L`homme à la moustache noire
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L`homme à la moustache noire
• Semaine du 3 au 9 novembre 2011 • LE FRANCO Volume 3, numéro 9 - Novembre 2011 En novembre, depuis quelques années, plusieurs hommes participent au mouvement mondial « Movember ». Ceux qui y adhèrent se font pousser la moustache et la portent fièrement tout en recueillant des sommes indispensables à la santé masculine, en particulier pour contrer le cancer de la prostate, et sensibilisent ainsi la population à cette problématique. Donc, ce mois-ci dans Avant que j’oublie, nous faisons un clin d’œil à « Movember » en vous présentant un texte sur Joseph Maynard, communément appelé « l’homme à la moustache noire ». Dans les pages centrales, vous verrez le récit d’une visite historique à Saint-Albert, illustré par diverses photos. Finalement, Éloi nous raconte l’histoire de Louis Dazé. L’homme à la moustache noire C’était mon grand-père… Joseph Albert Maynard, fils de Clovis et Domithilde (Rainville) est né à Marieville, au Québec, et il est un des plus jeunes d’une famille de 13 enfants. Cette nombreuse famille vivait sur une ferme dans cet endroit, près de Montréal. Pendant leur séjour au couvent à Marieville, Simone et Rachel ont fait connaissance avec leur famille québécoise. Au bout de deux ans, Joseph décide que ses filles doivent revenir à Cluny. Il avait acheté une ferme en 1917 et avait loué son magasin à un M. Wing. Devenu fermier, il avait besoin de l’aide des filles pour préparer les repas et prendre soin de la maison. Jeune homme encore, Joseph décide de quitter la maison paternelle pour s’aventurer à Montréal et éventuellement devenir propriétaire d’une épicerie. Le 15 mai 1900, il prend pour épouse Marie-Anne Philomène Trudeau, fille de Louis et Rose-de-Lima (Letendre). À leur grand chagrin, leurs deux premiers bébés meurent, ceci avant la naissance de leur 3e enfant, Georges. En 1908, ils décident de déménager en Alberta avec leurs quatre enfants : Georges, Simone, Rachel, et Lucien (mon père), tous en bas âge. Cette brave petite famille a fait le trajet par train jusqu’à Cluny en Alberta. L’année suivante, Marie-Anne a donné naissance à un autre fils, Albert. Joseph a fait construire son magasin « Cluny Trading Store » tout près du chemin de fer. Ce magasin général (épicerie et quincaillerie) logeait aussi le bureau de poste. Au tout début, la petite famille vivait dans une allonge du magasin, mais plus tard, ils ont fait construire une maison. Joseph Maynard était bien aimé de tous. On raconte qu’un jour, un Indien fut frappé par le train et plusieurs personnes sont venues lui demander de l’aide. Sans perdre une minute, Joseph a pris une couverture neuve du magasin et les a suivis. L’homme était déjà mort, mais, par respect, Joseph a couvert le corps avec la couverture. Les Indiens étaient bien impressionnés par ce geste de l’homme blanc et, en guise de remerciement, ils l’ont honoré du nom « Siksistoyi » qui veut dire en langue des Pieds-noirs « l’homme à la moustache noire ». Un sixième enfant, Henri, est né en octobre 1911. Mais une catastrophe attendait cette petite famille. Six mois plus tard, en mai 1912, MarieAnne a eu un grand malaise lorsqu’elle était en Joseph Albert Maynard. route en « democrat » pour aller au « mois de Marie ». Rachel, seulement 6 ans, a pris les rênes et a continué pour se rendre chez les Sœurs de la Providence. En tombant de sa chaise, sa maman a prononcé ses derniers mots : « Mes petits enfants… » Devenus adultes Après ses études, Georges est revenu travailler sur la ferme. Éventuellement, il partit au nord de la Colombie-Britannique où il travailla pendant plusieurs années comme forestier. Il ne contactait pas souvent sa famille, sauf Rachel. De temps en temps, il allait la voir à l’hôpital où elle travaillait à Vancouver. Rachel est devenue religieuse chez les Sœurs de la Providence. Elle a œuvré à Montréal et à Seattle, mais ses responsabilités pour la plupart étaient en plusieurs endroits en ColombieBritannique. Quel temps triste pour Joseph et les six petits. Une famille dans la communauté a accueilli le bébé Henri et Georges, l’aîné, est resté avec son père. Les quatre autres enfants ont été envoyés à l’orphelinat de Midnapore où ils ont eu l’honneur de faire connaissance avec le père Albert Lacombe, fondateur de cet établissement. Tous les soirs