Les dalits du Sri Lanka : ne pas voir les castes ne signifie pas qu`il n
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Les dalits du Sri Lanka : ne pas voir les castes ne signifie pas qu`il n
Les dalits du Sri Lanka : ne pas voir les castes ne signifie pas qu’il n’y en a pas Les tabous rendent difficile la lutte contre la discrimination Le Sri Lanka comporte trois systèmes de castes parallèles pour chacun des trois groupes de population du pays : la majorité cinghalaise ; les Tamouls sri-lankais au Nord et à l’Est ; et les Tamouls indiens que l’on rencontre principalement dans les plantations de thé et en bas de la hiérarchie sociale urbaine. La plupart des personnes savent à quelle caste elles appartiennent. Toutefois, cette question est rarement soulevée publiquement et est généralement considérée comme un tabou. Plusieurs raisons peuvent justifier cela : la discrimination de castes est légère par rapport à d’autres pays d’Asie du Sud et est, en grande partie, séparée de la religion. Bien que les castes soient maintenant souvent considérées comme un concept désuet et comme une menace pour la cohésion sociale, tous les systèmes de castes pratiquent encore divers types de discrimination. Certaines castes défavorisées se voient refuser l’accès aux sites religieux et aux bâtiments pendant que d’autres sont victimes d’une discrimination fondée sur leur origine et leur travail. Certains travaux insalubres comme le nettoyage des latrines et le ramassage des ordures sont transmis de génération en génération. L’existence perpétuelle de la discrimination de castes affecte environ 20 à 30% de la population. La réticence à traiter ce problème signifie que le gouvernement refuse d’établir des systèmes de quotas ou toute autre tentative afin de favoriser les groupes de castes défavorisés. Ce manque de préoccupation a en même temps rendu difficile l’organisation des victimes de discrimination, contrairement à la situation en Inde et au Népal où il existe de solides mouvements de dalits ou de « castes inférieures ». Un mot à propos des termes Dans la plupart des pays d’Asie du Sud, le terme dalit – « personnes brisées » – est de plus en plus employé pour décrire des membres de « castes inférieures ». Cependant, ce mot est rarement employé au Sri Lanka. Certaines communautés de « castes inférieures » craignent que le concept de dalit entraîne davantage de marginalisation. Les transitions font de la place au progrès Au cours des deux dernières décennies, le Sri Lanka a connu plusieurs transitions qui ont contribué à la lutte contre la discrimination de castes. La guerre et l’émigration qui l’accompagne ainsi que les soulèvements sociaux ont davantage relâché l’emprise que les « castes supérieures » avaient traditionnellement sur les « castes inférieures ». De nouvelles organisations ont vu le jour pour combattre plusieurs pratiques discriminatoires. La situation dans les plantations de thé a été affectée par l’urbanisation et la recherche de nouvelles opportunités en ville. De nombreux jeunes sont ainsi partis en ville et devenus des jeunes de Colombo (Colombo Boys) : ils travaillent et étudient dans la capitale et rejettent les anciennes traditions de castes (voir la fin de l’article). La législation nationale a, dans certains cas, aidé des membres de « castes inférieures » à obtenir des droits fonciers. La possibilité de travailler à l’étranger – la plupart du temps comme domestiques au Moyen-Orient – a donné des alternatives à la marginalisation sociale, bien que ces travaux amènent souvent leurs propres problèmes et injustices. La guerre a fait tomber les barrières pour les « castes inférieures » La discrimination de castes au Sri Lanka a traditionnellement été la plus marquée parmi les Tamouls dans le Nord, connus comme la société de Jaffna. Des décennies de guerre ont intensifié les tensions et l’énorme souffrance dans cette région. Par contre, le gouvernement régional des Tigres de Libération de l’Îlam Tamoul (LTTE, Liberation Tigers of Tamil Elam) a aussi créé des opportunités pour les « castes inférieures ». Le LTTE correspond à la version militante du nationalisme Tamoul qui a émergé d’une campagne pour l’accès aux temples dans les années 1960. Les castes traditionnellement