Compte-rendu du point rencontre

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Compte-rendu du point rencontre
Compte-rendu
Sommaire
Actes
P. 3 à 20 Actes du point rencontre du 14 Février 2013
P. 21
Fiche projet : Mères Célibataires - Maghreb
P. 22
Témoignage anonyme d’une mère célibataire
P. 23
Essai - « L’avortement provoqué en Algérie », Docteur Ouzriat
Remerciements :
Santé Sud tient à remercier son partenaire financier, en l’occurence l’Union Européenne, sans qui
ce projet et cet évènement n’auraient pas été possibles.
Santé Sud remercie tout particulièrement ses partenaires algériens : SOS Femmes en détresse,
marocains : INSAF et tunisiens : Réseau AMEN Enfance Tunisie, pour leur accompagnement et leur
engagement dans ce projet.
Enfin Santé Sud remercie toutes les personnes ayant participé à l’organisation de cette conférence
et notamment les bénévoles.
Les propos tenus par les conférenciers sont de leur entière responsabilité et en aucun cas de la
responsabilité de l’association Santé Sud. Si certains de ces propos ne sont pas conformes à votre
intervention merci de nous le signaler afin de les corriger ([email protected]).
Actes du Point Rencontre Mères Célibataires - 14 Février 2013 - Marseille
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Actes
Mot de bienvenue - Paul Bénos, Président de Santé Sud
Bonsoir et bienvenue à tout le monde !
Je m’appelle Paul Bénos, je suis l’heureux président de Santé Sud. Je pense
qu’une grande majorité d’entre vous connait cette association dont le siège est à
Marseille et qui a comme vocation essentiellement la formation, Agir sans remplacer,
avec 4 grands domaines d’intervention :
- L’optimisation des systèmes de santé
- La médicalisation des zones rurales
- L’amélioration de la prise en charge des personnes vulnérables dont le handicap en méditerranée
et le thème de ce soir : les mères célibataires
- Le quatrième, l’éducation au développement, c’est l’organisation de ces points-rencontres et de
cette journée qu’un certain nombre d’entre vous connaissent et que Santé Sud organise depuis
maintenant 4 ans : la Journée provençale de la santé humanitaire ; la prochaine aura lieu le 29
novembre 2013, sur le thème «A la santé et la jeunesse».
Tout à l’heure, Santé Sud a signé une convention importante avec trois associations amies
algérienne, marocaine et tunisienne autour de cette thématique des Mères Célibataires.
Notre directrice à qui je vais vite donner la parole Nicole Hanssen trouvait que c’était bien, aujourd’hui
Saint Valentin de parler des mères célibataires et de leurs problèmes. Et à l’occasion de cette
signature et d’un projet qui va commencer, nous avons pensé qu’il était opportun de faire partager
un certain nombre de témoignages autour de ces situations au Maghreb. Ce projet est co-construit
par Santé Sud et des associations partenaires, dont nous avons l’honneur d’avoir les Présidents, au
moins pour deux associations d’entre elles qui participeront à notre discussion.
Je suis gynécologue obstétricien et j’avais en charge sur le CHU de Montpellier la gynécologie
sociale. Dans les cours que je dispense aux étudiants, je leur disais que pour ces femmes en
situation de vulnérabilité, la grossesse est une chance ! Car nous avons ici un système, par chance,
qui a pu mettre en œuvre une prise en charge de ces femmes, d’aide etc. De l’autre côté de
la Méditerranée, la situation est extrêmement différente. Les femmes, mères célibataires sont
extrêmement stigmatisées et ne voient parfois pas d’autres solutions que l’abandon d’enfant. C’est
autour de cela que nous allons communiquer ce soir.
Introduction - Nicole Hanssen, Directrice de Santé Sud
Bonsoir, je suis ravie de vous accueillir ce soir pour ce nouveau point rencontre.
Très rapidement la genèse de ce projet, Santé Sud est présente au Maghreb depuis
1985 et c’est depuis 1993 que nous avons abordé la question de l’enfance abandonnée
issue de relations hors mariage en Tunisie, à travers la demande de pouponnières
associatives qui au fur et à mesure ont été appuyées en terme de constructions/
équipements, nous avons ensuite basculé vers la formation d’assistantes maternelles,
de directrices, formation de formateurs puis nous avons travaillé sur la démarche de projet associative,
de service, démarche individualisée. Petit à petit à émergé une demande vers Santé Sud pour que
les pouponnières associatives puissent se réunir, se mettre en réseau. Et nous sommes heureux
de voir l’aboutissement, la création du Réseau AMEN Enfance Tunisie qui fédère13 pouponnières
associatives actives sur la problématique de l’enfance abandonnée issue de relations hors mariage,
en attente d’adoption, placement familial ou kafala*.
*Kafala : procédure d’adoption spécifique au droit musulman. Il s’agit d’une tutelle sans filiation. Ca
n’est pas une adoption plénière c’est-à-dire que l’enfant est accueilli dans une famille adoptive mais
garde son patronyme et n’a pas les mêmes droits d’héritage qu’un enfant dit « légitime ».
Actes du Point Rencontre Mères Célibataires - 14 Février 2013 - Marseille
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Actes
Naturellement, nous avons aussi des liens avec les pouvoirs publics, notamment l’Institut
national de protection de l’enfance à Tunis qui est l’unique structure publique accueillant des enfants
abandonnés de 0 à 6 ans. Nous nous intéressons bien sur aussi à la même thématique en Algérie,
depuis 1998, nous soutenons l’Association algérienne Enfance et Famille d’Accueil Bénévole
(AEFAB) sur l’amélioration de la qualité de la prise en charge de ces enfants abandonnés en attente
d’adoption. Suite à une opportunité de financement obtenu via l’Union Européenne, nous avons
pu étendre ce réseau au Maroc. Nous sommes particulièrement ravis aujourd’hui d’avoir signé la
convention de partenariat pour la réalisation d’un gros projet maghrébin sur 3 ans.
Ce soir nous allons d’abord avoir un témoignage de la part de Sonia Khelif pour expliquer le
programme puis nous donnerons la parole à nos partenaires tunisiens et marocains. Les algériens
devaient être là aujourd’hui mais malheureusement une personne n’a pas obtenu son visa et l’autre
est tombée malade, nous avons donc communiqué par skype pendant 2 jours !
Ils sont donc en pensée avec nous. Aussi, nous allons échanger avec Pascale Bossi, référente
programme sur les pouponnières associatives à Santé Sud sur son témoignage de la prise en
charge des mères célibataires ici et là-bas. Enfin nous échangerons avec vous sur les solutions,
possibilités vers une insertion socio-économique de ces mères célibataires.
Sonia Khelif, coordinatrice des programmes Maghreb, basée à Tunis pour Santé Sud
Bonsoir à toutes et à tous et bonne Saint Valentin. Je ne vais pas accaparer
la parole car nous souhaitons avoir du temps pour nos partenaires et pour le débat.
Le projet de promotion des droits des femmes pour favoriser leur insertion sociale et
économique vient en réponse à une situation qui est mal vécue par une population
vulnérable, fragile et fragilisée. Fragile, de fait, due aux circonstances et aux conditions
et parcours de vie qui est malheureusement et très souvent semé d’embuches et
de difficultés ; mais fragilisées aussi et paradoxalement par des structures et des
professionnels qui sont censés l’accompagner, l’aider, la prendre en charge.
C’est un programme qui repose sur une méthodologie de cercle concentrique où la mère
célibataire est au milieu, il y a donc une intervention auprès de l’individu pour aider la mère célibataire
à se réconcilier avec elle-même. C’est un travail d’accompagnement et d’information sur ses droits
juridiques, sanitaires et sociaux, mais aussi d’accompagnement pour travailler sur son projet
d’autonomie. Nous allons aussi toucher au cercle des professionnels et des institutions (publiques
ou privées donc associatives) qui les accompagnent. Nous allons ensuite élargir encore davantage
le cercle et toucher toutes les institutions socio-économiques pour voir dans quelle mesure cellesci peuvent intervenir dans le cadre de plateformes de concertation et d’insertion. Enfin, le dernier
cercle, qui est le cercle régional, où nous cherchons essentiellement à partager, entre les trois pays
du Maghreb et également au niveau de l’autre rive avec la France, des expériences, des initiatives
afin de consolider ce qui existe, parce qu’il y a des initiatives. Il y a beaucoup de choses qui se font
dans les trois pays, nous cherchons en premier lieu à les consolider, mais aussi, l’aspiration du
projet c’est de pousser les différents acteurs à mettre en place et à initier des dispositifs innovants,
qui soient plus adaptés aux besoins, et surtout, surtout, surtout, au droit de la femme. Nous voulons
sortir de l’approche besoin, où la femme est victimisée, pour une approche droits, qui la considère
comme acteur. C’est l’aider à pouvoir s’insérer et travailler, avoir une possibilité de vivre dignement,
la tête haute. Voila le défi du projet. Nous sommes donc sur trois pays du Maghreb qui partagent
énormément de problématiques. Nous voudrions aussi évoluer et faire de ce partage quelque-chose
d’extrêmement positif, pour passer du partage des problématiques vers le partage des solutions, des
initiatives, des dispositifs innovants. Et peut-être, nous ferons un autre point-rencontre, dans trois ans,
pour voir où nous en sommes et ce que nous avons pu développer ensemble au niveau des quatre
pays. Je vous remercie. [Applaudissements]
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Actes
Nicole Hanssen : J’invite le Réseau Amen Enfance Tunisie représenté par son président Youssef
Issaoui. Youssef a trois casquettes, premièrement président du Réseau Amen Enfance Tunisie,
deuxième casquette, il est président d’une pouponnière associative qui s’appelle Beyti qui est située
à Gafsa dans le sud tunisien, et dans sa vie professionnelle, il est délégué à l’enfance à Gafsa. Mr
Issaoui, quelle est la problématique, aujourd’hui, de la mère célibataire et de l’enfant abandonné
issu de relations hors mariage en Tunisie ?
Youssef Issaoui, Président du Réseau Amen Enfance Tunisie
Merci. Bonsoir à tous et toutes.
Je vais parler de la problématique des mères célibataires en Tunisie en général.
Tout d’abord, la femme au niveau des lois tunisiennes a les mêmes droits qu’un
homme. Mais la réalité diffère pour quelques catégories de femmes tunisiennes dont
celles victimes de vulnérabilité économique et/ou sociale dont les mères célibataires.
Lorsque l’on parle de mères célibataires, au niveau de la notion, il y a une première
stigmatisation, ségrégation avec le mot employé. La problématique, en Tunisie, était un sujet tabou
dont on ne pouvait pas parler devant les médias ou en public mais qui reste un sujet important
pour les intervenants sociaux et dans d’autres milieux. La prise en charge de cette catégorie de
femmes reste en premier lieu entre les mains du tissu associatif, avec quelques institutions à
l’échelle nationale. On remarque en Tunisie, qu’il y a une absence totale au niveau des institutions
dans l’échelle régionale et locale, au niveau national quelques-unes existent. Mais c’est le tissu
associatif et les ONG qui sont spécialisés dans le domaine de l’enfance qui vont en parler. Ceux-ci
interviennent pour la femme, la mère célibataire et les enfants nés hors mariage.
Ce fait, d’être mère célibataire, est refusé par la société tunisienne, il y a en effet le poids de notre
culture, nos habitudes, nos coutumes, qui refusent ces naissances hors mariage, même la famille
de la mère refuse cette naissance.
Dans le cas où l’on fait de la coordination de ces naissances, il peut y avoir une acceptation
de la part de la famille, mais dans la majorité des cas, les mères abandonnent ces enfants pour
des raisons familiales, économiques et sociales. A partir de ce constat, le rôle des associations
est nécessaire et est d’un grand soutien au niveau de l’encadrement, de l’aide et de l’intégration
familiale, sociale, et professionnelle de la mère. Notre expérience dans ce domaine-là est important
pour les associations qui s’occupent nouvellement des mères célibataires. C’est un grand problème,
il faut que les intervenants à tous les niveaux se parlent et résolvent ce problème. L’occasion de
signer cette convention avec Santé Sud est un grand soutien pour le tissu associatif en Tunisie et en
particulier pour le Réseau Amen Enfance afin de résoudre ce problème au niveau local et régional.
