Architecture ? Art

Transcription

Architecture ? Art
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Art !
Architecture ?
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Rapport de Licence
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Jean-François Dary Colonna
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Sommaire
Avant-propos
3
Paris, mon amour
7
Questions de représentation
11
Affichage
15
Réalité artificielle
19
L’art et la technique
23
Derrière l’objectif
27
Le stress, fiche technique
30
Les autres et moi
34
Architecte ?
40
Conclusion
44
Avant-propos
Comment en suis-je arrivé là ?
Parler de soi est un exercice difficile, il nécessite un certain recul, un
regard critique et une éternelle remise en question. Le recul n’est pas
chose aisée pour moi qui ai sans cesse la tête dans le guidon, « stresseur
chronique » pour qui tout semble insurmontable, cependant le regard
critique et la remise en question, ça me connaît !
Voilà bientôt cinq ans que j’ai quitté le lycée pour les études
supérieures.
5 ans ! Le temps passe vite.
J’aurais pu être en master à Belleville, après avoir réussi le concours
d’entrée à la fin de mon année de MANAA en 2009... Mais non! La
réalité est tout autre, j’ai fais des choix, des choix qui m’ont changé.
En décidant de passer par la case école Boulle au lieu d’intégrer
Belleville, je n’avais pas la moindre idée de ce qui m’attendrait là-bas.
Je quittais ma ville natale, Marseille, pour la capitale et l’une de ses
écoles d’art la plus prestigieuse. Je savais simplement que je voulais
y aller, ayant toujours hésité (toujours, depuis que l’idée de faire des
études d’architecture m’est venue, en première, au lycée) entre le
design, l’architecture d’intérieur et l’architecture tout court.
3
Après tout, l’architecture attendrais quelques années de plus.
C’est un peu par dépit que j’arrive à La Villette en 2011, fraîchement
diplômé en Design d’espace. Je dois avouer que je n’étais pas très
enthousiaste. C’est quoi cette école ? Les locaux sont pourris ! Et puis moi je voulais
Malaquais ! De toute façon, après la licence, je me casse ailleurs...
Aujourd’hui je fini ma licence d’architecture, après quatre années
fortes en émotions, et je regarde en arrière : qu’est-ce que mes deux
années à Boulle m’ont apporté ? En quoi l’art avant l’architecture a-til été un atout ? En a-t-il été un d’ailleurs ? La Villette est-elle une si
mauvaise école que je le pensais ? Ce rapport de licence est l’occasion
pour moi de m’arrêter un instant et de me questionner sur mon
parcours, celui qui m’a façonné, m’a construit et a commencé à faire
de moi, je l’espère, un futur architecte.
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Galerie Véro-Dodat, Jean François Dary Colonna
Paris, mon amour
J’empruntais une fois encore la galerie Vivienne
pour flâner à l’abri de la pluie et regarder ses
vitrines où le temps semble s’être arrêté.
Je me souviens très bien de mon premier voyage à Paris, c’était en
Janvier 2009. Pour Marie Romezin, enseignante de Mise à niveau en
arts appliqués, ce n’était qu’un simple voyage annuel, mais pour moi
c’était bien plus. Bien plus que la simple découverte des écoles d’arts
parisiennes, c’était la découverte de la ville, une ville dont la beauté
tant artistique que culturelle ne cessaient de m’attirer. Le centre George
Pompidou, le musée des Arts décoratifs, le parc de la Villette... Autant
de lieux visités durant ces cinq jours, trop courts pour me satisfaire
pleinement. Une histoire d’amour avait commencé entre Paris et moi,
je savais que je reviendrais.
Cinq mois plus tard, la seule nouvelle de mon acceptation à l’école
Boulle aurait du suffire à me faire exploser de joie, mais partir c’était
mourir un peu. Procrastination oblige, il a fallu que j’attende la veille
de la rentrée et après avoir modifié deux fois mon billet de train dans
la même journée, je partais.
Ils m’attendaient au bout du quai, à 23h58, gare de Lyon. Magali et son
père étaient venus me chercher. Je n’avais rien préparé, je n’avais pas
de logement, mais cela m’était égal, une petite valise dans une main
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et une pochette à dessin dans l’autre, j’étais à Paris et c’était tout ce
qui importait.
Un seul mois m’a suffit pour faire mes marques, trouver un logement
et m’installer en colocation. J’étais devenu un Boulliste.
L’école Boulle à enrichit mon engouement pour cette ville, chaque
« sortie architecturale » était un plaisir, mon carnet de croquis à la main,
j’étais au plus près des enseignants pour capter leurs anecdotes.
Aujourd’hui encore j’affectionne me promener seul, errer et flâner
dans les rues de Paris, observer la ville avec des yeux toujours plus
affûtés et instruits, grâce à tous les cours d’histoire que j’ai pu avoir à
la Villette. Essayant de dater un édifice, photographiant la modénature
d’une façade, avec une obsession presque inquiétante. La lecture de
L’invention de Paris de Eric Hazan, terminée récemment dans le cadre
d’un exercice de formes urbaines, n’a pas arrangé les choses. Véritable
recueil d’informations sur la création de Paris, sa lecture m’a poussé
encore davantage dans mes « déambulations érudites », à l’instar de
son auteur.
