commission environnement littoral - envlit

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commission environnement littoral - envlit
COMMISSION ENVIRONNEMENT LITTORAL
POUR UNE APPROCHE INTEGREE DE
GESTION DES ZONES COTIERES
Initiatives locales – Stratégie nationale
Rapport au Gouvernement
Septembre 2002
SOMMAIRE
RESUME EXECUTIF
…………………………………………………………
3
1.
CONTEXTE ET INTRODUCTION DU RAPPORT ………………………
Contexte ………………………………………………………………………
Enjeux …………………………………………………………………………
7
7
10
2.
METHODE …………………………………………………………………..
12
3.
CARACTERISATION DES ETUDES DE CAS ………………………….
CRITÈRES DE CHOIX …………………………………………………………….
ESTIMATION DE LA VALEUR DES ÉCOSYSTÈMES ……………………………….
CARACTÉRISATION ET PROBLÉMATIQUE ……………………………………….
Mer d'Iroise ……………………………………………………………..
Rade de Brest ……………………………………………………………
Pertuis Charentais ………………………………………………………
Golfe du Morbihan ………………………………………………………
Bassin d'Arcachon ………………………………………………………
17
17
17
18
18
18
19
20
20
4.
ANALYSE COMPARATIVE DES RESULTATS …………………………
RÉSULTATS ET COMMENTAIRES ……………………………………………….
21
21
5.
RECOMMANDATIONS GENERALES …………………………………..
OBJECTIFS D'ACTION ET INTÉGRATION …………………………………………
PARTAGE DES CONNAISSANCES ………………………………………………..
CONCERTATION ………………………………………………………………..
OUTILS INSTITUTIONNELS ……………………………………………………..
SUIVI …………………………………………………………………………..
25
26
26
26
27
27
ANNEXE 1
……………………………………………………………………………
28
ANNEXE 2
……………………………………………………………………………
38
ANNEXE 3
……………………………………………………………………………
50
ANNEXE 4
……………………………………………………………………………
81
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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Résumé exécutif
La zone côtière est un système complexe à l’interface entre terre et mer. L’interdépendance
étroite des activités et des ressources rend les approches sectorielles insuffisantes dans un
contexte où la pression humaine ne cesse d’augmenter sur le littoral. Pour fournir des
réponses à la hauteur de la complexité des problèmes, il importe d’adopter aujourd’hui une
démarche qui permette de mettre en relation les ressources côtières, leurs usages et les
impacts des activités sur l’environnement, l’économie et la société.
Les transformations de fond des politiques publiques nationales au cours des 25 dernières
années, locales et régionales, puis du littoral, s’appuient sur quatre évolutions majeures : les
lois de décentralisation de 1982, l’institution concomitante de la contractualisation entre l’Etat
et les collectivités locales, la mise en œuvre de la loi Littorale de 1986, et enfin la révision de
la loi sur l’Eau (1992), aujourd’hui confortée par la Directive cadre européenne sur la gestion
de l’eau. Ces nouveaux cadres législatifs successifs ont engendré une grande variété
d’ « outils institutionnels » ou documents de planification territoriale à plus ou moins grande
échelle, et applicables sur divers types de milieux.
Afin d’analyser l’utilisation de ces outils en matière d’aménagement et de protection du
littoral et d’émettre des recommandations pour leur optimisation, le CIADT (Comité
Interministériel d’Aménagement et de Développement du Territoire) du 28 février 2000 a
institué une Commission Environnement Littoral (CEL). Celle-ci a été mise en place en
février 2001.
La CEL a choisi de mener son travail en l’appuyant sur le concept de gestion intégrée des
zones côtières (GIZC). Ce concept est cité dans le Chapitre 17 de l’Agenda 21 (Conférence de
Rio, 1992) comme étant la démarche qu’il convient de privilégier pour tendre vers le
développement durable.
La GIZC est un processus dynamique, continu et itératif destiné à promouvoir le
développement durable des zones côtières. L’intégration porte sur les objectifs, les nombreux
instruments requis pour les réaliser, les domaines d’action (secteurs et niveaux administratifs),
ainsi que les espaces terrestres et marins. La GIZC est pluridisciplinaire par essence. Elle
relève à la fois des dimensions environnementale, économique et sociale. Elle couvre
l’ensemble du cycle décisionnel comprenant la collecte d’informations, la planification, la
prise de décisions, la gestion et le suivi de la mise en œuvre sur un territoire donné. Cette
élaboration stratégique met en œuvre la « démocratie participative », incluant tous les acteurs,
d’un bout à l’autre du processus.
Un certain nombre de pays ont déjà pris des initiatives dans ce sens, chacun selon le contexte
qui lui est propre. Les pays anglo-saxons, et particulièrement les Etats-Unis (Coastal Zone
Management Act de 1972), ont été les premiers à systématiser l’approche participative qui
caractérise l’ensemble du processus de GIZC.
En 1996, la Commission Européenne a lancé un programme pilote sur 35 sites répartis le long
des côtes européennes visant à analyser leur processus de gestion et d’aménagement. A la
lumière de ces expériences et sur la base d’un large débat, le Parlement Européen et le Conseil
de l’Union Européenne ont récemment adopté (mai 2002) une Recommandation relative à la
mise en œuvre d’une stratégie de gestion intégrée des zones côtières, qui permette la mise en
œuvre « d’actions stratégiques coordonnées et concertées au niveau local et régional,
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orientées et soutenues par un encadrement approprié au niveau national ». A compter de cette
date, les Etats membres sont invités à rendre compte à la Commission des résultats de la mise
en œuvre de la Recommandation dans les cinq années qui suivent (2007).
La France, comme la plupart des pays européens, a commencé à s’approprier cette démarche
pour laquelle elle possède de nombreux acquis (dès 1973, le « Rapport Piquard » amorçait la
réflexion sur le littoral en France) mais avec une pratique naissante de l’intégration
(territoriale, temporelle, sectorielle, institutionnelle, scientifique, inter-acteurs) aux niveaux
local, régional et national. Le droit français des zones côtières se caractérise par une
juxtaposition d’espaces au statut juridique diversifié : les eaux territoriales (12 milles) et le
Domaine Public Maritime (estrans, plages, falaises) relevant de l’Etat, le domaine public et
privé terrestre relevant des collectivités territoriales, et la propriété privée. Cette absence de
continuum juridique contribue largement à la complexité du droit spécifique aux zones
côtières.
L’approche adoptée par la CEL porte sur l’analyse des processus de gestion mis en œuvre, les
outils utilisés dans ces processus, l’usage des textes réglementaires et des outils
institutionnels, et l’identification des sources de blocage en utilisant les retours d’expérience
de cinq cas d’étude : la rade de Brest, la Mer d’Iroise, les Pertuis-Charentais, le Golfe du
Morbihan et le Bassin d’Arcachon. La Commission a réalisé ces études de cas en menant des
auditions. Pour cela, elle a défini une série de sept questions couvrant les principaux
processus de mise en œuvre d’une gestion intégrée des zones côtières :
Quels sont les objectifs et les enjeux (environnementaux, territoriaux, de crise, socioéconomiques) affichés des accords ? Ces objectifs et ces enjeux ont-ils changé au cours
du processus ? Dans quels scénarios et dimensions temporelles s’inscrivent-ils ? Sont-ils
hiérarchisés ? Font-ils l’objet d’un accord ?
Quels ont été les acteurs du processus ? Quel a été le rôle de l’Etat (ministères clés et
leurs agences), des Collectivités territoriales, des acteurs locaux, et selon quels montages
institutionnels au cours des différentes étapes du processus GIZC ? Quels ont été les
absents ?
Quels ont été les outils utilisés pour le processus ? Quelle a été la place des outils
sectoriels et leur articulation selon les étapes du processus ? Quels ont été le rôle et
l’utilité des outils administratifs et réglementaires ? Quels en sont les avantages et les
limites pris isolément et en complémentarité ?
Quelles ont été les bases de connaissance utilisées pour le processus ? Préexistaient-elles,
ou au contraire a-t-il été nécessaire de mener une démarche d’acquisition et de mise en
forme spécifique ? Quelle en a été l’utilité et a-t-elle donné lieu à des systèmes d’échange
d’information avec d’autres projets ? Quels en sont les manques ?
Qu’a-t-on obtenu au bout du processus, en termes de résultats (meilleure prise de
décision, participation, prise de conscience, changements de comportement, etc.) et de
produits (un parc marin, un contrat de baie, un SMVM) ? Est-ce conforme aux objectifs ?
Quelle est la mise en œuvre du contrat ? Le résultat est-il satisfaisant, utile ou
opératoire ? Dispose-t-on des outils de suivi et quel est le système d’indicateurs utilisé ?
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Quels types d’évaluation sont mis en œuvre et les objectifs de départ sont-ils suffisamment
précis pour servir de référence ?
Quels sont les mécanismes d’adaptation en termes de prospective et d’objectifs, en
fonction des résultats, de nouvelles contraintes ou d’externalités ? Ces mécanismes sontils prévus ? Un tel besoin d’adaptation est-il déjà perceptible ?
Sur la base de ces questions, une grille d’analyse et son système d’indicateurs ont été définis.
Au-delà de la grande diversité des territoires concernés, de leurs enjeux, et des outils
institutionnels utilisés, il a ainsi été possible de dégager les forces et les faiblesses des
approches mises en œuvre à différentes étapes du processus, à savoir la définition des
objectifs et des enjeux, la participation des acteurs, l’utilisation des outils, la constitution et la
diffusion des bases de connaissance, les types de résultats, le suivi-évaluation, et les
mécanismes d’adaptation en termes de prospective et d’objectifs.
De manière générale, on constate que les apprentissages générés par la demande sociétale
d’aujourd’hui et les nouveaux cadres de l’action publique, sont particulièrement présents au
niveau local, avec la participation active des élus locaux. A l’œuvre depuis plusieurs années,
les initiatives de gestion concertée comme les Schémas de Mise en Valeur de la Mer (SMVM)
ou les contrats de baie, restent encore largement expérimentales, rares étant les plans d’action
aboutis et mis en œuvre. Si la négociation et le lien contractuel entre acteurs sont désormais
posés comme des méthodes appropriées, l’initiative reste souvent prérogative de l’Etat parce
que nombre de textes ont été créés dans ce sens, mais aussi par manque de connaissance et de
pratique de la part des acteurs locaux.
A la suite de ses travaux d’audition, face à un très large panel d’acteurs, la Commission
Environnement Littoral est en position d’émettre les recommandations suivantes :
1. Face à la complexité du système côtier, il est nécessaire d’adopter une démarche de
gestion intégrée. Dans le cadre de la recommandation du Chapitre 17 de l’Agenda 21
et de la Recommandation de l’Union Européenne sur la Gestion Intégrée des Zones
Côtières (GIZC), la CEL constate que les évolutions institutionnelles françaises vont
effectivement dans le sens d’une gestion plus intégrée, fortement réclamée et de plus
en plus appliquée sur le plan local. De nouveaux modes de gouvernance locale
influent ainsi sur l’utilisation et l’évolution des cadres juridiques et des institutions
(approche ascendante) qui, en retour, offrent des cadres cohérents de développement
durable des différents types de territoires à l’échelle du pays (approche descendante).
La CEL estime cependant que la mise en cohérence des outils institutionnels dans
l’espace côtier (interface terre-mer) nécessite que ceux-ci puissent s’inscrire dans des
cadres stratégiques et des plans d’action élargis à des espaces beaucoup plus vastes,
aux niveaux des régions, des façades maritimes françaises et de l’espace européen.
2. Les recommandations qui suivent concernent les conditions du succès de cette
démarche de GIZC :
La préparation du projet :
2.1. La définition d’objectifs prioritaires, sur les plans stratégique et opérationnel, est un
facteur de succès. Une faiblesse dans la définition de ces objectifs peut être liée à une
difficulté de définition de l’espace territorial pertinent, à l’interface terre-mer, dans ses
dimensions que sont l’espace, les hommes et les échanges qui s’opèrent entre eux et avec
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l’extérieur. Des études très approfondies mais mono-disciplinaires ou insuffisantes dans le
domaine socio-économique, ne permettent pas de mener une réflexion prospective complète,
débouchant sur des objectifs quantifiés. La CEL estime que définir transversalement une
problématique sur un territoire donné demande dès le départ la structuration d’un groupe
porteur reconnu par tous, qui ait les capacités nécessaires de coordination et d’intégration.
2.2. Les bases de connaissance partagées sont essentielles au dialogue ainsi qu’à la définition
des objectifs. Elles doivent être extensives et mises en forme, accessibles à tous les
acteurs. Les études intégrées sur un territoire donné semblent rares, d’autant qu’il s’agit
d’intégrer les sciences de la nature et les sciences sociales et humaines. La multiplicité
des études, l’insuffisance des synthèses communicables et de relais de transmission pour
répondre aux préoccupations prioritaires des usagers et des décideurs, peuvent aboutir à
des niveaux d’appropriation des connaissances très inégaux. Outre les diagnostics
environnementaux, l’analyse prospective sur les devenirs d’un territoire par rapport à
ses enjeux doit être systématiquement recherchée et appuyée sur des synthèses de
connaissances accessibles à tous et qui puissent être enrichies dans le temps.
Le montage du dossier institutionnel :
2.3. Les procédures de montage de dossier sont lourdes et compliquées. Les outils
institutionnels et leur application spatiale, selon des critères plus administratifs que
géographiques, ne facilitent pas la concertation entre acteurs sur des problématiques
communes (ex : les agriculteurs ne sont en général pas partie prenante des réflexions sur
la qualité des eaux côtières). L’outil institutionnel conditionne en général la nature et
l’étendue de la concertation. Les structures de coordination doivent être dotées de
capacités opérationnelles de façon à maintenir la motivation des différents acteurs
impliqués. Autour de problématiques définies collectivement et sous l’impulsion d’une
cellule de coordination suffisamment représentative, la CEL recommande de prendre en
compte tous les acteurs concernés, dans et hors du territoire, et les implications de leur
participation par rapport à l’articulation des différents outils institutionnels existants.
La mise en œuvre d’un outil institutionnel :
2.4. Les actions concrètes mises en œuvre sur les sites gagnent en crédibilité et en cohérence
si elles sont intégrées dans un plan de gestion. Dans un contexte aux facteurs changeants,
et afin d’aller vers les objectifs à moyen et long terme que l’on s’est fixé, il importe de
définir des étapes à court terme sous forme d’objectifs intermédiaires, même modestes,
qui donnent ainsi de la visibilité au projet.
2.5. Le suivi des initiatives nécessite l’élaboration d’indicateurs. Par exemple, les schémas de
mise en valeur de la mer (SMVM) prévoient à présent des structures de suivi et
d’évaluation mais ne définissent pas d’indicateurs pour le faire. La CEL estime que le
suivi-évaluation doit faire l’objet de recommandations dans le cadre des dispositifs
institutionnels, et doit être conçu comme un processus d’apprentissage permettant
d’améliorer la prise de décision au fur et à mesure du déroulement du projet (plutôt que
comme un contrôle a posteriori des effets d’un programme).
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1
Contexte et introduction du rapport
Contexte
Des groupes de prospective à la Commission Environnement Littoral
1.1 Le Comité Interministériel d’Aménagement et de Développement du Territoire (CIADT)
du 20 septembre 1994 a décidé de mettre en place des groupes de prospective maritime et
littorale pour les trois façades et en a confié l’animation à la DATAR et au MISMER
(devenu depuis le Secrétariat Général de la Mer). Des groupes dits de « pilotage
scientifique » ont été mis en place pour faire le point sur les études et les recherches
réalisés par façade, et commencer à réfléchir sur les systèmes d’information et des
thématiques à privilégier.
1.2 Sur la base de ces premiers travaux, une concertation Etat/Régions (Conseils Régionaux
et Conseils Economiques et Sociaux d’Aquitaine, Bretagne, Pays-de-Loire et PoitouCharentes) a débuté fin 1998 pour la façade Atlantique. Elle a abouti à la rédaction d’un
rapport en quatre volets portant sur le développement portuaire et les dessertes terrestres,
la pêche et les cultures marines, la recherche et la formation, le tourisme littoral et les
sports nautiques. Le CIADT du 28 février 2000 a pris acte de l’avancement de ces travaux
de prospective sur la façade Atlantique, en demandant qu’ils soient complétés par un
cinquième volet sur l’environnement marin et littoral.
1.3 En prolongement de ces travaux et par rapport à l’évolution du contexte, notamment
européen (programme de démonstration et proposition de la Commission au Parlement
européen sur la gestion intégrée des zones côtières), a été constitué en février 2001, une
Commission « Environnement Littoral » Etat/Régions (CEL). Cette commission est
présidée par Jean-François Minster, Président de l’IFREMER, assisté par un rapporteur,
Didier Le Morvan (Directeur du CEDEM/Université de Bretagne Occidentale), et un
faciliteur/rédacteur, Yves Henocque (IFREMER). La liste complète des participants figure
en annexe 4.
1.4 L’objectif assigné à la CEL est de mener une réflexion sur les outils institutionnels
(documents de planification, plans de gestion) utilisés sur un certain nombre de sites et
d’émettre des recommandations d’amélioration pour l’aménagement et la protection du
littoral en France.
L’évolution de l’aménagement du territoire
1.5 Dans l’espace européen, les concepts de politique régionale et d’aménagement du
territoire ont considérablement évolué au cours de la dernière décennie. Les réflexions
engagées ont notamment abouti à un Schéma de développement de l’espace
communautaire (SDEC) qui traduit une évolution de l’approche traditionnelle de
l’aménagement du territoire :
•
La planification est conçue comme un instrument lié à des interventions sur un
territoire donné et par conséquent, il faut la comprendre non seulement comme un
instrument légal ou un plan d’investissement public, mais également comme un
instrument opérationnel et programmatique pour l’élaboration des politiques
publiques, des stratégies d’investissement et des initiatives locales privées ;
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Les administrations locales sont appelées à jouer un rôle actif dans l’élaboration et la
mise en œuvre du plan ;
•
La coopération horizontale entre les villes et les régions commence à jouer un rôle
prépondérant dans le domaine de l’aménagement du territoire moderne, tandis que les
dépendances verticales et hiérarchiques entre les territoires sont devenues moins
rigides ;
•
Le concept de durabilité est au centre de l’aménagement du territoire étant donné qu’il
intègre des objectifs à long terme pour le territoire, de même qu’il intègre les
considérations sociales et environnementales aux considérations économiques ;
•
Enfin, la stratégie de l’aménagement du territoire se caractérise par une conception à
moyen et long terme du partenariat au sens large avec et entre les acteurs locaux.
C’est dans ce contexte que s’est inscrite la mise en œuvre du Programme de
démonstration européen dit d’aménagement intégré des zones côtières (1997-1999). Ce
programme a abouti à une proposition de recommandation de la Commission Européenne
sur la mise en œuvre de la Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC), à destination du
Conseil et du Parlement européens. Très récemment (mai 2002) ces derniers ont adopté
une Recommandation, invitant les Etats membres, dans le cadre de la stratégie européenne
de développement durable et du sixième programme d’action communautaire pour
l’environnement, à suivre les principes d’une gestion intégrée des zones côtières pour
réaliser un inventaire global et élaborer d’ici 2007 une stratégie nationale GIZC incluant
la collaboration transfrontalière.
•
Les principes de gestion intégrée des zones côtières retenus dans la Recommandation
européenne
- perspective globale élargie (thématique et géographique) qui tienne compte de
l’interdépendance et de la disparité des systèmes naturels et des activités humaines qui
influent sur les zones côtières ;
- perspective à long terme qui tienne compte du principe de précaution et des besoins des
générations actuelles et futures ;
- gestion adaptative dans le cadre d’un processus graduel qui permette des ajustements en
fonction de l’évolution des problèmes et des connaissances. Cela nécessite une base
scientifique solide en ce qui concerne l’évolution des zones côtières ;
- prise en compte des spécificités locales et de la grande diversité des zones côtières
européennes de façon à pouvoir répondre à leurs besoins concrets par des solutions
spécifiques et des mesures souples ;
- mise à profit de processus naturels et respect de la capacité d’absorption des écosystèmes, ce
qui rendra les activités humaines plus respectueuses de l’environnement, plus responsables sur
le plan social et plus saines économiquement à long terme ;
- association de toutes les parties intéressées (partenaires économiques et sociaux, organisations
représentant les résidents des zones côtières, organisations non gouvernementales (ONG) et
secteur commercial) au processus de gestion, par exemple au moyen d’accords et sur la base
de responsabilités partagées ;
- soutien et participation des instances administratives compétentes aux niveaux national,
régional et local, entre lesquelles des liens adéquats devraient être établis ou maintenus en vue
d’améliorer la coordination des différentes politiques existantes. Un partenariat avec les
autorités régionales et locales et entre celles-ci devrait être mis en œuvre, le cas échéant ;
- utilisation conjointe de plusieurs instruments visant à favoriser la cohérence entre les objectifs
des politiques sectorielles et entre l’aménagement et la gestion.
Sur le plan national, un bilan parallèle a été élaboré pour le compte du M.A.T.E.
conjointement par l’IFEN et la DATAR, lors de la présidence française de l’Union
Européenne (Aménagement du territoire et environnement, Juillet 2000). Ce bilan fait état
de la phase de « mutation » dans laquelle est entré, ces dix dernières années,
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l’aménagement du territoire en France. Il est dit notamment : « cette nouvelle organisation
a pour objectif de faire passer la politique française d’aménagement du territoire d’une
logique de guichet à une logique de projet. Aux décisions prises et « imposées » par l’Etat
aux territoires (démarche descendante), axées sur la redistribution financière en faveur des
zones défavorisées, doivent se substituer des projets émanant des acteurs locaux
(démarche ascendante). Le développement local rejoint l’aménagement du territoire, ou
plutôt l’aménagement des territoires ». Cette nouvelle politique d’aménagement du
territoire n’est cependant qu’un des éléments de la démarche de gestion intégrée des zones
côtières, puisque cette dernière, comme un des principes de la Recommandation
européenne le rappelle, concerne la mise en cohérence de l’ensemble des politiques à
l’œuvre dans la zone côtière (sectorielles, environnementale, d’aménagement du
territoire).
La gestion intégrée des zones côtières et les outils institutionnels français
1.6 Dans ce contexte et par rapport à l’objectif qui lui a été assigné, l’approche adoptée par la
CEL est celle de la gestion intégrée des zones côtières. Elle porte plus particulièrement sur
l’analyse des processus de gestion mis en œuvre, les outils utilisés dans ces processus,
l’utilité des textes réglementaires et des outils institutionnels, et l’identification des
sources de blocage en utilisant les retours d’expérience de cinq cas d’étude : la rade de
Brest, la Mer d’Iroise, le Pertuis-Charentais, le Golfe du Morbihan, et le Bassin
d’Arcachon. Quels sont les dispositifs organisationnels à l’œuvre sur ces sites et sur le
littoral français en général ? En France, les transformations des politiques publiques
concernant le littoral se sont appuyées sur quatre évolutions : les lois de décentralisation
de 1982, l’institution de la contractualisation entre l’Etat et les collectivités locales, la
mise en œuvre de la loi Littoral de 1986, et enfin la révision de la loi sur l’Eau (1992),
aujourd’hui confortée par la Directive cadre européenne sur la gestion de l’eau. Dans ce
contexte, les outils institutionnels se sont succédés et juxtaposés, créant souvent un réseau
complexe de territoires servant chacun des intérêts spécifiques.
1.7 La loi Littoral de 1986 concerne l’aménagement, la protection et la mise en valeur du
littoral. Dans les faits, elle privilégie ce qui a trait à la protection du patrimoine,
notamment en limitant les implantations sur la côte. Les grands principes d’aménagement
qu’elle introduit relèvent majoritairement de son chapitre urbanisme dont l’application
relève du Ministère de l’Equipement, mais également des élus locaux, responsables du
contenu des schémas directeurs et des plans d’occupation des sols. Récemment, ont été
instituées les Directives Territoriales d’Aménagement (DTA), documents d’aménagement
du territoire et d’urbanisme appelés à préciser certaines dispositions de la loi Littoral.
L’acquisition d’espaces naturels a été par ailleurs retenue comme instrument privilégié de
conservation des habitats et des espèces. C’est ainsi que le Conservatoire du Littoral et
des Rivages Lacustres a été créé en 1975. Vingt-cinq ans plus tard, il est parvenu à
protéger de manière définitive près de 11% du linéaire côtier et se trouve ainsi gardien
d’un patrimoine de 65.000 hectares. La poursuite et l’élargissement de la mission du
Conservatoire exigeaient une modernisation des textes fondateurs de l’établissement.
C’est ainsi que l’adoption de la loi relative à la démocratie de proximité a permis, sous le
titre relatif au Conservatoire, de reprendre huit amendements déposés par Louis Le
Pensec, auteur d’un rapport au Premier Ministre (« Vers de nouveaux rivages », 2001)
dans lequel il fait la remarque suivante : « la politique (française) de protection et
d’aménagement du littoral ne manque ni de talents, ni de perspectives, mais elle manque
de moyens et de lisibilité ». Parmi les changements figurent la possibilité qu’a désormais
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le Conservatoire d’intervenir sur le domaine public maritime, au nom de sa contribution à
la « gestion intégrée des zones côtières », par ailleurs prônée par l’Union Européenne.
Les communautés d’agglomération et les communautés urbaines de la côte disposent par
ailleurs d’un nouvel outil contractuel de projet global de développement à long terme,
grâce à la loi d’orientation de 1999 pour l’aménagement et le développement durable du
territoire (LOADDT).
La loi sur l’Eau (1992) quant à elle, a pour fondement la gestion collective de l’eau et des
milieux aquatiques, y compris les milieux côtiers. Cette gestion collective doit se traduire
par une gestion équilibrée des milieux naturels, une organisation institutionnalisée et
pérenne, et des outils de réglementation et de planification. Les SDAGE (Schémas
Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux) donnent les grandes orientations
tandis que les SAGE (Schémas d’Aménagement et de Gestion des eaux) laissent la place à
la concertation locale pour la mise en œuvre concrète de ces grandes orientations. Ce
schéma est en fait proche du concept même de gestion intégrée, mais pour l’ensemble du
bassin versant et de son milieu récepteur, la zone côtière. Le mécanisme institutionnel et
financier servant cette loi (Agence de l’Eau – DIREN / Comité de bassin / Commissions
géographiques et thématiques) est souvent cité à l’étranger comme représentant l’ « école
française de l’eau ».
Aujourd’hui, une meilleure utilisation des outils existants est recherchée en développant
une gestion intercommunale du littoral. Outre les schémas de mise en valeur de la mer et
les schémas interrégionaux du littoral, les schémas de services collectifs des espaces
naturels et ruraux, les contrats de pays, les contrats territoriaux d’exploitation, les chartes
des parcs naturels régionaux visent à concourir à une meilleure prise en compte de la
spécificité de cet espace.
Enjeux
Le littoral : une réalité économique
1.8 En France, le littoral1 est plus densément peuplé que le restant du territoire. Les
communes littorales regroupent sur 4% de la surface nationale près de 10% de la
population. La densité y est deux fois et demi supérieure à la moyenne nationale, avec une
urbanisation croissante, au détriment des espaces naturels et agricoles. C’est donc un
espace économique qui représente, pour les activités strictement « liées à la mer »,
environ 1,3% du PIB (1999) et 420.000 emplois, si on exclut les activités industrialoportuaires et leur poids dans l’emploi et la production. La première activité économique
du littoral est représentée par le tourisme, avec 46% de la valeur ajoutée totale (ensemble
des activités maritimes) et un chiffre d’affaire de 120 milliards de Francs (1999), soit
douze fois le chiffre d’affaires de la pêche ou huit fois celui de la marine marchande.
Lorsqu’un événement accidentel polluant comme celui de l’Erika survient sur les côtes
françaises, ce ne sont pas seulement les activités marchandes (pêche, tourisme, etc.) qui
sont atteintes mais également les fonctions et les services rendus par les écosystèmes
côtiers ce qui, dans le cas du tourisme, va résulter en une perte d’usage (baisse de valeur
1
Selon le rapport Bonnot (1995), « le littoral peut (…) être appréhendé comme le lieu géographique où se situe
l’ensemble des activités humaines soit qui s’exercent obligatoirement en mer ou sur le trait côtier (i.e. l’interface
terre-mer) soit qui sont profondément et durablement conditionnées par la présence de la mer ou qui influencent
celle-ci ». De manière plus concrète ce même rapport définit le littoral comme « constitué par l’espace
chevauchant la terre et la mer dont la limite en mer sera celle des eaux territoriales et qui, à l’intérieur des terres,
ira jusqu’aux limites des bassins de vie en relation avec la mer ». Cet essai de définition montre bien la nécessité
pratique d’adapter les limites de la « zone côtière » à chacun des problèmes que l’on veut traiter. La Commission
s’est abstenue de chercher à préciser cette définition pour ce qui concernait son travail.
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récréative du littoral) qui peut s’élever à plusieurs milliards de Francs (plus de 6 milliards
estimés dans le cas de l’Erika).
