter leur propre entreprise de consulting en
stratégie sociale. Pactes Conseil voit donc le jour
en 2001. Aujourd’hui, elle compte plus de 65
clients actifs dont SFR depuis 2002, Orange, DHL,
Louis Vuitton, Hermès ou de grands groupes agroalimentaires comme Lactalis et Bon grain. Avec
toujours en sourdine cette idée que le social reste
un levier de performance – industriel, économique
et de bien-être – qu’il faut savoir actionner.
Pourquoi avoir choisi le conseil en stratégie sociale, auprès des entreprises ?
Pour nous, il est important d’avoir des convictions
dans ce métier qui s’approche au plus près des
relations sociales, c’est ce que nous pensons détenir. Tout d’abord, il ne faut pas négliger l’importance du social au sein d’une entreprise.
Le social au
quotidien
Ca ne nécessite pas forcément des sommes d’argent importantes mais cela suppose surtout un
engagement en énergie et en temps de la part des
salariés et dirigeants. Avoir une relation mâture
avec ses interlocuteurs est un passage-clé, pour
éviter la haine ou la naïveté dans les relations de
travail. Enfin, il ne faut pas camper sur des positions légalistes et s’enfermer dans le droit. Il faut
savoir prendre des risques et chercher un point
d’équilibre entre économique, relationnel et juridique.
Quels sont vos principaux domaines de compétence ?
Le diagnostic social est un premier outil : savoir
détecter où sont les tensions et comment agir. Ca
concerne la gestion des conflits bien sûr, mais aussi l’appui à la négociation ou le fait d’aider un coPortraits de 100 Diplômés - 147
Thierry Heurteaux
incivilités, etc.) nous concernent au premier chef. On a publié à l’occasion
un livre sur ce thème, sous forme de 50 fiches pratiques énonçant la façon de gérer les tensions au quotidien.
On veut garder une vision de terrain, un côté pratique et utile, c’est ce
qui nous démarque. C’est pour ça qu’on s’axe sur la pédagogie et la
transmission de nos savoirs et méthodes via des stages de formation aussi bien aux dirigeants d’entreprise qu’aux agents de maîtrise. Le but est
qu’ils puissent à leur tour faire face aux situations de conflits ou simplement savoir démarrer une réunion de travail par exemple.
Il ne faut
pas négliger
l’importance du social
dans une entreprise
Quel regard portez-vous sur des phénomènes comme celui
des suicides à France Telecom ?
Je pense que le principal problème à France Telecom réside
dans le fait que syndicats et dirigeants n’ont pas le même
langage ni la même vision des problèmes au sein de l’entreprise.
Quand Didier Lombard évoque une « mode des suicides », il
veut parler d’effet de contagion. Mais il témoigne aussi d’un
certain déni de la part de la direction, qui ne sait pas comment prendre ce problème à bras le corps. Les dirigeants ont
mis beaucoup de distance avec leurs salariés en souffrance.
Or ils ne se rendent plus compte des problèmes qui en découlent. Les suicides ne sont que le résultat d’un continuum.
Depuis les premiers signes de souffrance, les salariés passent par différents degrés sur « l’échelle de Richter sociale » : mésentente, déprime,
colère, mise en pratique de la violence. Deux cas de figure apparaissent
alors : cette violence peut être extériorisée et s’exprimer sous une forme
de solidarité (comme à Molex ou Continental) ou alors – et c’est plus dramatique – les salariés retournent cette violence contre eux-mêmes (c’est
le cas à France Telecom) ou contre leurs dirigeants. On le voit avec le
phénomène de la séquestration de patrons. Nos indicateurs servent justement à montrer et prévenir autant que possible cette montée en tension.
Portraits de 100 Diplômés - 148
Eve Humbert
2009 SP
Eve Humbert, SP 2009, Communications manager, Fondation d’entreprise Airbus Group
1/ Pouvez-vous rappeler votre parcours ?
Mon parcours à Sciences Po Grenoble a commencé un peu par hasard. Titulaire d’un bac Scientifique Option Maths, je n’ai pas pensé tout de suite
à présenter ScPo. Mon intérêt pour les affaires
internationales et européennes et l’envie de posséder les clés pour comprendre les enjeux économiques et financiers du monde actuel m’ont finalement poussée à présenter les concours aux IEP.
C’est en 2005, après une prépa hypokhâgne/
khâgne, que j’entre l'IEP de Grenoble en « Accès
direct 2ème année ».
En fin de 3ème année, je suis la première élève à
intégrerle nouveau Master franco-allemand « Public Administration and EuropeanStudies » et pars
étudier à l’Université de Konstanz dans le sud de
l’Allemagne. Grâce à ce double cursus, j’obtiens
un Master de l’IEP et un Master de l’Université de
Konstanz, qui m’ouvre aussi l’accès au marché du
travail allemand.
Communications
manager à la fondation d’entreprise
Airbus Group
2/ Comment vous vient l’idée de postuler chez
EADS ?
Après des études sur l’Europe en France et en Allemagne, je pense tout d’abord à continuer mon
parcours au sein des institutions européennes à
Bruxelles. Finalement, je change d’avis et décide
d’envoyer ma candidature à différentes entreprises européennes. Très attachée à la dimension
internationale et multiculturelle, je postule chez
EADS par intérêt pour l’aéronautique, mais surtout parce qu’EADS représente à mes yeux le meilleur exemple de collaboration européenne.
Grâce à un entretien en allemand réussi, je me
retrouve à travailler au siège d’EADS à Munich au
sein du département « Corporateinternal & online
communications » : là je partage mon bureau avec
de jeunes collègues… allemands, anglais et espagnols ! Bref, mon idée de l’Europe et de la collabo-
Portraits de 100 Diplômés - 149
Eve Humbert
ration européenne prenait forme et j’en faisais l’expérience au quotidien.
Maitrisant déjà l’anglais et l’allemand, je décide d’apprendre l’espagnol,
aidée notamment par mes collègues de Madrid. Travaillant quotidiennement avec des personnes de différentes cultures, j’apprends énormément. Pensant rester quelques mois à Munich, je finis par y rester 3 ans !
3/ En quoi consiste votre premier poste chez EADS ?
A mon arrivée au siège d’EADS, je participe à la refonte générale du site
web en 4 langues (anglais, allemand, français et espagnol), et acquière
une excellente maîtrise de ce domaine, ce qui me permet de
devenir Web manager. La spécialisation en « communication
online & digitale » m’est alors apparue comme une évidence.
Nous sommes presque
une start-up, il faut
toucher à tout et être
présent sur tous les
fronts
Je m’occupe ainsi du suivi, de l’évolution et de l’optimisation
du site web (contenu, navigation, design, SEO), et collabore
avec les développeurs et web designers. Je travaille également dans le milieu éditorial et rédige des articles pour les
magazines interne et externe d’EADS. Après 3 années très
enrichissantes, je quitte finalement l’Allemagne pour venir
travailler à Paris.
4/ Aujourd’hui vous travaillez pour la Fondation d’entreprise Airbus Group. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos nouvelles fonctions ?
Oui depuis plus d’un an, je travaille comme « Communications manager »
à la Fondation d’entreprise Airbus Group, une fondation au service des
sciences, de la recherche et des nouvelles technologies.
Je gère l’ensemble de la communication relative à la Fondation : les relations presse (communiqués, dossiers de presse, visites presse), le site
web, les réseaux sociaux (twitter, YouTube, Flickr), la newsletter, les événements en partenariat avec le Ministère de l’Enseignement supérieur et
de la Recherche etc….
Mon métier consiste à faire connaitre la Fondation et ses actions en interne auprès des employés, et en externe auprès des institutions politiques ou étatiques, de la presse scientifique, des communautés de recherche (laboratoires, universités, centres de recherche) et du grand public.
La Fondation est une petite structure similaire à une start-up, il faut par
conséquent toucher à tout et être présent sur tous les fronts, ce qui est
très « challenging » !
Portraits de 100 Diplômés - 150
Eve Humbert
5/ Rencontrez-vous d’anciens élèves de l’IEP dans vos fonctions actuelles ?
Curieusement oui ! la Fondation soutient une Chaire de recherche en
Cyberstratégie, et la titulaire de la Chaire, Mme Frédérick Douzet, est
sortie de l’IEP de Grenoble en 1992!De même, Jean-loupSamaan, intervenant lors d’une conférence sur lacyberstratégie, a également étudié à
l’IEP de Grenoble (promo 2004).Cela montre que l’IEP mène à des voies
très différentes et que tout est possible !
6/ Quelles sont vos perspectives pour la suite ?
La communication digitale est un domaine
porteur qui est incontournable pour les
entreprises souhaitant
gagner en visibilité
Durant ces dernières années, j’ai acquis une solide expérience de la communication online & digitale. C’est un domaine
porteur qui devient incontournable pour les entreprises souhaitant gagner en visibilité. Autant dire que cela laisse la porte ouverte à de nombreuses trajectoires… !
Portraits de 100 Diplômés - 151
Pierre Jaillet
1973 EF
Pierre Jaillet a été nommé Directeur général des
études et des relations internationales à la Banque
de France, en mars 2008. Un poste à hautes responsabilités. Après des affectations à l’étranger
pour le compte de l’Union européenne ou du FMI,
ce fin économiste issu de l’IEPG, pose ses bagages
à Paris. Rencontre.
Quel a été votre parcours universitaire ?
J’ai suivi le cursus Eco Fi à Sciences Eco Grenoble.
Cursus que j’ai poursuivi par la suite à Paris, en
DEA. J’ai également fait une licence de Sociologie,
à l’UPMF de Grenoble, parce que je trouvais cela
drôle.
Puis, j’ai préparé le concours d’adjoint de direction à la Banque de France. J’ai toujours eu un intérêt pour les questions politiques, économiques
et macromonétaires.
Je me souviens de professeurs de l’IEP qui m’ont
marqué, tels que Bernard Billaudeau ou M. Châtelut. Mais c’est surtout Dominique Vallon qui m’a
particulièrement poussé à continuer dans cette
voie. A ce moment-là, il était inspecteur des Finances. Il travaillait dans différentes commissions économiques et il suivait la préparation des concours.
Dans les hautes
sphères de la
Banque de France
Quelles ont été vos premières expériences professionnelles ?
J’ai d’abord commencé ma carrière en détachement à l’INSEE, à la direction des synthèses. Puis,
j’ai intégré le service d’étude des politiques monétaires, à l’époque où l’on réfléchissait à la monnaie unique [l’euro, Ndlr.]. Puis, j’ai intégré la
Commission européenne à Bruxelles chargée de
définir un schéma d’union monétaire pour l’Europe. Je suis resté trois ans dans cette commission,
en charge de la conception et de la mise en œuvre
du Traité de Maastricht.
Puis, j’ai été successivement directeur d’études
monétaires et directeur des relations internationales. Puis, j’ai été en détachement pour le FMI au
Moyen-Orient. J’étais basé à Damas, mais j’étais
amené à beaucoup me déplacer. Je suis rentré en
Portraits de 100 Diplômés - 152
Pierre Jaillet
France en septembre 2007 et j’ai intégré le cabinet du Gouverneur de la
Banque de France.
Et, le 17 mars dernier, j’ai obtenu ce poste de Directeur général des études et des relations internationales. Ce poste couvre les conjonctures et
les prévisions, la recherche économique, les statistiques monétaires, les
relations européennes et internationales : beaucoup de domaines, donc.
Que vous a apporté votre cursus à Science Po Grenoble ?
A mon avis, Science Po est la seule formation qui a la capacité à faire le
lien entre ces différents domaines : la politique, l’économie,
l’international et le social. Toutefois, je pense qu’il faut compléter par une autre formation par la suite, afin de se spécialiser.
Science Po
est la seule
formation qui a la capacité de faire le lien
entre la politique, l’économie, l’international,
et le social
Car, dans le domaine macroéconomique, cela devient de plus
en plus spécialisé. Les candidats les plus « utilisables » sont
ceux qui ont suivi un autre cursus après l’IEP.
C’est également une question de caractère. En ce qui me
concerne, j’avais envie de faire des choses différentes, sinon
je m’ennuie. Il m’est difficile de m’arrêter dans une monoculture : on apprend beaucoup dans le domaine international, au contact d’autres cultures.
Quelles sont les particularités de travailler à l’international ?
Mon métier m’amène à beaucoup voyager. Nous franchissons la barrière de la langue en travaillant avec des interprètes ou en
parlant anglais pendant les réunions. Il ne faut pas généraliser, ni tomber
dans les stéréotypes, mais il est vrai que nous retrouvons de temps en
temps des différences culturelles : les Asiatiques, par exemple, argumentent différemment. Autre exemple, les Italiens sont très analytiques, ils
ne sont pas sur la base du rapport de force institutionnel, comme c’est le
cas avec les Allemands.
Les formations sont différentes selon les pays, et puis, il y a des choses
plus profondes également qui jouent. Donc, nous n’utiliserons pas les
mêmes arguments avec des Anglais ou des Allemands. Mais attention, ce
n’est pas toujours comme ça non plus, ce sont des caractéristiques que
nous retrouvons régulièrement. Il existe encore des spécificités, en dépit
de l’homogénéisation. En effet, nous avons tendance aujourd’hui à uniformiser, d’autant que l’on s’exprime de plus en plus avec la même langue : l’anglais.
La difficulté de ce métier est de ne pas pouvoir rester trop longtemps au
même endroit. Il faut être mobile, accumuler les différentes expériences.
Portraits de 100 Diplômés - 153
Gilles Kounowski
1977 SP
Gilles Kounowski, vous êtes directeur des Relations internationales de la Caisse Nationale des
Allocations Familiales. Avant de nous préciser en
quoi consiste cette fonction, pourriez-vous, en
quelques mots, nous préciser le parcours qui
vous a conduit jusqu’à là ?
Nous ne remonterons pas à ma préhistoire, si
vous le voulez bien. L’histoire suffira qui a commencé en 1977 avec mon diplôme de l’IEP de Grenoble (section Service Public bien sûr), que je
complète avec une maîtrise de droit à Paris 2 puis
un DEA en droit public à Paris 1.
J’accède au Cnesss (le Centre national d’étude
supérieur de la sécurité sociale, ancêtre de l’EN3S
de St Etienne) en 1980. J’en sors en juillet 1981,
pour me consacrer au recouvrement des cotisations sociales des marins. Déjà un certain goût du
large sans doute.
Mon premier poste de direction me conduira à
Orléans, en Caisse d’allocations familiales. Cette
branche de la sécurité sociale est tellement attachante que j’y suis resté jusqu’à aujourd’hui.
Directeur des
relations
internationales à la
CNAF
Directeur de Caf je me suis passionné pour le développement du système d’information à l’occasion d’un de ces grands projets informatiques,
totalement structurant, comme on en faisait encore à la fin du XXème siècle.
Cette appétence m’a alors conduit à abandonner
mon costume 3 pièces de manager, pour endosser
les tenues plus hétéroclites de patron du système
d’information. Plus précisément, j’ai assumé pendant plusieurs années la direction fonctionnelle du
système d’information de la branche Famille qui
consistait à assurer les relations entre les métiers
utilisateurs du système, les décideurs et financeurs, les administrations, les politiques, … et les
équipes informatiques en charge de concevoir, de
réaliser et de tester les solutions informatiques
proposées.
Au passage, le système d’information des Caf est
Portraits de 100 Diplômés - 154
Gilles Kounowski
l’un des plus riches (plus de la moitié de la population française y est enregistrée), des plus sophistiqués (17.000 règles de gestion pour traiter les
prestations légales) et des plus fréquentés (jusqu’à 1 million de
connexions par jour sur le site caf.fr dont la quasi-totalité pour accéder à
son compte personnel ou télé déclarer situations et demandes).
Sur ce parcours, j’ai eu la chance d’être associé à plusieurs reprises à des
projets de coopération technique internationale (Roumanie, Russie,
Azerbaïdjan, Amérique du Sud, …) qui m’ont redonné le goût du large et
surtout montré tout ce que nos institutions sociales avaient à gagner de
ces coopérations et ce qu’on pouvait apporter à nos partenaires étrangers.
J’ai aussi représenté les institutions sociales françaises à la commission
des technologies de l’AISS (association internationale de
sécurité sociale) où j’ai pu renforcer cette conviction en vérifiant que les solutions mises en œuvre dans nos systèmes
d’information nous (institutions françaises de sécurité sociale) situaient tout à fait dans le peloton de tête de la modernité et de l’efficacité. Ceci dit en toute humilité car tellement de choses restent à faire et les expériences étrangères
sont riches de multiples enseignements à partager.
Le système
d’information des CAF est
l’un des plus riches du
monde, et des plus
fréquentés
du monde
Une belle aventure donc qui s’est achevée, ou plutôt qui
s’est radicalement infléchie il y a quelques mois, lorsque le
Directeur général de la CNAF m’a proposé de prendre la
direction des relations internationales.
Que représente l’action internationale d’une Caisse nationale de sécurité sociale ? Quels en sont les rôles, les mis-
sions ?
L’action internationale de la Cnaf s’articule autour de quatre grands
axes :
1. Le positionnement de la branche Famille à l’international
2. Le support à la gestion des prestations impliquant une dimension internationale
3. Les études et recherches comparatives sur les politiques et les modalités de gestion des systèmes sociaux et familiaux à l’étranger
4. La veille européenne vis-à-vis des projets législatifs et réglementaires
pouvant affecter l’activité de la branche Famille
Quelques brèves illustrations de chacun de ces programmes :
Le positionnement : la présidence de la commission des prestations familiales de l’AISS par le président de la Cnaf ; la recherche de financements
Portraits de 100 Diplômés - 155
Gilles Kounowski
européens pour les innovations sociales mises en œuvre dans ou supportées par les Caf ; le développement de la communication sur et à l’international ; l’accueil de nombreuses délégations étrangères souvent
curieuses et intriguées des résultats des politiques familiales en
France,…
La gestion des prestations impliquant l’international : l’entretien du partenariat européen pour développer nos politiques de lutte contre la fraude, pour le recouvrement des pensions alimentaires impayés ou des
créances, …
Les études et comparaisons internationales publiées dans l’espace international du caf.fr : la parentalité active en Europe, le recouvrement des pensions alimentaires impayées, les effets
de la crise sur les systèmes européens de sécurité sociale,
… ou encore l’identification de pratiques de gestion « intéressantes » (la gestion des aides au logement en GB, l’utilisation « massive » de services dématérialisées en Finlande
ou au Canada, …)
Le directeur
général de
la CNAF m’a proposé
de prendre la direction des relations internationales
Des dossiers européens en cours : le projet de règlement
sur la protection des données personnelles, la directive sur
les SSIG, le projet relatif à l’identité et à la signature électronique, l’Open data, …
Toutes choses égales par ailleurs, on retrouvera ces différentes mission dans chacune des caisses nationales de sécurité sociale, tant du régime général que des régimes
agricoles et des indépendants.
Quels objectifs avez-vous définis pour ce champ d’action ?
Quatre objectifs ou principes majeurs guident notre action internationale :
Etre contributeur actif à la réussite des objectifs de la Convention d’Objectifs et de Gestion conclue entre la Cnaf et l’état, associer étroitement
les directions de la Cnaf et les Caf aux actions internationales de la branche famille, faire de la branche famille un centre de ressources reconnu
sur les politiques familiales à l'étranger, assurer une veille sur notre environnement international et alerter au bon moment et à bon escient les
responsables concernés.
Portraits de 100 Diplômés - 156
Brigitte Laloupe
1983 PS
De manière synthétique, quel est ton parcours
scolaire et professionnel ?
Après un bac scientifique j'ai opté, au grand étonnement de mes professeurs, pour des études de
psychologie. J'y ai passé 5 années, mais à l'époque, outre le peu de débouchés ceux-ci étaient
surtout concentrés dans le domaine de la psychiatrie et de la maladie mentale, ce n'était pas ce que
je souhaitais. J'étais arrivée, un peu par hasard à
Grenoble, et là j'avais découvert que l'on pouvait
étudier « la politique » ce que j'ignorais complètement. Sciences po n'avait pas la même renommée
qu'aujourd'hui. J'ai donc décidé d'aller voir de ce
côté.
Après quoi j'ai passé les concours. La notion de
service public avait un sens pour moi, je souhaitais
exercer un métier utile à la collectivité. J'en avais
réussi plusieurs, j'ai choisi d'entrer à l'EN3S (école
nationale supérieure de sécurité sociale) qui s'appelait alors le CNESSS.
C'est avec beaucoup d'enthousiasme que je suis
rentrée à la sécurité sociale. Après l'école j'ai tout
de suite intégré un poste de cadre manager dans
une caisse primaire. J'étais très jeune et presque
étonnée qu'on me confie aussi facilement une
telle responsabilité. Par la suite j'ai bougé à plusieurs reprises jusqu'à devenir directrice d'une
URSSAF.
Coach à la
Sécurité Sociale
Puis après avoir exercé un métier de gestion et de
management, je sentais que j'avais envie de relations différentes avec les gens, débarrassées de
liens hiérarchiques ou d'enjeux de pouvoir, de faire profiter d'autres personnes de mon expérience.
Je me suis alors formée au coaching avant d'aller
voir les caisses nationales pour leur proposer de
devenir coach interne.
Ce qu'elles ont accepté ! Cela va faire 5 ans que
j'exerce ce métier.
C'est une démarche inhabituelle non ? Quelle est
la cohérence derrière ce choix.
En fait, je me suis aperçue à ce moment là, que
tout était cohérent. J'avais fait des études de psyPortraits de 100 Diplômés - 157
Brigitte Laloupe
chologie, ce qui est quand même assez original parmi les anciens élèves
de l'EN3S, et pendant 20 ans c'est quelque chose que je ne mettais pas
du tout en avant, pourtant cela a probablement contribué à convaincre
les caisses nationales : je voulais devenir coach, c'est inhabituel, mais
mon diplôme de psychologie me rendait légitime et prouvait par ailleurs
que ce n'était pas une lubie passagère.
Tu ne regrettes pas ce choix ?
Au contraire, j'adore le métier de coach et je me sens vraiment utile.
Et puis, rien n'est figé, je peux encore changer. La sécurité sociale est une
grande institution, ce qui autorise, même si c'est quelquefois un peu
compliqué, des parcours expérimentaux. Car si de plus en
plus de grosses entreprises créent des postes de coachs internes, elles restent peu nombreuses et tout reste à construire, à théoriser même car la posture d'un coach interne présente quelques différences significatives avec celle des
coachs externes.
J’avais envie
de relations
différentes, débarrassées de liens hiérarchiques ou d’enjeux
de pouvoir
Je considère plutôt que j'ai beaucoup de chance. Pendant 15
ans j'ai été directrice d'un organisme de sécurité sociale.
C'est un métier dans lequel on ne s'ennuie jamais !
Un directeur d'organisme de sécurité sociale pilote sa caisse
dans le respect des textes et des consignes émises par la caisse nationale et en accord avec son conseil d'administration
mais sa marge d'autonomie reste assez importante, et ses
responsabilités élevées. Il doit veiller en permanence au respect des budgets, à la bonne organisation de ses services, au
climat social, aux conditions de travail des salariés, à la satisfaction des
usagers, au maintien en état des locaux, au respect des lois etc. Et tout
cela pour une mission qui consiste à permettre aux gens de se faire soigner ou de disposer de revenus en adéquation avec leur situation.
Ensuite, quand j'ai eu envie de faire autre chose, cela a été possible et on
m'a offert la possibilité d'exercer une activité très différente.
Que te reste-il de l'IEP ?
C'est bien loin désormais, mais cela reste une période importante. En
plus d'y avoir rencontré des personnes qui sont aujourd'hui encore parmi
mes meilleures amis, j'ai l'habitude de dire qu'à l'IEP j'ai appris à penser
et à écrire.
Outre la découverte de nombreux auteurs, j'y ai croisé des professeurs
qui m'ont appris à réfléchir (et sur ce point, si je peux le dire ici, le cours
d'histoire des idées de Philippe Dujardin reste une référence inégalée
pour moi) j'y ai pris des habitudes durables comme de lire quotidiennement la presse avec un regard critique, et surtout j'ai compris que notre
vision du monde, notre façon de le comprendre était le résultat d'une
construction sociale, que les idées avaient une histoire, une sociologie et
qu'il fallait tenir compte de tout cela plutôt que de penser qu'il existait
des vérités universelles.
C'est une grille de lecture qui est permanente pour moi.
Portraits de 100 Diplômés - 158
Brigitte Laloupe
Sinon l'entrainement intensif aux exposés et rédactions de rapports ou
dissertations de toute sorte m'a été très profitable. Cela m'a d'ailleurs
permis de m'apercevoir du vrai plaisir que m'apportait l'écriture.
C'est pour cela que tu as écrit un livre et que tu tiens un blog assez
connu sur le sujet de l'égalité hommes/femmes ?
Oui, certainement, depuis cette époque j'ai souvent contribué à des journaux qu'ils soient associatifs, municipaux, professionnels etc. et j'ai toujours sur moi un carnet...enfin maintenant c'est plutôt une tablette.
En 2008 j'ai ouvert un blog sur le thème de l'égalité hommes/femmes.
C'était juste pour tester ce nouveau mode d'écriture et j'étais loin ce jour
là de me douter de l'aventure dans laquelle je m'engageais.
J'ai mis moins d'un an à atteindre le millier de lecteurs/jours
et aujourd'hui encore, alors que je publie moins fréquemment, il conserve une bonne notoriété.
J’ai décrypté
les mécanismes qui font les différences d’attente vis-àvis d’un homme et d’une femme
Cela m 'a permis de constater que mon propos intéressait
beaucoup de gens et m'a encouragée dans un projet que
j'avais de longue date : publier un livre sur le plafond de verre.
A la confluence de ma double formation psychologie/
sciences politiques, et aussi de ma propre expérience professionnelle il s'agit de décrypter les mécanismes psychosociaux qui font que l'on attend pas la même chose d'un
homme ou d'une femme, et que ceux-ci vont la plupart du
temps se conformer à ces attentes.
Portraits de 100 Diplômés - 159
Jacques Lambert
1978 SP
Paris, boulevard de Grenelles, siège de la Fédération Française de Football (FFF). Après avoir accroché sur sa veste un badge visiteur, on patiente
dans la salle d’attente.
L’œil est forcément attiré par la réplique dorée de
la Coupe du Monde 1998. Les souvenirs à peine
refoulés font surface : la divine performance de
Thuram face à la Croatie, le doublé du maestro
Zizou en finale...
L’arrivée de Jacques Lambert (SP 70) nous tire de
notre état second. Le directeur général de la FFF
nous reçoit plus d’une heure dans son spacieux
bureau. Un temps nécessaire pour retracer non
pas une mais trois vies.
Que chaque étudiant de Sciences Po se pose sincèrement la question de savoir ce qui l’a motivé à
venir à Grenoble. Les montagnes, la vie estudiantine, la réputation de pôle technologique ? Pour
Jacques Lambert, il s’agit de sport : « Les Jeux
Olympiques de 1968. Je suis arrivé à l’IEP à la rentrée 67 et je me suis proposé pour être volontaire
des JO. J’ai été chauffeur entre Grenoble et Chamrousse. »
Aux commandes du
Mondial 98
L’ancien lycéen de Chaumont apprécie « la liberté
des thématiques abordées et la liberté d’organisation du temps ». Et se rappelle de mai 68 comme
d’une période « correctement agitée ! » Il complète sa formation par une licence de sciences économiques et enchaîne en intégrant l’ENA en 1974. Si
les cours l’ennuient, il est conquis par ses expériences de terrain.
C’est le début de sa vie dans la fonction publique :
« J’ai eu la chance d’alterner Paris et la province.
J’ai même travaillé trois ans à Tahiti, ce qui en soit
n’est pas désagréable ! En fait, je faisais un métier
différent à chaque nouveau poste. » L’ancien iepien devient un proche collaborateur de deux Premiers Ministres : Pierre Mauroy et Pierre Bérégovoy. S’il garde un excellent souvenir de son passage à la préfecture de la Nièvre, son plus beau défi
a été la mise en place de la première Cohabitation : « J’ai été directeur de cabinet du Secrétariat
Portraits de 100 Diplômés - 160
Jacques Lambert
Général du Gouvernement entre 1983 et 1988. Il fallait faire fonctionner
la machine gouvernementale car c’était une situation de rapports de force jamais vécue. »
Aux commandes du Mondial 98
Sa nomination au poste de préfet de Savoie au début des années 90 est
un véritable tournant. Jacques Lambert doit diriger le chantier des Jeux
Olympiques d’Albertville, prévus en 1992. « J’ai très largement contribué
à créer le dispositif de sécurité des JO.
J’ai démarré
cette aventure avec rien pour
l’amener à un succès
sportif inespéré
Et je n’ai pas hésité à prendre des décisions lourdes de
conséquences : par exemple, j’ai interdit l’accès des voitures
aux stations de ski. Des navettes ont été mises en places
pour les desservir. » Résultat : la réussite sportive mais aussi
organisationnelle est complète.
L’aisance avec laquelle Jacques Lambert a géré ce dossier ne
laisse pas insensible. Et c’est tout naturellement vers lui que
se tournent Michel Platini et Fernand Sastre pour lui confier
l’organisation d’un autre évènement planétaire : la Coupe du
Monde 1998 en France.
« J’ai démarré cette aventure avec rien pour l’amener à un
succès sportif inespéré. J’ai travaillé avec 700 salariés et
12000 volontaires ». La deuxième vie de ce grand-père de 61 ans
se conclut par la victoire des Bleus le 12 juillet 1998. « Quand vous avez
trimé pendant cinq ans et demi pour un évènement qui dure un mois, ça
passe en un éclair ! »
Le retour à la réalité est un peu brutal. Jacques Lambert, ne trouvant pas
de poste assez intéressant dans la fonction publique, décide de débuter
une troisième vie dans le secteur privé. « Gérard Mestrallet, un ami de
longue date, m’a proposé un poste dans son groupe Suez-Lyonnaise des
Eaux ».
En 2004, il revient dans le monde du sport en travaillant pour un groupe
japonais qui possédait les droits d’hospitalité (loges, villages d’accueil,
billetterie…) pour la Coupe du Monde 2006 en Allemagne.
