01 - Via-Alta

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01 - Via-Alta
Gian Vittorio Avondo - Claudio Rolando
VIA ALTA
LA VIA FRANCIGENA
DE LA VALLÉE DE SUSA À VERCELLI
L’édition de ce volume a été cofinancée par des fonds de l’Union Européenne,
dans le cadre du programme ALCOTRA 2007-2013
Licence d’utilisation à durée indéterminée pour la publication
sur le site www.via-alta.com
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TOUS DROITS RÉSERVÉS
Traduction : Sylvie Bigoni
Coordination éditoriale : Roberto Marro
Maquette et mise en page : Manuela Banchio
Année 17 16 15 14 réédition
N1234
Gian Vittorio Avondo - Claudio Rolando
VIA ALTA
LA VIA FRANCIGENA
DE LA VALLÉE DE SUSA À VERCELLI
Sommaire
01 Du Col du Montgenèvre à Oulx
10
02 De Oulx à Susa
19
03 Du Col du Mont-Cenis à Susa
32
04
De Susa à Avigliana
46
05 De Susa à Almese
65
06 D’Avigliana à Turin
76
07 D’Almese à Turin 89
08 De Turin à Chivasso
96
09 De Chivasso à Castell’Apertole
106
10 De Castell’Apertole à Vercelli
114
OÙ DORMIR 128
OÙ MANGER 131
OÙ ACHETER ET DÉGUSTER HOSPITALITÉ ET PÈLERINAGE
135
140
5
Introduction
Parcourir la Via Alta pour découvrir un territoire,
une culture et des populations
Promouvoir la dimension culturelle et spirituelle des territoires de montagne, de la vallée de Susa en Italie et de la haute vallée de la Durance
en France, au travers de la valorisation d’un axe historique qui relie deux
grandes destinations touristiques et culturelles, Avignon et Turin, allant
jusqu’à Arles et Vercelli, voilà quel est le projet européen « Via Alta »,
qui a été cofinancé dans le cadre du programme européen ALCOTRA.
La Province de Turin est le chef de projet en partenariat avec le Comité
Départemental du Tourisme des Hautes Alpes et avec le Comité Régional du Tourisme PACA (Provence-Alpes-Côte D’Azur).
La Province de Turin travaille à ce projet depuis 2008, en concomitance
avec la constitution d’un groupe de travail avec les Diocèses de Turin
et de Susa, ainsi qu’avec les associations françaises « Amis de Saint
Jacques PACA » et « Maison Usher ». Ce groupe a mis en place un projet
structuré et a envisagé un itinéraire qui, par la suite, ont été présentés dans le détail sur des cartes touristiques en italien, en français et
en anglais, disponibles dans les différents Offices de Tourisme ATL de
Turin et province. Enfin, pour mettre en valeur de façon plus dynamique
le charme et l’intérêt que dégagent les territoires traversés par la Via
Alta, le Centre Audiovisuel de la Media Agency Province de Turin a réalisé un film dédié à la partie italienne du tracé du chemin qui parcourt
la Via Francigena, empruntée pendant des siècles par les pèlerins qui
se rendaient à Rome.
Le guide que vous allez feuilleter est plutôt dédié à une présentation
géographique, culturelle et historique indispensable de ces territoires
traversés par la Via Alta, entendu que, un voyage – d’autant plus si
celui-ci est fait à pied et sur une période plus ou moins longue propice
à la méditation et à l’introspection – ne peut s’orienter que vers deux
directions de recherche : l’une intérieure (en se mettant à l’épreuve le
long d’un itinéraire qui offre peu de confort et, au contraire, de nombreuses occasions propices à la réflexion), et l’autre dédiée aux lieux et
aux personnes rencontrées au cours de ce voyage.
7
Note de l’éditeur
Au début de chacun des chapitres vous trouverez une page d’introduction à
l’étape du jour, rédigée par Michele Dosio (« M.D. »). En suivant le fil de
l’itinéraire (sans pour autant rentrer dans sa description) l’auteur, passionné
du « pèlerinage » à pied, désire nous transmettre ses sensations, ses émotions
et réflexions.
Remerciements
Les auteurs et l’éditeur remercient :
- Michele Dosio pour la collaboration précieuse et pour l’écriture des textes
d’introduction aux étapes
- les familles Natale Faure et Virgilio Faure de Salbertrand
- l’Ecomusée Colombano Romean de Salbertrand
- Valentina Mangini.
9
20,9 km
01
Du Col du Montgenèvre
à Oulx
C’est d’ici, de Montgenèvre, que part l’itinéraire de la
« Via Alta » qui chevauche les Alpes reliant un des itinéraires français vers Santiago de Compostelle à celui
de la Via Francigena vers Rome : deux grandes destinations de pèlerinage dès le Moyen-Âge. À côté de
la petite chapelle Sainte-Anne se trouve une stèle qui
nous rappelle que la première destination se trouve à
2010 km, tandis que pour Rome il ne faudra parcourir
« que » 914 km…
Alors que nous perdons progressivement de l’altitude,
la journée qui nous attend sera immergée dans un paysage alpin, parfois marqué par la présence humaine,
parfois doux et parfois âpre et sauvage.
À la sortie de Clavière, premier village italien, ancien
poste frontière, on se dirige vers un petit promontoire
sur lequel se dresse la pyramide d’une chapelle dédiée
à Saint-Gervais, de laquelle le regard embrasse un large
horizon et, juste en dessous, les gorges du même nom,
avant de précipiter dans les profondeurs de ce canyon
naturel.
La descente se fait en passant près d’un impressionnant
« pont tibétain » qui attire bon nombre de visiteurs et
qui mérite le détour, car il permet de profiter de la vue
plongeante dans les profondeurs des gorges et d’éprouver la sensation du grand vide qui se déploie sous ses
câbles suspendus tout le long de la traversée. Arrivés au
plus profond des gorges, il faudra suivre un petit sentier assez évident, parfois remplacé par des passerelles
agrippées à la roche le long du torrent Petite Doire qui,
selon les périodes, peut apparaître impétueux (toutefois le sentier ne présente aucune difficulté de parcours
même avec un gros sac à dos sur les épaules). En regardant plus haut on peut voir tout le tracé de la route
nationale, comme suspendue dans les airs de façon,
somme toute, assez surprenante et qui absorbe la circulation automobile et des poids lourds.
Cette journée prévoit également quelques tronçons
sur route goudronnée avant Cesana, puis avant Oulx,
puisque les routes actuelles ont emprunté le parcours
de l’ancienne Via Francigena. Cela fait également partie
intégrante du chemin des pèlerins des temps modernes.
Les longs tronçons de sentiers ombragés et frais qui
courent dans les bois riches parallèles à la RN sont très
agréables. Après une longue traversée dans un sousbois typique de montagne, voilà Solomiac, un très
beau village alpin désormais complètement abandonné
durant les mois d’hiver mais où, pendant la saison estivale, quelques montagnards passionnés continuent de
cultiver, avec beaucoup de soins, de très jolis potagers
où poussent toutes sortes de légumes ainsi que des
Clavière et le Mont Janus.
10
01
Du Col du Montgenèvre à Oulx
plantes officinales. En face, l’imposante paroi ouest du
Chaberton (3130 m) dont le sommet fut fortifié au début du XXe siècle. Tout au long de cette journée, notre
chemin sera dominé par des montagnes qui dépassent
les 3000 m d’altitude et, parmi elles, dès mi-parcours
direction nord, on apercevra la forme majestueuse du
mont Séguret avec ses cavités naturelles communément dénommées « grottes des Sarrasins », en souvenir
20,9 km
des troupes arabes qui y séjournèrent au Xe siècle après
avoir conquis presque toute l’Espagne et après avoir
traversé tout le Sud de la France.
La petite ville d’Oulx, important centre urbain de la
Haute Vallée de Susa, nous accueille en fin de journée
dans le calme et la paix de son « Abbaye » dans une
atmosphère qui invite à la contemplation et au recueillement. (M.D.)