Finalement, la Villette a continué ce que Boulle avait commencé.
8
P. 4
P. 4
P. 5
Une bibliothèque privée
Questions de
représentation
Pourquoi m’interdit-il l’utilisation de l’ordinateur ?
Je me suis posé cette question lors de mon premier cours de projet.
Je venais d’arriver à la Villette et par validation des acquis j’avais pu
rentrer directement en deuxième année.
Enseignants : Olivier Chaslin et Denis Gabbardo.
«Chaslin ! Le prof le plus sévère !» M’avait-on dit.
Je ne le savait pas lors de mon inscription. J’avais choisi mes professeurs
en fonction de leur programme et de leur façon de l’aborder décrite
sur la plaquette de l’école. Peut être était-ce inconsciemment pour
m’éloigner de l’enseignement de l’école Boulle que mon choix s’était
porté sur celui de Chaslin.
Le premier projet : une petite bibliothèque privée pour un particulier.
Mon premier projet d’architecture !
Certes l’enseignement de Boulle m’avait apporté des facilités,
notamment en ce qui concernait l’utilisation de l’outil informatique,
mais interdiction de m’en servir ici ! Retour à la main obligatoire !
Super je reviens deux ans en arrière...
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Avec cette brimade j’avais eu l’impression que c’était tout ce que
Boulle m’avait appris qu’il fallait que j’oublie pendant un an. À cela
venaient se rajouter des corrections aux allures de châtiment : un
exposé de son travail devant tout le monde, et des enseignants qui ne
manquent pas de remarques tranchantes... L’opposé des corrections
auxquelles j’avais pu être habitué, dans une classe de quinze élèves où
l’enseignant prend le temps de s’installer à côté de toi pour suivre ton
projet. Avec Chaslin la bonne manière de faire... c’était la sienne.
Déception et frustration étaient mes maître mots.
Cependant aujourd’hui je m’interroge : ce retour au dessin à la main
n’était-il pas nécessaire ?
Pour me défaire d’un enseignement Boulliste qui m’avait sans doute
formaté, je pense qu’un retour à l’essence même du travail de pensée
du projet passe par la pratique du dessin. D’autant plus aujourd’hui
avec la recrudescence de l’outil informatique qui a tendance à prendre
le pas sur cette dernière.
Armé d’un crayon, on se pose des questions, on pense différemment,
on réfléchit à la matérialité, on dimensionne... Moi qui débarquais
en architecture, l’appréhension du projet et de son échelle par les
pratiques du plan, de la coupe et de la perspective à la main, a été très
instructrice. L’outil informatique finalement bloque la réflexion et c’est
ce que Chaslin avait sans doute voulu me faire comprendre. Comment
penser avec une échelle correcte lorsqu’avec une molette on peut
zoomer et dé-zoomer à volonté ?
Le dessin est donc à considérer comme une prolongation directe
de la pensée : sa pratique m’a permis d’être dans la géométrie et
non dans le numérique. J’ai pu me concentrer sur l’essentiel et le
fond du projet, la manière dont les espaces se mettaient en place, les
relations visuelles, l’intégration du projet dans son site, et par dessus
tout son orientation, une problématique jamais vraiment abordée en
architecture intérieure puisque j’ai toujours eu à intervenir dans des
espaces déjà existants. Son enseignement m’a également appris à
dessiner un projet par la coupe. Un véritable déclic.
Il m’a permis de penser le projet différemment : en design d’espace,
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nous ne raisonnions pas vraiment en coupe mais plutôt en plan, le
volume étant déjà imposé par l’existant dans lequel nous travaillions.
J’ai pu réaliser au travers de cette petite bibliothèque mais également
de toute ma deuxième année l’importance de la COUPE, car c’est elle
qui règle les hauteurs, les échelles, les vues et la lumière. Je pourrais
d’ailleurs citer Vincent Brossy, mon enseignant de troisième année :
« le projet se fait en coupe ! »
En ce sens je pense que l’enseignement « Chaslin » a été formateur,
il m’a donné des bases solides en architecture que je n’avais pas du tout
en arrivant d’un cursus plutôt artistique. Il faut bien comprendre que
le travail du projet d’architecture intérieure à Boulle avait davantage
attrait à de la réhabilitation. Chaque projet débutait par une analyse
de l’existant dans lequel nous devions intervenir, puis s’en suivait la
mise en place d’une intention forte de laquelle devait enfin découler
une réponse spatiale. Un travail sur les limites, sur les parois, sur les
circulations intérieures, sur les couleurs et le mobilier, rien à voir
donc avec un site libre, sur lequel je devais concevoir un petit édifice
particulier.
L’architecture c’est précis, il faut penser la lumière, les vues, les
fonctions, et les volumes.
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échelle 1/1000
échelle 1/1000
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Île Arts et spectacle échelle 1/500
Île Nouvelles Technologies échelle 1/500
Les doigts verts, ZAC Clichy-Batignolles
Affichage
Pourquoi m’interdit-on un super rendu imprimé en
couleurs, pour des vieux formats A3 scotchés au
mur ?