Qu’il faut préserver…
1.9 Les conclusions du CIADT du 9/07/01 indiquent que « la lutte contre la banalisation du
littoral est vitale si notre pays veut préserver pour l’avenir ce capital environnemental et
économique ». Et plus loin : « Le Gouvernement a pleinement intégré cette dimension
dans sa politique d’aménagement du territoire et de développement durable. Cette
politique procède d’une philosophie nouvelle fondée sur le concept de gestion intégrée
des zones côtières ». La création du Conseil National de l’Aménagement et du
Développement du Territoire (CNADT) relève de cette nouvelle politique. En réponse à la
demande d’un certain nombre d’élus, a été créée une commission du littoral, à la fois lieu
de concertation et force de propositions pour « l’aménagement du territoire et le
développement durable », ce que nous résumerons par « gestion intégrée des zones
côtières ». On constate sur le terrain que les préfectures travaillent davantage avec les
forces vives des territoires (communes, milieu associatif, acteurs socio-économiques,
etc.), notamment en les associant à la préparation des projets ou des schémas, autrefois à
la seule initiative de l’Etat.
Position du M.A.T.E.
1.10 Dans ce contexte, le M.A.T.E. (intervention de M. R. Kbaier, lors de la première
réunion de la CEL) voit plusieurs enjeux dans les travaux de la commission
environnement littoral, à mi-chemin entre l’Etat et les collectivités territoriales :
-
-
-
Le littoral et la protection du milieu marin constituent désormais des priorités
d’importance dans le contexte international. En France, les initiatives allant dans ce
sens sont nombreuses : Conservatoire du Littoral, Commission Littoral du Conseil
National d’Aménagement et de Développement du Territoire, Directives Territoriales
d’Aménagement, SMVM, etc. Dans le cadre de la loi Voynet (25 juin 1999),
instaurant la création des pays et des agglomérations, la question se pose de savoir
comment les politiques locales vont être élaborées de manière concertée et en
cohérence avec les autres dispositifs comme la loi sur l’inter-communalité, les
Schémas de Cohérence Territoriale, ou encore les Plans Locaux d’Urbanisme appelés
à remplacer les anciens POS.
Les instruments financiers consacrés aux littoraux (FEDER, IFOP…) sont importants.
Est-on prêt à en faire une évaluation à l’horizon 2003 ?
La mise en place des Schémas de Service Collectif des Espaces Naturels et Ruraux va
faire émerger les besoins régionaux et locaux, particulièrement pour ce qui est des
aspects littoraux et maritimes. D’autre part, la mise en œuvre de la loi Littoral
nécessite de développer des indicateurs d’évaluation fiables.
L’Union Européenne a pour sa part défini deux espaces prioritaires fragiles : la
montagne et le littoral. Pour ce dernier, il convient de se préparer à répondre à la
Recommandation européenne sur la gestion intégrée des zones côtières.
Le dernier point concerne les aspects internationaux pour lesquels l’expérience
nationale et communautaire devrait être mieux structurée sous forme d’expertise
exportable à l’étranger, notamment en vue de la tenue de la Conférence Rio + 10 de
septembre 2002 à Johannesburg.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
11
Septembre 2002
2
Méthode
Un cadre d’analyse : la gestion intégrée des zones côtières
2.1 Pour répondre à son objectif, la CEL a choisi d’analyser les processus mis en œuvre selon
une démarche de gestion intégrée du littoral, en s’appuyant sur des situations concrètes
locales et régionales, dans trois des quatre régions de la façade Atlantique. Vu le temps
relativement réduit imparti à cette analyse (six rencontres réparties sur 1 an ½), la
démarche choisie comprend :
- l’analyse de dossiers (histoire des projets, problèmes posés, processus de décision et
de gestion des accords entre acteurs, cadre réglementaire et outils institutionnels) ;
- une audition d’une journée par site, avec environ 5 personnes clés auditionnées
(politique, professionnel, scientifique, association) et une participation large des autres
acteurs ;
- des séances d’information, de discussion et de synthèse entre les membres de la
commission. Pour la CEL, la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) est un
processus dynamique, continu et itératif destiné à promouvoir la gestion durable des
zones côtières (cf. Annexe 2). L’intégration porte sur les objectifs, les nombreux
instruments requis pour les réaliser, des domaines d’action (secteurs et niveaux
administratifs), ainsi que des espaces terrestres et marins. La GIZC est
pluridisciplinaire par essence. Elle ne relève pas de la seule dimension de
l’environnement et couvre l’ensemble du cycle décisionnel comprenant la collecte
d’informations, la planification, la prise de décisions, la gestion et le suivi de la mise
en œuvre cohérente des différentes politiques sur un territoire donné. Cette élaboration
stratégique met en œuvre la démocratie participative, incluant tous les acteurs, d’un
bout à l’autre du processus.
Savoir apprécier les différents niveaux de résultats dans le temps
2.2. Comme spécifié dans le Chapitre 17 de l’Agenda 21, la Gestion Intégrée des Zones
Côtières (GIZC) est un outil de mise en œuvre du développement durable du littoral.
Une des difficultés est la mesure des progrès réalisés dans cette mise en œuvre. Dans ce
sens, la démarche GIZC met en œuvre divers processus d’intégration qui peuvent être
décomposés dans le temps et dans l’espace en autant d’objectifs et de résultats
correspondants. Les séquences itératives de déroulement de ces processus (cf. Annexe
2) couvrent des champs thématiques et des échelles (locale, régionale, nationale,
internationale) plus ou moins vastes selon le temps. Aux multiples actions qui sont
engagées, correspondent des résultats de nature et d’ampleur différentes que l’on doit
pouvoir mesurer. Il a ainsi été proposé par une équipe américaine (Coastal Resource
Center, Université du Rhode Island) de distinguer ces différents types ou ordres de
résultats (Fig. 1), permettant de prendre en compte l’ensemble des résultats
intermédiaires (adoption d’un plan d’action, arrangement institutionnel, montage
financier, changements des comportements, actions spécifiques mises en œuvre …)
avant d’atteindre sur le beaucoup plus long terme (bien au-delà de la durée de vie d’un
projet) les grands objectifs touchant à l’amélioration du cadre environnemental et des
conditions de vie des acteurs concernés. Cela permet ainsi, sur un même territoire, de
resituer et de valoriser les diverses actions (issues d’un ou de plusieurs projets)
entreprises dans le temps de manière plus ou moins ponctuelle, dans une démarche
cohérente et à long terme vers le développement durable.
Commission Environnement Littoral
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12
Septembre 2002
Des questions structurantes
2.3.Afin d’organiser le déroulement des auditions et d’en faire une analyse comparative, les
membres de la commission ont défini une série de sept questions susceptibles de couvrir
ces multiples processus de mise en œuvre de la gestion intégrée des zones côtières :
1) Quels sont les objectifs et les enjeux (environnementaux, territoriaux, de crise, socioéconomiques) affichés des accords ? Ces objectifs et ces enjeux ont-ils changé au cours du
processus ? Dans quels scénarios et dimensions temporelles s’inscrivent-ils ? Sont-ils
hiérarchisés ? Font-ils l’objet d’un accord ?
2) Quels ont été les acteurs du processus ? Quel a été le rôle de l’Etat (ministères clés et leurs
agences), des Collectivités territoriales, des acteurs locaux, et selon quels montages
institutionnels au cours des différentes étapes du processus GIZC ? Quels ont été les absents ?
3) Quels ont été les outils utilisés pour le processus ? Quelle a été la place des outils sectoriels et
leur articulation selon les étapes du processus ? Quels ont été le rôle et l’utilité des outils
administratifs et réglementaires ? Quels en sont les avantages et les limites pris isolément et
en complémentarité ?
4) Quelles ont été les bases de connaissance utilisées pour le processus ? Préexistaient-elles ou
au contraire a-t-il été nécessaire de mener une démarche d’acquisition et de mise en forme
spécifique ? Quelle en a été l’utilité et a-t-elle donné lieu à des systèmes d’échange
d’information avec d’autres projets ? Quels en sont les manques ?
5) Qu’a-t-on obtenu au bout du processus, en termes de résultats (meilleure prise de décision,
participation, prise de conscience, changements de comportement, etc.) et de produits (un
parc marin, un contrat de baie, un SMVM) ? Est-ce conforme aux objectifs ?
6) Quelle est la mise en œuvre du contrat ? Le résultat est-il satisfaisant, utile ou opératoire ?
Dispose-t-on des outils de suivi et quel est le système d’indicateurs utilisé ? Quels types
d’évaluation sont mis en œuvre et les objectifs de départ sont-ils suffisamment précis pour
servir de référence ?
7) Quels sont les mécanismes d’adaptation en termes de prospective et d’objectifs, en fonction
des résultats, de nouvelles contraintes ou d’externalités ? Ces mécanismes sont-ils prévus ?
Un tel besoin d’adaptation est-il déjà perceptible ?
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Septembre 2002
Figure 1 : Ordres de résultats issus des cycles successifs de gestion intégrée des zones côtières (Adapté de Olsen, 2001)
Echelle
Nationale
Régionale
Locale
Résultats
intermédiaires
ORDRE 1
- Plan d’action GIZC
formulé ;
- Montage institutionnel
approprié ;
- Soutien à tous les
niveaux de
gouvernance
- Engagement formel et
financement assuré
Résultats
finaux
ORDRE 2
- Changements des
comportements ;
- Changements des
pratiques de gestion ;
- Actions prioritaires
engagées ;
- Investissements sur
infrastructures et
technologies
ORDRE 3
Amélioration de
quelques indicateurs
sur les effets
environnementaux et
sur le bien-être des
populations
Temps
Temps
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ORDRE 4
Usage des ressources
et développement
socio-économique
durable.
Construction des indicateurs
2.4.Les questions du paragraphe 2.3 ont été à la base d’une grille d’analyse regroupant
l’ensemble des cas d’étude et permettant d’évaluer de manière comparative le degré de
réalisation des différentes tâches afférant aux différentes étapes du processus de gestion
intégrée des zones côtières. A chacune des séries de questions qui précèdent a été attribué
un indice qui lui-même résulte de l’agrégation pondérée de plusieurs indicateurs (cf.
Annexe 1). Chaque indicateur a été doté d’un système de valeur simple, de 1 à 3 (faible à
fort). Aux sept indices ainsi identifiés, a été ajouté un huitième indice de synthèse dit de
« prospective », indice lié à deux autres indices clés qui sont :
- l’indice de « pertinence », qui indique dans quelle mesure les objectifs (stratégiques,
opérationnels) répondent aux enjeux du territoire concerné. Si ces objectifs sont mal
définis, il y a peu de chance qu’il y ait appropriation du projet par les acteurs ;
- l’indice d’ « avancement », qui indique le type (ordre) de résultat atteint dans le
processus de gestion intégrée des zones côtières et des générations successives de
projets.
L’approche se décompose en deux temps : analyse des deux indices clés (Indice de
pertinence et Indice d’avancement) auxquels vient s’ajouter l’Indice de prospective
(scénario tendanciel / nécessité éventuelle de rupture). Les valeurs de ces trois indices
sont ensuite explicitées de manière plus détaillée par les indicateurs et indices liés aux
autres séries de questions.
Afin de faciliter l’approche, et sur la base des auditions, la CEL s’est efforcée d’identifier
pour chaque étude de cas une ou deux problématiques principales. Ainsi, pour :
- Mer d’Iroise :
Enjeux : Maintien des activités et conservation de la biodiversité sur un large
écosystème marin et côtier ;
Problème : Adhésion des usagers et compatibilité des outils institutionnels (outil
institutionnel présenté : Parc National ) ;
- Rade de Brest :
Enjeux : Protection des espaces naturels et valorisation du patrimoine naturel et bâti ;
Problème : Contrôle des apports du bassin versant et réduction des pollutions en zone
côtière (outil institutionnel utilisé : Contrat de Baie, Programme européen LIFE) ;
- Pertuis-Charentais :
Enjeux : Développement harmonieux de l’agriculture et de la conchyliculture ;
Problème : Gestion des eaux du bassin versant et contrôle des apports d’eau douce en
zone côtière (outils institutionnels cités : SMVM, SAGE) ;
- Golfe du Morbihan :
Enjeux : Sauvegarder le patrimoine naturel dans le contexte d’une croissance
maîtrisée ;
Problème : Expansion urbaine et effets environnementaux et socio-économiques sur la
zone côtière (outils institutionnels cités : PNR, SMVM, Natura 2000, site RAMSAR) ;
- Bassin d’Arcachon :
Enjeux : Protection du milieu marin et développement harmonieux des activités
maritimes (pêche, cultures marines, plaisance et loisirs liés à la mer) ;
Problème : Urbanisation et dragages des ports de plaisance (outils institutionnels
cités : SMVM, PNR, SAGE, Programme européen TERRA).
Cependant, il importait de prendre en compte le contexte territorial, avec son tissu
d’initiatives en cours et de leurs inter-relations, ainsi que les cadres temporels qui vont
bien au-delà (dans le passé et dans le futur) d’un simple projet individuel. En effet, un
projet n’est jamais seul à l’œuvre ; son impact dans le long terme sera difficilement
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15
Septembre 2002
distinctif de l’effet conjugué d’une multitude d’initiatives prises au cours du temps. La
CEL a donc jugé essentiel de ne pas se contenter d’évaluer le processus inhérent à la
préparation ou à l’administration d’un projet mais de le considérer comme une initiative
de gestion des zones côtières appliquée sur un territoire donné.
Récapitulatif des grilles d’analyse
Etape 1
Etudes de cas
Mer
d’Iroise
Rade de
Brest
Pertuis
Charentais
Golfe du
Morbihan
Bassin
d’Arcachon
Processus
-1Indice de pertinence
(Enjeux/Objectifs)
-5Indice
d’avancement
(Résultats/Produits)
Indice de
prospective
(Scénario
tendanciel/Rupture)
Etape 2
Etudes de cas
Mer d’Iroise
Rade de
Brest
Pertuis
Charentais
Golfe du
Morbihan
Bassin
d’Arcachon
Processus
-2Acteurs/Montages
institutionnels
-3Utilisation/
intégration des
outils
-4Information et
communication
-6Suivi et
évaluation
-7Adaptation et
pérennité
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16
Septembre 2002
2.5.Une liste complète des indicateurs et des questions qui leur sont sous-jacentes est donnée
en Annexe 1. Chacune des questions a fait l’objet du même système de valeurs (1 à 3),
pour être reporté ensuite sous forme de moyenne sous chaque indicateur. De la moyenne
des indicateurs a été déduite la valeur de l’indice qui varie donc également entre 1 et 3.
Sur cette base, un premier exercice a été effectué individuellement par plusieurs membres
de la commission, suivi d’une séance de mise en commun et de discussion des résultats.
Les échanges et les retours d’information qui s’en sont suivis ont conduit à la synthèse,
aux commentaires et aux recommandations présentés dans ce rapport.
3
Caractérisation des études de cas
Critères de choix
3.1 Le choix des cinq études de cas a été opéré en sélectionnant des sites représentatifs des
différentes régions atlantiques (seule la région Pays de la Loire n’est pas représentée),
offrant un spectre suffisamment large de problématiques, et mettant en œuvre des outils de
diverses natures.
3.2 La partie française de l’ « Arc Atlantique » comprend quatre régions : la Bretagne, les
Pays de la Loire, le Poitou-Charentes, et l’Aquitaine. Ces quatre régions, d’un nombre
d’habitants à peu près identique (de 2,5 à 3 millions), se composent de territoires très
diversifiés et disposent d’un réseau important de villes portuaires.
3.3 Les études de cas choisies dans trois de ces régions présentent des enjeux différents et
offrent ainsi une palette de problématiques suffisamment représentatives (cf. 2.4) pour que
l’analyse puisse s’appliquer sur d’autres sites du littoral.
3.4 Sur ces sites, il existe une grande diversité d’instruments organisationnels et
institutionnels touchant à la gestion du littoral. Outre les outils sectoriels (réglementation
de la pêche, de l’industrie, de l’agriculture, conservation de l’environnement, etc.), on
distinguera les documents décentralisés, c’est à dire élaborés par les Collectivités
territoriales (Schéma Régional d’Aménagement et de Développement du Territoire, Parcs
Naturels Régionaux, SAGE, etc.), et les documents centralisés, c’est à dire élaborés par
l’Etat comme les SMVM, les Parcs Nationaux, les Directives Territoriales
d’Aménagement, les réserves ou les sanctuaires marins. Les premiers sont plutôt des
documents terrestres mais peuvent être applicables à la mer (ex : extension du POS aux
espaces marins), alors que les seconds comprennent notamment des documents portant
exclusivement sur le littoral et l’espace maritime (SMVM). En réalité, les études de cas
traitées dans le cadre du Programme de démonstration européen, montrent qu’aucun de
ces différents types d’instrument ne saurait en lui-même prendre en charge l’ensemble des
aspects ayant trait au développement durable des zones côtières. Dans cet espace terremer, l’enjeu tient donc à l’articulation entre les différents types de leviers d’action
publique (Etat, Collectivités territoriales) ayant trait au développement et à la protection
du littoral.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
17
Septembre 2002
Estimation de la valeur des écosystèmes
3.5 Une revue bibliographique élargie et l’analyse approfondie de plus d’une centaine
d’études spécialisées, ont permis à une équipe d’économistes (Costanza, 1997) de
proposer une estimation de la valeur monétaire des services générés par un certain nombre
d’écosystèmes regroupés sous 16 biomes génériques (ex : zones humides, estuaires,
plateaux continentaux, etc.). Même si le principe de cette analyse et les chiffres qui en
découlent font objet de controverses, une telle analyse permet de mettre en relief des
ordres de grandeur et d’autoriser des comparaisons entre les divers biomes sélectionnés.
Ces ordres de grandeur ont été repris et adaptés aux côtes européennes dans le cadre du
Programme de démonstration européen.
Les principaux points qui en ressortent sont, (1) que la majorité des revenus liés aux
services environnementaux sont issus des apports bénéfiques des estuaires (41,4%), des
plateaux continentaux (21,6%), et des zones intermédiaires que sont les marais (11,9%) ;
(2) et que la partie terrestre des zones côtières constitue une part relativement faible
(2,5%) en terme de services environnementaux, reflétant ainsi non seulement la prise en
compte limitée de la zone terrestre dans les initiatives de GIZC, mais également la très
faible valeur accordée par Costanza et son équipe à tout ce qui concerne les terres
agricoles, les zones à pâturage et les zones urbaines. Bien que ces chiffres doivent être
considérés avec prudence et ne concernent qu’un certain nombre d’études de cas (21
répartis dans toute l’Europe), ces ordres de grandeur relatifs permettent d’apprécier les
enjeux environnementaux concernant les différentes études de cas abordées par la
Commission. Nous y reviendrons lors de leur analyse comparée.
Caractérisation et problématique
Mer d’Iroise
3.6 Zone considérée comme possédant un grand intérêt scientifique et pédagogique, la mer
d’Iroise présente tout un éventail de dispositifs de connaissance du milieu naturel et de
préservation (Parc Naturel Régional d’Armorique, Réserve de Biosphère, etc.), et dispose
à ce titre d’une expérience considérable de gestion des zones remarquables. De multiples
usages s’y côtoient, ce qui en fait un bon modèle réduit représentatif des activités
humaines côtières, mais engendre des difficultés en matière d’usages. Cette région
comprend en effet 1500 insulaires, 500 marins pêcheurs, et compte 90.000 habitants en
période d’hiver. L’Etat a soutenu l’élaboration d’un projet de création de parc national en
Mer d’Iroise. Une première phase d’études scientifiques et socio-économiques a été
réalisée. Elle a donné lieu à un document présentant les intentions de l’Etat validé par le
comité de pilotage local, qui expose les résultats de la première phase d’études ainsi que le
cadre de création d’un parc national marin. Ce document a servi par la suite de base aux
élus des collectivités concernées et aux responsables socio-professionnels pour exprimer
leur avis dans le cadre d’une consultation menée sous l’égide de la Préfecture. Petit à petit,
ont ainsi émergé les conditions de création d’un Parc National Marin, notamment en ce
qui concerne le droit d’innovation et les conditions de concertation. Au-delà de l’enjeu de
conservation, le Parc Marin est devenu un enjeu de développement durable, qui devra
prendre en compte un certain nombre d’activités économiques dont celle de la pêche.
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Septembre 2002
Rade de Brest
3.7 La Rade de Brest et son bassin versant couvrent une surface d’environ 2.800 km², dont
180 km² pour la partie marine. La zone concerne 137 municipalités, dans trois
départements (Finistère, Côtes d’Armor, Morbihan), représentant une population de
360.000 habitants. Deux rivières principales drainent le bassin versant : l’Aulne et l’Elorn.
Il s’agit d’une région plutôt rurale, pratiquant l’agriculture (fourrage) et l’élevage intensifs
(vaches, porcs). La ville de Brest est dotée d’une zone portuaire importante composée du
port militaire et de son arsenal, et d’un port civil pour le commerce, la construction et la
réparation de navires. La Communauté Urbaine de Brest (CUB), qui regroupe 8
communes et 221.000 habitants, s’est engagée dès le début des années 90 dans une
réflexion environnementale (état des lieux, diagnostic, premières expériences pilotes) qui
conduira à la signature d’un Contrat de Baie en 1997. Ce Contrat a été établi entre les
partenaires politiques de différents niveaux que sont l’Etat, la Région Bretagne, les
départements du Finistère et des Côtes d’Armor, la Communauté Urbaine de Brest (CUB)
et les autres communes ou regroupement de communes de la zone. La CUB a la charge de
la gestion du Contrat selon une démarche nommément qualifiée de « gestion intégrée des
zones côtières ». Cette démarche regroupe un certain nombre d’activités définies à l’issue
du diagnostic ou qui avaient été déjà engagées par ailleurs (programme LIFE de l’Union
Européenne) : (1) Protection et préservation des richesses naturelles (entretien et
restauration des cours d’eau, des fonds de vallée et du littoral, maintien des zones
humides, protection d’espèces rares, gestion des stocks de poissons migrateurs, de
coquille St. Jacques, etc.) ; (2) Restauration de la qualité des eaux (assainissement,
traitement des boues, limitation ou remplacement des peintures anti-salissures, limitation
des pesticides, modification des pratiques agricoles, etc.) ; (3) Participation de tous les
acteurs (communication, éducation, formation du grand public, des acteurs économiques,
des élus, des scolaires, etc.). L’exécution du Contrat de Baie de la Rade de Brest
comprend deux phases : une phase actuelle (1998-2002) de réalisation des travaux
prioritaires, de communication et de mise en place d’un système de suivi, et une phase
ultérieure (2003-2007) de poursuite des travaux et d’adaptation éventuelle des objectifs de
départ.
Pertuis Charentais
3.8 Les pertuis Charentais représentent la façade maritime du département de Charente
Maritime et de la Région Poitou-Charentes. Ils comprennent le Pertuis Breton, délimité à
l’ouest par l’île de Ré, et le Pertuis d’Antioche délimité par l’île d’Oléron et dont la partie
sud prend la dénomination de Bassin de Marennes-Oléron. Il s’agit de zones très
productives du point de vue de l’écosystème marin et à l’hydraulique complexe, façonnées
et convoitées par l’homme depuis des siècles : les apports d’eaux douces au système Mer
des Pertuis – Baie de l’Aiguillon – Bassin de Marennes-Oléron, viennent principalement,
du nord au sud, de la Sèvre Niortaise et du Lay (bassin versant : 3.600 km²), de la
Charente (10.000 km²), et de la Seudre (800 km²). S’ajoutent à ces exutoires dits
« naturels », une quarantaine d’exutoires plus artificiels que sont les marais littoraux, dont
la surface estimée à 30.000 km² dépasse largement celle des bassins versants précités.
Depuis quelques années, des modifications importantes du régime des eaux sont
intervenues du fait de l’évolution des pratiques agricoles et en particulier de l’essor de
l’irrigation. Les prélèvements étant principalement effectués dans les nappes
superficielles, les « à sec » des cours d’eau sont de plus en plus fréquents, avec des
conséquences importantes sur les activités conchylicoles (absence de dessalures dans les
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19
Septembre 2002
zones de production de naissains, manque de nutriments pour la pousse des huîtres).
Depuis près de 15 ans, les Pertuis Charentais ont fait l’objet de nombreuses études : étude
intégrée du bassin versant de la Charente et de son influence sur le bassin de MarennesOléron (1988), étude des liens entre l’évolution de la capacité trophique et ses impacts sur
l’économie des exploitations conchylicoles (1991-1994). En 1990, l’Etat (Préfet, DDE)
lançait la procédure de préparation d’un SMVM, dont une dernière version a été publiée
en janvier 1998 et était encore débattue au moment des travaux de la CEL.
Golfe du Morbihan
3.9 Le Golfe du Morbihan est constitué d’un entrelacs d’îles, de presqu’îles et de terres, qui
représentent une grande diversité de milieux, particulièrement riches écologiquement.
Depuis 20 ans, la croissance de la population (25 communes réparties autour et dans le
Golfe) a été de 30%, entraînant une croissance urbaine très rapide. Sur le plan touristique,
le nombre d’excursionnistes croît d’année en année (700.000 par an), entraînant des
problèmes d’occupation de l’espace et d’atteinte à la qualité des milieux. Le Syndicat
Intercommunal d’Aménagement du Golfe du Morbihan (SIAGM) existe depuis 1964.
Depuis quelques années, d’une juxtaposition de communes, il a évolué vers une structure
de « développement local qui fédère les volontés locales en matière de protection,
d’aménagement et de développement » de l’ensemble de la zone. Avec les élus du Golfe,
un premier travail de réflexion a été entrepris de 1994 à 1996. Il a abouti à la définition de
trois axes prioritaires : (1) Coordination des usages du Golfe maritime et littoral ; (2) Place
et rôle d’une agriculture partenaire du Golfe ; (3) Qualité des paysages. Les travaux de
consultation qui ont suivi avec les principaux acteurs concernés, devraient aboutir à
l’élaboration d’une charte partenariale dans le cadre d’un Parc Naturel Régional. En
complément, et à la suite de la préparation d’un pré-contrat de baie, était lancée par l’Etat
(1997) une procédure de préparation d’un SMVM regroupant les communes
immédiatement littorales. Cette démarche intègre sur un même territoire les dispositifs
Natura 2000 et Convention Ramsar développés par ailleurs. Prévus pour être achevés fin
2002, les travaux de préparation du SMVM sont axés autour de cinq groupes de travail :
Pêche et cultures marines, Activités nautiques et accès à la mer, Paysage et urbanisme,
Biodiversité, Système d’information géographique.
Bassin d’Arcachon
3.10.Situé à l’Ouest de la France, dans le Golfe de Gascogne en bordure de la plaine des
landes de Gascogne, le Bassin d’Arcachon peut être considéré comme une large enclave
dans les terres, riche d’une grande diversité biologique et exerçant une attraction
résidentielle et touristique importante. Unique échancrure sur le littoral rectiligne des
Landes de Gascogne, il constitue le foyer primordial de l’activité maritime de ce rivage.
Entre 1936 et 2000, la population résidente des 12 communes concernées par le Schéma
Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (1975) du bassin est passée de 42.000 à
100.000 habitants. A cette population résidente, il convient d’ajouter la fréquentation
d’environ 500.000 touristes en période d’été et la présence sur le bassin de quelques
13.000 bateaux de plaisance. La culture populaire et les paysages de ce site sont très
profondément marqués par les activités anciennes de la pêche et de l’ostréiculture qui
représentent un millier d’emplois directs à temps plein. Une grande partie de la zone de
balancement des marées (près de 1000 ha concédés) est occupée par des parcs ostréicoles.
Aujourd’hui considérée comme étant globalement en bonne santé, l’ostréiculture
arcachonnaise est actuellement confrontée à l’enjeu du maintien du captage sauvage
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20
Septembre 2002
d’huîtres sur le Bassin (le Bassin d’Arcachon est le principal fournisseur national de
naissain d’huître). Le maintien de ces activités passe par le maintien de la qualité d’un
milieu fragile du fait de son enclavement. C’est pourquoi, depuis près de 40 ans les
communes riveraines du bassin se sont regroupées au sein d’un syndicat intercommunal,
le SIBA, et ont consacré des efforts importants en matière d’assainissement.
Parallèlement à ces efforts, le SIBA a révisé en 1995 le Schéma Directeur
d’Aménagement et d’Urbanisme du bassin d’Arcachon afin d’assurer le maintien d’un
taux d’activité global de la population au moins égal à 40%, et d’éviter la dérive tendant à
transformer les pôles urbains du Bassin en « banlieue-dortoir » de l’agglomération
bordelaise. Face au risque grandissant de conflits d’usages et spatiaux, l’Etat, après
consultation des collectivités territoriales (communes, département, région), a pris
l’initiative de lancer une procédure d’élaboration d’un SMVM (1994). Basé sur de
nombreuses études (dont le programme européen TERRA) et après une large
consultation, ce SMVM vient d’être adressé pour examen au Préfet maritime avant d’être
en dernier lieu soumis à l’approbation du Conseil d’Etat.
4. Analyse comparative des résultats
Résultats et commentaires
4.1. Les principes clés qui ont prévalu sont :
•
Une démarche qui s’inscrit résolument dans le cadre des grands principes de la
gestion intégrée des zones côtières. Quelques principes généraux tels qu’issus de
l’expérience du programme de démonstration européen et repris dans la
Recommandation, sont rappelés ici :
. une démarche systémique qui prend en compte les différentes composantes
de l’« éco-socio-système » à l’interface terre-mer, dont l’envergure
géographique doit s’adapter aux problèmes abordés ;
. une démarche basée sur le diagnostic global du territoire concerné, c’est-àdire qui permette d’évaluer l’état du système, les pressions sur le système, et
les réponses qui sont apportées pour régler les problèmes d’impact sur
l’ensemble de cet éco-socio-système ;
. une démarche adaptative, qui soit suffisamment flexible pour s’adapter aux
changements de contextes et réorienter ses objectifs et ses actions en
conséquence ;
. une démarche participative de bout en bout du processus de planification, de
mise en œuvre des actions, de leur suivi et de leur évaluation ;
. une démarche de construction (ascendante/descendante) des mécanismes
institutionnels et de génération des financements nécessaires à la mise en
œuvre des actions ;
. enfin, une démarche qui utilise conjointement des instruments
réglementaires et non réglementaires, des outils techniques de diverses
natures pour atteindre ses objectifs.