DISTANCE
20,9 km
TEMPS DE PARCOURS
6 h 45
DÉNIVELÉ
760 m
ITINÉRAIRE
Montgenèvre (1850 m) est le dernier centre habité français avant la frontière avec l’Italie. À la sortie du village se trouvent l’Obélisque érigé en
honneur à Napoléon qui fit construire la route du Montgenèvre et, un
peu plus loin, la stèle qui indique les distances qui nous séparent de
Santiago de Compostelle (2010 km) et, à l’opposé, de Rome (914 km).
On pénètre en territoire italien en passant par ce qui, jusque dans les
années 1990, fut le poste frontière de Clavière (1760 m) avec, à l’entrée
11
en amont du village, les installations devenues obsolètes de la vieille douane. Après
avoir traversé tout le village, à la hauteur du
rond point où l’on rejoint la SS 24 (Strada
Statale = RN), grimper sur le sommet du
monticule en direction de la chapelle dédiée
au martyre proto-chrétien Saint-Gervais
et poursuivre le long d’un sentier qui descend en direction du départ du très long
pont tibétain suspendu dans le vide dans
les gorges du même nom juste en dessous.
Le sentier descend en effectuant une série
de lacets plutôt raides jusqu’au fond des
gorges pour aller traverser le torrent Petite
Doire. Depuis la rive opposée, surplombée
de parois de roche blanchâtre, qui dans les
temps anciens était utilisée pour produire
de la chaux (quelques restes de vieux fours
sont encore visibles), descendre sur la
droite orographique du torrent jusqu’à la SS
24 (RN 24). Continuer jusqu’aux abords de
Cesana Torinese (1358 m) et, à la sortie du
dernier virage surplombant le village avant
le pont, prendre à droite pour entrer dans le village par le haut. Traverser
tout le centre habité en se dirigeant vers l’église paroissiale dédiée à
Saint-Jean-Baptiste ornée d’un beau clocher de style roman typique du
Dauphiné. Depuis l’église, poursuivre en passant devant le cimetière,
prendre à droite puis à gauche une portion de route qui reconduit à la SS
24, la Cesana-Oulx. Arrivés à la hauteur de Mollières (1344 m), rejoindre
la route supérieure qui traverse le village et se transforme en une ample
route en terre et va jusqu’à Solomiac (1377 m), qui fut chef-lieu de la
commune qui porte son nom jusqu’au début du XXe siècle.
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Le pont tibétain
de Clavière.
Les maisons de Solomiac.
01
Du Col du Montgenèvre à Oulx
LE PONT TIBÉTAIN « SERGIO BOMPARD » DE CLAVIÈRE :
LE PLUS LONG DU MONDE.
Ce pont d’une longueur de 408 m + 70 m, dominant
les Gorges de Saint Gervais à Clavière, plus qu’un
pont tibétain, en réalité est une passerelle suspendue par des câbles en acier, ancrés dans la roche
qui se dresse sur les côtés. La structure principale
est précédée d’une première partie de 70 m de long
qui traverse la gorge perpendiculairement au cours
du torrent pour donner accès au pont principal
qui lui, pratiquement, suit le torrent sur une bonne
partie. Cette passerelle est constituée de marches et
est soutenue par des câbles, le tout en acier, à une
hauteur moyenne de 25 m au-dessus du fond des
gorges où serpente la Petite Doire. À la sortie du
pont se trouve le départ d’une via ferrata dite « du
20,9 km
bunker » qui, après un départ vertical, se poursuit
par un long travers pour finir en remontant un escalier en ciment qui constituait une issue du bunker
qu’il faudra traverser pour finir la via ferrata. Ce
petit ouvrage en ciment fut en grande partie détruit
lors des opérations de destructions dictées par les
accords du Traité de Paix de 1947 avec le gouvernement français. Une fois à l’extérieur, un autre pont
nous attend, celui-ci aux dimensions plus modestes,
mesure 90 m de long, bien que s’élevant à 100 m audessus du torrent. Le pont fut dédié à Sergio Bompard, guide de haute montagne de Bardonecchia
qui collabora à la réalisation de l’ouvrage, décédé en
2006 des suites d’une maladie.
SOLOMIAC, LA MAISON COSSUL ET ... L’« HUILE DE MARMOTTE »
Solomiac est un minuscule village désormais
habité uniquement pendant la belle saison, dont
le toponyme dérive du mot saule. Jusqu’en 1928,
il fut le chef-lieu de la commune du même nom,
dont faisaient partie les hameaux de Autagne et
Colombières.
Ce village, caractérisé par quelques belles
constructions en pierre et bois, renferme en son
sein un très beau monument, connu sous le nom
de Maison Cossul ou « château de Solomiac ». Il
s’agit d’un bel édifice constitué de quatre étages,
avec une façade reportant
de fines décorations et
complétée par des balcons
avec de belles rambardes
en bois travaillé. Sur la
façade trône un grand
cadrant solaire datant du
XIXe siècle reportant la
maxime « Vita fugit sicut
umbra ». L’édifice (non visitable) remonte très probablement au XVIIe siècle
et appartient à la famille
dont il porte le nom, et
qui exerçait une sorte de
primauté sur Solomiac,
Fenils et Mollières. La
maison apparaît comme
un édifice fortifié doté de
souterrains auxquels on ne peut accéder que par
des puits.
Les habitants de Solomiac, tout comme ceux des
villages voisins de Fenils ou Mollières, avaient
l’habitude intéressante de presser les noyaux du
Prunus brigantia, un petit arbre sauvage qui produit des petites prunes jaunes au goût insipide,
pour obtenir une huile alimentaire dite « huile
de marmotte » : dans le dialecte local, l’arbre était
appelé le marmoutier.
Maison Cossul à Solomiac.
13
LA NATURE DE LA HAUTE VALLÉE
Le Mont Chaberton.
Le long de haute vallée de la Doire Ripaire, sur
les communes de Cesana, Clavière et Oulx, se
trouvent trois sites importants : Sites d’Intérêt
Communautaire (SIC), définis selon les directives de la Communauté Européenne 92/43/CEE
« Habitats ». Le premier, comprenant les communes de Cesana et Clavière, est nommé Pentes
du Mont Chaberton. Il s’étend sur 329 hectares sur
le versant italien du mont, entre 1400 m depuis
Cesana, jusqu’aux confins avec la France à 2408
m d’altitude. Les agents atmosphériques ont travaillé en profondeur la roche carbonifère de cette
montagne en produisant une grande quantité de
détritus, créant un environnement spécifique qui
a vu s’installer une végétation particulièrement
adaptée. Parmi les zones soumises au plan de protection, se trouvent la partie boisée de pins à crochets qui poussent sur substrat calcaire et les zones
restantes de pins ponderosa ainsi que de raisins
d’ours, tous deux habitats prioritaires selon la directive. Sont également présentes dans cette même
zone, une plante endémique, Berardia subacaulis
14
(ou Bérardie laineuse, plante herbacée aux feuilles
larges, blanches et laineuses) qui est inscrite sur
la liste rouge des plantes à protéger en Italie, ainsi
que la Brassica repanda et la Campanula alpestris,
outre la seule population de Pieris ergane, un lépidoptère que l’on ne retrouve que dans très peu de
zones du Nord de l’Italie.