La question de la communication visuelle me semble importante
en architecture. J’ai eu la chance durant mes trois années d’arts
appliqués, d’être initié et poussé à la pratique du graphisme et de la
communication visuelle dans la représentation de mes projets. Il est
vrai qu’à l’école Boulle, on insistait peut être un peu trop sur ce point,
jusqu’à rendre parfois le plus inconsistant des projets, plaisant à l’œil.
Il faut que vos planches soient sexy ! Vous devez vous vendre !
Certes, il faut savoir se vendre, nous serons amenés plus tard à
le faire, lors de rendus de concours par exemple. Mais avant même
cela, il faut savoir communiquer son projet avec brio. C’est là l’une
des lacunes de la Villette : il n’y a pas d’initiation au graphisme ou
à la communication visuelle, ou bien celle-ci est propre à chaque
enseignant de projet. Je tiens d’ailleurs à remercier Justine Lipski pour
la merveilleuse initiative qu’elle a entreprise en invitant Laurence
Madrelle pour une conférence. En espérant que cette démarche
sera la première d’une longue série pour débrider les étudiants à la
communication de leurs projets.
15
Autant dire que devoir présenter des simples formats A3 lors de
mon premier rendu à la Villette m’a un peu refroidit. Mais peut-être
ai-je trop tendance à juger de prime abord l’aspect visuel plutôt que
l’intention ? Chaslin a sans doute eu raison de négliger la première
pour privilégier la seconde. Il disait souvent : « en deuxième année
vous êtes mauvais ! L’ordinateur, la 3D, là n’est pas le sujet »
Finalement, ce manque de communication visuelle ne m’a pas
pénalisé, au contraire je pense qu’il m’a plutôt permis de me concentrer
sur l’essentiel : des belles planches, je savais faire ça à Boulle, mais
un bon projet d’architecture, je ne connaissais pas. Néanmoins, un an
sans pratiquer et me voilà démuni, avec le sentiment étrange d’avoir
perdu un peu de mes capacités. Hier avec Chaslin et l’impression de
ne pas pouvoir montrer ce que je savais faire, aujourd’hui avec Brossy
et la liberté totale de pouvoir communiquer mon projet comme bon
me semble.
Cependant, travailler un beau rendu en vue d’imprimer des grand
formats A0 prend du temps. Aujourd’hui, même si mes enseignants
sont ouverts à de belles planches composées, je dois avouer que les
simples formats A3 me permettent de gagner un temps précieux sur
d’autres éléments du projet comme la maquette par exemple.
De plus, il est important de précisez que tout nos rendus à Boulle
se déroulaient devant des professionnels extérieurs. L’image véhiculée
par notre affichage était donc primordiale, surtout lorsque nous
devions «faire honneur à l’école» devant la commissaire d’exposition
du musée des Arts Décoratifs.
Mon premier rendu! Qu’est-ce que j’avais pu le rater!
À la Villette, il n’y a peut être que pour le dernier rendu de la ZAC
Clichy-Batignolles pour lequel mon groupe et moi avions misé sur une
belle présentation, mais l’échelle du projet l’imposait sans doute.
16
Case Study House n°22, vue extérieure
Une petite bibliothèque privée, vue intérieure
Réalité artificielle
J’aime dessiner.
Un bon dessin peut apprendre beaucoup de choses.
On ne peut pas tout dire sur un seul dessin alors on
décide de l’information que l’on veut transmettre.
Un bon dessin parle beaucoup plus qu’une mauvaise
3D, mais une bonne 3D est beaucoup plus vendeuse !
Après la frustration, l’occasion de montrer ce que je savais faire est
enfin arrivée. L’intitulé du cours est « initiation au dessin informatique »,
autant dire que je vais bien m’amuser ! En plus l’enseignante est
adorable, je lui ai dis que j’avais déjà travaillé en agence et qu’en ce qui
concerne les logiciels de CAO et de modélisation 3D, j’avais dépassé
le stade de l’initiation. Elle me laisse travailler sur un de mes projets
personnels.
Parfait ! Je n’ai qu’à reprendre ma petite bibliothèque et réaliser le
rendu que je n’ai pas pu faire !
Ce désir profond de révéler mes compétences, cette envie insatiable
de reprendre ce projet qui me tient à cœur pour le perfectionner avec
l’outil informatique, cela me vient directement de Boulle.
À mon clavier, je n’ai pas de temps à perdre, je dois faire des images
hyperréalistes sinon je vais être déçu.
Pourquoi cet engouement envers la pratique de la modélisation
d’images de synthèse ?
Pour deux raisons en fait.
19
La première, mon premier stage en agence d’architecture intérieure.
Nom : CARBONDALE
Architectes associés : Pierre Tortrat, diplômé des Beaux-Arts de Paris
et Eric Carlson, architecte dplg et co-fondateur du département
architecture intérieure de Louis Vuitton.
Autant dire que ça rigolait pas !
