Guide animateur - Chaire de recherche du Canada en éducation à
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Guide animateur - Chaire de recherche du Canada en éducation à
Guide de l’animateur conjuguer érotisme et réduction des risques DIRECTION SCIENTIFIQUE Martin Blais, Ph. D., professeur, Département de sexologie, Faculté des sciences humaines, Université du Québec à Montréal. Joanne Otis, Ph. D., professeure, Département de sexologie (Faculté des sciences humaines) et Chaire de recherche du Canada en éducation à la santé (Faculté des sciences de l’éducation), Université du Québec à Montréal. ÉQUIPE DE CONCEPTION Claude Cyr, M.A., sexologue. Marie-Eve Girard, M.A., agente de recherche, UQAM. Simon-Louis Lajeunesse, Ph. D., agent de recherche, UQAM. Shany Lavoie, B.A., assistante de recherche, UQAM. Marc-André Primeau, assistant de recherche, UQAM Michèle St-Amand, M.A., sexologue. Ludivine Veillette Bourbeau, B.A., agente de recherche, UQAM. COMITÉ CONSULTATIF SCIENTIFIQUE Michel Alary, M.D., Ph. D., professeur, Département de médecine sociale et préventive de l’Université Laval Gaston Godin, Ph. D., professeur, Faculté des sciences infirmière de l’Université Laval Karine J. Igartua, MDCM, FRCPC, CMQ, psychiatre, Centre d'orientation sexuelle de l'Université McGill Gilles Lambert, M.D., m.édecin-conseil à la Direction de la santé publique de Montréal René Lavoie, Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida Richard Montoro, MDCM, MSc, FRCPC, CMQ, psychiatre, Centre d'orientation sexuelle de l'Université McGill COMITÉ CONSULTATIF DES MILIEUX DE PRATIQUE Annie Caron, M.A., CSSS Jeanne-Mance Riyas Fadel, B.A., Séro-Zéro Christian Joubert, M.A., Travailleur social Jorge Flores-Aranda, M.A., Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida Ken Monteith, D.G., Aids Community Care Montreal Robert Rousseau, D.G., Séro-Zéro 1 SOURCES DE FINANCEMENT Instituts de recherche en santé du Canada Service de lutte contre les infections transmissibles sexuellement et par le sang (SLITSS) (SLITSS) Citation : Blais, M., Otis, J., & l’Équipe Phénix (2008). Phénix : conjuguer érotisme et réduction des risques, programme pour hommes gais et bisexuels. Guide de l’animateur. Montréal : Département de sexologie, Faculté des sciences humaines et Chaire de recherche du Canada en éducation à la santé, Université du Québec à Montréal. ISBN : 2-922432-20-3. 2 3 REMERCIEMENTS Le programme Phénix résulte de la collaboration exceptionnelle de plusieurs personnes et organismes. En premier lieu, nous désirons remercier les hommes qui ont accepté de participer au projet-pilote Phénix et qui nous ont permis de produire un programme plus ancré à leurs besoins et préoccupations. Les intervenants qui ont accepté d’accompagner les participants dans cette démarche, Annie Caron, Riyas Fadel et Christian Joubert, et qui nous ont transmis leurs précieux commentaires ont apporté une contribution inestimable au programme. Nous désirons également remercier nos partenaires, le Centre de santé et de services sociaux Jeanne-Mance, Action Séro-Zéro, la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le VIH/sida (COCQ-Sida) et AIDS Community Care Montreal (ACCM), qui ont mis à notre disposition leurs ressources, leurs intervenants et leurs locaux pour l’implantation et le développement du projet. Ils nous ont fait confiance en s’engageant dans une démarche qui leur était inconnue et, sans eux, Phénix n’aura pas connu le développement qu’il connaît aujourd’hui. Phénix est issu de la mobilisation d’une équipe de chercheurs et de cliniciens issus des milieux universitaires, politiques, communautaires et hospitaliers qui ont jugé nécessaire et important de mettre sur pieds un tel programme. À titre de comité consultatif, ils ont guidé le travail d’une équipe de recherche qui a travaillé sans relâche à relever le défi de mettre en forme une intervention à la fois fondée sur des données probantes et adaptée aux réalités des milieux de pratique. L’équipe de recherche