•
Une analyse des processus de gestion intégrée des zones côtières plutôt qu’un
exercice d’évaluation. L’accent est donc essentiellement mis sur la définition
d’indicateurs de processus plutôt que d’indicateurs de résultats.
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21
Septembre 2002
•
Enfin, chaque étude de cas est analysée selon les problématiques et les principaux
enjeux (2.4) qui sont apparus au cours de l’audition, ces enjeux définissant les
limites du territoire pris en compte.
RECAPITULATIF DES RESULTATS
Etape 1
Etudes de cas Mer
d’Iroise
Rade de
Brest
Pertuis
Charentais
Golfe du
Morbihan
Bassin
D’Arcachon
1,5
2,4
2,4
Processus
-1Indice de
pertinence
(Enjeux/Objectifs)
2,4
-5Indice
d’avancement
(Résultats/Produits)
Indice de
prospective
(Scénario/Rupture)
-
1,5
2,6
Ordre I
(II et III
Partiels)
Ordre II
(partiel)
Ordre I
(Ordre II
partiel)
1
2,5
2
Ordre I
(Ordres II
et III partiels)
2,5
Etape 2
Etudes de cas
Processus
-2Acteurs/Montages
institutionnels
-3Utilisation/
intégration des
outils
-4Information et
communication
-6Suivi et
évaluation
-7Adaptation et
pérennité
Mer d’Iroise
Pertinence: 2,4
Prospective: 1,5
Rade de
Brest
Pertinence: 2,6
Prospective: 2
Pertuis
Charentais
Pertinence: 1,5
Prospective: 1
Golfe du
Morbihan
Pertinence: 2,4
Prospective: 2,5
Bassin
d’Arcachon
Pertinence: 2,4
Prospective: 2,5
Moy.
2
2,2
1,6
2,5
2,4
2,1
1,5
1,9
1,5
2
1,9
1,8
1,6
2,3
1,8
1,8
2,4
2
1,2
1,9
1,2
1,5
1,6
1,5
1
2,3
1,5
1,8
2
1,7
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
22
Septembre 2002
Etape 1
4.2. De manière générale, l’indice de pertinence est plutôt bon, sauf pour le cas des Pertuis
Charentais. Dans ce dernier cas, bien que les études préliminaires aient été très
nombreuses, il semble qu’il y ait encore débat autour des limites géographiques du
SMVM et sa coordination avec les autres cadres de planification amont pour être en
mesure de prendre en compte la problématique clé qui est celle de la gestion de l’eau
(enjeu agriculture) et des apports qui en résultent en milieu marin (enjeu conchyliculture
et pêche). Quel que soit l’outil ou les outils institutionnels considérés, l’identification d’un
cadre territorial adapté aux enjeux et aux problématiques préalablement identifiés comme
prioritaires est un gage de succès. Dans ce sens, le statut du DPM pose problème aux
collectivités qui désireraient que sa gestion soit davantage contractualisée avec l’Etat.
4.3. L’indice d’avancement est caractérisé par des résultats partiels dus au fait que les projets
audités par la CEL, bien qu’à des stades divers, sont en phase de démarrage. Les résultats
d’ordre I (plan de gestion, montage institutionnel, financements) priment, alors que les
résultats d’ordre II (changements de comportement, actions concrètes) sont nettement plus
partiels. Il n’y a pas de résultats d’ordre III (effets environnementaux, effets socioéconomiques, effets sur le bien-être) sinon lorsque certaines politiques à plus long terme
ont permis de parvenir à des résultats tangibles (ex : coquille St. Jacques en rade de Brest ;
qualité de l’eau dans le bassin d’Arcachon). Les résultats d’ordre III sont en général
difficilement attribuables à un seul projet ou programme ; ils résultent d’un ensemble de
politiques menées sur un même territoire. Malgré certains problèmes persistants, tous les
sites bénéficient ainsi d’améliorations notables de la qualité des eaux côtières à la suite
des efforts d’assainissement menés sur les côtes françaises depuis 20 ans. Il ne faut pas
demander à un projet plus qu’il ne peut donner mais se donner des critères d’appréciation
qui permettent, tout au long de son déroulement, d’en identifier les différents niveaux de
résultats et de produits.
4.4. Les indices de prospective sont plus faibles. Si le concept du développement durable est
connu de tous, la démarche adaptative de gestion intégrée des zones côtières l’est moins.
Selon le contexte et le stade de développement, la nécessité de redéfinir les objectifs, les
territoires, le mode de participation des acteurs, le type de montage institutionnel, et le
choix ou l’évolution des outils institutionnels, ne se pose pas de la même façon. Ces
potentialités de rupture ou de réorientation sont un peu plus détaillées dans les cinq autres
indices figurant en étape 2 : faut-il associer d’autres acteurs ? A-t-on optimisé l’utilisation
des outils ? A-t-on suffisamment communiqué ? Est-on suffisamment capable de mesurer
l’état d’avancement du projet ? Le niveau des indices de prospective tient également à la
diversité des outils institutionnels utilisés sur un même territoire et parfois du manque de
visibilité qui en résulte pour les acteurs. La capacité d’adaptation à des contextes qui ne
cessent de changer, est liée à la capacité de générer une dynamique de mobilisation locale
et des mécanismes de concertation autour d’un projet ou d’un ensemble de projets
articulés sur un même territoire.
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Rapport au Gouvernement
23
Septembre 2002
Etape 2
4.5. Acteurs et montages institutionnels : la valeur moyenne de cet indice tient notamment à
des pratiques nouvelles de concertation ou de « démocratie participative », où services
d’Etat, collectivités territoriales, ONGs et usagers locaux « apprennent en marchant ».
Pour susciter l’expression et l’échange entre les différents groupes d’intérêt, il faut des
structures adaptées mais également, à l’intérieur de celles-ci, des leaders (bons
généralistes de la démarche GIZC) qui soient légitimés par tous. Une volonté commune
exprimée doit pouvoir se cristalliser rapidement dans une initiative concrète pour qu’à
terme puisse s’élaborer une vision commune du devenir de l’ensemble du territoire
concerné. Ceci suppose de prendre en compte les différentes représentations qu’ont les
acteurs de leur propre territoire et de leur activité et de développer un langage commun
entre eux. Les démarches entreprises sur un même territoire, dans le cadre d’instruments
de type réglementaire (ex : SMVM) et dans le cadre d’instruments de nature partenariale
(ex : Parc Naturel Régional) sont complémentaires et gagneraient à terme à avoir une
structure de coordination et de suivi commune.
4.6. Utilisation et intégration des outils : les valeurs sont plutôt basses pour cet indice. Les
outils d’observation (ex : réseaux de surveillance) et d’analyse (ex : modèles, SIG) de
l’état des milieux sont très présents mais les approches socio-économiques restent en
général peu développées, en termes d’observation et d’ingénierie sociales, d’évaluation de
la valeur des écosystèmes, par exemple, pour l’utilisation des analyses coût-bénéfice dans
l’élaboration et le choix des scénarios de développement durable du territoire. Les
analyses institutionnelle et juridique de gestion effective des différents territoires
apparaissent également peu dans les évaluations qui sont faites. Selon le secteur concerné,
chaque administration œuvre pour la promotion des documents de planification et des
plans d’action qui la concerne, et les groupes d’acteurs locaux sollicités ont une visibilité
insuffisante sur l’ensemble des initiatives. Les outils d’incitation économique pourraient
être davantage intégrés dans les documents de planification et ainsi faciliter leur
réalisation. Les études sont nombreuses mais l’intégration des outils scientifiques et
techniques (système d’information, modèles, surveillance, étude d’impact
environnementale, etc.) nécessiterait un lieu de coordination (et ses cellules techniques)
qui permette de les utiliser au service d’objectifs bien identifiés. Dans le domaine des
outils non réglementaires, la CEL a noté le rôle des accords négociés en matière de
gestion de conflits et de fonctionnement entre groupes d’acteurs. Pour rapprocher les
différents points de vue sur le devenir d’un territoire, le diagnostic environnemental doit
pouvoir systématiquement déboucher sur l’analyse prospective à travers un processus de
consultation et de participation des acteurs. L’utilité première des diagnostics
environnementaux est à ce titre de nourrir le débat sur les options (scénarios) politiques et
économiques de développement et de protection.
4.7. Information et communication : la valeur des indices est variable mais proche de la
moyenne. La constitution d’importantes bases de connaissance et le développement des
systèmes d’information facilitent l’appréhension des enjeux et des problèmes, à travers
l’édition de cartes thématiques couvrant l’ensemble du ou des territoires. En général, cette
information est essentiellement basée sur les études scientifiques et techniques mais peu
sur les savoirs locaux, ce qui ne facilite pas l’appropriation par les différents usagers du
littoral et ne garantit pas que toutes les données utiles et nécessaires sont effectivement
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24
Septembre 2002
disponibles. Se pose également le problème des moyens et des modes de diffusion de
l’information « nécessaire et utile » aux acteurs concernés (dont les décideurs), au
moment où ils en ont besoin. Une bonne communication contribue à bâtir la confiance.
Elle doit pouvoir s’appuyer sur une information accessible et effectivement partagée par
tous. Il est donc essentiel de développer un langage commun qui puisse être compris par
tous les acteurs du projet.
4.8. Suivi et évaluation : l’indice est en général faible (en-dessous de la moyenne). Les
systèmes d’indicateurs sont en effet peu développés sinon absents. On considère souvent
que la question des indicateurs vient en fin d’exercice de planification bien qu’il existe des
guides officiels pour l’évaluation (Contrats de Plan Etat-Région, Parc Naturel Régional),
explicites sur la nécessité de construire les indicateurs dès le début du processus, par
rapport aux objectifs fixés et aux différents types de résultats attendus. Les objectifs sont
en effet rarement quantifiés. Sont principalement mentionnés les indicateurs de
changements environnementaux qui correspondent à un éventuel résultat final (ex : sur
une période de 10 à 15 ans pour les SMVM), mais ne témoignent pas des résultats
intermédiaires (ex : changements de comportement) et des éventuels besoins d’adaptation
du projet. La mise au point des instruments de suivi devrait être partie intégrante des
processus de planification, de mise en œuvre, puis d’évaluation, dans lesquels les acteurs
« apprennent » sur leurs propres activités, plutôt que d’être uniquement considérée
comme un contrôle imposé de l’extérieur. La mobilisation des financements diffère selon
la nature des instruments institutionnels. Il est important qu’à une vision d’ensemble du
devenir d’un territoire côtier (terre-mer) corresponde un plan de financement cohérent des
activités auquel le secteur privé puisse s’associer sous la forme de plans d’investissement
pour le développement durable de ce territoire.
4.9. Adaptation et pérennité : les valeurs montrent en général un potentiel de pérennisation
et de capacité d’adaptation en dessous de la moyenne sauf dans le cas de la Rade de Brest
qui correspond à un projet (Contrat de baie) mis en œuvre depuis plusieurs années, qui a
déjà eu à faire face à des adaptations. Sont souvent en cause les capacités de financement
pour la réalisation des projets et au-delà, de formation sur la démarche de gestion intégrée
des opérateurs du projet et des acteurs concernés, et d’échanges d’expériences avec
d’autres initiatives dans la même région ou avec l’extérieur, comme cela a été le cas pour
la Rade de Brest et le Bassin d’Arcachon dans le cadre du Programme de démonstration
européen sur la gestion intégrée des zones côtières. La pérennité des projets de gestion
intégrée des zones côtières, quel que soit l’outil ou la combinaison d’outils institutionnels
utilisés, est largement dépendante de l’existence de cadres stratégiques (législatif,
institutionnel, financier) aux niveaux régional et national, qui reconnaissent et prennent en
compte la spécificité des zones côtières pour leur développement durable.
5. Recommandations générales
Nécessité d’une démarche de gestion intégrée des zones côtières
5.1 Face à la complexité du système côtier, il est nécessaire d’adopter une démarche de
gestion intégrée. Dans le cadre de la recommandation du Chapitre 17 de l’Agenda 21 et de
la Recommandation de l’Union Européenne sur la gestion intégrée des zones côtières
(GIZC), la CEL constate que les évolutions institutionnelles françaises vont effectivement
dans le sens d’une gestion plus intégrée, fortement réclamée et de plus en plus appliquée
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25
Septembre 2002
sur le plan local. De nouveaux modes de gouvernance locale influent sur l’utilisation et
l’évolution des cadres juridiques et des institutions (approche ascendante) qui, en retour,
doivent pouvoir offrir des cadres cohérents (approche descendante) de développement
durable des différents types de territoires à l’échelle du pays.
La CEL estime en particulier que la mise en cohérence des outils institutionnels dans
l’espace côtier (interface terre-mer) nécessite que ceux-ci puissent s’inscrire dans des
cadres stratégiques et des plans d’action élargis à des espaces beaucoup plus vastes, aux
niveaux des régions, des façades maritimes françaises et de l’espace européen.
Objectifs d’action et intégration
5.2 La Commission observe la difficulté de définition d’objectifs structurants sur les plans
conceptuel, spatial et temporel, elle-même liée au fait que l’espace terre-mer qu’est la
zone côtière n’a jamais bénéficié d’une vision d’ensemble (milieu maritime / milieu
continental). Les bilans-diagnostics environnementaux sont riches d’informations mais
restent insuffisants dans le domaine socio-économique pour permettre à l’analyse
prospective d’aboutir à des scénarios analysant les forces, les faiblesses, les possibilités et
les menaces pesant sur les choix de développement et de protection. Des études très
approfondies dans tous les domaines ne garantissent en effet pas nécessairement une
bonne appréciation collective sur l’état du territoire et ses potentiels de développement.
En l’absence d’objectifs quantifiés, il est très difficile de mettre en place un système de
suivi pour l’évaluation des actions et des résultats selon un processus de consultation et
de participation des acteurs. Les objectifs sectoriels apparaissent mieux parce qu’ils sont
issus d’une vision et d’une volonté d’actions ciblées d’un groupe d’acteurs bien défini
(ex : les pêcheurs ou les conchyliculteurs).
La CEL estime que traiter transversalement une problématique sur un territoire donné
demande dès le départ (phase préparatoire) la structuration de capacités dédiées de
coordination et d’intégration.
Partage des connaissances
5.3 Les bases de connaissance sont importantes mais restent assez peu interdisciplinaires
(surtout entre sciences de la nature et sciences sociales) et ne répondent pas toujours aux
problèmes prioritaires. Leur mise en forme et leur diffusion doit permettre leur
accessibilité et donc leur appropriation par tous les acteurs liés au territoire concerné. La
multiplicité des études, l’insuffisance des synthèses communicables et de relais de
transmission pour répondre aux préoccupations prioritaires des usagers et des décideurs,
peuvent en effet aboutir à des niveaux d’appropriation des connaissances très inégaux. Il
est important à cet égard de développer un langage commun entre les acteurs.
Outre les diagnostics environnementaux, l’analyse prospective sur les devenirs d’un
territoire doit être systématiquement utilisée et appuyée sur des synthèses des
connaissances issues de l’expertise scientifique et des savoirs locaux et accessibles à
tous.
Concertation
5.4 Bien que de nombreuses initiatives soient prises aussi bien par les représentants de l’Etat
que par les élus du littoral, les procédures de montage de dossier sont lourdes et les
structures de coordination en place ont du mal à maintenir la motivation des différents
acteurs impliqués. La décentralisation des prises de décision favorise la concertation entre
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26
Septembre 2002
les acteurs pour peu qu’elle soit animée par une structure et des leaders reconnus. Outre le
comité de pilotage, les commissions thématiques ont une grande importance dans la
préparation et le suivi du contenu d’outils institutionnels comme le SMVM.
Organiser le travail prospectif à partir des problématiques identifiées collectivement et
des objectifs opérationnels qui leur sont associés, est une façon de regrouper les
partenaires d’horizons différents, en évitant de maintenir des logiques sectorielles au
sein des commissions thématiques.
Outils institutionnels
5.5 Il existe une grande diversité d’outils institutionnels, souvent juxtaposés ou se recouvrant
partiellement dans la bande littorale. Les procédures de mise en œuvre de ces outils sont
en général lourdes et compliquées. Les structures de coordination doivent donc être dotées
de capacités opérationnelles de façon à maintenir la motivation des différents acteurs
impliqués et ainsi pouvoir dégager un choix collectif face aux enjeux du territoire. Les
outils institutionnels et leur application spatiale selon des critères plus administratifs que
géographiques, ne facilitent pas la concertation entre acteurs sur des problématiques
communes (ex : les agriculteurs ne sont en général pas partie prenante des réflexions sur la
qualité des zones côtières). L’outil institutionnel conditionne en général la nature et
l’étendue de la concertation.
Autour de problématiques définies collectivement, la CEL recommande de prendre en
compte tous les acteurs concernés, dans et hors du territoire, et les implications de leur
participation par rapport à l’articulation des différents outils institutionnels existants.
5.6 Les actions concrètes mises en œuvre sur les sites gagnent en crédibilité et en cohérence si
elles sont intégrées dans le déroulement de la procédure de préparation d’un schéma ou
d’un plan de gestion.
Dans un contexte aux facteurs changeants, pour aller vers les objectifs à moyen et long
terme que l’on s’est fixés, il importe de définir des étapes à court terme sous forme
d’objectifs intermédiaires modestes et à court terme qui donnent ainsi de la visibilité au
projet.
Suivi
5.7 La capacité de suivi des initiatives conditionne la capacité d’évaluer et de rendre compte
vers les acteurs concernés. Cette capacité nécessite dès la phase de préparation,
l’élaboration d’un système d’indicateurs (processus GIZC, effets environnementaux,
effets socio-économiques). Par exemple, les SMVM prévoient à présent des structures de
suivi et d’évaluation mais ne définissent pas d’indicateurs pour le faire.
La CEL estime que le suivi-évaluation doit faire l’objet de recommandations spécifiques
dans le cadre des dispositifs institutionnels, et doit être conçu comme un processus
d’apprentissage permettant d’améliorer la prise de décision au fur et à mesure du
déroulement du projet (plutôt que comme un contrôle a posteriori des effets d’un
programme).
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27
Septembre 2002
ANNEXE 1 : Description de la grille d’analyse et de ses indicateurs
Afin d’évaluer les réponses aux sept questions posées en relation avec les études de cas et de
pouvoir en tirer des enseignements croisés, il fallait pouvoir les transcrire dans un système
d’indicateurs, c’est-à-dire de paramètres permettant de décrire ou de renseigner sur l’état
d’avancement des activités couvertes par la série des sept questions. Il existe déjà de
nombreux exemples de systèmes d’indicateurs de l’environnement (IFEN, Agence
Européenne de l’Environnement) basés sur la trilogie Pression-Etat-Réponse (OCDE, 1994).
Il y a par contre beaucoup moins d’exemples d’indicateurs de processus, c’est-à-dire des
indicateurs de nature qualitative sur le degré d’avancement et de réalisation d’un projet de
gestion intégrée des zones côtières. Des guides existent dans ce sens (Suivi et évaluation
environnementale des contrats de plan Etat-Région ; Suivi et évaluation des chartes des parcs
naturels régionaux, etc.) mais ils sont en général peu appliqués. De plus, l’enjeu de l’analyse
de processus que se proposait de faire les membres de la CEL relevait autant de la capacité à
« évaluer » les forces et les faiblesses de chaque étude de cas, que de mettre en œuvre une
démarche d’appropriation commune (de l’ensemble des membres) des conclusions de cette
analyse. Il fallait pour ce faire disposer d’un ensemble d’indicateurs susceptibles de générer
un processus d’apprentissage entre les membres de la CEL.
Etape 1
Etudes de cas Mer
d’Iroise
Rade de
Brest
Pertuis
Charentais
Golfe du
Morbihan
Bassin
d’Arcachon
Baie de
Bourgneuf
Processus
-1Indice de
pertinence
(Enjeux/Objectifs)
-5Indice
d’avancement
(Résultats/Produits)
Indice de
prospective
(Scénario/Rupture)
Indice de pertinence (Enjeux / Objectifs)
L’indice de pertinence est déduit du total de la valeur des quatre indicateurs qui suivent
divisé par quatre, soit une valeur maximale de 3.
. Identification préliminaire du contexte :
-
-
Y-a-t-il eu identification préliminaire du contexte général en termes de démographie,
des grandes tendances sociétales, d’activités économiques, de politiques publiques
(sectorielles, environnementales, aménagement du territoire), de législation et de
mécanismes institutionnels ?
Y-a-t-il un groupe « pionnier » bien identifiable à l’origine du processus ?
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28
Septembre 2002
. Caractérisation du ou des problèmes :
- Un bilan des connaissances (environnementales, socio-économiques), des principaux
problèmes, des acteurs concernés et des réponses apportées (pratiques traditionnelles
de gestion des acteurs et politiques sectorielles de l’Etat) a-t-il été entrepris sur la zone
considérée ?
- A-t-on fait l’inventaire des moyens disponibles (humains, institutionnels, financiers) et
mobilisables à court terme pour pouvoir dimensionner le projet en conséquence ?
- A-t-on évalué les diverses volontés politiques de mise en œuvre d’un processus de
type gestion intégrée ?
- Le bilan environnemental (état des lieux et diagnostic) a-t-il été validé par les acteurs
concernés ?
- Y-a-t-il une hiérarchisation des problèmes (problèmes prioritaires) ?
. Identification du cadre territorial :
- Y-a-t-il eu identification précise des limites géographiques de la zone proposée pour le
projet ?
- Cette délimitation est-elle suffisamment réaliste par rapport aux limites
administratives, aux espaces occupés par les différents écosystèmes et aux limites dans
lesquelles le ou les problèmes se posent ?
- Intègre-t-elle suffisamment l’amont et l’aval, à savoir la zone côtière et le bassin
versant ?
. Adéquation des objectifs :
- Y-a-t-il eu définition claire des enjeux (environnementaux, territoriaux, de crise,
socio-économiques), des objectifs stratégiques (ou « orientations »), et des objectifs
opérationnels (ou « mesures » répondant aux orientations) ?
- Les objectifs et les enjeux semblent-ils en adéquation et ont-ils changé au cours du
processus ?
- Y-a-t-il hiérarchisation des objectifs et cette hiérarchisation fait-elle l’objet d’un
accord ?
Indice d’avancement (Résultats / Produits)
L’indice d’avancement correspond à la nature des résultats qualifiés majoritairement
d’Ordres I, II ou III. Si des résultats partiels sont notés dans l’ordre supérieur, ils seront
signalés en second lieu avec le qualificatif « partiel ». Quand il y a lieu, aux résultats peuvent
correspondre des produits (un document de Contrat de baie, de SMVM, une Charte, des
arrêtés, etc.).
Résultats d’ordre I
-
-
Politique et plan d’action de gestion des zones côtières formulés : sur la base de ce qui
précède (de manière plus ou moins complète), il peut s’agir de la désignation de zones
protégées, de l’achèvement de document de projet type Contrat de baie ou SMVM, de
leur approbation par les différents groupes d’intérêt, les collectivités locales, et/ou
l’Etat. Quel que soit l’état d’avancement des procédures, ce qui compte ici c’est la
démarche qui mène à un plan de gestion (enjeux, stratégies, actions) négocié entre les
acteurs.
Montage institutionnel et dispositions légales appropriées : y-a-t-il un mécanisme
institutionnel en place pour la mise en œuvre du plan de gestion, sous la forme d’un
comité de pilotage regroupant l’ensemble des partenaires, de commissions techniques
et géographiques, etc. ? Les outils institutionnels choisis sont-ils en mesure de servir la
stratégie et les actions retenues ?
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29
Septembre 2002
-
-
Soutien actif du programme à tous les niveaux de gouvernance : est-ce que la
démarche, les grandes orientations et les activités retenues dans le cadre du plan de
gestion recueillent l’assentiment et le soutien actif de tous les groupes d’intérêt, des
collectivités (commune, département, région) et des services de l’Etat ?
Engagement formel et financements assurés : y-a-t-il des engagements formels pris (à
quel niveau ?) sur le plan de gestion proposé et les moyens (humain, financier)
nécessaires sont-ils assurés ?
Résultats d’ordre II
-
-
-
Changements de comportement et des modes relationnels : y-a-t-il des changements de
comportement visibles de la part des usagers entre eux, sous la forme de rencontres, de
négociation de plans d’action, de chartes de bonne conduite, d’accords volontaires,
etc. ? Les institutions ont-elles évolué dans leur approche des problèmes et le
développement effectif de la coordination entre elles (commission inter-institutions,
approche des services déconcentrés de l’Etat…) ?
Changements des pratiques de gestion pour chaque groupe d’usagers : y-a-t-il des
mesures concrètes prises pour améliorer les pratiques de gestion dans le sens d’une
exploitation durable (ex : réglementation des saisons d’ouverture/fermeture pour la
pêche ou la chasse, réglementation de la navigation, contrôle des retenues/chasses
d’eau en amont, révision et/ou application stricte des POS, incitations économiques
diverses, accords volontaires, etc.) ?
Actions prioritaires engagées : certaines actions répondant aux problèmes prioritaires
ont-elles été engagées (ex : repeuplement stocks de coquille St. Jacques, création de
zones protégées, etc.) ?
Investissements sur infrastructures et technologies : y-a-t-il eu, dans le cadre de la
réflexion engagée et des projets en cours, des investissements notoires dans la zone en
matière d’infrastructures (construction de routes, de réservoirs, aménagements
portuaires, aménagement de mouillages,…) et de technologie (stations d’épuration des
eaux domestiques, agricoles et/ou industrielles, etc.) ?
Résultats d’ordre III
-
-
Effets environnementaux : y-a-t-il des effets mesurables sur la santé et la productivité
des écosystèmes, sur la quantité des ressources disponibles et exploitées ? Comme cela
a déjà été dit, il peut y avoir un espace de temps relativement long entre les résultats
d’ordre II et les résultats d’ordre III, particulièrement pour ce qui est des effets sur
l’environnement qui, en général, sont tangibles sur le moyen ou le long terme.
Cependant, à partir du moment où l’on considère un projet dans ses contextes spatial
et temporel, il convient de prendre en compte des effets qui ne sont pas nécessairement
liés au projet mais qui découlent de politiques mises en œuvre antérieurement (ex :
amélioration de la qualité des eaux côtières ou regain effectif d’une pêcherie comme la
coquille St. Jacques en rade de Brest).
Effets sur la qualité de vie et les conditions socio-économiques des usagers : effets
peut-être les plus difficiles à apprécier du fait du très petit nombre d’indicateurs
objectifs, qui ne soient pas seulement inféodés à la perception de chaque groupe
d’usagers. Les objectifs de départ dans ce domaine sont souvent très généraux car très
peu contrôlables dans le cadre d’un seul projet. On revient à la remarque précédente
sauf qu’ici, les facteurs dominants de changement (économiques, socio-culturels) sont
souvent largement extérieurs au territoire sur lequel ils s’imposent.
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Septembre 2002
Indice de prospective (Scénario / Rupture)
La valeur de cet indice est directement liée à la valeur de l’indice de pertinence qui , suivant
la perception de l’évaluateur, est confirmée ou pondérée (en plus ou en moins). Son intérêt est
d’indiquer si les conditions du processus en cours sont susceptibles de permettre un
développement ultérieur en matière de gestion intégrée des zones côtières. A l’inverse, plus
l’indice est faible, plus les changements dans la dynamique en place seront nécessaires pour
tendre vers une gestion plus intégrée. Le rapport écrit permettra de revenir en détail sur la
nature de ces changements.
Etape 2
L’étape 2 consiste à expliciter mais également à recouper les valeurs des trois premiers
indices clés de l’étape précédente. Il s’agit des cinq séries restantes de questions (2,3,4,6,7)
qui se déclinent selon les indicateurs suivants :
Acteurs et montages institutionnels
La valeur de l’indice « Acteurs et montages institutionnels » (Question 2) correspond au total
des points donnés aux quatre indicateurs, divisé par quatre. La valeur maximale est de trois.
. Identification des groupes d’intérêt
- Tous les groupes d’intérêt ont-ils été bien identifiés, en prenant en compte leur place
respective par rapport à la ou les problématiques traitées ?
. Evaluation des volontés politiques et sphères d’influences des acteurs en présence
- Est-ce que les différentes logiques d’acteurs, les conflits avérés ou potentiels, les
forces de résistance et de changements potentiels, sont suffisamment connus ? Les
diverses volontés politiques, sous-tendues par les motivations des décideurs, ont-elles
été évaluées et sollicitées à tous les niveaux de décision (du local au national) ?
. Efficience de la communication
- Quels que soient les moyens techniques (outil informatique, supports de restitution…)
utilisés, la communication de l’information aux différents groupes d’acteurs est-elle
suffisante et susceptible d’appropriation par ces groupes d’acteurs ?
. Montage institutionnel
- Les différents montages institutionnels (groupe « porteur », comité de pilotage, cellule
technique, commission inter-institutionnelle, etc.) qui accompagnent le processus
sont-ils opérants et reconnus (légitime et/ou légal) par tous les niveaux de décision ?