Le second site est l’oasis xérothermique (c’est-à
dire caractérisé par un climat sec et chaud) de la
zone Oulx-Amazas. La zone protégée (environ
300 hectares) occupe une partie du versant oriental du Mont Cotolivier (2106 m), depuis le fond
de la vallée jusqu’à environ 1500 m d’altitude, et
s’élargit en partie dans le lit de la Doire Ripaire
qui louvoie ses pentes. La zone s’arrête au nord au
Lac Borello séparée par la route qui relie Oulx à
la Madonna du Cotolivier. Sur le site se trouvent
quatre habitats d’intérêt communautaire, parmi
lesquels les prairies sèches sur substrat calcaire où
vivent de nombreuses espèces d’orchidées thermophiles (qui ont donc besoin d’un climat tempéré),
dont font partie les Aceras antropophorum, Ophys
01
Du Col du Montgenèvre à Oulx
fuciflora et Ophrys insectifera, poussant toutes
à une altitude exceptionnelle. Les près destinés
à la coupe sont également très intéressants, tout
comme les mélézins et la végétation des rives et du
lit de la Doire Ripaire. Le troisième site est l’étang
d’Oulx, connu par les habitués sous le nom de Lac
Borello, protégé également en tant que Réserve
naturelle spéciale de la Province de Turin. La zone
couvrant 83 hectares se trouve à peine à la sortie
du bourg d’Oulx. Le lac est le fruit de la renaturaliLe raisin d’ours.
Le pin cembro.
20,9 km
sation spontanée d’une zone d’extraction de roche
abandonnée qui fut exploitée de 1857 à 1871 afin
de fournir les matériaux nécessaires à la construction du tunnel du Fréjus.
À la fin des travaux d’extraction, et pendant plusieurs décennies, l’étang fut utilisé pour la production de glace. Une digue partage la zone en deux
parties. La partie plus en amont atteint une profondeur de 3 m, tandis que la partie plus en aval
est formée de petites flaques d’eau stagnante. La
glace produite était conservée dans une construction semi-circulaire d’environ 12 mètres
de diamètre, dont les restes sont encore
visibles. Lorsque cette activité prit fin, la
végétation reprit naturellement ses droits
et, de nos jours, plus de la moitié de la
superficie protégée est occupée par une
pinède de pins sylvestres avec des petites
zones plantées d’aulnes blancs, tandis
que des touffes de cannes occupent une
bonne partie des rives. L’étang d’Oulx a
un intérêt naturalistique très important
dans l’arc alpin occidental italien, car c’est
une des rares zones de paluds de fond de
vallée à cette altitude qui abrite de nombreuses espèces animales et végétales à
risque d’extinction sur tout l’arc alpin. Les
lieux sont fréquentés par plus de 56 espèces d’oiseaux dont le martin pêcheur et
le pic noir, et ils sont également très utiles
pour l’avifaune aquatique di passage. Ici
le crapaud commun profite du site de
reproduction le plus reculé des terres de
la vallée de Susa et on y trouve aussi la
crevette de rivière, espèce pour laquelle la
directive « Habitats » prévoit une protection rigoureuse.
La grenouille verte.
15
Depuis Solomiac, en suivant une route en terre, rejoindre la SS 24
(RN 24) à la hauteur du croisement de Fenils, petit village situé sur
la rive gauche du torrent Doire Ripaire, puis continuer sur un bref
tronçon jusqu’à une route en terre qui part sur la droite en passant
au-dessus des murs de soutènement qui bordent la route en la dominant et qui, assez rapidement, débouche à la hauteur d’un autre
croisement sur la RN, celui d’Amazas, village que l’on aperçoit sur
la rive opposée. De là, passées les deux maisons dans le léger
virage, prendre la route en terre sur la droite qui conduit jusqu’à la
bourgade de San Marco d’Oulx (1212 m) ; puis, en suivant la route
goudronnée, redescendre vers la paroisse d’Oulx, située non loin
de la tour dauphinoise qui domine les habitations.
Ce qui reste de l’abbaye
de Saint-Just d’Oulx.
LE LOUP
Depuis le début des années 1990, le loup est revenu dans les vallées qui convergent vers le lit de
la Doire Ripaire. Jadis, l’espèce était bien présente
dans les zones alpines et de l’Apennin. Dans le Piémont, le loup disparut au début du XXe siècle suite
à une chasse sans merci : il était considéré comme
un danger pour les troupeaux et même pour les
hommes. Cependant, dans les années 1970, les
conditions culturelles et économiques évoluèrent
au détriment de la terre, et de vastes zones alpines
et de l’Apennin furent abandonnées. La faune sauvage repris ses marques, les ongulés essentiellement
se répandirent et, avec le changement des mentali16
tés, on ne vit plus le loup comme un animal nocif,
mais comme un élément essentiel à l’écosystème.
Ces conditions ont permis à l’espèce de recoloniser
assez rapidement l’Apennin Ligure jusqu’aux Alpes
Maritimes, les Alpes Cotiennes et, dernièrement,
également les Alpes Graies.
Le caractère social du loup, qui lui a permis une colonisation très rapide des territoires, est fondé sur le
principe de la meute constituée de quelques individus (généralement de 2 à 7) au sein de laquelle
ne se reproduit que le couple dominant. Les meutes
sont composées des petits de l’année et de ceux
de l’année précédente en plus, éventuellement, de
01
Du Col du Montgenèvre à Oulx
quelques individus adultes qui
restent dans le groupe, probablement dans l’espoir de conquérir
la position dominante. À l’âge
adulte, les loups s’éloignent à la
recherche de leur propre territoire ou d’une meute à laquelle
se joindre. Dans le langage technique, cette phase est appelée la
« dispersion », c’est le moment où
les individus peuvent parcourir
des centaines de kilomètres.
De nos jours, au moins quatre
meutes de loups vivent entre
Montgenèvre et la basse vallée de
Susa, chacune composée de 2 à
5-6 individus, selon les possibilités qu’offre le territoire.
Ce sont souvent des individus ayant des liens de parenté
puisqu’ils proviennent de meutes qui occupent des
territoires voisins. Les proies préférées des meutes
de la Val Susa sont les ongulés sauvages, surtout
les cerfs, chevreuils et sangliers, tandis que le chamois est une proie un peu moins facile. De plus,
généralement chaque groupe se spécialise dans la
chasse d’une ou deux espèces des plus abondantes
et faciles à chasser sur leur territoire. Les animaux
domestiques, surtout chèvres et moutons, occupent
une part mineure de leur alimentation tout comme
20,9 km
Un loup photographié dans la Vallée Chisone.
les petits mammifères, tels marmottes, lièvres et
rongeurs. Mais en hiver, lorsque la nourriture vient
à manquer, même les carcasses ont un rôle essentiel pour fournir les 3 à 4 kilos de viande quotidiens
dont à besoin un adulte.
Les loups sont des animaux furtifs, très prudents
et, surtout vis à vis de l’homme, particulièrement
farouches. Ce pourquoi, même en sachant que nous
allons traverser leur territoire, rencontrer un de ces
animaux reste un fait vraiment improbable.
LA PRÉVÔTÉ DE SAN LORENZO D’OULX
La prévôté de San Lorenzo d’Oulx fut construite
après l’an 1042 sur les restes d’une église plus ancienne intitulée à ce même saint, dite ad martyrum, forme christianisée de ad martis, elle-même
construite probablement sur un site où se trouvait
déjà un temple dédié à Mars. En fait, il ne s’agissait pas d’une simple paroisse, mais d’un véritable
complexe qui avait toutes les prérogatives du monastère. Sa fondation intègre donc le cadre d’une
gestion politique de la vallée de Susa, importante
voie de circulation et de commerce vers la France
qui fut développée dans toute la vallée grâce à
une organisation administrative et ecclésiastique
minutieuse du territoire, entre autres articulée en
châtellenie, églises, prévôtés et abbayes. La spéci-
ficité de la prévôté d’Oulx résidait dans le fait que,
contrairement à Novalesa ou à la Sacra de San Michele, elle ne fut pas fondée selon le bon vouloir de
riches et puissants seigneurs, mais elle fut promue
par un groupe de prêtres qui s’unirent pour mener
une vie en communauté. Ceux-ci appartenaient à
l’ordre des Canoniques Réguliers de Laterano et
suivaient la règle de Sant’Agostino ; c’est la raison
pour laquelle elle ne fut pas définie comme abbaye
mais comme prévôté. Cependant, dès ses débuts,
San Lorenzo d’Oulx fut soutenue par des princes
et évêques grâce à des donations de biens et droits
et, en quelques années seulement, de nombreuses
églises et paroisses dispersées dans la haute vallée
de Susa se retrouvèrent sous son contrôle. Voilà ce
17
Oulx, la tour dauphinoise.
que l’on peut lire sur un acte qui relate une donation effectuée par un certain Poncius clericus daté
entre 1050 et 1061, sur lequel on définit la zone
d’influence sur laquelle la prévôté exerçait : « de
monte Genevo ad pontem Galambre qui vocatur
Exilles » (de Montgenèvre au pont Galambre, dénommé Exilles).