La FFF, dernier challenge
Avril 2005, certainement le dernier virage d’une carrière sinueuse. JeanPierre Escalettes, président de la FFF, lui propose de devenir directeur
général de la fédération. Proposition qu’il s’empresse d’accepter car la
mission le passionne : « Etre le patron de 200 personnes, disposant d’un
budget de 200 millions d’euros, avec la particularité de travailler dans un
milieu hyper médiatisé, où tout est passionnel, où la prise de recul est
rarissime, où les résultats sportifs conditionnent tout ! »
Portraits de 100 Diplômés - 161
Jacques Lambert
Celui qui a reçu la Légion d’honneur en janvier 2009 se montre un peu
inquiet sur l’avenir du football français : « La pression commerciale est
beaucoup plus forte avec les droits télévisés, le sponsoring, le niveau de
contrats…
Si l’équipe de France rentre dans une période plus délicate sur le plan
sportif, il va être plus difficile de valoriser le football. » Jacques Lambert
refuse de s’engager sur le dossier de l’Euro 2016 que la France se propose d’organiser. « J’ai toujours eu des postes à risques, à fortes doses de
travail et aujourd’hui cela me pèse. J’ai envie de souffler, de profiter de
ma vie et de ma famille. Je ne ferai pas le combat de trop. »
Je ne ferai
pas le combat de trop, je prendrai le temps de souffler
Typiquement le discours d’un ancien sportif de haut niveau.
Portraits de 100 Diplômés - 162
Ségolène de Larquier
2008 Journalisme
Ségolène de Larquier a intégré l'IEP après un bac
ES et une maitrise d'histoire contemporaine à la
Sorbonne à Paris, où elle avait réalisé un mémoire
sur la commémoration de la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat. C'est le master
journalisme qu'elle a choisi de suivre car sa passion pour l'histoire contemporaine l'a poussée a
vouloir décrypter et expliquer l'actualité grâce aux
connaissances qu'elle a pu accumuler. Selon elle,
"quand on est journaliste, on participe un peu à
écrire l'histoire" car "certains faits deviennent historiques".
La première expérience journalistique qui l'a marquée, c'est une enquête réalisée dans le cadre du
master journalisme à Sciences Po Grenoble. Un
thème était à choisir pour un travail en groupe, et
son choix avait été de suivre la campagne pour les
élections municipales auprès de Fabien de SaintNicolas, candidat adversaire de Michel Destot en
2008. Une expérience "super sympa", qui lui a
permis de suivre la campagne en interne "au jour
le jour". Quand bien même elle n'aurait pas choisi
ce sujet, elle précise que sa formation à l'IEPG prévoyait tout de même la couverture médiatique
des deux soirées électorales.
Journaliste
au Point
A la fin de sa première année, Ségolène de Larquier a réalisé un stage pour lemonde.fr. Puis elle
a intégré la rédaction du site internet du Point en
janvier lors de sa deuxième année pour un stage
de 3 mois. Suite à ce stage, elle a été gardée au
sein de la rédaction en pige permanente, lui donnant accès par la suite à un CDD pour enfin être
embauchée en CDI très rapidement dès la sortie
de son master journalisme.
Ségolène de Larquier incarne cette nouvelle génération de journalistes à l'affut de l'info en continu,
avec la volonté d'informer au plus vite et surtout
au mieux. Elle travaille aujourd'hui toujours pour
la version internet de l'hebdomadaire mais aussi
ponctuellement pour la version papier (les liens
entre les deux rédactions sont étroits). Elle différencie tout de même le travail qui lui est demandé
pour l'hebdomadaire ou pour le site. En effet,
Portraits de 100 Diplômés - 163
Ségolène de Larquier
l'hebdomadaire, contrairement au site, ne traite pas l'information en
continu. C'est une manière plus approfondie de décrypter l'actualité, plus
poussée avec des articles qui ont pour but d'avoir du "fond" et une analyse développée. Le site internet quant à lui traite les "faits en brut" avec
un minimum d'analyse et va à l'essentiel.
L'objectif est "d'écrire un article le plus rapidement possible". "Plus on
balance de papiers dans la journée mieux c'est" informe Ségolène. "Le
côté réactif d'internet me plaît vraiment" précise t-elle.
Lorsqu'elle a intégré de manière définitive la rédaction du Point, les journalistes n'étaient pas spécialisés ; ils effectuaient tous le même travail avec une répartition plus ou moins aléatoire des
sujets. Puis, au bout d'un an ou deux, on a demandé à Ségolène de Larquier de se spécialiser. La place "d'attaché à la
droite" étant vacante, elle lui a été proposée et c'est
"volontiers" qu'elle a accepté le poste. Elle s'occupe donc
aujourd'hui de couvrir l'actualité de l'UMP et du FN "au jour
le jour" pour le site internet et de réaliser des articles ou des
enquêtes ponctuellement pour l'hebdomadaire.
Quand on
est journaliste, on participe un
peu à écrire l’histoire
Elle s'estime privilégiée au sein de la rédaction du Point notamment par les opportunités qui lui sont offertes de suivre
les politiques au cœur de leurs déplacements. Elle explique
par exemple que les journalistes essaient "tous de suivre un
homme politique lors de ses trajets en train car c'est le moment où [ils]
vont pouvoir lui parler".
"Notre objectif en arrivant le matin c'est de signer un papier dans la journée" explique Ségolène de Larquier, et si la rubrique pour laquelle elle
travaille "manque d'actualité", cela lui permet d'avancer sur des sujets de
fond. Aujourd'hui au Point depuis 4 ans, elle se déclare "heureuse" et
"chanceuse" de pouvoir travailler dans cette rédaction. Sa quantité de
travail dense et l'arrivée d'un enfant dans sa vie récemment lui occupent
entièrement ses journées, mais elle s'estime vraiment satisfaite comme
le déclare une phrase qu'elle prononcera de manière très naturelle lors
de notre entretien : "se lever le matin, c'est chouette!".
La presse écrite n'est pas vouée à disparaître à son avis, elle prend
l'exemple du Point pour illustrer ses propos en expliquant que c'est la
version papier qui sert à financer le site internet. Ces deux modes d'informations se complètent et c'est en ça que Ségolène de Larquier se sent
"bien au Point pour l'instant". Elle est "de plus en plus intégrée" et elle
estime "apprendre encore aujourd'hui au sein de la rédaction" car son
ancienneté lui permet d'évoluer sans cesse.
Comme beaucoup de journalistes, elle songe à publier un livre un jour. A
la fin de l'été, elle avoue avoir hésité à se lancer à écrire un livre sur le
Front National mais le manque de temps l'en a empêchée. L'idée fait son
chemin...
Portraits de 100 Diplômés - 164
Ségolène de Larquier
Le mot aux étudiants :
Ségolène de Larquier conseille vivement aux étudiants qui souhaiteraient
se diriger vers une carrière de journaliste de ne pas hésiter à commencer
sur internet pour rejoindre un jour "le monde de la presse
écrite" qui est relativement fermé et difficile à intégrer. C'est
"une super porte d'entrée même si c'est payé moins cher".
Elle explique que de nombreux débouchés sont présents
dans le domaine de la presse télévisée avec l'expansion permanente des chaines d'info en continu.
Le web est
une super
porte d’entrée vers le
monde de la presse
écrite
Portraits de 100 Diplômés - 165
Jean-Simon Laval
1990 SP
Tu es diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de
Grenoble 1990, quel a été ton parcours universitaire et professionnel après l’IEP ?
Assez classiquement, j’ai préparé différents
concours administratifs : ENA, Secrétaire des Affaires Etrangères, Ecole Nationale Supérieure de
Sécurité Sociale….. et enfin administrateur des
Affaires Maritimes, tout en suivant les cours du
DEA Relations internationales à Paris I Sorbonne.
J’ai exercé plus de 15 ans aux Affaires Maritimes
où j’ai passé les diplômes de l’enseignement militaire supérieur, avant d’emprunter une passerelle
pour rejoindre le corps des conseillers de tribunaux administratifs et de cours administratives
d’appel.
Administrateur des Affaires Maritimes, le choix
peut surprendre pour un ancien étudiant d’un IEP
plus tourné vers les cimes que vers le grand large ?
Des affaires
maritimes à la
juridiction
administrative
En réalité il y avait un vrai vivier à l’IEP Grenoble,
dans les années 1990, puisque 4 étudiants de
l’IEPG ont rejoint les Affaires Maritimes. Certains
cours de droit public professés à l’IEP n’y sont
peut-être pas étrangers. Exercer le métier d’administrateur des affaires maritimes a été passionnant. L’origine de ce corps remonte au 18 ème
siècle.
Les fonctions d’administrateur des Affaires Maritimes sont à l’interface de questions de sécurité et
de sûreté maritimes ( les administrateurs sont des
officiers de la marine), d’aménagement du territoire (ils mettent en œuvre la réglementation des
exploitations de pêche et de coquillages) ; d’économie (ils instruisent les dossiers d’aides de l’Union Européenne, de l’Etat et des collectivités territoriales aux secteurs maritimes) et de droit du
travail des gens de mer.
Les administrateurs des Affaires Maritimes sont
rattachés au ministère de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie et intégrés dans
les services des directions départementales des
Portraits de 100 Diplômés - 166
Jean-Simon Laval
territoires et de la mer.
Tu as décidé de changer de cap il y a quelque années. Comment as-tu
fait ?
J’ai toujours été passionné par les questions juridiques. J’ai saisi une des
occasions d’évolution de carrières offerte aux officiers pour rejoindre le
corps des conseillers de tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Les tribunaux et cours administratifs sont placés sous l’égide du Conseil d’Etat qui est également la juridiction suprême de l’ordre
administratif en tant que le juge de cassation des arrêts rendus par les
cours administratives d’appel.
Exercer des
fonctions de
conseiller rapporteur
est une école d’humilité, car il faut savoir
s’effacer devant le litige et la confron-tation
des arguments
Le recrutement des conseillers de tribunaux administratifs et
des cours administratives d’appel est caractérisé par une
grande diversité puisqu’il accueille des anciens élèves de l’ENA, des recrutements par concours direct externe ou interne, par tour extérieur et par détachement. Il est particulièrement précieux de s’appuyer sur une formation de 6 mois entre collègues d’origine différente au sein du centre de formation de la juridiction administrative avant d’entrer en fonction.
En quoi consiste ces nouvelles fonctions ?
Ce sont d’abord des fonctions juridictionnelles. Les conseillers de tribunaux administratifs et des cours administratives
d’appel sont des magistrats dont l’indépendance est respectée qui sont chargés de dire le droit et de trancher les litiges
entre l’administration et les citoyens . Essentiellement, le
juge administratif doit concilier la défense des droits individuels et la protection de l’intérêt général et rester très attentifs à juger
dans des délais raisonnables. Les conseillers sont amenés à exercer également des fonctions administratives en présidant, par exemple, des
conseils de discipline de la fonction publique territoriale, des commissions départementales des impôts …
C’est un métier exigeant en temps et en investissement intellectuel qui
est articulé entre deux fonctions principales. Le rapporteur procède à
l’instruction de l’affaire soumise au tribunal, prépare un projet de jugement qu’il soumet à la formation de jugement c’est-à-dire la chambre à
laquelle il est rattaché, sous l’autorité du président de chambre. Le rapporteur public examine les projets des magistrats de la chambre et fait
connaître publiquement, à l’audience, en toute indépendance son analyse des questions de droit que pose l’affaire et son appréciation sur les
solutions possibles du litige. Certaines affaires sont cependant jugées par
un juge statuant seul ou avec les conclusions du rapporteur public.
Exercer des fonctions de conseiller rapporteur, comme c’est mon cas, est
une école d’humilité car l’examen de l’affaire nécessite de s’effacer dePortraits de 100 Diplômés - 167
Jean-Simon Laval
vant le litige et la confrontation des arguments des parties alors que la
solution relève non pas du seul magistrat mais d’une délibération collégiale de la formation de jugement où sont prises en compte les analyses
de chacun des collègues.
Quel rôle a joué ton passage à l’IEP dans ta carrière ?
Un rôle assez déterminant. L’entrée en formation était précédée d’une
sorte de stage de découverte, qui permettait de se familiariser avec les
cours et les locaux, ce que j’ai trouvé très novateur. La formation, tout en
gardant un contenu exigeant, avait l’avantage de favoriser l’esprit critique et la capacité de mettre en perspective les enseignements magistraux.
La formation à l’IEP
avait l’avantage de favoriser l’esprit critique
et la capacité de mise
en perspective
Le caractère pluridisciplinaire de l’enseignement m’a été très
utile et l’est toujours. Je suis affecté dans une chambre qui
doit traiter de l’ensemble des contentieux sociaux, ce qui
amène à établir des liens entre le droit public, le droit de la
sécurité sociale et le droit du travail lorsqu’on examine, par
exemple, les affaires relatives au licenciement de salariés
protégés ou au revenu de solidarité active. Mais le passage à
l’IEP a également été l’occasion de nouer des amitiés qui
continuent aujourd’hui.
Portraits de 100 Diplômés - 168
Sophie Laval
1980 EF
Sortie de Sciences Po Grenoble en 1992, Sophie
Laval s’est spécialisée dans l’administration de la
culture et occupe actuellement les fonctions de
secrétaire générale du FRAC Franche-Comté.
Quels souvenirs gardes-tu de l’IEP ?
J’y suis entrée en 1989, après une scolarité sans
histoire en Normandie… et quelques mois après la
rentrée nous avons assisté à la chute du mur de
Berlin, puis à celle de Ceaucescu… et durant l’été à
l’invasion du Koweït par l’Irak. Pour une première
année de sciences politiques, c’était une belle entrée en matière !
Je me souviens aussi avoir été surprise par le fait
que les étudiants n’étaient pas très politisés dans
l’ensemble, et enfin que je me sentais un peu décalée, car cela ne me semblait pas très sérieux
d’imaginer faire l’ENA quand on n’a pas 20 ans. J’y
ai surtout appris à développer mon esprit critique
et j’ai été marquée par les cours d’histoire des
mentalités de JPA Bernard, qui nous disait de ne
pas lire la presse mais des romans !
Secrétaire
Générale du FRAC
Franche-Comté
Depuis un an et demi que je vis à Besançon, je
chemine rue Fourier, rue Proudhon, à la saline
d’Arc et Senans toute proche, et cela me renvoie
vingt ans en arrière à mes cours d’économie sociale !
Peux-tu résumer brièvement ton parcours ?
Après l’IEP, j’ai fait un DESS d’administration et
gestion des collectivités territoriales à Orléans. Le
service public local, le monde des collectivités territoriales m’attirait car cela touchait à notre vie
quotidienne sous tous ses aspects, et tous m’intéressaient : l’urbanisme, l’environnement, la culture…
J’avais aussi le sentiment que cela me permettrait
de bouger, d’aller travailler où je voulais…en tout
cas en France. Avant de passer des concours, je
suis partie étudier les langues et cultures européennes en Espagne et aux Pays-Bas pendant un
Portraits de 100 Diplômés - 169
Sophie Laval
semestre. Puis, je suis rentrée en France et j’ai commencé à travailler
dans des services techniques au Conseil Général de Seine-Maritime et
ensuite à la Ville de Rouen, ce qui m’a permis d’acquérir des compétences administratives générales très utiles par la suite.
J’ai préféré d’emblée exercer dans des services opérationnels plutôt que
« fonctionnels », et mes choix ont même souvent été dictés par la qualité
de leur environnement : après la direction des parcs et jardins – j’adorais
le jardin des Plantes de Rouen – j’ai intégré la direction des musées de la
Ville en tant qu’administratrice.
Etre administratif dans
le monde de la culture
n’est pas toujours chose aisée
Les relations sociales y étaient très tendues, d’anciens choristes de l’Opéra venant d’y être reclassés comme gardiens.
Mais, avec un directeur qui venait également d’arriver – et
qui est maintenant à la tête de la Réunion des musées nationaux - nous avons très vite pris la mesure des enjeux de cette
direction et je garde le souvenir d’un excellent travail en binôme qui m’a permis de vraiment m’épanouir professionnellement. Car être administratif(ve) dans le monde de la culture n’est pas toujours chose aisée !
C'est-à-dire ? Peux-tu d’ailleurs nous dire quelles sont les
qualités nécessaires ?
Ce type de poste nécessite des compétences très étendues
(finances, ressources humaines, droit dans un secteur spécifique…), il
nous met en relation avec des personnes aux profils complètement différents du sien, il y a des rapports de force inévitables puisque l’on est du
côté de la gestion et du droit face à des « artistes », il faut donc à la fois
avoir de la souplesse et savoir s’imposer.
Il faut également accepter d’être un chef d’orchestre qui travaille dans
l’ombre et de récupérer les dossiers les plus épineux voire ingrats ! Mais
c’est justement cela qui est intéressant : la diversité, l’altérité, l’humilité,
l’efficience.
Après avoir quitté les musées, tu es donc restée dans la culture…
Au bout de quatre ans et demi sur ce poste, mon fils Ulysse est né et
nous avons rejoint son papa à Marseille où il dirigeait un musée à proximité. J’étais en congé parental, j’ai retrouvé un poste au bout d’un an et
demi au Conseil Général des Bouches-du-Rhône, à la direction de la
Culture. Ma recherche avait été longue car je voulais désormais rester
dans ce secteur impérativement. Et il n’y a pas tant de postes ! J’ai été
adjointe à la directrice de la Culture pendant cinq ans, en charge des finances, des marchés publics, du suivi juridique. Les Départements sont
des institutions mastodontes, et je garde de cette expérience le plaisir
d’avoir travaillé avec les musées départementaux, je voulais en fait réintégrer une structure muséale de l’intérieur ! Nous avons ensuite changé
de région, en mon conjoint ayant intégré les musées de Besançon, et j’ai
Portraits de 100 Diplômés - 170
Sophie Laval
eu la chance d’être recrutée comme secrétaire générale du Fonds Régional d’Art Contemporain dans le mois qui a suivi sa nomination.
C’est vraiment une chance car il faut le dire, le rapprochement de
conjoint ne fonctionne en fait pas du tout dans la fonction publique territoriale ! Il est attaché de conservation et les postes sont plus rares donc
c’est moi qui suis ! J’ai donc à nouveau changé radicalement de climat et
j’ai découvert l’autonomie administrative car, pour la première fois, je
travaille dans une structure qui n’est pas en régie directe. Le FRAC est
une Régie Autonome Personnalisée qui va passer en EPCC.
J’aimerais
partager
mon expertise dans la
gestion administrative
des structures culturelles
En attendant, nous venons de nous installer dans un bâtiment tout neuf au bord du Doubs, signé de l’architecte Kengo Kuma - la Cité des Arts - que nous partageons avec le
Conservatoire de musique. Après son inauguration le 5 avril
prochain, une nouvelle aventure attend le FRAC qui aura à
gérer pour la première fois un établissement ouvert au public, mais je n’ai aucune crainte étant donné le travail accompli en amont…
Comment envisages-tu ton avenir professionnel ?
Après dix sept ans de fonction publique territoriale et un tour
de France, j’aimerais à la fois me poser et voir un peu autre
chose. J’aimerais surtout partager avec d’autres mon expertise dans la gestion administrative des structures culturelles sous
une forme qui reste encore à déterminer…
Portraits de 100 Diplômés - 171
Édouard Lecerf
1985 PS
Que pensez-vous de la formation PROGIS ?
La formation PROGIS est une formation professionnalisante et réaliste car elle déjoue le fantasme de certains étudiants : celui de confondre études d'opinion et recherche scientifique en sociologie. En effet l’étude d'opinion a une dimension
commerciale non négligeable. Trop d’élèves choisissent le master PROGIS et sont ensuite frustrés
du caractère non exhaustif des études qu’ils produisent en institut. PROGIS offre une formation
pragmatique, sachant éviter ces écueils.
Que conseillez-vous aux étudiants de l’IEP souhaitant intégrer le milieu des études ?
La qualité principale attendue chez les étudiants
par leurs futurs employeurs est la curiosité. Il est
nécessaire de savoir s’ouvrir au monde pour le
comprendre et l’analyser à travers l’opinion. Les
étudiants doivent donc montrer de l’envie et être
courageux. Il est essentiel de savoir s’investir dans
l’entreprise à l’heure où la relation employeuremployé est toujours plus décomplexée.
Le parcours d’Édouard LECERF
Un homme qui
sonde l’opinion
publique
De 1982 à 1985, il étudie à l'IEP de Grenoble dans
la section devenue depuis « politique et économie
sociales ». Voulant initialement être journaliste, il
entre comme pigiste à la Voix du Nord pendant 2
ans. Il essaie ensuite d'intégrer la presse parisienne en 1987 mais on lui explique alors qu’il lui manque une expertise particulière, un point de vue
singulier. Se souvenant de ses cours avec Pascal
PERRINEAU, à l’époque professeur à l’IEPG, il souhaite alors se spécialiser dans les sondages.
En attendant d’avoir un poste en institut, il écrit
pour un journal nautique pendant deux mois et
demi. Puis, il intègre enfin, en tant que chargé d’études à l’IFOP, le département politique, qui cherchait à renforcer ses effectifs en vue de l’élection
présidentielle de 1988. Pendant cette expérience
qu’il a trouvée passionnante, il s’est chargé de
tous types d’élections pendant 3 ans. Cependant,
il avait toujours en tête ses premiers amours jour-
Portraits de 100 Diplômés - 172
Édouard Lecerf
nalistiques, définitivement abandonnés après avoir été contacté par le
SIG. Il démissionne de l'IFOP et travaille pour ce service pendant 5 ans.
En 1995, il entre chez Louis Harris en tant que directeur adjoint en charge
de l’opinion et y reste 2 ans.
Pierre Giacometti lui propose alors d'occuper le poste de directeur adjoint d’Ipsos opinion (2 ans), puis Edouard Lecerf devient directeur général d’Ipsos opinion pendant 6 ans. En 2006, un nouveau défi lui est proposé : il s'agit d'un poste plus managérial chez TNS Sofres : celui de directeur général adjoint. Ce n’est qu’en 2010, qu’il prend ses fonctions en
tant que directeur général de TNS Sofres, le plus important institut de
sondages en France aujourd’hui.
Il est essentiel de savoir s’investir dans
l’entreprise à l’heure
où la relation employeur-employé est
toujours plus décomplexée
Portraits de 100 Diplômés - 173
Caroline Lisito-Gilouin
2005 EF
« Les stages sont de bons moyens pour trouver sa
voie et de bons tremplins pour rentrer dans la vie
professionnelle ». A vingt-sept ans, le master IJF
(Ingénierie Juridique et Financière) en poche, ce
n'est pas Caroline Lisito-Gilouin qui contredira cette affirmation. Diplômée de l'IEPG en 2006, elle
travaille depuis chez STMicroelectronics, une entreprise de nanotechnologies basée à Crolles et
employant environ dix mille personnes en France.
Elle y avait effectué son stage lors de sa dernière
année de master.
Elle n'y pensait plus. Lorsque STMicroelectronics
l'a rappelée en 2006, Caroline Lisito-Gilouin était
alors en stage dans le cabinet de ressources humaines Right Management, à Grenoble et Lyon.
Un jour, coup de téléphone : STMicroelectronics,
l'entreprise qui l'avait accueillie pour son stage de
fin d'études, lui propose un poste. Quelques mois
auparavant, elle n'avait pu y être embauchée pour
cause de gel des emplois. Ni une ni deux, elle
écourte son stage et part rejoindre le service des
ressources humaines sur le site de Crolles. Pendant huit mois, elle sera alors chargée de la mobilité internationale au sein de l'entreprise, gérant
les impatriés et les expatriations des employés.
Une professionnelle
des ressources humaines et de la formation
Très vite, elle se voit proposer un autre emploi au
sein du pôle « formation » et devient responsable
de programme. Aujourd'hui, son métier a encore
évolué et Caroline Lisito-Gilouin s'épanouit dans
sa nouvelle fonction de responsable du droit à la
formation des employés au niveau national et de
responsable formation à Crolles, site qui ne brasse
pas moins de quatre mille employés.
Bien dans sa peau et sûre d'avoir trouvé sa voie, la
satisfaction d'exercer un métier qui lui plaît et
qu'elle a voulu, Caroline Lisito-Gilouin explique
qu'elle a mis du temps à se décider : « Je suis rentrée à l'IEP en 2001, après deux ans de médecine à
Lyon. A l'époque, je sentais que j'avais besoin d'un
temps de réflexion pour savoir ce que je voulais
vraiment faire. Sciences po m'a paru être l'option
la plus appropriée pour garder toutes les portes
ouvertes. En plus, c'était l'occasion de rentrer
dans une école de renom. L'avantage de Sciences
Portraits de 100 Diplômés - 174
Caroline Lisito-Gilouin
Po, c'est que c'est une formation de qualité dans des domaines suffisamment variés pour ouvrir plusieurs portes. C'est une formation large permettant d'envisager plusieurs parcours professionnels ».
Le parcours professionnel de Caroline Lisito-Gilouin s'est donc construit
au fur et à mesure, « selon mes goûts et mes envies », comme elle aime
à le dire. En deuxième année, elle choisit la section Eco Fi et devient présidente du BDE : « Ce fut quelque chose de très enrichissant. Gérer un
budget, une équipe, organiser des évènements, échanger avec les autres,
c'est comme une première expérience pendant les études. Ça apprend
aussi à gérer les réussites, les échecs,... » . De cette expérience, elle en
tire une confirmation, à savoir la volonté de travailler dans
les relations humaines, dans une structure permettant de
nombreux échanges avec les personnes.
J’ai souhaité
travailler
dans les relations humaines, dans une
structure permettant
de nombreux échanges avec les personnes
Diplômée éco-fi en 2005, elle profite alors de l'instauration
des masters pour intégrer directement la deuxième année du
master IJF, option « organisations privées » . Les raisons qui
l'ont amenée à faire ce choix sont diverses.
Avant tout, il s'agissait pour elle de concilier une formation
de qualité et des expériences professionnelles au travers de
stages. Pour celle qui souhaitait s'orienter vers le privé, l'intérêt du master était alors de proposer quatre mois de cours
puis six mois de stage de fin d'études : « J'ai souhaité travailler plutôt dans le privé : sciences po est un institut de renommée et permet d'acquérir de bonnes capacités de synthèse.
On peut faire valoir ça lors des entretiens d'embauche. De
plus, cette formation nous permet non seulement d'avoir une
vision très large du fonctionnement de l'entreprise privée, mais aussi
d'avoir une large vision de l'environnement extérieur à l'entreprise. Les
stages jouent un rôle très important ».
La suite, on la connaît : l'obtention du diplôme, un stage de six mois chez
STMicroelectronics, un autre stage de quatre mois chez Right Management puis une embauche rapide chez STMicroelectronics. Pour sûr, Caroline Lisito-Gilouin a de quoi être fière de son parcours.
Considérant sa chance de travailler dans une branche qu'elle apprécie, au
sein d'une direction des ressources humaines, elle pointe avec humilité
ce qui constitue désormais ses objectifs : maîtriser son poste actuel et
l'expertise en relations humaines. Elle n'en garde pas moins quelques
perspectives dans un coin de sa tête : pourquoi ne pas évoluer vers d'autres métiers de direction des ressources humaines, mettant en jeu l'aspect social du travail et du recrutement ?
Et si on lui demande ce qu'elle retient de sciences po et si elle a quelque
chose à conseiller aux élèves de l'IEP, elle n'hésite pas une seule seconde : « Le mieux est de se confronter à la réalité du terrain. On ne peut
pas se faire l'idée d'un métier comme ça. C'est grâce à un stage que j'ai
Portraits de 100 Diplômés - 175
Caroline Lisito-Gilouin
bien cerné le métier que je voulais faire. Il faut explorer toutes les pistes
pour construire et valider son projet professionnel. C'est une chance
d'être étudiant, à sciences po, et d'avoir l'opportunité de faire des stages.
Il ne faut pas hésiter. Mais si sciences po permet de franchir les premières étapes à l'entrée dans la vie professionnelle, c'est la motivation et la
volonté qui feront la différence... ».
Des conseils à prendre au pied de la lettre ?
Les stages
sont de bons
moyens pour trouver
sa voie et de bons
tremplins pour rentrer
dans la vie professionnelle, la preuve !
Portraits de 100 Diplômés - 176
François Loisel
1980 EF
Parler de soi sur commande n’est jamais chose
aisée, car l’on hésite entre en dire trop et passer
pour un pédant ou n’en dire que très peu et ne
pas donner ce qui est attendu.
Commençons donc par ce point de départ que
nous avons tous en commun, l’IEP Grenoble. J’ai
atterri il y a 36 ans dans cette belle école en venant directement de Lille (vous savez cette ville a
proximité de la Belgique).
Pourquoi ?
D’abord, il n’y avait pas d’IEP à LILLE à l’époque,
ensuite l’aspect ouverture et culture Générale me
plaisait bien, enfin à l’époque j’étais très engagé
politiquement et la partie politique m’intéressait
pour cela.
Par ailleurs l’option ECO FI que je visais était à l’époque la mieux cotée à Grenoble parmi les IEP de
province. Trois années plus tard diplôme en poche
je retourne à Paris (ma ville natale) pour compléter mes études avec un DESS et un MBA.
Coach de haut
niveau pour dirigeants d’entreprises
En 1982, je me retrouve en partance pour HongKong (encore colonie Britannique), afin d’effectuer mon Service National auprès du Consulat Général de France, afin d’aider les Entreprises Françaises à mieux exporter sur cette Zone.
Fin 1983, profitant de mon voyage de retour je
voyage pendant 6 mois avec mon sac à dos et
mon appareil photo dans 9 pays d’Asie.
En 1984 erreur d’aiguillage aveuglé par mon désir
de repartir en Asie je rentre dans le monde de la
banque d’affaires avec comme perspective après
un an de repartir en Asie.
Au bout d’une année, promesse non tenue, je retourne chez THOMSON CSF où j’avais effectué
mes stages marketing dans le cadre de mon MBA,
Portraits de 100 Diplômés - 177
François Loisel
et je participe à la vente à la Chine Populaire de 2 systèmes de missiles «
Crotale » sur Frégates. On me propose alors un poste comme Adjoint du
Directeur Export du Groupe Nivéa France, et responsable export d’une
filiale du nom de « Lesourd ». Je ne m’entends pas avec le DG, et me retrouve sur le carreau.