C’est aussi une opportunité pour partager les expériences au niveau du Maghreb sur la prise en
charge des mères célibataires.
Je vous remercie. [Applaudissements]
Nicole Hanssen : Mounira, vous avez envie de rajouter un mot
Mounira Kaabi, Trésorière du Réseau Amen Enfance Tunisie
Bonsoir. Je suis assistante sociale, trésorière du réseau et je fais partie de
l’association pour l’encadrement de la mère et l’enfant, qui s’occupe de mères
célibataires. Je suis membre d’une Commission qui est en charge d’interroger les
femmes après leur accouchement par un travailleur social et un agent du Ministère de l’Intérieur. Cela
permet de pouvoir convoquer le présumé père afin de connaitre la paternité du bébé. La mère célibataire
en Tunisie est très mal vue, elle est marginalisée, elle veut prendre en charge son bébé mais les
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conditions sont trop difficiles, elle ne peut même pas louer un appartement ou une chambre dans un
foyer avec d’autres mères, elle est vraiment dans une situation très difficile. Pour cela, la solution la
plus facile qui se présente à elle est l’abandon du bébé pour pouvoir réintégrer sa famille. [Applaudissements]
Nicole Hanssen : Merci Mounira. J’invite Omar El Kindi qui est le Président d’INSAF, notre
partenaire marocain à témoigner de la problématique au Maroc.
Omar El Kindi, Président d’INSAF
Bonsoir tout le monde. Au risque de céder au marketing, je veux vous souhaiter
bonne fête. Je sais que c’est fondamentalement mercantile mais on a tellement peu
l’occasion de souhaiter bonne fête qu’il ne faut pas rater l’occasion !
Je viens de Casablanca, j’aurai souhaité vous parler de Marrakech, du soleil,
de Fez, de la plage... mais je viens vous parler d’abandon d’enfants, hélas.
Le Maroc, sur la base d’études que nous avons réalisées avec notre association il y a 2 ans,
c’est 8 760 enfants abandonnés.
Le Maroc, c’est 24 bébés abandonnés par jour, 1 enfant par heure, dont 38% de manière
illégale. Le Maroc, c’est plus de 27 200 mères célibataires par an, 60% de ces mères ont moins de
26 ans, dont plus de la moitié âgées de moins de 20 ans.
Le Maroc, ce sont des mères célibataires, dont 40%, sont des anciennes petites bonnes.
Elles sont à 70% non scolarisées et je vous passe tous les détails quantitatifs qui sont de plus en
plus sombres.
Notre association INSAF s’occupe de 2 programmes :
1. Un programme qui s’occupe de la prévention de l’abandon des enfants nés hors mariage, par
la prise en charge et la réinsertion socioprofessionnelle des mères célibataires, objet de notre projet
commun avec Santé Sud et nos partenaires tunisiens et algériens.
2. Un programme de récupération des petites bonnes pour les remettre dans leur famille. Nous
avons, en effet, trouvé une corrélation évidente entre les deux populations : mères célibataires et
petites bonnes.
Alors qu’est-ce qu’il s’en suit ? Il s’en suit pour l’enfant, des risques absolument abominables
: l’infanticide. Oui. Nous avons vu à l’hôpital, un enfant jeté par la fenêtre des toilettes, déchiqueté
par les chats. Des femmes tuent leur bébé parce qu’il représente pour elles quelque chose de
stigmatisant, absolument insupportable par la société et par les proches. Je ne suis pas en train de
vous décrire une situation pour vous plaire ou pour faire la victime, c’est une réalité sociale que nous
assumons et que nous prenons en charge.
Le Maroc, c’est, pour l’enfant né hors mariage, une difficulté d’avoir une identité, qui est un droit
fondamental. Nous avons vécu des situations avec des enfants qui ont été privés de leur ligne de
filiation et qui, arrivés avec un baccalauréat ou avec un DEUG ou avec une licence, sont privés
d’emploi parce qu’ils ne peuvent pas justifier de leur lignée.
Au Maroc, nous vivons l’abandon illégal, l’abandon illégalisé, parce que nous considérons
que quand une femme se sépare de son bébé ; je n’ai jamais été femme, je n’ai jamais « eu un
bébé» ; mais ça ne doit pas être une opération simple, et qu’on ne nous dise pas que c’est un
abandon volontaire, voulu et souhaité. C’est un déchirement.
Les femmes sont stigmatisées on l’a dit, mais stigmatisées qu’est-ce-que cela veut dire ? Elles
sont mises au banc de la société par n’importe quel individu. Tout le monde s’institue moralisateur
et morale parce qu’il/elle a en face de lui une femme qui a été abusée. C’est véritablement la
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projection de sa propre détresse, de son propre malheur, de sa propre déchéance sur une bonne
femme qui n’y est pour rien, dans la plupart des cas. Et quand bien même elle y serait pour quelque
chose. Elle a une identité, c’est une citoyenne, et elle a un enfant, et nous considérons que de ce
point de vue-là, elle a droit à tout ce à quoi un citoyen marocain peut prétendre. Elles vivent dans la
précarité, je vous ai dit 70% sont analphabètes, 5% vivent en colocation précaire, elles sont rejetées
de leur famille, elles sont privées de droits. De quelle manière ? De la manière la plus vicieuse.
C’est-à-dire que vous allez devant le tribunal :
La femme dit « Cet homme-là m’a fait un enfant, c’est son enfant. »
Le juge lui demande « Comment s’est passée l’opération ? ». (L’opération, excusez-moi, je ne trouve
pas d’autre mot. Parce-que je suis dans un schéma effectivement où il faut appeler ça opération
mais bon, excusez-moi… donc, « Comment s’est passé l’acte ? »).
- « J’ai été avec lui, il m’a raconté des bobards, il m’a fait un enfant. »
- « Et quand vous avez fini, qu’est-ce-que vous avez fait ? »
Elle lui dit « Je suis rentrée chez moi. »
- « Comment vous êtes rentrée chez vous ? »
- « J’ai pris un taxi. »
- « Qui a payé le taxi ? »
- « C’est lui. »
- « Il vous a donné combien ? »
- « 50 dirhams. »
- « Ca n’est pas le prix du taxi, vous avez été payée. »
Donc vous êtes privée de tous les droits et vous êtes accusée de prostitution !
[Réaction d’indignation de la salle]
Bien évidemment, nous avons un Code de la famille, mais c’est un Code de la famille qui
s’appuie, fondamentalement et philosophiquement, sur la loi musulmane. Je ne suis pas dans l’histoire
de la Sharia. C’est simplement une philosophie qui nous renvoie toujours à une interprétation de la
loi fondamentale. Ce qui fait que le juge a la possibilité de traiter cette femme de plusieurs manières
possibles, le texte le lui permet. La recherche d’ADN, qui est quelque chose de gratuit en Tunisie
et tout à fait pratiquée, chez nous est pratiquée en cas de viol, et uniquement en cas de viol. Vous
connaissez la blague si on autorisait l’ADN on modifierait toutes les familles de France ! C’est une
abjection absolument incroyable, mais bon… Chez nous, la femme n’y a pas droit. Et quand bien
même on arrive à obtenir l’accord du juge, ça coûte 5000 dirhams (500 euros), imaginez ! Une
femme avec un bébé, elle est jetée dans la rue, on lui demande 500 euros pour réaliser quelque
chose qui peut-être, ou pas, sera considéré par le juge.
Dans les services publics, la femme est traitée comme un rien. Elle n’a droit à aucune
considération. Il faut que ça soit les assistantes sociales de l’association qui soient là pour qu’elle ait
accès à un papier auquel elle a droit automatiquement. (Je crois que j’ai bientôt fini mais je n’ai pas
envie de finir !) L’enfant qui est né hors mariage. Vous avez tous connu un enfant de fille-mère, si ce
n’est pas de vos âges, vous en avez certainement entendu parler. Elle le vit tous les jours, parce que
le milieu dans lequel elle vite est un milieu aussi précaire, aussi imbécile, aussi analphabète. C’est
la reproduction de la misère sociale, aussi bien sur le plan matériel, intellectuel que culturel etc. Le
« couple mère-enfant » est soumis à toutes les arnaques. Nous essayons de placer ces femmes,
avec leur bébé, dans des maisons. Et, nous avons découvert, qu’il y a une chaîne de maquerelles,
excusez-moi l’expression, qui utilise ces femmes soi-disant pour les protéger, afin de les utiliser en
faite dans quelque chose, qui fait que 11% des femmes en sont à leur quatrième grossesse en tant
que mères célibataires.
[Rires]
Vous n’en avez pas marre ? Actes du Point Rencontre Mères Célibataires - 14 Février 2013 - Marseille
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Actes
Je vous raconte une anecdote, qui chaque fois me taraude quand il s’agit de parler de mères
célibataires. C’est l’histoire d’une femme qui vient avec le géniteur de son bébé au commissariat.
Pendant l’interrogatoire, le bonhomme dit « Moi je veux bien l’accepter mais ma femme ne voudra
pas. »
Et le policier qui lui dit « Donc tu es marié ? »
Il lui dit « Oui. »
- « Donc adultère, tu descends. » (Enfin descendre pour nous c’est aller à la cave du commissariat).
Ils y vont tous les trois.
L’épouse en entend parler, elle vient au commissariat et elle dit « Je pardonne à mon mari son acte
d’adultère. ».
Le mari sort. La femme et l’enfant restent, il a fallu qu’on aille les chercher avec moult difficultés.
Voilà une réalité de la mère célibataire chez nous. Qu’est-ce que nous faisons ? Nous en parlerons
[Applaudissements]
tout à l’heure. Merci de votre écoute.
Nicole Hanssen : Merci beaucoup Omar El Kindi. J’ai le plaisir de vous présenter Pascale Bossi,
qui est psychologue. A Santé Sud elle a une fonction de référente-programme sur les pouponnières
associatives, et plus particulièrement dans le cadre de la formation avec les directrices du Réseau
Amen Enfance Tunisie. Et dans sa pratique professionnelle, depuis disons plus de 15 ans, elle
travaille avec les mères célibataires, ici à Marseille.
Pascale Bossi, psychologue, référente-programme Santé Sud
Bonsoir à tous. On m’a sollicitée dans le cadre de mon expérience pour
vous présenter la situation des mères célibataires en France. Je suis psychologue
clinicienne, je ne vais sans doute pas aller vers des données chiffrées. Il serait
intéressant pourtant effectivement je pense d’y faire référence. Je vais parler de
la situation à partir de mon expérience dans des lieux d’accueil mère-enfant à
Marseille.
Je crois qu’en France bien évidemment, je suis arrivée en retard mais la situation est loin d’être aussi
dramatique que ce que je viens d’entendre là de la part de M. El Kindi qui représente la situation du
Maroc. En France, la question se pose vraiment maintenant très différemment avec l’évolution de
la société française qui, je pense, à évoluer à partir du 20ème siècle. Bien que l’expression « mère
célibataire » ici aussi, a représenté des choses assez stigmatisantes pour les femmes. Mais les
combats féministes et l’évolution de la société française ont aidé. Je fais référence à l’évolution de
la notion de couple, le mariage n’est plus du tout la seule possibilité de vivre à deux. On a eu l’union
libre, on a maintenant le PACS, on est sur des débats très évolués. Sur la question, effectivement,
de l’enfant, dans quel cadre on peut avoir un enfant, il y a eu les combats féministes des années
70, un enfant «si je veux, quand je veux», je crois que c’était ça le slogan. Et puis il y a eu bien sûr
la loi Veil, qui en 1974 a permis l’interruption volontaire de grossesse. Ces évolutions sociales sont
majeures et je crois que la situation de mère célibataire se pose effectivement comme une situation
de fait pour certaines femmes, mais renforcé avec ce côté tellement terrible de la stigmatisation. Il
semble qu’en France on peut quand même dire ça. Et c’est là qu’il faudrait alors certainement faire
référence à des choses plus fines, à des données chiffrées, à une évaluation peut-être de ce qui
peut se passer dans des milieux sociaux, économiques, culturels différents. C’est là-dessus que
mon expérience de clinicienne va retomber en essayant de vous décrire un petit peu qui sont les
femmes qui sont accueillies dans les lieux dédiés aux mères célibataires. Ces lieux s’appellent «
hôtel maternel », ce sont des établissements de type CHRS c’est-à-dire Centre d’Hébergement et
de Réinsertion Sociale. On appelle ça des foyers mère-enfant.