Dès ses débuts, la fondation prit ainsi la physionomie d’une collégiale, c’est-à-dire composée
d’une congrégation de chanoines réguliers dirigés
par un prévôt. Le bâtiment devait être composé
de plusieurs édifices : probablement deux églises,
une dédiée à Saint-Laurent et la seconde de dimensions plus modestes à Saint-Pierre, outre un
« ospicium pauperorum » utilisé aussi pour accueillir les pèlerins qui parcouraient la Via Francigena en passant par le Col du Montgenèvre, en plus
de structures de service. La prévôté atteignit son
apogée entre le XIIe et le XIVe siècle. Son contrôle
s’étendait jusqu’à une partie de la voisine vallée du
Chisone (avec les paroisses de Pragelato, Usseaux,
Fenestrelle et Mentoulles). Même si mi-XIVe siècle
les premiers signes de déclin se manifestaient
déjà, la prévôté maintint encore longtemps un
fort pouvoir économique tandis que sa période
la plus faste fut au début du XVe siècle. La chute
18
fut cependant rapide et, déjà dans la deuxième
moitié de ce même siècle, les chanoines cessèrent
d’élire leur propre chef laissant la décision au Dauphin de France ; puis, au cours du XVIe siècle, les
guerres de religion firent le reste. En 1952, une
incursion huguenote réussit à passer la ligne du
partage des eaux atteignant Cesana, Oulx, Salbertrand et Chiomonte. Le but des huguenots était de
séquestrer et de détruire les apparats liturgiques
des églises et des chapelles catholiques. La prévôté
d’Oulx fut saccagée et incendiée et, quelques années plus tard, ce qui en restait fut rasé au sol afin
d’empêcher les protestants de le fortifier et de l’utiliser. Enfin, avec le traité d’Utrecht, la haute vallée
de Susa passa aux mains des Savoia leur donnant,
par là même, le droit d’élire des commanditaires,
droit qu’ils n’exercèrent pas pendant plus de trente
ans, très probablement afin de faire disparaître
l’institution, ce qui fut fait en 1749. Une dizaine
d’années plus tard, ce qui restait encore fut vendu et le tout finit à l’abandon et dans la ruine. La
reconstruction de l’édifice, de nos jours dédié au
Sacré-Cœur de Jésus, fut terminée en 1886, la
nouvelle église fut consacrée par monseigneur
Rosaz, évêque de Susa et, à partir de 1895, elle fut
confiée aux salésiens.
28,1 km
02
De Oulx à Susa
L’étape d’aujourd’hui nous transporte à travers un
lent mais progressif changement de l’environnement
qui nous entoure, dans la descente vers la basse vallée.
Sur la gauche, au loin, se dresse le Mont Rochemelon qui, avec ses 3538 m d’altitude, est le sommet
le plus haut de cette partie des Alpes. Cette vision
accompagnera pour le restant de la journée le cheminement du voyageur.
Au cours de cette étape, on s’éloigne à plusieurs reprises du fond de la vallée et de tous ses bruits, pour
pénétrer le silence du sous-bois, accompagnés par le
chant d’une infinité de petits oiseaux qui semblent
vouloir donner la cadence au pas du pèlerin.
Dans la première partie du Grand Bosco, avec un peu
d’attention, on notera facilement une grande quantité
de touffes de gui agrippées au sommet des conifères.
Le long du parcours, on rencontrera trois villages de
montagne typiques : Gad, Exilles et Chiomonte, avec
la même structure d’urbanisme, c’est-à dire étirées
tout le long de la rue centrale, la « via maestra ». Ils
méritent que l’on prenne le temps de les traverser sans
oublier de relever les yeux afin de mieux apprécier les
façades et en prenant le temps aussi de regarder les
cours intérieures. De nombreux édifices construits
en pierre et en bois sont recouverts par les typiques
« loses », ces plaques de pierre locale très lourdes,
aptes à protéger du vent qui sait souffler fort et parfois
même pendant de longues périodes.
Gad est caractérisé par le travail de récupération de
toutes les anciennes habitations dans le respect du
style premier.
À Exilles il est intéressant de s’arrêter pour lire les
enseignes des vieux commerces et locaux des artisans qui animaient jadis l’économie de ces villages
de montagne.
Fort d’Exilles.
19
À Chiomonte, dans le vieux village paré de nombreux portiques, outre une domus hospitalis
construite dans les premières années après l’an 1000
destinée à l’accueil des pèlerins, nous pourrons profiter de l’abondance des résurgences d’eau, comptant pas moins de sept fontaines pluri-séculaires.
Le marcheur pourra ainsi s’approvisionner pour la
suite du voyage car il n’y aura pas d’autre endroit où
prendre de l’eau.
Une bonne demie journée sera dominée par la vue
sur le fort d’Exilles, un ouvrage défensif stratégique
majestueux, essentiel durant les siècles passés pour
le contrôle militaire de la vallée. On peut en admirer
le magnifique pont-levis avant de parcourir une partie de l’imposante rampe d’accès orientale. Ce fort
fut théâtre de nombreuses batailles pour la domination du territoire et surtout de l’accès aux frontières.
Il fut détruit, reconstruit et restructuré à plusieurs
reprises selon l’évolution des techniques et des stratégies militaires. L’itinéraire propose ensuite de
traverser des terrassements plantés de vignes pour
produire l’Avanà, cépage autochtone récemment redécouvert et valorisé y compris par des jeunes viticulteurs locaux. Les terrassements, réalisés pour une
culture agricole de subsistance afin d’arracher à la
terre quelques mètres de plus à cultiver, de nos jours
cohabitent avec la structure des ponts modernes de
l’autoroute, robuste et aérienne, qui conduit au tunnel du Fréjus.
Enfin, l’inégalable entrée dans Susa en passant
sous l’Arc d’Auguste (8e siècle av. J.-C.), à coté de
l’aqueduc romain (IIIe siècle apr. J.-C.) construit
sur les roches antiques d’un autel celte. Entre l’Arc
d’Auguste et l’aqueduc, se trouve une fontaine aux
eaux fraiches même en été, que les autochtones
considèrent comme étant la meilleure alentours.
C’est un point d’approvisionnement important pour
ceux qui parcourent la via en direction de la France,
parce que c’est le dernier point d’eau avant plusieurs
kilomètres.
Un peu plus bas, à l’ouest de la ville, c’est la majestueuse porte romaine-médiévale « porte Savoia »
qui accueille le voyageur. C’est de là que partait la
route vers la Gaule. Susa mérite une visite tranquille
et attentive. Le Musée Diocésain vaut également le
détour car, en plus de l’exposition d’objets magnifiques témoins d’une ère, il permet de voir une
portion de route pavée de l’antique Via Francigena,
véritable témoin de la circulation et du transit international dans les Alpes. (M.D.)
ITINÉRAIRE
À la sortie du centre urbain d’Oulx, poursuivre sur un bref tronçon la SS 24
en direction de la basse vallée pour dévier en passant par le hameau du
Gad. Un autre bref tronçon de route, en suivant les indications « Sentier des
Francs » nous conduira sur un sentier qui longe à mipente le versant droit orographique de la Doire avec
une vue splendide sur le lac Poligono. Arrivés à un
panneau, à un croisement, suivre les indications pour
le refuge Daniele Arlaud de Montagne Seu. Une centaine de mètres plus loin, on arrive à un sentier qui
court dans les près longeant l’orée du Grand Bosco
avant d’arriver au siège du Grand Bosco de Salbertrand, où il sera possible de trouver du matériel d’information. Dépasser la maison du Parc et poursuivre
jusqu’à une route en terre qui, grâce à quelques virages, nous conduit au fort du Sapé situé au-dessus
d’Exilles.