- Sont-ils portés (animés) par des leaders reconnus par tous ?
Utilisation et intégration des outils
La valeur de l’indice « Utilisation et intégration des outils » (Question 3) correspond au total
des points attribués aux quatre indicateurs, divisé par quatre. La valeur maximale est de
trois.
. Observation et ingénierie sociales
- Pour obtenir des informations sur les acteurs et leurs modes de gestion, les conflits
ouverts ou latents, leur vision des problèmes, et faire une analyse des évolutions en
cours, il est nécessaire de mettre en œuvre des interviews et des enquêtes
systématiques. Un tel travail fait appel aux outils et aux méthodes de l’observation
sociale dans laquelle la scène sociale est considérée comme un jeu d’acteurs où
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Rapport au Gouvernement
31
Septembre 2002
s’affrontent des rationalités et des ordres de préférence. Il s’agit de créer un contexte
rendant possible la concertation entre les acteurs et la mise en œuvre d’un ensemble de
pratiques ou « ingénierie sociale » visant à faciliter, médiatiser la négociation entre les
acteurs et identifier une vision et des objectifs communs. Dans quelle mesure cette
démarche a-t-elle été appliquée ?
. Analyse institutionnelle et juridique
- Y-a-t-il eu inventaire et analyse des lois et réglementations existantes, de leur degré
d’application et d’efficacité à travers les différents mécanismes institutionnels de mise
en œuvre des politiques (sectorielles, d’aménagement du territoire, et
environnementales), du national vers le local ?
- La réflexion a-t-elle précédé le choix de l’outil institutionnel ou, à l’inverse, est-ce
l’outil institutionnel qui a orienté la réflexion ? (a priori, on donnera la faveur à une
réflexion de fond sur les enjeux du territoire, l’outil institutionnel n’exerçant pas un
rôle déterminant mais accompagnateur).
. Evaluation et incitation économiques
- Au-delà des bilans statistiques des différents secteurs, l’expertise en matière
d’économie environnementale, notamment pour l’analyse des rapports coûts/bénéfices
dans la phase de prospective (scénarios envisagés à partir d’une situation présente), at-elle été utilisée dans la négociation et le choix des options entre les acteurs ?
- Est-ce que des outils locaux d’incitation économique (redevances, taxes, subventions,
etc.) ont été mis en place ou perfectionnés en soutien aux différentes actions ?
. Bilan environnemental
- Le bilan environnemental recouvre ici l’état des lieux et le diagnostic. A-t-il permis de
dépasser les approches sectorielles et d’aborder les problèmes transversaux
d’organisation du territoire ? A-t-il permis de déboucher sur des objectifs
suffisamment clairs et opérationnels ?
Information et communication
La valeur de l’indice « Information et communication » (Question 4) correspond au total des
points attribués à chacun des quatre indicateurs, divisé par quatre. La valeur maximale est de
trois.
. Inventaire, recueil et structuration des bases de données
- A-t-on pris en compte l’information pré-existante, dans quels domaines (écologique,
sociologique, économique, historique, politique…) ?
- Une démarche complémentaire d’acquisition et de mise en forme des bases de
connaissance a-t-elle été entreprise ?
- Y-a-t-il développement d’un système d’information, aussi simple soit-il, qui soit utile
et accessible aux différents acteurs en présence ?
- Y-a-t-il eu restitution publique des résultats du bilan environnemental ou de tout autre
résultat issu d’études spécifiques ?
. Zonage territorial
- Dans le cadre de l’élaboration du plan de gestion, a-t-on procédé à un zonage du
territoire qui ne se réfère pas uniquement à des attributions d’usage mais également
aux enjeux et aux objectifs spécifiques à chaque sous-unité territoriale ?
- Ce zonage a-t-il été validé par les différents groupes d’acteurs ?
- Est-il cohérent avec les différents types et systèmes de zonage pratiqués sur le
territoire du projet et au-delà, aux niveaux régional et national ?
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
32
Septembre 2002
. Elaboration et fonctionnement d’un système d’information
- Quel est le degré de sophistication ou d’achèvement du système d’information
(Intégration des bases de données, SIG, couplage de modèles, sorties de cartes, etc.) et
est-il opérationnel ?
- A-t-il favorisé les échanges d’information avec d’autres projets ?
. Mise à disposition de l’information
- L’information est-elle aisément accessible et compréhensible pour les usagers et faitelle l’objet de diffusion périodique auprès de l’ensemble des acteurs ?
Suivi et évaluation
La valeur de l’indice « Suivi et évaluation » (Question 6) correspond à la somme des valeurs
attribuées à chacun des quatre indicateurs, divisée par quatre. Sa valeur maximale est de
trois.
. Système d’indicateurs
- Des indicateurs ont-ils été définis pour le suivi : indicateurs du type Pression-EtatRéponse, indicateurs de performance du projet (contrat) ou du processus
(participation/appropriation des acteurs, changements de comportement, volontés
politiques, efficience/équité dans l’usage, viabilité des options prises, etc.) de gestion
intégrée des zones côtières en cours ? Sont-ils opérationnels sous forme d’un tableau
de bord ?
- Y-a-t-il des réseaux de surveillance pour le suivi de la qualité des milieux marin et
terrestre ? Dans quelle mesure sont-ils coordonnés entre eux pour donner une vision
globale sur tout le territoire concerné et les différentes unités géographiques qui le
composent ?
. Mécanismes d’adaptation
- Sur la base des informations apportées par les indicateurs ou de retours d’opinion des
acteurs (doléances, demande de recours, opinions diverses…), des mécanismes
d’adaptation (redéfinition des objectifs, du déroulement chronologique des actions, de
leur complémentarité, de l’organisation des structures et des modes de
fonctionnement, des dispositifs partenariaux, etc.) sont-ils prévus ?
. Pratique de l’évaluation
- L’auto-évaluation est-elle pratiquée régulièrement (ex : annuellement) et y-a-t-il déjà
eu des évaluations extérieures de type contractuel (mi-parcours, fin de contrat, « expost ») ?
. Financements disponibles
- La mobilisation des moyens est-elle à la hauteur des objectifs affichés ? Y-a-t-il
plusieurs sources de financement sous forme de conventions ou de contrats
particuliers, qui permettent non seulement de sécuriser des engagements financiers sur
des programmes d’action, mais également, et à plus long terme, des engagements
précis sur les politiques et les interventions que les partenaires (collectivités locales,
Etat) entendent mener sur le territoire concerné et sur les modes de concertation
envisagés (plan de développement, acquisition de zones à protéger, regroupement de
services sociaux) ?
- Y-a-t-il des formes de partenariat entre institutions publiques et entreprises privées ?
Adaptation et pérennité
Calcul de l’indice identique au précédent.
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Rapport au Gouvernement
33
Septembre 2002
. Capacités de financement
- Outre les financements propres au projet (contrat), a-t-on identifié des mécanismes
économiques et financiers susceptibles de générer des ressources propres et donc la
pérennité des activités ?
. Effort de formation
- La formation est-elle prise en compte dans le cadre du projet ? Existe-t-il des
initiatives d’éducation dans les écoles, d’éducation informelle et de formation des
acteurs en relation avec la mise en œuvre des objectifs ?
. Echanges d’expérience
- Les échanges d’expérience avec d’autres initiatives dans la région et à l’extérieur de la
région, sont-ils pratiqués, que ce soit de manière informelle ou à travers des réseaux
structurés ?
. Ajustements effectués
- En fonction des résultats, de nouvelles contraintes ou d’externalités, des ajustements
de stratégie et d’objectifs ont-ils été déjà pratiqués, non seulement dans le cadre strict
du projet mais sur l’ensemble du territoire concerné ?
. Aspects réglementaires et contractuels
Les cadres juridique et institutionnel permettent-ils ces ajustements ?
RECAPITULATIF
Etape 1
Etudes de cas Mer
d’Iroise
Rade de
Brest
Pertuis
Charentais
Rade de
Brest
Pertuis
Charentais
Golfe du
Morbihan
Bassin
d’Arcachon
Processus
-1Indice de
pertinence
(Enjeux/Objectifs)
-2Indice
d’avancement
(Résultats/Produits)
Indice de
prospective
(Scénario/Rupture)
Etape 2
Etudes de cas
Mer d’Iroise
Golfe du
Morbihan
Bassin
d’Arcachon
Processus
-2Acteurs/Montages
institutionnels
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
34
Septembre 2002
-3Utilisation/
intégration des
outils
-4Information et
communication
-6Suivi et
évaluation
-7Adaptation et
pérennité
Exemple : GOLFE DU MORBIHAN
Tous les indicateurs et indices sont arrondis au dixième de point supérieur.
ETAPE 1
Indice de Pertinence
Ind. 1 2 3 4
2
2
3
2
3
1
2
2
3
3
2
2
3
Indice d’Avancement
Ordre I
II
III
X
Partiel
Indice de Prospective
Moyenne :
2,5 2,2
2,7
2
2,4
Ordre I
2,5
Sous l’indice de pertinence, quatre indicateurs :
1. Identification préliminaire du contexte
2. Caractérisation du ou des problèmes
3. Identification du cadre territorial
4. Adéquation des objectifs
Sous chaque indicateur, les valeurs (de 1 à 3) attribuées correspondent à chacune des
questions posées dans le développement qui précède. Exemple : sous l’indicateur 1
(Identification préliminaire du contexte) figurent deux valeurs, 2 (moyen) et 3 (fort), qui
reflètent l’opinion de l’expert en réponse aux deux questions posées.
De la somme des moyennes, divisée par quatre, est issue la valeur finale de l’indice de
pertinence, soit ici 2,5 (sur 3), ce qui représente un bon indice de pertinence.
L’indice d’avancement est caractérisé par l’ordre de résultats dominant, ici l’ordre I.
Par rapport à l’indice de pertinence, la valeur donnée à l’indice de prospective est forte. Ceci
veut dire que globalement, l’évaluateur estime que les conditions sont réunies pour que le
processus de gestion intégrée puisse se développer. Cependant des points faibles subsistent.
Ils sont mis en évidence dans l’étape qui suit, à travers les autres indicateurs.
La valeur du triplet (trois indices) est donc de 2,5-I-3, premier type de situation.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
35
Septembre 2002
ETAPE 2
Indice 2
Indice 3
Acteurs/ Institutions
Outils
Indicateur
1 2 3 4
1 2 3
2
3 2 3
3
Moyenne :
2,5
Indice 4
Indice 6
Information/comm.
1 1 1
3 1
4
3
2
1 2
3
2
2
2
3
1
1
1
4
3
2
1,8
Indice 7
Suivi/Evaluation
2
1
2
1
2
2
3
1
1,5
Adaptation/Pérennité
4
1 2 3
2
1
2 2
4
1
2
1,8
Indice 2 : Acteurs et montages institutionnels
La valeur attribuée de 2,5 laisse entendre que la dynamique est estimée être bonne dans ce
domaine, particulièrement pour ce qui est des indicateurs sur (2) l’évaluation des volontés
politiques et des acteurs en présence, et (4) le montage institutionnel déjà existant. Cette
appréciation découle essentiellement de la dynamique créée par le Syndicat Intercommunal
d’Aménagement du Golfe du Morbihan, la consultation des acteurs entreprises et la structure
permettant de regrouper l’ensemble des élus locaux. La valeur des indicateurs sur (1)
l’identification des groupes d’intérêt, et (3) sur l’efficience de la communication, est par
contre plus moyenne du fait qu’il a été admis en séance que peut-être, les associations
n’avaient pas été suffisamment consultées, et que l’on a peu vu des supports de
communication vers les acteurs et le grand public.
Indice 3 : Utilisation et intégration des outils
La valeur est ici plus moyenne, avec une valeur forte pour le bilan environnemental (on
estime qu’il a permis de dépasser largement les analyses sectorielles, en abordant les
problèmes de territoire, et qu’il en est sorti des objectifs clairs, particulièrement ciblés sur le
problème de l’expansion urbaine), et une autre valeur forte pour la question du choix de
l’outil institutionnel (PNR) qui s’est posée dans le sillage de la réflexion engagée et non
l’inverse.
Les indicateurs sur l’observation et l’ingénierie sociales, sur l’inventaire et l’analyse
juridiques, ainsi que sur l’évaluation et les incitations économiques, sont par contre de valeur
faible. Ce sera probablement une constante pour l’ensemble des études de cas, tant il est
encore peu fait appel aux sciences humaines dans ces types de projet.
Indice 4 : Information et communication
Valeur moyenne également, avec une valeur plutôt forte pour l’indicateur sur l’inventaire, le
recueil et la structuration des bases de données, et sur l’élaboration et le fonctionnement d’un
système d’information, si l’on en juge par les jeux de cartes et les documents qui ont été
remis.
Par contre, la valeur attribuée à l’indicateur sur le zonage territorial est faible car le débat ne
semble pas clos sur le type de zonage (mono-usage, multi-usage) qu’il convient d’appliquer
au territoire. Le recouvrement des limites entre zones de gestion PNR et SMVM reste
également flou. Comme pour l’indicateur « Efficience de la communication » (indice 2), en
l’absence de documents allant dans ce sens, l’indicateur sur la mise à disposition de
l’information a une valeur moyenne.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
36
Septembre 2002
Indice 6 : Suivi et évaluation
Valeur plutôt faible à ce stade initial du ou des projets de territoire (résultats d’ordre I).
Quelques objectifs quantitatifs de ratio d’urbanisation ont bien été avancés mais le consensus
semble encore loin d’être acquis dans ce domaine. Il en résulte pour l’instant un système
d’indicateurs plutôt disparate mais non structuré. De plus, on ne sait pas s’il y a réelle
coordination des réseaux de surveillance en terme d’exploitation des résultats sur l’ensemble
du Golfe.
Pour les autres indicateurs (Mécanismes d’adaptation, Pratique de l’évaluation, Financements
disponibles), il semble que le potentiel institutionnel et financier existe mais sans qu’il y ait
encore à ce stade initial des projets, une réelle mobilisation de ce potentiel.
Indice 7 : Adaptation et pérennité
Capacité estimée moyenne mais réelle, qui se rapproche logiquement de la valeur de l’indice
de prospective qui a été considéré comme bon. Un point estimé faible à ce stade : les
échanges d’expérience en dehors du territoire qui, comme pour les autres études de cas,
tiennent notamment à l’absence de structuration en réseau aux niveaux régional et national.
Dans le cadre de ces évaluations d’expert, inévitablement entachées de subjectivité, la
richesse de l’exercice tient à l’analyse comparée de l’ensemble des études de cas dont se
dégageront une première ébauche de typologie, avec les points forts et les points faibles liés à
chaque type de situation.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
37
Septembre 2002
ANNEXE 2
Définition de la gestion intégrée des zones côtières (GIZC)
La GIZC : outil privilégié du développement durable
Le concept de développement durable prend pour axiome que les objectifs de bien-être
économique, de justice sociale et de sauvegarde de l’environnement ne peuvent être dissociés
mais sont intrinsèquement interdépendants à terme.
Le chapitre 17 de l’Agenda 21 de la Conférence de Rio désigne la gestion intégrée des zones
côtières (GIZC) comme étant l’outil de planification et de gestion privilégié pour la mise en
œuvre du concept de développement durable sur cette zone complexe, à l’interface des
territoires marins et terrestres. Les processus engagés par la démarche GIZC sont aussi
importants que les résultats et documents produits. Ces processus concourent à une nouvelle
dynamique sociale via l’implication des acteurs, le renforcement de l’expertise des opérateurs,
les débats avec élus et privés, la prise de conscience de ceux qui participent, la
communication avec le public, etc.
Dans la réalité, la chronologie et l’ordre de ces processus et de leurs différentes étapes ne sont
pas toujours les mêmes, l’essentiel étant de préserver les liens dynamiques qui les unissent. A
cet égard, une présentation en « boucles » semble mieux correspondre aux différents
contextes et à la réalité changeante à laquelle l’opérateur doit s’adapter en permanence (figure
1). Le contexte et les opportunités peuvent entraîner l’opérateur à rentrer dans le processus par
la phase II, voire la phase III.. Parfois, de nouvelles informations exigent, en cours de route,
de revenir à des étapes précédentes pour modifier le contenu des analyses. Ces réorientations
témoignent de la réalité du projet et justifient la flexibilité du processus tout en s’assurant de
l’efficacité de l’information collectée.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
38
Septembre 2002
Figure 1 : Enchaînement et interrelations des étapes de planification GIZC
(Henocque et Denis, 2001)
Quelques aspects fondamentaux
Comme la plupart des autres programmes, le programme européen de démonstration sur la
gestion intégrée des zones côtières a privilégié les interventions au niveau local comme autant
de sites pilotes permettant de tester l’efficacité des arrangements pris aux échelles nationale et
locale. La forte localisation des problèmes et les particularités de chaque cas individuel,
suggèrent que le niveau local est fondamental lorsque l’on traite des problèmes concrets de
gestion, mais à condition que des mécanismes institutionnels relais soient établis à l’échelle
nationale. Cette expérience européenne ainsi que les diverses autres expériences
internationales, permettent de tirer quelques enseignements sur les aspects fondamentaux qui
suivent.
La GIZC est un processus adaptatif : La GIZC est étroitement liée aux activités de
planification, mais selon une approche intégrative et des techniques innovantes de gestion des
ressources. Cette approche tente de faire face à l’incertitude et à la complexité. Dans ce sens,
le système doit être capable d’apprendre en faisant, en intégrant les nouvelles informations au
fur et à mesure de leur disponibilité. La gestion adaptative consiste à apprendre en faisant,
lorsque la mise en œuvre d’un programme/projet offre la possibilité de tester et d’améliorer
les bases scientifiques de l’action. Du fait de son niveau élevé d’incertitude, un programme ou
un projet devraient être évalués sur son degré de réussite à court terme et sa capacité à intégrer
les nouvelles informations. En résumé : un programme qui apprend peu sera rapidement
invalidé par l’incertitude ; alors que celui qui apprend perdurera en dépit des faibles
connaissances de départ.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
39
Septembre 2002
Réaliser le plus tôt possible des actions ou des « exercices pratiques » de gestion intégrée des
zones côtières est une approche-clé pour combler le vide entre préparation et mise en œuvre
au cours de l’élaboration du plan, quelle que soit l’ampleur de ce dernier. Autrement dit, « ces
exercices pratiques » doivent avoir lieu dans la phase de préparation du plan de gestion
côtière, sans attendre que l’exercice de planification soit terminé. Expressions tangibles d’une
gestion plus efficace, ces actions à court terme et peu coûteuses (nettoyage des plages,
protection et réhabilitation des dunes, équipements aquatiques, etc.) permettent de gagner le
soutien local (groupes locaux) au processus en cours, donnent la possibilité de tester la
coordination horizontale et verticale, et permettent de tirer les leçons utiles pour les actions à
venir. Toutefois, il importe que ces actions émergent d’un processus participatif, là où elles
doivent être exécutées et qu’elles soient menées, comme n’importe quel autre projet, sur la
base d’études de faisabilité complètes.
La GIZC est une démarche qui s’applique à un territoire : tout programme de GIZC doit
s’inscrire sur un territoire donné. La réussite repose dans l’élaboration des partenariats entre
les différentes institutions sectorielles et les groupes d’usagers à l’intérieur mais aussi à
l’extérieur de ce territoire. Ces partenariats s’appuient sur une approche à « double sens », qui
relie le développement de la gestion locale aux politiques nationales ainsi qu’aux structures et
procédures du gouvernement central. En particulier, il convient de s’intéresser de près aux
différentes approches de gestion développées côté terre et côté mer, en rapprochant les
autorités responsables aussi bien que les acteurs économiques appartenant aux deux
domaines. Il s’agit également d’essayer d’impliquer le secteur privé qui est en fait lié aux
administrations sectorielles et peut apporter des ressources financières ciblées sur certaines
activités.
Pour gérer un territoire, il faut le connaître. Certains projets de gestion côtière sont trop
centrés sur la science et la technique et trop peu sur les processus de gestion, alors que
d’autres font le contraire. La recherche et les outils techniques (SIG, EIE, inventaires,
surveillance continue, modélisation, etc.) sont de faible utilité si le contexte institutionnel et
social dans lequel ils sont introduits ne permet pas d’absorber les nouvelles informations
qu’ils génèrent. Par ailleurs, les planificateurs, les décideurs et le grand public ne s’intéressent
pas aux données brutes. La transformation des données brutes en informations utiles est
complexe et exige non seulement la maîtrise des procédés de traitement mais, avant tout, des
expertises thématiques et interdisciplinaires. En dernier lieu, mais non des moindres,
informations et connaissances ne sont utiles que si elles sont mises à disposition quand et où
elles sont nécessaires. Cela implique que scientifiques et gestionnaires travaillent en commun,
comme une équipe, et réévaluent périodiquement l’utilité des informations produites par
rapport aux objectifs et aux priorités du projet.
La GIZC est une démarche qui suppose un certain nombre de moyens : décider des
problèmes prioritaires, où et quand les traiter, font partie des décisions les plus cruciales à
prendre. De nombreux programmes ou projets sont voués à l’échec parce qu’ils veulent en
faire trop d’un coup ; ils deviennent superficiels et sont ainsi considérés comme inefficaces
sinon contre-productifs par rapport aux problèmes que les usagers et les autorités locales ont à
résoudre. Il est important d’équilibrer de manière réaliste l’échelle et les objectifs du projet
avec la capacité des institutions locales et nationales impliquées, ainsi que le pouvoir et
l’engagement des collectivités concernées. Bien que cela ne conduise pas nécessairement à un
plan techniquement idéal, il s’agit de produire un plan réaliste, susceptible d’être mis en
œuvre selon un partage raisonnable des ressources disponibles (internes et externes) et
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
40
Septembre 2002
l’objectif permanent d’« internaliser les externalités » par le biais des instruments
économiques.
Bon nombre d’études de gestion côtière, de plans d’action et même de règlements ont un
impact soit limité soit imperceptible sur la résolution des conflits d’usage et la dégradation
des écosystèmes côtiers. Parfois, la raison principale en est l’insuffisance de ressources
humaines possédant les compétences et les connaissances indispensables à la mise en œuvre
des différentes étapes du processus de gestion. La plupart des planificateurs et gestionnaires
ont reçu une forte éducation sectorielle, par exemple pour ce qui est de l’aménagement du
territoire, de la pêche ou encore du développement urbain. Toutefois, la complexité liée à la
multiplicité des outils et aux différents niveaux de gouvernance, exige la création et la
formation d’équipes pluridisciplinaires dont les membres sont entraînés à penser et agir
stratégiquement, à résoudre les conflits, à gérer des projets compliqués, à bien appréhender le
fonctionnement des écosystèmes côtiers et à travailler en collaboration avec les acteurs
locaux. En conséquence, il est indispensable de prévoir des formations à court et moyen
terme. A court terme, on cherchera à renforcer les capacités (réunions, ateliers, etc.) dans les
administrations publiques et parmi les participants au projet. A long terme, la meilleure
approche est d’intégrer les approches multidisciplinaires dans le système d’éducation.
La GIZC implique la mise en œuvre d’un processus participatif : pour ce faire, une
animation efficace et engagée aux niveaux politique et pratique est fondamentale. La
coordination technique devrait être organisée de façon à assurer des liens adéquats avec les
décideurs et permettre l’intégration progressive de l’initiative dans le système formel de
gestion. Il est fondamental d’avoir des leaders qui soient capables d’identifier les opportunités
et d’agir en conséquence, de rechercher et d’obtenir la coopération des acteurs-clés, et enfin
de faire en sorte que le projet se rattache d’une manière ou d’une autre aux priorités
nationales.
Toute initiative GIZC doit être porteuse d’une vision pour le futur. Sachant qu’une telle vision
à long terme doit pouvoir se dégager des acteurs locaux, il est essentiel de mettre en œuvre un
exercice prospectif et négocié au sein des groupes d’intérêt locaux. Autrement dit, assurer une
médiation entre les différentes visions du passé, du présent et du futur, est indispensable. Il
faut pour cela un médiateur ou une personne qui soit capable de stimuler le dialogue et la
négociation afin de parvenir à définir les objectifs, les stratégies et les moyens de mise en
œuvre.
Les méthodes de participation engagent ceux qui ont intérêt à ce que les efforts de gestion
aboutissent et leur donnent une voix dans la prise de décision. Le fait de devoir réunir tous ces
acteurs peut prendre beaucoup de temps et causer des retards dans la phase d’exécution.
Toutefois, ce processus qui vise à impliquer tous les acteurs et à maintenir leur implication au
travers des différentes phases du projet, fait partie intégrante du processus de gestion et est
donc fondamental pour la réussite de l’initiative. La participation est souvent plus facile à
réaliser par le biais de l’éducation du public et de la recherche du consensus qui constituent
des éléments importants du processus de gestion.
L’activité des projets locaux se révèle peu efficace, car isolée et peu soutenue, s’il y a un vide
politique aux niveaux supérieurs de la prise de décision. En revanche, les programmes
nationaux doivent intégrer ces projets locaux comme partie intégrante de leur stratégie de
mise en œuvre. Cela suppose que les projets locaux soient mis en réseau et fassent l’objet de
grilles d’analyse communes. La réciprocité conditionne le sentiment d’appropriation et donc
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
41
Septembre 2002
la volonté de payer pour un programme ou un projet. Si un projet local impliquant une
approche GIZC, ne devient pas à terme partie intégrante des activités et du budget ordinaires
du gouvernement et des collectivités locales, il restera une expérience limitée avec une
appropriation locale très faible.
Diversité et intégration des outils
Il ne s'agit pas de faire une liste exhaustive de la très grande variété d'outils et de méthodes
disponibles mais plutôt de re-situer les plus représentatifs d'entre eux dans le processus
illustré plus haut de planification et de mise en oeuvre de la gestion intégrée des zones
côtières. On insistera ici plus particulièrement sur l'élaboration du système d'information, la
préparation du schéma de gestion, sa mise en oeuvre, et son suivi-évaluation, tels que
présentés dans le tableau ci-dessous :
Tableau 1 : Importance et intégration des outils selon les différentes phases du processus
GIZC
Elaboration du
système d'information
Inventaire / recueil
des données
Structuration des
bases de données
Indicateurs
environnementaux
Zonage (unités de
gestion)
Réalisation /
fonctionnement du
SIG
Modèles et couplages
Démarrage
Analyse
+
+
Conflits et
opportunités
+
Objectifs
Stratégie
Mise en
oeuvre
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
Etudes techniques
spécifiques
Prospective
(scénarios)
Evaluation capacité
d'accueil
Etude d'Impact
Environnemental
Etude d'Impact
Stratégique
Législation/
Réglementation
+
+
+
+
Analyse et
arrangements
+
+
institutionnels
Instruments
économiques
Economie
environnementale
Communication
Observation sociale
Suivi et
évaluation
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
42
+
Septembre 2002
Négociation
/
Médiation
Indicateurs de
performance
Coordination /
+
+
Gestion de projet
+ : Mise en oeuvre particulièrement importante
+
+
+
+
+
+
+
+
Elaboration du système d'information
Collecte des données
Le principe de base est que l'on ne cherche pas nécessairement à être exhaustif mais que l'on
se préoccupe en priorité des données nécessaires et utiles relatives au(x) problème(s) que l'on
veut traiter. Le deuxième principe concerne la disponibilité des données : la non existence de
données sur tel ou tel aspect ne doit pas retarder le démarrage du processus de planification et
donc le passage à l'action. Des études techniques spécifiques peuvent être démarrées en
parallèle. Un troisième principe considère que la donnée n'est pas seulement aux mains des
scientifiques mais également chez les acteurs, et particulièrement les utilisateurs des
ressources côtières. Les techniques de l'observation sociale (interviews, enquêtes, cartes "à
dire d'acteurs", etc.). La grande difficulté est de croiser les données qui ont trait à
l'environnement bio-physique avec des informations socio-économiques afin de pouvoir par la
suite opérer des analyses telles que le coût économique de la dégradation de l'environnement,
le coût des mesures à prendre, et les bénéfices obtenus si la dégradation est évitée ou réduite.
Structuration des bases de données
Si l'on prend l'exemple de l'élaboration des SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de
Gestion des Eaux) littoraux, la structuration des données s'est faite selon des considérations
spatiales (zones homogènes ou unités de gestion), et la référence au système OCDE de chaîne
causale Forces motrices/Pression/Etat/Impact/Réponse. Bien que permettant d'organiser
utilement l'information, les socio-économistes reprochent à ce dernier d'être par trop
déterministe pour refléter la réalité sociale et économique. L'objectif est d'aller au-delà en
établissant des "grilles d'analyse pour le développement durable", comme recommandé dans
la circulaire du Ministre de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement (Circulaire du
11 mai 1999, relative aux prochains contrats de plan Etat-régions). On reviendra sur cet aspect
sous la rubrique « Suivi-évaluation et indicateurs de performance».
Zonage
Sauf si la dimension réduite de la zone ne s’y prête pas, il s’agit de segmenter le linéaire côtier
en unités territoriales, unités qui ont pour objet de faciliter l’analyse spatiale des données
regroupées. C’est au cours du diagnostic et lors de sa restitution que ces unités territoriales se
révèleront ou non opérationnelles dans les limites qui leur ont été données (longitudinales et
perpendiculaires au trait de côte). C’est à l’épreuve de la négociation que l’on saura s’il
convient de garder ces limites. Superposée à la carte des enjeux du territoire, cette approche
spatiale de qualification, permettra de décliner les grandes orientations en objectifs
spécifiques à chacune des unités de gestion. Ce zonage (qui n’a rien à voir avec le zonage qui
attribue des usages à des territoires), participe à la structuration progressive du plan de
gestion : chaque unité est considérée comme un territoire pour lequel sera défini un plan
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
43
Septembre 2002
d’action spécifique, sous la forme d’un schéma d’aménagement, d’un contrat intercommunautés, d’une charte de territoire, ou de toute autre forme de planification locale.