Effectué entre mes deux années de BTS design d’espace, il m’a ouvert à
la réalité du métier et au contact avec les clients. Il m’a appris le travail
d’équipe et par dessus tout m’a fait réaliser l’importance de la 3D dans
la communication du projet. Je me suis vu confier les esquisses de
projets importants comme la boutique Longchamps à Hong Kong ou
celle de Tag Heuer à Las Vegas. J’ai rapidement compris, même si à ce
stade de mes études je ne pratiquais pas autant qu’aujourd’hui, que le
fait de savoir réaliser une perspective réaliste et de manière efficace
était le meilleur moyen de se rendre indispensable au sein d’une
agence. Outre les capacités de conception, une bonne maîtrise des
outils est donc nécessaire pour trouver du travail en tant que jeune et
futur architecte. D’ailleurs, avant de trouver ce stage, je m’en étais vu
refuser de nombreux pour la simple raison que je ne maîtrisais aucun
logiciels informatiques à l’époque. Cruel dilemme entre le crayon et le
clavier !
La seconde, c’est une rencontre.
Mon changement de colocataire, survenu au cours de ma deuxième et
dernière année à Boulle.
Nom : Lionel Segura
Métier : Infographiste 3D pour les architectes, les designers et les
effets spéciaux dans le cinéma.
Cette rencontre à changé ma vie et ce n’est pas peu dire !
La 3D, c’est son métier. À la manière d’un prof particulier à domicile, il me
20
forme et me pousse à aller toujours plus loin dans mes modélisations.
Véritable passionné et réellement doué dans son travail, il m’a transmit
son acharnement à réaliser des images bluffantes de réalisme.
Les images de synthèse sont aujourd’hui un moyen de communication et de représentation du projet que j’utilise au quotidien, parfois
au détriment du dessin.
D’ailleurs, pour revenir sur la question du choix entre dessin à la main
et image de synthèse, je pense que lorsque l’on commence à atteindre
un niveau de détail comme celui que je m’efforce d’avoir, on se pose de
réelles questions, autant, voire peut-être même plus qu’à la main. Le
revêtement du sol et des parois, la position et le choix du mobilier, la
forme de la poignée de porte, l’éclairage artificiel (modèle, puissance
et position des spots et des lampes)...
Les deux outils sont de toute façon complémentaires puisque
la 3D vient en fin de chaîne, après le dessin manuel, suivi du dessin
informatique.
21
Chantier de la Philharmonie de Paris, R-1, Jean François Dary Colonna
L’art et la technique
Je crois que l’art est la seule forme d’activité par laquelle
l’homme en tant que tel se manifeste comme véritable
individu. Par elle seule, il peut dépasser le stade animal,
parceque l’art est un débouché sur des régions où ne
domine ni le temps, ni l’espace.
Marcel Duchamp
La technique parachève ce que la nature est dans
l’impossibilité d’élaborer jusqu’au bout.
Aristote
L’avantage majeur en arrivant d’une filière Arts Appliqués, c’est de
pouvoir jouir d’une culture artistique hyper-développée. Pendant trois
ans, histoire de l’art, histoire du Design, et histoire de l’architecture...
Les références apprises sont nombreuses.
Je suis souvent stupéfait ici, lorsque le nom de tel ou tel artiste ou
designer célèbre sort de ma bouche, on me répond : « hein ? Qui
ça ? » C’est vrai, certains considèrent que l’architecture c’est surtout
la technique, qu’il faut être issu d’un baccalauréat scientifique et être
bon en mathématiques. En ce qui me concerne, je suis plutôt de ceux
qui pensent que l’architecture c’est la sensibilité et l’émotion ! Le
Design, le dessin et la peinture sont autant de disciplines connexes
qui enrichissent la pratique de l’architecture et en ce sens Boulle a su
développer cette partie de moi.
Cependant, j’ai souvent le sentiment d’avoir été lâché avec une
23
bonne maîtrise des outils mais sans réellement savoir quoi en faire.
Je sais dessiner certes, mais un bon dessin ne fait pas un bon projet.
L’habilité ne fait pas tout. Qu’en est-il de la question de l’habilité et de
l’exécution face à la conception ? Suis-je condamné à être un exécutif ?
Sûrement pas ! Je n’en ai aucunement envie !
C’est ainsi que j’ai eu à redoubler d’efforts pour combler mes
lacunes en construction. Il y a eu les cours bien sur, dispensés par M.
Arlot et par M. Gaubin, mais c’est surtout mon premier stage ouvrier
et le fameux TD de construction encadré par M. Sandorov qui m’ont
le plus appris.
Mon stage ouvrier, je l’ai effectué sur l’énorme chantier de la
Philharmonie de Paris, le projet réalisé par Jean Nouvel. C’est un peu
par chance et par culot aussi que j’ai intégré la maîtrise d’ouvrage
avec laquelle j’ai pu être en totale immersion pendant trois semaines.
J’ai assisté à toutes les réunions et suivis tous les sujets. Une très
bonne expérience sur l’apprentissage des techniques de construction
et de mise en œuvre d’un tel édifice. En passant par la structure et
l’acoustique, le stage m’a donné un aperçu bref mais très instructif de
la façon dont un projet peut passer de la conception à la réalisation.
Le TD de construction quant à lui, fut un exercice complet et très
intéressant dans la mesure où tous les moyens étaient à investir afin
d’analyser un édifice de A à Z.
« Tu fais de supers dessins mais tu dois te scinder en deux. Je veux
que tu sois aussi bon en structure maintenant » Disait Monsieur
Sandorov.