De cette position, qui offre une belle vue sur les habitations d’Exilles, depuis le fort descendre dans le
bois, traverser le village en passant près de la masse
imposante du Fort d’Exilles jusqu’au lit de la Doire
où se trouve un pont récemment construit. De là,
rejoindre le Pont Neuf d’Exilles (Ponte Nuovo), qu’il
faudra traverser en remontant pour se diriger vers la
centrale hydroélectrique de Chiomonte.
20
La paroisse de Saint-JeanBaptiste à Salbertrand.
02
De Oulx à Susa
28,1 km
DISTANCE
28,1 km
TEMPS DE PARCOURS
5 h 30
DÉNIVELÉ
576 m
CENTRES D’INTÉRÊT CULTUREL
Fort d’Exilles : Tél et Fax 00 39 0122 58270, [email protected], www.fortediexilles.it.
Ecomusée Colombano Romean : l’itinéraire part du siège du Parc Naturel Gran Bosco de
Salbertrand, via Fransuà Fontan, 1 (zone de l’ex pépinière de l’ONF). Les édifices qui composent
l’écomusée ne sont ouverts que pour les visites guidées. Réservation : Tél 00 39 0122 854720,
[email protected].
Cathédrale Saint-Juste de Susa, piazza San Giusto : ouvert tous les jours au public.
Infos : Tél 00 39 0122 622053 (paroisse).
Musée Diocésain d’art sacré, via Giuseppe Mazzini, 1, Susa ; ouverture : du 1er juillet au 18
septembre, du mardi au dimanche : 9h 30 - 12h 00 – 15h 30 - 19h 00 (en août ouvert aussi le
lundi) ; d’octobre à juin, du samedi au dimanche : 14h 30 - 18h 00.
Infos : Tél 00 39 0122 622640, Fax 00 39 0122 622640, [email protected],
www.centroculturalediocesano.it.
21
LE GRAN BOSCO DE SALBERTRAND
Le Gran Bosco de Salbertrand est inscrit au livre
national des semences, il est composé d’une forêt
mixte de sapins blancs et sapins rouges pratiquement
unique dans le Piémont. La présence de ces deux
conifères est en effet rare dans les Alpes occidentales
pour des raisons climatiques ; cependant, la zone du
Gran Bosco, plutôt fermée et donc protégée des courants d’air, a des caractéristiques particulières qui correspondent aux deux espèces. De plus, les sapins du
Gran Bosco peuvent mieux résister à la sècheresse de
l’été que les populations des Alpes orientales et constituent donc un écotype (population spécifique d’une
espèce, ainsi définie par les experts) qui s’est installé
précisément dans cette zone. C’est la raison pour
laquelle depuis 1980 la Région Piémont a décidé de
protéger la zone en tant que Parc Naturel, aujourd’hui
géré par l’Institut de Gestion des zones protégées des
Alpes Cotiennes. Cette expérience particulière et
précieuse vécut cependant un grand moment de crise
au siècle dernier.
Tout commença au début des années soixante,
lorsque l’administration provinciale décida d’introduire dans le Gran Bosco 10 cerfs et 40 chevreuils.
C’étaient des espèces présentes depuis toujours,
mais lorsque les montagnes étaient aussi peuplées
de prédateurs naturels (en premier lieu du loup), ce
qui permettait de maintenir un équilibre entre les
populations et la survie de la forêt. Mais, par rap
port au passé, au moment de la réintroduction les
choses avaient bien changé, puisque les prédateurs
entre temps avaient disparu de la scène.
Sans aucun régulateur naturel, les populations de
ces herbivores grandit de façon démesurée et, au
printemps 1987, dans la haute vallée on recensa
1300 cerfs : un nombre cinq fois supérieur à ce
que le territoire pouvait absorber. Très rapidement,
les dommages faits au patrimoine boisé devinrent
flagrants. En hiver, les cerfs se nourrissaient des
aiguilles et des repousses des conifères, détruisant
ainsi plus du 95% des jeunes plantes. La forêt n’avait
plus la capacité de se régénérer et risquait de disparaitre. C’est alors qu’un plan de capture et d’abattage
fut mis en place. Une solution qui, avec le temps,
grâce aussi au retour du loup, a ramené la population des cerfs à un niveau compatible avec la survie
de la forêt.
Dans le passé, le Gran Bosco – qui occupe 700
hectares sur le versant droit de la Doire Ripaire en
amont de Salbertrand, tranche d’altitude comprise
entre 1000 m et 2500 m – eut un important rôle
économique car, dans les années 1700 ces forêts de
conifères fournissaient le bois pour les grandes travées à voie droite utilisée dans les ouvrages importants d’ingénierie militaire et civile comme l’Arsenal de Turin, la Basilique de Superga et le château
de la Venaria Reale.
L’ÉCOMUSÉE COLOMBANO ROMEAN
La glacière.
22
Sur le territoire de la commune de Salbertrand se trouve l’Écomusée ColombanoRomean qui, grâce à neuf centres d’intérêts
différents, illustre certains aspects historiques et culturels de la vie de cette petite
communauté. Les mises en scène sont
réalisées et organisées par le Parc Naturel du Gran Bosco, en collaboration avec
l’administration communale et la Région
Piémont. Elles sont disposées le long d’un
itinéraire qui, en partant du siège du parc
dans la rue Fransuà Fontan, s’articule sur la
rive droite de la Doire Ripaire et se termine
dans le village sur la rive gauche. Une visite
qui dure environ une heure et demie. L’écomusée est dédié à Colombano Romean, mi-
neur de légende qui, en huit ans, entre 1526 et 1534,
dans une solitude absolue et à l’aide uniquement de
masses, coins et pics, à 2000 m d’altitude, creusa le
Trou de Touilles, une gallerie de 500 m de long avec
une section d’un mètre quatre-vingt de haut sur un
mètre de large qui se trouve quelques kilomètres
après Salbertrand, afin de porter les eaux du torrent
Touilles à Chiomonte et à Cels.
Le départ de l’itinéraire se fait depuis le siège du
parc et, en suivant les indications – flèche jaune et
panneaux – on rejoint assez rapidement le premier
point : la glacière. Il s’agit d’une construction creusée
dans la montagne au croisement des torrents Gorge
et Ourettes, où l’on stockait la glace produite pendant l’hiver dans un petit lac artificiel de 1100 m2,
qui se trouve à peine plus haut. Les blocs de glace,
séparés par des couches de paille, se conservaient
jusqu’à l’été et, pour le transport, on les enveloppait
dans des toiles de jute. L’édifice constitue l’unique et
dernier exemplaire de glacière piémontaise encore
parfaitement conservée.
Après la glacière, on rencontre d’autres équipements qui illustrent certains des métiers typiques
de ces zones de montagne ; de la charbonnière au
four à chaux où l’on fabriquait la chaux à l’aide de
pierres et de bois, jusqu’aux chantiers forestiers et
aux carrières de pierre, où les peira plata, pierre
plate, comme les habitants de Salbertrand étaient
surnommés, produisaient les loses, des plaques de
pierre avec lesquelles on recouvrait les toits.
