Une si discrète légende
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Une si discrète légende
20 (RE)DÉCOUVERTE 21 TOUT EST PARFAIT. UNE ÉLÉGANCE DE L’APRÈS-GUERRE, DES LIGNES ON NE PEUT PLUS TENDUES, AVEC UNE CANDEUR QUI OUBLIE EFFICACITÉ ET SÉCURITÉ. TOUTE UNE ÉPOQUE. CONVERTIBLE D Une si discrète légende On aurait tort de croire qu’une 356 garée au soleil, un beau matin de juillet, dans un Neuilly pourtant habitué à en voir d’autres laisse les passants indifférents. Loin de là. Et dire qu’elle a 56 ans ! TEXTE DANIEL BULTINGAIRE – PHOTOS THIERRY GROMIK L es lignes basses, les flancs joufflus, les grandes roues étroites… Elle en jette. Dans cette livrée 5706 Silver Metallic, le néophyte la confondrait facilement avec la voiture de James Dean… Alors, qu’at-elle de si spécial cette 356 ? Comme l’indique la grille arrière simple (jusqu’à 1962 et la version B T6), nous sommes ici en présence d’un 1600 de 60 ch, apparu sur les A en 1955. Les clignotants avant, qui étaient seuls à l’aplomb du phare auparavant, sont intégrés à la grille de klaxon en 1954. À partir de 1955, la flèche de capot qui sert de poignée perd de sa finesse en intégrant le fameux écusson Porsche conçu à la demande de Max Hoffman, l’importateur US dès 1951. Notre exemplaire du jour était équipé des pare-chocs US à Overrider s’appuyant sur des bananes très hautes qui alourdissent un peu la ligne. C’est en 1957 qu’apparaissent les nouveaux feux en forme de larme et les sorties d’échappement dans les bananes de pare-chocs arrière sur les A T2. de la production en 1965. En 1952, une petite série d’un Cabriolet à l’équipement spartiate est lancée, elle reçoit le nom d’America Roadster, sous l’impulsion du même Maximilian Hoffman. Cet Américain d’origine autrichienne (1904-1981) était importateur d’automobiles européennes aux USA et son influence était suffisamment grande pour inciter les constructeurs européens à adapter ou à construire des modèles exclusifs pour le marché américain, et notamment en tant qu’impor tateur Porsche, pour la production du Speedster, une version minimaliste de la 356 utilisable sur piste comme sur route. Il y eut 21 exemplaires au total de l’America Roadster. C’est cette version qui s’apparente le plus au 550 de James Dean. On peut surtout le considérer comme le précurseur du Speedster qui partage la même philosophie. En 1954, le Speedster sort avec des La naissance des versions découvrables Très tôt, un Cabriolet fut étudié en complément du Coupé. À la fin des années 1940, Porsche confiait la réalisation des 356 Cabriolet aux frères Beutler. Mais ceux-ci n’arrivant pas à tenir le rythme, ces versions furent ensuite produites par Gläser (jusqu’à fin 1951) et Reutter qui reste au catalogue jusqu’à la fin EH OUI ! UN MOTEUR DE 356, C’EST UN TRUC MINUSCULE QUI SE PERD DANS UN ESPACE MINUSCULE. caractéristiques semblables, et un équipement réduit au minimum afin de tirer le prix juste au-dessous de la barre des 3 000 $. Son nom si légendaire lui-même est la contraction géniale de speed car et de roadster. Le Convertible D En 1958, alors que les ventes de Speedster commencent à décliner aux USA (environ 1500 pour l’année 1957), Porsche s’inquiète de voir ses acquéreurs se limiter aux coureurs amateurs et aux inconditionnels et seulement dans les États ensoleillés comme la Californie. Certains clients américains se plaignaient des sièges baquets, du manque général de confort et de protection contre l’environnement. S’il veut augmenter les ventes dans les zones de climat plus froid ou humide, Porsche sent qu’il faut modifier son offre, et que des améliorations significatives sont nécessaires pour attirer les acheteurs. Mais qu’il existe certainement un marché pour « un coureur du week-end » avec un pare-brise amovible. Une autre raison de bouger sur ce sujet est la faible profitabilité à la fois pour l’usine et les