derrière Phénix a fait preuve d’un engagement exceptionnel à livrer un produit de qualité. Enfin, Phénix n’aura pu voir le jour sans l’engagement financier des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et du Service de lutte contre les ITSS du Ministère de la Santé et des Services sociaux du gouvernement du Québec. Merci à chacun pour leur engagement et leur fidélité. Martin Blais et Joanne Otis pour l’Équipe Phénix 4 5 INTRODUCTION Phénix PHÉNIX : POUR CONJUGUER ÉROTISME ET RÉDUCTION DES RISQUES Phénix s’adresse à des hommes qui désirent réduire leur risque de contracter une infection transmissible sexuellement telle que le VIH, sans toujours être en mesure d’y parvenir comme ils le souhaiteraient. Contrairement à certains programmes qui peuvent donner l’impression que la réduction des risques exige nécessairement de faire des compromis sur le plaisir et la satisfaction sexuelle, Phénix vise explicitement à relever le défi d’apprendre aux hommes qui y participent comment mieux conjuguer érotisme et réduction des risques. Le terme érotisme est ici utilisé dans un sens très large et renvoie non seulement aux activités relatives à la stimulation des zones érogènes tant génitales que non génitales, mais également à l’ensemble des sources susceptibles d’éveiller l’excitation sexuelle et de la faire monter jusqu’à l’orgasme. Les sources de stimulation sont multiples : elles renvoient tout autant à la stimulation du corps avec ses mains, le corps de l’autre ou des objets qu’à des sources de stimulation telles que les fantasmes, les souvenirs érotiques, etc. Phénix repose sur les connaissances scientifiques disponibles sur la sexualité des hommes gais et bisexuels au moment où il a été développé. Ces connaissances montrent que différents facteurs contribuent à la prise de risques sexuels et que les hommes gais et bisexuels ne s’exposent pas tous à des risques dans les mêmes circonstances et pour les mêmes raisons. Néanmoins, dans la majorité des cas, il s’agit de circonstances et de facteurs qui influencent à la baisse leur intention de minimiser leurs risques d’infection. Phénix explorent avec les hommes plusieurs exemples de circonstances et de facteurs influençant négativement leur intention de se protéger : la consommation de substances telles que de l’alcool ou des drogues qui diminuent la vigilance et contribuent à la prise de certains risques que l’on n’aurait pas acceptés de prendre en d’autres circonstances; la quête d’intimité qui incite certains hommes à abandonner l’usage du préservatif afin de se sentir plus proches de leurs partenaires; la quête de sensations sexuelles fortes dans laquelle le préservatif peut apparaître comme un trouble-fête et un obstacle au plaisir; les attitudes défavorables envers le préservatif, notamment en raison des difficultés érectiles qu’il provoque chez certains hommes; des revers de la vie qui contribuent à reléguer au second plan le souci que l’on porte à sa santé tant ses problèmes sont importants; les présomptions sur le niveau de risque des pratiques sexuelles et sur le statut sérologique des partenaires sexuels; les difficultés à affirmer à son partenaire son désir de réduire ses risques; etc. 6 Ces facteurs et ces circonstances ne sont pas mutuellement exclusifs. On observe néanmoins que certains hommes ont tendance à perdre le contrôle plus facilement dans certaines de ces circonstances, tout en faisant preuve d’un grand contrôle dans certaines autres. Il revient à chacun d’identifier la combinaison particulière de facteurs qui le conduit à glisser vers la prise de risques et de développer ou consolider des stratégies qui lui permettent de minimiser ses risques. 