On passe ensuite devant la vitrine dédiée à la Glorieuse Rentrée de 1689, lorsqu’un petit groupe de
vaudois guidés par Enrico Arlaud rentra de l’exode
pour occuper à nouveau certaines des vallées des
Alpes piémontaises desquelles ils avaient été chassés trente ans auparavant par le Duc Charles Emmanuel II de Savoie. Le parcours traverse la Doire
et, après le four banal du village, il rejoint la chapelle de l’Annonciation de l’Oulme, où se trouvent
d’intéressants cycles de fresques du XVIe siècle. On
pénètre ensuite dans Salbertrand où l’on croise les
fontaines de la place San Guiffre (1525) et, un peu
plus loin, la plus fameuse d’entre elles, la fontaine
du Milieu (1524), que l’architecte d’Andrade reproduisit en 1884 dans le Bourg Médiéval du château
du Valentino à l’occasion de l’Exposition Générale
de Turin. On continue plus loin jusqu’à la place
de la Mairie, où se trouve l’église romane de SaintJean-Baptiste qui, d’un point de vue artistique, est
peut-être l’église la plus riche et complète de toute
la haute vallée de Susa. Enfin, on traverse la route
nationale et le parcours se conclut avec le moulin
hydraulique qui se trouve à peine derrière le mur du
cimetière, témoin de huit siècles d’exploitation de la
force de l’eau, depuis l’époque des droits féodaux sur
la mouture jusqu’à la naissance de l’Azienda Elettrica Municipale (Agence Electrique Municipale).
Salbertrand, la fontaine du Milieu.
Chapelle de l’Annonciation, Oulme.
La charbonnière.
23
L’« USINE DE MORUE » DE SALBERTRAND
C’est en 1930 que fut fondée la société OMNIUM à
Salbertrand, dirigée par un groupe d’entrepreneurs
franco-italiens qui s’occupaient de la transformation et de la commercialisation de produits typiques. C’est aussi l’époque à laquelle ils achetèrent
un grand bâtiment construit quarante ans plus tôt
sur la rive droite de la Doire, juste en face de la gare
ferroviaire, où ils commencèrent le travail de transformation de la morue.
Ce qui determina le choix du site où implanter l’exploitation de ce poisson malgré les kilomètres qui
les séparent de la mer, furent le climat sec et ventilé de la haute vallée, particulièrement adapté à la
transformation du poisson, le train et la proximité
de la France, depuis laquelle arrivait la morue pêchée dans les eaux froides du Nord.
Le poisson arrivait conservé dans le sel et dans
l’usine il était lavé et séché. La première opération
consistait à le plonger dans de grands bassins remplis d’eau afin de retirer le sel et éliminer les éventuelles parties avariées, ce qui se faisait à la main en
utilisant des brosses de sorgho très dur. Après avoir
été lavée, la morue était pendue à l’extérieur sur des
séchoirs, composés de grands cadres en bois plantés dans le terrain, chacun desquels possédait trois
rangées distancées de soixante centimètres l’une de
l’autre. Les files de séchoirs étaient séparées d’un
mètre cinquante, orientées de sorte à profiter des
rayons du soleil de midi au début du mois d’avril.
La durée nécessaire au séchage du poisson pouvait
s’étaler sur plusieurs semaines selon les conditions
climatiques ou des exigences du client qui pouvait
préférer un produit humide, semi-humide, sec
ou dur. Chaque année, c’étaient des centaines de
tonnes de poisson qui étaient travaillées et l’activité
se répandit au point que deux autres établissements
furent ouverts, un à Oulx, l’autre à Chiomonte.
« Lä fabriccä dlä marlücchä », ainsi appelait-on
l’usine dans le dialecte local, fonctionna jusqu’au
début de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les
relations commerciales entre la France et l’Italie
furent interrompues. La morue n’arrivait plus des
ports de Bordeaux, Saint-Malo, Fécamp et Le Havre
et, jusqu’à la fin de la guerre, le bâtiment fut tout
d’abord utilisé pour loger les troupes et, par la suite,
pour usiner certains matériels de guerre.
Pour la cinquantaine d’habitants de Salbertrand,
ce fut une grave perte car, comme l’écrit Oreste
Rey dans le Cahier n° 8 de l’écomusée Colombano
Romean, « malgré le froid saisissant qui perdurait
tout l’hiver et les mains pleines de plaies à cause du
contact continu avec l’eau salée […] l’activité (pour
les familles de la trentaine de personnes employées)
fournissait un revenu essentiel qui intégrait un bilan
familial plutôt maigre basé uniquement sur les revenus de la campagne ».
L’usine reprit son activité en 1947 et se modernisa
avec des systèmes de plus en plus mécanisés telles
des « machines à laver mécaniques » et une gallerie
de séchage de 30 mètres de long, où de l’air à une
température entre 26 et 28 °C était soufflé afin de
faciliter le séchage du poisson.
Puis, durant la nuit du 13 au 14 juin 1957, l’usine
fut gravement endommagée par le débordement des
eaux de la Doire. Depuis cet évènement la situation
ne fit qu’empirer jusqu’à ce que, en 1963, la Société
Beurier ne cessa toute activité à Salbertrand et ne
ferma définitivement l’établissement.
Salbertrand, l’« usine de morue » sur une photo d’époque.
24
02
De Oulx à Susa
28,1 km
LE FORT D’EXILLES
Exilles et son fort.
Tous ceux qui parcourent la SS 24 (RN) de la haute
vallée de Susa pour le tourisme ou par nécessité,
arrivés à proximité du centre habité d’Exilles, se
trouvent devant un paysage complètement barré
par une imposante forteresse qui, bien que de nos
jours elle soit désarmée et réservée à une activité
qui n’a strictement plus rien à voir avec la guerre,
présente encore toute sa splendeur guerrière. Le
travail de récupération de ce monument alors qu’il
semblait voué à un tas de ruines, ainsi que son recyclage, justifient que l’on prenne le temps de visiter ce bastion. Pour mieux comprendre, voici son
histoire.
Suite au passage de la haute vallée de Susa à la couronne de France en 1349, lorsque le Dauphin de
Vienne Humbert II céda la haute vallée de la Doire,
les hautes vallées du Chisone et Varaita à Philippe
VI de Valois, Exilles revêtit un intérêt particulièrement stratégique. Les ducs de Savoie, descendants
des Arduini, ayant toujours eu des vues sur cette
portion de territoire piémontais, essayèrent par
tous les moyens de le reconquérir ce pourquoi, dès
le XIIe siècle, l’antique tour romane déjà présente
fut renforcée. En 1453, au cours de la guerre de
Lombardie, Charles VII de France, ligué avec les
Milanais et les Florentins, envoya à leur secours
Renée d’Anjou, souverain de Provence. Ce dernier,
arrivé à Exilles se fit agresser et prit la fuite cédant le
pas aux troupes de Ludovic de Savoie, lesquelles al-
lèrent jusqu’à saccager
le village et ses églises.
À cette occasion, selon
la tradition, le fameux
miracle de Turin se fit
: une hostie bénie, prélevée dans la paroisse
d’Exilles, sortie d’un
calice qui avait été volé
avec d’autres objets de
culte s’éleva vers le ciel.
Très
rapidement
reprise par les Français, la place forte fit
à nouveau l’objet de
faits d’armes en 1953,
lorsque Charles Emmanuel Ier assiégea pendant 15 jours ce qui était
devenu entre temps un véritable château, le reprenant aux mains du maréchal huguenot François de
Bonne, duc de Lesdiguières, envoyé par Henri IV
pour envahir le Piémont.
C’est à cette période que le village, le fort ainsi
que les hameaux de Champbons et Deveys furent
incendiés par les armées du duc où de nombreux
villageois périrent dans les flammes. Deux ans plus
tard, les deux antagonistes se battirent de nouveau
en ces lieux au moment où Lesdiguières essaya d’en
reprendre le contrôle. Malgré les efforts de Charles
Emmanuel et de son armée sous les ordres du général Grazzino, la garnison céda au moment où les
Français se préparaient à se retirer, ce qui valut au
commandant d’être mis en prison à Turin.
Après une période de calme relatif, au cours de
laquelle en 1708 la forteresse fut agrandie, c’est
pendant la guerre de succession au trône d’Espagne que Victor-Amédée II reconquit le fort, tout
comme les places fortes de Perosa et de Fenestrelle.