Croquis à la main, plans et coupes sur informatique, modélisations 3D,
maquettes... Des allers-retours constants entre toutes ces techniques
pour décortiquer l’église de Notre Dame de L’Arche d’Alliance
d’Architecture Studio.
Je pense aujourd’hui différemment, j’ai réalisé que la tâche de
l’architecte est loin d’être aisée, à mi-chemin entre art et technique,
il doit être suffisamment artiste pour émouvoir mais suffisamment
technique pour être concret.
24
Autoportrait, octobre 2012, Jean François Dary Colonna
Derrière l’objectif
Perrone, Historial de la Grande Guerre, Lundi 6
février 2012, 11h. Il fait froid ce matin mais je m’en
moque, j’ai mon carnet de croquis et mon Canon
AL1, mon fidèle compagnon de route. Je viens de
charger une pellicule neuve, je suis prêt.
Cette rentrée à La Villette a été comme le commencement de
quelque chose de nouveau. Avec elle, le début d’une passion : la
photographie. J’ai enfin décidé de me lancer dans cette discipline qui
me tenait à cœur depuis longtemps. Peut-être parce que je me sens
plus libre ici d’exprimer ma pensée avec de nouveaux outils, ou bien
parce que je viens de mettre la main sur un vieux laboratoire photo
que j’ai installé dans ma salle de bain. J’ai eu l’opportunité d’utiliser
ce support photographique lors d’un rendu de TD partagé : l’analyse
et l’étude de la sous-face de l’Historial de la Grande Guerre à Perrone,
réalisé par Henri Ciriani. J’ai été agréablement surpris de voir à quel
point mes photos ont plu et cela fut une très bonne expérience. Moi
qui pensais que les enseignants n’étaient pas souvent réceptifs à cet
outil de communication.
La photographie en architecture, c’est pour moi un moyen de mieux
observer tout ce qui m’entoure, de la même manière que la pratique
du dessin a su développer mon regard, celle de la photographie l’affûte
27
davantage, et c’est grâce à la Villette que j’ai pu développer cette
pratique. Ce qui me passionne ? Sa capacité à fixer un instant à jamais,
tout en saisissant au vol, la seconde qui l’a précédé et en anticipant
la seconde qui suivra. Elle est mon échappatoire, ma façon à moi
de respirer lorsque tout me semble insurmontable. Dans un rythme
effréné qu’est celui des études, j’ai l’impression qu’en appuyant sur le
déclencheur, le temps s’arrête. Avant de reprendre à nouveau.
Pourquoi choisir un atelier d’arts plastiques où je
vais encore faire du dessin ou de la peinture ? Bon
d’accord, j’adore ça ! Mais je devrais quand même
essayer de m’ouvrir à autre chose...
Un autre support similaire auquel je me suis initié à la Villette, c’est
la vidéo. Tout d’abord en deuxième année avec Emmanuel Licha et
Olivier Jeudy, et plus récemment cette année avec Hugues Reip et
Valérie Jouve. La vidéo est un thème qui m’attirait depuis quelques
temps et davantage depuis que je m’y suis initié.
Au cours de ces deux années j’ai appris à connaître son langage,
les termes techniques, la technique aussi (enfin je suis loin d’être
professionnel bien sûr). Cette année, j’ai poussé mes capacités
encore plus loin puisqu’avec mon binôme nous nous sommes lancés
dans le projet ambitieux d’un projection mapping sur une façade. La
question n’était plus comment la vidéo peut-elle être un support pour
l’architecture mais plutôt comment l’architecture peut, elle aussi, être
le support d’une vidéo ? Évidemment, il ne s’agissait pas de projeter
sur une façade dans la rue, c’était bien trop compliqué, mais seulement
sur une petite maquette d’une façade façon Louis Sullivan, haute de
1m60, large de 80cm. Ce projet nous a demandé beaucoup de travail
mais nous y sommes arrivés, et malgré des difficultés à caler l’image
sur le volume, le rendu fut réussi.
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Ayant toujours été cinéphile, ce désir de faire de la vidéo doit venir
de là. J’adore observer les petits détails, les décors, les accessoires, les
costumes, les lumières, les ambiances et il me semble bien que depuis
que je suis entré à la Villette, je développe davantage cet acharnement
compulsif. L’école et la pratique de la vidéo ont une influence sur ma
façon d’observer ce qui m’entoure. D’ailleurs, je crois que depuis
peu je m’imagine bien être architecte pour le cinéma... Trêves de
rêveries ! Dans l’immédiat, je pense plutôt m’orienter vers le séminaire
Art, Cinéma et Architecture, afin de développer cette culture que
j’affectionne et élaborer ainsi ma pensée dans «des formes à priori
non académiques».
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Le stress
fiche technique
Stress (n. m) : en biologie, c’est l’ensemble des
réponses d’un organisme soumis à des pressions ou contraintes de la part de son environnement.
Ces réponses dépendent toujours de la perception
qu’a l’individu des pressions qu’il ressent. Selon
la définition médicale, il s’agit d’une séquence
complexe d’événements provoquant des réponses
physiologiques, et psychosomatiques.
Le stress occupe une grande partie de ma vie. Un peu trop en fait.
Quand est-ce que je stresse ?