En août 1987 je rentre par le plus grand des hasards au sein du Groupe
Krauthammer international (croyant sur une annonce qu’ils travaillaient
à l’export) qui n’était à cette époque que leader européen de la formation de dirigeants d’entreprise, en tant que Consultant Formateur.
L’équipe France était constituée de 18 collaborateurs dont 12 consultants. Une douzaine d’années plus tard, quand je décide de
partir, je suis devenu numéro 3 d’une filiale française qui
compte 50 collaborateurs dont 33 Consultants.
Depuis
2011, j’ai
décidé de me tourner
vers le coaching d’affaires pour dirigeants
En 1999, le premier groupe mondial de la formation de dirigeants est racheté par le groupe néerlandais « Wolters Kluwer », côté en bourse de New York et d’Amsterdam. Je vise
la Direction Générale mais cela m’est refusé. Je crée alors ma
structure avec un siège social dans le Nord et rapidement un
bureau à Paris avec un consultant, et un autre à Bruxelles.
En mai 2011, après quelques déboires avec mes collaborateurs parisiens et avoir fermé l’entité, ajouté à quelques soucis de santé, je décide de « travailler moins et de gagner
plus » en me tournant vers le coaching d’affaires à destination exclusive des dirigeants. Depuis, cela fonctionne magnifiquement (+ 50 % de progression du CA). Les sociétés avec lesquelles je
travaille font de 250 millions d’euros à 500 K€ de CA.
Par ailleurs depuis 8 ans je suis élu à la Chambre de Commerce du Grand
Lille, et préside la commission « Entreprises » qui couvre tout ce qui est
relatif à la création, reprise, transmission, pérennité, développement et
démarche légale pour les entreprises.
Il y a 4 ans, on est également venu me chercher pour faire partie du CA,
puis maintenant du bureau directeur du LMR (Lille Métropole Rugby) qui
occupe le Stadium Nord et qui est 2 ème de Fédérale 1 (40 Clubs juste
après le Top 14 et la Pro D2). Nous ambitionnons de remplacer Massy en
tant que seul club en Pro D2 l’année prochaine au nord de la Loire.
Portraits de 100 Diplômés - 178
Bruno Lonchampt
1993 SP
Un parcours professionnel s’ancre dans un chemin
de vie. Le mien commence avec des médecins qui
alors que j’ai 7 mois annoncent à mes parents que
je ne suis pas viable, les visiteurs dans mon enfance leur emboiteront le pas en demandant devant
moi « croyez vous qu’il va grandir », puis mon premier instituteur (les médecin s’étant trompé) qui
convoque mes parents pour leur dire que je ne
ferai jamais d’études (j’irai jusqu’à BAC + 5 finalement).
Après un Bac philo latin mention très bien on me
pousse vers hypokhâgne mais je ne veux pas devenir enseignant. Je veux « faire » « sciences politiques ». Le monde m’intéresse tout comme les mécanismes qui le régentent. Je ferai ainsi le diplôme
à l’IEP de Lyon, puis après un service militaire en
Allemagne une Maîtrise au Geschwister Sholl Institut à Munich, et, comme je pense à cette époque
avoir un destin européen, le diplôme de l’Institut
Européen des Hautes Etudes Internationales de
Nice.
« Directeur des
Affaires
Culturelles »
Mais je n’obtiendrai pas le droit de me présenter à
un concours ouvrant à un poste dans les institutions communautaires, et à ma question sur le
nombre de points obtenus pour identifier les faiblesses la réponse tombera lapidaire : « les délibérations du jury sont secrètes ».
J’intégrerai donc la fonction publique territoriale,
en devenant directement à 26 ans secrétaire général adjoint d’une commune de 30 000 habitants.
Ce sera très formateur dans une équipe de direction générale composée de deux personnes et je
toucherai à tous les secteurs.
Me sentant une appétence pour le secteur de la
culture, domaine auquel j’ai eu accès très tard, j’ai
suivi le DESS (on dirait aujourd’hui Master) direction de projets culturels de l’IEP et de l’Observatoire des Politiques Culturelles de Grenoble. Cela
me permettra de devenir directeur des affaires
culturelles de la Ville de Tours, responsabilité que
j’assume encore actuellement.
Portraits de 100 Diplômés - 179
Bruno Lonchampt
Mon parcours ainsi résumé prouve que les obstacles de la vie peuvent
être franchis et qu’il ne faut pas se décourager. Santé, portes ouvertes ou
fermées, erreurs de diagnostiques professionnels, mauvais interlocuteur,
origine familiale modeste, il ne faut jamais baisser les bras, il y a toujours
sur le chemin une opportunité, des gens qui vous aident. L’école publique a été un soutien au départ, certains me disent que c’est l’exception,
j’ose penser que non et que c’est possible.
Des années confinées de mon enfance pour raison de santé, j’ai gardé le
goût de la lecture et de l’écriture, et j’ai gagné l’envie de me dépasser
fréquentant par 13 fois l’Himalaya, ainsi que la Cordillère, les Rocheuses,
comme les Alpes, les Pyrénées, et le Jura de mon enfance.
J’ai gagné
l’envie de
dépasser en fréquentant 13 fois l’Himalaya
Mes objectifs ont été successivement rester en vie, puis faire
ce que j’aime faire, sans plan de carrière. J’ai aujourd’hui 55
ans, ce qui est souvent encore une surprise et une petite victoire joyeuse de tous les jours.
J’apprécie de transmettre mon expérience, de réfléchir à
haute voix avec celles et ceux qui cherchent leur voie. Alors
n’hésitez pas, mon contact est là.
Portraits de 100 Diplômés - 180
Julia Maris
1996 SP
A seulement 33 ans, le parcours de Julia Maris (SP
96) a déjà de quoi faire pâlir. Cette jeune maman,
multi-diplômée, spécialiste des questions de défense et d'armement, vient d'être nommée directrice
du marketing du développement et des relations
extérieures à DCI (Défense Conseil International).
Retour sur l'ascension fulgurante d'une femme
dans un monde d'hommes.
Travailler pour une entreprise vendant le savoir
faire des armées françaises à l'étranger, Julia Maris, ne l'aurait sans doute pas imaginé en entrant à
Sciences Po Grenoble en 1993. A l'époque, elle
sait seulement qu'elle sera fonctionnaire, comme
l'étaient sa mère et sa grand-mère avant elle. «
Servir l'Etat avait pour moi une signification très
forte, se souvient-elle, comme une sorte de vocation ». C'est donc tout naturellement qu'elle choisit la filière SP.
Quand compétence rime avec chance
Une femme dans
un monde
d’hommes
Elle décide ensuite d'entrer à Sciences Po Paris
pour compléter sa formation. Trois ans plus tard,
son diplôme en poche, elle décroche un poste à la
direction des ressources humaines de la délégation générale pour l'armement (DGA). Une nomination plutôt inattendue pour la jeune femme
âgée alors de seulement 22 ans.
Elle raconte : « je n'avais pas le profil de l'emploi.
J'étais une jeune femme, civile, de catégorie A, qui
arrivait dans un milieu d'hommes, militaires et
relativement âgés. En plus, je ne m'y connaissais
pas vraiment en ressources humaines car j'étais
spécialisée dans l'international. Alors j'ai fait
contre mauvaise fortune bon cœur et chaque fois
que l'occasion se présentait, j'essayais de montrer
mes compétences ailleurs ».
Une stratégie qui fonctionne puisque sa maîtrise
de l'anglais est vite remarquée et qu' Alain Richard, alors ministre de la Défense, lui offre de
donner des cours à son secrétariat particulier. Julia saisit sa chance, fait parler d'elle, et de fil en
aiguille, obtient enfin un poste dans son domaine
de compétence comme chef du bureau union euPortraits de 100 Diplômés - 181
Julia Maris
ropéenne à la direction de la coopération et des affaires industrielles de
la DGA. Un emploi qu'elle conservera quatre ans avant de reprendre ses
études en entrant à l'ENA en 2003.
« Montrer de quoi on est capable »
C'est à ce moment, plutôt mal choisi du point de vue de l'ENA, qu'elle
attend un heureux événement. Loin de se laisser décourager, la jeune
femme devient même la première élève enceinte dans l'histoire de l'école à ne pas redoubler. Elle raconte en souriant : « J'ai repris les cours six
semaines après mon accouchement au lieu des dix réglementaires. A
l'époque, l'ENA était encore à moitié à Paris, à moitié à Strasbourg.
Il faut savoir faire
preuve d’organisation
et de sang-froid, d’humilité aussi : être irréprochable sur ses dossiers et montrer de
quoi on est
capable
J'avais donc tout acheté en double pour ma fille que j'emmenais avec moi à Strasbourg et ramenais à Paris le weekend
pour voir son papa ». Julia Maris souligne d'ailleurs l'importance du soutien de son mari, présent et associé à chacun de
ses choix. Et avoue que cette expérience intense l'a préparée
pour la suite.
Car après un passage de deux ans en tant que chef du bureau
des affaires juridiques du ministère de la Défense, Julia est
contactée pour devenir auprès de la Présidence de la République, chargée de mission rapporteur de la commission qui
doit rédiger le livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale.
« Tout s'est enchaîné très rapidement, explique-t-elle. J'ai eu
seulement quatre jours pour me décider à être candidate. Le
17 août à 14h je passais mon entretien d'embauche. Une
heure plus tard, j'étais déjà en réunion. Nous avons travaillé
nuit et jour pendant onze mois ».
Quand on lui demande comment elle a réussi à tenir face à une telle
charge de travail dans un milieu majoritairement masculin, elle répond
avec une simplicité déconcertante : « Il faut juste savoir faire preuve
d'organisation et de sang froid, d'humilité aussi: être irréprochable sur
ses dossiers et montrer de quoi on est capable ».
Un avenir prometteur
Suite à cette expérience, Julia Maris reçoit pas moins de 20 propositions
d'embauche, et, fidèle à son goût du risque, choisit de travailler pour DCI,
à un poste tout nouvellement créé.
Elle accède ainsi au troisième rang de cette entreprise semi-publique,
spécialisée dans le transfert du savoir des armées françaises à l'étranger.
Aujourd'hui, la trentenaire porte un regard lucide sur son parcours : « Je
suis arrivée là où je suis aujourd'hui par des concours de circonstances,
Portraits de 100 Diplômés - 182
Julia Maris
mais qui n'étaient pas totalement fortuits. J'ai dû faire mes preuves et j'ai
réussi à me démarquer ».
Et lorsqu'on lui demande si elle compte rester longtemps à DCI, elle répond sans détour : « au moins trois ou quatre ans, le temps que le poste
se consolide. Je n'exclus pas de retourner au ministère de la Défense ou
dans l'administration d'une manière plus large ». C'est clair : Julia Maris
n'a pas encore fini de faire parler d'elle.
Je n’exclus
pas de retourner au ministère
de la Défense ou dans
l’administration d’une
manière plus large d’ici 3 ou 4 ans
Portraits de 100 Diplômés - 183
Aurélie Martin Necker
2003 SP
Aurélie travaille depuis bientôt cinq années pour
l'antenne Afrique de la division enquête du Bureau des enquêtes internes (OIOS) du Secrétariat
des Nations Unies.
Officier de protection à l'OFPRA pendant trois ans,
elle a eu la chance de pouvoir présenter en 2008
le concours des Nations unies (devenu depuis programme des jeunes administrateurs des Nations
unies), qu'elle a réussi en affaires juridiques, lui
permettant d'être nommée en avril 2009 à Nairobi
comme enquêteur adjoint.
Cette carrière de fonctionnaire international s'inscrit dans la continuité d'un parcours universitaire
particulièrement riche et varié, incluant outre le
diplôme de l'IEP de Grenoble (SP 2002), une licence en droit à Paris I, un DULCO de chinois aux Langues O', un DU de droit humanitaire international
de l'université de Nice, un DEA de relations internationales à l'IEP de Paris, suivi d'une thèse dans
la même institution soutenue en février 2011.
Enquêtrice Expert à Nairobi
Aurélie a par ailleurs publié son mémoire de DEA
chez l'Harmattan, intitulé "La politique étrangère
de la Chine populaire aux Nations unies depuis
1989", et a également participé à l'ouvrage collectif publié chez Dalloz en 2012 portant sur "Les
grandes résolutions du Conseil de sécurité des
Nations unies".
Au gré de ses nombreuses enquêtes, portant principalement sur des cas d'abus et d'exploitation
sexuels et de fraudes, Aurélie s'est rendue sur la
plupart des théâtres d'opérations des forces de
maintien de la paix des Nations unies en Afrique,
notamment en Afrique de l'ouest et centrale, où
se concentrent aujourd'hui la plupart des casques
bleus déployés dans le monde.
Elle dispense également des formations spécialisées dans la conduite d'enquêtes internes, en
fonction des besoins exprimés par les différentes
missions des Nations unies en Afrique ou du tribunal pénal international pour le Rwanda.
Portraits de 100 Diplômés - 184
Aurélie Martin Necker
En parallèle de ces activités, Aurélie a également trouvé le temps de fonder une famille, ses deux enfants de cinq et deux ans s'épanouissant sous
le soleil de Nairobi, tandis que son conjoint, rencontré sur les bancs de
l'IEP au début des années 2000, a su profiter de cette expatriation pour
également embrasser une carrière aux Nations Unies, suite à sa nomination il y a trois ans par Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations
unies, en tant qu'expert pour le Conseil de sécurité des Nations unies sur
la Somalie.
Malgré mes
fonctions internationales, je peux
mener une vie de famille avec mes enfants !
Portraits de 100 Diplômés - 185
Bruno Mesnage
1979 PS
Diplômé de Sciences Po (option Politique et Social)
en 1979 doublé d’un Master en Sciences Eco, Bruno Mesnage a démarré sa carrière professionnelle
dans le milieu de l’aménagement de la montagne
et plus particulièrement au sein du Groupe de la
Station des Arcs.
Après avoir poursuivi son parcours professionnel
au sein de la Société Camping Gaz tout d’abord au
service Marketing puis au sein de la Direction Export.
Attiré par les « grands horizons » il est parti
«s’expatrier » en Californie où il a dirigé les filiales
du Groupe Suunto (Finlande - matériel de plongée, GPS, etc..) pendant 7 ans.
De retour en France après ces années passées
sous le soleil californien il a dirigé la filiale Europe
du Groupe avant de rejoindre un Groupe suisse
Katadyn (leader mondial du traitement de l’eau
dans le cadre de solutions portables); il a géré au
sein de ce Groupe la filiale France tout en mettant
en place dans le cadre de plans institutionnels européens ou mondiaux (ONU, PNUD, CE) des projets d’accès à l’eau au sein de pays émergents.
De l’aménagement
de la montagne à
l’entreprenariat à
Hong Kong
Mais le démon de l’entreprenariat le taraudait
depuis longtemps ; en 2006, Bruno a repris une
société de création et de design, la société Trackers. La société Trackers offre aux grands acteurs
de la distribution des développements de produits
spécifiques, des « programmes » marketing et/ou
merchandising clé en main.
Entouré d’une équipe de jeunes créateurs, designers Trackers offre un service complet qui va de
la dite conception à la livraison finale du produit,
de projets de gammes complètes.
L’équipe parisienne s’appuie sur une structure
basée à Hong Kong de chefs de projets, ingénieurs, merchandisers, contrôleurs qui chacun
dans leur domaine respectif de compétences saura choisir les usines partenaires pour mener à bien
les différents projets.
Portraits de 100 Diplômés - 186
Bruno Mesnage
Très au fait des différents aspects de la production, du respect des normes, les entreprises partenaires sont sélectionnées de façon très rigoureuse (passage d’audits sociaux, respect des normes techniques et environnementales etc.).
Les principaux clients sont de grands noms de la distribution française
mais aussi étrangère (Royaume Uni, Italie, Espagne, USA, Australie etc.).
Trackers assure également des missions ponctuelles pour le compte de
Groupes ou PME industrielles à la recherche d’un produit spécifique. A
cette panoplie exhaustive de services, Trackers a développé une activité
autour des produits « premium » (publicité par l’objet) dès lors que le
client est à la recherche d’une idée originale.
Trackers
travaille
pour les grands noms
de la distribution française et étrangère
Trackers est basée à Paris, sa « fille » est quant à elle domiciliée à Hong Kong. Si certains d’entre vous souhaitent le
connaître mieux n’hésitez pas à le contacter…
Portraits de 100 Diplômés - 187
Olivier Michalet
1997 POL
A 31 ans, Olivier Michalet a été ordonné prêtre, en
septembre 2007. Il officie aujourd’hui dans la paroisse de Versailles. Un engagement qu’il a choisi à
la fin de son cursus à l’IEPG. Pour ce jeune prêtre,
religion et politique sont liées et son cursus à
Science Po continue de le pousser à la réflexion,
dans l’exercice de son métier.
Originaire de l’Allier, Olivier Michalet porte cet
après-midi, ses vêtements de civils. Le regard
apaisant, il raconte d’une voix calme comment lui
est venue sa vocation pour la prêtrise. « A partir
de ma troisième année à Science Po, j’ai commencé à me poser la question de l’engagement ou non
dans l’Eglise, mais en même temps, j’adorais mes
études. En troisième année, je me suis un peu spécialisé en sociologie de la religion. »
La religion est
un fait social
Il réalise alors un mémoire sur « L’information religieuse au Monde et au Figaro », sous la direction
de Jean-Pierre Viallet, une étude comparative sur
le fonctionnement et le contenu de l’information
religieuse dans ces deux grands quotidiens nationaux. « Je faisais également partie du diocèse de
Grenoble. J’étais dans un petit groupe de réflexion
qui réunissait des garçons qui se posaient la question d’un éventuel engagement dans l’Eglise. »
Olivier Michalet se lance ensuite dans un DEA d’Etudes Politiques « pour se décider ». Un DEA qu’il
ne validera pas, son choix s’étant fixé : il deviendra prêtre.
Il entre donc au séminaire, une formation de six
ans. « Au séminaire, on entre pour en sortir : soit
on devient prêtre, soit on sort en cours de route,
mais il n’y a rien de définitif, raconte-t-il. Le séminaire allie une formation intellectuelle, une formation humaine et une formation à la vie pastorale
et tout cela bâtit un seul homme. La part de sciences humaines est notable. »
« Je continue de lire les travaux du CEVIPOF »
Ordonné prêtre en septembre 2007, Olivier Michalet occupe actuellement trois missions à mi-
Portraits de 100 Diplômés - 188
Olivier Michalet
temps. Une mission d’accompagnement dans un établissement catholique où il aide les équipes pastorales de l’établissement, notamment pour
la catéchèse et les sacrements ; vicaire dans une paroisse de Versailles ;
et chargé de TD à l’Institut catholique de Paris, pour des étudiants en
licence de théologie.
Il est également membre d’une petite congrégation de prêtres, les Eudistes, fondée par Saint Jean Eudes au XVIIème siècle. « Les études à Science Po apportent beaucoup en terme de maturité humaine car c’est très
riche. Mon cursus m’a aidé à cerner la place du christianisme dans la société française et à rationaliser un engagement qui peut être parfois très
affectif. Je continue à lire de la sociologie ou ce qui sort en
sciences politiques, comme les travaux du CEVIPOF, par
exemple. »
Le séminaire allie une
formation intellectuelle, une formation humaine et une formation à la
vie pastorale
Pour lui, politique et religion sont indubitablement liées. «
L’impact historique du christianisme sur notre culture me
semble évident, y compris d’ailleurs pour la notion française
de laïcité, même si celle-ci s’est en partie construite en réaction à une situation prédominante de l’Eglise catholique. La
relation religion-politique n’est pas univoque : certes la religion ou la non-religion a un impact sur les représentations
politiques des individus, mais l’inverse est également vrai.
Sans doute parce que l’on touche dans les deux cas à l’identité profonde d’une personne. »
Pour ce jeune prêtre, l’avenir de l’Eglise se joue en partie aujourd’hui, en Asie et en Afrique. Les concepts théologiques européens ne
sont pas ceux de l’Extrême-Orient ni de l’Afrique, « il faut donc travailler
pour rendre la foi intelligible dans les cultures contemporaines. C’est ça
la théologie, et pas travailler seul dans une chambre ! »
Le climat « anti-catho » de Science Po
Olivier Michalet se souvient de ses années à l’IEP. « Pierre Bréchon a été
pour moi une école de rigueur scientifique. J’aime les sciences politiques
et mes professeurs, très différents les uns des autres d’ailleurs, m’ont
beaucoup marqué. Si j’avais su, j’aurais travaillé davantage car je me suis
aussi beaucoup amusé pendant ces années. Un souvenir moins réjouissant de l’IEP est celui du climat anti-catho voire antichrétien qui y régnait
parfois. Les gens avaient souvent une image de l’Eglise réac, complètement fausse. »
Malgré tout, lorsque son ordination a été annoncée dans le magazine des
anciens diplômés, Olivier Michalet a reçu une vingtaine de mails de félicitation d’anciens étudiants. « Cela m’a énormément touché. Il y avait même des diplômés des années 1970 que je ne connaissais pas. »
Portraits de 100 Diplômés - 189
Bastien Miorin
2011 EF-TSD
« Dès 2011, diplôme en poche, je suis parti pour
l’Australie avec en tête l’idée de faire de la recherche. C'est ce que j’ai fait à Brisbane, pour un centre innovant spécialisé dans les relations entre le
numérique et les pratiques des citoyens. Plus tard,
j’ai aidé à la réalisation d’une étude sur le tri des
déchets a Brisbane, alors en tête des villes d' hémisphère-sud pour les études produites sur l’environnement et les comportements citoyens.
Je suis maintenant responsable santé-sécuritéenvironnement (SSE) pour le sous-traitant principal d’une mine gérée par un grand groupe minier
australien. Cela implique une surveillance des normes et standards australiens avec en ligne de mire
une certification ISO. Je poursuis aussi une formation d'auditeur SSE et de comptable avec CPA
Australia.
Pourquoi l’étranger ?
Avant mon entrée à l’IEP, j’envisageais les futurs
séjours a l’étranger comme une chance à saisir
pour acquérir une professionnalisation originale et
valorisée. Je ne pensais cependant pas à m’y installer.
HSE Manager
Accountant en Australie
5 ans plus tard, je décidait de partir directement
en Australie tenter ma chance.
Pourquoi l’Australie ?
Apres avoir passé un semestre académique en
Norvège, un semestre de stage en Arizona pour un
Centre de recherche sur les implications sociétales
des nanotechnologies, puis un autre stage de gestion de projet (Plan-Climat), l’Australie me paraissait propice à me révéler professionnellement.
J'avais visité l'Australie a plusieurs reprises auparavant et j'avais identifié les besoins et manques
en particulier du Nord de l'Australie en termes de
main d'œuvre qualifiée. J'ai donc commencé en
tant qu'assistant de recherche à Brisbane.
Brisbane puis l’Outback, un choix.
Portraits de 100 Diplômés - 190
Bastien Miorin
Après 6 mois, j’ai eu l’opportunité de partir pour le Top end au nord de
l’Australie à Nhulunbuy pour la position que j’occupe actuellement. En
général, les Australiens vivent en ville et sont un peu effrayés par les zones tropicales et reculées, mais le mode de vie à Nhulunbuy est certainement l'un des plus plaisants d’Australie, layback comme ils disent.
Depuis quelques années, l’économie australienne est tirée vers l’avant
par le secteur minier et celui du BTP qui gravite autour du premier. Les
salaires les plus attrayant sont donc là où les mines sont ou à leur siège
social. Le nord et l’ouest du continent se démarquent clairement du reste
du pays et bien que je sois loin de la frénésie de Sydney ou Melbourne, je
ne regrette en rien ce choix.
Vivre dans
l’East Arnhem Land est un endroit privilégié pour
comprendre la culture
aborigène
Au niveau culturel, vivre dans l’East Arnhem Land est aussi
un endroit privilégié pour comprendre la culture aborigène
dans son contexte original, Yolngu en l’occurrence.
Le mot pour les élèves de l’IEP qui souhaiteraient travailler
en Australie.
Éclectisme, prudence et organisation. Il ne faut pas hésiter à
sortir de son domaine de compétence. La flexibilité et la polyvalence sont très appréciées en particulier dans les secteurs que je viens d'évoquer. Prudence et organisation vis-àvis de l’immigration car l’Australie ferme ses portes au fur et
a mesure des vagues d’immigration. Les visas délivrés à des professionnels sont bien délimités et rares.
Les entreprises françaises en Australie peuvent servir de tremplin et de
sponsors. Le cadre des VIE est certainement le plus approprié à la sortie
de l’IEP. Bien que controversés, les grands projets australiens du moment
sont en rapport avec l'extraction et l'acheminements du gaz naturel et
pétrole depuis le centre rouge (Red center) vers Darwin pour l' export
asiatique et vers le sud (down-south) pour les métropoles australiennes. »
Portraits de 100 Diplômés - 191
Olivier Monnot
1995 PO
Entré à l'IEP de Grenoble en 1992 après un bac
économique, Olivier Monnot (PO95) a ensuite intégré le Centre de Formation des Journalistes (CFJ)
de Paris avant d'entamer une carrière dans la
presse. Mais en 2008, après dix ans de carrière, ce
passionné d'aviation, pilote privé d'avion depuis
2000, saisit une opportunité pour se lancer dans
une reconversion professionnelle pour faire du pilotage son métier et de son rêve d'adolescent une
réalité.
Des études dans un Institut d'Etudes Politiques, ça
mène à tout, il suffit de parcourir l'annuaire des
anciens pour s'en convaincre. Le parcours plutôt
original d'Olivier Monnot, qui vient de commencer
une carrière de pilote de ligne, n'en est qu'une
confirmation.
Passionné d'aviation depuis son adolescence, il
fait une croix sur la carrière de pilote de ligne au
lycée, sa myopie l'empêchant d'obtenir la visite
médicale des pilotes professionnels. Plus littéraire
que scientifique, Olivier obtient un bac économique avant de passer les concours des IEP.
Des bancs de l'IEP
au cockpit d'un
avion d'affaires
Quand il arrive sur le campus de Saint-Martin
d'Hères en 1992, il veut faire du journalisme. Il
choisit donc la filière « Politique », et après avoir
obtenu son diplôme de l'IEP en 1995, il passe et
réussit le concours du Centre de Formation des
Journalistes (CFJ), rue du Louvre à Paris. Il en sort
en 1997 et travaille plusieurs années comme journaliste, d'abord en presse écrite, avant de passer à
la presse en ligne. Parallèlement, toujours titillé
par l'appel des cieux, il commence en 2000 une
formation de pilote privé d'avion en région parisienne.
En 2001, il obtient son PPL (Private Pilot Licence),
les licences aéronautiques étant devenues européennes depuis 1999. Au départ de l'aérodrome
de Lognes, en région parisienne, Olivier emmène
régulièrement en week-end amis et collègues en
avion, par exemple pour deux ou trois jours au
calme sur l'île d'Yeu, en Vendée, qui possède un
aérodrome que l'on rejoint en deux heures de vol
seulement depuis Paris, s'affranchissant à la fois
Portraits de 100 Diplômés - 192
Olivier Monnot
des embouteillages et de la traversée en bateau.
Il a l'occasion de piloter dans le Nevada et en Californie, allant notamment se poser sur un aérodrome situé sous le niveau de la mer, dans la
Vallée de la Mort, lors de vacances aux Etats-Unis. Il effectue également
deux voyages en avion léger en Afrique, en convoyant un aéronef de Paris jusqu'en Mauritanie, et en participant au rallye Toulouse-Saint-Louis
du Sénégal, qui fait parcourir chaque année à une quinzaine d'avions
d'aéroclub le mythique trajet de la Ligne de l'Aéropostale des années 20
et 30.
Des regrets à la reconversion
A défaut d’être mon bureau, le ciel était mon
terrain de jeux
Olivier écrit un livre dans lequel il raconte ses vols. Un de ses
amis, pilote de ligne chez Air France, étant l'auteur d'un ouvrage intitulé « Le plus beau bureau du monde », Olivier
choisit de titrer le sien « Le ciel est notre terrain de jeu »,
puisqu'à défaut de faire du ciel son lieu de travail, il a la possibilité d'y passer une partie de son temps de loisirs.
A chaque fois qu'il emprunte un avion d'Air France, Olivier se
présente à l'embarquement comme pilote privé, et demande
s'il peut aller faire un tour dans le cockpit. Souvent, ça marche, et il fait ainsi de nombreux atterrissages dans le poste
de pilotage, installé sur le strapontin situé juste derrière la
console centrale de l'avion, entre les deux pilotes.
Chacun de ces séjours dans le cockpit l'enthousiasme, mais fait aussi
poindre le regret, de plus en plus fort, de n'avoir pu y accéder à titre professionnel. Depuis l'instauration des licences aéronautiques européennes, les normes médicales ont évolué, et il est vraisemblable que sa myopie n'empêcherait plus Olivier d'obtenir la visite médicale des pilotes professionnels. Mais une reconversion à son âge impliquerait de financer la
coûteuse formation, les voies gratuites (dont la célèbre Ecole Nationale
de l'Aviation Civile) n'étant accessibles qu'aux plus jeunes.
Au printemps 2008, Olivier est responsable éditorial d'une petite société
Internet qu'il a créée en 2002 avec deux amis, et au capital de laquelle un
gros acteur du Web est entré l'année précédente. Ce dernier propose
aux trois fondateurs de racheter les parts qu'il leur reste. La situation
économique de la petite société nécessitant deux départs, Olivier se porte volontaire, voyant là l'opportunité rêvée de se lancer, à 34 ans, dans
sa reconversion professionnelle : son licenciement économique lui donne
le temps libre pour la formation, et le rachat de ses parts lui permettant
d'en financer la plus grosse partie.
Un an et demi de formation
En juillet 2008, deux gros cartons sont livrés chez lui, plein de près de 15
kilos de livres en anglais, dont il va falloir lire, comprendre et apprendre
Portraits de 100 Diplômés - 193
Olivier Monnot
le contenu pour passer les examens de la licence théorique de pilote de
ligne. Un challenge pas si évident pour un titulaire du bac économique,
alors que la plupart de ceux qui passent ces examens ont un bac scientifique, et pour beaucoup, ont fait Maths Sup et Maths Spé, et souvent une
école d'ingénieur dans la foulée. Après huit mois de travail à la maison,
Olivier valide la dernière des 14 matières de l'examen.
Il part pour l'Angleterre pour suivre la partie pratique de la formation et
décroche successivement sa qualification de vol aux instruments, puis
son brevet de pilote professionnel.