L’accent est mis d’abord sur la notion d’hébergement. Il faut un toit pour ces femmes qui sont dans
une situation de besoin d’aide à ce niveau-là.
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La notion de réinsertion, aussi est mise en avant par la dénomination des lieux d’accueil. La
réinsertion sociale cela va vouloir dire que ce sont des femmes qui sont en situation de précarité
financière souvent en situation de faible niveau d’instruction, sans qualification professionnelle.
Le troisième niveau qui va être engagé dans les lieux d’accueil mère-enfant, ça va être le travail de
lien entre les mères et les enfants.
Dans les structures qui accueillent ces femmes on va se préoccuper de ces trois niveaux-là. Leur
donner un toit, se préoccuper de la question de leurs ressources, parce qu’elles arrivent avec ce
faibles niveaux de qualification, on va essayer de les qualifier, de les aider à se remettre en route
scolairement, professionnellement et de façon durable. Les CHRS, ce sont des établissements qui
ont des temps de prise en charge qui tournent aux alentours de 18 mois en France, en général c’est
3 fois 6 mois. Et la dernière orientation des lieux d’hébergement c’est le travail sur le lien entre la
mère et son enfant.
Quelles sont les caractéristiques des femmes qui ont recours à ces lieux-là ? J’ai parlé de la
faiblesse de leur niveau d’instruction. C’est quand même, en tous les cas à Marseille, des femmes
qui sont issues de familles migrantes, très souvent de 2ème génération. Se pose pour elles dans
le phénomène migratoire, l’écart entre leurs valeurs familiales traditionnelles et puis les valeurs du
milieu de leur pays d’accueil. C’est quelque chose qui est mis en tension pour elles. Caractéristique
aussi des femmes qui ont recours à ces lieux d’accueil, le fait de ne pas avoir un compagnon stable,
ou d’être engagée dans des relations qui ne leur sont pas favorables. On accueille quand même
assez souvent des femmes qui peuvent être dans des situations de violences conjugales, ou en
tous cas, d’avoir des compagnons avec lesquels elles ne vont pas rester mais qui ne sont pas des
compagnons bien traitants pour elles. De ce fait, si la relation conjugale est celle-là, ça va aussi faire
des enfants sans père, ou où le père est là mais il n’est pas investi dans son rôle paternel. Donc une
relation de couple défaillante.
Caractéristique aussi au niveau de l’enfant, il n’est pas issu d’une situation où il a été désiré,
consciemment en tous les cas. Donc la venue de l’enfant les met dans une situation de rupture, de
difficulté avec leur famille et parfois même de totale rupture familiale. On se retrouve bien là dans
la situation d’une grossesse hors-mariage, conflictuelle, aussi bien dans l’entourage relationnel de
la femme, de sa famille notamment, que par rapport à l’établissement d’une relation avec l’enfant,
parce que l’enfant va porteur de ces difficultés-là. D’où l’intérêt, dans les lieux d’accueil mère-enfant,
de se préoccuper de l’établissement des liens et de la qualité de ces liens. En France, on a un
système de protection de l’enfance qui est là. Dans le regard que les travailleurs sociaux porte est
à la fois aidant mais aussi un peu surveillant pour la femme, avec l’idée que si ça va trop mal et si
sur l’enfant pèsent trop de difficultés, on va avoir recours à des mesures de protection.
J’ai essayé de vous dresser le tableau de quelques femmes qui se retrouvent en situation de devenir
mère et d’être sans réseau familial, en ce sens-là, mère célibataire. J’avais envie de faire référence
à ce que j’ai pu entendre de ces femmes-là, sur ce que représente l’enfant pour elles. Quelle va être
la place de l’enfant, quel va être le sens de cette grossesse, pas toujours effectivement désirée.
Je crois que l’inconscient est appelé dans ces moments-là, et donc, vous citer un peu ce à quoi il
peut renvoyer pour elle. Il peut y avoir un enfant avec l’idée qu’elles ne sont plus seules. Si elles
ont un enfant, il y a quelqu’un à côté d’elle, quelqu’un qui est important pour elles. Au point même
des fois, que c’est énoncé en termes de quelqu’un qui serait à elle, avec une dimension quasiment
appropriative, qui va bien-sûr faire se poser la question de la séparation, de l’individuation de l’enfant.
Très souvent aussi sur cet enfant va peser l’idée d’une restauration de la femme. Par exemple, ça
peut être une jeune femme qui dit qu’avec cet enfant elle fait quelque chose de positif et qu’elle
interrompt une spirale d’échecs pour elle. Mais c’est aussi l’enfant qui va aider à une forme de
réparation, c’est-à-dire « avec lui je ne serai pas ce qu’on a été avec moi », « je serai une autre mère »,
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« il ne subira pas ce que moi j’ai subi ».
Avec bien sûr toutes les questions qui peuvent se poser sur la répétition, est-ce que c’est possible
de ne pas répéter son histoire familiale? L’enfant comme moyen de retrouver une place dans leur
famille, même si cette place peut-être apparemment conflictuelle. Voilà l’idée d’être considérée,
considérée par leur mère éventuellement, considérée parfois par leur père. L’enfant, dans cette
situation où il arrive, est une réponse à une situation conflictuelle et la plupart du temps ça s’inscrit
dans une problématique identificatoire pour les femmes.
Devenir mère, ça implique deux niveaux :
C’est de l’identité féminine, être femme parce qu’on est devenu mère : un niveau d’identification
sexuée je dirais.
Et puis, avoir un enfant c’est aussi faire un retour sur les premiers liens qu’on a eu à travers les
soins que l’on donne à l’enfant, il y a quelque chose d’une dimension première des relations que les
femmes ont connues et qui vont être reprises et projetées sur l’enfant.
Il me semble que c’est ce que l’on peut dire de la situation des mères célibataires en France. Peutêtre un point de vue psychologique et un tableau beaucoup moins noir effectivement que ce que l’on
peut avoir en Algérie ou en Tunisie et au Maroc. Au revoir.
[Applaudissements]
Nicole Hanssen : Merci Pascale. J’invite maintenant tout le monde à venir à la table pour échanger
avec la salle. L’échange avec vous, des questions, des témoignages, des réflexions.
On voulait orienter l’échange sur « Quelles solutions pour l’intégration sociale et économique des
mères célibataires maghrébines ? ».
[Questions du public]
1/ Kheïra Naman, Association Réseau Algérien Nord PACA, travailleuse sociale dans des
centres d’hébergement pendant 30 ans. Je voudrais intervenir sur deux sujets. Le premier, sur
votre intervention où j’ai retrouvé ce que j’ai fait pendant 30 ans, lors de mon travail en tant que
professionnelle. Mais, j’ajouterai un petit quelque chose, c’est qu’il n’y a pas que des femmes issues
de l’immigration dans ces lieux, ça c’est important pour moi de le dire. Sinon le constat y est.
Ensuite par rapport aux pays du Maghreb. Nos associations Algérien Nord Paca travaillent depuis
20 ans en Algérie et maintenant on commence à connaître le terrain, à en connaître les rouages,
et en tant que professionnels de l’hébergement par rapport à ce public, nous avons quelque chose
à dire et quelque chose à faire. Nous ne connaissons pas bien le Maroc et la Tunisie parce que
nous n’avons pas fait ce genre d’intervention, mais nous travaillons actuellement sur un projet qui
s’appelle «la ferme Essaada», qui est parti d’un constat, depuis plusieurs années, de femmes qui
vivent dans la rue avec leurs enfants. Malheureusement elles ne sont pas toutes célibataires non
plus, certaines sont mariées mais sont rejetées. Donc il faut faire attention à ce qu’on met derrière
les mots, parce qu’il y en a qui sont mariées et qui se retrouvent dans la rue aussi, avec leurs
enfants. Nous avons commencé, depuis décembre, une étude de faisabilité pour ce projet qui sera
un lieu d’hébergement. Nous avons essayé de joindre vos invités d’Alger qui ont une expérience
mais que nous n’avons pas réussi à joindre. On espérait les voir ce soir.
Nicole Hanssen : On fera l’intermédiaire, ne vous inquiétez pas.
Kheïra Naman : On est doublement déçus parce qu’on espérait bénéficier de leur expérience sur
Alger, nous sommes plutôt dans l’Ouest. Pour cette étude de faisabilité on ne travaille pas tout
seul, on travaille avec l’Université d’Aix-en-Provence, avec les étudiants en anthropologie qui sont
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partagés en quatre groupes, chaque groupe travaillant sur un thème, les partenaires algériens, les
bailleurs, les situations de femmes avec enfants et je peux vous dire que leur travail est magnifique.
Les étudiants font un travail magnifique. On les a emmenés aussi en Algérie pour qu’ils voient la
réalité.
L’Algérie c’est des sables mouvants. On avance d’un pas, on recule de deux. Ça on le sait
depuis 20 ans. Depuis 20 ans, on travaille avec Michel Vauzelle sur des projets algériens en termes
de coopération internationale. En tous les cas, nous sommes contentes d’être venues ce soir à votre
conférence sur les femmes et pour rencontrer des gens. On peut vous dire que notre projet avance.
Pour les partenaires, quand ils sont institutionnels, ils nous disent qu’il n’y a pas de problème, qu’il
n’y a pas de femmes dans la rue, donc ça n’est pas la peine d’aller chercher. Pourtant quand on
gratte un peu, on en compte à Oran, on n’a pas de chiffres exacts, entre 300 et 5000. C’est énorme.
On a visité un lieu sur Oran où l’on accueille ces femmes seules avec enfant, un lieu très joli, très
propre, sauf qu’il n’y a pas d’accompagnement professionnel vers la sortie. On mange, on dort, on
fait du crochet. Stop. Donc c’est déjà une première étape. Je pense que c’est à nous aussi d’aider
pour que cela aille un peu plus loin. En tous cas, votre projet et vos expériences nous intéressent.
[Applaudissements]
Merci.
Nicole Hanssen : Merci. Par rapport à la définition de mère célibataire, un petit commentaire ?
Omar El Kindi : Vous savez la segmentation d’une population est quelque chose de très divers,
ça dépend de la base de laquelle on part. Bien évidemment, nous aussi nous travaillons avec des
associations qui assistent des femmes victimes de violences plurielles. Il faut bien se positionner
quelque part. Nous sommes la seule association, par exemple, qui travaille dans les maternités. Or
vous savez que la maternité c’est le marché du gros des bébés. C’est le Rungis des bébés pour
faire français, oui ça fait parisien plus que français !
Donc, tout simplement pour vous dire, qu’il faut savoir se positionner. Nous nous sommes positionnés
sur cette problématique parce que nous considérons qu’elle a au moins trois dimensions : une
dimension qui est l’enfant, une autre dimension qui est la femme et une troisième dimension qui est
la cause, à la fois juridique et socio-économique. Je respecte toutes les initiatives, tous les projets,
mais chacun a ses particularités et je suis heureux avec Santé Sud, avec mes collègues et amis
algériens et tunisiens, que nous ayons pris cette problématique à cœur et j’espère qu’on arrivera à
[Applaudissements]
en résoudre un petit bout. 2/ Mélanie Maillard : Je suis psychologue dans un foyer d’accueil pour mères adolescentes. Tout
d’abord merci pour ces interventions.