L’application du zonage a été systématisée dans le cadre des SDAGE.
SIG et modèles
La réalisation d'un SIG pour une région et/ou un problème donnés est un processus long. Tout
commence avec la production classique des premières cartes thématiques, utiles dès le
démarrage pour l'information et la négociation, dont la nature et les thèmes vont évoluer tout
au long de la planification, sa mise en oeuvre et le suivi-évaluation. Le Comité de Bassin
Rhône-Méditerranée-Corse a produit à cet égard un "Guide cartographique" bien structuré. De
plus en plus, on devra faire en sorte que les systèmes d'information produisent des services en
temps réel, en adaptant la diffusion de l'information aux différents types d'acteurs. Malgré les
avancées considérables dans le domaine, la réelle disponibilité des modèles pour simuler les
chaînes de cause-effet-réponse est encore très limitée. Dans un contexte interdisciplinaire, les
modèles mono-disciplinaires ou couplés (physique-biologie, économie-écologie) doivent être
conçus et utilisés comme des outils d’analyse, d’exploration et de communication,
combinables avec des SIG et des systèmes experts. Dans l’état actuel des recherches, la
modélisation globale interdisciplinaire quantifiée représente plus un horizon qu’une option
opératoire pour l’activité de gestion. Des démarches plus modestes, recourant à des modèles
qualitatifs, des schémas systémiques, des protocoles communs de recueil et de codage de
l’information, des cadres comptables, des modèles spécialisés à l’interdisciplinarité limitée,
sont plus adaptés aux besoins actuels des gestionnaires.
Structuration du tableau de bord
Ce qui précède participe à la structuration progressive d’un ou des tableaux de bord qui vont
être essentiels dans le cadre des activités de suivi-évaluation.. Ces tableaux de bord
comprennent des dispositifs de veille pour déceler les changements et les opportunités, et des
dispositifs d'évaluation pour apprécier l'efficacité des actions et prendre les décisions
d'ajustement ou de modification qui s'imposent. Outre le suivi global de la zone, le tableau de
bord permettra de suivre plus particulièrement chaque unité géographique ou unité de gestion
en tant que territoire ayant ses caractéristiques propres de sensibilité et de vulnérabilité. Le
tableau de bord peut être également couplé de façon utile au suivi des budgets, en ce sens que
l'affectation des moyens financiers d'investissement et de fonctionnement traduit les choix
effectifs qui ont été faits. Une présentation analytique des dépenses et recettes par objectif
permet de comparer budgets prévisionnels et budgets réalisés et d'analyser les écarts. Les
tableaux de bord des SDAGE représentent de bons exemples dans ce sens.
Prospective : scénarios environnement-développement
Dans les projets ayant trait au littoral, les études prospectives sont relativement peu utilisées,
encore moins sous forme participative avec les acteurs locaux concernés (ce qui se révèle
pourtant essentiel pour qu'ils "s'approprient" le projet). Un scénario environnementdéveloppement est habituellement de longue portée et peut être vu comme un lien entre le
présent et l'avenir selon un cheminement construit par étapes de 5 à 10 ans. De façon
simplifiée, l'élaboration d'un scénario comprend les phases suivantes :
- Identification des facteurs critiques jouant sur les opportunités de développement ;
- Etablissement d'hypothèses de changement dans les facteurs critiques ;
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Rapport au Gouvernement
44
Septembre 2002
-
Développement de séries cohérentes d'hypothèses sur la forme des cheminements
alternatifs
- Analyse comparée des impacts socio-économiques et environnementaux pour pouvoir
arrêter les objectifs et les stratégies qui correspondent au meilleur compromis entre le
possible et le souhaitable (l'objectif à très long terme).
Dans la démarche GIZC, l’objet de cette étape n’est pas d’en faire un exercice technique aux
mains de quelques spécialistes, mais une occasion de mobiliser la participation des acteurs
locaux concernés. L’exercice de médiation nécessaire, suppose l’établissement d’une situation
initiale dans laquelle les acteurs sont clairement informés de ce qui les oppose aux autres, et
de leur commune dépendance d’une solution au problème à traiter (ex : niveau de qualité
microbiologique en zone conchylicole). A partir du bilan environnemental (état des
lieux/diagnostic), et dans l’hypothèse d’une poursuite des tendances constatées, les acteurs
sont invités à débattre sur l’évolution qu’ils considèrent la plus probable quant aux milieux
naturels et à leur propre situation. Lorsqu’une carte des perceptions a pu être établie et
discutée, il est demandé aux acteurs de discuter de l’acceptabilité écologique, économique,
sociale, d’une prolongation des tendances observées. Le commun désagrément à l’égard de
ces tendances enracine l’ensemble de la démarche. Il crée la situation initiale qui fonde la
suite du processus. La démarche de médiation requiert des personnes ayant des capacités
d'écoute et de restitution des opinions, la capacité à faire progressivement légitimer les
différents points de vue dans la négociation, et enfin ayant une bonne capacité de synthèse.
Evaluation de la capacité d'accueil
La capacité d'accueil se définit comme la charge maximale d'activités qu'une ressource ou un
système, naturel ou créé par l'homme, peut supporter sans mettre en péril son intégrité. La
conduite d'une évaluation de la capacité d'accueil aboutit au nombre maximal d'usages qui
peuvent être absorbés à n'importe quel moment par le milieu concerné, sans porter atteinte à
son environnement physique, économique et socio-culturel. Ce type d'analyse se réfère
souvent à une ressource spécifique telle que le sol, l'eau ou une zone de plage, vis-à-vis du
développement touristique, de l'agriculture, de la fréquentation des visiteurs (cas des aires
protégées), etc. Elle est particulièrement appropriée lorsque les zones sont petites avec des
ressources limitées telles que les plages.
Etudes d'Impact Environnemental et Stratégique
L’Etude d’Impact Environnemental (EIE) est devenue un outil réglementaire fondamental des
politiques environnementales. Parallèlement, une grande partie des agences internationales ou
bilatérales ainsi que les banques de développement ont mis en place leur propre procédure
d’Etude d’Impact Environnemental. Les législations nationales sont allées jusqu’à couvrir non
seulement les Etudes d’Impact liées à des projets mais également celles liées à des politiques
et des programmes (Etude d’Impact Stratégique), encore relativement peu utilisées en France
dans le domaine environnemental. Le champ couvert par les Etudes d’Impact
Environnemental (EIE) et les Etudes d’Impact Stratégique (EIS) est théoriquement très large
mais en pratique est souvent réduit aux aspects concernant l’impact sur les milieux naturels.
En fait, pris au sens large, l’évaluation de l’impact environnemental devrait inclure les
impacts sur la société, sur la santé, les risques ou encore les analyses coût-bénéfice. Comme le
montre le tableau ci-dessous, les EIE et les EIS peuvent être avantageusement associées
lorsque l’on a affaire à un système de planification multi-échelles, du national vers le local.
Bien que faites pour être appliquées plus ponctuellement, pour mesurer l’impact d’un projet
ou d’un programme précis, leur démarche et les techniques utilisées sont proches de celles qui
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Rapport au Gouvernement
45
Septembre 2002
sont nécessaires à la réalisation d’un bilan environnemental dans le cycle de planification
GIZC. Il peut donc être utile de s’inspirer de leur organisation, en faisant abstraction de
certains aspects formels dus à leur nature réglementaire.
Tableau 2 : Utilisation combinée des EIE et EIS dans un système multi-échelles
d’aménagement du territoire (D’après Lee & George, 2000).
Niveau
Politique
gouvernemental d’aménagement
du territoire
Mode d’action et type d’étude d’impact
Actions sectorielles et multi-sectorielles
Politiques (EIS)
National/Fédéral Schéma national
d’aménagement
du territoire
Politique
Nationale de
Transport
Plans (EIS)
Schéma
national du
réseau routier
Programmes (EIS) Projets (EIE)
Programme (5 ans)
de construction
de routes
Construction
de section de
route
Politique
Nationale de
Développement
Economique
Région / Etat
Schéma régional
d’aménagement
du territoire
Plan Stratégique
de Développement
Régional
Schéma sousrégional pour
l’aménagement
du territoire
Local
Programme
d’Investissement
Sous-régional
Plan local
d’occupation des
sols
Projet
d’Equipement
Local
Législation et outils institutionnels
En dépit de son importance économique et écologique, la bande littorale, à l’interface terremer, reste en général ignorée par le droit en tant que telle. Il est rare qu’une législation institue
une intégration totale de tous les éléments à prendre en considération. De la mer vers la terre,
en passant par les zones intermédiaires comme les plages ou les mangroves, les régimes
juridiques se succèdent et se superposent à des pratiques traditionnelles. Le droit des zones
côtières se présente en fait comme un ensemble composite de branches distinctes du droit :
droit de l’urbanisme, droit du domaine public, droit de l’environnement, droit des pêches et
des cultures marines, etc. Ainsi, la plupart du temps, ce sont plusieurs ministères qui pilotent
les politiques sectorielles, côté mer (pêche, transport, surveillance qualité des eaux…) et côté
terre (urbanisme, travaux publics, agriculture, énergie, etc.). Il est donc essentiel de faire
l’inventaire et l’analyse, non seulement, de toutes les lois existantes, mais également des
mécanismes institutionnels de mise en œuvre des politiques, du national vers le local.
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Rapport au Gouvernement
46
Septembre 2002
Economie environnementale : peut-on monétariser les écosystèmes ?
L’économie de l’environnement distingue trois types de valeur des écosystèmes : la valeur
d’usage, la valeur de non usage, et la valeur d’existence ou valeur patrimoniale. La valeur
d’usage a elle-même deux composantes, directe et indirecte :
- la valeur d’usage direct mesure l’avantage présent retiré de l’utilisation en partie ou en
totalité de l’écosystème. Les activités de prélèvement (pêche, récolte de coquillages,
aquaculture…) ou de consommation (activités récréatives, recherche…) relèvent de cette
catégorie. Comme on le voit, l’usage n’implique pas la destruction du bien. Les biens et
services de types privés, retirés de l’usage de l’écosystème (pêche, etc.), relèvent le plus
souvent du marché. Les activités récréatives (loisirs, pêche sportive) sont des services
collectifs d’usage fournis par l’écosystème. Des méthodes classiques en économie sont
appliquées pour définir leur valeur : valeur de substitution (coût des alevins produits en
écloserie pour quantifier la valeur des alevins naturels), productivité marginale
(contribution à une activité économique, par exemple la consommation d’herbe des marais
par le bétail) et enfin coût d’opportunité ;
- la valeur d’usage indirect est attachée aux fonctions de régulation (fonctions écologiques)
des écosystèmes. Ces fonctions ne sont retenues comme valeurs qu’à condition
d’influencer l’usage présent ou futur d’au moins un acteur. C’est le cas quand ces
fonctions influent directement sur des activités économiques : la protection contre
l’érosion par les dunes, l’absorption de CO2 et la fonction de régulation du climat, la
fonction de drainage et d’épuration des zones humides, la fonction de nurserie des
mangroves, relèvent de cette catégorie. Il n’existe pas de valeur de marché pour ces
services. Les méthodes utilisées considèrent que les coûts évités du fait de ces fonctions
(coût des inondations…) ou le montant des dépenses consenties par la collectivité pour
maintenir ces fonctions, celle des dépenses consenties par les individus pour y avoir accès
(plage, paysage…), en donnent la valeur pour la collectivité ;
- la valeur de non usage fait référence à un ou des usages futurs ou encore inconnus. Elle
mesure la disposition à payer de groupes d’individus (ou de la société) pour conserver la
possibilité de maintenir des usages futurs de l’écosystème ou de ses composantes. En ce
sens, elle est aussi appelée valeur d’option et peut être assimilée à une assurance sur les
usages futurs du bien, indépendamment de ses usages actuels. Une autre valeur de quasi
option fait référence à des possibilités de découvertes de nouvelles espèces ou de
nouveaux usages grâce à des innovations techniques (biotechnologies marines) ;
- la valeur d’existence ou valeur patrimoniale mesure la disposition maximale à payer pour
que soient préservés l’écosystème et sa qualité, auxquels les individus sont attachés,
indépendamment de ses usages actuels et même s’il n’existe aucun usage présent ou futur
prévisible. Le maintien de la biodiversité, la fonction culturelle et symbolique d’espèces
ou de sites remarquables, relèvent de ce type de valeur. Elle est divisée en deux
catégories : la valeur de legs, valeur accordée au fait de transmettre un patrimoine aux
générations futures, et la valeur d’existence elle-même, qui est la valeur tirée de
l’existence du site ou de l’espèce qui peut être assimilée à une valeur de préservation. La
méthode de calcul de ces valeurs est la méthode d’évaluation contingente, qui crée un
marché fictif pour ce bien. Outre les raisons techniques de biais, cette méthode est
fortement controversée du fait de son champ : qui doit être interrogé pour la valeur
d’existence de la baleine ou du canyon du Colorado ? Les générations actuelles peuventelles parler pour les générations futures ?
Du fait de toutes ces incertitudes d’évaluation des valeurs, peut-on leur donner une place
importante dans l’aide à la décision ? En fait, le débat concerne leur place dans le
processus de décision. Elles peuvent illustrer des options de choix (aménagement,
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
47
Septembre 2002
conservation…) déjà identifiées en fournissant une évaluation comparative de ces options,
et deviennent dans ce cas, des éléments de négociation autour de ces options. En revanche,
quand elles sont utilisées en amont de la décision pour identifier des choix possibles en
renforçant les analyses coûts-avantages, elles doivent être utilisées avec la plus grande
prudence car elles peuvent mettre en relation des valeurs non comparables.
Négociation
Dès qu’elle atteint un certain niveau de complexité et s’étend dans la durée, une négociation
peut être découpée en phases dans lesquelles différents types de logiques se succèdent. On
peut distinguer une phase de pré-négociation qui consiste à lever les obstacles à la négociation
proprement dite et conduit les parties à accepter le principe de la discussion ainsi que les
modalités de sa mise en place. La seconde phase vise à établir une « formule » d’accord
possible en s’entendant sur la nature du problème à résoudre, les principes directeurs, les
points à négocier, les « packages » envisageables, en un mot la configuration globale de
l’accord. La troisième phase consiste à travailler sur les « détails », c’est-à-dire la mise au
point d’un équilibre à partir d’une discussion sur chacun des points à négocier. Beaucoup de
rencontres, notamment en matière internationale, se déploient simultanément sur deux
niveaux parallèles, l’un « officiel » à partir de la mise en œuvre de procédures formelles ;
l’autre informel, faisant place à des discussions beaucoup plus ouvertes et dans lequel le rôle
des personnes en tant que telles est essentiel. (D’après Faure et al., 1998).
Suivi-évaluation et indicateurs de performance
Bien qu'essentiels pour apprécier les changements et s'y adapter, les systèmes de suiviévaluation restent encore très expérimentaux. Le système d'indicateurs, Forces motricesPression-Etat-Impact-Réponse (DPSIR: Driving forces-Pressure-State-Impact-Response) est
un moyen commode d'organiser l'information selon des relations de cause à effet s'appliquant
à la gestion des ressources. Cependant, cette caractéristique déterministe en fait un instrument
incomplet lorsqu'il s'agit de décrire correctement les dynamiques socio-économiques. En
matière d'évaluation des performances d'un programme ou d'un projet, il conviendrait donc
d'adjoindre aux indicateurs DPSIR, une série d'indicateurs relevant des grands principes du
développement durable que sont l'efficience, l'équité dans l'usage, la participation du public,
la viabilité des options prises, et la précaution contre les risques. L’évaluation de la
performance d’un projet ou programme GIZC sera d’autant plus pertinente qu’elle pourra se
caler sur des informations précises (environnementales, socio-économiques) issues des phases
d’identification et de préparation. La deuxième condition, liée à la première, est l’existence
d’un système de suivi-évaluation, et donc d’indicateurs, qui soit fonctionnel et utilisé. Lorsque
l’on parle de performance d’un projet, il y a plusieurs critères d’ « impact » qui permettent de
qualifier cette performance : sur les milieux et les usages, sur les institutions et les politiques,
et sur la société (qualité de la vie, éducation, place des femmes, etc.). Selon les domaines, on
parlera d’impacts quantitatifs lorsqu’on peut les mesurer (milieux et usages) et d’impacts
qualitatifs qui, bien que difficilement mesurables, sont souvent ceux qui sont les plus évoqués
(cf. exemple européen ci-dessous). Encore faut-il pouvoir se référer à une situation initiale et
surtout, à un objectif stratégique initial qui indique clairement, et si possible de manière
quantifiable, le ou les résultats recherchés.
Tableau 3 : Principaux impacts positifs identifiés dans le cadre du projet européen de
démonstration GIZC (Extrait de « An assessment of the socio-economic costs & benefits of
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
48
Septembre 2002
integrated coastal zone Management », Final report to the European Commission, Nov.
2000).
Trente neuf sites européens de démonstration GIZC ont fait l’objet d’une enquête auprès de leurs chefs
de projet, dans le but d’identifier ce qui, selon eux, constituait les principaux impacts positifs de la
démarche GIZC mise en œuvre. Après quelques années d’opération, il est intéressant de noter que les
effets les plus observables sont d’ordre qualitatif et tiennent essentiellement à l’amélioration des
processus de décision pour une planification plus cohérente. Ce qui est plus mesurable
quantitativement, en termes d’activités sectorielles et d’amélioration de la qualité des milieux, ne fait
qu’émerger à ce stade.
Impacts positifs GIZC
Aide à la décision améliorée
Meilleure compréhension entre
partenaires
Meilleure sensibilisation du public
Consensus sur les priorités
Activité touristique plus durable
Planification territoriale cohérente
Identification communautaire plus
forte
Initiatives scolaires et éducatives
Restauration des habitats
Meilleure qualité de la vie
Activité pêche plus durable
Réduction des pollutions
Amélioration paysage
Vulnérabilité environnementale
atténuée
Inondations et érosion réduites
Coûts de déplacement réduits
Nombre total d’impacts positifs
mentionnés
Nombre total et % de
mentions
Nb
%
(1)
(2)
33
84,6
32
82,1
Score d’impact
moyen
Principaux
bénéfices
(3)
1,84
1,41
(4)
9
17
32
29
28
26
24
82,1
74,4
71,8
66,7
61,5
1,81
1,83
2,00
1,85
2,04
8
5
1
9
4
22
20
18
16
16
16
16
56,4
51,3
46,1
41,0
41,0
41,0
41,0
1,91
2,05
1,89
2,31
2,25
1,94
2,19
5
2
1
2
3
1
11
5
344
28,2
12,8
55,1
2,40
3,00
2,04
67
Source : European ICZM Survey, 2000. Notes : (1) Nombre total de mentions des 39 projets GIZC ; (2) % de
mentions sur 39 ; (3) Moyenne d’importance des scores pour chaque facteur où 1 = impact très positif, 2 =
impact moyennement positif, 3 = pas d’impact, 4 = impact moyennement négatif, 5 = impact très négatif. Plus le
score est bas, plus l’impact est positif ; (4) Nombre d’impacts d’indice 1.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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ANNEXE 3
Commission « Environnement littoral »
Evaluation des processus de gestion des zones côtières
Etudes de cas n° 1 et n° 2 : Rade de Brest (Contrat de baie) et
Mer d’Iroise (Parc National marin)
Compte rendus de l’audition du 8 juin 2001
(Seules les auditions à proprement parler sont ici reproduites)
L’audition a compris la présentation des deux sites (rade de Brest et parc de la Mer d’Iroise)
et une discussion menée sur la base du questionnaire adopté par la Commission
Environnement Littoral.
Intervenants : outre les membres de la Commission et une large participation locale, les
principales personnalités intervenantes ont été :
- Pierre Maille
- Jean Le Menn
- Benoît Le Goaziou
- Jean-Pierre Carval
Rappelons tout d’abord que la problématique centrale traitée à travers le Contrat de baie est la
qualité des eaux de la Rade et leur amélioration.
P. Maille fait tout d’abord une présentation rapide de l’historique du Contrat de Baie de la
Rade de Brest :
1990-1997 : Préparation du contrat préliminaire
1997-2003 : Mise en œuvre et sensibilisation des communautés
Commentaires : globalement, c’est une entreprise compliquée car le bassin versant est très
vaste, il englobe de nombreuses communes et sort des limites du département (Finistère). Le
sujet n’est pas simple non plus : quoi analyser et comment utiliser les résultats ? Le partage
avec le public est de plus difficile ; la CUB porte à cet égard une grande responsabilité alors
que chaque municipalité garde la maîtrise d’ouvrage des activités. Il n’y a pas eu à cet égard
de transfert de compétence entre les communes et la CUB. Quelques déceptions aussi car
beaucoup ont pensé que la CUB allait contribuer aux financements. La communication n’a
probablement pas été suffisante pour expliquer qui fait quoi dans ce Contrat de baie.
Ceci dit, bien des aspects positifs existent :
. obligation de travailler ensemble en développant des solidarités amont / aval, la CUB étant
le catalyseur de cette solidarité ;
. collaborations entre administrations, particulièrement pour la mise en place d’un réseau
d’informations fonctionnant selon des règles co-optées ;
. évolution dans les pratiques et les rapports des uns avec les autres, le plus difficile à faire
passer étant probablement dans l’évolution des pratiques agricoles où le facteur temps joue
beaucoup. Concernant les relations des mondes urbain et agricole, on a ainsi certainement
été plus avancé à une certaine époque que nous ne le sommes aujourd’hui.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
50
Septembre 2002
A la suite de cette première présentation, un dialogue s’installe entre le président de la
Commission et P. Maille :
J.F. Minster : Peut-on en savoir plus sur la vision de la CUB quant aux objectifs concrets et
aux échéances ?
P. Maille : En 1990, il n’y avait pas d’objectifs précis, juste une prise de conscience des
questions environnementales. Puis, progressivement, au cours du diagnostic, se sont fixés les
calendriers mais encore sans objectifs bien précis semble-t-il.
J.F. Minster : Est-ce-que la CUB a été porteur initial du projet ?
P. Maille : Sur le plan administratif, oui, mais c’est dans le cadre du programme européen que
la CUB a commencé à aller vers les acteurs.
J.F. Minster : Est-ce-que le principe du Contrat de baie a été retenu dès 1991 ou 1992 ?
P. Maille : Le Contrat de baie a été retenu surtout comme perspective de financement et
moyen de légitimation de la démarche vis-à-vis des administrations et de l’Etat. On peut
effectivement se demander quel a été le rôle des incitations financières dans les actions
entreprises en pratique par les collectivités locales, mais aussi des acteurs privés ?
J.F. Minster : Quelle est aujourd’hui la base de connaissance des acteurs ?
P. Maille : De manière générale, l’état de connaissance des milieux marin et terrestre est
plutôt bon, ce qui est moins vrai pour les activités économiques et plus particulièrement pour
l’agriculture. Cependant, on estime que la base de connaissances est suffisante pour identifier
correctement les problèmes.
J.F. Minster : L’information produite est-elle accessible au public ?
P. Maille : Oui, mais partiellement.
D. Le Morvan : Dans la demande européenne faite par la CUB, il était question du principe
de précaution. En quoi s’applique-t-il à la Rade de Brest ?
P. Maille : Nous avons un patrimoine, il est un peu abîmé, on veut le préserver et le restaurer
tout en gardant les activités qui s’y mènent. Aujourd’hui, plus que de principe de précaution,
on parlerait de développement durable.
J. Boncoeur : Il y a eu une information importante auprès du public dans la première phase,
ne pensez-vous pas que l’effort produit aujourd’hui est en-deça des annonces faites ? Pensezvous que l’effort de communication produit aujourd’hui dans le cadre du Contrat de baie est
en-deça de ce qu’il a été ?
P. Maille : C’est plutôt la cible qui s’est déplacée. La communication est à présent beaucoup
plus tournée vers les communes que localement. Des expositions tournantes passent
actuellement dans chacune des communes.
J.F. Minster : Quels sont les indices de suivi et quels moyens envisage-t-on pour le futur ?
P. Maille : Les actions ont permis de progresser indéniablement mais le monde agricole pose
encore problème. Etape après étape, il aurait fallu pouvoir disposer d’objectifs plus
quantifiables pour mobiliser les gens. Toutes les actions préconisées sont des actions du
secteur public.
J.F. Minster : Avez-vous les moyens de faire évoluer l’outil en fonction des évolutions du
contexte ou des enjeux ?
P. Maille : Les mesures adoptées (Directives) devraient être positives. Si les indicateurs
montrent une dégradation, le comité de baie cherchera des correctives. Mais cela n’est pas
prévu.
D. Malengreau, Directeur du Conservatoire Botanique National de Brest : la première phase
a été bien comprise, mais dans les étapes suivantes il y a eu incompréhension. N’aurait-il pas
fallu avoir des objectifs intermédiaires pour garder la mobilisation des gens ?
P. Maille : Il est difficile de maintenir une mobilisation permanente étant donné les
contraintes des mesures prises.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
51
Septembre 2002
D. Le Morvan : Quel est le caractère reproductible du projet ?
P. Maille : Il y a eu quelques contacts pris (notamment par les gestionnaires de la baie de la
Rance) mais pas de réel transfert spécifique.
Plus tard, cette information sera complétée par le représentant de Littoralis, animateur du Pôle
brestois de gestion intégrée du littoral, qui précise que la démarche du Contrat de baie pour la
Rade de Toulon s’est largement inspirée de celle de la Rade de Brest et que des échanges
étroits ont aussi été établis avec la Martinique, pour la baie de Fort-de-France.
J. Le Menn prend ensuite la parole pour compléter cette première présentation du Contrat de
baie. De sa présentation et des questions qui ont suivi, on tire les constats suivants :
. le bassin versant couvre en fait trois départements et comprend 360.000 habitants, avec
l’émergence de communautés de communes (13) ;
. les expérimentations pilotes ont eu lieu dans le cadre du programme européen GIZC. Le
programme européen est ainsi venu en assistance au Contrat de baie ;
. le comité de baie est composé de plusieurs collèges qui regroupent environ 200 acteurs !
. un réseau coordonné de surveillance a pu être mis en place entre les différents producteurs
de données ;
. les différents volets d’actions prévues (financements publics et privés) s’élèvent à 839
MF ;
. il note cependant que contrairement à ce qui était attendu, il y a eu une quasi inexistence de
l’Etat dans le financement des interventions ;
. le transfert d’expertise et les plans d’action se font à présent à travers les différents SAGE
qui se développent sur la zone ;
. l’outil de suivi n’a que deux ans d’âge, si bien que les indicateurs ne sont pas encore bien
renseignés ;
. les acteurs non directement impliqués, comme la navigation de loisirs, assistent
éventuellement aux travaux mais ne rentrent pas dans le processus de définition des
actions.
J.P. Carval témoigne pour le contrat de baie de la Rade de Brest en montrant tout l’effet
bénéfique qu’ont eu les mesures prises dans le cadre de ce contrat sur les stocks et la pêche à
la coquille St. Jacques. Il insiste sur la grande importance qui a été accordée à la discussion
dans le cadre de ce programme spécifique, surtout avec les scientifiques dont les résultats sont
trop souvent peu lisibles ou accessibles. En terme institutionnel, la possibilité de préserver
voire re-développer une activité coquillière en rade de Brest justifie l’intérêt des pêcheurs
professionnels à être représentés dans les dispositifs de gestion de la qualité des eaux en
amont (ex : SAGE), afin de s’assurer que leurs intérêts y soient représentés au même titre que
ceux du bassin versant. Deux autres points sont également soulignés : la mise en place d’un
système de gestion de la pêcherie qui s’appuie sur un auto-financement du système, associé à
un mode d’attribution effective de zones dans la rade pour les producteurs (une forme
d’appropriation collective au moins partielle des ressources coquille dans ces zones), et le
projet de parc national qui est lui-même perçu comme la possibilité de mettre en œuvre des
plans de gestion des pêcheries à l’échelle locale de l’Iroise, c’est-à-dire à nouveau une forme
de « prise de contrôle » locale des modalités d’accès aux ressources de la zone. En terme
d’analyse coût-bénéfice, une étude est en cours avec le CEDEM et l’IFREMER.
Benoît Le Goaziou fait ensuite une présentation du projet de Parc National Marin de la Mer
d’Iroise. Il en ressort que :
. il s’agit tout d’abord d’une réflexion qui a démarré en 1991 sur une idée presque lancée à
la cantonade lors de l’inauguration de la réserve de Biosphère d’Iroise et qui a été reprise
par la suite par l’Etat qui a mis en place une mission en 1996 ;
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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. dans l’esprit des promoteurs, il s’agit de construire un outil de gestion intégrée ;
. en fait, le site de la Mer d’Iroise présente déjà tout un éventail de dispositifs de
reconnaissance du milieu naturel et de préservation (Parc naturel régional d’Armorique,
Réserve de Biosphère, etc.), et dispose donc d’une expérience considérable de gestion des
zones remarquables ;
. la région compte 1500 insulaires + 500 marins pêcheurs + 90.000 habitants l’hiver ;
. cette population n’est pas sans impact sur le milieu naturel : on compte par exemple 500
rejets en Mer d’Iroise ;
. dans ce contexte, la question qui se pose est faut-il faire un Parc national à tout prix ou
faut-il déterminer les conditions pour faire un Parc national marin ?