J’ai de la
chance :
chaque jour de travail,
je vois le soleil percer
les nuages.
A peine rentré en France, direction Perpignan pour y suivre
une formation d'instructeur à l'issue de laquelle Olivier commence à former des pilotes privés dans un aéroclub de la
région parisienne, tout en cherchant un emploi de pilote.
Après quatre mois de recherche, il obtient une promesse
d'embauche, mais deux autres formations sont nécessaires
avant de pouvoir la concrétiser. Une trentaine d'heures de
cours théoriques et 20 heures dans un simulateur de Boeing
737 pour la formation au travail en équipage, et une qualification sur le type d'avion qu'il va piloter, un King Air, avion
américain biturbopropulseur pouvant emporter deux pilotes
et une dizaine de passagers.
Enfin, le 30 mars dernier, dix ans presque jour pour jour après son premier vol d'élève pilote, Olivier décolle de l'aéroport du Bourget avec un
commandant de bord à sa gauche et des passagers derrière. Depuis, il
sillonne la France et l'Europe proche (Angleterre, Allemagne, Suisse, Espagne, Italie, Portugal...) pour transporter des passagers ou du fret urgent, afin d'augmenter ses heures de vol pour pouvoir ensuite passer sur
un avion plus gros. Le plus souvent, ses vols sont des missions « EVASAN
» qui lui rappellent son engagement de sapeur-pompier volontaire : du
rapatriement sanitaire et du transport d'organes destinés à des greffes.
Après dix ans d'activité professionnelle et un an et demi de formation,
Olivier a réussi sa reconversion et
a réalisé son rêve d'adolescent. Le
ciel n'est plus seulement son terrain de jeu, mais est désormais
devenu son bureau. Et il mesure la
chance qu'il a - quelle que soit la
période de l'année et la météo - de
pouvoir, à chaque jour de travail,
voir le soleil après avoir percé les
nuages…
Portraits de 100 Diplômés - 194
Hervé Montillet
1994 EF
L’IEP : bientôt 20 ans que j'en suis parti !
J'ai adoré les deux années passées à l'IEP et j'ai
essayé, à mon époque et petit niveau, de faire
bouger la section et de pousser à la professionnalisation du cursus, via des conférences avec des
chefs d'entreprises, la JE et d'autres projets
concrets avec l'équipe enseignante de l'époque,
qui me semblait nécessaire à notre réussite future...
J'ai toujours vu l'IEP comme une école d'excellence préparant les étudiants à la vie professionnelle
et j'avais du mal à l'époque à comprendre ceux qui
enchaînaient derrière par d'autres écoles ou d'autres diplôme... je pense que le nouveau cursus
d'aujourd'hui et ce niveau de master correspond à
ce dont j'avais envie à l'époque.
Comme prévu, je suis resté ensuite dans le monde
des affaires et les sociétés commerciales.... mais
l'ouverture d'esprit inculquée pendant mes deux
années grenobloises reste bien présente et l'importance de la culture générale me semble encore
plus fondamentale afin de mieux comprendre et
évoluer dans notre société.
Du monde des affaires à la création
d’entreprise
J'ai créé ma propre entreprise de distribution de
matériel électrique aux professionnels en début
d'année, sur Annecy. Une nouvelle aventure humaine vivifiante et une remise en question complète lors de mon passage à la quarantaine !
J'en ai toujours eu envie... je l'ai fait et j'espère
que cette aventure durera le plus longtemps possible. Après 5 mois d'activité, tous les feux sont au
vert et je suis très raisonnablement optimiste et
plein d'ambitions. J'essaie de développer une activité de taille humaine au service d'hommes et de
professionnels de la région : flexibilité, service de
proximité, importance de la relation humaine
dans l'échange commercial et convivialité : je crois
que ces valeurs ont encore un sens... à suivre.
Ma société s'appelle AMELEC.
Portraits de 100 Diplômés - 195
Jean-François Ott
1986 EF
Véritable globe trotteur, Jean-François Ott a fondé
son propre groupe d’investissement et de promotion immobilière en 1991. Aujourd’hui Orco Property Group c’est près de 3000 salariés, une présence dans une dizaine de pays européens et un
patrimoine estimé à 3 milliards d’euros. Des chiffres qui font tourner la tête… mais Jean-François
Ott a, quant à lui, bien la tête sur les épaules. Retour sur une ascension fulgurante de Grenoble à
Moscou, en passant par Séoul, Paris et Prague.
Bureau spacieux, décoration très tendance, grande baie vitrée, maquette des dernières acquisitions d’Orco… Bienvenue dans l’antre du « big
boss ». Et, accrochée au mur, une photo. Une bande de jeunes étudiants, visiblement préparée à
faire la fête. Mais qui sont-ils ? « Mes meilleurs
amis, mes frères. On est tous de la promo 86 de
l’IEP et on ne s’est jamais quitté. ». En plus de ses
amis, Jean-François Ott conserve d’excellents souvenirs de son passage à Sciences Po.
Le
« market-maker »
de l’Europe de l’Est
Ce Picard quitte ses parents, tous deux dans l’éducation nationale, avec un bac ES en poche pour
s’installer à Grenoble. « Je n’étais pas un élève
brillant, j’ai traversé des périodes de doutes avec
la peur de rater ». Il ne ratera pas.
Au contraire, à 20 ans, il se lance dans les affaires
et décide de sacrifier son prêt étudiant pour monter une petite entreprise de caleçons. Déjà prêt à
prendre des risques et à assumer : « dans la vie,
on n’a pas besoin de cinquante parachutes ».
Il profite du partenariat de l’IEP avec l’armée pour
échapper au service militaire et partir en contrepartie en Corée du Sud. 18 mois difficiles passés
sur un chantier de centrale nucléaire. Mais JeanFrançois Ott encaisse, soutenu par sa femme, une
Américaine avec qui il est désormais depuis 22
ans, qui vient vivre avec lui à Séoul.
« La chute du mur m’a estomaqué »
De retour en France, il se tourne vers l’exigeante
profession de trader à la Bourse de Paris. Pendant
Portraits de 100 Diplômés - 196
Jean-François Ott
quatre ans, il mène une vie bien remplie : « il m’arrivait d’être au bureau
dès 5h30 du matin. C’était une période d’excès : je sortais beaucoup, je
gagnais beaucoup d’argent et je payais beaucoup d’impôts ! ». La chute
du mur de Berlin est un véritable tournant : « j’ai été estomaqué. Je
venais de découvrir l’Europe de l’Est alors que je pensais Asie et EtatsUnis ».
En 1991, il prend certainement le plus gros pari de sa carrière : il arrête le
métier de trader, prend sa voiture et part à Prague. Passionné d’histoire
géographie, l’ancien étudiant de l’IEP découvre une ville meurtrie par le
passé communiste, symbolisé par le coup de Prague en 1948.
Quand le
marché se
porte mal, c’est le moment de faire des affaires
Le coup, justement, Jean-François Ott le sent. Et décide d’acheter son premier immeuble, après avoir longuement
étudié le marché immobilier des différentes villes européennes. « Je suis à l’aise pour créer des prix, faire des échelles
de comparaisons…un vrai market-maker [« créateur de marché »] !). L’aventure Orco débute. Afin de s’y consacrer pleinement, il emménage avec sa famille à Prague.
Jusqu’à la fin des années 1990, il fait prospérer l’entreprise et
devient le plus gros promoteur de la ville. Mais sa soif de
conquête n’est pas assouvie. Jean-François Ott se tourne vers
d’autres capitales européennes, à commencer par Budapest.
« Imagine les possibilités »
Deuxième tournant décisif : l’entrée en bourse d’Orco en 2000. Non sans
regret, la famille Ott quitte les charmes tchèques pour s’installer de nouveau à Paris. Orco prend une véritable envergure internationale, passe
de 70 à 3000 salariés en seulement huit ans et s’implante dans plusieurs
métropoles de l’Europe de l’Est. Les activités se diversifient aussi : plus
grand propriétaire privé de Berlin avec un million de m2 en portefeuille,
parc d’éoliennes en Pologne, développement d’une filière sur les énergies, hôtels de luxe en Croatie…
A ce jour, le groupe Orco a réalisé 126 acquisitions, les dernières à Moscou. « On essaye d’anticiper sur le marché. Comme je dis souvent « when
it is bad, it is good for us ». Car quand le marché se porte mal dans une
ville, c’est le moment de faire des affaires». Ce polyglotte -il parle couramment l’anglais, l’allemand, le tchèque et possède des notions de coréen et d’italien- se définit aujourd’hui comme « un aménageur urbain et
un professionnel de l’immobilier ».
En traversant les locaux, on peut lire la devise d’Orco inscrit sur tous les
ordinateurs : « Imagine les possibilités ». On en connaît un qui n’a pas fini
d’imaginer…
Portraits de 100 Diplômés - 197
Julie Payet
2006 ORG-INT
Elle a parcouru des milliers de kilomètres pour
trouver sa voie. Alors qu'elle se destinait à un métier dans les relations internationales, Julie Payet a
emprunté des chemins détournés pour atteindre
son objectif. Retour sur un parcours atypique qui a
récemment débouché sur un poste au sein du Ministère français de la Santé.
Lorsqu'elle intègre l'IEP de Grenoble en 2004, Julie
Payet a déjà quelques années d'études derrière
elle. En provenance directe de l'Université McGill
au Canada, où elle a étudié les sciences politiques
et obtenu un Bachelor of Arts, elle avait auparavant passé deux ans en école de commerce en
France. Pour ce faire, elle avait alors dû quitter
son île natale, la Réunion : à l'époque, elle souhaitait faire du commerce international et ce type
d'école n'existait pas encore sur l'île. Pour des raisons financières, elle n'a pu terminer son cursus,
et c'est à l'Université McGill qu'elle a choisi de se
rendre pour poursuivre ses études.
Destination :
relations
Internationales
Là-bas, elle assiste alors à des cours de relations
internationales qui lui plaisent tellement qu'elle
décide de reconsidérer son orientation professionnelle : les relations internationales, c'est la possibilité de parler plusieurs langues ; c'est aussi une
ouverture d'esprit sur les différents systèmes politiques, culturels, sociaux et économiques. On
comprend mieux le monde dans lequel on vit.
A son entrée à l'IEPG, elle croit alors savoir de quoi
son avenir sera fait : « Je voulais revenir en France
et surtout travailler dans les relations internationales. J'ai intégré Sciences Po directement en quatrième année dans le master OIG / ONG. Le programme et les cours présentés sur les plaquettes
paraissaient très intéressants. De plus, le master
proposait des partenariats avec des organisations
internationales telles que l'ONU ».
De son parcours à l'IEP, elle retiendra surtout les
stages qu'elle y a effectués : « J'aurais aimé plus
de pratique et moins de théorique, moins de cours
magistraux mais plus de travaux en groupe. J'ai
trouvé dommage que nous devions assister à des
cours dont la matière nous était déjà connue à
Portraits de 100 Diplômés - 198
Julie Payet
travers nos études passées. Il serait plus motivant pour les élèves de
n’assister qu’aux cours pour lesquels ils n’ont pas de connaissances. Mes
deux stages m'ont confirmé que les relations internationales et les langues étaient mon domaine ».
Ses deux stages ? Pour le premier, elle est allée dans la ville de Sucre, en
Bolivie. Avec l'Alliance Française, un réseau d'associations implantées
dans des dizaines de pays et attachées à promouvoir la langue et les
cultures françaises et francophones de par le monde, elle a occupé le
poste de chargée de communication.
Dans les relations internationales, le recrutement se fait par
deux voies : la voie nationale, et
la voie du
terrain
Quelques mois plus tard, c'est du côté de l'Italie que la globetrotteuse se rendra, plus précisément au centre de formation
de l'OIT (Organisation Internationale du Travail). Ici, elle est
assistante de chargées de mission pour la protection sociale,
qui interviennent notamment auprès de représentants
(syndicats, patronats, ministères du travail voire de la santé)
de pays en développement.
De ces stages, Julie Payet retirera qu'il y a plusieurs façons
d'entrer dans les relations internationales : « Le recrutement
se fait par deux voies : la voie nationale d'une part ; la voie
du terrain, auprès des ONG d'autre part. De mon côté, j'ai
fait le choix de la voie nationale, c'est-à-dire d'intégrer
l'administration française » . Par ailleurs, « ce n'est pas
parce que l'on n'entre pas au Ministère des Affaires étrangères maintenant qu'on ne peut pas faire une carrière dans l'international ! L'important est de garder en tête ses objectifs et de persévérer ».
Motivée par l'international, Julie Payet l'est. Mais c'est vers une autre
voie qu'elle décide de se tourner à l'issue de ses deux années de master.
Cette voie, c'est le secteur de la santé publique : « J'ai fait une rencontre
décisive en Italie lors de mon stage. J’y ai rencontré un expert de l’OMS
(Organisation Mondiale de la Santé). A travers le témoignage de cette
personne, j’ai compris combien la santé conditionnait le développement
de tout un chacun. Quelqu’un de malade trouvera plus difficilement du
travail que quelqu’un en bonne santé, par exemple.
A cette époque, je cherchais à donner un sens à ma carrière. Je savais
que l’international me transportait, mais faire de l’international pour de
l’international ne me suffisait pas. Je souhaitais me sentir utile. Réalisant
combien la santé était centrale à la suite de cette rencontre, j’ai compris
que je ne me sentirais pleinement utile que si je travaillais dans ce domaine. En développant une expertise dans ce secteur, j'espérais d'ailleurs
intégrer l'OMS ».
La Réunionnaise choisit alors de rester une année supplémentaire à l'IEP
de Grenoble pour intégrer la prep'ENA. Objectif : intégrer l’Ecole des
Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP) ou le Ministère de la Santé. Elle
Portraits de 100 Diplômés - 199
Julie Payet
échouera aux différents concours d'entrée qu'elle tentera et s'envolera
finalement pour la Réunion où elle sera recrutée par une société d'économie mixte spécialisée dans le développement durable et la coopération régionale... mais pour quelques mois seulement.
En effet, alors qu’elle travaille sur son île, l'IRA de Lyon la rappelle et lui
apprend qu'elle est admise. Consciente que ce concours lui permettrait
d’intégrer le Ministère de la Santé ou le Ministère des Affaires étrangères, elle choisit de revenir en métropole. Au terme de son année de formation, elle parvient à choisir le Ministère de la Santé.
La Direction
de la Sécurité Sociale a une vision
englobante de notre
système
Recrutée en septembre 2009 à la Direction de la Sécurité
Sociale (DSS), elle occupe désormais un poste de rédacteur
dont la mission principale est le suivi de la coordination et
des coopérations des soins de la ville : « Je suis des expérimentations lancées par le Ministère pour améliorer la qualité
des soins de ville et lutter contre les déserts médicaux. Il
s'agit d'accompagner la mise en place d'expérimentations
qui, si elles sont concluantes, pourraient être généralisées à
l'échelle nationale.
Ce poste me permet de travailler à la fois avec des administratifs, des hommes de terrain (professionnels de santé) ou
encore des économistes de la santé : c'est une bonne façon
d'avoir une vision précise du paysage sanitaire français. En
outre, travailler à la DSS constitue pour moi un réel atout en ce qu’elle
nous invite à apprécier le risque maladie dans son ensemble.
En effet, la santé n’y est pas seulement considérée comme un besoin de
la population ; elle est également présentée comme un enjeu financier
de taille, susceptible de menacer la pérennité même de notre système de
sécurité sociale. C’est cette vision englobante qui fait à mes yeux la richesse de la DSS au sein du Ministère de la Santé ».
Une formation de qualité, un travail épanouissant... Julie Payet est désormais posée et ne demande plus qu'à maîtriser et acquérir une certaine
expérience sur son nouveau poste. Son prochain objectif : acquérir une
expertise suffisante pour la mettre au service de l'OMS. A suivre…
Portraits de 100 Diplômés - 200
Éric Peigné
1989 EF
Est-on un OVNI dans le transport routier et la logistique après avoir fait Sciences Po ?
Il y a 20 ans le secteur attirait assez peu les diplômés et ceux de Sciences Po encore moins. Le gros
des troupes opérationnelles des sociétés de transport et de logistique était principalement des autodidactes et je reconnais avoir été observé de façon
amusée et curieuse par certains collègues, promus
cadres après une dure et longue expérience du terrain.
Cela signifie donc que ta progression a été moins
dure grâce à ta formation ?
Mon évolution a assurément été plus rapide mais
peut-être pas moins difficile car j’avais à la fois à
légitimer ma position de jeune cadre et à passer
par des missions très terrain pour acquérir les bases et prouver que je n’avais aucune aversion à «
fréquenter les quais ».
Ces expériences de terrain m’ont été très profitables d’un point de vue technique mais aussi et surtout dans la découverte que la « bonne fabrication
» des activités de services repose avant tout sur un
fort engagement des hommes, à tous les niveaux
de l’organisation.
Comment es-tu donc arrivé dans ce secteur ?
La logistique, un
secteur qui vous
transporte…
Pas complètement par hasard. Une formation en
logistique avant l’IEP m’avait fait découvrir ce secteur passionnant dont on disait qu’il serait de plus
en plus considéré comme une fonction stratégique
pour les entreprises, qu’il était promis à une forte
croissance et qu’il connaîtrait une phase de
concentration et d’industrialisation.
Il se trouve qu’un séminaire sur l’industrie automobile était créé à l’IEP quand j’y suis arrivé. J’avais
déjà fait quelques expériences de stagiaire en logistique dans cette industrie, la passerelle était donc
toute trouvée pour intégrer un groupe de prestations logistiques filiale d’un constructeur automobile. La vie est aussi faite de rencontres et j’ai eu la
chance de croiser quelques personnes clés, enseignants et praticiens, qui m’ont transmis le virus de
l’aventure logistique.
Portraits de 100 Diplômés - 201
Éric Peigné
La situation est-elle toujours la même quant aux formations ?
Les choses ont beaucoup changé, cette branche d’activité a pris conscience
de la nécessité d’intégrer des profils adaptés à la complexité de ce secteur
qui développe des réseaux à l’échelle planétaire et qui peut contribuer de
façon significative à la compétitivité des groupes industriels et commerciaux.
Il existe désormais de nombreuses formations supérieures spécialisées en
transport et logistique ainsi que des spécialisations post-école d’ingénieurs, école de commerce ou IEP. Il ne peut être que conseillé à un diplômé de Sciences Po qui souhaiterait faire carrière dans ce secteur de suivre
une formation spécialisée afin de se donner des chances d’intégrer la profession et d’y réussir.
Vivre à l’étranger requiert de la curiosité,
de l’autonomie, et de
la débrouillardise
En quoi la formation IEP Eco-Fi a été profitable dans ton parcours dans le transport et la logistique ?
J’ai débuté en Allemagne et la condition première de survie
était la pratique intense des langues étrangères, une discipline
qui compte à l’IEP ! Vivre à l’étranger, même dans un contexte
aussi peu exotique que l’Europe, requiert aussi de la curiosité,
il faut faire preuve d’autonomie, d’initiative et de débrouillardise, la formation à l’IEP est certainement une très bonne école pour cela.
J’ai travaillé en ex-Allemagne de l’Est, peu de temps après la
chute du mur de Berlin, je représentais là-bas un groupe français
de transport, la sensibilité aux sujets géopolitiques développée à
Sciences Po a sans doute contribué à me passionner pour cette
expérience « live » de la réunification allemande et de ses conséquences
économiques.
A mon retour en France, j’ai participé activement à des projets de développement de réseaux européens de transport terrestre par croissance externe. Pour ces sujets, la formation en finances et en droit de l’IEP m’a été
d’une aide précieuse.
En quoi consistent concrètement tes missions dans la logistique ?
Mes missions sont très variées. Elles couvrent à la fois un volet commercial, il s’agit de comprendre les besoins logistiques d’un client de façon à y
apporter la meilleure solution, cela passe par des rencontres avec les directions supplychain des clients et prospects et par l’étude des appels d’offres. Les solutions offertes s’appuient le plus souvent sur nos propres capacités de production mais aussi sur des prestations complémentaires d’autres acteurs spécialisés sur une zone géographique ou savoir-faire particuliers.
Le deuxième volet de mes missions consiste ainsi à travailler sur l’amélioration de l’outil de production, qui se traduit par la croissance des réseaux
Portraits de 100 Diplômés - 202
Éric Peigné
et plans de transport, l’accroissement des surfaces logistiques, la mise en
place de système d’information permettant la traçabilité et l’amélioration
de la productivité, par la constitution de solutions logistiques globales permettant l’optimisation de la supplychain de bout en bout. Il faut ajouter
que la gestion est un point essentiel pour un manager dans la logistique, la
concurrence est forte et le faible niveau de rentabilité ne laisse pas beaucoup de marge de manœuvre !
Quelle sera la prochaine étape ?
Je compte bien participer activement aux futures mutations du secteur et
elles seront nombreuses. Les défis pour les prochaines années
seront de différentes natures, ils toucheront aux évolutions
des lieux de production et de consommation des marchandises sur la planète, ils seront fortement marqués par la nécessité de réduire l’empreinte carbone des opérations de transport, ce qui passera par des solutions innovantes favorisant
notamment le report modal.
Soyez
curieux,
soyez internationaux,
et n’oubliez jamais de
prendre du
plaisir
Ils seront liés au développement des ventes par internet qui
requièrent de nouveaux canaux de distribution. Ils évolueront
enfin au rythme des innovations des systèmes d’information
qui sont très structurants pour nos opérations. Sans compter
que de nouvelles lois viendront très probablement aussi modifier nos environnements. En résumé, la logistique offre beaucoup d’opportunités d’innovation, c’est extrêmement stimulant.
Quels conseils donner aux étudiants de l’IEP qui envisageraient une carrière dans la logistique ?
Soyez curieux de ce qui se passe dans le monde, la logistique est au service
de toutes les industries et de tous les continents. Soyez internationaux,
travailler les langues étrangères et confrontez-vous à d’autres cultures.
Soyez créatifs mais sachez compter et aimer les chiffres. Comprenez que le
succès des opérations logistiques repose beaucoup sur les hommes, il faut
donc apprendre à écouter. Soyez prêts à travailler beaucoup et toujours en
lien avec le « terrain ».
Enfin n’oubliez jamais de prendre beaucoup de plaisir à ce que vous faites,
mais là c’est un conseil général qui dépasse la logistique et que les étudiants auront découvert d’eux-mêmes pendant leur cursus à l’IEP…
Portraits de 100 Diplômés - 203
Sylvie Pionchon
1992 PO
J'ai soutenu une thèse de science politique sur les
femmes et la politique en France, et j'ai été recrutée en 2000 comme déléguée départementale aux
droits des femmes et à l’égalité au cabinet du Préfet de l'Oise. Ce poste m'a permis de travailler en
lien avec les différents services de l'Etat, les collectivités locales et les associations sur les politiques
publiques dédiées aux questions de l’égalité
(promotion de la parité, lutte contre les violences
faites aux femmes, égalité professionnelle…).
En 2008, le Président du Conseil général de l'Oise
m'a recrutée comme conseillère technique en
charge des politiques sociales au sein de son cabinet. Cela m'a permis de bâtir une expérience
transversale sur tous ces dossiers, mais aussi sur le
fonctionnement politique et administratif de l'institution départementale.
En 2011, le Conseil général de l'Oise a décidé de
réorganiser profondément le Pôle Solidarité afin
de restructurer l’accueil du public, renforcer la
territorialisation de ses actions et la transversalité
de ses équipes.
Sylvie Pionchon : Directrice du Pôle solidarité »
Cette réorganisation s’est traduite par une démarche participative de 18 mois que j’ai accompagnée
en tant que conseillère technique jusqu’à ce que
le Président m’associe à la mise en œuvre opérationnelle en me confiant la responsabilité d’une
nouvelle direction, issue des travaux de réflexion :
la DACT, direction de l’Accueil et de la Coordination Territoriale.
Je suis donc passée dans l’administration en septembre dernier, d’abord comme chef de projet
chargée de la préfiguration de cette nouvelle direction, puis comme directrice depuis le 8 mars.
Composée d’une petite équipe d’une dizaine de
personnes en central, la DACT aura la hiérarchie
sur les agents de territoire (au nombre de 900) à
compter de septembre, couvrant l’ensemble des
missions du Pôle solidarité (protection de l’enfance, personnes âgées et handicapées, insertion) à
l’exception des services de la PMI. Les directions
centrales vont se recentrer sur des missions d’ex-
Portraits de 100 Diplômés - 204
Sylvie Pionchon
pertise et l’élaboration des politiques publiques départementales
(schémas départementaux, outils, référentiels et procédures d’intervention pour animer la ligne métier), alors que la DACT aura la responsabilité
opérationnelle d’organiser la politique d’accueil sur les territoires, de
piloter les équipes territoriales et de mettre en œuvre les politiques définies en central.
Mon rôle a donc consisté ces derniers mois à accompagner la réflexion
sur l’évolution des missions, calibrer et organiser les équipes territoriales,
accompagner les cadres dans la conduite du changement. C’est un immense challenge, qui vise à conforter le sens du travail social et la performance de l’action publique.
Conforter le
sens du travail social et la performance de l’action publique, un immense
challenge
Portraits de 100 Diplômés - 205
Isabelle Plumey
1991 PO
Ne l’appelez plus Isabelle Plumey mais sœur Philippine. Un nouveau nom pour une nouvelle vie. Et le
choix de cette nouvelle identité s’est imposé de luimême : Saint Philippe était connu pour la profonde
joie qui l’habitait. Une joie qui transpire dans chaque phrase prononcée par cette ancienne de la
maison Sciences Po (SP 91) lorsqu’elle nous raconte son histoire.
Une vraie chaleur dans la voix, des éclats de rires... tenir une conversation avec sœur Philippine
vous met forcément de bonne humeur. Vous intrigue aussi. Pourquoi une jeune femme de 26-27
ans décide soudainement de devenir religieuse ?
Isabelle Plumey intègre l’IEPG en 1987 après avoir
passé une année en hypokhâgne à Annecy.
Vite attirée par la vie universitaire grenobloise,
elle en garde d’excellents souvenirs : « j’ai acquis
une méthode de travail, un esprit de synthèse qui
me sert encore aujourd’hui. Je me suis fait beaucoup d’amis même si je n’ai pas complètement
adhéré à l’ambiance générale ». A cette époque,
la pratique religieuse, elle ne connaît pas. Tout
juste admet-elle être animée du sentiment de l’intérêt général, d’où son choix de la section service
public.
Une divine joie
de vivre et l’appel
de la foi
Elle opte ensuite pour un DESS d’urbanisme à la
faculté de Lyon. Et profite pleinement des charmes lyonnais, à commencer par l’opéra. A la fin de
ses études, elle rentre à la communauté urbaine,
chargée de la question des transports. Et va faire
une rencontre qui va changer le cours de son existence…
« Une absolue certitude »
« Un jour, j’ai vu une collègue, qui rentrait de
congés, radieuse. Intriguée, je me suis permis de
lui demander la cause de ce rayonnement. Elle
m’a répondu qu’elle rentrait d’une retraite religieuse et m’a invitée à participer à une séance de
son groupe de prières ». Par curiosité, Isabelle
accepte la proposition. Et va en être bouleversée :
« au bout de 10 minutes, je pleurais des larmes de
Portraits de 100 Diplômés - 206
Isabelle Plumey
bonheur. J’avais l’absolue certitude de la présence de Dieu ». Dès lors,
elle se rend tous les dimanches à la messe et accepte de se confesser. Sa
vie professionnelle connaît aussi des remous : elle répond favorablement
à une offre de la communauté urbaine de Strasbourg l’été 1995. Mais se
retrouve seule, sans repères. Alors, elle se tourne vers un groupe de prières : « je n’avais que des amis catholiques ! ».
Après un temps d’hésitation, Isabelle Plumey décide de suivre une formation à la foi à la Famille Missionnaire de Notre Dame à Sélestat. « J’ai
découvert le contenu de la foi, mon âme en a été touchée ». Isabelle
commence à comprendre qu’elle va devoir prendre une décision, faire le
choix de sa vie : « Non, je n’ai pas fait de choix. C’est Dieu qui
m’a choisie. Cela peut paraître surréaliste mais j’ai compris
sur l’autoroute entre Sélestat et Strasbourg. C’était précisément le 15 avril 1996 vers 21 heures. J’étais dans un état second, c’était une joie immense, une allégresse inimaginable ».
Les étudiants devraient lire les écrits
de Jean-Paul II de manière objective
Isabelle annonce sa décision à ses proches : son chef de service, ses parents et ses amis. A-t-elle conscience de faire des
sacrifices ? « J’ai toujours voulu avoir un foyer, des enfants.
Mais j’ai gagné le Christ. Une phrase de la Bible dit : « d’un
amour éternel je t’ai toujours aimé »... »
« L’éducation des cœurs »
Isabelle Plumey entre dans sa famille religieuse le 9 septembre 1996.
Après trois années de postulat fondamental à la maison mère en Ardèche, elle fait des vœux temporaires qu’elle renouvellera par la suite. En
septembre 2004, c’est la cérémonie des vœux perpétuels où elle s’engage à respecter les principes de pauvreté, de chasteté et d’obéissance.
« C’est très émouvant, on se donne à Dieu, c’est une sorte d’union matrimoniale spirituelle ». Exit Isabelle, place à sœur Philippine. Aujourd’hui,
elle se trouve au Grand-Fougeray, dans l’Ille-et-Vilaine : « nous sommes
une quinzaine de frères et de sœurs, avec un père et une mère supérieurs. On accueille beaucoup de monde, en les aidant à prier et en essayant d’éduquer leurs cœurs ».
Toujours avec le sourire, sœur Philippine refuse de considérer que
l’Eglise actuelle est moribonde et
regrette l’image véhiculée par les
médias. « Si je devais donner un
conseil aux étudiants de l’IEP, ce
serait de lire en toute objectivité
les écrits de Jean-Paul II. C’est tellement juste ! ».
A bon entendeur…
Portraits de 100 Diplômés - 207
Anne Pointet
1998 SP
En 10 ans de carrière, Anne POINTET (1998 SP) a
partagé son temps entre le secteur public et le
secteur privé, tant en France qu'à l'étranger et
plus particulièrement au Moyen-Orient.