Dès qu’il s’agit de concevoir, réaliser, dessiner, écrire... Dans toutes
mes actions créatrices du quotidien, je stresse face à l’idée de ne rien
produire d’intéressant.
En projet, le stress se traduit par l’impression que tout est
insurmontable, que je n’y arriverais pas puisque de toute façon je suis
nul. Je me retrouve systématiquement face au même problème : une
incapacité à faire un choix. Pourquoi ? Parce que choisir c’est renoncer,
mais pour avancer enfin. Cependant, il peut s’écouler un laps de temps
relativement conséquent avant que je réussisse à poser mon crayon
sur ma feuille et que je dessine. Durant cette période de réflexion, c’est
une remise en question perpétuelle de toutes mes idées et intentions.
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Je suis incapable d’avancer. Dans le doute, une seule question revient
sans cesse : « Est-ce que ça va plaire au prof ? »
Atteins du syndrome du retardataire chronique, je me lance dans
toutes les activités possibles et inimaginables avant de m’atteler à la
tâche problématique. Néanmoins, une fois que j’ai commencé, je ne
sais plus m’arrêter.
D’où ce stress peut-il bien venir ?
C’est évident, Boulle m’a appris le désir de bien faire les choses, d’en
vouloir toujours plus, et de ne jamais savoir dire «stop!» Il faudrait que
tout soit parfait, sans même m’accorder le temps de chercher. À la fois
avantage puisqu’elle me pousse à aller au bout de mon travail, cette
obstination à vouloir bien faire me rend également la vie impossible,
tant la quête de la perfection est interminable. Ce désir de vouloir à
tout prix plaire à l’enseignant, le seul but étant la bonne note, est une
réaction typiquement Boulliste. Phénomène ridicule et absolument
injustifié ici en architecture.
Vincent Brossy : « Vous faites encore ça pour la note ! » d’un ton
stupéfait.
Tout à fait conscient que je devrais travailler pour apprendre et non
travailler pour une note, même si cela implique un éventuel échec. On
apprend toujours de ses échecs. Or, je ne m’en accorde pas le droit !
Sans doute est-ce par manque de naïveté, ayant déjà travaillé à
deux reprise en agence, que je me bride souvent et m’interdit
l’expérimentation. Ma créativité n’en est que davantage limitée.
Comment je le combat ?
Je crois que je vis avec au quotidien, que je ne le combat pas mais
au contraire que je suis en éternelle lutte contre. Jusqu’à ce que le
« mauvais » moment de la correction/rendu soit passé et que je réalise
enfin que je ne suis pas si nul, je suis même plutôt doué. Alors ça va
mieux... Jusqu’à ce qu’il refasse surface pour la semaine suivante.
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Réciproque, Jean François Dary Colonna
Les autres et moi
Hé ! T’as vu mon dessin ? Il est trop beau hein ?
Il est plus beau que le tient...
Je ne me sentais pas très bien à Boulle. L’enseignement était bon, ce
n’était pas ça... Je crois que c’était les autres.
Puisque c’est souvent par nos rapport avec ceux qui nous entourent
que nous nous sentons bien ou non dans notre environnement, autant
dire dans une classe de quinze, mieux vaut s’entendre avec tout le
monde. Ce qui pesait le plus, c’était la concurrence cachée sous des
airs faussement sympathiques. Une « presque » compétition pour qui
avait fait le plus beau dessin, qui avait le meilleur projet ou qui avait
les plus belles planches. Mais quel était l’enjeu de ce tournoi ? Je me
le demande bien ! Ha si, Je crois que je sais... Le gain, c’était la note!
Mais qui allait donc avoir la meilleure ? Phénomène révélateur d’une
classe beaucoup trop scolaire.
Mais cette concurrence allait bien au delà de l’enseignement du
projet, puisque sur quinze étudiants, au moins dix demandaient les
mêmes équivalences pour les mêmes écoles.
Comment départager dix étudiants d’un niveau à priori homogène ?
Imaginez ma tête lorsque j’ai vu tout mes « amis » recevoir leur
acceptation à Val de Seine et pas moi ! Pourquoi ? Qu’est-ce qui nous
différenciait finalement au travers d’un enseignement où tous les
projets se ressemblaient ?
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Je n’ai malheureusement pas la réponse à cette question car elle
est propre à chacune des commissions chargées de la sélection des
nouveaux admis. Ce que je sais, c’est que nous étions censés être
« l’élite », pour citer l’une de mes enseignantes. Comment peut-on
reprocher aux élèves de se croire supérieurs lorsqu’on leur inculque
pareilles sottises ? Bon je l’accorde j’ai peut-être un peu trop tendance
à stigmatiser mes deux années passées à Boulle, il n’y a pas que
du négatif dans les souvenirs qu’il me reste. Je pense bien à une
personne : Clara Langelez! Une fille formidable, douée dans tout ce
qu’elle entreprend et très généreuse, avec qui j’ai gardé le contact
et que j’apprécie toujours de revoir. Nous songeons d’ailleurs dès à
présent à fonder une agence ensemble, peut-être même avec mon
colocataire. Nous serions trois associés, une architecte d’intérieur, un
perspectiviste et un architecte.