distributeurs. Le Convertible D sera la solution. Sous l’impulsion d’Hoffman, Porsche avait senti la nécessité de disposer d’une auto un peu plus basique et plus abordable que les 356 Coupé et Cabriolet pour concurrencer les petites sportives anglaises. Aussi, comme les ventes globales en croissance stable pesaient 22 (RE)DÉCOUVERTE 23 LES PARE-CHOCS COMPLEXES DONT LES RETOURS CASSENT LES LIGNES, LES ARCHES DE ROUES TANTÔT TROP HAUTES, TANTÔT TROP BASSES. AUTANT DE GIMMICKS QUI PASSENT TOTALEMENT INAPERÇUS. LE LUXE SUPRÊME, EN MATIÈRE DE PORSCHE RESTAURÉE, C’EST LA QUALITÉ DU TRAVAIL DES ARTISANS, QUI VOUS SCOTCHE À CHAQUE FOIS QUE VOUS PÉNÉTREZ DANS L’HABITACLE. À l’exception des Carrera de course, produits hors série, les Convertible D demeurent les Porsche 356 de série les plus rares et les plus méconnues. trop sur les installations existantes, Porsche contracta la production du nouveau modèle avec le carrossier Drauz à Heilbronn, d’où le « D » dans le nom du Convertible. Les tout premiers exemplaires portaient encore un sigle « Speedster D » sur les ailes avant (gauche uniquement ?), puis ont disparu avec la production. Il est remplacé par le badge du carrossier Drauz sur le bas de l’aile avant droite. Le 31 juillet 1958, Porsche envoie une lettre aux revendeurs annonçant le nouveau modèle Convertible D en spécifiant les différences avec le Speedster. Comment les reconnaître ? Le montant de pare-brise sur les Cabriolet reprend la forme de celui du Coupé, nettement plus épais. Sur le Speedster, de 1954 à 1958, c’est un pare-brise beaucoup plus bas et avec des angles arrondis. Sur les Convertible D, le pare-brise est complètement revu, avec un cadre plus solide et des montants latéraux plus hauts, permettant un meilleur ajustement avec le toit, et une meilleure étanchéité avec de véritables vitres de por tes. Les deux modèles avaient des cadres de pare-brise et SIGNATURE DU CONVERTIBLE D, LA SIMPLE GRILLE À L’ARRIÈRE. TELLEMENT MIEUX QUE DEUX GRILLES, NON ? des montants latéraux faits de laiton plaqué chrome. La hauteur totale augmente de 8,9 cm par rapport au Speedster. La structure en acier pliable de la capote a évolué depuis le Speedster pour s’ajuster au pare-brise plus haut et aux glaces latérales. Il possède une construction en acier tubulaire et une arche de pare-brise en acier, contrairement à celle du Cabriolet qui est en bois. Par rapport au Speedster, la structure du toit gagne une arche additionnelle et il y a toujours deux loquets de capote (trois dans le Cabriolet). Enfin, le toit des versions D reçoit des gouttières au-dessus des vitres latérales. Pour autant, la capote reste en toile simple sur le Convertible D, comme elle le fut sur le Speedster, alors qu’elle est doublée sur le Cabriolet. La fenêtre arrière est agrandie, plus encore que celle déjà haute du Speedster. Le couvre-capote du Speedster était déjà très différent de celui du Cabriolet, étant plus long et sans embrasure pour la bande de punaises. Une nouvelle référence de pièce est ajoutée pour le couvre-capote avec l’introduction du Convertible D, due à la forme spécifique de la cabine arrière et à la modification du mécanisme du toit. Ce qui éloigne encore un peu plus le Convertible D de la plus authentique tradition des « voitures de sport », c’est l’ajout de véritables vitres latérales, au lieu des panneaux amovibles du Speedster. Des vide-poches sont ajoutés sur les deux panneaux de porte intérieurs, et un volet de verrouillage côté conducteur, celui du passager étant optionnel. Évolution notable, les sièges au rembourrage minimal du Speedster sont remplacés par des versions proches du Coupé, qui peuvent, contre supplément, disposer d’un dossier inclinable ou d’appui-tête sur l’un ou les deux sièges. Les Speedster étaient équipés d’un vinyle demi-tonneau NOTEZ LA POSITION DES ÉCHAPPEMENTS, LA FAIBLE ACCESSIBILITÉ MÉCANIQUE ET... LA