Je dirais même que le problème est encore plus large, j’ai travaillé l’année précédente au Canada,
à Montréal, dans les centres d’hébergement pour femmes en difficultés. Et au cours de cette année,
j’ai énormément rencontré de femmes qui venaient du Maghreb. Pour dire que c’est plus large, c’est
dans le sens où dans vos chiffres justement ces femmes n’y sont pas puisqu’elles sont tombées
dans un réseau où la famille voulant l’éloigner, elles voulant s’éloigner, elles ont accepté de l’aide,
de « passeurs » même si ce n’est pas vraiment leur nom, qui leur ont proposé contre de l’argent un
visa avec une immigration et de l’aide pour pouvoir se réinsérer socialement, économiquement. Ce
sont des femmes qui sont arrivées à Montréal, à l’aéroport, et à leur arrivée il n’y avait personne.
Ce sont des femmes que l’on a pu prendre en charge dans le centre d’hébergement où je travaillais
pour une réinsertion au niveau psycho-social et socioprofessionnel. Ce sont donc des femmes qui
ne rentrent pas dans vos chiffres et qui sont pourtant victimes de la même stigmatisation.
Nicole Hanssen : Pascale, une réaction par rapport à des chiffres ?
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Pascale Bossi : Je crois que je ne pourrai pas donner de chiffres. Mais c’est vrai quand même ici
à Marseille en tous cas, que la majorité des jeunes femmes sont issues de populations migrantes.
C’est vrai que le Maghreb est représenté, les Comores aussi sont fréquemment représentées à
Marseille. Il existe effectivement des situations de jeunes femmes françaises, mais c’est vrai qu’ici à
Marseille il me semble que la population migrante est quand même assez fortement représentée.
Kheïra Naman : Au niveau des chiffres, ça serait 14% dans la région parisienne, 11% dans la région
lyonnaise et 9% ici.
Pascale Bossi : On a peu de statistiques. Moi j’ai travaillé au foyer CHRS donc dans le secteur
associatif. J’y ai travaillé pendant 8 ans, la population, à priori, française bien sur mais issue de
familles originaires du Maghreb, apparaît comme la plus nombreuse. Bien sûr ces jeunes femmes
sont françaises puisqu’elles sont au moins de la deuxième génération.
3/ Emilie Barraud, anthropologue : Bonjour, je suis anthropologue. J’ai travaillé sur l’abandon et
l’adoption au Maroc, en Algérie et en Tunisie. J’ai une question pour Mr El Kindi. Tout d’abord, une
précision, quand vous nous dites qu’il y a 9000 enfants abandonnés au Maroc, c’est par an ?
Omar El Kindi : Oui, par an, statistiques de 2009.
Emilie Barraud : D’accord. Et d’ailleurs je voulais vous remercier pour ces statistiques qui
étaient inexistantes. Ma question, je voulais savoir ce que vous pensiez des solutions apportées
par l’association Solidarité féminine, dirigée par Aïcha Echenna qui est implantée à Casablanca.
C’est une association qui accueille les mères célibataires et leurs enfants, et qui leur permet une
réinsertion socioprofessionnelle en les formant, elles ont construit un hammam, un restaurant où
elles font travailler ces femmes tout en leur permettant de garder leur enfant. Je voulais savoir ce
que vous pensiez de cette solution.
Omar El Kindi : Je ne sais pas si je ne peux pas profiter de votre question pour dire ce que font
les associations de manière générale et de vous répondre ensuite. Aujourd’hui, nous sommes une
douzaine d’associations qui sont implantées quasiment sur le littoral et un petit peu à l’intérieur entre
Agadir, Tanger, Casablanca et un peu vers la frontière algérienne.
Qu’est-ce que nous faisons toutes ? Nous allons là où l’Etat n’est pas présent. Autrement
dit, nous assurons l’accueil de ces femmes, nous assurons les démarches administratives
pour l’inscription des bébés et la régularisation des situations administratives. Nous assurons
l’accompagnement juridique pour le rétablissement de certaines situations telles que d’identité,
mariage, etc. Nous assurons l’accompagnement psychologique, l’accompagnement médical, nous
assurons la réinsertion, mais peu assurent l’hébergement. Je peux vous dire, qu’INSAF est la seule
association à travailler en maternité, c’est-à-dire nous allons vers les femmes, en plus des femmes
qui viennent vers nous, même si nous avons un foyer qui reçoit 2000 femmes pour différentes
régions par an. Nous hébergeons 220 femmes pendant une moyenne de 6 mois, quand c’est une
mineure, ça va plus loin. Nous recevons les femmes célibataires migrantes avec leur bébé, avec
toutes les difficultés que cela représente en termes de situations administratives régulières, pas
régulières, l’hébergement etc.
Aïcha Echenna, effectivement, fait du beau travail, c’est une pionnière, c’est une dame admirable
en tant qu’individu, en tant que force de proposition. Son association ne travaille pas en maternités
publiques. Mais elle a donné le ton. Je signale qu’après elle est devenue Terre des Hommes qui a
enfanté (c’est bien le cas de le dire, nous sommes dans le contexte) l’INSAF.
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Je vous invite à visiter notre site et à consulter les documents que nous avons apportés, pour avoir
toutes les informations, y compris sur les associations qui travaillent avec les mères célibataires.
Mounira Kaabi : En Tunisie, le nombre d’accouchements n’est pas le même qu’au Maroc. On a
presque 1100 accouchements par an, dont 60% des bébés sont repris par leurs parents et 40%
sont placés dans des pouponnières. On a 13 pouponnières, 10 sont intégrées dans le réseau, il en
reste 3 encore. On a aussi accès à l’ADN gratuitement, accès aux soins médicaux pour les bébés
gratuitement. Ce n’est pas comme dans d’autres pays. On a 2 centres d’hébergement pour les
mères célibataires, dès qu’elle se sait enceinte, elle peut se faire héberger dans ces centres de
l’Etat jusqu’à l’accouchement. Merci.
4/ Nouredine, association ISM traduction interprétariat : Je suis marocain, je confirme le
tableau qui a été dressé tout à l’heure Ma question est la suivante, aussi bien les tunisiens que les
marocains, ont parlé de la stigmatisation, du refus de la société des gens les plus humbles, les mères
célibataires. Pensez-vous que la situation s’est améliorée depuis 20 ans ? Car je trouve qu’au niveau
de la mentalité de ces personnes, malgré les voyages, malgré les rencontres, malgré les chaines
satellitaires (je ne parle pas des chaines du Moyen-Orient), malgré l’instruction qui a fait beaucoup
de progrès, est-ce que vous trouvez qu’il y a un progrès qui est fait au niveau des mentalités car
vous décrivez un tableau noir et en même temps vous nous informez que vous intervenez dans une
maternité. C’est très soulageant pour moi car cela veut dire que vous êtes arrivés, vous et d’autres,
à entre-ouvrir un certain nombre de portes. Même si elles ne sont pas formalisées. Donc j’aimerais
avoir une réponse par rapport à ça. Ma deuxième question, vous agissez beaucoup au niveau des
effets, conséquences, y a t il des choses de faites au niveau des causes et de la perception par
la société ? Parce que le juge que vous nous avez décrit tout à l’heure n’est pas interrogé sur la
légalisation d’un mariage, il est interrogé sur la reconnaissance d’un fait biologique. Il y a un homme,
il y a un enfant, cet enfant indépendamment de son père ou de sa mère ; c’est un citoyen, un être
humain, il a des droits, et donc si on le prend isolément, rien dans les textes coraniques ne prive cet
enfant d’une reconnaissance d’un acte biologique. Y a-t-il un lien biologique entre un enfant et cet
homme ou pas ?
Pour finir un petit témoignage, une des solutions apportées aux grossesses non désirées, ce
sont des mariages « cocotte-minute ». Il est arrivé ce qui ne devait pas arriver, pour ne pas arriver à
des situations comme celles décrites tout à l’heure, on va chez le madoul. Est-ce que ces solutions
qui existent et qui ne sont pas recensées, ne sont pas parfois pires que le mal car ce sont des
unions non désirées et au lieu d’avoir un enfant en difficulté nous en avons plusieurs qui vont être
parfois abandonnés quelques mois après avec une femme sans moyens.
Nicole Hanssen : Merci, trois questions, d’une part est-ce que ce mariage dont nous parle monsieur
existe aujourd’hui ? Est-ce qu’il y a un changement de mentalité aujourd’hui par rapport à il y a 20
ans ? Et puis quelles actions de prévention ?
Omar El Kindi : Il m’arrive de discuter avec ma femme à la suite de rencontres comme celle-là
et elle me dit tu dois des fois te prendre au sérieux ou alors ils doivent te prendre pour le chef du
gouvernement ! Ni l’un ni l’autre, nous sommes la société civile, des volontaires qui avons choisi de
prendre en charge une problématique sociale, tout simplement !
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Qu’en est-il depuis 20 ans ? Il s’en est passé des choses à Casablanca, entre autres, un
fameux défilé en 2000 de barbus et de burkas dans Casablanca contre l’approfondissement de
l’amélioration du code de la famille. Si vous êtes marocain, intéressé manifestement, vous savez
de quoi je parle. Nous sommes là dans le champ politique et non plus dans le champ de la mèrecélibataire, le bébé et le père biologique.
Contrairement à ce que l’on peut penser, le texte n’est pas né sur l’enfant né hors mariage, la preuve
en est que le texte dit « le lien de filiation est établi que la liaison soit légitime ou illégitime ». Mais
pour revenir quelques articles plus loin afin de détruire complètement cette ouverture car comme
je vous ai dit tout à l’heure, le propre de la pensée quasi dominante aujourd’hui est l’ambigüité et
le retour sur les acquis. Cela étant, depuis 20 ans, il s’est passé des choses formidables, en effet
nous avons pignon sur rue, nous existons. Il n’y a plus de tabous, nous avons pu parler avec des
islamistes à la télévision, à des horaires de pointe, en confrontation directe ou quasi directe, sur la
problématique et ne rien craindre à la sortie. Malheureusement pour Chokri Blaïd, en Tunisie, ça n’a
pas été la même chose (ému).
Pour ce qui est des causes, elles sont fondamentalement socioéconomiques. Moi je ne crois
pas à la fatalité du culturel ou du traditionnel. C’est fondamentalement socioéconomique, là où il y
a le sous-développement, il y a toutes les tares possibles et imaginables en matière de régression
sociale. Nous croyons à cela également.
En ce qui concerne le mariage, 2 formes existent : il y a le mariage réglementé, régulier et
normal pour une femme à partir de 18 ans qui, en toute conscience, accepte un lien dans le cadre
du mariage puis il y a toutes les autres sortes dont celui de la mineure, dont celui apprécié par le
juge, dont celui réalisé sous la pression des parents.
Il y a aujourd’hui, à l’heure où je vous parle, une bagarre au Maroc, contre une régression par
rapport à l’acceptation du mariage à 16 ans. Dans notre domaine, en travaillant avec les petites
bonnes, nous avons découvert un autre phénomène, un aspect pas forcément anecdotique mais
qui démontre une certaine déviance sociale aujourd’hui. Certains, parce que nous avons fait un
tabac sur les petites bonnes, se marient avec des filles de 12 ans pour les exploiter au profit de la
première femme pendant 2 ou 3 ans, lui faire 1 ou 2 bébés, la renvoyer chez elle, elle n’a pas encore
18 ans.
Vous comprenez c’est tellement complexe, qu’on ne peut pas nous demander de tout prendre en
charge. Je ne suis pas Michel Rocard pour dire « je ne peux pas prendre toute la misère du monde
(mais nous devons prendre notre part) ». Et si chacun en prend un bout, on arrivera à prendre la
totalité. Nous avons commencé par ce bout là, nous sommes décidés à aller au bout du bout, à
partir de là, chacun prend ses responsabilités. Mais j’aurais aimé avoir plus de gens avec nous.