intouchables – connues généralement comme les Panchamars – se sont rebellées contre l’oppression de la caste dirigeante et propriétaire foncière des Vellalas. Plus tard, dans les années 1980, le LTTE a prohibé la discrimination de castes complètement, ce qui a en outre éliminé plusieurs pratiques discriminatoires. Néanmoins, toute discussion relative aux castes était découragée, les Tigres ayant besoin à la fois du soutien des Panchamars et des Vellalas dans leur lutte contre l’État. De cette façon, le LTTE pourrait avoir passé sous silence une lutte plus importante de « castes inférieures ». La guerre et les déplacements ont cependant obligé les différentes castes à se mélanger, ce qui a rendu plus difficile le maintien de l’intouchabilité et de la distance sociale basée sur les castes. Selon certaines sources, il y a de nombreux mariages entre castes au sein du mouvement. Mais la discrimination a aussi augmenté pour certains Bien que les Tigres Tamouls aient combattu la discrimination de castes comme concept, leur lutte a, dans certains cas, mené à davantage de discrimination. C’est notamment le cas parmi les nombreuses personnes qui sont déplacées dans le monde entier par des années de combats. Les plus affectées vivent dans des camps, connus sous le nom de centres d’assistance (Welfare Centres). Une majorité importante de personnes vivant dans ces centres appartient aux trois groupes défavorisés parmi les Panchamars, à savoir le groupe Nalavar (saignée de palmiers), le groupe Pallar (travaux agricoles) et le groupe Parayar (batteurs de tambour). L’accès à l’eau est un problème. Chaque centre d’assistance possède un ou deux petits puits destinés à un nombre important de familles. Cela ne suffit pas à satisfaire leurs besoins quotidiens en eau. Les personnes déplacées sont donc obligées d’aller chercher de l’eau chez leurs voisins. Ceux-ci sont souvent des Vellalas et les Panchamars – qui sont considérés « impurs » - ne sont pas autorisés à toucher leurs puits. Par conséquent, les Panchamars sont à la merci des Vellalas et ils dépendent d’eux pour avoir de l’eau. Pourquoi les « castes inférieures » se retrouvent dans des camps Les « castes inférieures » - comme les Panchamars – sont plus susceptibles de se retrouver dans des camps après une guerre ou des catastrophes naturelles. Les raisons qui expliquent cela sont les suivantes : traditionnellement, ils ne possèdent pas de terre et se retrouvent sans terre quand ils sont déplacés ; ils n’ont généralement pas de réseaux en dehors de leurs propres communautés pour les accueillir ; la plupart d’entre eux n’ont pas de moyens pour acheter leur propre terre ou abri ailleurs – et même lorsqu’ils en ont, il se peut qu’ils rencontrent des résistances pour vendre parmi les « castes supérieures » ou les Vellalas. Les travailleurs de l’hygiène publique forcés de vivre dans la saleté La municipalité de Mahaiyawa n’a jamais pris la peine de garantir une hygiène publique convenable dans la communauté. Avec des excréments coulant parfois le long des routes lorsqu’il pleut, la communauté lutte contre une hygiène insalubre, peu d’estime sociale et une discrimination de la part des autres citoyens. Cela fait de Mahaiyawa un exemple évident du mélange de discrimination de castes, sociale et ethnique qui maintient la majorité des Tamouls indiens du Sri Lanka au bas de la hiérarchie sociale. Même si la discrimination de castes a diminué au cours des dernières années, les habitants de Mahaiyawa se voient encore refuser l’accès à certains temples et écoles supérieures. Les habitants eux-mêmes considèrent les castes comme un concept désuet. Historiquement, les notions basées sur les castes d’intouchabilité ont placé la communauté au niveau le plus bas de la société. La désinsertion sociale et ethnique d’aujourd’hui a renforcé cette pauvreté et cette impuissance héritées. Exclus des avantages de la majorité Le village d’Henawala dans le centre du Sri Lanka est renommé pour son tissage de nattes et de tapis et pour ses chiffons qui sont très utilisés pour embellir d’autres communautés dans la région. Le métier des villageois est transmis de génération en génération mais on peut en dire de même par rapport à la désinsertion sociale de la