A l'issue de sa scolarité, elle intègre tout d'abord
le Ministère des Finances en qualité de Chef du
bureau du droit international public général.
De cette expérience forte à la tête d'une équipe
de juristes confirmés -pour partie militaires et
pour partie civils- qui l'a amenée à conduire de
nombreuses négociations dans le monde, elle a
acquis le goût de la négociation en environnement
multiculturel et une première expérience des marchés émergents.
Elle rejoint ensuite le Ministère des Finances, Direction du trésor, en qualité de Conseiller financier pour les pays du Moyen-Orient. Basée à Dubaï
(Emirats arabes unis) et rattachée à l'Ambassade,
elle suit ainsi pour le compte des acteurs publics
et des entreprises françaises la situation économique et financière des pays du Conseil de coopération du Golfe, l'Iran, l'Irak et le Yémen.
De la défense
à la banque
En 2007, forte de son expérience au Moyen-Orient
et de sa connaissance du secteur financier dans
cette région du monde, Anne rentre chez BNP Paribas où elle prend le pilotage des succursales de
la banque dans les pays du Golfe, à Chypre et en
Israël. Deux ans plus tard, elle prend la direction
des filiales du Groupe dans les DOM TOM au sein
d'un réseau intégrant la Guyane, les Antilles, la
Réunion, la Nouvelle Calédonie et Wallis-etFutuna.
Toujours chez BNP Paribas, elle est aujourd'hui
Directeur du centre d'Affaires Entreprises pour le
Languedoc-Roussillon et une partie de la région
PACA, à la tête d'une équipe de spécialistes des
produits et services destinés aux PME, entreprises
innovantes et grandes entreprises françaises.
Diplômée de Sciences Po Grenoble en 1996 puis
de l'ENA en 2003, elle est titulaire d'une maîtrise
Portraits de 100 Diplômés - 208
Jean-François POISSON
en Economie Gestion de l'Université Louis Pasteur de Strasbourg. Anne
est aussi Conseiller du Commerce Extérieur de la France, ce qui l'amène à
intervenir régulièrement dans des grandes écoles pour promouvoir l'ouverture internationale, et Marraine au titre de l'association "Nos quartiers ont des talents".
En 10 ans de
carrière, j’ai
oscillé entre le public
et le privé sans difficultés
Portraits de 100 Diplômés - 209
Jean-François Poisson
1995 SP
Diplômé de la section service public en 1995, j’ai
toujours eu comme objectif d’intégrer la fonction
publique. J’ai donc logiquement suivi une préparation aux concours administratifs et intégré l’Institut régional d’administration de Nantes en 1999,
après avoir effectué mon service national.
A la sortie de l’IRA, j’ai opté pour le ministère des
finances que j’ai intégré en septembre 2000. Je
suis resté huit années au sein de ce ministère,
n’ayant pas souhaité immédiatement me replonger dans l’univers des concours. L’idée de présenter le concours de l’ENA m’est venue au cours de
l’année 2007, en observant le parcours d’anciens
collègues. Je me suis alors dit, pourquoi pas moi ?
Le marathon ne faisait que commencer, il allait
durer quatre ans !
La première année, j’ai suivi une préparation au
concours d’entrée à la PENA (année de préparation au concours d’entrée de l’ENA), avec des
cours assurés à l’Institut de la gestion publique et
du développement économique (IGPDE – centre
de formation du ministère des finances) certains
midi et soir.
Les questions budgétaires
à la Défense
J’ai ensuite intégré la PENA, toujours à l’IGPDE,
mais cette fois ci à plein temps. Cette année de
préparation a été vraiment enrichissante. Je l’ai
vécu sans stress car, dès le départ, je n’ai pas
considéré le succès au concours d’entrée à l’ENA
comme une question « de vie ou de mort ».
Il y a ainsi deux conseils que je peux adresser aux
postulants au concours interne de l’ENA : éviter de
se mettre une trop forte pression sur les épaules
(il y a une vie en dehors de l’ENA) et axer ses efforts sur les épreuves écrites en rédigeant le maximum de notes d’entraînement (les épreuves orales sont trop aléatoires).
Sur la scolarité elle-même, si les cours sont de niveau inégal, les périodes de stages sont en revanche passionnantes : j’ai ainsi pu partager le quotidien de travail du secrétariat général de la com-
Portraits de 100 Diplômés - 210
Jean-François Poisson
mission européenne à Bruxelles, de la préfecture de la région HauteNormandie à Rouen et d’une société spécialisée dans la production d’agro-carburants à Paris.
A la sortie de l’ENA, j’ai choisi de rejoindre le ministère de la Défense et
de travailler dans le domaine budgétaire. J’occupe actuellement le poste
d’adjoint au chef du bureau de la programmation et du pilotage budgétaire, au sein de la direction des affaires financières du secrétariat général pour l’administration.
Je n’ai pas regretté ce choix, la période étant particulièrement passionnante à vivre : je participe en effet aux travaux de préparation du livre blanc qui doivent ensuite déboucher sur la future loi de programmation militaire 2014-2019.
Le ministère
de la Défense est un univers très
attachant
Le ministère de la Défense est un univers très attachant et la
nature des sujets traités au sein du bureau me donne une
vision globale des problématiques financières du ministère,
et elles sont nombreuses du fait des masses de crédits en jeu
et du contexte actuel des finances publiques. Le contact avec
les militaires s’avère également très enrichissant.
Il s’agit donc clairement d’un ministère à découvrir et qui
offre de nombreuses possibilités, que ce soit en tant que
fonctionnaire, stagiaire (nous avons ainsi accueilli une élève
de l’IEP de Lille) ou même en tant que contractuel.
Jean-François Poisson
Portraits de 100 Diplômés - 211
Jessica Porre
2009 PES
Il y a ceux qui ont toujours su qu’ils avaient une
vocation, et puis il y en a d’autres qui la découvrent en chemin. Je fais plutôt partie de deuxième
catégorie et c’est Sciences Po Grenoble qui m’a
aidé à la découvrir et à la faire grandir.
Aujourd’hui, je crois non seulement que sa vocation on la découvre au fur et à mesure mais aussi
qu’on en a plusieurs et c’est ce pourquoi je travaille aujourd’hui : accompagner les organisations
dans leurs évolutions et les hommes et les femmes
dans leur développement professionnel et ce, dans
le respect de valeurs économiquement et socialement responsables.
Mon orientation, je l’ai construite au fur et à mesure. A la base, je voulais être journaliste économique. Au cours de la troisième année à Sciences
Po et notamment grâce à des stages, je me suis
rendue compte que je voulais avoir un rôle actif
sur les questions de l’emploi et du travail qui
étaient celles qui me passionnaient le plus dans la
section PES. Je me suis alors orientée vers le masterIngénierie Juridique et Financière option Organisations privées pour apprendre les fondamentaux de la gestion financière d’une entreprise.
Partir en V.I.E.
aux USA,
le choix
stratégique
de Jessica Porre
Ce sont ensuite les deux dernières années à Sciences Po en master qui ont confirmé mes choix : un
séjour en Ecosse, un stage en Ressources Humaines Généralistes à Marionnaud Italie a Milan et
surtout l’année d’apprentissage au Département
Corporate RH Formation au sein du groupe Société Générale à Paris.
Au cours de ces expériences, j’ai toujours été
confrontée à trois thématiques quelle qu’aient été
mes missions : d’une part, l’internationalisation
grandissante des activités des entreprises comme
facteur de croissance, d’autre part la rationalisation des coûts comme critère d’exigence pour les
prochaines années, et par conséquent, la nécessité pour la fonction RH de prouver sa capacité d’adaptation et sa force de mobilisation. L’internationalisation des entreprises françaises est devenue
Portraits de 100 Diplômés - 212
Jessica Porre
un axe stratégique incontournable. La majorité des groupes du CAC40
réalise deux tiers de leur chiffre d’affaires à l’étranger (+66% du C.A.) et
la moitié de leurs effectifs se situent hors de France. L’internationalisation est donc aujourd’hui au cœur des changements économiques, sociaux et culturels qui se profilent et dans ce contexte, la fonction Ressources Humaines est un pilote essentiel dans l’accompagnement du
changement.
Consciente de ces enjeux et ayant toujours été attirée par l’international,
j’ai poursuivi les études avec un mastère spécialisé en Ressources Humaines Internationales. Cette formation était en quelque sorte une exigence
professionnelle pour maîtriser les outils RH à l’international
et développer l’expertise indispensable pour piloter des projets RH internationaux.
Le statut de
VIE permet
d’avoir rapidement
des responsabilités et
d’être opérationnel en
anglais, tout en acquérant de nouvelles méthodes de
travail
J’ai donc réalisé le mastère spécialisé « Gestion des Ressources Humaines et Mobilité internationale » aux Arts et Métiers
à Paris co-accrédité par l’ENS Cachan dans l’optique d’évoluer à termes sur des projets RH internationaux.
Ce dernier offre une formation complète en RH et c’est le
seul aujourd’hui à offrir une expertise technique en mobilité
internationale c’est-à-dire dans l’accompagnement des organisations et des salariés qui partent a l’étranger. On apprend
vite en mobilité internationale que chaque situation est unique et c’est la diversité des domaines sur lesquels on peut
intervenir (droit du travail fiscalité, immigration, Comp&Ben,
carrière, gestion des transitions et accompagnement du
changement) et la dimension multiculturelle qui m’intéressent.
Envoyer un Malaisien aux Etats-Unis, un Mexicain au Canada, ou un Américain en Chine, nécessiteront une préparation organisationnelle et humaine propre à chaque mouvement. J’ai fini ce mastère spécialisé avec le
sentiment d’avoir trouvé ma voie et avec la fierté de finir majore de ma
promo et majore sur les 15 dernières années depuis la création du mastère.
Apres avoir continué sur une mission avec Alstom ou je gérais le personnel expatrié sur la zone Europe Moyen Orient et Afrique, j’ai souhaité
vivre aussi l’expatriation de mon côté pour pouvoir mieux appréhender
les attentes et les besoins des entreprises et des salariés.
Je suis donc aujourd’hui en VIE à Dallas, Texas, aux Etats-Unis pour le
groupe aéronautique Safran. Je gère les expatriés du Groupe sur la zone
Nord-Amérique et j’apporte assistance et conseils à nos filiales aux EtatsUnis et au Canada sur les questions liées à la mobilité internationale.
Le statut de VIE permet d’avoir rapidement des responsabilités, d’être
totalement opérationnelle en anglais et d’apprendre de nouvelles méthodes de travail.
Portraits de 100 Diplômés - 213
Jessica Porre
Sur le plan professionnel, ce VIE m’a permis de voir une autre facette de
mon métier et d’être totalement immergée dans la culture de travail
américaine. Le travail aux Etats-Unis se caractérise par exemple par une
certaine fluidité des mécanismes d’emploi, une rapidité des mouvements
du personnel et un dynamisme important dans les relations de travail.
Le contrat de travail dit « at will », qui est la règle sur le marché du travail
américain, fluidifie clairement les mécanismes de rupture de contrat de
travail et ce des deux côtés, employeur et employé. Dans l’heure, un salarié peut poser sa démission et partir et inversement.
Aux EtatsUnis, la
fonction RH doit être
réactive et créative
pour s’adapter à la
fluidité du marché du
travail
Cette fluidité implique à la fonction RH un renforcement de
la stratégie au niveau du recrutement ainsi qu’un développement décuplé de la stratégie de rétention et de fidélisation
du personnel. La fonction RH doit être réactive et aussi créative, et on a par exemple beaucoup à apprendre des techniques de management américaines, de l’importance du positivisme, à la valorisation de la prise du risque ainsi qu’à l’encouragement continu des équipes.
Sur le plan personnel, il est intéressant d’expérimenter les
clichés qu’on peut avoir sur les texans outre-Atlantique, en
passant par l’univers impitoyable de Dallas, les cow-boys, les
rodéos, à la culture des armes. Quand on arrive au Texas, on
comprend assez vite les particularités de cet Etat ne serait-ce
que par ces slogans « everything is bigger in Texas », «don’t
mess with Texas », « we don’t dial 911 ». Tout est disproportionné par rapport à la France, la nourriture, les espaces, les
voitures, même la politique… j’ai vécu la campagne présidentielle en direct depuis le QG démocrate de Dallas et ce, dans l’un des
Etats les plus républicains des Etats-Unis, un vrai show politique !
En tout cas, je n’ai jamais été aussi bien accueillie qu’au Texas et c’est un
Etat qui mérite vraiment qu’on s’y intéresse de plus prés pour ses fortes
influences amérindiennes, Afro-Américaines, et hispaniques qui font que
le Texas a développé une identité forte et dispose d’une vraie culture du
folklore.
Et bizarrement, je n’ai jamais eu le sentiment de comprendre aussi bien
notre culture française que depuis que je suis aux Etats-Unis, je ne me
suis jamais sentie aussi française depuis que je suis loin de mon pays.
L’expatriation c’est peut-être aussi partir pour mieux revenir.
Je recommande donc fortement cette expérience et je serai ravie d’apporter quelques « tips » aux étudiants sur les RH, les Etats-Unis, le VIE ou
tout simplement pour échanger.
Portraits de 100 Diplômés - 214
Christiane Poulat
1983 Eco-Fi
Qu’est-ce qui m’a amenée à me spécialiser dans
l’accompagnement des dirigeants, des managers
et de leurs équipes ?
C’est en remportant un concours de vente aux
USA, alors que j’effectuais mon premier «job» auprès d’une enseigne multinationale de la distribution durant mes études MBA, que j’ai découvert le
plaisir de conduire la relation client et de personnaliser le conseil.
J’ai alors appris à «écouter avec les yeux» pour
mieux détecter les signaux et le langage non verbal dans la relation en face à face : j’ai rapidement
compris comment questionner, révéler les besoins
et personnaliser l’argumentation pour faciliter la
prise de décision, augmenter la satisfaction client
et fidéliser.
A mon retour en France, après un parcours commercial «BtoB» réussi, c’est ma mission d’accompagnement des forces de vente dans le lancement
de nouveaux produits, en tant que Chef de Produit, qui m’a donné le déclic pour mon métier de
conseil et d’accompagnement au changement.
Une vision
stratégique du
conseil pour des
résultats
opérationnels
rapides et
mesurables
La transmission de savoir-faire, l’accompagnement opérationnel, le suivi individuel et collectif
dans la durée, la culture du résultat associée au
respect de chacun : les atouts pour mon nouveau
métier de conseil étaient là.
Ma spécificité : le décodage comportemental individuel et collectif «pour des résultats rapides et
mesurables dans la durée»
L’attitude et le comportement «ajustés à son interlocuteur» en contexte managérial autant que
commercial sont de plus en plus différenciateurs
et vecteurs de pertinence et de succès pour l’entreprise.
Les méthodes et outils behavioristes de décodage
comportemental et d’adaptation relationnelle que
je mets en œuvre et développe en les personnalisant pour chaque client, se traduisent par «des
résultats rapides et mesurables dans la durée»,
Portraits de 100 Diplômés - 215
Christiane Poulat
tant pour les dirigeants et managers que pour les négociateurs et vendeurs que j’accompagne.
J’en fais ma signature professionnelle. Car cela correspond à la réalité de
mes clients : grands comptes, PME ou TPE. Ils témoignent sur mon site :
www.christiane-poulat-conseil.fr.
A partir des comportements observables, sans contraindre leur personnalité ni altérer leur authenticité, c’est par la détection de leur mode de
fonctionnement et de celui de leurs interlocuteurs, grâce à un entraînement à la flexibilité relationnelle que mes clients parviennent à mieux se
comprendre et à mieux appréhender les autres
(hiérarchiques, collègues, membres d’équipe, clients, partenaires,
fournisseurs).
In fine, ils savent mieux convaincre, faire adhérer, s’affirmer,
prendre la parole, asseoir leur stature de manager, négocier,
anticiper et surmonter le stress, résoudre tensions et
conflits, (re)motiver, renforcer identité et solidarité au sein
de leurs équipes et de leur organisation.
Cohérence,
communication et courage : ce
sont les qualités primordiales à développer pour les dirigeants
et managers
L’entraînement intensif et approfondi à la mise en oeuvre de
techniques ciblées pour le management, la négociation, la
prise de parole, l’affirmation de soi... est conçu sur mesure. Il
favorise l’appropriation de ces techniques en phase avec la
réalité de chaque métier et de la culture de chaque entreprise.
Face au niveau croissant d’exigence des entreprises : concilier humanisme et culture du résultat devient un enjeu majeur.Dans un environnement économique où les cycles sont
de plus en plus rapides, les difficultés rencontrées par les entreprises et
les organisations sont liées au niveau croissant d’exigence et de résultat
des actionnaires et des clients.
Cela peut créer une rupture dans la pratique des métiers et impacter fortement la culture d’entreprise. Ce niveau croissant d’exigence peut générer des répercussions difficiles à maîtriser sur la relation client (interne
externe), la satisfaction client et la pratique du management au quotidien.
L’anticipation, l’écoute et le lien sont à renforcer ou à régénérer plus que
jamais, afin de dépasser avec succès les diverses formes de résistance au
changement.
Cohérence, communication claire et courage : ce sont les qualités primordiales à développer pour les dirigeants et managers exposés simultanément à leurs actionnaires et aux forces vives de l’entreprise.
Ce que mes clients apprécient le plus :
Le courage de dire les choses... pour bousculer si nécessaire et faire
avancer« ... Ce n’est pas courant de collaborer avec une consultante qui a
Portraits de 100 Diplômés - 216
Christiane Poulat
le courage de dire les choses telles qu’elle les analyse et les comprend
pour bousculer si nécessaire et faire avancer...
» Mon entraînement en continuJe m’investis dans des ateliers de perfectionnement et d’échanges de pratiques auprès d’experts reconnus :
en techniques d’improvisation, souffle et voix, analyse transactionnelle,
management, théorie des organisations…
Car pour être un expert efficace de l’accompagnement, il faut savoir se
remettre en question régulièrement.
Mes 3 valeurs clés :
exigence, transparence, fiabilité
Le niveau élevé d’éthique. Il est pour moi indissociable du
métier de conseil.
C’est pourquoi je participe à des ateliers de supervision : gages de recul et d’objectivité sur mon métier et mes missions.
C’est pourquoi je respecte mes engagements de confidentialité vis-à-vis de chaque personne que j’accompagne (quelque
soit son niveau hiérarchique), de l’entreprise, du dirigeant,
du manager.
Mes 3 valeurs clés : exigence, transparence, fiabilité
L’enseignement de Sciences Po et le DEA marketing (suivi à l’ESA de Grenoble) m’ont donné les fondamentaux qui me permettent d’améliorer en
continu les outils mis à la disposition de mes clients.
L’efficacité de mes méthodes de diagnostic et de mon savoir-faire pédagogique est renforcé par mon niveau d’exigence, de transparence et de
fiabilité.
Portraits de 100 Diplômés - 217
Jacques Puyo
1985 EF
Le 20 mai, Jacques PUYO (IEP 1985 EF), manager
chez HP, a atteint le sommet de l’Everest à l’issue
d’une expédition de sept semaines. Une performance qui reste marquante pour celui qui a énuméré les Français sur le toit du monde : « Je dois
être le 98 e ». À en être revenu s’entend…
« J’ai 51 ans et autant d’années de montagne ». Il
a 51 ans, l’âge où certains rangent leurs rêves au
placard. Il aurait pu se contenter du classique Kilimandjaro comme référence ultime _ « on avait
laissé le guide seul à 5 200 m, il avait abusé de la
marijuana la veille… »_ ou poursuivre ses voyages
au long cours, lui le “voileux” parisien auteur de
deux traversées de l’Atlantique. Il aurait pu aussi
se contenter de sa pratique alpine soutenue ou de
ses multiples séjours à l’étranger pour son entreprise, dix ans en Asie, deux au Texas, 35 étapes en
Chine…
Seulement, il a eu « une envie, une pulsion, née
après un trek au Népal il y a deux ans : essayer de
faire l’Everest en toute humilité ».
6 morts le jour de son ascension victorieuse…
L’humilité de la très haute altitude, l’humilité d’une zone “inhumaine”, où l’oxygène se fait aussi
rare qu’une ascension himalayenne sans bakchich.
Un diplômé grenoblois sur le toit
du monde
« J’ai donc rejoint un chef d’expédition au printemps », pour une tentative de la face nord côté
tibétain (ou chinois selon la diplomatie géographique…) Budget : 35000€, dont un petit tiers pour la
seule licence à payer à l’État chinois. Une somme
pour aller tutoyer l’innommable chemin de croix
himalayen qui, passé le camp 3 (8300m), est jonché de corps sans vie que personne ne ramènera
jamais plus bas, victimes d’une chimère, d’une
chute, d’un froid inqualifiable ; « le jour où j’ai
réussi le sommet, cinq alpinistes sont morts, dont
deux que j’avais croisés en route ». « Au sommet,
rien ne donne envie d’y rester »
En route, à savoir sur l’ultime journée d’ascension,
D-day de 20 heures de marche, en quête d’exploit
comme de lucidité quand bien même les capacités
Portraits de 100 Diplômés - 218
Jacques Puyo
diminuent à mesure que s’approche le ciel du monde des terriens. « Et
cette fenêtre météo, on l’a attendue 20 jours au camp de base avancé ! »
Vingt jours à lire, jouer aux cartes et regarder le vent balayer les crêtes et
envelopper la cime d’un éternel nuage thermique. Jusqu’au jour où.
« En fait, comme il y a des cordes fixes jusqu’en haut, c’est comme une
immense via ferrata, pas besoin de chercher le chemin ! Mais, une fois
arrivé, on se sent d’abord à crédit. Rien ne donne envie d’y rester et je
n’avais qu’une idée en tête : il faut se sauver. Car la descente reste l’étape la plus délicate, j’ai l’impression qu’on y est tous des zombies. En cinq
heures jusqu’au camp 3, j’ai vu une douzaine de cadavres. Ici, on sait que
quoiqu’il nous arrive, on ne viendra pas nous chercher. C’est
une zone de mort ». « En fait, si l’on est très bien entraîné, si
l’on s’acclimate, si, si, si… eh bien ce n’est pas si difficile. Je
suis juste content de l’avoir fait. Mais on mesure son ampleur par les réactions de l’entourage au retour plus que par
la somme de ce que l’on vit sur une si longue période ».
La descente
reste l’étape
la plus délicate, on y
est tous des zombies
Dans son sillage, son sherpa, 32 ans, bouclait, lui, sa dixième
ascension.
Dans son bureau de HP à Eybens, Jacques Puyo a gardé quelques drapeaux tibétains et une photo du camp de base sous
l’Everest, où il a attendu 20 jours la fenêtre météo.
Suivre pas à pas son ascension :
http://www.summitclimb.com...
Portraits de 100 Diplômés - 219
Sébastien Ravet
2010 CP
Lorsque j'ai intégré l'Institut d'études politiques de
Grenoble en 2005, après avoir validé une année
de droit à la faculté Pierre Mendès-France je souhaitais orienter mon cursus universitaire vers une
consolidation de mes connaissances en matière de
culture générale tout en conservant une base juridique solide.
Je dois dire que mes attentes ont été satisfaites
sur ces deux points et que c'est à cette période
que je me suis interrogé sur l'opportunité d'intégrer la fonction publique par la suite. Certes, l'IEP
n'était qu'un des facteurs qui m'aiguillaient sur
cette voie, mon père étant lui-même administrateur des finances publiques, mais néanmoins l'ensemble des enseignements prodigués ainsi que les
conseils des maîtres de conférence ont été pour
beaucoup dans mon choix.
Itinéraire d'un jeune Inspecteur des
finances
publiques
Je me suis donc progressivement orienté vers une
section Service Public puis vers un Master Carrières Publiques où j'ai pu préparer avec sérieux les
divers concours administratifs. La palette de cours
proposés était assez large allant sur les deux années de la préparation à la note de synthèse, au
droit public et à l'économie, en passant par les
Finances Publiques d'Etat ou des collectivités territoriales sans oublier bien sûr des préparations régulières aux oraux ; le tout dispensé en dernière
année de master notamment par des énarques.
Cet éventail permettait de s'inscrire dans diverses
logiques ; soit il était possible de tout « miser » sur
un concours de type ENA ou INET (administrateur
territorial) extrêmement sélectif ou de choisir une
approche plus « prudente », qui consistait à passer un nombre plus important de concours de catégorie A.
En suivant cette dernière voie, j'ai successivement
obtenu les concours d'attaché territorial, d'inspecteur du Trésor, d'inspecteur des Impôts et d'inspecteur des douanes. En définitive, j'ai choisi celui
d'inspecteur du Trésor qui correspondait le plus à
mes attentes aussi bien en termes d'intérêt du
travail que de parcours professionnel offert et
pouvait de surcroît, éventuellement me porter
Portraits de 100 Diplômés - 220
Sébastien Ravet
vers des fonctions en lien avec le monde territorial ; en tant que conseil
au secteur public local dans une Direction Départementale des Finances
Publiques ou comptable par exemple. En peu de mots voilà ainsi détaillé
le cheminement qui m'a conduit à m'inscrire dans un parcours de préparation de concours administratifs de catégorie A et A+.
Actuellement, mon métier s'inscrit dans un ministère de l'économie et
des finances en profonde mutation, mais en mutation réussie je dirais. En
effet, entré comme inspecteur du Trésor je suis ressorti d'un an de formation à l'Ecole Nationale des Finances Publiques établie à Noisiel en
région parisienne, comme jeune inspecteur des finances publiques.
Mon cheminement m’a
conduit à m’inscrire
dans un parcours de
préparation de
concours administratifs A et A+
Au-delà du changement de terminologie il s'agit de la résultante de la fusion entre l'ex-Direction Générale des Impôts
(DGI) et l'ex-Direction Générale de la Comptabilité Publique
(DGCP), autrement dit de la refonte Impôts(assiette)-Trésor
(Recouvrement) en un seul corps, une seule administration,
celle des finances publiques. De nombreuses passerelles ont
ainsi été jetées entre ces deux cultures à la fois semblables et
différentes, et c'est ainsi que j'ai été affecté pour mon premier poste en tant qu'inspecteur adjoint du responsable du
Service des Impôts des Particuliers (SIP dans notre jargon) de
Moulins dans l'Allier et non dans un poste en lien fort avec
les collectivités comme je le souhaitais aux origines.
Le système d'affectation étant fortement influencé par l'ancienneté, obtenir son tout premier choix en sortie de l'année
de formation à Noisiel est assez rare, je n'ai pu qu'effleurer la
région Rhône-Alpes avec ce département. Sachant toutefois,
que je connaissais ces règles du jeu avant d'intégrer la fonction publique
d'Etat, et qu'il existe de réelles et rapides perspectives d'arriver à un but
géographique bien précis ou au contraire de voyager beaucoup si l'on
souhaite ne pas s'éterniser dans un poste.
Pour ce qui est du poste d'adjoint ce ne fut pas un choix subi, bien au
contraire ; la perspective d'encadrer des équipes, d'être au plus proche
des questionnements et appréhensions du contribuable mais aussi et
surtout d'exercer une certaine polyvalence dans l'exercice de mes fonctions m'ont fortement plu.
Au quotidien, je conduis une multitude de tâches qui vont du management classique (plannings, absences à gérer, réunions à mener, conflits à
dénouer ou apaiser), aux missions plus comptables ou juridiques
(conformité des opérations comptables, poursuites en matière de recouvrement de l'impôt, contrôle interne) en passant par des interactions
avec la Direction Départementale de Finances Publiques (Dialogue de
gestion, sorte de discussion entre la direction d'un poste comptable comme le SIP et l'antenne départementale du Minefi ou DDFIP sur les objectifs, indicateurs atteints ou non...).
Portraits de 100 Diplômés - 221
Sébastien Ravet
L'image de la Direction Générale des Finances Publiques est enfin depuis
quelques années revalorisée notamment au travers d'une charte marianne de qualité de service. L'administration prend donc totalement la mesure de son engagement auprès des usagers notamment en cette période de crise économique. Le concret et le monde de l'économie réelle
n'est ainsi jamais bien loin.
Il en va de même lorsque je dois traiter en collaboration avec la Banque
de France des dossiers de surendettement, pour la partie des impositions
dues. Cette thématique étant dans l'actualité récente un marqueur de la
fragilisation d'une frange de la population et à l'ordre du jour de bon
nombre d'agendas ministériels.
Les perspectives sont
nombreuses en raison
de la grande diversité
des métiers que l’on
peut exercer en tant
qu’inspecteur des finances publiques
Dans un avenir proche les perspectives qui me sont offertes
sont nombreuses, d'une part en raison de la grande diversité,
mais je pense que cela a transparu dans mon propos, des
métiers que l'on peut exercer en tant qu'inspecteur des finances publiques (Comptable, Adjoint de SIP, Adjoint d'une
Trésorerie, chargé de mission en matière de Ressources Humaines, de Secteur Public local... dans une Direction, analyste informatique...la liste est longue et non exhaustive !) et
d'autre part au regard des possibilités d'évolution offertes.
Ainsi, dans quatre années je pourrais prétendre à passer un
concours interne d'inspecteur principal (A+) et m'engager
ainsi dans des fonctions plus centrées sur de l'audit. En attendant, je pourrais néanmoins sans doute naviguer à mon
gré au sein des multiples options évoquées.
Ces quelques lignes, dressent un aperçu synthétique mais
fidèle des mes fonctions actuelles, de mon parcours au cœur
de l'IEP l'ayant précédé et des perspectives de carrière s'ouvrant à moi.
Portraits de 100 Diplômés - 222
Thierry Repentin
1986 SP
La com’ c’est son affaire. Et le logement son combat. Thierry Repentin, jeune sénateur de Savoie,
sait exactement ce qu’il a à dire lorsqu’on l’interviewe pour l’association des anciens élèves. Il reçoit dans le bar du Sénat, à la sortie d’une réunion
du collectif budgétaire sur la loi de finance rectificative. Il s’assoie d’abord très droit. Au fur et à
mesure de l’interview, il se détend complètement
et on le découvre souriant, la jambe droite repliée
sur le genou, enfoncé dans le canapé de velours. Il
s’applique à prendre la pause pour la photo. Ou à
raconter une anecdote sur les lions de pierre du
Sénat pour améliorer l’ambiance. Il s’adonne même à un bilan de l’entretien. Peut-être d’autres
journalistes l’auraient coincé sur tel ou tel point
technique... Mais ici, il s’agit surtout de parler du
parcours d’un ancien de Sciences Po Grenoble (SP
86) qui s’est démarqué dans la politique locale,
puis nationale, grâce à un intérêt porté à une
question : le logement.