Ces conquêtes furent confirmée au moment de la
signature du Traité de Utrecht (1713), suite auquel
les hautes vallée de la Doire et du Chisone passèrent définitivement aux mains de la famille de
Savoie. Le premier roi de Sardaigne, qui ne pouvait que constater le manque d’efficacité des places
fortes qu’il venait à peine de prendre aux mains
des Français, entrepris de les renforcer sinon de les
25
Intérieur du Fort d’Exilles.
construire ex novo comme ce fut le cas pour Fenestrelle, où le vieux Fort Mutin fut remplacé par la
structure grandiose que l’on peut admirer de nos
jours sur le versant gauche de la vallée du Chisone.
Après être passée aux mains de la famille de Savoie,
les épisodes dramatiques n’en finirent pas pour autant pour la petite bourgade d’Exilles : vers la moitié du XVIIIe siècle, au cours de la guerre de succession au trône d’Autriche, les franco-espagnols
essayèrent de dominer la forteresse afin d’ouvrir
une brèche vers Turin. Toutefois, ceux-ci furent
durement contrastés par les troupes de CharlesEmmanuel III jusqu’à ce que les agresseurs lèvent
le siège, bien qu’un contingent de Lanciers de Nice,
commandés par le général De Rossi, fut encerclé
et capturé près de Jousseau. Deux ans plus tard
(1747), la fameuse bataille de l’Assiette n’eut pas
vraiment de répercussions sur Exilles, puisqu’elle
fut essentiellement combattue au sommet des
montagnes, sur les crêtes, à 2500 m d’altitude ; ceci
d’ailleurs, grâce à la présence de ce fort ainsi que du
récent fort de Fenestrelle encore en construction
constituant un barrage dissuasif qui bloquaient les
accès vers la capitale subalpine. En 1794, ce furent
les armées révolutionnaires transalpines qui envahirent la vallée de Susa commandée par le maréchal La Valette et qui encerclèrent Exilles en occupant les hauteurs alentours avec un grand nombre
d’hommes et de canons ; de nouveau, la forteresse
résista et les assiégeants ne purent que s’enfuir vers
la plaine d’Oulx et de Bardonecchia. Celui-ci fut le
26
dernier épisode durant lequel l’ancienne place forte
d’Exilles se révéla utile : deux ans plus tard, grâce
au traité de Cherasco, la place fut démantelée, pour
renaître de ses cendres après la fin de l’époque
napoléonienne. Si en 1727, un premier temps Victor-Amédée II avait confié les travaux de restructuration au colonel du Génie Ignazio Bertola, par
la suite nommé conte d’Exilles (celui-là même qui
s’était occupé de Fenestrelle), Victor-Emmanuel
Ier, de retour d’exil en Sardaigne après la Restauration, donna en charge au colonel Giovanni Antonio Rana, puis au capitaine Francesco Olivero de
remplacer les structures qui avaient été détruites. Il
s’agissait de tenter de réhabiliter le système défensif piémontais tout entier, qui se basait sur l’utilité
d’ouvrages fortifiés sur les hauteurs (Bard, Vinadio,
Tenda, l’Esseillon, le Varisello, en plus des deux à
peine cités) situés aux pieds des cols qui ouvraient
l’accès vers royaume. Olivero, entre 1821 et 1829,
en repartant des ruines édifia une puissante structure, guère différente de la première érigée par
Bertola. Une des caractéristiques de ce fort sont les
différents secteurs indépendants les uns des autres
bien que communicants : les Tenailles, l’Avantfort, le Bas Fort, le Cavalier et les Batteries de Cels,
Reale, de la Doire et du Diamant de San Benedetto.
Cet ensemble fut complété plus tard (1832) par le
Blockhaus, armé tout d’abord d’un canon de 9 AR/
Ret, puis par 4 mitrailleuses Maxim. En 1874, de
gros travaux de modernisation modifièrent encore,
au moins en partie, l’aspect du bastion. Ce furent
02
De Oulx à Susa
Dans les murs du Fort d’Exilles.
les dernières modifications apportées à la place
forte, celles qui lui attribuèrent l’aspect que nous
lui connaissons aujourd’hui. Au cours des travaux
la Batterie Royale fut agrandie, on réalisa une position pour canons en barbette sur la terrasse du Cavalier et une casemate dans le Bas Fort. L’armement
des différents secteurs fut renouvelé avec l’installation de 22 pièces d’artillerie (canons de 12 ARC/
Ret et de 15 GRC/Ret), et la garnison fut renforcée
par un détachement d’infanterie outre un important contingent d’artilleurs qui prenaient en charge
la gestion des bouches à feu. Le fort fut désarmé en
1915 mais fut utilisé jusqu’en 1934. L’histoire de la
forteresse, cependant, ne se termina pas avec son
démantèlement. Après des années de négligence et
d’abandon, cette même place forte fut transformée
en un important centre d’intérêt historique et touristique. Les premières interventions eurent lieu en
1978 sous l’égide de la Région Piémont. Suite à un
accord signé avec l’Etat Défense pour une concession de prêt du fort, le programme de récupération de l’ouvrage démarra avec les travaux sur l’ex
chapelle en la réhabilitant pour pouvoir accueillir
des concerts et des conférences, ainsi qu’il en avait
28,1 km
déjà été pour le fort de Fenestrelle. En avril 1996
une convention fut signée entre la Région et le
Musée National de la Montagne de Turin pour la
récupération et la valorisation des structures, en
définissant l’ensemble en tant que place d’exposition, inaugurée au début de l’an 2000. Dans deux
zones spécifiques du bastion, la zone des Canons
et la zone dite du Diamant, se trouvent des expositions permanentes qui relatent l’histoire de l’uniforme des troupes alpines et de la forteresse ellemême. Le premier espace, particulièrement bien
mis en scène, accueille une exposition d’uniformes
militaires, sans pour autant tomber dans la rhétorique patriotique ou dans la banalité de la simple
recherche esthétique. Dans ce cas précis des solutions audacieuses ont été élaborées, comme l’utilisation de 44 mannequins en pierre, la même pierre
qui constitue le fort et dont était métaphoriquement constitué le caractère des montagnards qui,
au cours des siècles, vêtirent ces uniformes. Le
fil conducteur de cette exposition est représenté
par un volume sur les Alpini écrit par Ernestino
Chiappa, édité par le Musée National de la Montagne, duquel ont été tirées les images reproduites
en peinture. Toujours dans la zone des Canons,
l’espace dédié à la mémoire et au souvenir occupe
une partie importante avec six groupes de soldats
sculptés pétrifiés reproduisant les pensées, les
aspirations, les peurs des soldats qui portaient ces
uniformes. Il s’agit là de véritables moments figés
à jamais de la vie militaire en montagne, liés au
éléments symboliques de la montagne : fer, glace,
roche, brouillard, neige et nuit. Afin de susciter
une émotion plus crédible, la mise en scène prévoit
non seulement des stimulations visuelles (projection sur les murs tout autour), mais aussi sonores
(échos de tirs, ordres criés, des bruits de pas de
marche, mélodies de chansons des Alpes). Dans
le Diamant, par contre, c’est l’histoire de la forteresse qui est illustrée, en quelque sorte un récit qui
suit un fil logique dont le conteur est la forteresse
elle-même. Ces lieux sont meublés de façon sobre
et rudimentaire ; six grandes maquettes racontent
les évolutions de la place forte à travers les siècles,
tandis que dans la grande pièce des cadres on
peut voir les nombreux souverains qui furent les
acteurs de l’évolution de la forteresse et de la vallée de Susa. La visite en traversant les salles et les
couloirs du fort, dans lesquels une bonne partie de
l’histoire de la vallée mais aussi de l’histoire piémontaise se fit, est chargée d’une grande émotion.