population Kinnara d’Henawala. Comme c’est le cas pour tant d’autres « castes inférieures », leurs services pour la société sont appréciés alors qu’eux-mêmes ne le sont pas. Bien que le système de castes cinghalais ait toujours été perçu comme léger par rapport à celui pratiqué par les Hindous, il a cependant laissé les « castes inférieures » avec un seuil de pauvreté relativement bas en raison de l’échec des relations traditionnelles patron-client, des droits et de l’accès limités à la terre et de la croissance démographique rapide après l’éradication de maladies épidémiques. Plusieurs autres caractéristiques de la discrimination de castes sont aussi encore en place : les villageois d’Henawala ne peuvent pas quitter la communauté car l’organisation de la production de nattes et de tapis les rend interdépendants – certains se procurent le matériel, certains tissent et certains sont responsables de la distribution. Les écoles dans la région discriminent leurs enfants – et ces derniers ne croient pas beaucoup en l’éduction car ils pensent que personne ne donnerait un travail à un Kinnara. Les mariages entre castes sont vus d’un mauvais œil par les « castes supérieures » et la personne extérieure doit généralement rejoindre la communauté Kinnara. Des pratiques similaires ont lieu parmi d’autres « castes inférieures ». Le refus d’autoriser l’accès aux temples et l’exclusion des partis politiques et des organisations sont encore pratiqués ; certains villages ont leur propre hiérarchie intérieure fondée sur les castes. Même si le problème des castes cinghalaises n’est pas souvent abordé ouvertement, il y a des exemples de jeunes, venant de certaines « castes inférieures », qui se mobilisent politiquement sur base de leur désinsertion sociale et de leur revendication d’être reconnus pour plus que leurs services à la société. Les jeunes de Colombo amènent des progrès dans les plantations de thé Le thé mondialement célèbre du Sri Lanka est cueilli par les Tamouls qui sont parmi les travailleurs les plus marginalisés du pays. Ils ont été importés d’Inde par les Britanniques et leur système de castes le fut aussi en tant que partie intégrante de leur religion hindoue. En tant que membres de « castes inférieures » et en tant que Tamouls dans une société à dominance cinghalaise, ils ont traditionnellement subi une double discrimination. Cependant, comme les générations plus jeunes ont été exposées à un monde extérieur, elles découvrent des alternatives à la discrimination sociale et de castes. Les plantations de thé ont modifié le système de castes dans leur propre intérêt : les travailleurs de « castes inférieures » étaient contrôlés par des Kanganies de « castes supérieures » (superviseurs de travail) qui devenaient aussi souvent des dirigeants de syndicats. Un programme de rapatriement en 1968 a en partie sapé cette division. Un nombre important de Kanganies sont retournés en Inde, ce qui a créé plus d’opportunités pour les travailleurs des « castes inférieures » de devenir des dirigeants de syndicats et de partis politiques. Comme la domination par les « castes supérieures » a toujours eu davantage à voir avec l’organisation du travail plutôt qu’avec l’intouchabilité fondée sur la religion, la discrimination comprend rarement le refus d’avoir accès à l’eau, à l’éducation et aux services de santé. Parmi les rares tabous restants, on peut citer les mariages entre castes et la prohibition pour les « castes supérieures » de manger chez des « castes inférieures ». Certains changements sont inspirés par ce que l’on appelle les jeunes de Colombo, issus des plantations mais travaillant et étudiant dans la capitale. Quand ils reviennent rendre visite à leur famille, ils ramènent des normes du monde extérieur ; pendant les fêtes et les funérailles, ils ne tiennent délibérément pas du tout compte des castes. Ils exécutent des tâches qui étaient auparavant réservées à certaines castes comme une contribution à la communauté. En ville, de nombreux jeunes de Colombo se marient en dehors de leur propre caste. Tout ceci laisse espérer qu’une conscientisation peut en finir avec ce qu’il reste de la discrimination de castes. D’après un document IDSN, 2008 Cliquez ici pour retourner au menu principal