7 Pour parvenir à relever ce défi, Phénix propose une démarche en quatre étapes : 1. La première de ces étapes vise à aider les hommes à prendre conscience de la combinaison particulière de facteurs et de circonstances qui contribuent à ce qu’ils s’engagent dans des conduites à risque. Pour favoriser cette prise de conscience, Phénix propose des exemples qui illustrent les combinaisons de facteurs et de circonstances apparaissant les plus fréquentes à la lumière des connaissances actuelles. Ces exemples n’ont pour objectif que de soutenir les hommes dans leur tâche première de mieux comprendre les facteurs et les circonstances dans lesquels ils s’exposent à des risques d’infection. Au cours de cet exercice, les hommes sont invités à situer, entre autres, la place de la quête d’intimité, de plaisir et de sensations fortes dans leur sexualité. 2. La deuxième étape consiste à planifier des stratégies de réduction des risques. Les campagnes de prévention ont surtout mis à l’avant-plan l’usage du préservatif comme stratégie de réduction des risques et il est juste de dire que le préservatif en constitue la meilleure stratégie. En plus du préservatif, Phénix propose aux hommes une panoplie de stratégies de réduction des risques qui, sans être aussi directement efficaces dans la prévention de la transmission du VIH que le préservatif, permettent par leur conjugaison d’intervenir sur les facteurs et les circonstances qui motivent la prise de risques. Au cours de cette étape, les hommes sont invités à élaborer un plan d’action stratégique spécifiquement adapté aux combinaisons particulières de facteurs et de circonstances qui sont pour eux les plus importantes en termes de risques. Dans cet exercice, les hommes sont invités à prendre en compte leurs préférences sexuelles, puisque l’objectif de ces stratégies est de maximiser le plaisir sexuel tout en diminuant les risques d’infection. Qui plus est, ils sont invités à faire preuve de réalisme afin d’être en mesure d’implanter ces stratégies dans leur vécu sexuel concret. 3. La troisième étape à laquelle Phénix convie les hommes est la mise en pratique des stratégies de réduction des risques. Tous les hommes qui expriment le désir de participer à Phénix le font parce qu’ils ont l’intention de diminuer les risques auxquels ils s’exposent tout en maximisant leur plaisir sexuel. Toutefois, cette intention tend à vaciller au cours de l’enchaînement des événements qui conduisent au rapport sexuel. Ainsi, au fur et à mesure qu’on se rapproche du moment du rapport sexuel, l’intention de minimiser ses risques d’exposition aux ITS est reléguée au second plan et se trouve supplantée par d’autres considérations telles que la quête d’intimité ou la quête de sensations sexuelles. Au cours de cette troisième étape, nous invitons les hommes, par différentes stratégies, à consolider leur intention de réduire leurs risques, par exemple en les amenant : 1) à décrire les moyens par lesquels ils mettront en application les stratégies identifiées durant l’étape précédente; 2) à identifier les obstacles qu’ils estiment rencontrer dans cette mise en application concrète; et 3) à identifier les mesures qu’ils prendront pour surmonter ces obstacles. 4. La quatrième et dernière étape consiste, après un temps de pause de quelques semaines, à réévaluer le réalisme du plan d’action stratégique élaboré, à identifier les obstacles rencontrés dans leur mise en application, à envisager des méthodes pour les surmonter, ou encore à revoir la pertinence de certaines stratégies et à les remplacer au besoin. Ici encore, des activités sont proposées afin de consolider l’intention de réduire ses risques d’exposition à des ITS comme le VIH. 8 Rappelons que Phénix s’adresse à des hommes gais et bisexuels qui désirent intégrer dans leur sexualité des stratégies de réduction des risques sans pour autant compromettre leur plaisir sexuel. Cet objectif explicite de maximisation du plaisir sexuel se traduit par des activités de nature érotique. Des illustrations de diverses activités érotiques sont proposées. Des documents audiovisuels sont présentés, des explications sont fournies et des exercices, à mettre en pratique en solo ou avec partenaire, sont proposées. Ces activités érotiques couvrent un registre de pratiques diversifiées, allant des techniques de stimulation