Nicole Hanssen : Par rapport à la Tunisie, est-ce qu’il y a un changement en matière de climat et
d’acceptation de la problématique ?
Youssef Issaoui : Pour la Tunisie, la problématique des mères-célibataires est un phénomène
social. Un problème traité par les autorités administratives, mais avec les années, des dizaines
d’associations se sont créées pour la prise en charge de ces enfants abandonnés. La relation n’a
pas été un tabou, car c’est un problème dont on peut parler, à tous les intervenants et en direct
(mass média, radio, tv). Mais il faut chercher des solutions.
En Tunisie, au niveau des lois, nous avons le code de statut personnel créé en 1959 qui a
donné une loi pour les enfants abandonnés afin d’avoir une identité complète comme droit. La Tunisie
a adopté en 1992 la Convention internationale des droits de l’enfant et avait besoin de nouvelles
lois pour répondre aux exigences de cette convention. L’autorité politique et administrative a créé le
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code de la protection de l’enfance en 1995, à sa suite, un nouveau droit est créé en 1998, cette loi
permet à l’enfant abandonné de filiation inconnue de porter son nom de famille qui est celui de sa
mère biologique. Mais dans la pratique, même avec ces lois, l’enfant continue d’avoir un problème
d’identité. Une nouvelle loi est donc créée en 2003, pour tout enfant de filiation inconnue, le juge
de la famille peut donner une identité imaginaire pour qu’à l’âge de la scolarisation, l’enfant ait une
identité complète afin d’éviter toute stigmatisation par rapport aux enseignants et autres enfants.
Pour nous, un pas juridique a été fait au niveau de l’enfant mais reste la sensibilisation de tous les
intervenants et citoyens à la problématique des mères-célibataires. Et nous considérons qu’un être
humain doit avoir accès à tous ces droits quelque soit sa catégorie dans la population.
Sonia Khelif : J’ajouterais une petite précision pour la Tunisie, il y a essentiellement un problème
entre l’histoire de l’être et du paraître. C’est-à-dire que nous avons vécu pendant quelques décennies
sur une tendance à travailler sur la vitrine, l’image que l’on donne aux autres. Quand on aborde
n’importe quelle difficulté ou problème, que l’on parle de mendicité, de mères-célibataires, de
personnes handicapées ; on va bien sur trouver des gens qui vont nous citer une série de mesures,
des centres qui existent un peu partout, des prestations etc. La structure existe mais la qualité de ce
qu’il s’y fait n’est pas mesurée. Et cela a créé une schizophrénie, je pense que le peuple tunisien est
devenu en grande partie schizophrène. On a l’impression que tout le monde découvre c’est-à-dire
qu’entre l’image véhiculée par l’ancien régime et la réalité, c’est incomparable. C’est sur cela que
l’on doit travailler aujourd’hui. Nous devons s’arrêter là, regarder ce qu’il se fait et la qualité de ce
qui est fait. Il ne faut pas s’arrêter à énoncer des chiffres et des structures, il faut que l’on améliore
la situation car nous sommes encore très loin des droits dont on a parlé. Mais je pense que l’on
a énormément de marge de manœuvre avec aujourd’hui l’espoir de la Tunisie, cette société civile
naissante qui a lancé une nouvelle dynamique qui va j’imagine et je l’espère, pouvoir changer les
choses.
5/ Elisabeth Rigaux, Référente métier pour le programme pouponnière à Bamako de Santé
Sud : Bonsoir. Avons-nous une idée de ce que deviennent ces mères célibataires après leur prise
en charge au Maghreb ?
Mounira Kaabi : Avec la mère-célibataire qui prend en charge son bébé, on essaie de faire de la
réintégration sociale, de la formation professionnelle, on essaie d’avoir des bailleurs de fonds pour
nous aider à louer une maison pour la mère et payer les besoins, soins du bébé, payer la crèche,
donner une bourse pour que la mère se forme puis on essaie de lui trouver un travail. On prend en
charge jusqu’à une année les couches.
Nous avons un suivi, c’est elle qui vient chercher l’aide aux associations qui subviennent à ses
besoins après l’accouchement. La femme n’a personne d’autre puisqu’elle est rejetée par sa famille.
Elle se sent intégrée dans l’association.
Elisabeth Rigaux : Est-ce qu’après elle est réintégrée dans sa famille ?
Mounira Kaabi : Parfois c’est difficile. Elle se réfugie au centre de Tunis (endroit où elle n’est pas
connue) car elle vit une situation très difficile.
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Actes
Omar El Kindi : En ce qui nous concerne nous faisons la prise en charge à l’issue du séjour dans
notre foyer. Soit la femme est prête et elle peut réintégrer une famille et c’est son choix de toutes les
manières. Depuis le 1er jour jusqu’à la sortie, nous essayons de réaliser son choix dans la mesure
de nos possibilités. Il n’y a pas d’imposition, c’est elle qui choisit. Quand elle nous quitte c’est soit
pour s’installer dans une famille soit pour s’installer par ses propres moyens ou alors nous avons
réussi à lui trouver un travail et donc nous l’accompagnons en assurant les premiers mois de loyer,
de frais etc.
Nous accompagnons le bébé jusqu’à l’âge de 3 ans, âge à partir duquel nous considérons qu’il y a
de très faibles chances d’abandon. Nous assurons bien évidemment toute la dotation en lait, tous
les soins, visites médicales etc. Pour lever la difficulté de garde de l’enfant, pour aller travailler, nous
avons imaginé une première solution qui est une nurserie informelle car c’est moins cher, mais nous
nous sommes rendu compte que ça n’était pas la bonne solution.
Nous souhaitons développer, aujourd’hui, un partenariat avec des crèches dans tout le grand
Casablanca pour pouvoir héberger les enfants des mères célibataires réinsérées. Maintenant je
dois avouer une chose, nous sommes dans un flux de personnes qui vont et qui partent, il n’est
pas question de nous instituer « Ministère de la mère-célibataire », ce n’est pas possible. Ce sont
des choix douloureux mais des choix raisonnables. Nous ne pouvons prendre en charge une mère
et laisser les autres attendre indéfiniment. Nous préférons faire les choses du mieux que nous
pouvons même si nous savons que nous ne répondons pas à toutes les attentes. Mais ma foi, estce notre rôle ? C’est une question qui nous taraude tous les jours, croyez-le.
[Applaudissements]
6/ Bintou Datt, Présidente de «La voie de la paix» Sénégal : Bonsoir, je remercie les intervenants
et le travail remarquable que vous faites qui pour moi sont des parcours de vrais combattants. Etant
consciente de ce que c’est, je vous dis bravo et félicitations parce que ça n’est pas un travail facile
et qui n’est donné à n’importe qui. L’approche que vous avez, d’aller vers ces gens, est une belle
approche. J’en reviens à mes questions :
- Tout d’abord, c’est un acte sexuel, à ce propos, est-ce qu’il y a une certaine éducation, des actions
de prévention qui peuvent pousser ces femmes, ces jeunes à être conscientisées afin d’éviter d’en
arriver là ? Si oui comment le faite vous et avec qui ?
- Au Sénégal, les femmes célibataires sont totalement exclues de la famille, de la société et même
si on se marie ensuite c’est un problème. L’enfant va être traité comme un enfant « batard » c’est
« hallam ». Et si jamais un homme veut se marier avec une mère-célibataire, la famille de l’homme
va lui refuser et la raison du refus est celle d’avoir eu un enfant hors mariage. Et vice-versa, des
hommes qui ont eu des enfants hors mariage sont contraints d’épouser la femme avec qui ils ont eu
cet enfant. Est-ce que cela se passe comme ça aussi chez vous ? Merci.
[Applaudissements]
Nicole Hanssen : Quelles actions de prévention, en Tunisie ?
Youssef Issaoui : En Tunisie, nous avons tout un programme de la part de l’Office national
du planning familial, aux échelles nationale, régionale et locale, qui diffuse des campagnes de
sensibilisation dans les universités, les lycées etc. En majorité, en Tunisie, les mères-célibataires
abandonnent leur enfant définitivement. Dans ce contexte, l’enfant est placé en famille d’accueil
formelle ou en kafala. Par contre, la mère célibataire a le choix du mari sans aucune condition de
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la part du père biologique de l’enfant ou de sa famille… A condition qu’elle soit responsable de ses
choix et de tous les problèmes que cela peut engendrer dans sa vie quotidienne.
Le père biologique peut prendre l’enfant dans certains cas notamment si sa mère ou sa sœur peut
garder l’enfant. Il peut se marier soit avec la mère biologique soit avec une autre sans intervention
des parents ou autres.
Sonia Khelif : En terme de droits d’accord mais il y a une différence avec la réalité. La mère de cet
homme ne le laissera pas épouser une mère célibataire.
Nicole Hanssen : Il y a donc une différence entre le droit normatif et le droit effectif.
Mounira Kaabi : Généralement, quand la mère célibataire a son enfant à charge, personne ne
l’accepte. En cas d’abandon, elle peut se marier. Mais généralement non, elle est mal vue comme
chez vous, elle a un enfant, elle a pêché. On a des femmes qui viennent du Sénégal, de Côte d’Ivoire
pour faire de la formation professionnelle, elles sont rejetées par leur famille et vivent en Tunisie.
Omar El Kindi : Je vais d’abord vous dire qu’avec des amis sénégalais nous avons créé Insaf
Sénégal. Et c’est là où je me suis rendu compte qu’il y a eu une transformation fondamentale entre
l’Afrique, que j’ai lu du temps des Grands, et l’Afrique d’aujourd’hui.
En ce qui concerne la prévention, nous en faisons mais bien plus que ça ! C’est-à-dire que pendant
la période de prise en charge au foyer, nous organisons des séances de consolidation : d’information
aux droits, à la santé reproductive, VIH sida, préparation d’entretien d’embauche etc. Nous préparons
la femme du mieux que nous pouvons pour qu’elle puisse s’assumer totalement. Car comme l’a
dit Sonia au début, l’estime de soi et la confiance en soi sont fondamentales dans la réinsertion.
Effectivement, elle est rejetée mais elle arrive à retrouver sa place dans la société quand on la
prépare. Nous faisons de la réparation, je ne suis pas psychologue mais plus nous réparons et plus
nous consolidons.
En amont, nous avons créé 4 collectifs :
- Printemps de l’égalité pour la parité et l’égalité,
- Pour une loi contre la violence faite aux femmes car actuellement au Maroc nous vivons une
reculade que nous imposent les autorités administratives,
- Pour l’éradication de l’exploitation des filles mineures dans le travail domestique et qui nous donne
près de la moitié des mères célibataires,
- Pour le droit de l’enfant à la protection familiale : 3 groupes d’enfants (enfants abandonnés, hors
mariage et en situation d’adoption marocaine c’est-à-dire la kafala).
Nous travaillons donc à la fois sur les parents, sur les lois et ce qui est plus fondamental les conditions
d’application de la loi en terme de dispositions, de décret d’application. Ce qui nous manque dans
notre pays ce sont les moyens de le faire. Il y a tellement de choses qui manquent.
J’ai reçu sur ma page Facebook un message terrible. Nous sommes en plein dans une campagne
pour une fille qui a été tuée par son employeuse à l’âge de 11 ans et quelqu’un me dit sur Facebook
«il n’y a pas que les petites bonnes dans ce pays».
Il devait avoir des problèmes de PV de police de circulation ou quelque chose comme ça, il était
énervé, il considère que c’est lui qui prime. Peut-être qu’il a été licencié ! Voila la population avec
laquelle nous travaillons aujourd’hui. Je ne généralise pas, mais nous sommes dans une mobilisation
forte. Nous tentons de faire ce que nous pouvons.