. dans ce domaine, tout est à inventer car il n’existe pas d’exemple en France. On rappelle
que le Parc National Marin de Port Cros ne concerne qu’une petite partie marine avec 1800
ha alors que la Mer d’Iroise s’étend sur 200.000 ha et ne concerne que le milieu marin ;
. il s’agit donc d’une démarche de projet que l’Etat ne sait pas forcément faire. La question
qui s’est posée a été alors comment s’y prendre pour légitimer et éventuellement réorienter la démarche ?
. une consultation préalable a ainsi été engagée, particulièrement auprès des collectivités.
Les gens ont ainsi répondu en relatant leurs problèmes à travers leurs activités. Petit à petit
ont ainsi émergé les conditions d’un Parc National Marin, notamment par rapport au droit
d’innovation ou aux conditions de concertation. L’enjeu du Parc Marin devient un enjeu de
développement durable et plus seulement un enjeu de conservation ;
. certains regrettent cependant que la consultation n’ait pas concerné tous les acteurs,
comme c’est le cas du Conseil Régional ;
. la consultation a eu également pour effet d’étendre les limites de la zone (demande des
pêcheurs) par souci de signification écologique de la zone (peut-on parler de Large
Ecosystème Marin ?…).;
. se pose également le problème du statut des zones périphériques : sur ce dernier point, une
collaboration institutionnelle est déjà engagée avec le Parc Régional d’Armorique ;
. il est rétorqué cependant que la loi de 60, sur l’institution des parcs nationaux marins, est
contradictoire avec les objectifs affichés de développement durable. Ne s’est-on pas
trompé d’instrument juridique ? Le statut de Réserve de Biosphère, qui est un projet de
territoire, ne serait-il pas plus adapté ? Dans un contexte différent, on pourrait se poser la
question pour le Contrat de baie Rade de Brest : est-il toujours adapté aux objectifs de
développement durable affichés ?
. la représentante de la DNP du M.A.T.E répond à la remarque précédente qu’il n’est pas
impossible que l’initiative Mer d’Iroise ait un impact sur une évolution possible de la loi de
60 du fait que celle-ci ne semble plus adaptée à la pratique actuelle de la conservation. Un
autre instrument majeur de la conservation en France, le Conservatoire du Littoral, fait
l’objet actuellement d’une révision de ses statuts pour les mêmes raisons.
. le représentant des socio-professionnels de la pêche confirme que ces derniers ont
aujourd’hui intégré le concept de biodiversité en terme de continuité des politiques de
protection contre les pollutions, mais demande dans le même temps qu’une gestion durable
puisse être instituée dans les limites du Parc. Ils vont même plus loin, lorsqu’ils
considèrent que cette initiative innovante pourrait être un élément de réponse (un
« laboratoire ») à la nouvelle politique des pêches en gestation à Bruxelles.
En conclusion, le président de la Commission remercie tous les participants présents pour
leurs réponses qui constituent une contribution tout-à-fait significative à l’objectif de la
Commission qui est de faire émerger les éléments du processus qui se révèlent être
déterminants pour aboutir au succès.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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Septembre 2002
____
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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Septembre 2002
Commission Environnement littoral
Evaluation des processus de gestion des zones côtières
Etude de cas n° 3 : Pertuis-Charentais
Compte rendu de l’audition du 26 septembre 2001 après-midi
(Conseil Régional de Poitou-Charentes)
Comme pour la session précédente de la Rade de Brest/Mer d’Iroise, l’audition était d’abord
consacrée à la présentation de la zone du Pertuis Charentais, ses principaux problèmes et les
projets engagés, suivie d’une audition animée par le président de la Commission. Outre les
principales personnalités, une cinquantaine de participants de la région étaient présents.
Après une brève introduction du président quant à l’objectif et au fonctionnement de la
Commission à l’attention de la nouvelle assistance, deux présentations sont faites
successivement sur la Monographie régionale Qualité des eaux du Pertuis Charentais (Lionel
Loubersac), et sur la gestion des eaux douces en Poitou-Charentes et ses répercussions sur le
milieu marin (Jean-Pierre Mercier).
Monographie régionale (Lionel Loubersac, IFREMER, Brest)
Depuis près de 15 ans, le Pertuis Charentais a fait l’objet de plusieurs études qui, menées
spontanément ou dans l’urgence, ont permis d’identifier combien les besoins de synthèses de
l’information étaient cruciaux :
-
-
-
-
en 1988, sur l’initiative du Ministère de la Recherche et de la Technologie, une étude
intégrée du bassin versant de la Charente et de son influence sur le bassin de
Marennes-Oléron permit d’appréhender les problématiques de gestion de l’eau sur
des territoires adjacents et occupés par la conchyliculture et l’agriculture.
Ultérieurement, le GIP Hydrosystèmes, puis la Région Poitou-Charentes supportèrent
cette recherche menée de front par l’IFREMER et le CEMAGREF ;
de 1991 à 1994, deux contrats de la Commission Européenne permirent d’une part,
d’étudier les liens entre l’évolution de la capacité trophique et ses impacts sur
l’économie des exploitations et, d’autre part, d’offrir un cadre pour l’échange de vues
entre chercheurs européens concernés par des problèmes similaires (Mer des Wadden
et Oosterschelde aux Pays-Bas) ;
début 1993, l’interdiction de vendre des coquillages à la suite d’une contamination
par une toxine microalgale provoqua une vive réaction des professionnels. Dans
l’urgence, une synthèse des travaux IFREMER sur Marennes-Oléron fut élaborée et
présentée, montrant à l’évidence l’éparpillement de la connaissance ;
fort de ce constat, l’IFREMER lançait une étude prospective (1994-1997) sur l’intérêt
des Systèmes d’Information Géographique (SIG) comme outil d’aide à la mise en
forme de l’information et à l’analyse spatiale, se traduisant concrètement pour le
Pertuis Charentais en :
. opération conjointe IFREMER/Affaires Maritimes pour la numérisation du
cadastre des concessions conchylicoles,
. la présélection de sites ostréicoles en eau profonde,
. la relance de la coopération avec le CEMAGREF sur le bassin versant.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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Septembre 2002
-
il convient enfin de mentionner en parallèle les travaux d’élaboration du SMVM de la
mer des Pertuis Charentais et sa publication fin 1997.
Par ces actions, l’IFREMER est rentré de plein pied dans un des aspects fondamentaux de la
gestion intégrée des zones côtières, à savoir la communication des informations entre les
acteurs de l’aménagement, qu’ils soient issus des sphères scientifique, sociale, économique,
administrative ou politique. Il est cependant à noter que pendant longtemps, il n’a pas été
possible de mobiliser un maître d’ouvrage qui permette de faire l’intégration spatiale des
informations sur la qualité des eaux et des milieux sur les bassins versants côtiers et les zones
côtières correspondantes.
Le but du projet de Monographie régionale sur la qualité des eaux du Pertuis Charentais est
justement de fédérer les efforts de collecte et d’intégration des informations par :
. la compilation des observations et des savoirs
. la mise en forme rationnelle pour une meilleure communication
. l’élaboration d’un bilan par utilisation conjointe des outils quantitatifs et descriptifs
. la production d’un diagnostic de santé des milieux pour orienter les actions.
Dans ce but, quatre acteurs/producteurs de données se sont associés (IFREMER, DDE/CQEL,
DDASS, Université de La Rochelle) et ont déjà publié une première monographie régionale
largement distribuée aux acteurs locaux. Suite à ce premier travail, l’effort doit à présent
porter sur les bases de connaissances utilisées (usages, systèmes réglementaires, réseaux de
surveillance, etc.), la mise en forme (traitement de textes et graphiques, traitement statistique,
cartographie numérique et SIG, modèles, etc.), et les problèmes de communication/diffusion
et d’actualisation du système d’information.
L’orientation prise est ainsi celle d’une mise en ligne multimédia de l’information
environnementale afin qu’elle soit accessible à tous, ouverte (aux acteurs et aux questions),
actualisable et facile d’emploi. Pour rejoindre l’idée des observatoires, cette mise en forme
sera probablement de plus en plus standardisée, que ce soit aux niveaux interrégionaux,
nationaux ou européens (Agence Européenne de l’Environnement).
Gestion des eaux douces en Poitou-Charentes et impact sur le milieu marin
(Jean-Pierre Mercier, Directeur Général Adjoint des Services, Conseil Général de la CharenteMaritime)
Les apports d’eaux douces au système Mer des Pertuis - Baie de l’Aiguillon - Bassin de
Marennes Oléron, viennent principalement, du nord au sud, de la Sèvre Niortaise et du Lay
(bassin versant : 3.600 km²), de la Charente (10.000 km²), et de la Seudre (800 km²).
S’ajoutent à ces exutoires « naturels », une quarantaine d’exutoires plus artificiels que sont les
marais littoraux, dont la surface estimée à 30.000 ha (300 km²) est sans commune mesure
avec celle des bassins versants précités.
Commission Environnement Littoral
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En ce qui concerne ces derniers, deux faits méritent d’être soulignés :
. leurs apports sont discontinus : en dehors d’épisodes pluvieux exceptionnels, les portes à la
mer sont fermées de fin mai à octobre ;
. la qualité des sols des marais les plus proches de la mer a conduit, entre 1975 et 1990, à leur
mise en culture après assainissement par rigoles ou drainage : 20.000 ha environ ont ainsi
été drainés et mis en culture en 20 ans (maïs, tournesol, blé, pois…).
En terme d’impact sur le milieu marin, il importe de bien distinguer :
. pour ce qui est de l’espace, l’échelle globale d’interrelation entre terre et mer où seuls les
fleuves jouent un rôle significatif (et particulièrement la Charente), et une échelle plus locale
liée à l’influence (dessalure, contamination) des exutoires de marais sur un chenal ostréicole
ou un gisement conchylicole ;
. pour ce qui est du temps, les régimes de basses eaux et de hautes eaux, et les durées de
séjour des contaminants dans les eaux continentales.
Les modifications récemment apportées au régime des eaux sont essentiellement dues à deux
types de perturbation : les modifications apportées par l’agriculture, et l’essor de l’irrigation.
160.000 ha sont irrigués en Poitou-Charentes dont 128.000 pour le maïs grain,
particulièrement exigeant en eau (1 ha nécessite 1200 m3 d’eau), si bien que 340 millions de
m3 d’eau sont consacrés annuellement à l’irrigation dans la région. Les prélèvements étant
principalement effectués dans les nappes superficielles, les « à sec » des cours d’eau sont de
plus en plus fréquents, avec les conséquences bien connues des scientifiques et des
professionnels de la conchyliculture :
. absence de dessalures dans les zones de production de naissains ;
. manque de nutriments à l’automne, pour la pousse des huîtres.
Quels sont les moyens mis en œuvre pour réagir à ce déséquilibre patent ? :
. La réglementation :
La loi sur l’eau de 1992 pose plusieurs principes essentiels (compteurs sur les installations
d’irrigation, autorisation administrative annuelle, attribution de quotas, etc.) mais le système
actuel de police des eaux est plus rétroactif que pro-actif. Lorsqu’il y a intervention, le mal
est en général déjà fait. Une solution pourrait être d’abaisser les seuils d’alerte, mais cela
reviendrait à imposer des limites aux agriculteurs alors que les nappes et les rivières sont
encore pleines, ce qui serait sans doute mal compris par ces derniers !
. La maîtrise de la ressource :
Le second moyen est la création de ressources par une politique d’aménagement du
territoire. Cette politique s’est matérialisée par la création de grands barrages sur l’axe
hydraulique majeur (Charente), et la création de retenues dites « de substitution ». Ces
dernières aboutissent cependant à des coûts de stockage élevés (12 à 15 F/m3) et présentent
de sévères difficultés d’insertion dans les sites. Une autre solution serait de développer les
primes à l’hectare non-irrigué par la voie des CTE (Contrats Territoriaux d’Exploitation) où
l’agriculteur reçoit une indemnité de 3000 fr/ha/an en échange de l’abandon de la culture de
maïs.
En conclusion, en dehors d’un bouleversement complet de l’économie agricole, peu
envisageable, l’une des richesses de cette région, en termes économique et d’occupation du
territoire, repose et continuera à reposer sur la possibilité d’irriguer. La réponse se trouve
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
57
Septembre 2002
donc dans la capacité à doter la région Poitou Charentes d’ouvrages de stockage significatifs,
ce qui nécessite de mobiliser dans les dix années qui viennent des financements considérables.
Commentaires et audition
A la suite de ces deux interventions, le président invite l’assistance à réagir avant de poser luimême les questions désormais arrêtées pour les auditions.
Jean Rogeon (Président SRC, Poitou-Charentes) fait observer que la police de l’eau est
départementale alors que chaque fleuve traverse plusieurs départements ; il se demande donc
comment fonctionnent les relations interdépartementales de ce point de vue et envisage la
création d’un organisme spécifique.
Jean-Pierre Mercier (Conseil Général Charente Maritime) répond que la coordination existe
par la force des choses, puisqu’il serait difficile d’imposer une réglementation dans un
département et pas dans ceux qui lui sont limitrophes.
Roger Kantin (IFREMER, La Tremblade) précise qu’il convient également de prendre en
compte l’aspect qualitatif de la gestion des eaux douces. Pour ce qui est des rejets urbains et
semi-urbains, on peut considérer que le parc de stations d’épuration de Charente Maritime est
satisfaisant en matière d’assainissement collectif mais ne prend pas en charge les rejets des
petits hameaux, qui ont néanmoins peu d’impact sur le milieu marin. Au niveau industriel
(métaux lourds, effluents chimiques divers), le ministère de l’Industrie est censé faire
respecter les normes sur les Installations Classées. Enfin, en matière agricole, se pose le
problème des phytosanitaires qui constituent une pollution diffuse pour laquelle beaucoup
pourrait être fait en respectant mieux les doses et dates d’épandage prescrites.
Alain Femenias (Préfecture de région Poitou-Charentes) illustre ce dernier propos en citant le
cas de la baie de l’Aiguillon (dont le bassin versant a été curieusement découpé en 3 SAGE)
où il a été observé que la pollution bactérienne pouvait traverser le bassin versant en 48
heures par temps de pluies fortes. Il est donc essentiel d’avoir une approche intégrée du bassin
versant en se donnant pour objectif d’informer et convaincre tous les acteurs et pas seulement
ceux qui sont prêts à recevoir le message. Il y a dans ce sens un gros travail d’animation à
faire auprès des utilisateurs de phytosanitaires, agriculteurs mais aussi particuliers, SNCF, etc.
Jean-François Minster fait observer que l’on est en plein dans la démarche GIZC qui est
beaucoup une affaire de conflits d’usage.
Jean Rogeon ajoute que pour l’ostréiculture, le sujet de la qualité de l’eau est essentiel et que
l’aspect réglementaire, notamment dans le cadre de la mise en œuvre des SAGE, pose
question aujourd’hui.
Jean-Pierre Mercier répond qu’en effet le SAGE peut devenir un écran de fumée lorsqu’il
fait faire étude sur étude et bloque ainsi toute possibilité d’action. Le SAGE ne doit en aucun
cas être la condition sine qua non de l’action. On peut regretter à cet égard la lenteur de
réaction de l’administration.
A la suite de cet échange, Jean-François Minster propose de passer au sujet de la construction
du SMVM du littoral charentais, qui n’a pas été évoquée jusqu’à présent :
Jean Rogeon engage la discussion en évoquant la longue période historique qui a précédé sa
publication. Pour lui, le problème a été mal posé, ce qui a induit une certaine susceptibilité de
la part des communes concernées. Il ne comprend pas notamment qu’une commune ostréicole
comme celle de Charron n’ait pas été incluse dans le SMVM. Globalement, il n’y a pas eu
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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assez de concertation sur sa construction. Si les ostréiculteurs sont preneurs de ce SMVM, ce
n’est pas le cas des maires des communes littorales.
Jean-François Minster remarque que le SMVM s’inscrit dans la durée mais que tous les
chiffres donnés sont des chiffres instantanés, sans prévision particulière. Il demande de plus
ce qu’il en est des moyens prévus pour sa mise en œuvre, seulement deux pages étant
consacrées au sujet.
Jean-Pierre Mercier observe que le SMVM a voulu intégrer l’amont mais uniquement pour
ce qui est du proche littoral. Le problème de l’intégration du bassin versant reste donc entier.
Par ailleurs, les collectivités locales ont dû subir beaucoup de changements en quelques
années (SMVM, Loi littoral, Loi sur l’eau, etc.), changements autour desquels elles ont
souvent manqué d’information, ce qui explique parfois leur faible appropriation. La
philosophie du SMVM pourrait se résumer à un « trop plein » du littoral qui ne correspond
pas à la réalité, où la tendance à la protection domine. La question qui se pose est en fait celle
du maintien d’activités variées sur un espace de plus en plus protégé et devenant « vacant ».
Pierrick Marion (DIREN) répond sur les limites géographiques arrêtées pour le SMVM en
expliquant que le souci était de travailler avec un territoire administratif cohérent et pas trop
grand.
Jacqueline Rabic (CRPM Aquitaine) insiste sur le fait que les mondes terrien et maritime
restent encore séparés et qu’il faut aujourd’hui intégrer l’ensemble. Pour cela, il faut
apprendre à se connaître mais il faut aussi les lieux pour le faire. Le Comité de bassin et le
SDAGE vont dans le bon sens mais il existe encore des problèmes de fonctionnement des
commissions, plus particulièrement pour le littoral. En résumé, elle déplore que les pêcheurs
soient insuffisamment représentés dans les différentes institutions et reconnaît que de
nouvelles habitudes doivent être prises pour qu’effectivement les mondes terrien et maritime
se rejoignent.
André Chauvière (Fédération départementale Charentes 17) revient à l’époque du SAUM
qui n’a en fait jamais abouti, pour dire que déjà les critères pré-établis s’étaient révélés non
fondés. De même pour le SMVM, son avis est peu favorable sur son mode d’élaboration qui a
abouti à ce que les élus et les usagers se sentent peu concernés. La « couche de protection »
proposée par le SMVM est plutôt mal adaptée à ce qu’elle voudrait protéger, particulièrement
pour ce qui est de la qualité des eaux.
A la lumière des propos qui précèdent, Jean-François Minster souligne qu’il semble qu’il y ait
un problème de choix de processus. Il demande à cet égard si l’empilement des outils tel
qu’il se présente dans le Pertuis-Charentais paraît adapté ou s’il agit plutôt comme un frein :
Jean-Pierre Mercier répond que les textes de loi sont parfois traduits par des décrets ou des
arrêtés jusqu’au boutistes. Il observe une mésentente des services de l’Etat, en terme de dérive
de l’interprétation des textes selon les niveaux de décision, du haut vers le bas, aboutissant
souvent à une application locale des fonctionnaires perçue comme « brutale ». Il en donne
pour exemple l’interdiction de mettre en dur certaines voies d’accès, empêchant ainsi le
transport du matériel et des marchandises de se faire normalement.
Pierrick Marion explique que face à des évolutions équivalentes à celles du monde agricole,
le SMVM essaye de trouver des compromis pour éviter des coûts prohibitifs d’aménagement.
Patrick Chatelin (CES Poitou-Charentes) remarque que les élus peuvent également être
coupables de l’accumulation des instruments. Il prend l’exemple des trois SAGE du marais,
décidés par les élus et les citoyens locaux : chacun a voulu avoir « son » SAGE, avant de se
rendre compte de leur non fonctionnalité et de créer en réaction une structure de coordination,
rajoutant ainsi une couche administrative.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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Jean-François Minster souligne à quel point l’exercice de concertation est long avant
d’arriver à des orientations stratégiques qui elles-mêmes mènent au choix des activités. Pour
le suivi de ces dernières, il demande si le système mis en place par le SMVM s’est donné les
moyens de mesurer leur impact. En bref, quels sont les outils de suivi, y compris en terme de
modes relationnels entre les partenaires :
Pierrick Marion répond que la question du suivi a été récurrente pendant toute la phase de
préparation mais que face à la multiplicité des actions et la difficulté d’adapter un document
aussi volumineux que le SMVM, on a préféré un dispositif léger, il est vrai sans prévoir de
coordination. De plus, le SMVM ne donnant que des orientations générales, il a moins besoin
d’être adapté en continu qu’un plan précis.
Alain Femenias ajoute qu’en France, on ne sait pas bien construire les outils de suivi et
d’évaluation. Intégrer des objectifs quantifiables, définir des indicateurs d’impact, ne sont pas
l’habitude en France, comme les Contrats de plan Etat-Région ou le SMVM l’illustrent.
Jean-François Minster observe que les objectifs fixés par le SMVM sont plutôt généraux et
sur des échéances longues. Est-ce que l’observatoire (tableau de bord) prévu aura les moyens
pour un tel suivi ?
Alain Femenias prend comme exemple l’indicateur du taux de nitrate et affirme qu’il est
illusoire de construire une politique publique sur un tel objectif. Il faut définir des indicateurs
beaucoup plus amont comme le nombre d’agriculteurs, leurs pratiques, etc.
Jean-François Minster ajoute que l’objectif du SMVM se pose avant tout en termes de
concertation, et que certains acteurs ne sont visiblement pas encore satisfaits de cet aspect.
Dans ce contexte, il est difficile de passer à des objectifs quantifiés dans l’immédiat ; il
faudrait plutôt à ce stade, des indicateurs de suivi de l’évolution de la concertation...
Dominique Gamon (Conseil régional de Bretagne) fait remarquer qu’il faudrait également
des indicateurs de pilotage politique (institutionnel) du SMVM. Qui pilote le SMVM ?
Derrière cette question, se pose le problème de l’opérationnel dans la durée, et ce dans un
cadre plus décentralisé.
Loïc Charbonnier (DDE/Service Maritime de la Charente-Maritime) fait remarquer que
justement le SMVM se doit d’être un document qui peut aider à ce pilotage et qu’un comité
de suivi de la mer et du littoral regroupant tous les acteurs du littoral est prévu pour faire vivre
la démarche et actualiser le SMVM.
Dominique Gamon répond que l’on ne peut pas imposer les choses, sans qu’il y ait eu
appropriation par les élus.
Jean-François Minster fait état de l’évolution prochaine des SMVM et mentionne à cet
égard la décision du CIADT du 9 juillet 2001, dont il fait lecture : « Le cadre juridique des
SMVM sera réformé d’ici la fin de l’année pour permettre aux communes et aux groupements
de communes d’en être des acteurs confirmés ».
Jean-Pierre Mercier n’en demande pas moins pourquoi un SMVM doit être approuvé par un
Conseil d’Etat, ce qui en fait une procédure très lourde ?
Alain Femenias rappelle qu’il existe également les Contrats de Plan Etat-Région qui
contribuent à une approche concertée des problèmes sur le littoral (pêche, ostréiculture,
tourisme, ports, urbanisation).
Laure Callens (Forum des Marais Atlantiques) souligne l’importance d’utiliser des outils de
description qui soient communs, d’une part parce que les coûts d’acquisition de données sont
très élevés et, d’autre part, parce qu’il importe que chaque groupe d’intérêt soit partie
prenante, s’approprie la démarche par l’information partagée.
Emmanuel Capelli (I.A.A.T) fait remarquer que son institut a été missionné par le SGAR
pour l’harmonisation des systèmes d’information.
Commission Environnement Littoral
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Lionel Loubersac parle du problème des échelles de territoire où chacun parle à partir de son
territoire. Il est intéressant de noter à cet égard que la nouvelle directive cadre sur l’eau de
l’UE définit en préambule les bassins hydrographiques et les eaux littorales. Après ce que l’on
a entendu, il apparaît que les limites géographiques du SMVM ne permettent pas de répondre
à la problématique posée.
Jacqueline Rabic ajoute que la loi sur l’eau et la nouvelle directive donnent effectivement de
bons outils et qu’il faut s’en servir pour « rebondir ».
Raphaël Billé (ENGREF) fait la remarque que selon les textes, les SAGE doivent être
compatibles avec les SMVM approuvés, ce qui peut être un levier intéressant d’intégration
amont-aval.
Jean-François Minster rappelle qu’encore une fois, dans ce débat, il ne s’agit pas de juger
mais d’analyser de manière comparée les processus sur chacun des sites pour en tirer des
enseignements utiles pour les actions à venir. Le rapport qui en sera issu sera à destination du
M.A.T.E. Il exprime son sentiment que certains outils et pratiques de gestion intégrée des
zones côtières sont déjà à l’œuvre en France, mais qu’il va falloir davantage les adapter au
processus de gestion intégrée.
Jean-Pierre Mercier reprend la parole pour témoigner d’un autre type d’approche qui n’avait
pas été mentionné jusque là : la consultation locale par le Préfet de tous les acteurs qui a
permis d’aboutir à un premier protocole d’accord (accord volontaire) entre agriculteurs et
conchyliculteurs sur la gestion de l’eau des marais littoraux de la Charente Maritime. De la
même manière, un deuxième protocole a ainsi été signé entre les acteurs sur l’équilibre entre
agriculture et environnement. L’Etat et les Collectivités se réfèrent ensuite à ce protocole pour
accorder des financements publics. Il juge ce type d’approche très productif. Le suivi SMVM
pourrait ainsi faire l’objet d’une approche contractuelle locale.
En conclusion, le président de la Commission clôt la séance en remerciant tous les
participants présents. Il précise qu’un pré-rapport sera remis au Gouvernement en fin d’année
et que le rapport final est prévu pour le printemps 2002.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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Septembre 2002
Commission Environnement Littoral
Analyse des processus de gestion des zones côtières
Etude de cas n°3 : Golfe du Morbihan
Compte rendu de la journée du 10 décembre 2001
(Mairie d’Arradon, Morbihan)
A la différence des précédentes auditions, une visite de terrain a été organisée le matin pour
les membres de la Commission, se terminant chez un ostréiculteur, Roger Brabec, près de la
Pointe du Berchis (commune de Larmor-Baden).
Selon la note sur l’urbanisation et l’excellente carte (Rive Ouest Golfe du Morbihan /
Occupation et usage des domaines terrestres et maritimes) remises par le SIAGM (Syndicat
Intercommunal d’Aménagement du Golfe du Morbihan) et la DDE du Morbihan, les sites
visités ont mis en évidence le caractère d’ « espace naturel humanisé » du littoral qui, dans le
cas d’un scénario tendanciel (laissez-faire), aboutirait à terme (40 ans) à une urbanisation
massive de larges portions du littoral du Golfe du Morbihan.
Le discours de Roger Brabec, ostréiculteur (25 ha de parcs sur baie de Paimpol et LarmorBaden, 7 personnes employées pour 180 tonnes de production), a été l’occasion d’entendre
qu’aujourd’hui le problème de la profession n’est pas tant la technique de production que la
commercialisation : il y a 5 ans, R. Brabec vendait toute sa production en gros ; aujourd’hui, il
fait plus de détail, ce qui améliore la qualité de son travail, de son produit, et la rentabilité de
son entreprise. Celui-ci a exprimé sa satisfaction à recevoir les membres de la Commission à
plusieurs titres : tout d’abord « par esprit civique », au nom de la bonne co-existence avec les
autres activités du littoral, de la toute nouvelle finition de son nouvel atelier ostréicole, pour
témoigner des efforts des ostréiculteurs vers une meilleure intégration de l’environnement
dans leur activité (sur les plans visuel, sonore, et du comportement), et enfin au nom de
l’esprit « discrétionnaire », c’est-à-dire du souci de la profession de changer son image en
parlant plus franchement, « avec plus de transparence ». Il conclut par ces mots : « l’huître sur
le bord de mer est garante de la qualité de l’eau, de la vie de notre pays. L’image du littoral
est le reflet de l’image de l’huître ».
Ce mot de bienvenu a été suivi d’une brève présentation de la profession conchylicole de
Bretagne Sud et plus particulièrement du Morbihan par Alain Dreano, secrétaire général de la
Section Régionale Conchylicole de Bretagne Sud : la SRC Bretagne Sud couvre un territoire
qui va de Camaret au Croisic. Le Morbihan représente près de 90% de l’activité,
principalement ostréicole. Avec 450 entreprises, la production y est environ de 20.000 tonnes
d’huîtres. Ces entreprises sont en général de taille familiale et implantées dans les estuaires et
les baies de la région (Ria d’Etel, estuaire de la Vilaine, Baie de Quiberon, rivières de Crach,
St Philibert et d’Auray, Golfe du Morbihan). La dispersion de ces entreprises sur le littoral est
une caractéristique de cette région (contrairement à Marennes-Oléron ou Arcachon). Cette
particularité est à la fois un handicap et un atout en terme de gestion de l’espace et
d’aménagement du territoire dans un secteur où la pression de l’urbanisme et l’attrait
touristique démultiplient les usages et les besoins d’espace. C’est pourquoi, l’objectif de la
profession est de pouvoir développer son activité aux côtés des autres usagers du littoral dans
le cadre d’une approche globale et territoriale.
J.F. Minster s’est enfin exprimé au nom de l’IFREMER en redisant combien les relations
avec les professionnels de la mer étaient une préoccupation permanente pour l’Institut, et qu’il
était vrai que l’activité professionnelle des conchyliculteurs restait encore assez méconnue des
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
62
Septembre 2002
autres acteurs et du public. Il a ajouté qu’il y avait encore des efforts promotionnels à faire
dans ce sens auxquels l’IFREMER continuerait à s’associer. C’est au nom de la compatibilité
des champs d’activité qu’il importait de se pencher sur le bon fonctionnement des processus
de gestion.