pénienne, applicables dans la masturbation ou dans la stimulation génitale des partenaires, à l’usage des jouets sexuels, en passant par les caresses orogénitales, la pénétration anale ainsi que les techniques de massage anal et de gestion de l’inconfort et de la douleur. Chacune des pratiques sexuelles couvertes dans Phénix est l’occasion d’une discussion libre sur les préférences sexuelles des hommes ainsi que les habiletés à développer pour devenir un meilleur amant. Ces discussions sont l’occasion de faire le point sur certaines des zones grises qui existent dans le degré de risque de ces pratiques. Phénix repose sur l’hypothèse qu’il est possible de devenir un meilleur amant tout en diminuant les risques auxquels on s’expose. QUELLE FORME PREND PHÉNIX? Phénix est un programme composé d’un total de huit ateliers de 3 heures chacun. Ces ateliers se déroulent en petit groupe de six à huit participants. Le premier atelier est une rencontre d’accueil qui permet d’informer les participants des objectifs de Phénix et de s’assurer qu’il y a adéquation entre les attentes des hommes qui désirent y participer et ce que Phénix est en mesure de leur offrir. Une fois les attentes clarifiées, les hommes qui choisissent de s’engager dans Phénix sont invités à compléter un premier bilan portant sur leurs activités sexuelles, leurs compétences érotiques et leur recours à diverses stratégies de réduction des risques. Les six ateliers suivants proposent des activités variées qui permettent d’atteindre les objectifs du programme. Entre le septième et le dernier atelier, s’écoulent quelques semaines. Ce laps de temps permet aux hommes de mettre à l’épreuve leur plan d’action stratégique et de tester son applicabilité concrète. La huitième rencontre permet de faire le point sur ce plan d’action, de le réviser et de le consolider. Lors de cette dernière rencontre, les hommes sont invités à compléter un bilan final qui porte sur leur appréciation de la démarche proposée par Phénix ainsi que sur leurs conduites sexuelles, leurs compétences érotiques et les stratégies de réduction des risques qu’ils mettent ou non en pratique. Des outils ont été développés ou rassemblés pour atteindre les objectifs : des vidéos, du matériel informatif, des illustrations graphiques, des questionnaires d’auto-évaluation permettant de faire le point, etc. Ces outils sont utilisés en conjonction avec des stratégies telles que des discussions de groupe, des réflexions personnelles, des démonstrations d’habiletés érotiques, etc. 9 Le tableau qui suit illustre la démarche proposée par Phénix. Session 1 Ce qui m’allume 2 Préparer le terrain 3 Jouer avec le feu 4 Prévenir dans le plaisir 5 Reprendre le contrôle 6 Avant de passer à l’action 7 Équipé pour veiller tard Composantes cognitives • Sources d’excitation sexuelle • Motivations à avoir des rapports sexuels et à utiliser le préservatif • Sentiment d’invulnérabilité • Connaissances VIH/ITSS • Niveaux de risque • Prévalence et incidence • Risques associés aux caresses génitales • Profils de risque • Critères d’évaluation du statut sérologique des partenaires • Chaîne de prise de risques • Risques associés aux caresses buccales • Chaîne de prise de risques • Comparaison des chaînes avec et sans risque • Attitudes envers le préservatif • Risques associés aux relations anales • Usage et abus de substances • Recherche de sensations fortes • Solutions de rechange aux relations anales non protégées • Négociation de l’usage du préservatif • Contrôle perçu sur l’usage du préservatif • Solutions de rechange aux relations anales non protégées • Élaboration du plan d’action stratégique • Perception d’inévitabilité de l’infection par le VIH • Risques associés au partage des jouets sexuels • Réévaluation de ses stratégies préventives • Précision de son plan d’action stratégique pour diminuer ses risques d’infection par le VIH Composantes érotiques La masturbation Le massage génital Les caresses buccales Matériel • Guide du participant • Photos