Un combattant
pour le logement
Quelle est votre dernière réussite politique ?
Je viens d’être élu président de l’Union sociale
pour l’habitat (USH), le 10 décembre 2008, avec
33 voix pour et 30 contre. Les pronostics indiquaient que la candidate Marie-Noëlle Lienemann
était la favorite, étant donné son engagement et
son appartenance à l’ancien gouvernement Jospin. C’est une élection importante pour moi car je
tenais à continuer sous une autre forme mon engagement sur les politiques de l’habitat.
Comment vous êtes-vous distingué des autres sur
les questions de logement ?
Mon engagement sur le terrain m’a permis de
porter au regard des autres des attentes, comme
les corrections à faire dans le domaine du bouclage financier, les questions administratives, ou les
difficultés dans le droit de l’urbanisme. Il est possible de trouver des solutions à travers les textes de
loi. Aux élections de l’USH, j’ai donné le sentiment
d’avoir une approche concrète. Le sentiment que
bien que la gauche soit minoritaire au Sénat, nous
pouvions avancer dans le domaine des HLM.
Dans tous les votes du Sénat des quatre dernières
Portraits de 100 Diplômés - 223
Thierry Repentin
années sur le logement, j’ai fait passer des amendements. Pour la Loi
Borloo sur l’engament national, la Loi sur la cohésion sociale dite loi Debré et la Loi DALO (Droit au logement opposable) surtout, j’ai proposé 50
à 60 amendements, dont la plupart se sont transformés en articles.
J’ai aussi impulsé le vote de certaines dispositions en loi de finances, mais
cela passe plus inaperçu. J’ai encouragé la revalorisation des aides personnalisées au logement – dont l’APL que touchent beaucoup d’étudiants – alors que ça n’avait pas été fait depuis quatre ans. On a fait inscrire dans la loi DALO la revalorisation automatique de ces aides à chaque premier janvier, alors même que l’arbitrage ministériel était défavorable à cette mesure. Il est dommage que la grande presse
n’en parle pas, parce que ça c’est du pouvoir d’achat.
J’ai encouragé la revalorisation des aides
personnalisées au loge
-ment
En ce qui concerne la loi Borloo, l’assemblée nationale avait
votée une disposition qui visait à faire entrer l’accession sociale à la propriété parmi les 20% de logements HLM (Ndlr :
article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains). Même l’Abbé Pierre, figure hautement symbolique sur ce dossier, était venu au Sénat pour se prononcer
contre cette modification.
Contre toute attente, le Sénat avait rétabli l’article 55 pour 4
voix de plus. Je me souviens même de la date : c’était le 5
avril 2006. Un vrai succès politique. C’était aussi le jour de
mon anniversaire, quel beau cadeau le Sénat m’a fait !
Comment avez-vous choisi ce dossier à l’origine ?
C’est un dossier que j’ai approché grâce à deux opportunités qui m’ont
été données. Une locale en premier lieu : j’ai été nommé « adjoint chargé
de l’urbanisme et de la politique de la ville » à Chambéry. J’ y ai été
confronté d’emblée car le logement est une des premières questions que
nos concitoyens doivent affronter, juste après l’emploi et avant même le
politique.
En second lieu, j’ai approché ce dossier dans le cabinet parlementaire du
ministre Louis Besson. Si je suis devenu un vrai « spécialiste », c’est parce
que c’est un sujet d’une telle complexité que peu d’élus acceptent d’y
consacrer le temps nécessaire. J’ai pu m’imposer grâce à la sincérité de
mon engagement et mon opiniâtreté. Mais ce n’est pas mon seul domaine de prédilection.
Je m’intéresse aussi particulièrement aux questions de développement
durable et à la montagne bien sûr. C’est un peu parce que je suis un ancien élève de Sciences Po Grenoble. J’ai choisi mes domaines de prédilection en fonction de ce que je vis sur le terrain, donc en Savoie. Mes pratiques influencent mes convictions et inversement. Je milite donc pour
que les parlementaires aient un mandat local de manière à ce qu’ils
soient en prise directe avec les citoyens.
Portraits de 100 Diplômés - 224
Thierry Repentin
En situation de crise économique et au regard des positions du gouvernement, pensez-vous que le logement soit encore un dossier prioritaire ?
Oui, il peut l’être. En décembre dernier, j’ai défendu de mon mieux six
amendements à la loi Boutin : un sur l’accession sociale à la propriété, un
sur la TVA dans le secteur du bâtiment au bénéfice des primo-accédants,
un pour la baisse du chauffage urbain, etc…
Quel que soit le contexte, il y a encore des marges de manœuvre et des
marges financières pour le législatif et l’exécutif.
Ce qui me
motive en
politique, ce sont ces
injustices frappantes
que je cherche à corriger quand
je le peux
Le problème, ce n’est pas les fonds disponibles, mais les postes de dépenses auxquels on choisit de les attribuer. Le gouvernement a choisi de faire voter la loi TEPA par exemple
(Ndlr : Loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir
d'achat », adoptée en 2007 sous le gouvernement Fillon), elle
représente un budget important de 11 milliards d’euros et
n’a pas fait ses preuves.
En comparaison, le budget voté pour le logement n’est que
de 50 000 millions d’euros, cela fait une vraie différence ! En
matière de chiffres et de choix.
Ce qui me motive en politique, ce sont ces injustices frappantes que je cherche à corriger quand je le peux.
Portraits de 100 Diplômés - 225
François Rougier
2003 PO
François Rougier intègre l'IEP de Grenoble en
1999. Il se destine alors au journalisme. En parallèle, déjà musicien et choriste amateur depuis de
nombreuses années, il entre aux chœurs universitaires de Grenoble où on lui conseille de s'inscrire
en classe de chant au conservatoire pour perfectionner sa technique vocale.
Dès lors, à partir de 2000 et jusqu'à l'issue de ses
études à l'IEP, il se forme en chant au Conservatoire de Grenoble dans les classes de Paul Guigue
puis de Cécile Fournier. Dans le même temps, il
décide de changer de projet professionnel pour
s'orienter vers les métiers de la culture. Ainsi, il
consacre son mémoire de fin d'études aux femmes chef d'orchestre et choisit de passer sa quatrième année (alors optionnelle) en stage : quatre
mois comme assistant de direction au service des
pratiques artistiques du Conseil général de l'Isère
et six mois comme assistant à la communication
aux Musiciens du Louvre – Grenoble.
François Rougier,
ténor
Il poursuit ses études toujours à Grenoble (pour
continuer à travailler avec la même professeure
de chant) et à l'IEP en intégrant le DESS direction
de projet culturel. Pour son stage de DESS, il retourne œuvrer aux Musiciens du Louvre mais cette fois-ci comme chargé de production. Il est embauché par l'orchestre à l'issue de son stage en
août 2004.
Après un CDD de onze mois, on lui propose la pérennisation de son poste en CDI. L'envie de passer
de l'autre côté des coulisses prend le pas. Il refuse
cette opportunité et décide de profiter des quelques mois d'indemnité ASSEDIC qui s'offrent à lui
à l'issue de son CDD pour suivre des cours au
conservatoire à plein temps, passer son diplôme
d'études musicales (DEM) et cumuler des heures
comme chanteur et comme chargé de production
pour acquérir le statut d'intermittent du spectacle.
Il se lance donc, soutenu par ses professeurs du
conservatoire et par Mirella Giardelli, directrice de
l'Atelier des Musiciens du Louvre – Grenoble. En
mai 2006, il obtient son DEM et son statut d'interPortraits de 100 Diplômés - 226
François Rougier
mittent grâce à ses cachets de chanteurs et à ses heures de responsable
des actions pédagogiques aux Musiciens du Louvre, un poste miadministratif, mi-musical, taillé à sa mesure, consistant à organiser les
projets en direction des scolaires, des chœurs amateurs et des écoles de
musique et à intervenir comme chanteur auprès des ces publics pour des
actions pédagogiques « participatives ».
Pendant trois ans, il mènera aux côtés de Mirella Giardelli un travail de
recherche artistique à travers sa participation à des spectacles interactifs
et mêlant la musique à la scène, au texte, à la vidéo... et un travail d'action culturelle sous sa casquette de responsable des actions pédagogiques. Dans le même temps, il diversifie ses expériences musicales en intégrant notamment le chœur Arsys – Bourgogne et
la Cie Les Brigands.
J’ai consacré
mon mémoire de fin d’études aux
femmes chefs d’orchestre
En 2008, il quitte Grenoble et s'installe en région parisienne.
Dès lors, il se consacre exclusivement au chant. En 2011, il
est lauréat du Concours international de chant de ClermontFerrand et finaliste du Concours international d'opéra et de
mélodie française de Mâcon et en janvier 2013, il intègre la
première Académie de l'Opéra-comique.
Entre temps, il se produit de plus en plus en ensemble de
solistes ou en soliste : Chapelle rhénane, Ensemble baroque
de Toulouse, rôles plus exposés dans les productions de la
Cie Les Brigands, Théâtre musical de Besançon, Opéra de
Rouen, Opéra de Saint-Etienne...
Cette saison, François Rougier est Ramasse-ta-tête et Romboïdal dans
Croquefer et L'Ile de Tulipatan d'Offenbach avec la Cie les Brigands en
tournée dans une vingtaine de théâtres, il chante le Requiem de Mozart
avec l'Ensemble baroque de Toulouse à Odyssud – Blagnac, il est Fritz
dans la Grande Duchesse de Gérolstein d'Offenbach avec la Cie les Brigands à l'Athénée – Théâtre Louis Jouvet, il est Guido dans la Chatte métamorphosée en femme d'Offenbach avec l'Orchestre de chambre Pelleas
à l'auditorium du Musée d'Orsay, il est Ruiz dans Il Trovatore de Verdi à
l'Opéra de Limoges et à l'Opéra de Reims, il participe à un concert Bach –
Telemann avec Opera fuoco à la Cité de la musique et il est Cassim
dans Ali Baba de Lecocq à l'Opéra-comique.
Lors des deux prochaines saisons, il participera à une coproduction chapeautée par le Centre français de promotion lyrique dans laquelle il jouera le rôle de Coelio dans Les Caprices de Marianne d'Henri Sauguet à
l'Opéra de Reims, à l'Opéra de Nice, à l'Opéra de Marseille, au GrandThéâtre de Tours, à l'Opéra-Théâtre de Saint-Etienne, au Capitole de Toulouse et à l'Opéra national de Bordeaux.
Depuis ses débuts, il pratique son métier de chanteur en privilégiant des
approches multiples tant dans la forme (musique d'ensemble et solo,
oratorio et scène) que dans les répertoires (Monteverdi, Bach, Mozart
mais aussi opérette et opéra-comique) et dans la lignée de ses études à
Portraits de 100 Diplômés - 227
François Rougier
l'IEP, il cultive son goût de la recherche et de la pluridisciplinarité.
Ainsi, il est en train de co-concevoir avec la metteuse en scène Alexandra
Lacroix un spectacle qui explore la thématique de la trahison dans les
Passions de Bach. Ce spectacle s'appelle : « Et le coq chanta... », il réunit
en scène cinq chanteurs, six instrumentistes et deux comédiens et puise
sa matière dans les trois Passions composées par Jean-Sébastien Bach :
Saint-Marc, Saint-Jean et Saint-Matthieu.
L'essence de ce projet est de prendre le temps de l'expérimentation et
de la recherche pour faire émerger un objet scénique dans lequel fusionnent les corps, le texte et la musique. Ce spectacle a déjà reçu le soutien à la production et à la diffusion d'ARCADI, son
montage est en cours, levé de rideau à l'automne 2014. À
suivre...
Je suis chanteur, mais je
privilégie des approches multiples tant
dans la forme que
dans les répertoires
Portraits de 100 Diplômés - 228
Gaëtan de Royer
2000 SP
Depuis 2003, Gaëtan de Royer est consultant chez
Communication & Institutions, pionnier du lobbying en France. Cette année, il développe son activité en région, en lançant « C&I – Territoires ».
On définit le lobbying comme l’ensemble des
moyens mis en œuvre par une entreprise ou une
organisation publique ou privée pour susciter une
décision publique ou en modifier l’orientation,
dans un sens favorable à ses intérêts.
Votre activité – le conseil en lobbying et affaires
publiques – est parfois décriée. Qu’apporte-t-elle
à la société ?
Les pouvoirs publics ont besoin de consulter les
parties prenantes pour nourrir leur réflexion et
éclairer leurs choix. Ce dialogue, que nous préparons et accompagnons pour nos clients, accroit la
légitimité et l’efficacité de l’action publique.
C’est vrai au niveau des objectifs poursuivis : l’intérêt général émane d’une confrontation des
points de vue et non d’une vérité unilatéralement
professée. C’est également vrai au niveau des modalités d’application : un texte dont l’application a
été anticipée peut gagner en précision et en clarté, il est alors opérant.
Trois questions à
Gaëtan de Royer
(SP 2000), consultant
en affaires
publiques et
lobbying
Chez nos clients, par ailleurs, on observe qu’une
expérience dans l’arène du débat public est toujours très responsabilisante : on accepte d’autant
mieux la loi qu’on a goûté, en amont, aux difficultés de sa conception (intervenants multiples,
négociations, compromis,…). Pour moi, c’est ça
l’entreprise « citoyenne » : celle qui accepte de
livrer son expertise aux décideurs, qui propose des
solutions et s’intéresse aux conditions d’application de la loi.
Vous développez votre activité en région, notamment en Rhône-Alpes : le lobbying n’est-il pas
réservé à des publics parisiens et bruxellois ?
Nous vivons deux évolutions profondes, qui rendent notre actuel défi de développement passionnant.
Portraits de 100 Diplômés - 229
Gaëtan de Royer
D’une part, une montée en puissance de l’institution régionale, qui orchestre le développement économique. D’autre part, et c’est peut-être le
point le plus marquant : une raréfaction historique des ressources publiques dont les premiers effets se font tout juste sentir.
Au final, les candidats aux aides et soutiens européens, étatiques ou régionaux vont devoir professionnaliser leurs relations avec les pouvoirs
publics : mieux comprendre leurs attentes, mieux y répondre et mieux
s’expliquer. La haute valeur ajoutée d’une démarche professionnelle du
lobbying local nous a sauté aux yeux dans le cadre d’une mission de défense d’un pôle de compétitivité, menacé de délabellisation, que nous
avons contribué à sauver.
Un bon
consultant
en lobbying a l’esprit
de synthèse et les idées
claires, le goût pour
l’argumentaire, la
pondération et la souplesse d’esprit
Cette expérience est le point de départ de notre projet de
développement, pionnier dans son genre : nous voulons offrir aux acteurs du développement économique régional une
méthode éprouvée depuis trente ans et faciliter leur intégration aux circuits de la décision parisiens et bruxellois.
Quel est le portrait type d’un lobbyiste ? Sur quelles qualités sont-ils sélectionnés ?
Chez C&I, nous privilégions la qualité de l’expertise plutôt
que le réseau, nécessaire mais souvent insuffisant. Dans ce
cadre, un bon consultant en lobbying a l’esprit de synthèse et
les idées claires, la passion de la chose publique et le goût
pour la dialectique argumentaire. Une grande curiosité intellectuelle, surtout.
Enfin, on n’insiste pas assez sur les qualités de diplomate :
l’écoute, la pondération et la souplesse d’esprit dans les négociations.
Très souvent, en-effet, le conseil en lobbying consiste à faciliter un compromis. Dans ce cas, nous aidons nos clients à faire le deuil de certaines
revendications pour avancer plus sûrement, en obtenant des résultats
concrets qu’une posture trop entière pourrait compromettre.
Sur les dossiers les plus durs, il s’agit moins d’imposer une façon de voir
que de convaincre les pouvoirs publics d’adopter celle qu’on estime la
meilleure pour eux – et qui toujours s’accorde avec les intérêts de nos
clients. Il faut donc savoir se mouvoir d’une partie à l’autre, connaître et
comprendre « l’esprit public ».
Portraits de 100 Diplômés - 230
Anne-Laure Saint-Dizier
1994 SP
Ancienne élève de l'IEP, agrégée de sciences sociales, et désormais administratrice au Sénat depuis
2002.
Entretien avec une femme qui a réussi l'un des
concours les plus difficiles et les plus prestigieux de
la fonction publique.
Pourriez-vous résumer rapidement votre parcours universitaire - éventuellement professionnel - jusqu'au concours d'administrateur du Sénat ?
Après le bac, j’ai fait deux ans de classe préparatoire (Hypokhâgne et Khâgne B/L) et ai passé le
concours d’accès en deuxième année de l’IEP de
Grenoble. J’ai intégré la section « Service public »,
dans l’optique de passer les concours d’entrée
dans la fonction publique.
Une femme dans
les arcanes
du palais
du Luxembourg
Après mes deux années à Grenoble, j’ai rejoint la
prép’ENA de Science Po Paris. Et j’ai finalement
réussi l’agrégation de Sciences sociales en candidat libre ! Je n’ai réussi le concours du Sénat que
six ans plus tard, en le préparant en candidat libre
tout en enseignant en lycée.
J’y suis rentrée en septembre 2002.
Pourquoi avoir choisi d'intégrer l'IEP de Grenoble ? En gardez-vous un bon souvenir (formation/
ambiance) ?
Je savais depuis très longtemps que je voulais faire
des études de Science politique. J’ai toujours été
passionnée d’histoire et de sociologie politique.
De ce point de vue, la formation que j’ai reçue à
Grenoble a été tout à fait à la hauteur des mes
attentes.
Je garde un parfait et excellent souvenir des cours
d’Institutions publiques, d’« Histoire des dictatures et des totalitarismes » et d’« Histoire du
Moyen Orient ». Nous avons eu la chance d’avoir
des professeurs passionnés et compétents dans
leurs disciplines. Avec quelques camarades de
promo et notre professeur de culture générale,
Portraits de 100 Diplômés - 231
Anne-Laure Saint-Dizier
Le concours d'administrateur du Sénat est pour ainsi dire, un des plus
difficiles parmi ceux proposés dans la fonction publique. Qu'est ce qui
vous a amenée à tenter votre chance ? Il s'agit au final d'un métier assez peu connu des étudiants, finalement en quoi consiste celui-ci ? Et
plus particulièrement au sein de la commission des affaires sociales ?
Plusieurs de mes amis de Prép’ENA avaient réussi le concours en 1996.
Leur témoignage m’a incité à tenter ma chance six ans plus tard. Je ne le
regrette pas aujourd’hui. L’un des attraits de cette administration est de
permettre aux administrateurs d’exercer à l’intérieur de l’administration
sénatoriale des fonctions très diverses.
Les administrateurs
sont des experts dans
leurs domaines, au
service des
sénateurs
Pour ma part, j’ai déjà occupé trois postes différents : dans
les services financiers du Sénat, à la commission des affaires
sociales et depuis quelques mois, j’ai été affectée à la Direction du Protocole et des relations internationales. Evidemment, lorsque l’on passe le concours, on espère travailler sur
les projets de loi avec les sénateurs. Le passage dans les services législatifs constitue le moment le plus exaltant de la
carrière : auditions, rédaction des amendements, rédaction
du rapport législatif, de rapports de contrôle, … Il s’agit de
devenir un expert dans son domaine au service des sénateurs.
Pour ma part, j’étais spécialisée sur la politique de la ville, le
logement social, les politiques de lutte contre la pauvreté et
en faveur des personnes handicapées.
Quel conseil pouvez-vous donner à ceux qui souhaitent passer des concours aussi exigeants ?
Il faut d’abord le vouloir bien sûr et beaucoup travailler. Il faut déjà s’assurer de connaître les bases du droit constitutionnel et parlementaire et
d’être très attentif à l’actualité politique et législative.
Il est recommandé de venir rencontrer des administrateurs du Sénat et
parler avec eux de leur métier, mais aussi de suivre les débats sur la chaîne du Sénat, Public Sénat. Le site du Sénat www.senat.fr recèle également une mine d’informations !
Quel regard portez-vous sur l'état du Parlement aujourd'hui
(phénomènes d'absentéisme, perte du monopole législatif...) ?
En tant que fonctionnaire je suis assujettie à certain devoir de réserve. Il
convient néanmoins de rappeler que la séance publique ne représente
qu’une petite partie du travail d’un parlementaire. D’autant plus que la
réforme constitutionnelle de 2008 a fait du travail en commission le
temps fort du travail législatif, puisque, désormais, l’examen en séance
publique se fait sur la base du texte issu des travaux en commission et
non plus sur la base du projet du Gouvernement (ou du texte transmis
par l’Assemblée nationale).
Portraits de 100 Diplômés - 232
Anne-Laure Saint-Dizier
Le travail en commission est très chronophage et les sénateurs y participent avec une grande assiduité et implication : auditions, examen des
amendements, etc. Ils sont membres d’une commission et se spécialisent
sur certains sujets. Ils interviennent donc logiquement sur les sujets qu’ils
maîtrisent. On ne peut être expert à la fois sur les sujets de défense,
d’environnement, de fiscalité et de handicap !
Comment envisagez-vous votre avenir professionnel ?
Très positivement. Tout est ouvert. Je peux poursuivre ma carrière au
Sénat et occuper différents postes. La communication m’intéresse. Je
retournerai très certainement en commission. Pourquoi pas
les affaires étrangères ou les affaires européennes après
mon passage aux relations internationales ?
On ne peut
pas être expert à la fois sur les
sujets de défense, d’environnement, de fiscalité et de handicap !
Portraits de 100 Diplômés - 233
Vincent Sauzereau
2009 SP
Pouvez-vous résumer, en quelques lignes, le cursus que vous avez suivi à l'IEP de Grenoble ?
Tout d'abord, je dois dire que je garde vraiment de
très bons souvenirs de mon passage à l'IEP (20042009). Que ce soit en amphi ou en conférence de
méthode, la formation de l'IEP et les profs apportent un ensemble d'éléments solides permettant
de se forger une bonne culture générale tout en
laissant une grande place à la réflexion et aux débats. C'est à mon sens ce qui fait la richesse des
IEP, avec bien sûr l'ambiance de promo toujours
bien appréciable !
Pour ma part, après la première année de tronc
commun, j'ai suivi la section service public, puis j'ai
intégré la filière Carrières publiques dans le cadre
de laquelle j'ai effectué un stage de 6 mois à l'Ambassade de France en Chine. Puis j'ai suivi la Prép'ENA en 5e année.
Et donc le passage de concours administratifs ?
Responsable du
Département
enfance / jeunesse
à la Caisse
d'Allocations
Familiales
Oui, j'ai passé différents concours avec une admissibilité à l'INET puis une admission au concours
d'attaché territorial. Puis j'ai été admis par la suite
à l'EN3S, l’Ecole nationale supérieure de la Sécurité
sociale. J'ai ensuite suivi les 18 mois de scolarité de
l'EN3S à St Etienne.
Comment avez-vous trouvé votre premier poste ?
A la sortie de l'EN3S, une liste de postes à pourvoir
est communiquée aux élèves qui postulent ensuite
dans le cadre d'entretiens similaires au secteur privé. Des postes sont proposés chaque année dans
les différents organismes de Sécurité sociale : Caf,
CPAM, Urssaf, Carsat mais aussi les caisses nationales ainsi que les caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) et du Régime social des indépendants
(RSI). Pour ma part, j'ai été recruté à la caisse d'allocations familiales (Caf) de Lyon, qui est devenue
ensuite la Caf du Rhône suite à la départementalisation du réseau des Caf fin 2011.
Portraits de 100 Diplômés - 234
Vincent Sauzereau
En quoi consistait votre premier poste ?
J'étais attaché de direction, au cabinet du Directeur général. C'était un
poste intéressant, car très transversal : suivi de projets stratégiques, préparations de notes et d'interventions pour le directeur... J'ai notamment
piloté le projet d'ouverture d'une nouvelle antenne de la Caf dans le 8e
arrondissement de Lyon.
Votre poste actuel semble assez différent ?
Oui, tout à fait. Je suis désormais en situation de management : je suis responsable du Département enfance / jeunesse qui compte 25
personnes. Je manage 7 conseillers techniques qui accompagnent les collectivités et les structures et négocient des
contrats sur les territoires sur les thématiques d'accueil du
jeune enfant et de la jeunesse.
Je découvre
les joies et
les exigences du management dans un organisme de grande
taille
Par ailleurs, je gère trois unités de liquidation de prestations
de service, en m'appuyant sur 3 cadres intermédiaires plus
techniques. Il s'agit donc d'un service tourné vers les partenaires de la Caf, à savoir les collectivités locales et les gestionnaires d'accueil collectif.
Je découvre donc les joies, et bien sûr, les exigences du management dans un organisme de grande taille (la Caf du Rhône
compte près de 1 000 salariés) et sur une thématique qui est
assez politique dans la mesure où la création de places de crèche
constitue depuis plusieurs années une des priorités fortes de l’Etat mais aussi des communes.
Quelles sont les compétences requises dans vos fonctions actuelles ?
Je pense que gérer la dimension managériale du poste est la première
priorité. Les conseillers techniques que je manage sont des experts dans
leur domaine (petite enfance et jeunesse) et aspirent à une certaine autonomie : il faut donc affirmer sa légitimité tout en sachant que je n'ai pas
vocation à en savoir plus qu'eux sur tout. Je dois naturellement leur laisser
des marges de manœuvre mais en veillant bien sûr à ce que leur autonomie ne se transforme pas en indépendance.
Il m'apparaît donc important qu'ils me fassent des retours régulier afin que
je m'assure qu'ils avancent bien dans l'intérêt de la Caf. Quant à la supervision des unités de liquidation, elle implique de mettre un peu "les mains
dans le cambouis" et se pencher sur la dimension technique des prestations versées et sur les circuits de travail : certes, je m'appuie sur des cadres qui maîtrisent bien cette technique mais il est indispensable pour moi
de bien comprendre les enjeux en présence.
Le corpus théorique appris à l'IEP constitue toujours des références utiles
pour évoluer dans le domaine public et comprendre les grands enjeux de
société : ma connaissance des institutions publiques et des acteurs du social acquise pendant ma scolarité à l'IEP m'aide aujourd'hui à comprendre
Portraits de 100 Diplômés - 235
Vincent Sauzereau
les problématiques de mon Département. Après, la formation de l'EN3S beaucoup plus concrète - a été également indispensable pour monter en
compétence en matière de management, de communication, de budget,
de gestion du temps...
La gestion du temps est d'ailleurs une des clés de réussite sur mon poste
actuel entre les sollicitations tous azimuts, la boîte mail qui explose, les
exigences internes et externes... La dimension budgétaire est aussi importante sur mon poste puisque mon Département gère de grosses enveloppes financières. Après, je pense que quelle que soit sa formation initiale, il
y a toujours beaucoup d'éléments assez techniques à apprendre en arrivant sur un nouveau poste.
Même si peu
connus, les
postes de la Sécurité
sociale s’inscrivent
dans la continuité des
formations de l’IEP
Et comment voyez-vous la suite ?
Je compte rester au moins trois ans sur ce poste, un temps
nécessaire du fait d'une dimension partenariale importante
sur mon poste (notamment avec le Conseil général du Rhône
et la Ville de Lyon...) Et puis, je prendrai probablement un autre poste de management, ici ou ailleurs, avant d'intégrer
l'équipe de direction d'un organisme.
Y a-t-il beaucoup d'autres anciens élèves de l'IEP dans les
Caf ?
Beaucoup non, mais quelques uns. En fait, être passé par
l'EN3S est un prérequis pour accéder à ces types de poste.
Après, il est vrai que les IEP fournissent une bonne partie des élèves externes de l'EN3S. On en retrouve donc forcément à la Sécurité sociale, de manière assez dispersée toutefois.
En conclusion, que souhaiteriez-vous ajouter ?
Les postes de la Sécurité sociale sont mal connus d'une manière générale.
Ils s'inscrivent pourtant très bien dans la continuité des formations dispensées à l'IEP avec une finalité de service public évidente et en même temps,
une dimension managériale forte, des responsabilités, des fonctions très
variées (ressources humaines, comptabilité, action sociale...) Enfin, une
condition pour accéder à ces différents métiers de la Sécurité sociale : réussir le concours de l'EN3S, ce qui est tout à fait faisable en sortant de
l'IEP, à condition de le préparer un minimum !
Portraits de 100 Diplômés - 236
Gaël Sliman
1996 PO - DESS Progis 1997
Que pensez-vous de la formation PROGIS ?
BVA recrute beaucoup d'étudiants issus du master
PROGIS depuis une dizaine d’années. C’est une
formation éclectique formant des étudiants aux
profils variés allant du littéraire acquérant des capacités en statistiques, aux « matheux » intéressés
par les sciences humaines.
Les étudiants suivant cette formation ont un profil
très professionnel leur permettant de s’adapter
rapidement au marché du travail.
Ceci est dû selon moi à l’étude-école réalisée chaque année par les étudiants.
Que conseillez-vous aux étudiants de l’IEP souhaitant intégrer le milieu des études ?
Je recommande d'effectuer des stages en institut
car l’étudiant y est sollicité et considéré comme
un véritable chargé d’étude junior, se voyant
confier diverses tâches. Une entreprise comme
BVA investit beaucoup sur un stagiaire lors de sa
formation. En effet l’étudiant est souvent recruté,
s’il le souhaite, dans l’institut dans lequel il a effectué son stage.
Un diplômé qui
sonde l’opinion
pour BVA
Le parcours de Gaël SLIMAN
Après avoir choisi la section politique en deuxième
année à Sciences Po Grenoble, il effectue un stage
chez Ipsos et intègre le DESS PROGIS. Il effectue
son stage de fin d’études à l’IFOP en 1997, dans un
contexte très particulier : celui de la dissolution du
Parlement par Jacques Chirac.
Il fait son service militaire au Service d'Information
du Gouvernement, au plus proche des instituts de
sondage, ce qui lui a permis d'entrer à BVA opinion
en tant que simple chargé d’étude. Il devient progressivement directeur d’études, et enfin directeur
adjoint et directeur du pôle opinion de BVA depuis
2008.