Mais quoi qu’il en soit c’est quand même bien à partir de ma
deuxième année Boulliste que j’ai commencé à juger une école par
son prestige et non par la qualité apparente de son enseignement.
J’en profite pour rappeler que je suis entré à la Villette par dépit,
seul, tel un vilain petit canard, tandis que mes anciens camarades
se dirigeaient tous par petits groupes de trois ou quatre à l’école de
Marne la Vallée, de Val de Seine, ou des Arts Décoratifs.
Un mal pour un bien!
Ici, c’est différent, dans une promotion de 200 étudiants, nous
sommes forcément moins proches les uns des autres, et il m’a fallut
un moment avant de parvenir à m’adapter à un changement si radical.
Ne serait-ce qu’en ce qui concernait les cours en amphithéâtre, une
première pour moi, bien loin du cocon Boulliste.
Ma première réaction : me socialiser avec de nouveaux arrivants, seuls
comme moi. C’est ainsi que je fit la rencontre de Arnaud, issu lui aussi
d’un cursus artistique et aussi perdu que moi dans ce grand amphi.
Ma première rencontre à la Villette, puisqu’aujourd’hui nous sommes
devenus de vrais amis. Première rencontre mais loin d’être la dernière,
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car au fil du temps des liens se tissent avec notre entourage et nous
finissons par connaître une bonne partie de la promotion, l’opposé
donc d’un communautarisme Boulliste où je passais mon temps avec
les quinze mêmes personnes. À l’inverse d’une concurrence, on est
davantage dans l’entraide, tous issus de cursus différents, chacun
enrichit l’autre par ses idées, son histoire. On sait qu’on est tous
logés à la même enseigne. C’est par ces rapports entretenus avec les
autres que je me sens mieux ici à la Villette. Moi qui voulais partir,
je crois qu’un attachement entre cette école et moi s’est créée, un
attachement au travers des autres, des amis, des cafetiers, et des
enseignants aussi. Un attachement qui me pousse à dire « la Villette,
c’est mon école ! ».
Les autres et moi, c’est aussi en projet que ça se passe. On en
apprend beaucoup sur soi en travaillant en groupe. J’ai réalisé à quel
point je pouvais être dur avec moi même puisque je l’étais autant avec
les autres. Stressé et obstiné à vouloir bien faire, je transmettais ces
émotions aux autres parfois même jusqu’à freiner tout le groupe.
Prenons par exemple le seul véritable projet de groupe que nous avons
eu à concevoir ce semestre. Il s’agit du projet Clichy-Batignolles, notre
première initiation à l’urbanisme.
U.R.B.A.N.I.S.M.E ? Mais c’est quoi à vrai dire ?
Un travail sur un site d’une échelle beaucoup plus grande que celle à
laquelle nous nous étions habitués.
Le site des Batignolles s’étend sur près d’un kilomètre de long sur 500
mètres de large. Quoi qu’il en soit, ce nouvel exercice fut relativement
complexe, et même si, une fois terminé et avec le recul nécessaire,
nous pouvons dire que nous avons vraiment réussi à produire quelque
chose d’intéressant, c’était loin d’être gagné !
Dès le départ, les intentions étaient posées et claires : remise en
valeur du faisceau ferré, prise en considération du site à une échelle
territoriale depuis Saint Lazare jusqu’à Asnières. Les voies de chemin de
fer étaient un fleuve et notre proposition, un quai (abritant un musée
du train) qui venait chercher la ville en déversant des espaces verts
généreux. Ce qui nous manquait, c’était un concept fort sur la façon de
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faire la ville. Mais comment fait-on une ville ? Des rues, des routes, des
îlots... Je crois qu’en quatre semaines nous avons tout essayé ! Une
séance nous sommes même arrivés avec une proposition « pire que
Sarcelles ! » pour citer Caroline Bapst. Un grand moment de solitude à
quatre, entre prises de bec, retards à répétition, et mes célèbres crises
de stress qui ne manquaient pas de déstabiliser tout le groupe.
Mais ces défaut sont aussi mes qualités. C’est souvent grâce à elles
que je me suis vu endossé le rôle de meneur au sein du groupe et à
le faire avancer avec moi. Parfois même plus loin que là où d’autres
avaient l’habitude de s’arrêter.
« Tu n’es jamais content de ce qu’on fait et c’est super démotivant,
mais ton côté très perfectionniste m’a encouragé à être moi même
plus perfectionniste »
M.M.C
Finalement dans un groupe il y a des bons et des moins bon, mais
chacun est là pour amener sa touche personnelle à la réflexion. Ce qui
est beaucoup plus réaliste de ce que sera le travail en agence. Dans
un groupe hétérogène il faut composer avec les qualités et défauts de
chacun pour avancer.
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Autoportrait, PolaroïdSX70, Jean François Dary Colonna
Architecte ?
Architecte (n.m) : Personne qui conçoit le parti, la
réalisation et la décoration de bâtiments de tous
ordres, et en dirige l’exécution.
Encyclopédie Larousse
Il me reste encore deux ans d’études au moins, mais je me questionne
dès maintenant sur l’architecte que je suis en train de devenir.
Dans ma façon de concevoir, de penser un projet, de créer, comment
est-ce que je parviens à ré insuffler ce que Boulle m’a inculqué ?