CELLULE CENTRALE QUI A TOUT D’UNE PORSCHE 911. PEINTURE, CHROMES, COMPTEURS, INTERRUPTEURS, BOISERIES… TOUT EST SUBLIME. CONFORME À 100 %, PAR LA QUALITÉ, LES MATÉRIAUX, LA FAÇON ET LA COULEUR. en guise de couvre-capote, un tonneau complet faisait partie des options. Le Convertible D arrive d’origine avec une couverture de coffre en vinyle pour le toit pliant, mais ne couvrait pas les places arrière. On pouvait commander un tonneau en sus. Les moulures latérales de ceinture de caisse en aluminium, presque standard sur le Speedster, sont reconduites sur toute la production du « D », mais peuvent être supprimées à la demande. Ces baguettes qui allongent visuellement la ligne restent présentes sur le Roadster, mais sont bien plus rares sur les Cabriolet ou les Coupé, où elles étaient proposées en option. Quelques améliorations sont intervenues au fil du temps : lave-glace en équipement standard, nouveaux bras d’essuie-glaces, un rétroviseur intérieur plus grand monté sur un nouveau support, et un tableau de bord pouvant accueillir un cendrier ou une radio. D’autres détails les distinguent : la disposition des trois compteurs de la série Speedster/Convertible D/Roadster avec le compte-tours central est décalée vers le haut tandis que sur le Cabriolet les compteurs sont alignés, comme sur le Coupé. De fait, la coiffe de la planche de bord est modifiée et arbore une casquette. Trois boutons et le contacteur, plus un mono- 24 (RE)DÉCOUVERTE DISTINGUER UN TABLEAU DE BORD DE CONVERTIBLE DROADSTER-SPEEDSTER D’UN AUTRE DE CABRIOLET OU DE COUPÉ 356 ? SIMPLE : LE COMPTE-TOURS EST DÉCALÉ VERS LE HAUT. Moins d’air que dans le Speedster, mais une expérience de conducteur qui s’apparente à celle d’un motard. Bien au contact des éléments ! gramme Porsche chromé, voilà pour l’équipement. Mécaniquement, le Convertible D était identique au Speedster (base A T2), tous les changements s’étant orientés sur le confort et l’isolation. Il était aussi plus lourd et moins aérodynamique, mais conservait de bonnes performances, comparé aux sportives de l’époque. Les « D » s’en remettaient aux 60 ch du 1600 Normal « Damen » (Type 616/1) ou au 1600 Super de 75 ch (type 616/2). Seulement deux exemplaires du Convertible D furent équipés du 1500 GS Carrera à quatre arbres et 100 ch, alors que sur les 4145 Speedster fabriqués, 151 ont été équipés du Carrera. Et à l’usage, cette « Décapotable D » était aussi nettement plus pratique que le Speedster : un plus grand pare-brise, de vraies glaces latérales, des sièges bien plus confortables, une meilleure habitabilité capote en place grâce à une garde au toit supérieure, mais aussi, et surtout, meilleure protection contre le vent, tout en conservant les belles lignes de caisse et la ceinture descendante qui bouleverse tant de passionnés de 356. Bien sûr, un peu du minimalisme et du caractère sportif du Speedster ont été perdus et beaucoup de puristes s’en sont LE COURRIER ADRESSÉ PAR PORSCHE AUX CONCESSIONNAIRES, POUR LES AIDER À COMPRENDRE, PUIS À VENDRE LE CONVERTIBLE D, SORTE D’HYBRIDE DANS LA GAMME ET L’HISTOIRE, À LA PHILOSOPHIE COMPLEXE. plaints dès 1958. Qu’importe : avec seulement 1 330 exemplaires assemblés d’août 1958 à septembre 1959, c’est la 356 de production la plus rare (avec les versions Carrera, qui étaient des commandes spéciales, et les Roadster T6 à deux grilles). Très peu de Convertible D furent impor tés en Europe avant l’apparition du Roadster B basé sur le nouveau style de carrosserie T5 (fin 1959 millésime 60) dont la production cessait faute de commandes à la fin de l’année modèle 1962, après seulement 248 B T6 produites. Ironie de l’histoire, ces 356 les moins chères – Speedster, Conver tible D et Roadster – sont devenues inabordables. Eleven Cars 4, avenue Victor-Hugo - 75116 Paris Tél. : 06 03 69 82 93 et 01 53 64 96 00 www.eleven-cars.com https://fr-fr.facebook.com/ElevenCars