Portraits de 100 Diplômés - 237
Laurent Smolen
1993 EF
Laurent, pouvez-vous nous décrire votre parcours
depuis Sciences Po Grenoble jusqu'à aujourd'hui ?
Après l’obtention de mon diplôme de l’IEP en
1993, j’ai effectué un 3ème cycle à l’IAE de Nancy,
avant de décrocher mon premier emploi dans le
secteur des fonds d’investissement chez FIDELITY
à Luxembourg. J’ai ensuite effectué mon service
militaire à Nouméa en Nouvelle-Calédonie ou j’ai
par ailleurs eu l’opportunité de visiter de nombreux pays de la zone Asie-Pacifique.
A mon retour, après avoir pris la direction d’une
agence bancaire, j’ai eu l’opportunité de créer et
de diriger Fund-Market, une société de gestion
filiale de la Banque de Luxembourg, et totalement
dédiée aux fonds d’investissement. Cette expérience enrichissante m’a ensuite permis de coordonner toute l’implémentation de la multigestion
dans le Groupe CM-CIC en France et au niveau
international (Suisse, Singapour,…), et en parallèle, de structurer des mandats de gestion pour des
clients internationaux fortunés.
A la découverte
d'un Family Office
C’est suite à cette expérience significative dans la
gestion de portefeuilles que j’ai décidé en 2008,
de créer Olkad, multi family office international
indépendant, en association avec la holding familiale FinanceCom, premier groupe privé marocain
(20.000 employés dans le monde) appartenant à
M. Othman Benjelloun, classé 347ème fortune
mondiale selon le dernier classement Forbes de
mars 2013, avec plus de 3,1 milliards USD d’actifs
financiers personnels estimés.
A quoi correspond aujourd'hui un family office ?
Quel est son rôle, son positionnement et les limites de ce dernier ?
Le concept de Family Office est né aux Etats-Unis
à la fin du XIXème siècle où les familles fortunées
se sont entourées de professionnels de la finance
et de professionnels juridiques et fiscaux pour la
gestion de leur patrimoine.
Basé à Luxembourg, et détenteur en propre de
son capital, Olkad accompagne la holding FinanceCom dans ses développements internationaux, et
plusieurs autres familles internationales fortuPortraits de 100 Diplômés - 238
Laurent Smolen
nées, en toute objectivité et sans le moindre conflit d’intérêt.
Les objectifs du family office sont la protection du patrimoine familial,
ainsi que l’accroissement et l’accompagnement de ce même patrimoine
afin
de
le
transmettre
aux
générations
futures.
L’Offre de Services d’Olkad est basée sur deux piliers : le conseil en Stratégie Patrimoniale et le conseil en Investissements Financiers
Le Family Office exerce en qualité de « Secrétaire Particulier » des familles qu’il conseille. A ce titre, il représente la mémoire vive du patrimoine
familial, et intervient à côté de ses clients en toute indépendance et objectivité, à travers des services à haute valeur ajoutée.
Le Family
Office prend
en compte tous les aspects du patrimoine :
financier, professionnel, social et familial
Le Family Office prend en compte tous les aspects du patrimoine : financier, professionnel, social et familial.
Il exerce le rôle de chef d’orchestre, et sélectionne scrupuleusement les différents partenaires qui sont amenés à répondre au cahier de charges des familles qu’il conseille : banques, assurances, partenaires financiers (Sociétés de Gestion
etc…), avocats, notaires, promoteurs immobiliers, galeries
d’art,…
La clé de voute de l’activité repose sur la bonne connaissance
du patrimoine familial et de son environnement, ainsi que
sur la relation intuitu personae développée avec son client,
ce qui assurément, prend du temps !
Quel est concrètement votre travail au sein d'Olkad ?
En tant qu’associé fondateur, je supervise les différentes structures du groupe (société de conseil, fiduciaire dédiée, management
company), et je suis administrateur des sociétés et véhicules d’investissement de mes clients.
D’un point de vue opérationnel, je coordonne l’activité de conseil en investissements financiers qui est l’un des deux piliers du family office.
Le conseil en investissements financiers vise à mettre en place des solutions financières pérennes qui correspondent aux réels besoins exprimés
par nos clients, tout en tenant compte de la Stratégie Patrimoniale mise
en place. Il s’organise généralement en 3 étapes : le Bilan Financier (analyse et compréhension du patrimoine financier existant), la construction de l’allocation d’actifs (définition des profils d’investissement,
des besoins et des contraintes) et la sélection des gestionnaires et des
produits (choix des sous-jacents et construction des portefeuilles)
Nous assurons ensuite un suivi des solutions de gestion mises en place :
analyses macro-économiques, contrôle permanent des gérants et des
produits sélectionnés, analyse comparative des performances et des
coûts, agrégation des avoirs financiers et non financiers à travers des services et des outils dédiés de consolidation du patrimoine global.
Quelles sont les prochaines tâches que vous vous êtes fixées dans votre
vie professionnelle ?
J’ai la chance et le luxe de piloter mes propres sociétés, au contact de
clients au profil très entrepreneurial, dans un environnement internatioPortraits de 100 Diplômés - 239
Laurent Smolen
nal, ce qui est très motivant !
Mon principal objectif est de pérenniser les relations privilégiées que
j’entretiens avec les clients que nous conseillons, et accessoirement de
maintenir mon équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie privée,
au cœur de l’Europe, au Grand Duché de Luxembourg.
Quel a été l'apport de la formation de Sciences Po Grenoble dans votre
parcours ?
Ouverture sur le monde, respect d’autrui, sens des priorités, esprit critique et de synthèse, clarté des propos, caractérisent quotidiennement
l’activité du family officer, au même titre que la formation
prodiguée à Sciences Po..
Je coordonne l’activité
de conseil en investissements financiers qui
est l’un des deux piliers du Family Office
Avez-vous des conseils pour les élèves de l'IEPG ?
La formation dispensée à l’IEP et le diplôme qui la sanctionne
sont assurément un excellent passeport pour entrer dans la
vie professionnelle. Mais à diplômes internationaux équivalents, ce sont les qualités personnelles et les parcours individuels de chacun qui font la différence.
Mes conseils seraient donc de commencer à se constituer
son propre réseau dès l’entrée à l’IEP, en multipliant les stages même non obligatoires à l’instar de ce que tu as fait en
nous sollicitant, ou les séjours à l’étranger.
Portraits de 100 Diplômés - 240
Clotilde Tarditi
2003 DESS
Aujourd’hui âgée de 33 ans, je me remémore avec
plaisir mes six années au sein de l’université Pierre
Mendès France. Après une maîtrise et un DEA en
Sciences Économiques, c’est finalement à l’IEP de
Grenoble que j’ai terminé mon cursus universitaire dans le cadre du DESS « Métiers du développement social territorialisé » (actuel master Ville,
Territoires et Solidarité).
Cette dernière année marque pour moi à la fois la
fin de mes études et le début de ma vie professionnelle. En effet, un stage de 8 mois à l’OPAC 38
effectué dans le cadre du DESS m’a réellement mis
le pied à l’étrier et m’a permis de commencer à
me faire connaitre dans le monde de l’habitat social de l’agglomération grenobloise.
Avant même d’être diplômée, j’ai commencé à
travailler au sein d’une association de défense des
locataires en tant qu’adjointe de direction. A la
Confédération Nationale du Logement de l’Isère,
j’ai acquis les bases d’une connaissance de terrain
du secteur pour lequel je commençais à me passionner. Au contact des bénévoles, j’ai beaucoup
appris et j’ai pu confronter mes connaissances
théoriques à la réalité.
Agente de relation
avec la clientèle
dans l’habitat social
au Québec
Ce premier poste m’a permis de rencontrer beaucoup de monde et de faire reconnaître mes compétences. Trois ans plus tard j’ai intégré le poste
de responsable du service Habitat de la Ville d’Echirolles où j’ai pris la responsabilité d’une équipe
de 6 personnes. Tout en travaillant, j’ai réussi le
concours d’attaché territorial en 2008 et je suis
ainsi devenue membre à part entière de la fonction publique territoriale. Grâce à ce second poste, j’ai côtoyé le milieu communal et intercommunal, les bailleurs sociaux et le milieu associatif.
Ces six années passées à la Ville d’Echirolles ont
été synonymes de progression à travers de nombreux projets et rencontres.
Parallèlement à ma vie professionnelle enrichissante, je nourrissais avec mon conjoint le projet
d’une installation au Québec (Canada). Après deux
Portraits de 100 Diplômés - 241
Clotilde Tarditi
de poursuivre ma carrière dans ce domaine. Grâce à un intense réseautage, de la chance et des révisions d’anglais, j’ai trouvé un poste d’agente
de relation avec la clientèle aux habitations Jeanne Mance.
Situé en plein cœur du centre-ville de Montréal, ce site de 800 logements
est subventionné par la Ville et la SCHL (Société Canadienne d’Hypothèque et de Logement). Depuis 8 mois, j’y pratique les rudiments de la gestion locative « à la québécoise ».
Je trouve beaucoup de similitudes avec mon expérience professionnelle
française tout en découvrant des modes de financement différents ou
encore un milieu interculturel particulièrement diversifié
avec des locataires venant de tous horizons.
Au Canada,
je découvre
des modes de financement différents et un
milieu interculturel
très diversifié
Je compte mettre à profit mes expériences variées pour
continuer à progresser professionnellement dans le domaine
de l’habitat social sur le sol canadien.
Portraits de 100 Diplômés - 242
Stéphane Thivin
1989 EF
Enseignant à l’IUT Lyon 1, responsable des relations entreprises au sein du département Gestion
des Entreprises et des Administrations.
Co-auteur du livre « l’étudiant en entreprise
» (Lamy).
Le parcours depuis la sortie de l’IEP en 1989 ?
DEA d’économie industrielle (UPMF) puis thèse en
économie appliquée sur la relation client – fournisseur dans l’industrie. Prof assistant à l’IEP Grenoble, puis IEP Lyon (prépa concours service public). Agrégation de gestion en 1995, prof en lycée
et chargé de cours à l’IEP Lyon et à l’IUT Lyon 1
département Gestion des entreprises et des Administrations.
Depuis 2001 en poste à l’IUT Lyon 1 et chargé des
relations avec les entreprises. J’ai exercé les fonctions de responsable de formation (DUT alternance, puis licence pro en alternance), ai contribué au
développement des formations en alternance,
aujourd’hui le département gère plus de 100
contrats en alternance, principalement sur des
diplômes de Bac +3 à très fort niveau d’insertion
professionnelle.
J’ajoute que l’IUT Lyon1 comprend 5000 étudiants
dont environ 20% en alternance (au sein de 42
licences professionnelles) ce qui en fait le 1er site
de France pour les formations en alternance de
niveau licence.
Pourquoi un livre sur l’étudiant en entreprise ?
Responsable
Relations
Entreprises
»
Parce que les jeunes ne sont pas des professionnels !
Au-delà de la provocation, l’enjeu du projet professionnel, de la spécialisation et de la construction des compétences tout au long de la formation
universitaire est aujourd’hui crucial pour s’insérer
professionnellement dans de bonnes conditions.
Un bon diplôme ne suffit donc pas ?
Absolument, trop d’étudiants n’ont aucune cons-
Portraits de 100 Diplômés - 243
Stéphane Thivin
cience des exigences actuelles en termes de compétences du marché du
travail. L’enjeu est aujourd’hui double, établir un projet personnel et bâtir un cursus de formation et d’expériences permettant de construire sa
professionnalisation.
La notion de compétences est au cœur de ces enjeux et implique un rapprochement fort entre contenu des formations et activités professionnelles. C’est pour cette raison que l’apprentissage dans l’enseignement supérieur donne des résultats aussi probants tant dans l’insertion professionnelle
que
dans
l’adéquation
diplôme
–
emploi.
Trop
d’étudiants
n’ont aucune
conscience des
exigences
actuelles en terme de
compétences du
marché du
travail
Stéphane THIVIN (1989 EF)
L'étudiant en entreprise, Enjeux et cadre juridique de l'alternance
Editions Lamy, 2010
Portraits de 100 Diplômés - 244
Philippe Tormento
1985 SP
Quelle est votre formation ?
À Grenoble, j’avais opté pour la filière service public et j’envisageais de préparer les concours. Et
puis les circonstances en ont décidé autrement.
Dès la sortie de l’IEP, j’ai eu l’opportunité d’entrer
dans la vie active. Cela ne m’a pas empêché d’approfondir avec un DEA d’administration publique à
l’UER de droit de Grenoble, puis avec un DESS de
gestion et de management des collectivités territoriales à l’IEP de Lyon où j’ai continué à donner
régulièrement des heures d’enseignement.
Plus tard, mes fonctions à la tête des services médico-sociaux du Département de la Vendée m’ont
conduit à mettre en place deux diplômes d’Etat
d’assistant de service social et d’éducateur spécialisé et à former les futurs jeunes professionnels à
l’Ecole Supérieure des Métiers du Social. En Haute
-Savoie où je suis actuellement en poste, le
Conseil général vient de mettre en place avec
Sciences Po Grenoble un Master « Autonomie et
services à la personne » dans le champ du grand
âge et du handicap. C’est tout l’intérêt de concilier
travail et formation : partager son expérience et
s’enrichir de celle des autres.
Et votre parcours professionnel ?
Directeur Général
Adjoint Action
Sociale Solidarité
Au lendemain des élections législatives en 1986,
j’ai fait mes premières armes à l’Assemblée Nationale comme attaché parlementaire avant d’entrer
en cabinet ministériel pour être conseiller technique. Par la suite, j’ai dirigé le cabinet du Président
de la Région Rhône-Alpes, Charles Millon, avant
de retrouver le Parlement en intégrant le groupe
parlementaire des Républicains Indépendants au
Sénat comme conseiller auprès de son Président
Henri de Raincourt qui est devenu ministre de la
coopération.
C’est au début des années 2000 que Dominique
Perben, alors ministre de la justice et maire de
Chalon-sur-Saône m’a proposé de prendre la direction de son cabinet. Entre temps, j’avais exercé
Portraits de 100 Diplômés - 245
Philippe Tormento
un mandat électif municipal dans la Drôme dont je suis originaire.
Après plus d’une dizaine d’années passées dans les sphères politiques,
j’ai souhaité évoluer. Cette nouvelle orientation m’a conduit à prendre la
direction générale des services sociaux du Département de la Vendée en
2008 et à travailler au côté de Philippe de Villiers. Avec la découverte
d’un nouveau métier et d’un nouveau territoire. Enfin, en 2011, j’ai été
sollicité par le Département de la Haute-Savoie pour prendre la responsabilité de la direction générale des services de l’action sociale et de la
solidarité. C’est un retour aux sources pour le rhônalpin que je suis.
Dans toutes ces expériences, quel est le fil conducteur ?
J’ai eu la
chance d’exercer des fonctions
variées, de connaître
notre pays sous différents visages, et de
faire des rencontres
marquantes
J’ai eu la chance d’exercer des fonctions variées, de connaître notre pays sous différents visages, et de faire des rencontres marquantes. Cultiver ses racines, se remettre en cause et, chaque fois, s’adapter au contact de réalités nouvelles,
c’est ça le fil conducteur.
En quoi consistent vos fonctions actuelles ?
Directeur général des services départementaux en charge de
l’action sociale et de la solidarité, j’ai la responsabilité de
1000 professionnels sociaux et médico-sociaux et d’un budget de 300 millions d’euros, le plus important de la collectivité. Notre mission est d’accompagner les 750 000 HautSavoyards à tous les âges de la vie, qu’il s’agisse de la protection maternelle infantile, de la prévention spécialisée, de la
protection de l’enfance, de l’insertion sociale et professionnelle, du logement, de la santé, ou bien encore du grand âge et du handicap. La durée côtoie l’urgence.
On est au carrefour de tout, depuis le management à la formation, en
passant par la gestion budgétaire et la veille juridique, sans oublier l’observation des besoins et l’évaluation des politiques publiques. Le social
est un domaine souvent méconnu et sujet à stéréotype. En réalité, c’est
très concret : un toit, un emploi, une formation, une aide alimentaire, un
soutien à domicile, une mesure de protection, un accompagnement éducatif, un agrément pour une adoption, une vaccination, etc. Derrière chaque numéro de dossier, nous veillons à ne jamais oublier qu’il y a une vie.
Que vous apporte votre métier ?
Agir au service des plus fragiles et des plus démunis est une leçon d’humilité quotidienne. On apprend à se taire pour écouter et observer avant
d’agir. Rien de mieux pour garder les pieds sur terre. Et puis, faire quelque chose qui a un sens, quelque chose d’utile, cela compte.
Portraits de 100 Diplômés - 246
Philippe Tormento
À quoi vos études à l’IEP vous ont-elles servi ?
Pour apporter les bonnes réponses, il faut d’abord se poser les bonnes
questions, au contraire des experts qui confondent conviction avec certitude. Sciences Po, c’est une méthode : apprendre à apprendre, et savoir
aller à l’essentiel. C’est aussi un état d’esprit : donner libre cours à sa
curiosité sans s’interdire le moindre sujet. J’aimais bien cette approche
éclectique.
Si vous aviez un message pour les étudiants de l’IEP ?
Faire
quelque
chose d’utile, qui a du
sens, c’est important
et ça permet de
garder les
pieds sur
terre
Les diplômes sont un moyen, pas une fin. Plus que d’expertise, c’est d’abord de bon sens dont nous avons besoin. Et
pour ça, rien ne remplacera jamais deux outils indispensables
qu’on ne trouve ni dans les grandes écoles, ni dans les universités : le « pifomètre » et le « trouillomètre ».
Portraits de 100 Diplômés - 247
Yves Trevilly
1990 POL
L’Institut d’Études Politiques de Grenoble
J’ai intégré Sciences Po Grenoble en seconde année, en accès direct, après avoir fait mon service
national. Mon premier véritable souvenir est une
conférence de méthode animée par Pierre Bréchon, sur l’action sociale.
Tout cela m’a un peu interrogé au début, après
cette année de césure, mais je dois dire que dans
l’ensemble cela a plutôt bien fonctionné. J’ai aimé
ma vie à Science Po Grenoble.
Je me rappelle avoir choisi de mener un projet de
recherche sur le « centre » en politique, à une
époque où, c’était en 1988, il y avait un vrai débat
sur sa place dans la vie politique française. J’ai
alors décidé d’aller à la rencontre d’un certain
nombre de politiques locaux en Isère.
Du football au lobbying, en passant
par le monde politico-médiatique
J’ai rencontré par exemple Michel Destot, Richard
Cazenave et surtout un député qui se nomme
Georges Colombier. Georges Colombier était à
l’époque député et vice-président du conseil général de l’Isère. Lors d’une de nos entrevues, je lui
avais confié que la politique m’intéressait énormément Il m’a alors proposé de venir faire un stage à
Saint-Jean-de-Bournay dans le Nord-Isère, en août
1989. J’ai donc été tout de suite confronté à la
réalité du terrain politique.
Suite à mon stage, j’ai accepté de travailler à mitemps pour Georges Colombier. Il m’a alors fallu
gérer ce mi-temps avec mes études. Imaginez le
casse-tête administratif. Pour cela, j’ai dû condenser tous mes cours obligatoires à Sciences Po le
lundi et le mardi pour que je puisse rejoindre la
permanence du député du mercredi au vendredi.
Mon mémoire sur « le métier de député » a cependant été plus facile à rédiger. Par la suite, j’ai
fait le choix de me consacrer pleinement à mes
activités d’assistant parlementaire, raison pour
laquelle je n’ai pas fait le DEA d’études politiques
auquel je m’étais inscrit.
Portraits de 100 Diplômés - 248
Yves Trevilly
Le monde du travail
L’idée que je me fais du métier du collaborateur d’élu, c’est vraiment l’idée du joueur de football qui commence sa carrière. Il y a plusieurs façons d’entrer dans le monde politique. On peut chercher à se présenter à
une élection, travailler pour des élus, intégrer la haute-administration.
J’ai emprunté la porte jugée parfois « moins noble », celle d’assistant
parlementaire en circonscription. Je dis « moins noble », mais c’est pour
moi probablement la plus formatrice.
On est confronté à la réalité du terrain et à ses enjeux. Cela demande
une vraie rigueur, un vrai travail de fond. Dans la 7e circonscription de l’Isère, il fallait être au fait aussi bien des problématiques agricoles et industrielles, que des questions relatives aux villes nouvelles, aux jeunes, aux questions d’immigration, à la disparition des services publics en zone rurale…
Tout cela en communiquant localement, donc en entretenant des relations avec la presse locale.
Au fil des
ans, j’ai
trouvé la voie qui me
correspondait le
mieux, celle de
conseiller
J’étais alors un jeune joueur de foot, qui, à force de travail et
d’investissement devenait peu à peu un joueur professionnel
avec l’ambition d’être repéré par un club d’envergure. En
1993, j’ai eu une proposition de Richard Cazenave pour devenir son assistant parlementaire à l’Assemblée Nationale.
J’ai donc quitté, à regret, l’équipe de Georges Colombier. À
regret car cela reste l’une de mes plus belles expériences
professionnelles, je pense y avoir appris énormément. Vous savez, lorsqu’il n’y a pas de budget, eh bien il faut avoir des idées, être créatif, innover.
En 1995, j’ai été approché par un collaborateur d’Edouard Balladur qui
souhaitait que j’intègre l’équipe de campagne. Finalement, en avril,
Edouard Balladur ne parvient pas à se maintenir au second tour de la
présidentielle, devancé dans son camp par Jacques Chirac.
Comme tout le monde le sait, s’ensuit une période plutôt mouvementée
dans les rangs de la droite. C’est à ce moment qu’un ancien professeur
de Sciences Po Grenoble, Patrick Labaune me contacte. Député de la
Drôme, il a été élu maire de Valence et me propose de le rejoindre en
qualité de directeur de cabinet et directeur de la communication à la
mairie tout en gardant un œil sur ses activités de parlementaire.
Après quelques années passées à ses côtés, fort de cette double identité,
élu local / élu national, je décide de revenir sur Paris. Je mène tout d’abord une mission de conseil pour le chef de gouvernement de Monaco,
puis je suis nommé directeur de cabinet du président du conseil général
du Val-d’Oise François Scellier, chargé également de suivre ses activités
parlementaires.
Portraits de 100 Diplômés - 249
Yves Trevilly
En 2004, Renaud Dutreil devient ministre de la Fonction Publique et de la
Réforme de l’Etat et me propose de le rejoindre. Je deviens alors son
chef de cabinet au 72 rue de Varenne. À l’horizon 2005, on commence à
parler de remaniement. Différentes propositions me sont faites, notamment celle d’être candidat.
Si cela avait pu être l’un de mes objectifs de carrière, alors encore étudiant à l’IEP, j’avais au fil des ans trouvé la voie qui me correspondait le
mieux, celle de conseiller. Il faut dire que l’abnégation qu’une carrière
politique demande a pu, je dois le reconnaître, me décourager. C’était
alors l’occasion pour moi de faire une synthèse de mon parcours. J’avais
fait le tour de tous les postes auxquels je pouvais prétendre dans la sphère politique ; s’ouvrait alors à moi le monde de l’entreprise
qui m’avait déjà approché par le passé.
Aujourd’hui,
j’ai un
réseau dense dans le
monde politique et j’ai
le recul qui me permet
de frapper
juste
Enrichi d’un passage au sein d’un cabinet ministériel, je me
suis très vite retrouvé en contact avec une firme multinationale, British American Tobacco. J’intègre BAT en septembre
2005 comme responsable des relations institutionnelles,
comprenez du lobbying. En 2008 je suis nommé directeur du
département relations institutionnelles et membre du comité
de direction. En novembre 2012, je quitte l’entreprise et je
crée ma propre agence en janvier 2013, Sélénor Conseil.
Voilà pour mon parcours. Quand on prend du recul, on se
rend compte qu’on est très lié à certains événements. Les
parcours professionnels sont très liés à des hasards de rencontre, à des opportunités. Il me paraît essentiel de toujours
garder une bonne image, d’être loyal et bosseur. Il faut aussi faire l’effort
de cultiver son réseau, de l’enrichir, de l’entretenir, c’est primordial.
Quand j’intègre l’équipe de Georges Colombier, je ne connais personne.
Aujourd’hui j’ai un réseau dense dans le monde politique, médiatique…
Maintenant j’ai le recul, les connaissances, l’expérience, le réseau qui me
permettent de « taper juste » pour mes clients. En tout cas, je ne pense
pas que l’on ait le temps d’avoir des regrets, même si j’en ai pas mal. Il
faut savoir rebondir, il y a beaucoup de concurrence dans ce milieu. Il
faut savoir se distinguer.
Selon moi, on fait la différence sur une réputation, sur une façon de travailler, et bien sûr sur des résultats. La communication et le lobbying sont
les deux faces d’un même ouvrage. Il faut trouver le juste milieu, et les
bons axes qui font la somme des intérêts de tous, du journaliste, du politique, du client... C’est cela que je propose à mes clients aujourd’hui. Je
fais à la fois du lobbying, de la communication et des relations presse.
Le b.a.-ba du lobbying
Il y a beaucoup de fantasmes au sujet du lobbying, carrefour entre le
monde politique et le secteur privé. Les propositions d’un député se font
Portraits de 100 Diplômés - 250
Yves Trevilly
quasiment toujours en fonction de la défense de sa circonscription et de
ses intérêts. Si un député de Savoie multiplie les initiatives sur le domaine maritime, oui, c’est suspect et incohérent. Je n’aime pas l’idée très
poujadiste qui consiste à dire, « tous pourris ». Il peut certes y avoir des
problèmes, mais cela reste à la marge, depuis la mise en œuvre des lois
sur le financement de la vie politique et des campagnes électorales. Le
lobbysme, c’est avant tout la défense des intérêts.
À un moment, vous êtes une entreprise, vous avez besoin de défendre
votre position, de connaître les inclinaisons du gouvernement sur tel aspect, les projets de loi.
Ce qui est primordial, c’est que l’administration ou le ministre ou le parlementaire puisse entendre toutes les parties, pour pouvoir décider en
toute connaissance de cause. Après c’est à chacun d’être le
plus performant, le plus persuasif possible en fournissant
les meilleurs exemples, les meilleurs arguments et les meilleures idées prospectives.
La régle
numéro 1 :
ne jamais être pris de
court, ne pas attendre
le sujet mais savoir
anticiper ...
Moi j’ai travaillé dans le lobby du tabac, on peut dire énormément de chose, que ce n’est pas bien, que ce n’est pas
moral, mais c’est une activité légale : c’est l’État qui vend le
tabac en France, donc il me parait normal d’aller défendre
sa position à la source. Il ne s’agit pas d’influencer le politique, mais d’offrir aux dirigeants une vue d’ensemble. Et grâce à cela, le système doit s’équilibrer.
Lorsqu’une loi est votée tout le monde la respecte si tout le
monde a le sentiment d’avoir pu participer à la discussion
de manière équitable.
Ce qui serait scandaleux, c’est que certains secteurs d’activités soient
interdits d’emblée d’aller présenter leurs revendications. Le politique
n’est pas omniscient. On n’est jamais dans du « tout blanc » ou du « tout
noir », le lobbying c’est aussi savoir faire des compromis, céder sur un
aspect pour mieux mettre en avant tel autre aspect. On ne gagne pas
toujours à cent pour cent.
C’est un travail de longue haleine, qui demande de toujours rester extrêmement vigilant, d’être proactif. La règle numéro un c’est de ne jamais
être pris de court, ne pas attendre que le sujet arrive, mais savoir anticiper pour pouvoir travailler en amont et avoir une totale connaissance de
ses dossiers.
Quelle éthique ?
Lorsque je travaillais pour British American Tobacco, c’est surtout à mes
proches que cela posait problème. Je ne pense pas que mes parents mettaient alors en avant le travail de leur fils. Après, ça reste un métier, aussi
controversé qu’il soit.
Portraits de 100 Diplômés - 251
Yves Trevilly
Personnellement, j’ai toujours eu un discours clair. Oui le tabac est un
produit dangereux, je le reconnais, et les cigarettiers le reconnaissent.
Pourtant, il est vendu légalement par l’État en France depuis Colbert et
l’État touche des taxes, il veut même en toucher le plus possible.
Alors, est-ce que c’est à moi d’être le plus vertueux, plus vertueux que
l’Etat lui-même ? Je ne sais pas. Je n’ai pas eu de soucis particuliers à défendre les intérêts du groupe, mais je peux comprendre que certaines
personnes puissent en avoir. Chacun se pose ses propres limites.
Pourquoi le choix de créer sa propre entreprise ?
Pour travailler dans
le domaine du lobbying, il faut être imaginatif, souple, et avoir
une très bonne connaissance du monde
politicomédiatique.
À un moment donné dans ma carrière, j’en ai ressenti le
besoin. C’est une nouvelle corde à mon arc. Je pense que
professionnellement, il ne faut jamais rester figé.
Créer ma société n’est pas une finalité, j’ai besoin de m’exprimer, et d’avoir de nouveaux défis. Il est préférable de
montrer que l’on est polyvalent, toujours dans l’idée du
joueur de foot, capable de jouer libéro, milieu mais aussi de
marquer des buts, le Thiago Silva du lobbying en somme.
Je ne sais pas si je le suis, mais je me crois capable de travailler dans des domaines différents. L’important c’est de
se lever le matin avec l’envie.
Un bon profil pour le lobbying-relation publique ?
Je crois sincèrement qu’il faut être imaginatif, souple,
avoir des idées, et puis de très bonnes connaissances du
monde politico-journalistico-administratif. Il faut également des connaissances techniques et un peu d’expérience.
Si je devais donner un conseil aux actuels étudiants de Science Po qui
pensent au métier de lobbyiste, je leur conseillerais de bosser deux ans
auprès d’un député, que ce soit en circonscription ou à l’Assemblée Nationale. Il faut avoir le réflexe de pouvoir anticiper ce qui va être intéressant ou à contrario mauvais pour votre député. Il faut vendre du « clé en
main » et savoir apporter rapidement des solutions.
Après, dans le cadre professionnel, il faut aussi veiller à garder contact, et
de bons contacts avec le plus de gens possible, car on n’est jamais à l’abri
de rien, notamment en politique. Il faut également savoir garder les
pieds sur terre, avoir une solide colonne vertébrale, et savoir gérer les
critiques, voire les attaques.
Propos recueillis par Thibault OZIL, étudiant en Master 2 Communication Politique et Institutionnelle.
