L`hydroélectricité concilie les usages
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L`hydroélectricité concilie les usages
International | Europe 22 La révolution verte dans les territoires Ségolène Royal Ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, chargée des relations internationales sur le climat À l’issue de la remise des prix de la Green Tech Verte le 31 mai 2016 à l’hôtel de Roquelaure (voir article pp. 18-19), Ségolène Royal a accepté de répondre, en exclusivité, à quelques questions d’Europe parlementaire sur les énergies renouvelables. La ministre de l’Environnement y rappelle les enjeux de sa loi sur la croissance verte. Propos recueillis par César Armand Depuis le lancement de la Green Tech Verte en février 2016 avec Emmanuel Macron, vous avez lancé des appels à projet en faveur de l’hydrogène, de l’hydroélectricité et de l’autoconsommation photovoltaïque. Pourront-ils faire l’objet d’une Green Tech Verte II ? Ségolène Royal : C’est en cours ! Nous attendons, pour l’instant, les résultats de ces trois appels à projet. Ensuite, pourquoi pas ? L’hydroélectricité, quant à elle, représente déjà 75 % des énergies renouvelables. La petite hydraulique, c’est mettre des éoliennes sur les piles des ponts, des hydroliennes dans l’eau, ou encore la rénovation des moulins pour concilier écologie et économie. La loi sur la transition énergétique a vocation à donner naissance à des start-up. S. R. : Effectivement ! La loi sur la transition énergétique a vocation à donner naissance à des start-up. Encore faut-il trouver l’idée complémentaire. Il ne s’agit pas simplement de construire un barrage… Cela pourrait-il se traduire dans les territoires à énergie positive que vous avez impulsés ? S. R. : J’ai lancé un appel à projets sur la petite hydraulique. La petite hydraulique, c’est mettre des éoliennes sur les piles des ponts, des hydroliennes dans l’eau, ou encore la rénovation des moulins pour concilier écologie et économie. Il faut arrêter de détruire les moulins, mais les rénover intelligemment. Les EnR peuvent-elles être complémentaires… S. R. : Tout à fait, c’est une question de complémentarité. Photo © B. Penalba Jean-Paul Chanteguet : « Il existe un potentiel de développement ! » Interrogé par Europe parlementaire après les questions au Gouvernement le 25 mai 2016, le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale connaît bien, lui aussi, la filière de l’hydroélectricité : « C’est un vrai sujet pris aujourd’hui entre continuité écologique et développement des énergies renouvelables. Il existe un potentiel de développement ». Europe parlementaire | trimestriel | № 28 | juillet – août – septembre 2016 EP28-TRIM3-2016-INT-fab-01.indd 22 27/06/16 17:03 International | Europe 23 Photo © Francoi -Sechet L’hydroélectricité concilie les usages écologiques et économiques Anne Pénalba Présidente de France Hydro Électricité (syndicat national de la petite hydroélectricité) Alors que la loi de transition énergétique vient d’être votée et que madame la ministre vient de lancer un appel à projets en petite hydroélectricité, la politique de l’eau est en contradiction avec les ambitions énergétiques de la France et déstabilise la filière. Ralenti par une longue période d’incertitude réglementaire et par l’augmentation des exigences environnementales, le développement de la petite hydroélectricité est en effet en perte de vitesse depuis quelques années. La politique de continuité écologique, telle qu’elle est menée en France, promeut une vision naturaliste de la DCE* qui écarte la notion de partage des usages, pourtant prévue par la loi. Anne Pénalba, cheffe de file de la petite hydroélectricité, plaide pour plus de cohérence des politiques publiques. Quels sont aujourd’hui les freins au développement de l’hydroélectricité ? Anne Pénalba : Lorsqu’un porteur de projet se lance dans l’hydroélectricité, les démarches lui prendront de 3 à 7 ans… si tant est que le projet soit recevable ! En effet, 72 % du potentiel hydroélectrique se trouve condamné par les classements des cours d’eau. Classements que France Hydro Électricité a largement contestés en dénonçant le manque de fondement scientifique et l’absence de consultation des élus locaux, pourtant directement concernés. Parallèlement, il est impératif que le cadre économique et réglementaire se stabilise pour donner une chance aux projets de voir le jour : arrêtons de changer les règles du jeu tous les cinq ans au niveau européen et gardons les mêmes mécanismes de soutien dans la durée. Enfin, les prix actuels du marché de l’électricité ne suffisent plus à couvrir ni les coûts de maintenance, ni la fiscalité, la plus lourde de toutes les énergies renouvelables. Produire de l’électricité renouvelable en continu relève de l’intérêt général. Quelles solutions apportez-vous concrètement ? A. P. : Nous sommes une filière innovante qui maîtrise ses impacts écologiques et technologiques. Un aménagement hydroélectrique bien conçu permet une cohabitation harmonieuse entre les différents usages de l’eau. La loi sur l’eau, adaptée de la directive européenne du même nom (DCE), prône la conciliation des usages économiques et écologiques. Aussi, demandons-nous aux régulateurs de sortir du dogmatisme écologique qui ne permet pas aujourd’hui de développer les énergies renouvelables. Produire une électricité renouvelable en continu, complémentaire aux autres énergies renouvelables plus intermittentes comme l’éolien ou le solaire relève de l’intérêt général ! La filière est frustrée de n’être considérée que comme un obstacle à la continuité écologique et non pas comme un acteur économique du développement durable dans les territoires. De nombreux élus se sont joints à notre combat lorsqu’ils ont réalisé la difficulté de lancer un projet de petite hydroélectricité sur leur territoire. Ils ne reconnaissent plus la loi sur l’eau qu’ils ont votée. La ministre vient de lancer un appel à projets sur la petite hydroélectricité. Qu’est-ce que cela va changer pour votre secteur d’activité ? A. P. : C’est une excellente nouvelle dont nous sommes évidemment satisfaits. L’hydroélectricité étant un véritable atout dans un paysage énergétique en pleine mutation, cet appel à projets résonne comme du bon sens et atteste du soutien politique à la filière. À l’heure de la dépendance au pétrole centralisé, il est plus que temps de revaloriser une énergie répartie, décentralisée et qui n’émet pas de CO2 dans l’atmosphère. L’hydroélectricité répond à ces enjeux tout en créant des emplois verts non délocalisables et de la croissance durable dans les territoires. *DCE : directive européenne sur l’eau Europe parlementaire | trimestriel | № 28 | juillet – août – septembre 2016 EP28-TRIM3-2016-INT-fab-01.indd 23 27/06/16 17:03