Audition de l’après-midi
L’après-midi réunissait une soixantaine de personnes (Cf. liste en annexe), dont les
personnalités plus particulièrement désignées pour l’audition :
-
Rémy Basque, Bretagne Vivante SEPNB
Alain Dreano, SRC Bretagne Sud
J.C. Guiziou, Vice-Président du SIAGM
Michel Henry, Secrétaire Général de préfecture et Sous-Préfet de Vannes
François Hervé, DDE Morbihan
Daniel Lasne, DIREN Bretagne
Après un rappel des objectifs de la Commission, J.F. Minster précise que tous les participants
sont invités à s’exprimer mais que la parole sera d’abord donnée aux personnes dont les noms
sont mentionnés ci-dessus. Il propose à M. Guiziou de s’exprimer le premier sur l’historique
de la gestion intégrée du Golfe du Morbihan. Celui-ci délègue Mme Monique Cassé de la
mission du SIAGM.
Activités du SIAGM et projet de Parc Naturel Régional
D’une juxtaposition de communes, le SIAGM a évolué depuis 1994 vers une structure de
« développement local qui fédère les volontés locales en matière de protection,
d’aménagement et de développement de façon reconnue par tous à travers la démarche
Golfe ». Avec les élus du Golfe, les trois premières années (1994-1996) ont été consacrées à
un travail de prise de conscience préalable à l’émergence d’une démarche intercommunale de
territoire susceptible d’amener à une projection dans l’avenir de la réalité des choses dans le
Golfe. Ce travail a permis d’aboutir à l’identification des grandes problématiques qui se
posent.
Entre 1997 et 2000, toutes les communes furent consultées sur la base des résultats acquis,
selon une démarche participative, partenariale et prospective. Après identification de leurs
préoccupations et mise en adéquation des thèmes communs de réflexion et d’actions propres à
susciter un projet de territoire, trois axes prioritaires ont été retenus :
- coordination des usages du Golfe maritime et littoral
- place et rôle d’une agriculture partenaire du Golfe
- qualité des paysages.
Pour ce qui est du premier axe, la première étape a consisté à associer l’ensemble des
partenaires à la démarche, en partageant l’information sur le patrimoine naturel et l’état des
lieux des usages du Golfe maritime de chaque commune. En deuxième étape, a été menée la
consultation des différents acteurs (pêcheurs, ostréiculteurs, plaisanciers, écoles de voile,
gestionnaires de mouillage, compagnies de vedettes à passagers, associations de protection de
l’environnement, tourisme). Lors de ces consultations, des rencontres inter-sectorielles (ex :
professionnels de la mer / gens de la plaisance) ont été organisées non pas tant pour faire état
de ce qui sépare mais plutôt de ce qui leur est commun. L’approche spatiale de l’organisation
des activités maritimes a été initiée puis reprise dans le cadre des travaux d’élaboration du
SMVM.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
63
Septembre 2002
Le deuxième axe – Place et rôle d’une agriculture partenaire du Golfe –, a été conduit en
partenariat avec la Chambre d’Agriculture. La démarche Golfe a ainsi permis de faire se
rencontrer élus et agriculteurs et de se donner des priorités d’action dans les domaines du
foncier, de l’installation des jeunes, des épandages sur le cordon littoral, et des droits à
produire (quotas laitiers). Le travail aujourd’hui se fait à l’échelle de la commune, 10
communes ayant accepté de s’associer à la démarche d’analyse territoriale soutenue en
partenariat entre le SIAGM et la Chambre d’Agriculture. La finalité est de développer au
niveau de chaque commune les outils de gestion nécessaires à la mise en œuvre des
différentes actions identifiées et, en faisant remonter les perspectives d’actions et d’outils à
l’échelle du territoire Golfe, de dégager les principes d’une charte partenariale entre les
acteurs concernés (collectivités, professionnels agricoles, organismes techniques…).
Le dernier axe – Qualité des paysages –, vise à mieux appréhender l’évolution du territoire à
travers une approche paysagère et à faire des choix en terme de prospective sur la qualité du
cadre de vie. Des travaux pilotes ont été engagés en 97 sur plusieurs communes en partenariat
avec la DDE et un bureau d’étude.
M. Cassé insiste sur la volonté du SIAGM de faire en sorte que le projet de territoire qui petit
à petit se construit, soit plus de l’ordre contractuel (Charte) que réglementaire. L’outil qui
semble le mieux répondre à cette dimension contractuelle est le Parc Naturel Régional. Il doit
correspondre à une charte de territoire reconnue par tous, portée par la Région et conduite par
les acteurs locaux.
A la suite de cette présentation, D. Le Morvan pose une question à propos du choix de
l’instrument juridique : y avait-il d’autres possibilités d’instrument ?
M. Cassé répond que ce qui importe ici c’est la Charte avec son label Parc Naturel Régional
qui lui permet des évaluations périodiques (10 ans) grâce à une batterie d’indicateurs
d’application de la Charte et d’indicateurs territoriaux. Au bout de 10 ans, il conviendra de
réfléchir à l’élaboration d’une nouvelle charte. Pour ce qui est du SMVM, ce qui est
important, c’est le projet de territoire sur l’espace maritime et ensuite l’identification des
besoins d’outils pour mettre en œuvre les activités de gestion. Pour l’instant, on a deux projets
(PNR – SMVM) concomitants…
J.F. Minster demande si les objectifs spatiaux, avant même que n’existe la charte, sont bien
acceptés par les acteurs.
J.C. Guiziou répond que la notion de territoire a permis de relier des hommes d’origine très
différente, qui tous vivent en fonction de cet espace maritime, tous s’identifient à un même
territoire.
J.F. Minster demande si les objectifs, très larges au départ, sont devenus plus précis au cours
du temps.
M. Cassé répond qu’en effet on raisonne sur des grandes entités de territoire terrestre. Sur le
territoire maritime, on s’est donné des objectifs plus précis dans le cadre du SMVM. Il s’agit
d’articuler PNR et SMVM en évitant toute concurrence.
J.F. Minster s’interroge sur les acteurs : certains manqueraient-ils ?
Pour M. Cassé, tous les acteurs sont partie prenante de la démarche Golfe, bien qu’elle
admette qu’il y ait pu avoir des oublis de certaines ONGs dans le monde associatif. C’est en
travaillant localement que l’on pourra vraiment associer tous les acteurs.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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Septembre 2002
Henri Girard (Eau et Rivières de Bretagne), estime en effet qu’il n’y a pas eu assez de
concertation avec les associations environnementales.
J.E. Levasseur (Université de Rennes 1) intervient pour demander quel instrument, entre le
PNR et le SMVM, s’impose à l’autre juridiquement. Pour lui, une charte a une valeur
réglementaire trop faible pour passer à l’action, alors que l’on constate que même un
instrument juridique fort comme la loi littoral n’est pas respecté.
D. Gamon désire revenir au projet plutôt qu’aux outils en demandant si cette phase
d’expression de la volonté commune est facile à faire et comment on vit cette phase libre, non
procédurale. Dans le cas du Golfe, tout a l’air de se passer bien mais il y a certainement des
difficultés qui apparaissent à un moment ou à un autre.
J.C. Guiziou reprend la question précédente en affirmant que réglementation et charte
peuvent s’articuler. Un des grands apports du Préfet Bouillaguet a d’ailleurs été de mener de
front SMVM et PNR, en complémentarité. Au départ, beaucoup d’élus soit refusaient l’idée
d’une charte concertée car ils ne voyaient pas à quoi cela pouvait mener, soit refusaient
l’effort réglementaire en craignant une « mise sous cloche » du littoral. J.C. Guiziou précise
donc que tout est parti d’un petit groupe d’élus volontaires (le groupe pionnier) associant
littoral et intérieur. Au fur et à mesure du temps, la perception d’un PNR est devenue plus
vivante. Des visites de terrain ont été organisées pour voir comment un PNR fonctionne, et
l’on a pu avancer dans une quasi-unanimité. Une des leçons à en tirer est que la
réglementation va souvent à l’encontre de la coopération entre les acteurs (elle « fossilise les
positions » selon M. Guiziou). Tout tient dans la volonté politique des élus de mener à bien un
processus.
R. Maheo mentionne le pré-contrat de baie, initié au début des années 90 et qui a permis la
mise en évidence de la complémentarité entre le Golfe et son bassin versant. Il fait également
état de la convention Ramsar qui concerne fortement le Golfe. De la volonté de reconquête de
la qualité des eaux du Golfe et de l’ensemble du bassin versant a émergé une prise de
conscience des acteurs et des élus qu’ils disposaient d’un bien commun qu’il fallait préserver.
J.F. Minster demande si cette étape initiale (pré-contrat de baie) a effectivement permis la
reconquête de la qualité des eaux, ce qui semble être le cas pour les eaux du Golfe mais pas
nécessairement pour les rivières comme cela est confirmé par un représentant d’association.
La construction de stations d’épuration a en tout cas permis certains progrès au niveau des
rejets urbains, alors que beaucoup reste à faire quant aux pollutions d’origine agricole
(pesticides et nitrates notamment).
Il passe ensuite la parole à M. Henry, Secrétaire Général de Préfecture du Morbihan, afin
qu’il présente la construction du SMVM.
Schéma de Mise en Valeur de la Mer
M. Henry souligne tout d’abord que la démarche des élus dans le cadre de la préparation du
PNR, a permis de progresser considérablement sur les outils, ce qu’il considère comme une
démarche préalable essentielle au SMVM.
Historiquement, le SMVM a d’abord été précédé par le pré-contrat de baie de 1992. Sa
construction a pratiquement démarré en 1997. La qualité de l’eau était bien un enjeu majeur,
mais le pré-contrat avait montré ses limites alors que les conflits d’usage sur le Golfe du
Commission Environnement Littoral
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Septembre 2002
Morbihan s’aggravaient et ne se limitaient pas à la qualité de l’eau, et enfin l’Etat sentait qu’il
fallait consolider les efforts entrepris par un outil réglementaire performant, complétant la
charte en préparation.
Le SMVM s’articule étroitement avec les démarches Natura 2000 et Ramsar, en fait il permet
d’intégrer ces deux dernières. Selon lui, PNR et SMVM sont complémentaires au plan des
territoires (territoire terrestre, territoire marin) et de leur nature institutionnelle, l’une de type
réglementaire (SMVM) et l’autre de type contractuel (PNR). La démarche SMVM participe
donc à la démarche PNR, à tel point que la vice-présidence du comité de pilotage SMVM est
prise en charge par un membre du PNR.
Dans le cadre de la préparation du SMVM, cinq groupes de travail ont été constitués en 1999 :
- Pêche et cultures marines
- Activités nautiques et accès à la mer
- Paysage et urbanisme
- Biodiversité
- Système d’information géographique
Les services de l’Etat assurent l’animation technique de ces groupes qui sont présidés par les
élus locaux. Les objectifs fixés par le SMVM sont plutôt généraux afin d’autoriser plus de
pragmatisme dans les actions qui seront mises en œuvre. Dans ce contexte, les groupes de
travail ont une double approche, d’ordres général et territorial afin de prendre en compte les
spécificités propres à chaque territoire. Des groupes de travail géographiques viennent ainsi
renforcer les groupes de travail thématiques.
Bien que l’expérience des SMVM en France incite à la prudence, le comité de pilotage a
adopté une démarche volontariste, aidée en cela par l’échéance de réalisation de la Charte
fixée à l’été 2003, en se fixant lui-même fin 2002 pour l’achèvement du projet de SMVM et
transmission au Conseil d’Etat. Ceci veut dire également que des actions concrètes de gestion
devront être finalisées fin 2002.
J.F. Minster demande si les bases de connaissance actuelles et la cartographie mise en œuvre
sont suffisantes pour la préparation du SMVM.
M. Henry répond que probablement pas mais que c’est bien là le rôle du groupe de travail
SIG que d’identifier les lacunes et d’entreprendre avec les autres groupes de travail les études
nécessaires.
J.F. Minster demande s’il y a eu des travaux de nature prospective et quels ont été les outils
utilisés pour se projeter dans l’avenir.
M. Henry répond qu’il n’y a pas eu d’étude prospective en tant que telle mais qu’il considère
que la démarche prospective fait partie du quotidien de l’Etat, notamment à travers les outils
tels que la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbains) ou les SCOT (Schéma de
Cohérence Territoriale). Si elle n’est pas une activité formelle au sein du SMVM, elle est bien
présente.
M. Cassé ajoute qu’en ce qui concerne le PNR, la démarche prospective est utilisée mais il y
a des manques sur les plans économique ou touristique par exemple. Il est vrai que c’est sur la
partie rétro-littorale qu’il y a le moins de choses car les données manquent.
A. Le Meneah, représentante du Collectif des associations de protection du Golfe du
Morbihan, revient sur la nécessité de faire vite pour ce qui est du SMVM par rapport à la
vitesse des changements. Elle propose ainsi d’adopter un moratoire sur les constructions afin
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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Septembre 2002
de freiner l’expansion urbaine avant qu’il ne soit trop tard. Elle ajoute que les remembrements
autour du Golfe continuent à être pratiqués, menaçant ainsi la qualité des eaux. Elle est donc
d’accord avec l’effort de réflexion qui est mené mais à condition qu’il y ait aussi de l’action.
J.F. Minster commente ces propos en disant que les questions d’aujourd’hui ne sont pas
celles d’hier et ceci est vrai également pour l’avenir. On court toujours derrière le temps !
H. Girard, du même Collectif d’associations que précédemment, insiste sur le fait qu’autour
du Golfe, l’urbanisation galope et il y a une grande crainte que ce ne soit pas suffisamment
pris en compte dans le PNR et le SMVM.
F. Hervé de la DDE, prend la parole en précisant que c’est justement l’objet du groupe de
travail Paysage et urbanisme. Il est vrai que sur les territoires des 20 communes, il y a des
pressions urbanistiques qui posent les problèmes suivants :
- l’urbanisation est d’abord l’affaire des collectivités. Pour l’Etat, il est difficile d’avoir une
approche d’ensemble tant que le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) n’existera
pas, c’est-à-dire tant qu’il n’y aura pas consensus entre les collectivités ;
- la capacité d’accueil de chacun des territoires est au centre du problème, et la réponse
n’est pas uniquement chez l’Etat car le champ de préoccupation est ici bien plus large que
celui d’un SMVM ;
- l’urbanisation crée beaucoup de pression sur la mer (davantage de plaisanciers,
d’habitants, de promeneurs, etc) et il est à ce titre important d’éviter les comportements
hégémoniques d’une activité (l’urbanisation en est une) sur l’autre.
Il termine en ajoutant qu’en terme de prospective, il y a à l’heure actuelle deux études en
cours sur l’évolution de la conchyliculture et sur l’évolution de la plaisance.
J.C. Guiziou souligne le problème posé aux élus locaux par la flambée des prix du foncier.
J.F. Minster passe ensuite au processus d’indication des succès de la démarche. Y-a-t-il des
outils de suivi ?
J.C. Guiziou répond que l’on en est encore à la construction et qu’il est encore trop tôt.
M. Cassé ajoute que les indicateurs vont se construire progressivement, notamment les
indicateurs territoriaux qui sont au cœur du problème de l’urbanisation. A ce titre, la Charte
du PNR comprend un volet substantiel sur l’urbanisation. On a ainsi développé des scénarios
avec des ratios d’urbanisation dans le cadre d’une vision prospective à 50 ans sur le devenir
des espaces naturels. Pour respecter l’objectif à 50 ans, la question a été de savoir le ratio qu’il
fallait fixer pour les 10 ans à venir pour l’ensemble des 38 communes et dans chacune d’entre
elles. Dans ce contexte, la loi SRU peut être utile pour une moindre consommation d’espace.
L’outil SCOT sera également important.
J.F. Minster comprend bien dans ce contexte que la signature de la Charte est essentielle
mais qu’il devra y avoir un travail de « traduction » de cette charte important.
M. Cassé confirme que l’urbanisation et les paysages sont au cœur du problème.
M. Henry fait le parallèle en qualifiant le SMVM de « POS de la mer » (POM : Plan
d’Occupation de la Mer…) qui réglemente à condition que le règlement soit effectivement
respecté ! Ceci suppose qu’il faut se donner les moyens de s’assurer de sa bonne application.
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Inventaires et conservation de la nature (Natura 2000, Convention Ramsar)
J.F. Minster donne ensuite la parole à Daniel Lasne de la DIREN Bretagne.
D. Lasne fait état des inventaires lancés par la DIREN : ils portent sur une vingtaine
d’habitats marins et littoraux, dont les herbiers de zostères et une soixantaine d’espèces
(plantes, oiseaux, mammifères, insectes…). Les données biologiques ont été intégrées dans un
référentiel spatial commun à tous les services, formant ainsi un système d’information
géographique harmonisé et un ensemble cartographique très précis sur les espèces présentes
dans le Golfe du Morbihan. La directive Natura 2000 prévoit de refaire un état des lieux tous
les six ans. Le comité scientifique Ramsar a la charge de suivre les études biologiques
nécessaires au document d’objectif Natura 2000.
Ces inventaires et leur cartographie représentent un outil d’évaluation précieux des
changements intervenant dans l’état des milieux, et peuvent être utilisés à ce titre sous forme
d’indicateurs de suivi. Natura 2000 constitue en fait le volet « protection de la nature » du
SMVM.
J.F. Minster donne la parole à Rémy Basque de Bretagne Vivante SEPNB.
R. Basque présente le Golfe du Morbihan comme une mosaïque de milieux d’intérêt
européen et international (par exemple, 19 espèces d’oiseaux d’intérêt international, 11
d’intérêt national). Pour bien étudier ces milieux, il importe d’avoir d’une part une approche
du système fonctionnel du Golfe et, d’autre part, une approche par site et par espèce. Selon R.
Basque, c’est une bonne chose de se préoccuper de l’état actuel du Golfe mais on oublie un
peu trop vite ce qu’était le Golfe il y a 30 ans. Prendre pour référence la situation écologique
présente induit un biais dans la réflexion, puisque « aujourd’hui est l’avenir d’hier !». Il
énumère plusieurs espèces d’oiseaux dont les populations ont été décimées, comme les
Sternes (de 4300 couples il y a 30 ans à 130 aujourd’hui), les Hérons (de 200 couples il y a 10
ans à 100 aujourd’hui), les Vanneaux (de 100 couples en 1975 à 2 couples en 2001 dans la
commune de Sené), ou encore les Bernaches : veut-on par exemple conserver les 130 couples
de Sternes actuels ou retrouver la population d’il y a quelques années ?.
R. Basque considère donc que le capital du Golfe est largement entamé et que ce qui est perdu
risque de ne jamais être retrouvé. Pour ce qui est des outils, malgré l’unité de façade, il
s’inquiète de savoir si les objectifs du SMVM vont supplanter le document d’objectif de
Natura 2000. Il pose la question des priorités : veut-on d’abord protéger l’esthétique du Golfe
ou le fonctionnement de fond de l’écosystème ? Encore une fois, il craint que le SMVM ne
« bouffe » Natura 2000.
Il conclut que, parmi les problèmes identifiés, l’urbanisation est effectivement l’élément clé.
Mais il convient en outre de se préoccuper des effets cumulés : une multitude de causes qui,
prises une par une, semblent inoffensives (kayak de mer, plaisance, etc) mais qui sont
susceptibles d’engendrer par leur cumul sur un espace réduit, des impacts négatifs sur les
milieux naturels.
D. Gamon demande comment de tels effets peuvent être mesurés. Commentant la crainte
exprimée précédemment, il fait remarquer que le PNR choisit clairement l’environnement
comme son moteur de développement.
B. Perrin, de l’Université de Bretagne Sud, demande si on peut profiter du SMVM pour faire
un point zéro sur l’état des milieux naturels et de leurs ressources. Il demande également si le
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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Septembre 2002
territoire délimité dans le cadre du SMVM (le plan d’eau et les 20 communes riveraines)
permet d’appréhender correctement les problèmes qui se posent (en a-parte, un participant
mentionne par exemple l’apport des nitrates en provenance de la Vilaine dans le Golfe). De
toute évidence, les connaissances manquent dans ce domaine.
J.F. Minster demande s’il y a un problème de zonage entre le SMVM et le PNR et si le
zonage dans ce cas est le bon outil.
B. Perrin mentionne les deux approches complémentaires, par zone et par station, qui sont à
la base du réseau de surveillance et de son maillage actuels.
Roger Maheo, Comité scientifique Ramsar du Golfe du Morbihan, intervient pour dire
combien l’habitat est essentiel pour la faune et la flore, ce qui justifie l’approche par station.
Mais il ajoute aussi qu’il importe de bien connaître les relations fonctionnelles entre ces
habitats et qu’il faut ainsi disposer d’un maillage sur un ensemble de territoires parfois très
éloignés les uns des autres (le cas des oiseaux). Dans ces conditions, il est très difficile de
prévoir les effets de telle ou telle pression. Face à ces incertitudes, la solution est donc de
geler des territoires pour la préservation de tel milieu et de telle espèce. Le zonage
prévisionnel doit prendre ces réalités en compte.
J.F. Robic, de Bretagne Vivante, ajoute que le zonage de l’espace va influer sur la durabilité
des modes de vie et d’impact sur les milieux, quoiqu’il faille se méfier de l’attribution
exclusive de certains usages à une zone. De plus, l’expérience montre que l’on finit souvent,
sous la pression, par « grignoter » les zonages établis quelques années auparavant. La
procédure PNR est de fait plus ambitieuse.
J.F. Minster donne ensuite la parole à une autre des personnes invitées pour l’audition : Alain
Dreano, Secrétaire général de la Section Régionale Conchylicole de Bretagne Sud.
Un exemple d’activité économique : la conchyliculture
A. Dreano présente la conchyliculture comme un bon exemple d’activité économique
totalement dépendante du milieu naturel mais également de l’administration… C’est une
activité qui n’est pas toujours signalée sur le trait de côte, l’urbanisation prenant le dessus sur
la conchyliculture. Les professionnels sont passés par de nombreuses adaptations radicales :
les épizooties successives les ont amenés à passer de l’huître plate à l’huître creuse, tandis que
l’évolution réglementaire encourageait les restructurations. Cela a abouti à une diminution du
nombre d’exploitants (60% de conchyliculteurs en moins en 20 ans, pour une surface
exploitée qui n’a guère changé) et à des situations de concurrence sinon de conflits d’usage. Il
y a des années, la profession avait plutôt une position corporatiste, alors qu’aujourd’hui elle
raisonne par rapport au développement des autres activités, en terme d’approche territoriale et
pour ce qui est de la qualité du milieu. A ce titre, il y a eu un travail de vocabulaire important
au sein de la profession, pour aboutir à un véritable « apprivoisement » des mots. Les
professionnels et leurs représentants ont multiplié les lieux de rencontre pour « apprendre »
sur la réalité qui les entoure. La profession fait beaucoup d’efforts, avec certaines limites
néanmoins, comme par exemple lorsque des citadins viennent s’installer près des
exploitations existantes et se plaignent ensuite du bruit…
Pour les conchyliculteurs, un des thèmes fondamentaux du SMVM est celui de la qualité du
milieu. Ce souci de qualité doit être sous-tendu par :
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-
la définition d‘un projet multi-acteurs, prenant en compte la capacité d’accueil du
territoire et la capacité trophique du milieu ;
- la nécessité de préserver les activités primaires comme garant de la qualité ;
- l’intégration d’une culture commune qui conduise à un sentiment d’appartenance à un
territoire. En ce sens, le PNR et le SMVM peuvent être tous deux et de manière
complémentaire, porteurs d’un projet pour un territoire à condition que l’on mette l’accent
sur le contenu plus que sur l’outil institutionnel.
La profession a donc une haute conscience du rôle qu’elle joue sur le littoral et à ce titre est
désireuse d’intervenir dans les diverses instances de concertation et de gestion, ainsi que de
mieux communiquer sur le métier. Cela n’est pourtant pas toujours facile, y compris pour des
raisons très concrètes : par exemple, en décembre, période de plus forte activité pour les
conchyliculteurs. Elle participe également activement à plusieurs travaux en cours dont
l’histoire de l’évolution de la profession et la prospective sur le devenir des entreprises
existantes (optimisation des surfaces concédées, balisage sur les zones de concession), travaux
menés avec d’autres groupes d’acteurs comme L’Union des Navigateurs ou l’Agriculture.
D. Le Morvan demande si effectivement on met davantage l’accent sur le contenu que sur la
forme juridique des instruments, car selon lui, le cadre juridique détermine aussi le contenu.
A. Dreano dit qu’il faut simplement être au clair sur les objectifs à atteindre. Dans ce sens, il
pense qu’il faut privilégier l’approche territoriale en utilisant les dimensions contractuelle et
réglementaire.
J.F. Minster demande quel est le suivi de l’évolution du dispositif en place ?
A. Dreano répond que la numérisation du cadastre conchylicole est pratiquement achevée, ce
qui permettra d’avoir un bon état des lieux sur l’occupation des zones de concession, combiné
avec les données sur la qualité des eaux.
J.F. Minster constate que comme d’habitude chacun voit « ses » indicateurs à sa porte, que,
malgré les échanges, chacun reste sur sa propre stratégie…
A. Dreano répond que probablement c’est une question de maturation du ou des projets en
cours de préparation.
J.Y. Le Gall (ENSAR) intervient pour souligner l’importance des indicateurs de liaison, en
l’occurrence entre terre et mer, en se posant la question de l’occupation respective de ces
espaces, des activités qui y sont menées et de leur contribution respective à l’activité
économique régionale, question que l’on peut se poser dans le cas de la conchyliculture prise
dans son espace mer.
M. Le Berre, urbaniste, confirme que la notion d’espace est importante à prendre en compte.
Il faut à ce titre appliquer un type de zonage qui revienne à la définition de territoires de
gestion multi-usages. Elle pense qu’il faut utiliser les zones à usage unique (ex : zones de
mouillage) avec modération.
J. Pressard, maire de l’île aux Moines, s’exprime pour dire que pour les îles du Golfe, le
SMVM paraît primordial car il permettra de fixer des objectifs et des règles qui pourront
ensuite être reprises dans le cadre de gestion du PNR. Il ajoute que les élus et les usagers
veulent conserver le Golfe mais ne veulent pas s’extraire de la vie économique au nom de la
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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conservation. Son seul regret est la complexité du paysage institutionnel qui ne facilite pas la
coordination.
B. Le Boru, maire de Larmor-Baden, fait cependant remarquer combien aujourd’hui les élus
ont peu de prise sur la modification sociologique des habitants de leur commune tant les
changements sont importants (habitants de plus en plus fortunés). Dans ce contexte, il serait
bien en peine de dire qui seront les habitants de la commune dans 20 ans !
F. Hervé précise que c’est bien une des préoccupations de l’Etat et la raison de la loi SRU. En
effet, la ségrégation sociale existe de manière latente à travers la montée des prix. Il s’agit
donc de donner aux collectivités des outils de maîtrise du foncier tel que l’observatoire sur
l’évolution du coût du foncier et des catégories socio-professionnelles, que la DDE est en
train de mettre en place, et qui fournira de bons indicateurs de suivi.
J. Boyce, maire du Hézo, fait allusion aux établissements communaux et note en effet que la
deuxième génération qui les occupe a des revenus nettement moins modestes que la première.
J. Pressard mentionne que la solution parfois utilisée est la location des logements et la
suppression de l’accession à la propriété. Cela exige néanmoins des moyens financiers dont
les communes ne disposent pas toujours.
D. Lasne intervient pour dire que de toutes façons on ne retrouvera plus l’état du Golfe d’il y
a 10 ans. Le problème maintenant est d’éviter la dégradation à venir, ne serait-ce que pour
respecter les engagements internationaux de la France. Pour cela, il ne s’agit pas d’opposer
outils réglementaires et contractuels mais plutôt de faire preuve d’ingéniosité pour cibler
activité par activité des zones spécifiques.
J. Boyce commente que les règlements ne servent à rien s’ils ne sont pas acceptés et
respectés : il faut donc des moyens, notamment humains. Elle souligne également l’impact
mal mesuré de changements tels que la réduction du temps de travail ou le TGV.
Conclusion
J. F. Minster prend la parole pour conclure. Il remercie les participants pour leurs éléments
de réponse précis et confirme à nouveau qu’il ne s’agit pas d’une évaluation mais d’une
analyse de processus pour essayer de dégager des enseignements sur ce qui marche et ne
marche pas et pourquoi. Il fait ensuite part des premières observations qu’il retire de tout ce
qui a été dit :
- il lui semble que la situation est moins conflictuelle que dans les autres cas ;
- il note l’importance qui est accordée des deux côtés à la relation entre milieux continental
et océanique, au niveau des élus, de l’Etat et des usagers ;
- probablement, la situation géographique s’y prête, dans laquelle la logique d’urbanisation
accélérée est exprimée très fortement et reconnue par tous. On a là un fil conducteur
unique très mobilisateur pour le bon déroulement du processus ;
- il note également que le discours sur l’institutionnel est partout. Il est inévitable en raison
de l’évolution des besoins, des pensées, etc. On retrouve partout cette recherche de
maîtrise du « millefeuille institutionnel » qui s’impose à tous ;
- en phase de préparation, les logiques sectorielles ressortent facilement. Il s’étonne
cependant que les problèmes de pollution ne soient pas vraiment apparus dans la
discussion. Peut-être ceux-ci sont moins explicites ou sont considérés comme réglés !…
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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Septembre 2002
(A ces mots, F. Mengual, producteur de palourdes, s’insurge pour dire que les problèmes
de contamination sont toujours d’actualité).