Portraits de 100 Diplômés - 252
Céline Truong
Née NADAL
2002 SP
Que retiens tu de ton cursus à l'IEP de Grenoble
entre 1998 et 2002?
Je suis entrée en première année à l'IEP de Grenoble à 17 ans avec un bac scientifique, passé au
lycée français de Dakar. J'étais donc assez loin de
ma famille (il faut se rappeler que nous n'étions
pas aussi connectés qu'aujourd'hui...) et la première chose qui me revient en mémoire lorsque
j'évoque cette époque est que j'ai trouvé dans
cette école un fort esprit d'entre-aide et de solidarité, et beaucoup d'amis.
J'avais choisi de passer le concours parce que
j'étais curieuse des sciences humaines et politiques en général, et c'est la découverte du droit
public qui fut le fil rouge de mes études finalement, section SP, avec une année à l'étranger sur
une question des droits de l'Homme qui me passionnait : la santé des femmes. j'ai partagé cette
année entre l'université de Warwick (GB) et un
stage à Djibouti avec l'UNFPA.
Inspectrice des
finances
publiques
Je retiens non seulement la richesse et la diversité
de tous ces enseignements, mais également la
rigueur, la méthode, et l'autonomie acquises qui
sont encore le socle solide de ma "boite à outils"
tous les jours au travail. Je me dis souvent qu'aucune autre école n'aurait mieux répondu à mes
attentes pour cette formation initiale.
Inspectrice des finances publiques... une vocation ?
Non, un concours de circonstance.
Comme pour beaucoup de métier du secteur tertiaire, personne bien sûr, enfant ou adolescent, ne
rêve de devenir "inspecteur des finances publiques" - et très peu de citoyens en réalité connaissent le panel de missions de cette administration.
J'ai intégré la classe de préparation à l'ENA au sein
de l'IEP en septembre 2002. Cette année était le
prolongement des apprentissages et des travaux
de troisième année d'une étudiante en SP, particulièrement exigeante, sous pression constante,
Portraits de 100 Diplômés - 253
Céline Truong
mais réellement formatrice.
Lorsque nous nous retrouvons en septembre pour la semaine d'épreuves
écrites du concours de l'ENA, un collègue de promo, qui avait passé et
réussi le concours de catégorie A de la Direction générale de la comptabilité publique (à l'époque Inspecteur du Trésor public), nous en avait fait
la pub. J'ignorais tout de ce qui se cachait derrière ce nom. Je me souviens encore qu'il était venu avec des plaquettes de présentation ! et
dans la dynamique de préparation de concours dans laquelle nous étions,
nous avons été plusieurs de notre promotion à nous être inscrits et avoir
réussi ce concours dans les mois qui suivaient.
Devenir inspecteur des
finances publiques,
c’est avant tout devenir fonctionnaire de
l’Etat, on passe un
concours qui permet
d’acquérir un niveau
de polyvalence et
d’adaptabilité
assez élevé
La raison principale pour laquelle j'avais accepté le bénéfice
de ce concours plutôt qu'un autre, est que cette administration forme ses cadres pendant un an avant leur prise de poste, et que cette formation allait m'ouvrir encore des domaines inexplorés : la comptabilité, le droit budgétaire, l'analyse
financière..
Mais devenir inspecteur des finances publiques c'est avant
tout devenir fonctionnaire de l'Etat. Cela est valable pour
tous les concours et signifie que l'on ne passe pas un
concours administratif de catégorie A pour exercer un métier, mais pour acquérir un niveau de polyvalence et d'adaptabilité assez élevé pour en changer toute sa vie!
- Alors concrètement, que fait un inspecteur des FP ?
Comme je l'indiquais, il ne fait pas un seul métier.
La direction générale est finances publiques offre de ce point
de vue un large champs d'activités : la tenue des comptes de
l'Etat, l'exécution des dépenses et notamment la paie des
fonctionnaire, le recouvrement des créances de l'Etat fiscales et non fiscales, la tenue des comptes des collectivités territoriales et des hôpitaux,
le conseil financier et fiscal à ces partenaires, mettre en œuvre la politique immobilière de l'Etat avec France Domaine, accompagner les chantiers de certification des comptes avec la cour des comptes, les chantiers
innovants de l'administration numérique avec la dématérialisation des
échanges et les moyens modernes de paiement...
La DGFIP est issue de la fusion de la comptabilité publique et des impôts
en 2008, ce sont donc désormais aussi tous les métiers de l'assiette de
l'impôt, du cadastre, la lutte contre la fraude…
Pour illustrer ceci, à l'issue de ma formation j'ai participé trois années au
programme de développement d'un progiciel sur un plateau informatique en région parisienne; actuellement je suis responsable au sein de la
direction à la Réunion d'un (petit) service en charge de l'animation du
réseau des trésoreries des collectivités locales. c'est à dire que nous sommes le 'back office' des centres de finances publiques pour la partie te-
Portraits de 100 Diplômés - 254
Céline Truong
nue des comptes et conseil aux collectivités, et donc le premier niveau
d'assistance juridique et comptable de ces trésoreries, le lien avec l'administration centrale, le pilote des indicateurs. j'anime des réunions métiers
et des formations.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les missions qui m'ont été
confiées jusqu'à présent n'ont jamais été routinières, mais au contraire
très évolutives dans un contexte de réformes structurelles et numérique.
Enfin, ces métiers sont au cœur de la vie administrative française, et je
précise que je ne suis pas tout le temps seule face à mes dossiers! mais
au contraire en contact avec beaucoup de personnes.
Contrairement à ce
que l’on pourrait
penser, les missions
qui m’ont été confiées
jusqu’à présent n’ont
jamais été routinières
mais au contraire très
évolutives
J'estime que j'ai encore des choses à faire et à voir en tant
qu'inspecteur, mais il existe bien entendu la perspective du
concours d'inspecteur principal pour ouvrir plus grand l'éventail des métiers au sein de la même administration (les missions d'audit, d'encadrement supérieur), ou celle du détachement auprès d'un autre établissement public.
Je voudrais également signaler deux derniers points forts que
je ne voyais pas lorsque j'ai passé et choisi ce concours : le
premier est le maillage territorial de cette administration,
avec des centres des finances publiques dans tous les départements et parfois encore en milieu rural; le second est la
conciliation aisée avec une vie de famille en reportant à plus
tard la possibilité de passer le concours A+.
Portraits de 100 Diplômés - 255
Patrice Vacher
1991 EPS
Depuis un an, Patrice Vacher (Promo 91 EPS) a
quitté sa carrière professionnelle française bien
rôdée, pour vivre une vie inattendue, qu’il appelle
une « vie en plus », à Marrakech, en pleine médina
moyen-âgeuse.
Le voyage, et l’envie de vivre à l’étranger, a toujours fait partie de lui. Enfant, il passait l’été avec
ses parents professeurs d’anglais chez leurs amis
du Sussex. Plus tard, il a financé ses études de
l’IEPG comme guide de voyages organisés, principalement pour Prague, quand la Tchécoslovaquie
d’alors s’ouvrait au monde et changeait de monnaie trois fois en cinq ans.
Cette expérience en agence de voyages lui a d’ailleurs donné le thème de son mémoire de Sciences
politiques (section EPS), sur les valeurs du tourisme en statut associatif, son employeur relevant de
l’éducation populaire, face à un secteur devenu
très concurrentiel.
Suit une carrière classique, liée à la gestion de
l’emploi : reçu au concours de l’ANPE en 1993, il
est chargé de relations entreprises, prospectant
les employeurs pour les convaincre du professionnalisme de cet organisme public. Le tourisme n’était pas loin cependant, l’un des projets phares
étant de créer des Forums pour l’emploi saisonnier pour les stations de ski de l’Isère.
Après une première carrière, une vie
en plus
En 1998, Patrice laisse l’ANPE pour son principal «
client » d’alors, la Sémitag (transports urbains de
Grenoble) dont il devient responsable du service
emploi. Pendant dix ans, il apprend toutes les facettes du métier de recruteur et gestionnaire de
carrières, dans l’une de ces grandes entreprises
semi-publiques bien françaises au dialogue social
rude et au droit social rigoureux, avec pour mission de réussir une gestion de ressources humaines efficace mais aussi impartiale car soumise au
feu de toutes les attentions et des critiques. Il retient que le métier de recruteur a un aspect ingrat : satisfaire un candidat c’est en décevoir vingt
ou cent. Avec son équipe, il recrute un millier de
salariés et produit 20 000 lettres de refus, 500
Portraits de 100 Diplômés - 256
Patrice Vacher
personnes par an défendant leur candidature dans son bureau. Il déclare
avoir connu une immense chance de pouvoir travailler en ressources humaines dans un contexte sans plan social, dans un secteur d’utilité publique en plein essor, aux frontières du commercial, de l’urbanisme et de la
politique locale.
Après 10 ans de recrutement sur l’agglomération grenobloise, il prend les
fonctions de directeur de la Mission Locale de Grenoble début 2008, un
challenge intense avec l’explosion du chômage des jeunes et la raréfaction des offres d’emploi peu qualifiées. Son équipe de 35 personnes se
mobilise pour inverser une sélectivité farouche du marché du travail, auprès de 4500 jeunes peu qualifiés. Cette période est pour lui une véritable mission et un engagement de chaque instant : s’arrêter d’agir ou d’innover, pour un manager de l’insertion professionnelle, c’est faire tomber
ses « clients » dans cette « fracture sociale » de plus en plus
béante.
Après 10
ans de recrutement, j’ai pris la
direction de la Mission
Locale de Grenoble en
2008
Pour décompresser, son jardin secret reste les voyages à
travers le monde, « grâce aux multiples RTT bien françaises
», et de plus en plus vers des pays de culture musulmane, si
proche et à laquelle il est confronté dans ses métiers. En
2007 il achète un Riad au cœur de la médina de Marrakech
comme maison de vacances.
A l’été 2010, les émeutes dramatiques du quartier de Villeneuve suivies du « Discours de Grenoble » de N. Sarkozy
accélèrent sa prise de conscience sur la particularité de diriger une association chargée de l’insertion professionnelle
des jeunes : son métier (un quart des jeunes en accompagnement habite
la Villeneuve) prend une tournure résolument militante et politique, plus
que technique, ce qu’il n’avait pas choisi.
Un retour aux RH l’inspire peu en période de crise économique. Il décide
donc qu’il est temps de créer sa propre voie, son entreprise, et réaliser
son vieux rêve d’expatriation : le Maroc est tout désigné, et la transformation du Riad de vacances en SARL à vocation touristique s’impose
comme une évidence. D’autres confrères en RH se recyclent aussi également ces années-là, même en boulangerie ou en fromagerie !
Depuis un an, donc, redevenu bilingue en anglais, il accueille en majorité
des touristes anglophones, de Singapour au Brésil, et pour la première
fois Patrice connait la reconnaissance immédiate des clients, une attitude
totalement inconnue en gestion des ressources humaines !
La puissance du webmarketing lui permet d’être vite intégré à l’offre touristique locale en investissant une niche délaissée, le « riad low cost » :
décoration simple et authentique, charges réduites au minimum malgré
un standard international de confort intransigeant. Le Riad Dar Tiflet (clin
Portraits de 100 Diplômés - 257
Patrice Vacher
d’œil à la gastronomie alpine) séduit une clientèle d’explorateurs et de
familles, et ses objectifs commerciaux sont dépassés après 6 mois d’exploitation, loin des riads de luxe en crise depuis que les clients fortunés
se détournent d’une destination victime d’un attentat et d’une instabilité
sociale forte.
Sa clientèle, au contraire, est avide de contacts avec une culture qui fait
l’actualité, par exemple des Américains en quête de compréhension du
monde arabe et musulman, maintenant que leurs troupes se retirent d’Irak et d’Afghanistan : vu des USA, quel meilleur poste d’observation que
le Maroc préservé et hospitalier ?
Avec mes
riads, je
participe à une médiation entre deux
mondes, loin de l’hôtellerie
classique
Un hôte français rassure aussi sa clientèle, à qui on ose poser
toutes les questions sur ce monde étrange, que ce soit sur la
condition féminine ou la difficulté de créer les bases d’une
culture démocratique avec un peuple majoritairement analphabète. Ses clients sont vite devenus une communauté avec
qui il reste en contact bien après leur séjour, par les réseaux
sociaux, et partage photos et actualités.
A travers ce riad, et désormais un deuxième, le succès se
confirmant, Patrice essaye ainsi de participer à une médiation entre deux mondes, et ne conçoit pas son nouveau métier comme de l’hôtellerie classique.
Pour ne pas rester dans une vision réductrice d’un Maroc
millénaire, il exerce aussi comme consultant auprès de divers
organismes, assure la mise en place d’un guichet d’accompagnement à la
création d’entreprises pour les jeunes Marocains, et intervient auprès de
l’Institut Français et d’une école de gestion auprès d’un public soucieux
de maîtriser le « français des affaires » dans leur poste souvent issu de la
mondialisation, comme les centres d’appels ou des usines délocalisées.
Ironie de l’histoire, après avoir lutté contre le chômage en France, il participe à la professionnalisation de l’emploi délocalisé !
Aussi, si cette nouvelle vie semble étrangère au parcours professionnel
français, elle est en fait une « vie en plus » comme il aime à le décrire, qui
synthétise et rassemble ce qui le motive. Comme tous les expatriés, il dit
penser au retour en France, un jour, mais notre vieille nation lui parait
aujourd’hui « fade et anxiogène », depuis cet univers marrakchi pétillant
de vie, entreprenant et toujours optimiste, quoi qu’il arrive !
Portraits de 100 Diplômés - 258
Nicolas Verney
2000 SP
De manière synthétique, quel est ton parcours
scolaire et professionnel ?
Mon parcours scolaire est plutôt atypique. Après
un bac Scientifique, j’ai opté pour une classe prépa HEC avant d’intégrer l’IEP Grenoble (IEPG). Ensuite, après avoir travaillé trois années, j’ai réalisé
un mastère spécialisé en management des systèmes d’information (SI), en part time, avec une
école de commerce et d’ingénieur.
Côté professionnel, j’ai démarré en août 2001
(juste avant que les recrutements s’effondrent
suite au 11 septembre) dans un cabinet de conseil
en SI. Puis, j’ai ensuite intégré mon client (en l’occurrence le Groupe La Poste) avant de repartir
dans le consulting, pour enfin aller dans une entreprise du secteur des utilities, GDF SUEZ.
Quelle est la cohérence derrière ces choix ?
Un urbaniste
des systèmes
d'information
Mon idée lorsque j’ai rejoint l’IEPG était de devenir fonctionnaire dans le domaine informatique.
J’ai toujours été passionné d’informatique et l’idée de reproduction sociale ne me déplaisait pas :
je suis fils de fonctionnaires ! Puis, au cours de ma
scolarité à l’IEPG, j’ai eu l’opportunité de réaliser
deux stages professionnels de plusieurs mois au
sein de la Direction des Systèmes d’Information
(DSI) de la Ville de Grenoble.
Quels enseignements as-tu tiré de tes stages ?
J’en ai tiré deux enseignements. D’une part, je ne
souhaitais pas travailler dans la partie technique
(c’est la partie la plus visible avec l’informatique et
les télécoms) mais dans le volet fonctionnel des
systèmes d’informations. D’autre part, j’ai estimé
que les perspectives d’emploi m’étaient plus favorables dans le secteur privé. Aussi, j’ai souhaité
démarrer mon parcours professionnel en rejoignant un cabinet de conseil en SI à Paris. En 2001,
la fin de la bulle internet offrait l’opportunité à
des non informaticiens de rejoindre directement
des cabinets de consultings en SI pour les former.
Selon ton profil sur les réseaux sociaux professionnels LinkedIn / Viadéo, tu es aujourd’hui
« urbaniste en systèmes d’information ». Que
fais-tu ?
Portraits de 100 Diplômés - 259
Nicolas Verney
On ne construit pas une maison sans architecte, comme on ne construit
pas une ville moderne sans urbaniste. Cette métaphore a été reprise
dans le domaine des systèmes d’information.
La fonction d’urbaniste SI est apparue dans les grands groupes il y a quelques années pour mettre sous contrôle le processus d’évolution des SI :
l’informatique a tendance à croître avec le temps. A chaque besoin, il y a
une nouvelle solution, ce qui engendre des coûts supplémentaires, une
complexité accrue, des problématiques de maintenance, de maîtrise de
l’existant et des difficultés à le faire évoluer.
Un urbaniste en SI travaille sur des activités très diverses, pour faire en
sorte que l’évolution du SI soit plus en phase avec les attentes des parties prenantes (direction générale, directions
métiers, utilisateurs et clients finaux) et que le SI soit luimême plus évolutif et modulaire.
On ne construit pas
une maison sans architecte, et on ne construit pas une ville
moderne
sans urbaniste !
Pour en savoir plus sur les métiers en systèmes d’information, le Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises (CIGREF) met à jour régulièrement la nomenclature des
emplois dans ce domaine.
Concrètement, sur quoi travailles-tu ?
Dans ma fonction actuelle au sein d’une DSI à GDF SUEZ, je
travaille sur des sujets divers et variés comme la veille, l’innovation, l’architecture SI, les schémas directeurs, l’émergence de projets SI, la gestion de risques SI... Dans une DSI
européenne, je suis amené à travailler dans un contexte
plus anglophone et à appréhender les différences de
culture.
Au sein d’un service de gouvernance SI, mes activités visent par exemple
à donner un cadre, des règles ou un langage communs et à lancer des
initiatives pour faire avancer des sujets transverses. Cela passe par de
l’animation fonctionnelle et du travail en réseau avec de nombreux interlocuteurs.
Travailler dans les systèmes d’information en provenant de l’IEP de
Grenoble, est-ce une chance ?
Quand on travaille sur un projet SI qui vise à construire une nouvelle application informatique ou à bâtir un schéma directeur SI pluriannuel par
exemple, penser que leur réussite se réduit à la seule gestion du tryptique classique (qualité, coût & délais) est une illusion. Lorsque l’on travaille dans ce domaine, de surcroît dans une entreprise large et complexe, il
convient de prendre en compte la résistance au changement, les croyances, les relations d’organisation et de pouvoirs ainsi que les enjeux personnels.
En outre, je reste convaincu qu’une formation pluridisciplinaire en sciences sociales comme celle délivrée à l’IEPG est un formidable atout, parce
que la première ressource qui constitue le système d’information d’une
Portraits de 100 Diplômés - 260
Nicolas Verney
organisation est l’humain.
Que t’as apporté ton passage à l’IEP de Grenoble ?
Au-delà des bons souvenirs et de personnes que je n’oublierai pas, l’IEPG
m’a permis de travailler mon savoir-être (sens critique, capacité d’analyse, synthèse, polyvalence, sens de l’adaptation, curiosité, ouverture, décryptage du monde environnant) et d’affiner mon projet professionnel.
Quelle est la prochaine étape ?
Je n’exclus pas l’idée de transmettre (par exemple en donnant des cours
sur les SI, l’urbanisme SI, l’innovation SI…).
Les SI sont
une activité
présentant de nombreux débouchés : qui
peut aujourd’hui travailler sans télécom,
sans internet, sans
système informatique ?
Un dernier message pour les élèves actuels de l’IEPG ?
A l’heure où vous réfléchissez à votre avenir professionnel,
n’oubliez pas que le domaine SI est un secteur d’activité
relativement large qui continue de recruter en France et en
Europe. Qui peut aujourd’hui travailler sans informatique,
sans télécoms, sans Internet ?
Si le sujet vous intéresse, vous pouvez aller au-delà de votre
rôle de simple utilisateur. Il y a des postes en SI dans l’administration, les grandes entreprises … et même les startups !
Certes, la concurrence est rude avec des candidats en provenance d’universités, d’écoles de commerce ou d’ingénieurs : mais vous avez des atouts.
Enfin, à l’heure de la génération Y et du Web 2.0, n’oubliez
pas les réseaux sociaux professionnels et le networking,
en particulier pour clarifier votre projet professionnel !
Portraits de 100 Diplômés - 261
Christian de Villeneuve
1974 PS
Diplômé de l'IEP de Grenoble, il était le directeur
des rédactions du groupe Lagardère. Arrivé à son
poste début 2007 pour chapeauter l’ensemble des
titres de presse du groupe, Christian de Villeneuve
s’occupe en priorité de Paris-Match. Successivement rédacteur en chef du Reader’s Digest et du
Parisien, il a commencé sa carrière au défunt Matin de Paris.
(Interview réalisée avant la nomination de Christian de Villeneuve à la rédaction du JDD)
Jeune, vouliez-vous exercer le métier de journaliste ?Devenir journaliste a toujours été une évidence. Je crois que j’étais en classe de 7ème lorsque j’ai formulé cette volonté pour la première
fois. Et cela à la grande déception de mon père qui
était notaire.
Comment êtes vous rentré dans le métier ?J’ai
fait mes premiers pas en stage, au sein de la rédaction de Presse-Océan à Nantes et dans la presse des armées lors de mon service militaire. Puis,
j’ai commencé ma carrière au Matin de Paris
avant de rejoindre le Reader’s Digest.
« Informer,
distraire et rendre
service.
C’est mon ADN
journalistique »
Je pensais travailler juste un an pour ce titre mais
j’y suis finalement resté dix ans. Cette expérience
m’a appris à faire le journal des lecteurs et non
pas celui des journalistes. Le journaliste n’écrit pas
un article pour être dans l’air du temps mais pour
répondre à une triple mission : informer, distraire
et rendre service. C’est mon ADN journalistique.
Ce parcours m’a mené jusqu’au Parisien. J’ai alors
réalisé tout l’intérêt d’un journal grand public :
apprendre rapidement l’essentiel au lecteur, sur
tous les sujets, sans être vulgaire. J’adore les journaux grand public car il faut satisfaire un large
échantillon de la population, du garde-barrière à
l’ambassadeur.
Selon vous, quels sont les critères pour être un
bon journaliste ?
Le journaliste doit être positif. « Chaque matin,
donner le goût du bonheur et le courage de se
Portraits de 100 Diplômés - 262
Christian de Villeneuve
battre ». Ce slogan du Matin de Paris a guidé toute ma carrière. Même si
les nouvelles peuvent être mauvaises, il y a toujours une raison d’espérer. Finalement, le journal doit être un compagnon de vie. Enfin, deux
qualités sont indispensables pour un bon journaliste : aimer les gens et
être curieux.
En quoi consiste exactement votre fonction de directeur des rédactions
du groupe Hachette Filipacchi Medias ?
Je suis là pour prendre le pouls des rédactions au sein des journaux et
des magazines du groupe Lagardère. Stratégiquement, j’ai un œil sur
tous les titres mais je suis opérationnel sur quelques-uns seulement.
Une vraie
question se :
Internet va-t-il être le
lieu de l’information ?
Je m’occupe prioritairement de Paris-Match car à mon arrivée, il fallait redresser un titre en sortie de crise. Avec le directeur de la rédaction, deux priorités guident notre travail :
densifier le contenu du magazine et améliorer le confort de
lecture. A l’heure du développement de l’accès gratuit à l’information, les lecteurs en veulent pour leur argent.
Selon vous, quels sont les défis pour le journalisme aujourd’hui ?
Une vraie question se pose pour les journalistes : Internet vat-il être le lieu de l’information ? Le problème d’Internet est
de trouver un modèle économique stable. Je m’interroge encore pour
savoir si la pub ne va pas aller davantage sur les sites de services que sur
les sites d’information.
Personne ne sait comment les gens s’informeront dans cinq ans mais je
ne crois pas à la disparition du papier. Vous ne lirez jamais de très longs
articles sur un écran d’ordinateur.
D’autre part, le journaliste n’a jamais été aussi nécessaire à l’heure où se
véhiculent beaucoup trop facilement rumeurs, calomnies et ragots. Son
métier consiste à valider et à donner le statut d’information à un fait
après vérification. Le concept de journalisme citoyen est donc une bêtise.
Etre témoin d’un événement ne donne pas le statut de journaliste.
Vous faîtes désormais peu de terrain. Cela vous manque-t-il ?
Malheureusement, dès le début de ma carrière, j’ai fait très peu de terrain. Très tôt, Claude Perdriel, l’ancien directeur du Nouvel Observateur
et du défunt Matin de Paris m’a dit que j’étais fait pour exercer des responsabilités.
Dans quelles conditions travaille-t-on lorsque l’actionnaire principal de
son journal est Arnaud Lagardère, le « frère » de Nicolas Sarkozy ?
Il y a beaucoup de fantasmes à ce sujet. Je ne suis pas offusqué si mon
Portraits de 100 Diplômés - 263
Christian de Villeneuve
propriétaire ou mon actionnaire me dit : Ne crois-tu pas que…? Mais depuis que je suis ici, Arnaud Lagardère ne me m’a jamais rien dit. Dans
tous les cas, j’exerce mon libre arbitre. Si mon patron n’est pas d’accord,
il me vire.
Lorsque vous étiez directeur de la rédaction du Parisien, des divergences vous ont opposé à votre adjoint, Jacques Espérandieu. Ce dernier a
du quitté le quotidien au printemps 2005. Début 2007, à votre arrivée
chez Lagardère, les mauvaises langues ont dit que vous souhaitiez le
départ de Jacques Espérandieu, devenu le directeur de la rédaction du
Journal du Dimanche…
Le journaliste est l’historien du présent et
doit être en éveil permanent
Joker. Je ne veux pas évoquer le cas Espérandieu. Je me suis
très bien entendu avec Jacques pendant plusieurs années.
Nous avons très bien travaillé et puis il y a eu une violente
rupture. Même si je suis directeur des rédactions, je ne m’occupe donc pas du JDD. J’ai tout de même une certaine idée
de ce qu’il faut faire le dimanche.
Votre écran de télévision diffuse une course hippique. Les
courses sont une passion ?
C’est une récréation. L’information est diffusée toute la journée dans mon bureau en permanence, sauf de 14 heures à
17 heures où je regarde les courses hippiques.
Quel bilan tirez-vous de toutes ces années de métier ?
Chaque matin, le journaliste ne sait pas de quoi sera faite la journée.
C’est formidable. Le journaliste est l’historien du présent et doit être en
éveil permanent. Je ne sais pas si je serai un jour à la retraite car mes vacances consistent à lire les journaux.
Portraits de 100 Diplômés - 264
M. Zabat et A. Giard
2013 CP
Tous deux issus de la promotion 2013 du Master «
Carrières Publiques » de Sciences Po Grenoble,
nous sommes passés par la section Service Public,
attirés par les concours d'administrateur de la
fonction publique.
Après avoir effectué notre stage de Master 1 au
Conseil d’État pour l'un et au Secrétariat Général
des Affaires Européennes (SGAE) pour l'autre,
nous avons commencé par préparer les différents
concours d'administrateurs civils les plus « connus
» (ENA, INET, Quai d'Orsay, Assemblées). En
deuxième année, l'expérience des stages ainsi que
les nombreux échanges avec nos intervenants et
professeurs nous ont permis d'affiner nos aspirations. A la recherche d'une carrière nous permettant de valoriser notre cursus académique à l'IEP
tout en occupant des fonctions opérationnelles,
nous avons porté notre attention sur ce concours
d'administrateur militaire.
Marion et Antoine,
Commissaires
aspirants
Les commissaires des armées sont les officiers en
charge du soutien des armées et dont les fonctions balayent à cet égard un large éventail de
compétences (achat-finances, droit, gestion,
comptabilité, ressources humaines, audit...). Ils
sont également conseillers du commandement en
tant qu'experts dans un de ces domaines particuliers. Jusqu'au 1er janvier 2013, les commissaires
étaient formés par armée (terre, air, marine), dans
trois écoles différentes. Depuis, une école unique,
l’École des commissaires des armées (ECA), située
à Salon-de-Provence, forme l'ensemble des commissaires des forces armées. Nous avons donc le
plaisir de faire partie de la toute première promotion interarmées, la promotion dite « pionnière » !
Après avoir suivi une période de deux mois de
classes militaires respectivement dans la Marine
et l'armée de l'Air, nous suivons actuellement notre année académique à Salon-de-Provence. Celleci est ponctuée de plusieurs « périodes bloquées
» (jours de formation militaire consistant en des
sorties sur le terrain avec tir, combat, initiation au
commandement, …) et de stages de courte durée
dans les armées et en entreprise. Enfin, en 2e an-
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Marion Zabat et Antoine Giard
née, les huit derniers mois de la formation s'effectuent dans nos ancrages respectifs. Marion Zabat rejoindra Lanvéoc puis partira cinq mois en
mer pour la mission « Jeanne d'Arc ». Antoine Giard sera quant-à lui affecté au Val de Grâce à Paris pour sa formation spécifique d'administrateur du service de santé des armées.
Nos motivations pour devenir commissaire des armées sont donc multiples : nature des missions, mobilité (sur le territoire national et en opérations extérieures), missions de commandement liées à la fonction d'officier,... Au-delà de cette description très sommaire, la fonction de commissaire dépend en grande partie, durant les premières années de fonction, de l'ancrage d'armée choisi (air, terre, marine, service
de santé des armées ou direction générale de l'armement).
A la recherche d’une
carrière nous permettant de valoriser notre
cursus académique à
l’IEP en occupant des
fonctions opérationnelles, nous avons
passé le concours
d’administrateur
militaire
Nous-mêmes, bien que formés au sein de la même école,
n'exerceront pas notre métier de la même manière (Marion
Zabat a choisi l'ancrage Marine et Antoine Giard, le Service
de santé des armées). Ainsi, l'une débutera sa carrière sur un
bâtiment de la Marine nationale, tandis que l'autre sera affecté en hôpital militaire. Malgré l'interarmisation, le maintien des ancrages nous permet ainsi de faire des choix correspondant à nos affinités. Après quelques années de service
dans nos ancrages, nous seront amenés à occuper des postes
sans couleur d'armée spécifique, en base de défense, en état
-major, en opération extérieure, en organisation internationale...
Certains commissaires font l'ensemble de leur carrière au
sein du Service du Commissariat des Armées (SCA), d'autres
rejoignent une carrière dans l'administration civile ou dans le
privé après dix ou quinze ans de carrière.
Nous avons eu plaisir à venir recevoir notre diplôme en uniforme de commissaires des armées, faisant état de notre
fierté d'embrasser une carrière d'administrateur militaire
après un cursus à Sciences Po Grenoble.
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