de différents lieux présentant des atmosphères variées, photos d’hommes de styles variés, photos de loisirs diversifiés • DVD Témoignages et entrevue avec un médecin • DVD Instincts • Condoms, lubrifiant et godemiché • DVD Témoignages et entrevue avec un médecin • DVD Male Genital Massage • Affiches des cinq profils, enveloppe contenant 40 cartes indiquant « séronégatif » et 10 cartes indiquant « séropositif » • Modèle de chaînes • DVD Uranus: Self-Anal Massage Le massage anal La pénétration anale Les jouets sexuels for Men • Cinq lettres du courrier Phénix • DVD Instincts • DVD Instincts • Bottin des ressources 10 D’OÙ VIENT PHÉNIX ET SUR QUELLES BASES SCIENTIFIQUES A-T-IL ÉTÉ CONÇU? Phénix est la concrétisation de l’engagement d’un groupe de chercheurs québécois qui ont étudié en détail les différents aspects de la vie des hommes gais et bisexuels, y compris leurs comportements sexuels et les différents facteurs qui les influencent. Bien que ces chercheurs aient particulièrement interrogé des hommes résidant dans la grande région de Montréal, notamment via la Cohorte Oméga ou les travaux d’ARGUS, Phénix repose aussi sur des données colligées dans le cadre de travaux nationaux et internationaux, notamment canadiens, américains et européens. Phénix est une intervention fondée sur des données probantes, c’est-à-dire qu’elle repose sur les connaissances scientifiques disponibles au moment de sa conception. Ces données ont permis de répondre à l’ensemble des questions qui doivent guider la conception d’une telle intervention. Pour ce faire, six étapes ont été suivies. Dans une première étape, les données recensées ont permis d’établir le portrait des hommes qui s’exposent à des risques dans leur sexualité et de documenter les facteurs et les circonstances associés à cette exposition. Cette étape est appelée analyse des besoins par les concepteurs d’intervention. Cette analyse est suivie d’une deuxième étape, soit la formulation des objectifs. Il existe plusieurs façons de concevoir la formulation des objectifs. La démarche de conception d’intervention dont Phénix s’inspire (l’Intervention ciblée [Bartholomew, Parcel, Kok et Gottlieb, 2006]) distingue deux grands types d’objectifs : les objectifs de performance et les objectifs d’apprentissage. Les objectifs de performance décrivent les grandes tâches que les hommes sont appelés à réaliser via leur participation à Phénix. Ils sont en lien avec les étapes décrites précédemment et comme elles, ces objectifs de performance sont au nombre de quatre : 1) reconnaître ses zones de perte de contrôle; 2) planifier l’adoption de stratégies de réduction des risques adaptées à ses préférences; 3) mettre en pratique des stratégies de réduction des risques; et 4) réévaluer et consolider ses stratégies de réduction des risques. Pour chacun de ces objectifs de performance, plusieurs objectifs d’apprentissage sont proposés. Ces derniers font référence aux connaissances, aux attitudes et aux habiletés dont il faut faire l’apprentissage afin d’être en mesure de réaliser les objectifs de performance. Les étapes 3 et 4 de la conception de Phénix ont consisté dans la sélection de stratégies concrètes pour créer des occasions d’apprentissage et la planification des modalités de l’intervention. Chaque activité proposée dans Phénix est une occasion de réaliser divers apprentissages jugés importants. Les stratégies proposées ont été sélectionnées en fonction des données disponibles sur leur efficacité pour atteindre les objectifs poursuivis. De même, les modalités de l’intervention (le nombre de rencontres, leur durée, leur format, etc.) ont été déterminées en fonction des facteurs de succès connus en prévention du VIH. Parmi ces facteurs, on peut dégager l’importance de fonder l’intervention sur des modèles théoriques du changement de comportements, la nécessité de déployer une intervention d’une intensité suffisante en termes de durée et de fréquence ainsi que l’importance de recourir à des stratégies et à des