27
Juste avant de rejoindre la centrale, tourner à droite, retraverser la Doire et
remonter sur une brève distance la route goudronnée qui mène au centre
du village ; laisser la route non loin d’un virage, au croisement avec un
chemin muletier qui remonte dans une forêt de feuillus. Une centaine de
mètres plus haut, à un autre croisement, tourner à
droite jusqu’à la petite place de la paroisse de Chiomonte et, de là, jusqu’à la rue principale qui traverse
le village. En tournant à gauche nous passons devant
deux magnifiques fontaines du XVIe siècle.
Dans le centre du village, juste à coté de la Mairie, se
trouve l’oratoire roman de Sainte-Catherine et, à coté,
apparaît l’antique domus hospitalis construite pour
accueillir les pèlerins qui descendent du Montgenèvre.
Erigée au XIIe siècle, la structure appartint à l’Ordre de
Jérusalem, puis devint siège épiscopal, lorsque la Prévôté d’Oulx fut supprimée.
A l’intérieur de l’église, bien qu’ayant subi les torts
du temps, nous pouvons encore admirer quelques
fresques du XVe siècle illustrant les Apôtres. À la sortie de Chiomonte, parcourir la SS 24 (RN) en se dirigeant vers l’aval, sur environ 800 m. Une chemin piéton
protégé par des barrières en bois longe cette portion
de route. Arrivés à un croisement (panneau indiquant
« Strada del Plans »), tourner à gauche et prendre
une petite route bordée de très beaux murs en pierre
sèche qui court dans un vignoble, caractérisée par la
présence de nombreux ciabòt, petites constructions en
28
Extérieur et intérieur
de l’oratoire de SainteCatherine à Chiomonte.
pierre dans lesquels les viticulteurs entreposent leurs outils. Arrivés à un
croisement, continuer à gauche en prenant un sentier qui pénètre dans la
forêt et offre une jolie vue sur Giaglione et ses hameaux. Traverser un châtaignier planté d’arbres séculaires et suivre le sentier qui descend jusqu’à
un élargissement où, non loin d’une panneau illustré, se trouve un autre
croisement. En tournant à gauche, effectuer un virage à presque 180° pour
prendre une petite route en terre qui monte dans la forêt jusqu’à côtoyer
la ligne ferroviaire Turin-Lyon. Continuer en déviant vers la gauche et parcourir une partie du chemin à mi-pente qui
offre un autre joli coup d’oeil sur la zone
de Giaglione, la pointe Avanzà, le groupe
du Rochemelon et les gorges de la Doire
en contrebas. Arrivés à une deuxième
route en terre, tourner à gauche et suivre
une route pavée qui passe sous un très
beau viaduc ferroviaire en pierre pour aller
prendre, au fond d’une pente raide dans
la forêt, une seconde petite route qui part
sur la gauche. Cette dernière aboutit dans
un sentier qui court à mi-pente au-dessus
des gorges de la Doire avant d’arriver au
grand bassin hydrique réalisé par l’ENEL
(EDF) en amont de Susa. De là, descendre
en empruntant un sentier qui traverse une
forêt de buis dense pour rejoindre une
petite route goudronnée qui nous mène
rapidement sous l’Arc d’Auguste et arrive
sur la place Savoia où s’élèvent la porte
romane du même nom et la cathédrale
Saint-Just (5 h 30 au total).
Giaglione vue
de la Via Francigena
en descendant
vers Susa.
Susa : l’arc d’Auguste.
29
SUSA ET SES TRÉSORS D’ART
D’un point de vue artistique, Susa a su conserver
un grand nombre de témoignages de grande valeur
se rapportant en fait à toutes les périodes de l’histoire : outre les monuments romains déjà cités, en
centre ville il existe encore de nombreux édifices
médiévaux comme la cathédrale Saint-Juste, église
paroissiale faite érigée par Olderico Manfredi au XIe
siècle et restructurée avec des formes gothiques au
XIVe siècle. Sur le portail à l’entrée de cette dernière
se trouvent deux fresques précieuses, le Triptyque
du Rochemelon (exposé le 5 août de chaque année
uniquement), un ouvrage en bronze sculpté en relief, porté au sommet de la montagne par Rotario
d’Asti en 1358, un cœur en bois du XIVe siècle pro-
venant de l’antique monastère de Santa Maria Maggiore et une toile de Defendente Ferrari (L’Adoration
de Jésus). Non loin du principal temple de la ville,
dans la rue Martiri della Libertà, on peut encore
voir les restes du monastère de Santa Maria qui, de
nos jours, a intégré la construction d’édifices plus
récents. Le monastère, lui aussi datant du XIe siècle
et dans lequel on ne dit plus messe depuis 1749,
conserve un petit clocher fort élégant orné de petits
arcs, très probablement remontant à l’époque de la
construction même de l’église. Toujours en rapport
avec l’architecture religieuse, il ne faut pas oublier
l’ex église romane de San Saturnino (située en dehors de la ville), l’église de San Francesco d’Assisi à
l’origine construite en tant que
couvent à l’occasion du passage
du saint dans la vallée ; l’église du
Pont (Madonna de la Paix) érigée
au XIIIe siècle et qui a su conserver des morceaux de fresques
du XVIe siècle, l’ex petit temple
de Saint-Paul dans lequel on ne
dit également plus messe depuis
1749 ; la paroisse de Saint Evasio ;
et les chapelles de la Consolata, de
la Miséricorde, de Sainte-Croix
(Traduerivi), des Saints Simon
et Judas (Coldimosso), de Croaglie (de nos jours en ruines) et
du Bienheureux Amédée, grand
temple baroque jadis présent à
coté du fort de la Brunetta, de
nos jours quasi détruit. Le Musée
Diocésain d’Art Sacré, exposition
faste et intéressante, a été réalisé
attenant à l’église baroque de la
Madonna de la Paix (ou église
du Pont). Parmi ses belles collections, il renferme entre autres le
trésor de la Cathédrale de SaintJust, le trésor de l’église du Pont,
orfèvres et statues religieuses. À
Susa, l’architecture civile et militaire est représentée par de nombreux édifices et par quelques
forteresses qui témoignent de
Susa, clocher de la cathédrale
de Saint-Just.
30
02
De Oulx à Susa
28,1 km
Intérieur du Musée Diocésain de Susa.
l’importance au cours des siècles derniers de cette
petite ville située aux pieds des deux cols frontière
très fréquentés que sont le Mont-Cenis et le Montgenèvre. Entre autres, à ne pas oublier, le château
dit d’Adélaïde, construit probablement par les Ardouins sur les ruines d’un palais des rois des Alpes
Cottiennes, en utilisant les tours de garde parties
intégrantes des murs. Ce bastion qui fut plusieurs
fois détruit puis reconstruit, perdit de son importance au XVIe siècle, suite à la construction de la
citadelle de Santa Maria, bien qu’il conserve encore
aujourd’hui une certaine importance. Toujours à
propos de places fortes, il faut citer la tour de Traduerivi (qui appartint aux familles des Bartolomei et
des de Rubeis), le fort Rocchetta (érigé en 1592 après
l’attaque des Français de Lesdiguières et abandonné
en 1629) et la plus récente redoute de Croaglie (dite
la Bicocca) construite au XVIIIe siècle, mais qui fut
abandonnée dès les débuts du XIXe siècle.
En ville et dans ses alentours, se trouvent aussi la
maison remontant aux années 1300 des Bartolomei,
avec de beaux arcs à deux ouvertures, et la tour à
horloge ainsi que ledit Bourg des Nobles, construit
au XIIe siècle juste en dehors des murs des patriciens savoyards qui avaient laissé Chambéry pour
suivre les Savoia à Susa. Enfin, non loin des ruines
de l’aqueduc romain, on trouve des incisions néolithiques en forme de petites gouttières, vases et
écuelles sur une grosse roche qui, très probablement, indiquent les sources que l’on pouvait trouver
dans la zone.
Fresque à l’extérieur de la cathédrale.
La porte Savoia et l’entrée de la cathédrale
de Saint-Just.
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