dans cet orphelinat, Rachel allait voir ses deux petits frères, Lucien et Albert, avant qu’ils se couchent. Elle leur racontait des histoires et chantait les chansons que leur mère leur avait chantées. Chaque été, tous les enfants revenaient à Cluny pour y passer les vacances. En 1916, un autre malheur… Henri meurt à l’âge de 4 ans. Après quatre ans à l’orphelinat, Joseph Maynard craignait que ses enfants perdent leur langue maternelle. Il les envoit donc au Couvent SaintJoseph à Red Deer. Deux ans plus tard, un autre déménagement pour le petit groupe, au Québec cette fois-ci : les filles sont placées au Couvent de la Présentation à Marieville, et Lucien et Albert rejoignent leur frère Georges au Collège SaintLouis à Montréal. Marie-Anne Philomène Maynard (née Trudeau). Simone a marié Ernest Nobert. En 1937, son époux est décédé et elle est restée seule avec ses deux fils. Parce qu’elle travaillait à l’extérieur du foyer, Joseph Maynard venait à Edmonton de temps en temps garder ses garçons. En 1942, Simone s’est remariée à Ken Lund et a eu un autre fils. Après son stage au Collège des Jésuites à Edmonton, Lucien a continué ses études à l’Université Laval pour décrocher son baccalauréat. Ensuite, il a poursuivi ses études en droit à l’Université de l’Alberta afin de devenir avocat. Lucien vivait à Saint-Paul où il pratiquait Suite à la page 3... Anniversaires 50 ans : « Le Collège Saint-Jean célèbre son cinquantenaire du 17 au 19 novembre 1961. » Le magasin de Joseph, « Cluny Trading Store ». Source : D’année en année : de 1659 à 2000 : une présentation synchronique des événements historiques franco-albertains / France Levasseur-Ouimet Ph.D, page 273 Une visite historique à Saint-Albert LE FRANCO • Semaine du 3 au 9 novembre 2011 • Par ce beau samedi matin ensoleillé mais un peu frisquet du 15 octobre dernier, 15 personnes se sont rendu à Saint-Albert pour une visite historique. Cette sortie a eu lieu dans le cadre de Rond Point, le Congrès de la francophonie albertaine. En plus des ateliers offerts le samedi matin, deux sorties ACCENT étaient proposées aux participants, dont cette visite dans la ville qui célèbre son 150e anniversaire. Lors de cette sortie, nous avons fait la visite de divers lieux historiques de Saint-Albert. Nous nous sommes donc rendus à La Mission de Saint-Albert et David Fréchette, en plus de nous conduire en autobus, a été notre guide historique et touristique. Nous avons commencé la tournée en regardant le paysage sur la colline et l’extérieur de la Chapelle Père Lacombe. Nous nous sommes rendus à la Crypte derrière l’église où se trouvent les tombes de Mgr Grandin, du père Leduc et du père Lacombe. À noter que le cœur du père Lacombe a été enlevé de son corps et est conservé à Midnapore où il est décédé. Nous avons par la suite rencontré Shari Strachan, guide au Musée Héritage, et elle nous a amenés à l’intérieur de la Chapelle Père Lacombe. Cette chapelle a été construite en 1861 et elle a été refaite. Il reste cependant des matériaux originaux. La Chapelle Père Lacombe est ouverte au public tous les jours du 15 mai à la fête du Travail. Nous avons ensuite visité l’église de Saint-Albert bâtie en 1900. Nous avons aussi vu les trois cloches, fondues et baptisées en France, et offertes par un ami de Mgr Grandin, l’Abbé M. Biron. Nous avons aussi vu la grotte et le cimetière. La grotte a été instaurée en 1920 et, apparemment, la statue de la vierge ferait face directement à la statue de la vierge au Campus Saint-Jean. Sur la Chapelle Père Lacombe, nous pouvons y lire cette enseigne érigée par la province de l’Alberta : « Le père Albert Lacombe, de l’Ordre des Oblats de Marie-Immaculée fut, parmi les premiers missionnaires, le plus connu en Alberta. Il mérita, par son travail au milieu des tribus indiennes, d’être appelé “La robe noire” et “La belle âme” par les Indiens cris et “L’homme au bon cœur” par les Indiens pieds-noirs. En janvier 1861, le besoin d’établir une mission pour desservir les Indiens cris et pieds-noirs, amena le père Lacombe et l’évêque Taché à cet endroit. Monseigneur Taché chargea le père Lacombe d’y bâtir la nouvelle mission et de l’appeler Saint-Albert en honneur du Saint Patron de ce dernier. Ce bâtiment servit pendant plus de dix ans comme chapelle pour La Mission Saint-Albert avant de devenir la cathédrale du diocèse de Saint-Albert, précédant la construction