médias diversifiés. La cinquième étape a consisté à implanter Phénix dans deux milieux de pratique différents (un milieu communautaire et un milieu institutionnel) et, en sixième et dernière étape, à évaluer tant les facteurs ayant influencé sa mise en application que ses effets sur les hommes qui y ont participé. Cette évaluation, de nature formative, a permis aux participants 11 de s’exprimer sur les changements qu’ils considèrent comme pertinents et utiles pour améliorer Phénix. La version actuelle de Phénix tient compte de leurs recommandations. C’est aussi grâce à cette évaluation que l’on peut affirmer que Phénix est une intervention prometteuse pour promouvoir la réduction des risques sexuels chez les hommes gais et bisexuels dans la mesure où il a montré une efficacité à modifier certains des facteurs impliqués dans l’exposition aux risques d’infection par des ITS. Une évaluation à plus vaste échelle reste toutefois nécessaire pour l’affirmer avec une plus grande certitude. Enfin, cette évaluation a été l’occasion de dégager les conditions gagnantes pour implanter de façon optimale Phénix dans différents milieux de pratique ainsi que pour formuler certains conseils à cet égard. Ces conditions sont décrites dans la section qui suit. CONDITIONS OPTIMALES D’IMPLANTATION DE PHÉNIX Nous avons consigné ici les conditions qui, au cours de l’expérimentation du projet, sont apparues optimales pour implanter Phénix sans en compromettre la forme et les contenus. Nous les avons regroupées en cinq catégories, à savoir la promotion du programme et le recrutement; la constitution des groupes de participants; la formation des animateurs; les modalités d’implantation à privilégier; et la gestion des interactions entre les participants. Promotion du programme et recrutement • • Les organismes qui désirent implanter Phénix sont invités à promouvoir le fait qu’il vise à conjuguer érotisme et réduction des risques plutôt que de le présenter comme un programme de prévention de l’infection par le VIH. La participation à Phénix exige un certain engagement dans le temps de la part des participants, ce qui peut le rendre moins attrayant pour certains hommes. Afin de pouvoir conserver un nombre suffisamment élevé de participants pour commencer le programme, il importe donc d’en faire la promotion à large échelle. Voici des exemples de stratégies ayant montré une certaine efficacité : o communiqués dans les journaux spécialisés et généraux; o dépliants promotionnels dans les cliniques de soins médicaux, les saunas et les organismes communautaires; o bannières sur des sites internet à grande affluence. Constitution des groupes de participants • • • Un nombre de participants par groupe variant de 6 à 8 est recommandé. Pour assurer ce nombre, il est probable qu’il faille inscrire entre 10 et 12 participants. Il importe de constituer des groupes relativement homogènes de participants, particulièrement en fonction de l’âge et des modes de vie. La plupart des hommes qui ont cessé de participer au programme l’ont décidé dès la fin du premier atelier et ont rapporté comme motifs principaux la différence d’âge avec les autres membres du groupe et le fait de ne pas se reconnaître un mode de vie commun avec eux. Afin d’accroître l’homogénéité des groupes, les animateurs peuvent aussi utiliser les données recueillies par le biais du bilan préliminaire que les participants sont invités à remplir lors de la rencontre d’accueil. Rassembler des participants en fonction de leur profil sexuel permet de centrer les discussions sur un nombre plus restreint de facteurs et, de ce fait, d’approfondir les profils de prise de risques et les stratégies de réduction des risques. 