Après ces quelques mots de conclusion, le président de la Commission Environnement
Littoral déclare la séance close non sans avoir remercié les personnalités invitées ainsi que
tous les autres participants pour leur contribution active.
_____
Commission Environnement Littoral
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Commission Environnement Littoral
Evaluation des processus de gestion des zones côtières
Etude de cas n° 5 : Bassin d’Arcachon
Compte rendu de l’audition du 21 mars 2002 après-midi
(Mairie d’Arcachon)
Personnes auditées
- Raymond Bidondo, Président de la Coordination Environnement Bassin d’Arcachon
- Pierre Davant, Association SEPANSO
- Marc Druart, Président de la SRC Arcachon-Aquitaine
- Frédéric Michaud, Chef du Service Maritime (DDE) Gironde
- Michel Sammarcelli, Vice-Président du Syndicat Intercommunal du Bassin
d’Arcachon
- René Serrano, Conseiller Général de la Gironde
Introduction
Le président ouvre la séance en demandant à chaque participant de se présenter.
Il fait ensuite une présentation détaillée de la Commission, son historique et l’objectif qu’elle
s’est fixé à travers la sélection de cinq études de cas (Mer d’Iroise, Rade de Brest, Pertuis
Charentais, Golfe du Morbihan, Bassin d’Arcachon) sur le littoral atlantique. La cinquième et
dernière étude de cas est le bassin d’Arcachon. Cette réunion a donc pour objet d’écouter les
différents interlocuteurs, d’abord les personnes pressenties pour l’audition mais également
tous les autres participants désirant intervenir, afin de chercher à comprendre comment les
différents projets sur le bassin d’Arcachon fonctionnent, ce qui marche et ce qui ne marche
pas et pourquoi ? Suite à cette audition, le compte rendu sera transmis aux principaux
intervenants pour leur information et leurs éventuels commentaires.
A l’intention des participants, le président termine son introduction par la lecture des sept
questions qui sous-tendent la démarche de la Commission axée sur les processus de gestion
intégrée des zones côtières : Enjeux, Acteurs, Outils, Connaissances, Résultats, Mise en
œuvre et suivi, Pérennité/Adaptation.
Présentation du SMVM
Le président invite F. Michaud, Chef du Service Maritime de Gironde, à présenter l’histoire
et le contenu du SMVM du Bassin d’Arcachon.
Ce dernier fait état des principaux points suivants :
. Le SMVM est un instrument de planification créé par la loi de décentralisation (1983) et
dont les objectifs ont été précisés dans la loi littoral de 1986. Il détermine la vocation des
différents secteurs de l’espace maritime et littoral en définissant la compatibilité entre les
différents usages et précise les mesures de protection.
. Il a la même valeur juridique qu’une directive territoriale d’aménagement (DTA). Les
documents d’urbanisme devront donc, si nécessaire, être rendus compatibles avec les
prescriptions définies par le SMVM.
. Le SMVM étant un document de planification et d’orientation, il reste à un niveau général
en matière de développement, de protection et d’équipement. Hors de son périmètre, en
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particulier vers les bassins versants, il n’énonce que des recommandations destinées à être
reprises et interprétées dans les SAGE.
L’arrêté préfectoral du 1er avril 1994 donne la liste des 10 communes riveraines du Bassin
qui correspondent à la délimitation de la zone d’intervention du SMVM. Cette délimitation
s’est faite après consultation des communes concernées, du Département de la Gironde et
de la Région Aquitaine. Outre le bassin, elle comprend une bande océane de 3 milles.
De mai 1994 à mars 1996, le travail s’est fait en commissions thématiques (Pêches et
Cultures marines – Tourisme, Loisirs et Plaisance – Qualité des eaux, Protection du
milieu), en s’appuyant sur les études existantes. Un important travail d’intégration,
d’analyse et de synthèse a abouti à la publication d’un « Livre Bleu » en novembre 1996,
décrivant la situation existante et établissant un diagnostic.
Deux structures cadrent le processus de préparation et de concertation : un Comité de
pilotage qui représente tous les groupes d’acteur, et un Groupe de travail qui regroupe,
sous la présidence du Préfet, les représentants des collectivités territoriales, des chambres
consulaires, des organismes socioprofessionnels, des services déconcentrés de l’Etat, des
établissements publics et des associations concernés. Le Groupe de travail valide la
procédure et les documents produits au cours des différentes phases. Le livre bleu a été
approuvé par le Groupe de travail en janvier 1997.
Cinq groupes de réflexion (Evolution morphologique, Qualité de l’eau, Plaisance et
Loisirs, Pêches et Cultures marines, Patrimoine Nature) ont ensuite été constitués pour
élaborer des orientations sur les bases du livre bleu.
La grande pierre d’achoppement qui a bloqué le processus de début 1998 à fin 1999, a été
le constat de blocage sur la vocation du site du Lapin Blanc (commune de la Teste), quant
à l’opportunité d’un nouveau port de plaisance ou non.
En décembre 99, le Préfet tranche pour un aménagement limité du site. Le SMVM mis en
forme par le Service Maritime est alors présenté au groupe de travail, en vue d’engager la
procédure d’approbation.
Transmis en mars 2000 par le Préfet, le projet de SMVM a reçu un avis favorable des
ministères concernés. Une consultation publique s’en est suivie (juin à octobre 2001)
pendant laquelle 370 personnes ont fait part de leur avis sur les registres. L’ensemble du
dossier a ensuite été transmis par le Préfet au Préfet maritime pour que ce dernier puisse le
faire suivre vers les administrations centrales et le Conseil d’Etat.
Le contenu du SMVM porte sur la protection du milieu marin, les pêches et les cultures
marines, et la plaisance liée à la mer en termes de vocation d’usage et de vocation d’image.
Le suivi est bâti sur les commissions existantes, les modalités d’adaptation restant par
ailleurs succinctes.
En conclusion, M. Michaud voit deux résultats majeurs issus de cette phase de préparation
du SMVM : une prise de conscience collective de certains enjeux, et un approfondissement
très large des connaissances.
Suite à cet exposé, J.F. Minster pose quelques questions sur le processus mis en œuvre et
désirerait notamment savoir si la description des enjeux est apparue seulement fin 96, c’est-àdire après la publication du livre bleu.
F. Michaud répond que c’est le travail préparatoire qui a permis la construction d’une vision
commune et d’une analyse partagée des problèmes, ce qui, auparavant, ne s’était jamais
produit.
J.F. Minster demande si les trois grandes orientations du SMVM sont basées sur une
démarche prospective.
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F. Michaud répond que le livre bleu correspond à un travail poussé sur l’analyse prospective,
sur un certain nombre de thèmes.
J.F. Minster demande quelle est l’échéance prise pour cette analyse prospective, à 20 ou 25
ans ?
Selon F. Michaud, un SMVM donne des orientations à 20 voire 30 ans, mais en fait l’horizon
concret dans le cas d’Arcachon est plutôt de 10 à 15 ans.
J.F. Minster demande ensuite si tous les acteurs ont été sollicités et représentés dans le
processus. Y-a-t-il eu des problèmes dans l’identification ou la représentation de tel ou tel
groupe ?
F. Michaud répond que l’identification est facile lorsqu’il s’agit de milieux socioprofessionnels structurés ou d’associations environnementales bien organisées, mais qu’il y a
d’autres acteurs beaucoup plus difficiles à appréhender. Il cite en exemple les associations de
riverains plus ponctuelles, et surtout les touristes qui effectivement ne sont pas directement
représentés.
Mme M. Denechaud, représentant l’association des plaisanciers du bassin d’Arcachon,
précise qu’il y a bien eu participation active de leur part et que celle-ci a même conduit à la
mise en place d’une coordination de bassin informelle entre associations d’usagers du bassin.
J.F. Minster pose la question des touristes, souvent perçus uniquement pour leur qualité de
consommateurs et peu ou pas pour leur qualité d’acteur au même titre que les autres, et
demande à ce titre s’ils peuvent être représentés par les élus.
M. Sammarcelli fait remarquer que le SMVM a fait la une de tous les journaux locaux et des
bulletins municipaux pendant trois étés, durant lesquels de nombreuses réunions de quartier
ont été organisées : il y a donc eu un effort de communication vis-à-vis des touristes, le
problème étant que beaucoup ne se sont pas sentis concernés.
J.F. Minster reprend une des grandes orientations du SMVM sur la protection du milieu
marin et demande si dans ce cadre, les agriculteurs ont été consultés.
F. Michaud reconnaît que les agriculteurs n’ont pas véritablement été associés à l’élaboration
du SMVM. Toutefois, il précise que l’une des recommandations du SMVM est de mettre en
place un SAGE sur le bassin versant de La Leyre, dont la CLE (Commission Locale de l’Eau)
doit d’ailleurs être désignée par le Préfet dans les tous prochains jours. En outre, le SIBA et le
Parc Naturel Régional ont aussi lancé des études pour d’autres SAGE.
La représentante du Parc Naturel Régional Landes de Gascogne, Mme C. Navrot, confirme la
préparation en cours de trois SAGE autour du bassin d’Arcachon.
F. Deluga, Député Maire du Teich, prend la parole pour dire que le SMVM est le résultat de
15 ans de conflit. Il a fait passer le Bassin d’une situation de conflits à une situation de
dialogue, bien que cette évolution ne soit pas de son seul fait. En effet, beaucoup de choses se
passent en parallèle avec le SMVM et il faudrait que celui-ci devienne vite effectif pour
pouvoir s’atteler à un certain nombre de problèmes comme celui des rejets de dragage. F.
Deluga rappelle toutefois que le retard est dû essentiellement à l’opposition d’une unique
commune, qui a repoussé de quatre ans l’émergence d’un consensus.
J.F. Minster remarque que ce n’est pas le SMVM en soi mais les changements qui s’opèrent
dans la société qui font avancer les choses. Il demande si le SMVM est considéré comme le
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bon outil pour répondre à ces changements, et notamment s’il est encore adapté maintenant
que les conflits se sont apaisés.
D. Gamon complète la question en demandant si cet outil SMVM est susceptible d’être
suffisamment pérenne et donc de s’adapter aux changements inévitables de contextes à travers
le temps.
Pour R. Serrano, Conseiller Général de la Gironde, la question est de savoir si le SMVM va
permettre de mobiliser les compétences et les savoir faire. Pour lui, le SMVM n’est ni plus ni
moins qu’une « cartographie des compromis acceptables ». Ce n’est pas un outil qui va
permettre de répondre aux problèmes de développement dans l’espace côtier, cette bande
terre-mer qu’il va bien falloir définir un jour pour sortir de l’exclusivité maritime. Le SMVM
définit un plus petit dénominateur commun mais n’est pas un outil de développement durable.
F. Deluga se demande qui va assurer le suivi du SMVM. Il évoque le cadre probable du
Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) de la loi SRU mais explique que le SMVM
deviendra malgré tout orphelin sitôt adopté. Doit-on compter sur la Communauté
d’Agglomération des communes du sud du bassin, sur le SIBA qui déjà s’occupe de la gestion
du plan d’eau sous bien des aspects et a la compétence SCOT, ou bien sur l’Etat. Il faut bien
voir que le bassin d’Arcachon est aujourd’hui une agglomération littorale avec quelque
100.000 habitants permanents et beaucoup de problèmes de type urbain. La croissance
démographique y est encore de 2% par an (quasiment +2000 personnes/an) et le ruissellement
des eaux pluviales sur les zones urbanisées va devenir de plus en plus problématique.
En conclusion, il rappelle que l’Etat est le gestionnaire du Domaine Public Maritime mais
qu’il ne semble pas remplir son rôle, en ce sens qu’il récupère les redevances sur le littoral
mais intervient peu au bénéfice de ce même littoral. Il demande à ce titre que soit précisé le
rôle de l’Etat sur le littoral.
R. Bidondo, Président de la Coordination Environnement du Bassin d’Arcachon, renchérit en
demandant qui va effectivement faire vivre le SMVM. L’Etat est-il prêt à déléguer la gestion
aux collectivités locales ?
F. Michaud pour sa part, ajoute que le SMVM ne règlera certes pas tous les problèmes mais
qu’il a le mérite d’exister. Il faut le considérer comme un cadre à l’intérieur duquel vont se
développer des partenariats et s’inscrire de nombreuses actions, cadre pas si minimal qu’on
veut bien le dire puisque beaucoup n’auraient pas approuvé le document actuel il y a encore
quelques années. Pour la cohérence des actions, il faudra en effet réfléchir à l’articulation
SMVM-SCOT.
M. Druart, de la Section Régionale Conchylicole Arcachon-Aquitaine, revient sur la genèse
du SMVM. Il rappelle que les ostréiculteurs l’ont demandé depuis 1987 car la profession en
avait assez d’assumer à elle-seule tous les problèmes de gestion du plan d’eau dont elle était
régulièrement victime. L’importance du SMVM tient donc surtout au fait qu’il est opposable
aux tiers, ce qui n’était pas le cas du SAUM. Selon lui, les élus ont fini par accepter le SMVM
pour sortir de la situation de blocage sur les ports de plaisance. Il reconnaît toutefois que l’on
aurait pu en effet voir plus large dans le contenu même de ce SMVM.
J.F. Minster demande à M. Michaud s’il estime que la base de connaissances est
suffisamment large et que le partage de ces connaissances est adéquat.
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F. Michaud répond qu’il y a un problème de continuité des partenariats avec des domaines
solides comme la gestion de l’eau, et d’autres qui le sont moins.
M. Sammarcelli ajoute que cette phase de préparation du SMVM a suscité une telle
effervescence qu’une fois finie, on a l’impression que tout s’est arrêté. En fait la concertation
a continué et continue dans plusieurs domaines comme l’hydraulique. La question qui se pose
maintenant est de savoir qui va appliquer le SMVM et avec quels moyens. En effet, comme
chacun sait, il n’y a pas de gestion sans argent.
J.F. Minster remarque qu’il apparaît clairement que le SMVM est un cadre réglementaire
mais n’est pas un outil opérationnel. Il se tourne vers R. Serrano afin qu’il fasse part de
l’expérience du programme européen TERRA sur le Bassin d’Arcachon.
Le projet TERRA Symphonie
R. Serrano adresse tout d’abord les remerciements du Conseil Général à l’IFREMER et se
félicite de l’évolution des comportements qui aujourd’hui permet ce genre d’événement qui
aurait été inimaginable il y a seulement quelques années.
En 1996, se met en place sous l’impulsion de l’Union Européenne un réseau de sites pilotes
pour la gestion intégrée des zones côtières. Son objectif général est de démontrer sur site
qu’une large diffusion de l’information relative à l’état d’un milieu, couplée avec une
concertation entre tous les acteurs concernés par l’avenir de ce milieu, pouvaient faire
progresser sur la voie du développement durable. Après des négociations ardues, le projet
TERRA Symphonie du bassin d’Arcachon voit le jour en 1997, pendant les années difficiles
de la phase préparatoire du SMVM. Les communes s’étaient dans un premier temps souvent
montrées réticentes de peur que TERRA ait vocation à gérer le milieu, ce qui n’était bien sûr
pas du tout le cas. Ce projet a bénéficié d’une étude intégrée extrêmement pertinente réalisée
par l’IFREMER, très bien synthétisée dans les 18 pages terminales du volumineux rapport.
Sur cette base, et à l’aide d’autres rapports complémentaires, trois documents ont été réalisés
sur les outils existants, l’état de l’environnement, et la présentation du projet lui-même. Suite
à une large diffusion de ces documents, beaucoup d’acteurs ont réagi sauf les élus qui ont été
plutôt absents. Le Conseil Général a bâti un comité de pilotage regroupant un certain nombre
d’experts chargés d’identifier les problèmes incontournables. Sept commissions thématiques
ont ainsi été créées sur les thèmes suivants :
- Quantification des pressions polluantes issues des activités sur le bassin versant ;
- Evaluation des fonctions des zones humides pour leur préservation ou leur
aménagement ;
- Optimisation des techniques de dragage et élimination des sédiments portuaires ;
- Exhaussement des fonds en amont du bassin ;
- Aménagement et gestion de l’île aux Oiseaux ;
- Création d’un observatoire du bassin d’Arcachon ;
- La Route de l’Huître ou la valorisation touristique de l’activité ostréicole et du
patrimoine maritime.
Plus généralement, le programme de l’UE mettait l’accent sur la participation, le croisement
d’information, le dialogue, etc., et a donc contribué à l’émergence en une vingtaine d’années
d’un sens commun et d’une demande de participation et de transparence autour du bassin. A
cet effet, a notamment été créé un bulletin d'information dont 7 numéros ont été distribués
dans 14.000 boîtes aux lettres pendant toute la durée du projet.
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Dans le cadre du même projet, une collaboration transnationale avait été mise en place entre
le Conseil Général de la Gironde, l’association des communes de Vale de Lima au Portugal et
la communauté de communes de Costera-canal en Espagne.
Outre les études entreprises, le principal résultat de ce projet a été la modification des
comportements. Mais les effets d’un programme n’ont qu’un temps et se pose aujourd’hui le
problème de la continuité des actions avec des outils adaptés. Dans ce sens, il importe de :
- dépasser la recherche de l’immédiat pour aller vers une planification plus vaste, plus
dense,
- prendre en compte l’interface terre-mer,
- prendre en compte des territoires plus vastes,
- rechercher une cohérence nationale au sein de l’entité européenne,
- accroître le partage des savoirs.
A la suite de cet exposé, J.F. Minster résume le projet TERRA comme un choix ciblé
d’études permettant de développer des bases d’information et des outils. Il demande si les
acteurs se sont emparés des résultats pour les mettre en action.
Selon R. Serrano, il y a un problème de relation entre problème prioritaire et échelle de
traitement qui doit être posé avant de pouvoir passer à la planification avec les collectivités.
Force est de constater que le programme TERRA ne correspond pas nécessairement aux
priorités des collectivités !…
J.F. Minster cite en exemple l’action Conservation des zones humides : s’intègre-t-elle dans
une des grandes orientations du SMVM ou poursuit-elle un processus indépendant ?
R. Serrano constate qu’en l’occurrence, on a une démarche formelle (SMVM) opposée à une
démarche d’experts (TERRA). Selon lui, derrière le SMVM, il n’y a pas de vocation de
bassin.
Les actions du SIBA
J.F. Minster donne ensuite la parole à M. Sammarcelli, Vice-Président du Syndicat
Intercommunal du Bassin d’Arcachon (SIBA).
Ce dernier rappelle tout d’abord que le SIBA a aujourd’hui 38 ans. Le but à sa création était
de préserver la qualité du Bassin d’Arcachon, à une époque où il n’y avait aucun
assainissement et où l’environnement n’était pas la préoccupation première des élus.
Quelques 40 ans plus tard, son bilan en matière d’assainissement est le suivant :
- 99% des propriétés autour du bassin sont desservies par le réseau (60.000 abonnés) ;
- 900 km de réseau de collecte ont été réalisés ;
- 4 stations d’épuration ont été construites ;
- 250 Millions d’Euros ont été investis ;
- cet effort conséquent a permis d’avoir des plages classées en A ainsi que
l’ostréiculture également classée en A, lui permettant de ne pas avoir à faire de
purification des huîtres avant la vente.
Les gros problèmes auxquels doit faire face le SIBA aujourd’hui en matière d’assainissement
tiennent aux coûts considérables de renouvellement des équipements, de mise aux normes des
stations d’épuration (traitement biologique + bactéricide), et à la maîtrise des apports d’eaux
pluviales liés à une urbanisation rapide. La reconquête de la qualité de l’environnement de la
Salie est également à l’ordre du jour.
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Les autres missions plus récentes du SIBA concernent la maîtrise d’ouvrage des travaux
d’hydraulique du Bassin, dans le cadre du Contrat de Plan Etat-Région, le nettoyage du DPM
du Bassin, particulièrement les massifs d’huîtres sauvages, la mise en œuvre d’un plan
d’action pour l’amélioration de la qualité des plages, et la lutte biologique contre l’extension
des spartines.
J.F. Minster demande si aujourd’hui, on appliquerait la même démarche.
M. Sammarcelli répond que sans doute les choses ont évolué. Aujourd’hui, il y a consensus
sur l’environnement du bassin d’Arcachon, comme par exemple par rapport à l’importance du
problème des eaux pluviales.
J.F. Minster demande si le SIBA peut être considéré comme un des outils d’accord de
gestion, et si à ce titre, il serait en mesure d’assurer la déclinaison concrète du SMVM.
M. Sammarcelli remarque que le SIBA ne s’est occupé jusqu’à présent que de problèmes
techniques, mais qu’il ne voit pas d’obstacle majeur à prendre en main l’application du
SMVM pour peu qu’on lui en donne les moyens en termes de définition des responsabilités et
de financement.
J.F. Minster demande si une contractualisation avec l’Etat est possible.
R. Serrano ajoute que l’on pourrait imaginer une convention tripartite avec l’Etat et l’Europe.
M. Michaud répond que la contractualisation est possible dans différents domaines couverts
par le SMVM.
P. Davant, de l’association SEPANSO, appuie le nouveau discours du SIBA. Il demande de
la transparence pour laquelle les associations sont prêtes à servir de relais car, il ne faut pas
l’oublier, il y a les structures et il y a les hommes, et le blocage passé du SMVM par une seule
personne en est une illustration. Les associations se félicitent de la création du SMVM car ce
sera la loi, notamment pour la conservation des zones humides. Elles se félicitent également
de l’initiative récente du Préfet de création d’un Conseil Supérieur pour l’aménagement et la
protection du littoral, initiative pionnière en France. Il conclut que dans le débat
environnemental, les associations sont les meilleurs gardiens contre tout développement
dommageable pour les équilibres du milieu. Il reconnaît toutefois également les limites de ce
fonctionnement à travers l’exemple de l’implantation d’un club de vacances, que les
associations ont réussi à repousser à Arcachon mais qui s’est du coup implanté en forêt de la
Coubre (17) où les contre-pouvoir étaient moins puissants.
J.F. Minster conclut sous forme de message : les connaissances resteront pendant longtemps
encore (si ce n’est toujours) insuffisantes pour pouvoir faire des études d’impact et de la
prévision à long terme. Il souligne en revanche l’importance des outils de surveillance
susceptibles de fournir les données et, à travers l’évolution de ces données dans le temps, les
indicateurs de changements auxquels tout plan d’action doit pouvoir s’adapter.
Il remercie les personnes auditées, plus particulièrement MM. Michaud, Serrano et
Sammarcelli pour leurs présentations, ainsi que l’ensemble des participants pour leur
contribution active aux échanges de cet après-midi.
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Nom
PARTICIPANTS
Organisation
HENOCQUE Yves
IFREMER, Direction Environnement Littoral
BOUDOU Anne
MATE, Cabinet
GAMON Dominique
Conseil Régional de Bretagne
GRACIEUX Hélène
Maire Adjoint Urbanisme Arcachon
COEURET Eugène
1er Adjoint Arcachon
CHARDY Pierre
Station Marine d’Arcachon
BAILLET Joël
Maire de Langon
De MONTAUDOUIN Xavier
Station Marine d’Arcachon
GAUTIER Alain
Directeur Général Port d’Arcachon
CHENESSEAU Pascal
Directeur Mer et Ports – CG 33
DELUGA François
Député Maire du Teich, Président COBAS
HOUDART Michel
IFREMER, Direction Environnement Littoral
PENNAGUER Stéphane
Université de Bretagne Occidentale (Cedem)
BILLE Raphaël
ENGREF, Paris
BASSET Elisabeth
MATE / Direction de l’Environnement
DENECHAUD Mireille
Association des Plaisanciers du Bassin d’Arcachon
DAVANT Pierre
Ass. SEPANSO
CAPDEVILLE Pierre
Directeur Adjoint du SIBA
CHAMBOLLE François
Adjoint Environnement Urbanisme, Mairie d’Arès
GADOU Francis
Maire d’Audenge
SOULERES Olivier
Office National des Forêts
LE GALL Michel
Directeur Général des Services, Ville de Gujan-Mestras
HERSENT Olivier
Direction Départementale de l’Equipement (SATO)
CAPDEVILLE Jean-Pierre
BRGM
AUBIN Daniel
Institut des Milieux Aquatiques (Biarritz)
ARISCON René
CEBA
BIDONDO Raymond
CEBA
DRUART Marc
Président de la S.R.C. Arcachon-Aquitaine
JEREZ Alain
Président du C.L.P.M. Arcachon
LALLEMAND Olivier
DRAM Aquitaine
PERRIN M.F.
Conseillère municipale déléguée à l’environnement, Ville de La
Teste de Buch
NAVROT Cathy
PNR Landes de Gascogne
SAINT AVRENS Lucienne
Conseillère Municipale. Commission Environnement. Représentant
le Maire de Biganos
GUIZARD Bertrand
DDAF de la Gironde
HAMMEL Vincent
Agence de l’Eau Adour-Garonne
MUSSON Marine
Conservatoire du Littoral
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ANNEXE 4
Liste des participants à la Commission Environnement Littoral
Président
M. MINSTER Jean-François
Président-Directeur général de l’IFREMER
Rapporteur
M. LE MORVAN Didier
Directeur du CEDEM/Université de Bretagne Occidentale,
Rédacteur
M. HENOCQUE Yves
Chef de projet – IFREMER-Toulon
Experts
Mme ALLAG-DHUISME Fabienne
Responsable de la cellule de gestion de la connaissance à la
direction de la Nature et des Paysages – MATE
Mme BASSE Elisabeth
Direction des Etudes Economiques et de l'Evaluation
Environnementale - MATE
Mme BOUDOU Anne
Conseillère technique auprès du cabinet du Ministre de
l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement
Mme GUICHARD Dominique
Direction de la Nature et des Paysages - MATE
Mme HELLEISEN Anne-Marie
Chef de Cabinet du Secrétariat Général de la Mer
M. BERTHET Jean-Marie
Chargé de mission à la DATAR
M. BILLE Raphaël
Doctorant à l’ENGREF - Paris
M. BRASSELET Yvon
Conseiller Régional des Pays de la Loire
M. CHATELIN Patrick
Membre du Bureau du Conseil Economique et Social Régional
de Poitou-Charentes
M. ELAIN Yves
Directeur Général Adjoint au Conseil Régional de Bretagne
M. HELARY Yann
Conseiller Technique auprès du cabinet du Ministre de
l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement
M. GAMON Dominique
Directeur de l’Environnement au Conseil Régional de Bretagne
M. HOUDART Michel
Chargé de mission, IFREMER – Issy-les-Moulineaux
M. KBAIER Rouchdy
Directeur-adjoint du cabinet du Ministre de l’Aménagement du
Territoire et de l’Environnement
M. LE LAMER Christian
Conseiller auprès du Secrétaire Général de la Mer
M. MACE Michel
Membre du Conseil Economique et Social Régional de
Bretagne
M. PENNANGUER Stéphane
Doctorant à l’Université de Bretagne Occidentale
M. TEMPLE Philippe
Chargé de mission à la direction des Etudes Economiques et de
l’Evaluation Environnementale -MATE.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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Documents consultés
Mer d’Iroise
- Site Web sur la Mer d’iroise
- Etude économique des activités liées à la mer d’Iroise – Partie 3, Synthèse. Août 1999
(Portances Conseils)
- Un Parc National en mer d’Iroise ? (Brochure Préfecture Maritime de l’Atlantique,
Préfecture du Finistère)
Rade de Brest
- Etat des lieux et des milieux de la rade de Brest et de son Bassin versant : phase
préliminaire du Contrat de baie de la rade de Brest. Communauté Urbaine de Brest,
1997.
- Le Programme Rade : contrat de baie. Troisième Rencontres scientifiques
Internationales. Communauté Urbaine de Brest, 1995.
Pertuis Charentais
- La place de la recherche dans les procédures de gestion intégrée des Pertuis
Charentais. IFREMER (P. Goulletquer), 2000.
- Un projet pour le marais poitevin. Document de travail provisoire. P. Roussel, 2001.
- Schéma de mise en valeur de la mer sur le littoral charentais, Novembre 1997.
Golfe du Morbihan
- Projet de Parc Naturel Régional du Golfe du Morbihan. Syndicat Intercommunal
d’Aménagement du Golfe du Morbihan (SIAGM). 2001.
- Les territoires du Golfe du Morbihan. DDE, Service Prospective et Aménagement du
Territoire. 1999
- Comité de suivi SMVM-Natura 2000-RAMSAR. Préfecture du Morbihan. 2000.
- Schéma de Mise en Valeur de la Mer. Comité de pilotage du 8 juin 2001. Relevé de
conclusions.
- Maquette de la charte du Parc Naturel Régional du Golfe du Morbihan. Objectifs
2003-2013. SIAGM, 2001.
Bassin d’Arcachon
- Schéma de Mise en Valeur de la Mer du Bassin d’Arcachon. Document communiqué
pour avis et mise à disposition du public. DDE, Service Maritime et de Navigation de
la Gironde. Mars 2001.
- Etude intégrée du bassin d’Arcachon. Synthèse. IFREMER, 1997.
- Programme Européen TERRA Symphonie pour le bassin d’Arcachon : Les outils
existants – Présentation du projet – Etat de l’environnement. Conseil Général de la
Gironde / Concercost / Union Européenne. 1999.
Commission Environnement Littoral
Rapport au Gouvernement
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Documents pareils