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7/ Bouchra Amathlouf, étudiante en droit international humanitaire (AMU) : J’ai vu dans l’un
de vos descriptif que l’un de vos principaux partenaires institutionnel c’était le Ministère de la famille
et de la solidarité, je voulais savoir concrètement quel partenariat et collaboration vous mettiez
en œuvre avec ce ministère là. Car même si je pense que l’action que vous menez auprès des
bénéficiaires est plus qu’importante et vitale, je pense aussi que l’échelle politique est importante
afin de pouvoir influencer ceux qui font les lois ou qui peuvent les influencer.
J’ai aussi une question pour la Tunisie, que pensez-vous de l’accession de Ennahda au pouvoir
pour régler cette problématique là. Y-a-t-il aucun espoir de collaboration avec les politiques ?
Sonia Khelif : Cela n’est pas du tout la disposition dans laquelle nous sommes. Nous avons des
acquis et nous sommes là (la société civile et le citoyen tunisien de manière générale).
Une jeune fille du public : Il y a des filles d’origine maghrébine qui ont une culture occidentale et
d’autres qui sont dans leur cocon, dans leurs traditions, elles vivent dans des familles traditionnelles
ou il y a des sujets tabous. Mais elles ont tout de même des relations avec les hommes en secret.
Est-ce qu’avec ce qu’il se passe actuellement, elles ne se sentent pas encore plus menacées ? Et
dans ce cas, est-ce qu’il ne faut pas plus aller vers elles étant donné qu’elles sont « coincées ». Je
parle de ces filles voilées qui vivent dans leur cocon.
Sonia Khelif : Je ne partage pas tout à fait votre position. Le fait d’être voilée n’a rien à voir.
Une jeune fille du public : Ca n’est pas ça que je voulais dire mais voilée la face.
Sonia Khelif : Absolument. C’est vrai qu’il y a des programmes mis en place par le ministère
mais ce ne sont pas des programmes contre les naissances hors mariage, mais des programmes
d’éducation sexuelle.
Une jeune fille du public : Moi j’ai fait ma scolarité en Tunisie, je n’ai jamais eu ces formations. J’ai
simplement eu des cours de sciences biologiques.
Sonia Khelif : Je sais, pendant mon cours de reproduction sexuelle, mon prof s’est absenté !
Sérieusement, quand je dis programme, cela ne peut pas absolument pas toucher toute la population.
Cela n’est pas possible. Je me rappelle qu’il y avait plusieurs partenaires d’ailleurs associatifs,
et chaque partenaire avait en charge un public particulier. Par exemple, pour une association de
planning familial, un travail avec des jeunes filles dans les usines avec des séances d’éducation par
les pairs, un programme sur 4 ans, cela ne peut pas toucher toutes les filles mais une population
ciblée c’est-à-dire 4000 ou 5000 sur la durée du projet. D’autres, les jeunes au lycée, d’autres,
les jeunes des casernes… De toutes les façons aucun programme ne peut toucher l’ensemble de
la population. Pour en revenir à Ennahda, je pense qu’on est entrain de contourner le problème.
Il ne faut pas tomber dans le piège de construire contre. On veut s’unir et on veut travailler pour
construire et non pas être contre, contre une menace quelque qu’elle soit. Je donne l’exemple de
tout ce qui se fait dans le réseau autour des droits de l’enfant, c’est vrai que l’idée est née suite à un
discours prononcé par le chef du parti Ennahda qui a annoncé qu’il va réfléchir sur la modification
du texte sur l’adoption, parce que ça n’était pas permis par la religion et donc en fait aujourd’hui si
les associations sont réunies avec des juristes qui réfléchissent à un argumentaire etc., cela n’est
pas du tout dans l’optique de contrecarrer mais le centre de la discussion est l’intérêt de l’enfant, et
c’est pour cela que l’on travaille. Non pas pour être contre qui que ce soit.
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Actes
Pour la petite anecdote, moi non plus je n’ai pas eu le cours sur la reproduction. Nous
commençons par la reproduction chez les animaux, chez les végétaux puis chez les humains !
Une jeune fille du public : Est-ce que vous pensez que ces cours là sont suffisants pour que les
filles prennent conscience. Je pense qu’une fille de 15 ans a plus d’éducation avant ces cours là,
surtout avec facebook, internet. Je pense que c’est insuffisant ! Je n’ai jamais eu d’information sur
la sexualité pendant mon cursus. Le préservatif chez nous, c’est tabou ! En Tunisie, on veut une
image de marque.
Sonia Khelif : En 2001, on a fait une étude auprès de jeunes entre 15 et 19 ans dans plusieurs
gouvernorats sur les pratiques sexuelles. Il y a de très grandes tendances : les rapports commencent
de plus en plus tôt, avec des connaissances de plus en plus erronées. On reste complètement
incrédule devant les histoires à dormir debout décrites. L’information est partagée entre les
camarades. Il y a une vitrine, on parle de programmes mais le professeur fait tout pour éviter de
faire ce cours. Statistiquement on ne retrouve pas ça. La qualité, on n’en parle jamais.
Une jeune fille du public : Il y a des gens qui disent qu’il ne faut pas parler de la reproduction avant
tel ou tel âge notamment par rapport à la religion.
Sonia Khelif : Je n’osais pas parler de la religion mais justement. Ce que l’on fait circuler sur la
religion est aussi complètement erroné, l’éducation sexuelle dans la religion musulmane est une
obligation contrairement à ce qu’il se dit.
Omar El Kindi : Très rapidement, nous sommes dans un combat politique mais nous distinguons
dans notre association le travail de pompier pour répondre à un besoin immédiat, du combat politique
qui va transformer la société. La plupart de nos demandes sont reçues, car nous sommes de plus
en plus d’intervenants et d’activistes. Il y a une pression internationale forte sur un certain nombre
de dispositions et le gouvernement doit donner des sous et des réponses.
Pascale Bossi : Je voulais ramener la dimension psychologique. Quand on parle d’actions de
prévention, sans vouloir nier l’importance de l’accès à la connaissance, des questions se posent au
niveau individuel. Comment peut-on se servir de ce que l’on sait en fonction de son rapport à l’autre?
L’accès au préservatif oui, mais au moment où la jeune fille est face à l’homme, est-ce qu’elle va
avoir les ressources personnelles pour exiger de l’homme l’utilisation du préservatif ?
8/ Nouredine, association ISM traduction interprétariat : On a beaucoup parlé des femmes
célibataires en situation de pauvreté, est-ce qu’il n’y a pas de femmes célibataires appartenant à
des classes aisées ? Si oui, comment est traité leur problème ? Est-ce que le juge, quand il reçoit
une enveloppe la reçoit de la même manière ? Est-ce que dans certaines familles, qui ont la chance
d’avoir les moyens, de l’instruction, il y a une acceptation qui pourrait ouvrir la voie à d’autres ? Mais
au moins est-ce qu’il existe une différenciation ou pas ?
Omar El Kindi : Nous avons choisi librement de nous positionner auprès des mères en situation
précaire car elles n’ont pas les moyens de contourner leur situation. Nous sommes réservés sur
l’opportunité du débat. Nous avons reçu des témoignages de personnalités importantes dans le
paysage médiatique et autres qui ont souffert le martyre de leur situation de mères célibataires.
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Actes
Nous savons que cela existe. Mais notre choix est de travailler auprès des mères célibataires en
situation de précarité. Car dans un autre débat, d’autres considérations risquent de s’ouvrir qui
peuvent être contre-productives dans notre travail immédiat.
Oumy Kamara, Association Femmafi : Je pense que c’est aussi une question de mentalité. Ces
femmes, si leur mère essayait de les soutenir, elles ne se retrouveraient pas dans des situations
comme cela. Nous avons parlé de nurseries informelles, mais cela non plus ça n’est pas possible,
une femme a été arrêtée pour nurserie informelle. Pendant la formation professionnelle, que fait
la jeune femme de son enfant ? C’est impossible ! Pourtant elle veut travailler. Je pense qu’il faut
aussi en parler. Je pense que le plus important c’est l’épanouissement de l’enfant. Je pense qu’il est
important de revenir à ce qui a été dit en début de séance notamment un problème de chiffres. Vous
êtes des intellectuels, si déjà à ce niveau là il y a un problème de chiffres et que nous ne sommes
pas d’accord sur ces données même si elles ne sont pas importantes car l’important c’est que ces
personnes s’en sortent. Il faut partir sur de bonnes bases et travailler autour de ça, être d’accord
sur la base afin d’avoir des propositions concrètes. Les chiffres sont là. Il faut être clair, est-ce que
l’on parle de femmes d’origine maghrébines ? De seconde génération, est-ce qu’elle reste d’origine
maghrébine ? Voila simplement ce petit détail. Merci.
Nicole Hanssen : Je vous remercie à tous d’être venus. Je suis sure qu’il y a encore beaucoup
d’autres questions mais c’est un travail que nous allons continuer pendant encore 3 ans voir plus.
Pour les personnes qui sont arrivées en retard, s’il vous plaît laissez vos coordonnées, les actes de
cette soirée vous seront envoyés. Vous pouvez aussi signer le livre d’or !
Plus d’informations
et de renseignements sur :
www.santesud.org
Nos partenaires :
En Algérie : SOS Femmes en détresse
Au Maroc : INSAF www.insaf.ma
En Tunisie : Réseau Amen Enfance Tunisie
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Actes
Fiche projet
Pour une meilleure insertion sociale et professionnelle des
mères célibataires au Maghreb
Objectifs du projet :
Objectif général :
Promouvoir l’accès des mères célibataires aux droits fondamentaux et de développer leur
émancipation économique et sociale
Objectif spécifique :
Favoriser l’insertion socioprofessionnelle des mères célibataires au Maghreb
Résultats attendus :
1. Le développement de l’insertion sociale des mères célibataires au Maghreb : former les intervenants
directs à l’accompagnement psycho social des mères célibataires ; former les intervenants directs
à la médiation familiale ; informer les mères célibataires de leurs droits juridiques, sanitaires et
sociaux.
2. La mise en place dans chaque pays d’un dispositif de formation professionnelle adapté aux
besoins des mères célibataires : créer un comité multisectoriel de pilotage du dispositif de formation
et d’insertion professionnelle adaptée ; former les mères célibataires à la démarche du projet
professionnel d’autonomie (selfempowerment) ; sensibiliser et mobiliser les institutions de micro
finance pour développer des activités génératrices de revenus.
3. Le travail en réseau des acteurs pour favoriser des synergies aux niveaux local, national et
maghrébin en vue de l’autonomisation des mères célibataires : soutenir la mise en place d’une
coordination nationale entre les divers acteurs de l’accompagnement des mères célibataires ;
organiser l’échange d’expériences de réinsertion sociale et professionnelle des mères célibataires
au Maghreb ; capitaliser et diffuser les bonnes pratiques d’accompagnement de la mère célibataire
et de plaidoyer sur le droit des femmes vulnérables.
Populations bénéficiaires :
Groupes cibles :
- 690 personnes, soit 150 travailleurs sociaux et psychologues chargés du soutien aux mères
célibataires et 540 mères célibataires
- 630 personnes, soit 90 représentants des autorités locales et nationales, des associations de
femmes, des associations d’aide aux mères célibataires et des acteurs économiques et de micro
finance et 540 mères célibataires
- 45 représentants des structures publiques et associatives d’aide aux mères célibataires
Bénéficiaires finaux :
60 000 personnes/an, soit 30 000 mères célibataires et leurs enfants
Partenaires locaux :
- Tunisie : Réseau AMEN Enfance Tunisie et ses membres : 13 pouponnières associatifs
- Maroc : Association INSAF Institution Nationale de Solidarité avec les Femmes en détresse
- Algérie : Association SOS Femmes en détresse
Calendrier de l’action :
La durée du projet est de 36 mois à partir de Janvier 2013
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Actes
Témoignage
Suite à la diffusion de l’évènement, nous avons reçu deux documents : l’un est un témoignange et l’autre un essai, si vous
souhaitez adresser des commentaires ou remarques à l’auteur, merci de nous les faire parvenir à [email protected]
Témoignage d’une mère-célibataire anonyme
J’ai eu une enfant hors mariage en 1974. J’avais la chance à cette époque de pouvoir quitter
l’Algérie et de terminer ma grossesse en Angleterre ; une époque bénie pour les aides sociales dans
ce pays. Je pouvais choisir la nationalité britannique pour mon enfant et rester dans le pays. J’avais
choisi de revenir en Algérie, où j’entamais ma fonction d’enseignante.