12 • Un guide pour réaliser les contacts téléphoniques préalables à la rencontre d’accueil est proposé dans la section suivante. Ce guide permet d’établir le profil sociodémographique des participants et de s’assurer qu’ils répondent aux critères de participation à Phénix. Seuls les hommes qui répondent à ces critères sont invités à se présenter à la rencontre d’accueil. Ce guide ne permet toutefois pas de cerner leur profil sexuel. Ce dernier aspect est couvert dans le bilan préliminaire qu’ils sont invités à remplir lors de la rencontre d’accueil. Animation • • • La formule d’animation idéale apparaît être la dyade. La présence de deux animateurs permet la division des tâches. Il importe toutefois d’établir cette division au préalable et de ne pas l’improviser en cours d’atelier. L’expérience démontre que cette dyade peut être formée tout aussi bien de deux hommes gais que d’un homme gai et d’une femme. Les animateurs doivent accorder du temps de parole aux participants, tout en veillant à ce que toutes les activités de chaque atelier soient réalisées dans le temps imparti. Dans l’animation des discussions, il est important que les animateurs posent aux participants les questions telles qu’elles sont formulées dans le Guide d’animation. Ces questions ont été formulées afin de répondre à des objectifs précis. En cas de besoin, les animateurs peuvent les reformuler légèrement pour s’assurer que les participants ont compris. Formation des animateurs • • L’animation du programme Phénix doit s’appuyer sur une formation. Cette formation permet aux animateurs de comprendre les fondements de l’intervention, sa structure et les objectifs ainsi que d’expérimenter les activités proposées. L’étude de validation a montré que des animateurs formés à des modèles d’intervention (sexologie, toxicomanie, travail social, etc.) et possédant une expérience préalable en animation de groupes se sentaient plus confortables et plus compétents. Lieu physique • • Les participants rencontrés lors de l’étude de validation ont rapporté avoir aimé se retrouver dans une salle relativement isolée (sans vue sur l’extérieur, sans activité autour, isolée des bruits extérieurs, etc.). Il importe d’implanter Phénix dans un lieu physiquement confortable et de créer une ambiance propice à la confidence, par exemple en tamisant la lumière et en limitant la pollution sonore externe. Matériel • • • 13 Les participants doivent avoir leur Guide du participant en mains à chaque atelier. Il faut mettre à la disposition des participants condoms et lubrifiant à chaque rencontre, étant donné qu’ils en ont besoin pour la réalisation de leurs activités érotiques hebdomadaires. Il faut prévoir le matériel nécessaire pour chacune des huit rencontres et s’assurer qu’il fonctionne avant chaque atelier. Gestion des interactions entre les participants • • • • Tous les participants doivent s’engager à respecter les règles de fonctionnement du groupe. Les dérogations doivent faire l’objet d’une mise au point avec les participants concernés individuellement plutôt qu’en groupe, afin de ne pas faire dévier la discussion sur des objectifs autres que ceux poursuivis par Phénix. Dans la gestion des interactions entre les participants, détente et humour sont de mise. La confrontation directe d’un participant par les animateurs devrait être évitée. Règle générale, les autres participants ont tôt fait de réagir à des propos qu’ils jugent inadéquats, libérant ainsi les animateurs de ce rôle de régulation. Si chacun est invité à se dévoiler durant les ateliers, aucun n’y est obligé. Les silences et les malaises se dissipent souvent à partir du moment où un participant, voire un animateur au besoin, accepte de se dévoiler au moins partiellement, rendant ainsi les autres à l’aise de faire de même. Les participants souhaitent avoir des occasions informelles pour discuter entre eux et avec les animateurs, par exemple au moment des pauses. Ces occasions leur permettent de créer des liens entre eux, ce qui favorise la cohésion du groupe et facilite les interactions ultérieures. Elles leur permettent aussi de poser des questions qu’ils n’ont pas toujours eu le temps de poser ou de formuler au moment opportun, ou encore de poser des questions qu’ils ne se sentent pas nécessairement à l’aise de poser dans le groupe. 14 15