d’une église plus grande en 1870. Bien qu’ayant été démontée, déplacée et restaurée, la chapelle n’en demeure pas moins le plus ancien bâtiment existant, connu en Alberta. Sur la recommandation de l’honorable Horst Schmid, ministre de la Culture, la Chapelle Père Lacombe a été reconnue comme ressource historique provinciale, le 13 juillet 1977. » Novembre 2011, page 2 Notre visite s’est poursuivie avec le Sentier des pionniers. Du sentier, nous avions une magnifique vue sur l’église, la chapelle, ainsi que l’ancien évêché de Saint-Albert qui est aujourd’hui le Centre Vital-Grandin, une résidence des pères Oblats. C’est ainsi que notre promenade sur le Sentier L’introduction de l’exposition va comme suit : • Semaine du 3 au 9 novembre 2011 • LE FRANCO des pionniers a pris fin. Nous avons fait le chemin « Il y a 150 ans, deux hommes gravirent la colline inverse que les pionniers avaient fait pour se de ce qui devait devenir la Mission de Saintrendre sur la colline où La Mission a été élaborée. Albert. Mgr Taché avait alors 38 ans et le père Nous sommes sortis du sentier par l’entrée et Lacombe, 33 ans. Tous deux avaient travaillé avons marché jusqu’au Musée Héritage. pendant plusieurs années à l’établissement de missions catholiques dans l’Ouest canadien et, dans l’intervalle, s’étaient formés des liens d’amitié. Cette exposition explorera leurs ambitions, leurs accomplissements et leur amitié. » Nous avons donc terminé notre sortie par une visite au Musée Héritage où nous avons eu la chance de voir l’exposition bilingue « Les fondateurs de la Mission » qui traite de Mgr Taché et du père Lacombe. Finalement, tous les participants de cette sortie historique à Saint-Albert ont bien apprécié leur matinée! Nous avons marché sur le sentier et vu des plaques nommant des pionniers qui sont présentées au sol. Vous voyez ici la plaque pour Léon et Christine Harnois. Nous avons aussi vu la petite école blanche. par Alexandra Prescott L’homme à la... ...suite de la première page sa profession lorsqu’il a marié Dorothea Murray, une jeune institutrice qu’il avait rencontrée à Edmonton. Ils ont eu cinq enfants La politique était la grande passion de Lucien. Après avoir gagné l’élection de 1935, il vient demeurer à Edmonton et devient membre du Parti Crédit social pour presque 25 ans. On se souvient aussi qu’il a été décoré par Le Conseil de la vie en Amérique en 1957 Albert Maynard. pour son travail envers la survivance du français en Alberta. Lucien Maynard. Tout au long du sentier, il y a des panneaux bilingues racontant l’histoire de Saint-Albert. Lorsque nous avons terminé le sentier, nous avons traversé le pont où était anciennement situé le pont historique. Albert était le cowboy de la famille! Après ses études au Collège des Jésuites à Edmonton, il a travaillé pour plusieurs fermiers et ranchers au sud de l’Alberta. Entre autres, il a travaillé au ranch de J.J. Bowlen, qui plus tard est devenu lieutenantgouverneur de l’Alberta. Albert aimait tous les travaux qu’il pouvait faire à cheval et est devenu un excellent cowboy. En 1928, il a participé au Stampede de Calgary dans la compétition des courses « chuckwagons ». Lui et ses amis du ranch de M. Boyce de Cluny se déplaçaient toujours à cheval, donc Albert avait souvent l’occasion de pratiquer des trucs avec son lasso. Un jour, en retournant à Cluny, le groupe s’est arrêté à Strathmore pour participer au rodéo de l’endroit. Albert a gagné le championnat dans la compétition de « Steer Decorating ». Tout un honneur pour notre cowboy! Albert et sa femme Sylvia (Allstott) ont eu deux fils et une fille. Du haut du ciel, Marie-Anne a sûrement protégé son « homme à la moustache noire » et ses six petits orphelins… Georges Maynard. par Suzanne Maynard, petite-fille de Joseph et de Marie-Anne Novembre 2011, page 3 LE FRANCO • Semaine du 3 au 9 novembre 2011 • Louis Dazé Louis Dazé, né à Saint-Vincent-de-Paul, au Québec, était le fils d’Augustin Dazé et de Judith Paquette. Il avait un frère, Alphonse (18421907), qui est devenu père Oblat. Louis est arrivé au Manitoba où il a vécu plusieurs années, « entouré du respect et de la considération de tous ». Devenu veuf, il a voulu se consacrer au service des missions et c’est aux missions du diocèse de SaintAlbert qu’il s’est donné. En retour de ses services, il ne demandait que nourriture et vêtements. Le biographe de Mgr Grandin, le