Entre la maîtrise des outils et la méthode de travail, est-ce que j’arrive
finalement à allier architecture et design d’espace ? Et puis, quel genre
d’architecte serais-je ? Serais-je un bon concepteur, aurai-je de bonnes
idées, saurais-je me démarquer ?
Je doute...
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Là où mon enseignement Boulliste a été un atout, c’est dans ma
façon de penser les intérieurs.
Dès que l’échelle de projet me le permet, j’essaie, parfois même sans
m’en rendre compte, de penser à de petites choses, des détails, mais
qui pour moi ont toute leur importance. Dans la bibliothèque privée,
l’année dernière, tout était intégré. Le mobilier et les murs ne faisaient
qu’un, hors de question de poser une vulgaire étagère Billy de chez
IKEA. Un grand mural orienté correctement (les livres n’aiment pas la
lumière) desservait un espace de réunion. Plus bas, une paroi étagère
jouait le rôle de filtre entre l’espace réunion et le bureau plus privé. Je
voulais que tout soit réglé.
Idem cette année avec la conception du logement idéal. J’ai
expérimenté un deux pièces classique, traversant avec noyau central,
et une fois encore l’architecture intérieure m’a rattrapée. Je voulais
que tout soit pensé et réfléchi, du noyau, jusqu’à la bande technique
latérale, en passant par les matériaux. On trouve donc un noyau central
réduit à son strict minimum : les sanitaires et la douche. La totalité des
autres fonctions étaient contenues dans une paroi épaisse latérale. Le
noyau, n’allant pas jusqu’au plafond, permettait à ce dernier de filer
visuellement d’un bout à l’autre de l’appartement, en élargissant la
perception de ses limites. J’avais eu le temps de réfléchir un peu aux
matériaux et j’avais pensé à un retournement du sol sur cette paroi
fonctionnelle, assimilant l’intérieur à deux L imbriqués.
« Le logement c’est précis ! » disait Vincent Brossy.
J’ai fait de mon mieux pour l’être.
Finalement, au cours de cette année, au travers de laquelle je me
suis senti beaucoup plus libre que l’année précédente, j’ai pu observer
un certain changement. Ce changement n’aurait pu avoir lieu si mes
enseignants de projet Vincent Brossy et Caroline Bapst ne m’avaient
pas poussé à me dépasser et à développer une idée, un concept
jusqu’au bout. C’est bien grâce à cette démarche que nous avons osé
mon groupe et moi proposer un projet totalement utopique.
La ZAC Clichy-Batignolles «en dix fois mieux!»
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Mes enseignants ont été de véritables sources de motivation et
d’inspiration. Pour la première fois, j’ai osé franchir les limites que je
m’imposais et par conséquent proposer des projets plus originaux. Cette année m’a été bénéfique pour ma construction personnelle
en tant que futur architecte dans le sens où je deviens un peu plus
autonome, un peu plus critique aussi. Peut-être suis-je en train de
trouver ma voie et mon « style », peut-être suis-je en train de devenir
un peu architecte.
Il est très difficile sinon impossible de se projeter, d’imaginer ce
que nous serons amenés à devenir dans quelques années. Serais-je
vraiment architecte ?
J’ai déjà eu l’occasion d’approcher diverses facettes du métier au
cours de mes stages « architecture d’intérieure » et « chantier » et ces
expériences, qui furent toutes deux très bonnes, m’ont conforté dans
mes choix et dans l’idée que je serais architecte.
À présent, j’en suis sur !
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Conclusion
Et maintenant ?
Je sais pourquoi je suis là et je sais où je vais
Si on me demandait : « Est-ce que tu regrettes d’être passé par
l’école Boulle avant d’être entré en architecture ? »
Je répondrais que toute expérience mérite d’être vécue, qu’elle soit
bonne ou mauvaise, car on ne cesse d’apprendre, apprendre sur soi
même mais aussi sur les autres. Cependant, il me semble qu’une
expérience ne nous laisse jamais vraiment indemne, certes j’ai appris
beaucoup lorsque j’étais à Boulle, mais certains avantages s’avèrent
être parfois des inconvénients, des défauts que j’ai dû apprendre à
combattre.
Je révise aussi mon jugement sur l’école de La Villette, puisque je
réalise à quel point elle à pu me faire grandir et me conforter dans
mes choix en deux ans, autant que l’école Boulle à su m’inculquer
une rigueur dans mon travail et m’initier à l’architecture (intérieure).
La Villette m’a fait vivre des bons comme des mauvais moments,
m’a ouvert à de nouvelles disciplines, et m’a surpris par la qualité de
certains de ces enseignants.
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Cependant, cinq ans c’est long, et me dire qu’il m’en reste encore
au moins deux ne m’enchante pas. Je sais que je ne suis pas encore
prêt à être architecte et que le master se pose comme une évidence,
mais le désir et le besoin de rentrer dans la vie active se fait sentir de
plus en plus. Davantage lorsque l’on a déjà approché le métier à deux
reprises.
Je me projette à long terme et je m’imagine diplômé à 25 ans,
et ouvrir ma propre agence à 30... Enfin c’est ce que j’imagine pour
l’instant.
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