Il y avait eu quelques tentatives d’indiscrétions, mais n’ayant jamais pensé à cacher ma situation
réelle, on ne m’a jamais posé de problème.
Où que j’aille, quoi que je fasse, la façon directe avec laquelle je répondais aux interrogations m’a
valu une tranquillité bien méritée. Y compris auprès de ma famille. Ce qui me fait dire ceci (mais je
comprends qu’aucune situation n’est comparable à une autre) : si les mères célibataires ont des
problèmes en Algérie aujourd’hui, les raisons sont les mêmes que celles qui ont prévalu dans les
pays occidentaux en leur temps : question de coutumes.
Cependant, je crois que ces mères ont en elles la capacité de modifier les regards sur elles. En me
fondant sur ma propre expérience, qui se situe à une époque où le phénomène était bien moindre et
où il n’y avait pas de structures d’aide, je suis persuadée que c’est leur façon de vivre leur situation
qui peut les aider. Pour cela, il leur faut poser sur elles-mêmes un regard différent : ne plus se vivre
comme victimes, et surtout pas coupables, mais comme des personnes dans toute leur intégrité.
Que leur situation ne leur pèse plus, mais qu’elles la vivent comme une étape, délicate certes,
douloureuse aussi, mais une étape vers quelque chose qu’elle décide de construire.
Ce ne sont que des mots, mais ils vous parlent d’une expérience réelle. Je sais que si j’avais
baissé les yeux, j’aurais été jugée et condamnée pour ma “faute” ; et sans doute exclue, peut-être
maltraitée.
Ma situation particulière m’avait par contre valu quelques marques de sympathie inattendue. Au
gestionnaire d’un établissement où j’enseignais qui m’a corrigée un jour en me disant : “Vous êtes
mademoiselle, pas Madame”, c’est sa collègue qui l’a corrigé à son tour en réagissant ainsi : “Du
moment qu’elle a un bébé, c’est Madame.”
Un autre jour dans une ville de l’est très traditionnelle (à cette époque lointaine !), un libraire à qui
je demandais s’il ne connaissait personne qui pouvait s’occuper d’un bébé à domicile m’a posé
une question habituelle sur la fonction de mon ... mari. J’ai répondu que je n’en avais pas. Alors,
j’étais divorcée ? Non plus. Je l’avais peut-être adopté ? Non plus. Perplexe, il a dit : “Alors je ne
comprends pas.” Et j’ai répondu : “Vous savez, une femme est une femme, mariée ou pas”. Sa
réaction spontanée a été : “Excusez-moi”.
Je précise que quand je me suis établie en France, ma fille avait 11 ans. Et bien qu’elle ait porté mon
nom de jeune fille et qu’elle était enregistrée “de père inconnu”, jamais ni elle ni moi n’avons subi de
maltraitance. En tout cas, pas de façon directe. De cette expérience, je conclus que nous sommes
vues et traitées comme nous nous voyons et nous traitons (en gros). Du moins, nous pouvons
participer à une modification du regard qu’on pose sur nous par habitude, ignorance, ou crainte, par
une modification volontaire du regard que nous posons nous sur les autres.
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Actes
Essai
L’avortement provoqué en Algérie
Docteur B. Ouzriat, [email protected]
Association maghrébine pour l’étude de la population – Section Algérie
Introduction et contexte :
Dans les études des comportements sociodémographiques de la population Algérienne durant
ces dernières années, il est surprenant de trouver des taux si élevés d’illégitimité sur le total des
naissances enregistrées. En effet prés de 15 000 enfants sont nés hors mariage durant la période
2000-2005. Ces chiffres ont été communiqués par le Ministère de la solidarité nationale, toutefois
et selon une étude récente, ces chiffres demeurent loin de la réalité car une étude indépendante a
révélé que 7 000 naissances illégitimes (hors mariage) sont recensées chaque année en Algérie,
alors que le département officiel ne parle que de 3 000 naissances illégitimes par an. Toujours selon
le Ministère prés de 9 000 enfants ont été pris en charge dans le cadre de la Kafala (adoption),
alors que le reste est pris en charge par les structures de l’état. Dans tous les cas, il s’agit d’enfants
abandonnés par les mères biologiques que l’on appelle communément « mères célibataires », les
enfants abandonnés sont appelés « cas sociaux ».
En Algérie, la situation est devenue plus que jamais préoccupante, en plus de ces naissances
vivantes « illégitimes », chaque semaine les unités de la gendarmerie et les services de la sûreté
nationale découvrent des nouveau-nés sans vie abandonnés dans des décharges publiques, dans
des rues, dans des draps ainsi que dans des couffins, leur nombre est aussi important.
Par crainte du double rejet sociétal et familial, beaucoup d’autres jeunes femmes qui se retrouvent
enceintes illégitimement font recours à l’avortement pour dissiper leur
« mal », leur nombre est aussi important. L’avortement est devenu en l’espace de quelques années
un phénomène social en Algérie à l’instar de beaucoup d’autres pays du monde. L’avortement ou
une autre façon d’expulser l’embryon ou le foetus avant 180 jours de la grossesse est devenu en
l’espace de quelques années un phénomène social au niveau mondial mais aussi en Algérie ; c’est
un phénomène qui n’est pas du tout cerné reste de l’avis des spécialistes un tabou.
Selon la gendarmerie nationale Algérienne 80 000 avortements ont été recensés en Algérie durant
ces dix dernières années avec une moyenne de 8 000 avortements par an dont presque 200 à 300
sont illégaux (IVG ou Interruption Volontaire de Grossesse clandestins), 46 000 000 sont enregistrés
dans le monde et dont plus de 20 000 000 sont illégaux. Le nombre de cas traités par la justice
Algérienne et ceux déclarés ne reflètent en aucun cas la réalité de la situation d’autant plus que
l’avortement se fait de manière clandestine, par conséquent réalisé dans des conditions sanitaires
précaires et souvent par des personnes non qualifiées du point de vue médical ou par de faux
médecins. Il est difficile de détecter un cas d’avortement, sa détection se fait une fois que la femme
est victime de complications dues à l’opération ou d’une hémorragie aiguë. Ces pourcentages
d’illégitimité (d’IVG et de naissances hors mariages) démontrent des conduites sexuelles de la
population qui allaient au-delà du modèle de famille fondé par la tradition musulmane.
Objectif :
L’objectif de ce travail est d’apporter des éléments de réflexion qui contribuent à expliquer et à
interpréter la fracture qui existe entre les normes légales et morales en vigueur et les pratiques
sexuelles de la société en question selon l’information fournie par la documentation consultée.
Contexte juridique relatif à la question de l’avortement :
a. la loi et la charia interdisent l’avortement :
L’avortement en Algérie est strictement interdit. La loi dans ce sens est on ne peut plus claire.
L’article 304 de code pénal stipule «quiconque par aliments, breuvages, médicaments, manœuvres,
violence ou par tout autre moyen, a procuré ou tenté de procurer l’avortement d’une femme enceinte
ou supposée enceinte qu’elle y ait consenti ou non est puni d’un emprisonnement de un an à cinq
ans et d’une amende de 500 à 10.000 dinars. Et si la mort en résulte, la peine est la réclusion de
10 à 20 ans ». Ainsi, chaque femme en Algérie qui pratique un avortement risque non seulement
la prison mais également la stérilité, l’infirmité ou la mort. Cela interviendra suite aux conditions
non surveillées et non hygiéniques. Du point de vue de la charia, la pratique de l’avortement est
interdite.
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Actes
b. les cas où l’avortement est autorisé :
- Les cas où l’avortement (ITG ou Interruption Thérapeutique de Grossesse) est autorisé selon les
lois de la République pour des raisons thérapeutiques afin de sauver la vie de la femme, si elle
est en danger (article 308) ou pour un avis médical selon lequel le fœtus présente des risques de
malformation graves.
- En cas de viol, l’interruption d’une grossesse n’est pas autorisée sauf s’il s’agit d’un viol commis
dans le cadre d’un acte terroriste. Outre l’autorisation des autorités publiques dans ce cas là, une
fatwa a également consenti à l’avortement dans le même cas. Ce n’est que pendant l’année 2003
que le débat a été engagé en Algérie sur le droit à l’avortement pour des femmes violées par des
terroristes. En avril 2004, l’état Algérien a autorisé l’avortement des femmes violées par le GIA
(Groupes Islamiques Armés). Il a fallu plusieurs années de lutte des associations féminines et des
familles des victimes du terrorisme pour que ce qui devait obéir au bon sens soit admis, selon la
presse Algérienne, 1 600 cas d’agressions sexuelles ont été répertoriés depuis 1993.
Dans ce même cadre, l’université d’El Azhar au Caire « plus haute autorité religieuse » avait déclaré
licite l’avortement de femmes bosniaques violées par des miliciens serbes, parce qu’il s’agissait de
femmes musulmanes violées par des chrétiens ».
Sources des données :
Il faut signaler que la question de l’avortement étant particulièrement sensible socialement et
politiquement, il a été très difficile de réaliser une recherche de qualité sur ce thème, vu aussi la
difficulté d’accéder à des informations officielles relatives à ce thème. De même que la recherche
documentaire se rapportant à d’autres études sur l’avortement n’a pas été souvent fructueuse. Les
études se rapportant à l’avortement sont vraiment très rares, pourtant la recherche sur ce sujet est
capitale pour plusieurs raisons :
- du point de vue démographique, parce que c’est une composante essentielle du contrôle de la
fécondité et des grossesses non désirées ;
- du point de vue de la mortalité et de la morbidité, parce que les avortements à risque contribuent
significativement à la mortalité et la morbidité maternelle ;
- du point de vue des services, parce que c’est un bon indicateur des besoins d’amélioration en
services de contraception ou d’avortement.
La principale source d’information pour le recueil des données a été les quelques rares publications
de la presse nationale, les études faites par les associations féminines, et surtout le recueil des
données enregistrés par la gendarmerie nationale.
Il a été très difficile de recueillir des données au niveau des établissements de santé publiqucs ou
privés, mis à part quelques témoignages de médecins ou d’infirmiers.
On essayera de présenter de manière globale les données relatives au phénomène de l’avortement
tel que recueillis à travers la presse nationale, le mouvement associatif féminin mais surtout seront
présentés des données plus fiables, statistiques officielles de la gendarmerie nationale (cas traités
par la justice Algérienne) mais circonscrite à la Wilaya d’Alger seulement.
Présentation synthétique des résultats : Données circonscrites à la Wilaya d’Alger :
Données circonscrites à la Wilaya d’Alger :
- 57 cas d’avortement clandestin ont été enregistrés et traités en 2004 et 123 cas en 2005 avec
un décès suite à des complications. Ce qui donne un effectif cumulé de 180 cas d’avortements
enregistrés durant les deux années.
- Cette croissance de l’avortement clandestin est due très certainement à la remontée vertigineuse
du nombre d’agressions sexuelles, les viols, les incestes. A titre d’exemple l’année 2005, il a été
enregistré à la police 326 viols, tandis qu’à la gendarmerie 122 cas ont été traités durant les 9
premiers mois de la même année.
- L’avortement provoqué est plus répandu en milieu urbain (11,3 pour 100 naissances vivantes)
qu’en milieu rural (9,9 %).
- 12% de ces avortements ont eu lieu durant le premier mois de gestation, 31% à 2-3 mois et 25%
à 4 mois.
- Plus de la moitié de ces femmes (62,4%) avaient moins de 25 ans.
La tranche d’âge la plus représentée est celle de 20-25 ans, soit 56% de l’échantillon total, 17
d’entres elles avaient moins de 20 ans et 6 étaient des mineurs.