père Jonquet, a écrit de Louis qu’il « était un homme que rien n’effrayait ». Comme il était un très habile menuisier, il rendait d’immenses services là où travaillaient les pères Oblats. Un article annonçant la mort de Louis Dazé. Le Métis, 27 février 1875. On reconnaissait « qu’il était bien le meilleur homme du monde » lui qui « ne manquait jamais d’assister à la messe tous les matins, de dire son chapelet tous les soirs, et de se confesser tous les quinze jours ou trois semaines ». Le Le cimetière de Saint-Albert où Louis Dazé a été enterré. père Jonquet ajouta qu’il était un véritable « frère convers, moins les vœux ». À l’approche du rude hiver de 1874-1875, Louis avait une vingtaine d’années d’expérience dans les missions du diocèse de Saint-Albert. Le père Hippolyte Leduc l’avait choisi pour accompagner le père Constantine Scollen dans la région de la rivière des Arcs (la rivière Bow qui traverse Calgary). Le père Leduc dit de lui en écrivant à son supérieur en France : « Ce cher Louis nous sert depuis plusieurs années avec tout le dévouement d’un Frère, se contentant, comme nous, de la nourriture et du vêtement. C’est un ami dévoué de la Congrégation. » À la mi-novembre, en compagnie de deux pères Oblats, il avait accompagné les autochtones à la chasse aux bisons à quelques milles au nord de la rivière des Arcs. Le 19 novembre, une affreuse tempête de neige et de vent a surpris le groupe de chasseurs dans leur campement en pleine prairie. Louis Dazé était sorti de sa loge pour voir si ses chevaux étaient en sécurité. Dans la tourmente, il est parti à la recherche de quelques chevaux qui manquaient. Le lendemain, nous rapporte le journal Le Métis, « il y avait quatre pieds de neige dans chacune des deux loges » et le lit du pauvre Louis était vide! Malgré des recherches intensives, on ne put retrouver Louis vivant. Ce n’est que le samedi 5 décembre qu’on le retrouva par hasard, mort, couché près de la rivière du Coude (la rivière Elbow à Calgary). Il était « au moins 50 à 60 milles » au sud de l’endroit où il s’était perdu. Louis était mort comme il avait vécu, en bon chrétien. Quand on le retrouva, son scapulaire était hors de ses habits et « sur ses joues, on voyait encore la trace des larmes qu’il avait versées avant de rendre le dernier soupir ». Le père Scollen donna tous ces détails à Mgr Grandin dans une lettre qu’il termina ainsi : « Je vais tâcher de faire tout mon possible pour envoyer le corps de Louis à Saint-Albert. » Le 8 mars, le père E. Bonald partit de Calgary avec Alexis, un fidèle serviteur des Oblats, pour amener le corps de Louis Dazé à Saint-Albert. Ils durent affronter des tempêtes de neige puis le dégel des rivières. Comme on était au mois d’avril, le corps de Louis commençait à se décomposer. Les voyageurs faillirent mourir d’épuisement et de faim. Un autochtone les rencontra, les nourrit, et les guida jusqu’au fort Edmonton où ils arrivèrent 45 jours après leur départ. C’est Mgr Grandin lui-même qui a présidé aux funérailles de Louis Dazé à Saint-Albert. Dans son journal, Mgr Grandin a écrit : « Nous l’avons enterré solennellement avec un service de 1re classe. » En octobre 1879, un dénommé Adolphe P. s’est occupé de faire un monument à Louis Dazé. En juin 1889, le journal Le Manitoba écrivait que « sa mémoire est chère et précieuse à tous les anciens missionnaires qui l’ont connu ». C’est dommage que le monument érigé pour lui rendre hommage n’ait pu se conserver. Par Éloi DeGrâce, archiviste 1911 - L’Alberta Qui est l’homme qui a présidé aux funérailles de Louis Dazé à Saint-Albert? Faites-nous parvenir votre réponse, par la poste ou par courriel, avant le 31 décembre 2011 et courez la chance de gagner le livre Les francophones de l’Alberta. Par courriel : [email protected] Par la poste : ACFA - A/s Concours - Avant que j’oublie 8627, rue Marie-Anne-Gaboury (91e Rue) Bureau 303 Edmonton (AB) T6C 3N1 Novembre 2011, page 4 Réponse à la question du mois de septembre 2011 : Louis Rouselle est né à Lachine au Québec. Bravo à la gagnante : Jacqueline Villeneuve de Saint-Albert! « On s’apprête à la construction d’une voie ferrée électrique pour relier Medicine Hat et Banff à Calgary, par la compagnie Alberta Electric Ry. » Source : D’année en année : de 1659 à 2000 : une présentation synchronique des événements historiques franco-albertains / France Levasseur-Ouimet Ph.D, page 140