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Actes
- 81% des femmes sont des célibataires, 15% sont divorcées, les veuves représentent 2.5% de
l’échantillon et 1.5 % sont toujours mariées
- Pour leur niveau de scolarité, 20% des femmes étaient analphabètes, 25% ont fréquenté l’école
primaire, 37% ont fréquenté le collège ou le lycée et 18% faisaient des études supérieures. Plus de
la moitié des femmes sont instruites.
- Pour la récidive, seulement 0.6% sont à leur 2ème avortement. Lieu et conditions d’avortement :
Ces avortements ont été effectués chez des femmes à domicile, faux médecins et même dans
des cliniques privées, au courant de l’année 2005 les services de la police judiciaire ont réussi à
démanteler un réseau spécialisé dans l’avortement provoqué composé de 10 éléments dont une
femme qui jouait le rôle d’intermédiaire entre les femmes, le médecin chirurgien et les infirmiers
impliqués. Dans les années 90 et jusqu’au début des années 2000, beaucoup d’algériennes ayant
subi l’avortement provoqué l’ont pratiqué dans des cliniques en Tunisie, elles ont fait le voyage
en prétextant le tourisme, le coût global avec tous les frais revenait à 80 000 Dinars (800 euros).
Quelques cliniques privées créées récemment en Algérie pratiquent en cachette l’interruption de la
grossesse contre une forte somme d’argent, 50 000 dinars (500 euros), ce qui fait que le voyage
vers la Tunisie pour l’avortement a connu une baisse sensible durant ces dernières années. Au
début de l’année 2007 une clinique privée (à l’est Algérien) a été fermé et ses responsables avec
d’autres employés ont été mis en examen après la découverte de plusieurs fœtus dans la décharge
publique de la municipalité, fœtus provenant de la dite clinique et jetés dans le tas avec les ordures
ménagères.
Quant ces avortements ont eu lieu en dehors des structures de santé, souvent ils ont été pratiqué
dans des conditions d’hygiène inappropriés et sans couverture ou sécurité médicale, exposant ainsi
les femmes a des graves complications infectieuses et hémorragiques pouvant entraîner le décès,
80 femmes auraient perdu la vie durant ces dix derniers années selon des sources sanitaires. La
complication la plus redoutée aussi est la stérilité.
Certaines femmes utilisent même des plantes abortives recueillies auprès de certains herboristes
ou bien dans la nature. 80 femmes ont perdu la vie. Aujourd’hui avec l’évolution de la médecine, il
est désormais possible à la femme d’avorter en prenant des comprimés qui l’aideront à avorter sans
pour autant recourir à l’intervention, mais le risque d’hémorragie et de décès est omniprésent.
Les raisons invoquées :
Pour ce qui est des raisons les plus fréquemment invoquées pour une interruption de grossesse,
on relève une mauvaise relation de couple et l’incompatibilité de la formation ou de l’exercice d’une
profession avec un enfant. Une situation financière grave, une femme victime d’un viol ou d’un
inceste figure également au tableau.
Souvent les femmes qui envisagent une IVG sont exposées à toute sorte de contraintes : le
partenaire leur demande d’avorter et les abandonne, la relation est rompue, les parents ne veulent
pas entendre parler d’un petit enfant illégitime, les soucis financiers s’accumulent, etc.
Ceci ne signifie cependant pas que la femme se décide pour une IVG uniquement sous la pression
de l’entourage, indépendamment de sa propre volonté. Dans son propre intérêt et celui d’un futur
enfant, elle prendra en considération tous ces paramètres. Les contraintes ne disparaissent pas
avec la naissance de l’enfant et elles vont devoir continuer à vivre avec. Même les femmes mariées
qui ne désirent pas garder leurs bébés recourent très souvent à l’avortement.
Il est difficile de détecter un cas d’avortement. Sa détection se fait une fois que la femme est victime
de complications dues à l’opération ou d’une hémorragie aiguë.
Conclusion- Recommandations :
En conclusion, le problème de l’avortement existe bel et bien en Algérie sans pour autant que son
ampleur ne soit connue, l’impact de l’avortement à risque sur la santé et le bien-être des femmes
et de la société est bien réel vue le nombre de décès enregistrés et les complications tragiques
engendrées en cas ce survie pour une femme qui n’a pas encore d’enfants.
La question de l’avortement étant particulièrement sensible socialement et politiquement, il est
difficile de réaliser des recherches de qualité sur ce thème. Le taux de non signalement est variable
mais souvent élevé, que les données proviennent d’enquêtes concernant des individus, des
établissements hospitaliers ou encore de statistiques officielles.
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Actes
Pourtant, la recherche sur ce sujet est capitale pour plusieurs raisons :
- du point de vue démographique, parce que c’est une composante essentielle du contrôle de la
fécondité et des grossesses non désirées ;
- du point de vue de la mortalité et de la morbidité, parce que les avortements à risque contribuent
significativement à la mortalité et la morbidité maternelle ;
- du point de vue des services, parce que c’est un bon indicateur des besoins d’amélioration
Le dernier rapport de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) concernant l’avortement a mis
l’accent sur la nécessité de réflexion sur le problème, de la part des politiques des pays du tiers
monde et des pays émergeants. Mais seulement voila, il y a le problème de la religion et des
mœurs. En Algérie, la situation est plus que préoccupante. Chaque semaine les services de la
gendarmerie nationale trouvent des nouveaux nés abandonnés, voir même décédés ou tués après
l’accouchement. Juste pour dire que abandon sauvage des nouveaux nés est un crime, mais lorsque
l’on en arrive à ce point, je pense que notre société souffre de beaucoup de choses…. Les femmes
qui abandonnent leurs enfants ou qui avortent n’ont pas le choix. Si elles gardent l’enfant elles sont
à la rue, réprouvées, bannies. Pour subsister, soit elles mendient soit elles se prostituent. Est-ce un
avenir à souhaiter ? Les mœurs ont changés en Algérie, et nous voilà face à un nouveau défi (et
encore un!), à l’heure de l’apaisement et de la paix dans notre pays, le seul problème est le suivant:
même si les politiques veulent vraiment se pencher sur la question, les islamistes sont encore
présent, et les mentalités sont à la traîne.
Concernant l’avortement en Algérie, il est bien évidemment illégal, sauf pour raison médicale et tout
dernièrement pour raison sociale « les cas sociaux », bien triste appellation, il s’agit de femmes
violées par les terroristes.
L’égalité devant la loi est l’un des principes fondamentaux de la République, dans ce sens la
constitution Algérienne est bien explicite :
- L’article 54 : « Tous les citoyens ont droit à la protection de leur santé. L’état assure la prévention
et la lutte contre les maladies épidémiques et endémiques ».
- L’article 28 : « Les citoyens sont égaux devant la loi, sans que puisse prévaloir aucune discrimination
pour cause de naissance, de race, de sexe, d’opinion, ou de toute autre condition ou circonstance
personnelle ou sociale »
- L’article 31 : « Les institutions ont pour finalité d’assurer l’égalité en droits et devoirs de tous les
citoyens en supprimant les obstacles qui entravent l’épanouissement de la personne humaine et
empêchent la participation effective de tous, à la vie politique, économique, sociale et culturelle »
Qu’en est il de la réalité du terrain en Algérie ? C’est tout autre, à titre d’exemples :
- L’accès aux centres de planification familiale ( ex-appellation : centre de protection maternelle et
infantile ou PMI) est limité eux seules femmes mariées, l’accès à la contraception reste très limité aux
jeunes femmes qui se rabattent sur les officines privées pour acquérir les produits contraceptifs.
- L’accès aux centres d’accouchement (maternités) se fait sur présentation du livret de famille, s’il
s’agit d’une mère célibataire, les services de la police sont aussitôt alertés par les responsables
administratifs de l’établissement de santé tout en prenant en charge la parturiente. Ceci est très
observé dans les structures publiques et même dans les cliniques privées, ce qui pousse aussi
les parturientes à accoucher clandestinement ou bien à domicile, s’exposant ainsi aux différents
risques (médicaux, abondant de l’enfant).
- Pour faire vacciner son enfant dans un centre de vaccination publique (étatique), le livret de famille
est exigé.
- Pour l’estimation de la prévalence contraceptive (dans un but de statistique officielle), il n’est pris
comme paramètre que les « femmes mariées en âge de procréer » (FMAR). Ce sont des raisons
parmi tant d’autres considérations éthiques qui ont poussé vers le basculement du paradigme de
planification familiale à celui de santé de la reproduction, en partie par réaction aux atteintes aux
droits de l’homme qui ont résulté du programme national de planification familiale tel que compris et
appliqué auparavant à l’instar d’autres pays. Un des résultats de ce basculement fut, par exemple,
l’adoption du concept de droits en matière de sexualité et de reproduction comme partie intégrante
des droits de l’homme, reflétant ainsi le principe, déjà accepté lors de précédentes conférences
des Nations Unies sur la population, du droit des individus de déterminer librement le nombre et le
moment des naissances et d’avoir accès à l’information et aux services pour exercer ce droit.
Actes du Point Rencontre Mères Célibataires - 14 Février 2013 - Marseille
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Actes
Cependant, l’existence d’importantes différences culturelles, éthiques et économiques entre individus
et entre sociétés sur de nombreux aspects de la santé de la reproduction était déjà manifeste lors
des débats au Caire. Plus d’une décennie après la conférence du Caire, les questions relatives aux
droits en matière de sexualité et de reproduction, à l’avortement et au comportement sexuel des
adolescents demeurent controversées. De plus, les tensions n’ont toujours pas été résolues entre,
d’une part, l’exercice des droits individuels en matière de sexualité et de reproduction et, d’autre
part, les objectifs de la société relatifs à l’impact de l’agrégation des comportements individuels sur
la santé et la démographie. Même si la résolution de ces tensions est sans doute hors d’atteinte, un
débat informé peut contribuer à de meilleures politiques et à de meilleures pratiques. Il faut savoir
faire la différence entre la fécondité qui est une faculté de procréation, et la sexualité. Dans ce cas
l’éducation sexuelle et une prévention majeure.
L’amélioration des conditions d’accès aux structures de santé maternelle, notamment pour les
femmes célibataires (contraception) et l’élargissement des programmes de prévention et d’éducation
sanitaire en matière de santé reproductive et sexuelle en milieu vulnérable (centre universitaire par
exemple) permettront sûrement de réduire ce phénomène par la réduction du nombre de grossesse
non désirées ou accidentelles, mais l’amélioration des conditions socioéconomiques des familles et
des femmes permettra encore plus de réduire ce phénomène.
Dans ce cadre, plusieurs institutions Algériennes (non gouvernementales) se sont penchées sur
la question, à l’instar de l’association Algérienne pour la planification (AAPF) et le réseau Wassila,
organisant des séminaires et des journées d’études autours des thèmes suivants :
- Droits et devoirs : perspectives individuelles et sociales dans l’éthique de la reproduction et du
comportement sexuel ;
- Droits des hommes et des femmes en tant qu’individus et en tant que couples : conflits potentiels
et implications pour la santé de la reproduction ;
- Avortement et contraception : impact des politiques d’avortement et de contraception, et de la qualité
des soins sur l’incidence de grossesses non désirées et d’avortement ainsi que sur la morbidité et
la mortalité qui y sont associées ; conditions d’accès à une gamme de méthodes contraceptives ;
choix informés dans les programmes de planification familiale ;
- Santé de la reproduction des adolescents : contrôle et responsabilités parentaux, enjeux relatifs
au consentement ; risques de santé de la reproduction spécifiques aux adolescents ; droit à une
information juste et précise.
Docteur Boualem Ouzriat est médecin inspecteur de santé publique pour la Direction santé et
population de la wilaya de Boumerdes. Il est aussi formateur national en santé sexuelle.
Actes du Point Rencontre Mères Célibataires - 14 Février 2013 - Marseille
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